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Chapitre 101 - Les services publics et gouvernementaux

LES RISQUES POUR LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ AU TRAVAIL DANS LES SERVICES PUBLICS ET GOUVERNEMENTAUX

David LeGrande

Les services publics et gouvernementaux englobent une grande diversité de branches d’activité et de catégories professionnelles. On y trouve, par exemple, les travailleurs des télécommunications et des services postaux, ceux des services d’inspection et des services extérieurs ou encore le personnel chargé du traitement des eaux usées ainsi que du recyclage et de la mise en décharge des déchets dangereux. Selon le pays, des secteurs tels que les télécommunications et les services postaux peuvent relever soit du secteur public, soit du secteur privé.

Les dangers professionnels et environnementaux qui menacent la sécurité et la santé des travailleurs dans les services publics et gouvernementaux sont notamment l’exposition à des produits chimiques, à des matériaux inflammables, à des agents pathogènes véhiculés par le sang, à la tuberculose, à des risques mécaniques, à des actes de violence, ainsi qu’aux risques liés aux véhicules à moteur. Plus les services publics et gouvernementaux se développeront et deviendront complexes, plus les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs seront nombreux quantitativement et qualitativement. Toutefois, on pourra contrer cette évolution par des actions de sensibilisation et un contrôle plus poussé dans le cadre d’initiatives tripartites associant les travailleurs, les employeurs et les gouvernements.

Les risques pour la santé et les pathologies qui leur sont associées

On retrouve les types de maladies et les tableaux pathologiques propres au genre de travail exercé (utilisation de terminaux à écran de visualisation ou mise en œuvre de produits chimiques, par exemple) et à l’emplacement où il s’effectue (à l’intérieur ou en plein air).

Le travail à l’intérieur

Le travail à l’intérieur se caractérise par un certain nombre de risques parmi lesquels il faut retenir: une mauvaise adaptation de l’organisation matérielle et du travail à l’être humain, la mauvaise qualité de l’air ambiant, un chauffage, une ventilation ou une climatisation insatisfaisantes, la présence de produits chimiques ou d’amiante, des actes de violence et, enfin, l’exposition à des champs électromagnétiques (rayonnements de faible intensité).

Divers symptômes, troubles de la santé et affections ont été corrélés à l’exposition à ces risques. Depuis le milieu des années quatre-vingt, un grand nombre de maladies de nature ergonomique affectant les extrémités des membres supérieurs ont été signalées, parmi lesquelles le syndrome du canal carpien, la déviation du cubitus, le syndrome de traversée thoracobrachiale et la tendinite. Ces troubles sont essentiellement liés aux nouvelles technologies, en particulier aux terminaux à écran de visualisation ainsi qu’à l’emploi d’outillage à main et ont pour cause des facteurs d’ordre matériel ou organisationnel.

Depuis la conception et la construction d’immeubles relativement «hermétiques» au cours des années soixante-dix, on a observé une augmentation des symptômes et des affections des voies respiratoires supérieures ainsi que des troubles cutanés. Ces problèmes de santé sont associés à un mauvais entretien des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, à la présence de polluants chimiques et d’agents microbiologiques dans les locaux ainsi qu’à un apport insuffisant d’air frais.

Un certain nombre de symptômes et de maladies des voies respiratoires supérieures et de troubles cutanés ont pu être corrélés à l’exposition à des produits chimiques lors du travail à l’intérieur. Les photocopieuses, les meubles, les moquettes, les produits de nettoyage (solvants) ainsi que les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation libèrent en effet des contaminants chimiques. Un syndrome particulier, la polysensibilité aux produits chimiques (appelé aussi syndrome d’intolérance olfactive), a été associé à l’exposition à ces produits dans des milieux de travail fermés. Pour de plus amples renseignements sur ce point, le lecteur se reportera au chapitre no 13 intitulé «Les troubles systémiques».

S’agissant de l’amiante, les travailleurs peuvent y être exposés lors des travaux de rénovation ou d’entretien des bâtiments. Les produits et les matériaux qui en contiennent peuvent être endommagés à cette occasion et libérer des fibres d’amiante dans l’air.

Depuis les années quatre-vingt, on assiste au développement de la violence sur les lieux de travail et à une aggravation des conséquences qui en découlent. On a constaté que les milieux de travail connaissant des taux croissants de violence avaient en commun certaines caractéristiques qui peuvent être regroupées comme suit: manipulation d’argent, contacts avec le public, travail en solitaire, contacts avec des malades ou des clients susceptibles d’un comportement agressif et traitement des plaintes et réclamations. L’une des plus graves atteintes à la sécurité au travail est bien évidemment constituée par les voies de fait pouvant entraîner la mort. Ainsi, aux Etats-Unis, l’homicide a été, en 1992, la deuxième cause de décès (17%) sur les lieux de travail. En outre, pendant la période allant de 1980 à 1989, il a été la principale cause de décès des femmes sur les lieux de travail, comme on l’a indiqué d’une manière plus détaillée dans le chapitre no 51, «La violence», de la présente Encyclopédie.

Il est devenu courant de travailler avec du matériel électronique et d’être exposé à des champs électromagnétiques ou à des rayonnements non ionisants; nombre d’appareils émettent des rayonnements non ionisants à haute fréquence: équipements de transmission par laser et faisceaux hertziens, appareils de thermosoudage à fréquences radioélectriques, outils électriques, ainsi que installations de production d’énergie. Le rapport entre l’exposition à ces agents et les problèmes de santé qui en résultent tels que le cancer et les troubles visuels et cutanés n’est pas encore clairement établi et les recherches doivent être poursuivies. Plusieurs chapitres de la présente Encyclopédie sont consacrés à ce type de risques.

Les travaux en plein air

Les risques liés aux travaux en plein air sont notamment l’exposition aux produits chimiques, au plomb et aux déchets solides dangereux, les conditions atmosphériques, les équipements inadaptés, les véhicules à moteur, les installations électriques et mécaniques et les champs électromagnétiques.

L’exposition aux produits chimiques se rencontre dans plusieurs catégories d’activité professionnelle: élimination des déchets, alimentation en eau et assainissement, traitement des eaux usées, collecte des ordures ménagères, levée du courrier et emplois techniques dans les télécommunications. Un lien a été mis en évidence entre ces expositions et les maladies des voies respiratoires supérieures, les affections cutanées et celles du système cardio-vasculaire et du système nerveux central. Les travailleurs des télécommunications sont exposés au plomb quand ils interviennent sur des câbles de télécommunication qui en contiennent. On a établi un lien entre ces travaux et divers symptômes et maladies, notamment l’anémie, les troubles du système nerveux périphérique et central, la stérilité, les affections rénales et les malformations congénitales.

L’environnement de travail est généralement dangereux dans les stations d’élimination des déchets, de traitement des eaux usées et de collecte des ordures ménagères, de même que dans les services d’alimentation en eau et d’assainissement. Les risques professionnels sont dus notamment aux facteurs ci-après: déchets microbiologiques et médicaux, produits chimiques, carences ergonomiques, véhicules à moteur, espaces confinés et installations électriques et mécaniques. Les symptômes et maladies identifiés sont, entre autres, les affections de la peau et des voies respiratoires supérieures, les troubles musculo-squelettiques des extrémités des membres supérieurs et inférieurs, les affections cardio-vasculaires, celles du système nerveux central et les problèmes de la vue. On a également relevé des cas de plaies contuses, d’épuisement dû à la chaleur et d’attaques d’apoplexie.

La présence sur les lieux de travail d’outils et de matériels mal conçus est courante dans toutes les catégories professionnelles des services publics effectuant des travaux en plein air. Les risques encourus sont principalement imputables à une mauvaise conception des outils à main et électriques, des machines ou des véhicules à moteur. Ils peuvent se traduire par des symptômes et des affections musculo-squelettiques touchant les extrémités des membres supérieurs et inférieurs. Parmi les problèmes liés à la sécurité, on note des troubles visuels, des foulures et des fractures.

Les risques associés aux véhicules à moteur sont dus parfois à une conception inadaptée de l’équipement (par exemple, des trémies, des compacteurs ou des engins élévateurs), ainsi qu’au fonctionnement défectueux du matériel, autant de facteurs qui peuvent provoquer des lésions musculo-squelettiques et parfois entraîner la mort. Les accidents causés par les véhicules à moteur sont les principaux responsables des lésions mortelles ou non sur les lieux de travail en plein air.

Les risques liés aux installations électriques et mécaniques sont dus notamment à une mauvaise conception, à des chocs électriques ainsi qu’à l’exposition à des produits chimiques. Ils sont responsables d’un certain nombre de problèmes de santé (foulures, fractures, troubles du système nerveux central, de l’appareil cardio-vasculaire, des voies respiratoires supérieures et troubles cutanés) et parfois même de décès.

On a constaté un lien entre le travail effectué avec des équipements de transmission électrique ou à proximité de ceux-ci et les champs électromagnétiques des rayonnements non ionisants qui y sont associés et l’apparition de certains symptômes et troubles du système nerveux central ainsi que de cancers. Toutefois, la recherche scientifique et épidémiologique n’a pas permis d’établir clairement jusqu’ici le degré de dangerosité des champs électromagnétiques.

Les activités menées à l’extérieur dans le cadre des services publics et gouvernementaux posent plusieurs problèmes d’environnement et de santé publique. Ainsi, les produits chimiques, les agents microbiologiques, les eaux usées et les ordures ménagères sont parfois utilisés et rejetés inconsidérément, si bien qu’on les retrouve dans la nappe phréatique, les cours d’eau, les lacs et les océans qu’ils polluent. Ces déchets peuvent également contaminer les réseaux publics d’alimentation en eau et contribuer à créer des décharges toxiques, ce qui se traduit par la détérioration et la destruction de l’environnement et la dégradation de la santé publique. Les effets sur la santé humaine sont principalement des troubles cutanés, du système nerveux central et de l’appareil cardio-vasculaire, ainsi que certains types de cancers.

Etude de cas: la violence contre les gardiens de parcs et de jardins publics en Irlande

Dans les grandes villes d’Irlande, les gardiens de parcs et de jardins publics sont chargés de «maintenir la paix et le contact avec le public» (c’est-à-dire de décourager le vandalisme et de répondre aux plaintes éventuelles) ainsi que d’exécuter de petites tâches de nettoyage (débarrasser les ordures et détritus tels que bouteilles cassées, aiguilles et seringues jetées par des toxicomanes et préservatifs usagés). Leurs horaires sont peu compatibles avec une vie sociale: ils commencent à travailler vers midi et restent en service jusqu’à la tombée du jour, moment où ils doivent en principe fermer les grilles des parcs et jardins publics; cela représente de longues heures de travail en été, compensées toutefois en partie par des journées plus courtes en hiver.

Dans la plupart des parcs et des jardins publics, il n’y a qu’un seul gardien, bien que d’autres employés des municipalités locales soient parfois chargés de l’aménagement des espaces verts, du jardinage et d’autres tâches. D’habitude, la seule construction que l’on rencontre en ces lieux est le dépôt où l’on range le matériel de jardinage et où le personnel peut se réfugier en cas de très mauvais temps. Pour ne pas déparer le paysage, les dépôts sont généralement installés dans des emplacements isolés, hors de la vue du public, où ils font l’objet d’actes de vandalisme et de chapardage de la part de bandes de jeunes.

Les gardiens de parcs et de jardins publics sont souvent exposés à la violence. Une politique de l’emploi, qui favorisait jusque-là le recrutement de personnes souffrant de handicaps légers, a été récemment abrogée lorsqu’on s’est rendu compte que ces personnes deviendraient la cible de graves agressions si leurs handicaps étaient portés à l’attention du public. Jusqu’à une date récente, le personnel relevant des services publics n’était pas couvert par la législation irlandaise en matière de sécurité et de santé, qui ne s’appliquait qu’aux chantiers de construction, installations portuaires, fabriques et autres. Il n’existait aucun texte officiel concernant les actes de violence contre les travailleurs des parcs et jardins publics et ceux-ci, à l’inverse de leurs homologues de certains autres pays, ne portaient ni armes à feu ni autres moyens de défense. Ils n’avaient pas non plus la possibilité de faire appel à des services de soutien psychologique après avoir été agressés.

La pratique consistant à affecter de préférence à la surveillance de tel ou tel parc des gardiens vivant à proximité s’expliquait par le fait qu’ils seraient plus à même d’identifier les perturbateurs de l’ordre public susceptibles d’avoir commis des actes de violence. Or, cette pratique exposait encore davantage au danger de représailles les gardiens qui avaient identifié les coupables et ne les incitait guère à déposer plainte contre leurs assaillants.

Par ailleurs, l’insuffisance des effectifs de police dans les parcs et les jardins publics et la rapide remise en liberté des délinquants reconnus coupables contribuaient à saper le moral des victimes d’actes de violence.

Les syndicats auxquels sont affiliés les gardiens de parcs et de jardins publics et autres agents des services publics encouragent activement la lutte contre la violence. Les mesures prises comprennent notamment une formation à l’identification et à la prévention des actes de violence, et cela dans le cadre des programmes organisés à l’intention des agents de la sécurité publique.

Bien que la législation irlandaise en matière de sécurité et de santé englobe désormais le personnel relevant des services publics, la création d’un comité national de lutte contre la violence et de prise en charge des victimes serait bien accueillie. Certes, il existe à présent des directives sur la prévention de la violence destinées à aider les agents chargés d’évaluer les risques de violence sur les lieux de travail, mais il reste à en étendre l’application à toutes les professions présentant des risques de cette nature. En outre, il serait souhaitable d’augmenter les ressources mises à la disposition des forces de police urbaines et de renforcer la coordination entre les différentes unités pour pouvoir traiter le problème de la violence et des agressions dans ces lieux publics.

Tous les travailleurs que leurs tâches mettent en situation d’être confrontés à des individus ou à des groupes susceptibles de se montrer violents à leur égard devraient recevoir une formation appropriée pour apprendre notamment à aborder et à traiter les individus au comportement menaçant et à employer des techniques d’autodéfense.

Il serait également utile d’améliorer les communications pour signaler les situations graves et demander de l’aide. Une première mesure devrait consister à installer des téléphones dans tous les dépôts des parcs et des jardins publics, et les gardiens devraient disposer de talkies-walkies ou de téléphones portables lorsqu’ils travaillent loin du dépôt. Des systèmes de caméras vidéo pour la surveillance des zones sensibles, telles que les dépôts des parcs et des jardins publics et les installations sportives, pourraient également contribuer à décourager les actes de violence.

Daniel Murphy

LES SERVICES D’INSPECTION

Jonathan Rosen

Les services des administrations nationales, régionales, municipales ainsi que des collectivités locales emploient des inspecteurs qui ont pour mission de s’assurer que la législation visant la sécurité et la santé des travailleurs ou du public est respectée. Traditionnellement, il appartient aux gouvernements de promulguer des lois et des règlements pour faire face aux risques socialement inacceptables et de confier à des organismes désignés le soin d’en assurer l’application. Les inspecteurs sont essentiellement chargés de l’application de ces textes officiels.

L’un des aspects de ce mandat législatif vise l’inspection des lieux de travail pour veiller au respect des pratiques en matière de sécurité et de santé. Des inspecteurs se rendent sur place, de temps à autre, pour contrôler l’application des règlements relatifs aux lieux de travail, aux risques professionnels et environnementaux éventuels, aux matériels utilisés et à la manière dont le travail est effectué, y compris à l’utilisation de l’équipement de protection individuelle. Les inspecteurs sont habilités à imposer des sanctions (citations à comparaître, amendes en espèces et, dans les cas particulièrement graves, poursuites pénales) quand ils constatent des carences. Selon les dispositions en vigueur localement, les autorités régionales peuvent partager avec les autorités nationales la responsabilité des inspections.

Les autres domaines dans lesquels les organismes gouvernementaux peuvent exercer des responsabilités en matière d’inspection sont notamment la protection de l’environnement et des consommateurs, la réglementation relative aux produits alimentaires et aux médicaments, l’énergie nucléaire, le commerce entre Etats, l’aviation civile et la santé publique. Les inspections techniques et celles des bâtiments sont généralement organisées à l’échelon local.

Les fonctions de base et les mesures de protection dont s’occupent les services d’inspection sont semblables partout dans le monde, bien que la législation et les structures gouvernementales diffèrent d’un pays à l’autre. Cette question est examinée dans le chapitre no 23, «Les ressources institutionnelles, structurelles et juridiques», de la présente Encyclopédie.

Afin de protéger les travailleurs et les biens, d’éviter les sanctions et la publicité néfaste qui les accompagne, de réduire le nombre de cas où la responsabilité légale des employeurs est engagée et de limiter le coût de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les entreprises du secteur privé effectuent souvent des inspections et des contrôles internes pour s’assurer qu’elles respectent les normes en vigueur. Ces contrôles peuvent être réalisés par des membres qualifiés du personnel ou des consultants externes. Aux Etats-Unis et dans certains autres pays développés, on a assisté à la prolifération d’organismes de consultants du secteur privé et de départements universitaires offrant aux employeurs des services spécialisés dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail.

Les risques

Les inspecteurs peuvent être exposés aux risques mêmes qu’ils sont chargés d’identifier et d’éliminer. Ainsi, les inspecteurs de la sécurité et de la santé visitent parfois certains sites dont l’environnement est toxique, où les travailleurs sont exposés à des niveaux de bruit nocifs, à des agents infectieux, à des rayonnements dangereux, à des risques d’incendie ou d’explosion et où les bâtiments et les équipements présentent des dangers. Contrairement aux travailleurs qui exercent leur activité dans un environnement donné, les inspecteurs sont appelés à intervenir sur des sites sans cesse différents. Ils doivent, de ce fait, anticiper les risques auxquels ils vont se trouver exposés le jour de leur visite et s’assurer qu’ils disposent des outils et de l’équipement de protection nécessaires. Ils doivent aussi se préparer au pire. Ainsi, lorsqu’ils pénètrent dans une mine, ils doivent être prêts à affronter une atmosphère pauvre en oxygène, des incendies, des explosions et des éboulements. Les inspecteurs qui contrôlent les cellules d’isolement dans les établissements de soins doivent se protéger contre les organismes contagieux.

L’un des principaux risques auxquels les inspecteurs doivent faire face est le stress au travail; celui-ci peut être dû à un certain nombre de facteurs:

Les organismes qui emploient des inspecteurs doivent édicter des dispositions de prévention rédigées dans un langage clair et qui définissent les mesures propres à assurer la protection de la santé et du bien-être des inspecteurs, en particulier de ceux qui travaillent sur le terrain. Aux Etats-Unis, par exemple, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) a inclus de telles mesures dans ses directives. Dans certains cas, cet organisme exige que les inspecteurs se renseignent avant d’utiliser tel ou tel équipement de protection. Le bon déroulement de l’inspection peut en effet être compromis si l’inspecteur ne respecte pas lui-même les règles et les procédures en matière de sécurité et de santé.

L’éducation et la formation sont les éléments indispensables à la préparation des inspecteurs à leur propre protection. Lorsque des normes sont promulguées et que de nouvelles initiatives ou de nouveaux programmes sont adoptés, les inspecteurs devraient recevoir une formation appropriée leur permettant de préserver leur santé et leur intégrité corporelle et de satisfaire aux exigences de ces normes et aux modalités de leur application. Malheureusement, une telle formation leur est rarement dispensée.

Dans le cadre des rares programmes qui leur enseignent à faire face au stress de leur profession, les inspecteurs devraient être formés aux techniques de communication et aux comportements à adopter face à des personnes agressives ou violentes.

Le tableau 101.1 énumère certaines catégories d’inspecteurs des services publics et les risques auxquels ils peuvent être exposés. Des informations plus détaillées sur l’identification de ces risques et la façon d’y faire face sont données ailleurs dans la présente Encyclopédie.

Tableau 101.1 Risques pour les agents des services d'inspection

Professions

Tâches

Risques correspondants

Agents chargés de faire respecter les normes de sécurité et de santé au travail

Enquêter sur les risques pour la sécurité et la santé et les recenser

Grande diversité de risques pour la sécurité et la santé

Inspecteurs de l’agriculture

Enquêter sur la sécurité et la santé des travailleurs de l’agriculture

Matériel agricole, produits chimiques, pesticides, agents biologiques et milieu extérieur

Inspecteurs de l’environnement

Enquêter sur les sites industriels et agricoles pour détecter les cas de pollution de l’air, de l’eau et du sol

Risques chimiques, physiques, biologiques et dus à l’insalubrité

Inspecteurs de la santé

Enquêter sur les cliniques et les hôpitaux pour vérifier si les normes de sécurité et de santé sont respectées

Risques infectieux, chimiques, radioactifs ou matériels

Inspecteurs de l’alimentation

Enquêter sur la sécurité des produits alimentaires et sur les entreprises alimentaires et les dénombrer

Insectes nuisibles et agents microbiologiques associés; agents chimiques; actes de violence et attaques de chiens

Inspecteurs du bâtiment et des travaux publics

Enquêter sur le respect des règlements relatifs aux bâtiments, à l’incendie et à l’entretien

Structures, matériels, machines et matériaux de chantier dangereux

Inspecteurs des douanes

Enquêter pour déceler l’entrée dans le pays de marchandises de contrebande et de matières dangereuses

Explosifs, drogues, risques biologiques et chimiques

Un phénomène observé récemment dans de nombreux pays, qui inquiète bien des gens, est la tendance à la déréglementation et à l’érosion de l’importance accordée à l’inspection en tant que mécanisme d’application des lois et des règlements. Cette évolution se traduit par un manque de moyens financiers, la dégradation des services d’inspection et la réduction de leurs effectifs. La sécurité et la santé des inspecteurs, mais également la santé et le bien-être des travailleurs et du public que les inspecteurs sont chargés de protéger, sont un sujet de préoccupation croissante.

LES SERVICES POSTAUX

Roxanne Cabral

Bien que le rôle social de la plupart des administrations postales — à savoir la collecte, le tri et la distribution du courrier national et le traitement du courrier international, de même que la protection de la sécurité des envois — n’ait pas changé depuis le siècle dernier, les méthodes de travail ont évolué en fonction des rapides progrès de la technique et de l’accroissement du volume du courrier à traiter. L’Allemagne, l’Australie, la France, le Royaume-Uni, la Suède et bien d’autres pays industriels traitent chacun tous les ans des milliards d’objets de correspondance. En 1994, le service postal des Etats-Unis en a distribué près de 200 milliards, soit 67% de plus qu’en 1980. La concurrence des entreprises du secteur privé présentes sur le marché, en particulier pour la distribution des colis et celle des envois par exprès, de même que l’apparition d’innovations techniques telles que télécopieurs, modems, courrier électronique, transfert électronique de fonds et systèmes par satellites ont aussi changé les modes de communication des individus et des entreprises. Comme les messageries privées effectuent bon nombre des mêmes opérations que les services postaux, leurs travailleurs sont confrontés à des risques identiques.

La plupart des administrations postales sont des organismes publics gérés par l’Etat, mais cette situation est en voie de changer. Ainsi, des pays comme l’Allemagne, l’Argentine, l’Australie, le Canada, les Etats-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède ont, à des degrés divers, privatisé leurs services postaux. Le franchisage, c’est-à-dire le fait de s’assurer par contrat la main-d’œuvre et les services correspondants, devient de plus en plus courant dans les administrations postales des pays industriels.

Dans de nombreux pays, les administrations postales comptent souvent parmi les plus importants employeurs, puisqu’elles occupent parfois plusieurs centaines de milliers de personnes. Certes, le progrès technique n’a pas bouleversé les structures de ces administrations, mais il a modifié les méthodes de tri et de distribution du courrier. Les services postaux ayant été pendant longtemps d’importants utilisateurs de main-d’œuvre (dont les salaires et les avantages représentaient jusqu’à 80% de l’ensemble des dépenses d’exploitation dans certains pays), les dépenses d’équipement réalisées pour réduire ces coûts et accroître la productivité et l’efficacité des opérations ont en même temps favorisé le progrès technique. Pour de nombreux pays industriels, l’objectif est l’automatisation totale du traitement du courrier jusqu’au point de distribution.

Les opérations

Les opérations postales comportent trois étapes principales: la levée, le tri et la distribution du courrier, auxquelles s’ajoutent les services administratifs et de maintenance. Les modifications techniques apportées aux méthodes opérationnelles, en particulier au cours de la phase de tri, ont entraîné une baisse de la demande de personnel. Celui-ci se trouve dès lors plus isolé en raison de la réduction des effectifs chargés de faire fonctionner les nouvelles installations. Le progrès technique a entraîné en outre une déqualification des tâches, les ordinateurs effectuant dorénavant des opérations telles que la mémorisation des codes postaux et la réalisation de tests de diagnostic sur des équipements mécaniques.

Le travail posté reste une pratique courante du fait que la plus grande partie du courrier est ramassée en fin de journée et transportée et triée pendant la nuit. De nombreuses administrations postales distribuent le courrier aux particuliers et aux entreprises 6 jours par semaine. La fréquence de ce service exige que la plupart des opérations postales soient effectuées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En conséquence, la tension psychologique et la fatigue physique causées par le travail posté et le travail de nuit posent toujours des problèmes pour bon nombre de travailleurs, en particulier ceux des équipes de nuit dans les grands centres postaux.

La plupart des administrations postales des pays industriels ont mis sur pied de grandes unités de traitement du courrier qui alimentent les services aux particuliers et les bureaux de distribution. Occupant souvent plusieurs milliers de mètres carrés dans des bâtiments de plusieurs étages, pourvus de grosses machines, d’équipement de manutention, de véhicules à moteur et dotés d’ateliers de réparation et de peinture, ces centres constituent des milieux de travail comparables à ceux d’autres grandes entreprises industrielles. Généralement plus propres et moins bruyants, les petits bureaux de poste, en revanche, constituent un milieu de travail qui s’apparente davantage à celui d’un service administratif.

Les risques et leur prévention

Le progrès technique a permis d’éliminer bon nombre des tâches dangereuses et monotones exécutées par les employés des postes mais il a créé d’autres risques qui, faute d’être pris sérieusement en considération, pourraient mettre en péril la sécurité et la santé de ces travailleurs.

Les services aux particuliers

Les tâches exécutées par les guichetiers dépendent de l’importance du bureau de poste et du type de services offerts. Leur travail consiste notamment à vendre des timbres et à délivrer des mandats postaux, à peser et à affranchir les lettres et les paquets et à renseigner les clients. S’occupant directement d’échanger de l’argent avec le public, ils risquent davantage d’être victimes de vols accompagnés de voies de fait. Pour les employés qui travaillent seuls, à proximité de zones à forte délinquance, pendant la nuit, ou tôt le matin, la violence au travail peut représenter un risque important si des mesures de protection appropriées ne sont pas prises. La possibilité d’être attaqué sur le lieu de travail contribue également à créer une forte tension psychologique qu’aggrave le fait de devoir traiter tous les jours avec le public et d’avoir la responsabilité de sommes d’argent relativement importantes.

D’autres conditions, liées à l’environnement et à l’aménagement du poste de travail, peuvent également constituer une menace pour la sécurité et la santé. La médiocrité de la qualité de l’air, la présence de poussières, le manque d’air frais, les variations de température, par exemple, peuvent être cause d’inconfort. Des postes de travail mal conçus obligent ceux qui les occupent à adopter des postures astreignantes en raison de l’emplacement du matériel (caisse enregistreuse, balance, conteneurs pour le courrier et les colis); la station debout prolongée, de longues heures passées sur des chaises inconfortables et non réglables, le levage de lourds colis peuvent être à l’origine de troubles musculo-squelettiques.

Les mesures de nature à prévenir ces risques comprennent: l’amélioration de la sécurité grâce à l’installation d’un bon éclairage extérieur et intérieur, à des portes, fenêtres et cloisons en verre à l’épreuve des balles, à des systèmes d’alarme silencieux; des dispositions pour que le personnel de bureau ne reste pas isolé et reçoive une formation qui le prépare à réagir et à se protéger dans les situations d’urgence; la limitation et la surveillance des accès réservés au public. L’évaluation ergonomique des locaux et la qualité de l’air intérieur peuvent aussi contribuer à améliorer les conditions de travail du personnel.

Le tri

La mécanisation et l’automatisation des opérations postales ont eu d’importantes répercussions sur les étapes de manutention et de tri. Alors que jadis les employés des postes devaient mémoriser divers codes correspondant aux itinéraires d’acheminement du courrier, cette tâche est maintenant informatisée. Depuis le début des années quatre-vingt, les progrès techniques ont été tels que de nombreuses machines peuvent dorénavant «lire» une adresse et lui faire correspondre un code. Dans les pays industriels, le tri du courrier, auparavant manuel, est désormais automatisé.

La manutention

Si le progrès technique a permis de diminuer le nombre de lettres et de petits paquets à trier manuellement, il n’a eu qu’une incidence réduite sur la manutention des conteneurs, des liasses et des sacs de courrier dans les établissements postaux. Le courrier acheminé par camion, avion, train ou bateau vers de grands centres de traitement et de tri peut être dirigé vers les différentes zones de ces centres au moyen de systèmes complexes de convoyeurs ou de bandes transporteuses. Des chariots élévateurs à fourche, des bennes mécaniques et de petits convoyeurs aident les employés des postes à décharger et à charger les camions et à placer le courrier sur des systèmes de transport complexes. Toutefois, certaines tâches de manutention, en particulier celles qui sont effectuées dans de petits établissements, continuent d’être exécutées manuellement. Les opérations de tri visant à séparer le courrier à traiter par la machine de celui qui doit être trié à la main sont des tâches qui n’ont pas été totalement automatisées. Selon les règlements de l’administration des postes ou les règlements nationaux en matière de sécurité et de santé, des limites de charge peuvent être imposées pour empêcher les employés d’avoir à soulever et à transporter des colis trop lourds (voir figure 101.1).

Figure 101.1 Le soulèvement manuel de colis lourds représente un risque important
sur le plan ergonomique, d'où la nécessité d'en limiter le poids et la taille

Figure 101.1

La manutention expose en outre les employés des postes à des risques électriques et mécaniques. La poussière de papier est une nuisance pour la plupart des agents, mais ce sont les préposés à la manutention qui y sont le plus exposés, car ce sont eux qui sont chargés d’ouvrir les sacs de courrier et les conteneurs pour la première fois. Ce sont également les premiers à se trouver au contact de substances biologiques ou chimiques susceptibles d’avoir été répandues au cours du transport.

Certaines tâches de levage et de transport manuels sont fatigantes et peuvent causer des lésions dorsales. Pour les éviter, on peut automatiser les opérations, par exemple déplacer les palettes de courrier au moyen de chariots élévateurs à fourche, utiliser des conteneurs à roulettes pour transporter le courrier à l’intérieur des bureaux de poste et installer des appareils de déchargement automatique des conteneurs. Dans certains pays industriels, on fait appel à la robotique pour effectuer des tâches telles que le chargement des conteneurs sur des convoyeurs. La réglementation du poids que les travailleurs sont autorisés à lever et à transporter et leur formation aux techniques de levage peuvent également contribuer à réduire l’incidence des lésions dorsales et des dorsalgies.

Pour limiter l’exposition aux produits chimiques et aux substances biologiques, plusieurs administrations postales interdisent l’envoi par courrier de certains types et de certaines quantités de matières dangereuses et exigent que ces matières puissent être identifiées par le personnel des postes. Comme il y a de toute façon du courrier qui est envoyé sans étiquette d’avertissement, il conviendrait que le personnel soit formé de manière à pouvoir réagir en cas de fuites de matières potentiellement dangereuses.

Les opérations manuelles et mécanisées

Avec l’amélioration des techniques, le tri manuel des lettres est peu à peu abandonné. Toutefois, de nombreuses administrations postales, en particulier celles des pays en développement, doivent encore y recourir partiellement. Le procédé manuel consiste à introduire les lettres une par une dans des fentes ou des casiers, puis à réunir en liasses les lettres extraites de chaque fente et à placer ces liasses dans des conteneurs ou des sacs postaux en vue de leur expédition. Le tri manuel est une activité répétitive que les employés exercent debout ou assis sur un siège.

Le tri manuel des colis est lui aussi encore pratiqué par les employés des postes. Les colis étant généralement plus grands et plus lourds que les lettres, les employés doivent souvent les placer dans des paniers ou des conteneurs disposés autour d’eux. Ils risquent souvent, en conséquence, de souffrir de microtraumatismes répétés au niveau des épaules, des bras et du dos.

L’automatisation a éliminé de nombreux risques d’origine ergonomique associés au tri manuel des lettres et des colis. Lorsqu’il n’est pas possible de recourir à l’automatisation, les travailleurs devraient avoir la possibilité d’effectuer en alternance différentes tâches pour permettre à telle ou telle partie de leur organisme de se reposer. Des pauses devraient être prévues pour ceux qui sont astreints à des tâches répétitives.

Avec les systèmes de tri modernes, les lettres défilent devant les travailleurs assis face à un clavier (voir figure 101.2). Les postes de codage sont disposés en ligne, soit côte à côte, soit l’un derrière l’autre. Souvent, les opérateurs doivent mémoriser des centaines de codes correspondant aux différentes zones et taper pour chaque lettre un code sur le clavier. Si les claviers sont mal adaptés, l’opérateur doit appuyer plus fort sur les touches qu’il ne devrait le faire sur les claviers des ordinateurs modernes. Chaque opérateur traite environ 50 à 60 lettres par minute. En fonction du code tapé, les lettres sont réparties dans différents bacs, dont elles sont extraites puis mises en liasses en vue de leur acheminement.

Figure 101.2 Codage et tri informatisé des lettres

Figure 101.2

Les risques de nature ergonomique qui entraînent des troubles musculo-squelettiques, en particulier la tendinite et le syndrome du canal carpien, sont les problèmes les plus graves qui affectent les opérateurs sur machines à trier. Un grand nombre de ces machines ont été conçues il y a des dizaines d’années, à une époque où l’application des principes de l’ergonomie n’était pas aussi rigoureuse qu’aujourd’hui. Le matériel de tri automatisé et les terminaux à écran de visualisation sont en train de supplanter rapidement ces machines. Dans bon nombre d’administrations postales dans lesquelles la mécanisation du tri s’effectue encore suivant l’ancien système, les agents ont la possibilité de travailler par roulement à d’autres postes ou de bénéficier de pauses à intervalles réguliers. Pour améliorer les postes de travail, on peut aussi fournir des sièges confortables et modifier le clavier de façon à alléger la pression à déployer pour enfoncer les touches. Le bruit et la poussière résultant du traitement du courrier sont certes sources de désagrément pour l’opérateur, mais ils ne représentent en général pas des facteurs de risque graves.

Les terminaux à écran de visualisation

Les terminaux de tri à écran de visualisation commencent à remplacer les machines à trier. Les objets de correspondance ne sont plus présentés directement à l’opérateur; au lieu de cela, il voit désormais apparaître sur l’écran l’adresse agrandie du destinataire. Une grande partie du courrier trié à l’aide de ce type d’écran était auparavant rejetée ou mise au rebut faute de pouvoir être traitée mécaniquement par les trieuses automatiques.

L’avantage du tri sur écran est de ne pas exiger de positionnement à proximité du courrier. Les modems d’ordinateurs permettent d’envoyer les images sur des écrans situés dans un autre établissement, voire dans une autre ville. Pour l’opérateur, il s’ensuit que le milieu de travail est, en général, plus confortable et n’est pas perturbé par le bruit des machines à trier, ni pollué par la poussière dégagée par le courrier. Toutefois, le tri effectué par cette méthode est très fatigant pour les yeux et, souvent, ne comporte qu’une seule tâche, à savoir la saisie à partir de la projection des images des adresses sur l’écran. Comme dans le cas de la plupart des opérations de tri, ce travail est monotone et exige une concentration intense de la part de l’opérateur pour assurer le rendement imposé.

La gêne articulaire et musculaire et la tension oculaire sont les principaux maux dont se plaignent les opérateurs sur écran de visualisation. Pour réduire la fatigue physique, visuelle et mentale, on peut notamment fournir des équipements modulables tels que claviers et chaises, assurer un bon éclairage pour réduire l’éblouissement et prévoir des pauses régulières. Par ailleurs, le personnel travaillant souvent dans des bureaux fermés, il convient de tenir compte de ses doléances lorsqu’il se plaint de la mauvaise qualité de l’air des locaux.

L’automatisation

Cette méthode de tri, qui est la plus moderne, permet aux travailleurs d’intervenir moins directement dans le codage et la séparation des objets de correspondance à traiter. En général, seuls deux ou trois agents sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement d’une trieuse automatique. A une extrémité de la machine, un employé place le courrier sur une bande mécanique qui amène chaque pli en face d’un appareil à reconnaissance optique des caractères. Les informations portées sur l’enveloppe sont lues ou scannées par l’appareil et un code-barres y est imprimé. Les lettres sont ensuite réparties automatiquement dans des dizaines de bacs situés à l’autre extrémité de la machine. Les employés enlèvent alors les liasses d’objets de correspondance des bacs pour les amener à la dernière étape de la chaîne de tri. Les trieuses automatiques de grande dimension peuvent traiter entre 30 000 et 40 000 plis à l’heure.

Avec l’automatisation, il n’est plus nécessaire de disposer d’un clavier pour coder le courrier, mais le personnel est toujours obligé d’exécuter des tâches monotones et répétitives, comportant des risques de troubles musculo-squelettiques. Les employés qui enlèvent les liasses de lettres des différents bacs et les placent dans des conteneurs ou d’autres récipients servant à la manutention subissent une tension au niveau des épaules, du dos et des bras. Ils se plaignent de douleurs dans les poignets et les mains à cause des mouvements de préhension constants qu’ils effectuent. En raison des grandes quantités de courrier traitées, l’exposition aux poussières pose parfois plus de problèmes pour les opérateurs sur trieuses automatiques que pour les autres employés des services postaux.

De nombreuses administrations postales n’ont fait l’acquisition d’installations de tri automatique qu’assez récemment. Les travailleurs étant de plus en plus nombreux à se plaindre de douleurs musculo-squelettiques, les concepteurs et les ingénieurs spécialisés devront mieux tenir compte des principes de l’ergonomie s’ils veulent maintenir un équilibre satisfaisant entre productivité et bien-être du personnel. Aux Etats-Unis, les responsables gouvernementaux de la sécurité et de la santé se sont rendu compte que certains appareils de tri automatique du courrier présentaient de graves lacunes sur le plan ergonomique. On peut bien entendu s’efforcer de modifier soit l’équipement, soit les méthodes de travail pour diminuer les risques d’affections musculo-squelettiques, mais les aménagements apportés a posteriori ne donnent pas d’aussi bons résultats qu’une conception adéquate dès le stade des études.

Un autre problème est le risque de lésion que les travailleurs peuvent s’infliger en tentant de débloquer une machine ou en effectuant des travaux d’entretien ou de réparation. Pour ces opérations, il est indispensable que le personnel ait été dûment formé et que des systèmes de verrouillage aient été installés.

La distribution du courrier

Les opérations postales dépendent de nombreux modes de transport pour l’acheminement du courrier, notamment l’avion, le train, le bateau et la route. Sur de courtes distances et pour la distribution locale, le courrier est transporté par des véhicules à moteur. Sur des distances allant généralement jusqu’à quelques centaines de kilomètres, des grands centres de traitement aux petits bureaux de poste, le courrier est habituellement acheminé par train ou dans de gros camions, le transport par avion ou par bateau étant réservé pour de plus longues distances, entre grands centres de traitement.

L’utilisation de véhicules à moteur pour la distribution du courrier connaît un développement spectaculaire depuis une vingtaine d’années. Les accidents et les lésions occasionnés par des camions et autres véhicules de la poste sont devenus le plus grave problème de sécurité et de santé pour certaines administrations postales. Les accidents de la circulation sont la principale cause de décès sur les lieux de travail. Par ailleurs, l’utilisation croissante de véhicules automobiles pour la distribution ainsi que l’installation de nouvelles boîtes aux lettres dans les rues ont contribué à réduire le temps de marche des facteurs, mais les troubles musculo-squelettiques et les dorsalgies dus aux sacs de courrier pesants qu’ils doivent porter pendant leurs tournées n’ont pas pour autant disparu. Les vols et les actes de violence dont les facteurs sont victimes sont de plus en plus fréquents. D’autres graves dangers auxquels ces agents sont exposés sont les glissades, les trébuchements et les chutes, en particulier en cas d’intempéries, ainsi que les attaques de chiens. Il est regrettable que l’on ne puisse faire davantage que redoubler de vigilance pour éliminer ces risques particuliers.

Les mesures visant à réduire l’éventualité d’accidents de la circulation consistent notamment à installer des dispositifs antiblocage des roues et des rétroviseurs supplémentaires pour accroître la visibilité, à améliorer l’état des routes et la conception des véhicules, à inciter les conducteurs à boucler leur ceinture de sécurité, à leur dispenser une meilleure formation et à procéder à des contrôles plus fréquents des véhicules. Pour réduire les risques liés au soulèvement et au transport des objets postaux, certaines administrations postales prévoient l’utilisation de chariots ou de sacs spéciaux dont le poids est réparti d’une manière plus équilibrée sur les épaules du préposé au lieu de peser sur un seul côté. Pour lutter contre les risques de violence sur les lieux de travail, les facteurs peuvent porter sur eux des talkies-walkies et leur véhicule peut être équipé d’un dispositif de pistage. En outre, pour prévenir la pollution de l’environnement et l’exposition aux gaz d’échappement des moteurs diesel, certains véhicules des postes fonctionnent au gaz naturel ou à l’électricité.

Les réparations et la maintenance

Les travailleurs responsables des travaux quotidiens d’entretien, de nettoyage et de réparation des installations et du matériel des services postaux, y compris des véhicules à moteur, sont confrontés aux mêmes risques que les agents chargés de la maintenance dans d’autres branches d’activité. Il faut citer ici les opérations de soudage, les chutes d’échafaudages, les risques électriques, l’exposition aux produits chimiques présents dans les liquides de nettoyage et les lubrifiants des machines ainsi que l’exposition à l’amiante des garnitures de freins et à la poussière.

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

David LeGrande

Les télécommunications permettent de communiquer avec autrui grâce à des équipements électroniques comme les téléphones, les modems d’ordinateurs, les satellites et les câbles à fibres optiques. Les systèmes de télécommunication se composent de câbles reliant l’utilisateur à un centre de commutation local (lignes d’abonnés), de dispositifs de commutation assurant le raccordement de l’usager, de circuits ou de voies transmettant les appels entre les centres de commutation et, bien entendu, l’usager.

Pendant la première moitié du XXe siècle sont apparus les centraux téléphoniques, les systèmes de commutation électromécanique, les câbles, les répéteurs, les systèmes multiplex et les matériels à hyperfréquences, à la suite de quoi les systèmes de télécommunication se sont étendus aux régions industrialisées du monde entier.

Des années 1950 à 1984, les techniques n’ont cessé de progresser. Par exemple, les systèmes à satellite, les systèmes à câble améliorés, les techniques numériques, les fibres optiques, l’informatisation et la visiophonie ont été introduits dans l’industrie des communications. Cette évolution a permis d’étendre les réseaux de télécommunication à d’autres parties du monde.

Coïncidant avec de nombreux changements importants survenus dans la technologie des télécommunications, une décision judiciaire a conduit, aux Etats-Unis, à la dissolution, en 1984, du monopole des télécommunications détenu par American Telegraph and Telephone (AT&T).

Jusqu’aux années quatre-vingt, les services de télécommunication étaient considérés comme des services publics fonctionnant dans un cadre législatif leur conférant un statut monopolistique dans pratiquement tous les pays. Avec le développement de l’activité économique, l’avènement des nouvelles technologies a entraîné une privatisation croissante de l’industrie des télécommunications. Cette tendance s’est traduite aux Etats-Unis par la dissolution d’AT&T et la déréglementation du système de télécommunication. Des privatisations analogues ont eu lieu ou sont en cours dans un certain nombre d’autres pays.

Depuis 1984, les progrès techniques ont conduit à la création ou à l’expansion de systèmes de télécommunication capables d’assurer un service universel à tous les habitants de la planète, grâce aux nouvelles techniques d’information, qui associent des secteurs connexes tels que l’électronique et le traitement des données.

L’introduction des nouvelles technologies a eu des répercussions à la fois positives et négatives sur l’emploi. Il ne fait aucun doute qu’elle a entraîné une baisse des niveaux de l’emploi et une déqualification des tâches, ce qui a modifié radicalement le travail des employés des télécommunications ainsi que les qualifications et l’expérience que l’on exige d’eux. Toutefois, d’aucuns s’attendent à une croissance de l’emploi grâce à de nouvelles activités dont l’apparition aura été stimulée par la déréglementation et qui devraient créer de nombreux emplois hautement qualifiés.

Dans le secteur des télécommunications, on distingue le travail spécialisé et le travail de bureau. Les emplois spécialisés sont notamment ceux de câbleur, d’installateur, de technicien hors usine, de technicien de central téléphonique et de spécialiste des réseaux. Il s’agit d’emplois hautement spécialisés qui supposent l’utilisation d’équipements faisant appel aux techniques nouvelles. Ceux qui les occupent doivent avoir les connaissances nécessaires dans les domaines de l’électricité, de l’électronique ou de la mécanique pour pouvoir assurer l’installation, le dépannage et la maintenance des équipements. La formation à ces emplois s’acquiert par un enseignement théorique et en cours d’emploi.

Les emplois de bureau consistent notamment à fournir des renseignements téléphoniques, à assurer un service à la clientèle et à s’occuper de la comptabilité et des ventes. En général, ces tâches comportent l’utilisation d’équipements de télécommunication comme, par exemple, des écrans de visualisation pour les installations d’abonnés avec postes supplémentaires et des télécopieurs pour établir des connexions locales ou à longue distance, effectuer des travaux de bureau sur les lieux de travail ou ailleurs et entretenir des contacts commerciaux avec les abonnés.

Les risques et leur prévention

Les risques qui menacent la sécurité et la santé des travailleurs dans le secteur des télécommunications peuvent être classés selon le type de tâches ou de services.

Le travail dans la construction

En général, les risques dans ce domaine ne sont pas propres aux télécommunications. Toutefois, plusieurs activités notables leur sont spécifiques, comme les tâches exécutées à une certaine hauteur sur des poteaux ou des pylônes, l’installation de systèmes de câblage et les travaux d’excavation pour la pose de câbles. Les moyens de protection usuels tels que grappins, harnais de sécurité, cordes et plates-formes de levage ainsi que l’étayage pour les travaux d’excavation sont également applicables au secteur des télécommunications. Souvent, ces travaux ont lieu dans le cadre des réparations d’urgence rendues nécessaires par des orages, des glissements de terrain ou des inondations.

L’électricité

L’électricité et les installations électriques exigent des précautions particulières. Les mesures normalement appliquées pour prévenir l’électrocution, les chocs électriques, les courts-circuits, les incendies et les explosions sont applicables ici également. Les câbles électriques et les câbles de télécommunication proches les uns des autres peuvent aussi constituer une importante source de danger.

La pose et l’entretien des câbles

L’installation et l’entretien des câbles posent des problèmes de sécurité. Le travail sur des câbles, canalisations et chambres de raccordement souterrains exige la manipulation de lourds rouleaux de câbles et leur introduction dans des gaines à l’aide de treuils électriques et d’équipements spéciaux ainsi que l’épissage ou le raccordement de câbles, leur isolation ou leur traitement hydrofuge. Pendant les opérations d’épissage et d’isolation, les travailleurs peuvent être exposés à certains risques (plomb, solvants, isocyanates) contre lesquels on peut se prémunir en recourant à des produits chimiques moins toxiques, à une ventilation adéquate ou à un équipement de protection individuelle. Souvent, les travaux de maintenance et de réparation sont exécutés dans des espaces confinés tels que trous d’homme et chambres de câbles. Ces travaux nécessitent un équipement spécial pour la ventilation, des harnais et un matériel de levage ainsi que la présence d’un coéquipier au niveau du sol capable de porter secours et de pratiquer la réanimation en cas d’urgence.

Un problème de sécurité et de santé auquel il faut penser est celui posé par le remplacement des câbles à gaine de plomb ou de polyuréthane par des câbles à fibres optiques qui ont une capacité de transmission beaucoup plus grande pour une taille beaucoup plus petite. Autre danger: les risques de brûlures des yeux ou de la peau consécutives à une exposition à des rayons laser en cas de déconnexion ou de rupture d’un câble. Pour les éviter, il faut prévoir des moyens de prévention technique et un équipement de protection.

Par ailleurs, les travailleurs peuvent être exposés à l’amiante lorsqu’ils posent des câbles ou effectuent des travaux de maintenance et que des matériaux de construction contenant de l’amiante sont détériorés ou s’effritent. Ce peut être le cas de tuyaux, de produits entrant dans la fabrication des emplâtres et des joints, de revêtements pour sols ou pour plafonds et de mastics pour renforcer les peintures et les enduits étanches. A la fin des années soixante-dix, de nombreux pays ont banni ou déconseillé l’utilisation des produits contenant de l’amiante. L’interdiction de l’amiante dans le monde supprimera certes le risque d’exposition et les problèmes de santé qui en découlent pour les générations de travailleurs à venir, mais de grandes quantités de ce matériau restent encore à éliminer dans les constructions anciennes.

Les services télégraphiques

Pour exécuter leurs tâches, les travailleurs des services télégraphiques utilisent des terminaux à écran de visualisation et, dans certains cas, du matériel télégraphique. Les risques fréquemment associés à ce type de travail sont les microtraumatismes répétés des extrémités supérieures, en particulier de la main et du poignet. On peut réduire au minimum, voire prévenir, ces problèmes de santé en appliquant des principes d’ergonomie à la conception et à l’aménagement des postes de travail, du milieu de travail et de l’organisation du travail.

Les services de télécommunication

Les éléments des opérations mécaniques des systèmes de télécommunication modernes sont la mise en service automatique et les circuits de connexion. Les connexions sont effectuées en général non seulement à l’aide de câbles et de fils, mais aussi de faisceaux hertziens et d’ondes à fréquences radioélectriques. Des risques potentiels sont liés à l’exposition à ces faisceaux et à ces ondes. Selon les données scientifiques dont on dispose, rien ne donne à penser que l’exposition à la plupart des types d’équipements de télécommunication émettant des rayonnements soit directement liée à des problèmes de santé. Toutefois, les techniciens peuvent être exposés à de forts rayonnements à fréquences radioélectriques lorsqu’ils travaillent très près de lignes électriques. D’après les données recueillies, il existerait un lien entre ce type d’émissions et le cancer. Des recherches scientifiques plus poussées sont menées afin de mieux connaître la gravité de ce risque ainsi que les équipements et les méthodes de prévention auxquels on peut recourir. Par ailleurs, un lien a été établi entre des problèmes de santé et les émissions provenant d’appareils téléphoniques cellulaires; des recherches sont en cours pour étudier les effets pathologiques que ces appareils pourraient avoir sur les utilisateurs.

La plupart des services de télécommunication font appel à des terminaux à écran de visualisation. On a établi un lien entre le travail sur ces écrans et l’apparition de microtraumatismes répétés des extrémités supérieures du système musculo-squelettique, main et poignet en particulier. De nombreux syndicats de ce secteur, tels que Travailleurs en communication d’Amérique (Communications Workers of America), aux Etats-Unis, SEKO en Suède, et le Syndicat des travailleurs en communication (Communications Workers Union), au Royaume-Uni, ont relevé chez les travailleurs qu’ils représentent des taux alarmants de microtraumatismes répétés du système musculo-squelettique consécutifs à l’emploi d’écrans de visualisation en milieu de travail. Ces troubles pourraient être réduits, voire évités, par une conception adéquate du travail (poste, milieu et organisation du travail, en particulier).

D’autres problèmes de santé sont posés par le stress, le bruit et les chocs électriques.

LES RISQUES DANS LES STATIONS D’ÉPURATION DES EAUX USÉES

Mary O. Brophy

Faute de pouvoir traiter les déchets produits par les fortes concentrations actuelles d’individus et d’entreprises industrielles dans de nombreuses régions du monde, la vie pourrait y devenir rapidement très difficile. Il convient donc non seulement de réduire le volume des effluents liquides, mais aussi d’assurer leur traitement adéquat. Les stations d’épuration des eaux usées traitent deux types d’effluents principaux: humains et animaux, d’une part, et industriels, d’autre part. Les êtres humains produisent environ 250 g de déchets solides par personne et par jour, dont 2 milliards de bactéries coliformes et 450 millions de streptocoques par personne et par jour (Mara, 1974). Le volume de déchets solides industriels par travailleur et par an est compris dans une fourchette allant de 0,12 tonne dans les établissements professionnels et scientifiques à 162 tonnes dans les scieries (Salvato, 1992). Bien que certaines stations d’épuration soient spécialisées dans tel ou tel type de matières, la plupart traitent des déchets tant d’origine animale qu’industrielle.

Les risques et leur prévention

Les stations d’épuration des eaux usées ont pour objet d’éliminer la plus grande partie possible de contaminants solides, liquides et gazeux dans des limites de contraintes techniquement et financièrement accessibles. Divers procédés applicables à l’élimination des contaminants sont en usage: sédimentation, coagulation, floculation, aération, désinfection, filtration et traitement des boues (voir également l’article «L’épuration des eaux usées» dans le présent chapitre). Les risques spécifiques associés à chaque processus varient selon la configuration de la station d’épuration et les produits chimiques utilisés; ces risques peuvent être classés en risques physiques, microbiologiques et chimiques. La meilleure façon de prévenir ou de minimiser les effets néfastes associés au travail dans les stations d’épuration consiste à anticiper, identifier, évaluer et maîtriser ces risques.

Les risques physiques

Les risques physiques sont ceux inhérents au travail en espace confiné, à la mise en route par inadvertance de machines ou parties de machines, aux trébuchements et aux chutes. Ils peuvent souvent avoir des effets immédiats, irréversibles et graves, parfois fatals. Ils varient suivant la configuration de la station. Toutefois, la plupart des stations d’épuration des eaux usées comportent des espaces confinés, notamment des parties souterraines ou semi-enterrées à l’accès limité, des trous d’homme (voir figure 101.3) et des bassins de décantation dont le contenu liquide a été vidé, par exemple pour des réparations (voir figure 101.4). Les travailleurs peuvent être mutilés, ou encore tués par des mélangeurs, râteaux à boues, pompes et dispositifs mécaniques utilisés pour diverses opérations dans les stations de traitement des eaux usées si ces machines sont mises en marche de manière intempestive au cours de leur entretien. Les surfaces humides, très fréquentes dans ces stations, peuvent occasionner des glissades et des chutes.

Figure 101.3 Bouche d'égout dont le couvercle a été retiré

Figure 101.3

Figure 101.4 Bassin vide dans une station d'épuration des eaux usées

Figure 101.4

L’entrée dans des espaces confinés est l’un des risques les plus communs et les plus graves auxquels les travailleurs affectés à l’épuration des eaux usées peuvent se trouver confrontés. Il est impossible de donner une définition universelle d’un espace confiné; on entend en général par cette expression un lieu présentant des moyens limités d’entrée et de sortie, qui n’a pas été conçu pour abriter des personnes et qui ne dispose pas d’une ventilation adéquate. On est en danger dans un tel espace lorsque la quantité d’oxygène y est insuffisante ou lorsqu’on est en présence d’un produit chimique toxique ou d’une matière dans laquelle on peut être englouti, l’eau par exemple. La diminution du taux d’oxygène peut avoir plusieurs causes: le remplacement de ce gaz par un autre, tel que le méthane ou le sulfure d’hydrogène, la consommation d’oxygène par la désintégration des matières organiques contenues dans les eaux usées ou l’élimination des molécules de ce gaz au cours du processus de transformation en rouille de certaines structures. Comme le manque d’oxygène dans les espaces confinés ne peut être décelé qu’au moyen d’un instrument de mesure, il est indispensable de procéder à un contrôle avant d’y pénétrer.

L’atmosphère terrestre contient 21% d’oxygène au niveau de la mer. Quand ce taux tombe au-dessous de 16,5%, la respiration s’accélère et devient plus superficielle, le rythme cardiaque s’accélère lui aussi et les mouvements deviennent désordonnés. S’il est inférieur à 11%, l’individu est pris de nausées et de vomissements, est incapable de se mouvoir et perd connaissance. Entre ces deux dernières valeurs, on constate une instabilité émotionnelle et une perte de l’acuité du jugement. Quand un individu pénètre dans une atmosphère où le taux est inférieur à 16,5%, il risque d’être immédiatement trop désorienté pour en sortir et, finalement, peut perdre connaissance. Si la teneur en oxygène diminue trop, l’individu peut perdre connaissance dès la première inspiration et, en l’absence de secours, mourir en quelques minutes. Même s’il est secouru et ranimé, il peut être frappé d’incapacité permanente (Wilkenfeld et coll., 1992).

Le manque d’oxygène n’est pas le seul danger des espaces confinés. Des gaz toxiques peuvent y être présents à une concentration assez élevée pour produire des effets nocifs, voire mortels, et ce même si la proportion d’oxygène est suffisante. La question des effets toxiques des produits chimiques rencontrés dans les espaces confinés est examinée plus loin. L’un des meilleurs moyens de lutter contre les dangers liés à de faibles teneurs en oxygène et à une atmosphère contaminée par des produits chimiques consiste à ventiler mécaniquement et énergiquement les lieux à l’aide d’un tuyau flexible par lequel on insuffle de l’air extérieur avant de permettre à quiconque d’y entrer (voir figure 101.5). Il faut prendre garde de ne pas laisser pénétrer des vapeurs ou fumées provenant d’un générateur ou du moteur du ventilateur (Brophy, 1991).

Figure 101.5 Flexible d'amenée d'air en milieu confiné

Figure 101.5

On trouve souvent, dans les stations d’épuration des eaux usées, de grosses machines servant à faire passer les boues ou les eaux usées brutes d’un point de la station à un autre. Lorsqu’une machine doit être réparée, elle devrait être mise hors tension. En outre, l’interrupteur devrait être sous le contrôle de la personne qui effectue les réparations, afin d’empêcher les autres travailleurs de le remettre en marche par inadvertance. L’élaboration et l’application de procédures visant à atteindre ces objectifs constituent un «programme de verrouillage». S’il est inefficace ou inapproprié, ce programme — loin de protéger les travailleurs — peut être à l’origine de la mutilation ou de l’amputation d’un doigt, d’un bras ou encore d’une jambe et parfois même causer la mort.

Les stations d’épuration comportent souvent de vastes bassins de décantation et des réservoirs de stockage. Les travailleurs ont parfois besoin d’intervenir sur la partie supérieure de ces réservoirs ou de longer des fosses vidées de leur eau, d’une profondeur pouvant atteindre 2,5 à 3 m (voir figure 101.4). Il importe dès lors de prévoir une protection appropriée contre les chutes de personnes et d’informer les intéressés des précautions indispensables.

Les risques microbiologiques

Les risques microbiologiques sont essentiellement associés au traitement des effluents (liquides) humains et animaux. Bien que l’on ajoute souvent des bactéries pour décomposer les matières solides contenues dans les eaux usées, les risques encourus par les travailleurs des stations d’épuration tiennent en premier lieu à l’exposition aux micro-organismes contenus dans les effluents humains et animaux. Lorsqu’on a recours à l’aération pendant le processus d’épuration des eaux résiduaires, ces micro-organismes peuvent être disséminés dans l’air. Leur effet à long terme sur le système immunitaire des personnes qui y sont exposées pendant de longues périodes n’a pas été évalué de façon concluante. En outre, les travailleurs chargés d’enlever les matières solides des eaux usées, opération que l’on effectue avant tout traitement, sont souvent exposés aux micro-organismes contenus dans ces matières, qui atteignent leur peau et leurs muqueuses par projection. Le contact prolongé avec les micro-organismes rencontrés dans les stations d’épuration des eaux usées a souvent des effets beaucoup plus insidieux — et tout aussi graves et irréversibles — que ceux résultant de niveaux d’exposition brusques et élevés.

Les trois principales catégories de micro-organismes dont il est question ici sont les champignons, les bactéries et les virus, qui peuvent tous entraîner des affections aiguës comme des maladies chroniques. Des symptômes à évolution rapide, notamment des affections respiratoires, des douleurs abdominales et des diarrhées, ont été signalés chez les travailleurs des stations d’épuration (Crook, Bardos et Lacey, 1988; Lundholm et Rylander, 1980). Des maladies chroniques telles que l’asthme et l’alvéolite allergique ont habituellement été associées à l’exposition à de grandes quantités de micro-organismes disséminés dans l’air et, plus récemment, à l’exposition aux micro-organismes au cours du traitement des ordures ménagères (Rosas et coll., 1996; Johanning, Olmsted et Yang, 1995). Les concentrations très élevées de champignons et de bactéries dans les installations d’épuration des eaux usées, de déshydratation des boues et de compostage faisaient l’objet de rapports qui commençaient à être publiés dans les années quatre-vingt-dix (Rosas et coll., 1996; Bisesi et Kudlinski, 1996; Johanning, Olmsted et Yang, 1995). Les bassins d’aération utilisés dans de nombreuses stations sont une autre source de micro-organismes aéroportés.

Les micro-organismes peuvent être non seulement inhalés, mais aussi transmis par ingestion et par contact avec une peau qui n’est pas totalement indemne. L’hygiène individuelle, y compris le lavage des mains avant de manger, de fumer et d’aller aux toilettes, est dès lors capitale. Les aliments, boissons, assiettes et couverts, cigarettes et tout ce qui est susceptible d’être porté à la bouche devraient être tenus éloignés des zones de contamination microbienne éventuelle.

Les risques chimiques

Les contacts avec les produits chimiques présents dans les stations d’épuration des eaux usées peuvent avoir un effet aussi bien immédiat et fatal qu’à longue échéance. Divers produits chimiques sont mis en œuvre dans les processus de coagulation, de floculation, de désinfection et de traitement des boues. Le produit chimique le plus approprié est déterminé par le ou les contaminants présents dans les eaux d’égout brutes; certains effluents industriels exigent toutefois un traitement chimique particulier. Cependant, les principaux risques dus aux produits chimiques utilisés dans les processus de coagulation et de floculation sont, en général, une irritation de la peau et des lésions oculaires causées par contact direct. Tel est particulièrement le cas des solutions dont le pH (degré d’acidité) est inférieur à 3 ou supérieur à 9. Les effluents sont souvent désinfectés avec du chlore liquide ou gazeux. Le chlore liquide peut occasionner des lésions oculaires s’il est projeté dans les yeux. L’ozone et les rayons ultraviolets sont également utilisés comme désinfectants.

L’un des moyens de contrôler l’efficacité du processus d’épuration consiste à mesurer la quantité de matières organiques qui subsistent dans l’effluent une fois l’épuration terminée. A cet effet, on détermine la quantité d’oxygène qui serait nécessaire pour obtenir la biodégradation en 5 jours des matières organiques contenues dans un litre de liquide. C’est ce que l’on appelle la demande biochimique en oxygène mesurée sur 5 jours (DBO5).

Les risques chimiques sont dus à la décomposition des matières organiques, qui se traduit par la production de sulfure d’hydrogène et de méthane à partir des effluents toxiques déversés dans les réseaux d’égouts et des contaminants produits par les opérations effectuées par les travailleurs eux-mêmes.

Le sulfure d’hydrogène est presque toujours présent dans les stations d’épuration. Connu également sous le nom de gaz d’égout, il a une odeur caractéristique désagréable, souvent comparée à celle d’œufs pourris et à laquelle, toutefois, l’odorat humain s’habitue rapidement. Les personnes qui en respirent en permanence finissent par ne plus pouvoir en déceler l’odeur (fatigue olfactive). Par ailleurs, même si le système olfactif peut détecter ce gaz, il est incapable d’en déterminer avec précision la concentration ambiante. Biochimiquement, le sulfure d’hydrogène perturbe le mécanisme de transfert d’électrons et bloque l’utilisation de l’oxygène au niveau moléculaire, ce qui a pour effet d’entraîner l’asphyxie et, finalement, la mort par suite du manque d’oxygène dans les cellules du tronc cérébral qui contrôlent le rythme de la respiration. Dans les espaces confinés qui se trouvent dans les stations d’épuration des eaux usées, les concentrations de sulfure d’hydrogène peuvent atteindre plus de 100 ppm. L’exposition à ces très fortes concentrations peut entraîner la suppression quasi instantanée du centre respiratoire du tronc cérébral. L’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), aux Etats-Unis, a constaté qu’à une concentration de 100 ppm ce gaz présente un danger immédiat pour la vie et la santé (IDLH). Dans certaines parties des stations d’épuration, il existe presque toujours de faibles concentrations de sulfure d’hydrogène (moins de 10 ppm). A ces niveaux, ce gaz peut être irritant pour l’appareil respiratoire et déclencher des maux de tête et une conjonctivite (Smith, 1986). Il y a production de sulfure d’hydrogène chaque fois qu’une matière organique se décompose et, dans l’industrie, lors de la fabrication du papier (procédé Kraft), du tannage du cuir (élimination des poils avec du sulfure de sodium) et de la production d’eau lourde pour les réacteurs nucléaires.

Un autre gaz produit par la décomposition des matières organiques est le méthane, qui non seulement déplace l’oxygène, mais est en outre explosif. A partir de certains taux de concentration, une explosion peut se produire en présence d’une simple étincelle ou d’une autre source d’inflammation.

Le personnel des stations traitant les effluents industriels devrait avoir une parfaite connaissance des produits chimiques utilisés dans chacune des installations ayant recours à leurs services et collaborer avec la direction de ces installations afin d’être rapidement informé de toute modification des procédés de fabrication et de la composition des effluents. Le déversement de solvants, de combustibles, de carburants et d’autres substances dans les réseaux d’assainissement présente des risques pour les travailleurs effectuant des opérations d’épuration, non seulement en raison de la toxicité des matières rejetées, mais aussi parce que ledit déversement se produit d’une manière fortuite.

Chaque fois que l’on effectue des travaux de soudage ou de peinture au pistolet dans un espace confiné, on devrait veiller tout particulièrement à assurer une ventilation suffisante pour prévenir tout risque d’explosion et évacuer les matières toxiques qui se dégagent. Lorsqu’une opération réalisée dans un espace confiné libère des produits toxiques, il est nécessaire que le travailleur porte un appareil de protection respiratoire, car la ventilation peut ne pas être suffisante pour maintenir la concentration du produit chimique toxique au-dessous de la limite d’exposition admissible. Le choix et l’adaptation d’un appareil respiratoire adéquat relèvent des pratiques d’hygiène industrielle.

Un autre risque chimique important des stations d’épuration est celui dû à l’utilisation de chlore à l’état gazeux pour décontaminer l’effluent. Le chlore sous cette forme est livré dans des conteneurs pesant entre 70 kg et 1 tonne environ. Dans certaines stations de très grandes dimensions, il arrive dans des wagons-citernes. Le chlore à l’état gazeux est extrêmement irritant pour les alvéoles pulmonaires, même à des concentrations de quelques ppm. A de plus fortes concentrations, il peut causer des inflammations des alvéoles pulmonaires et être à l’origine de l’insuffisance respiratoire de l’adulte, mortelle dans 50% des cas. Lorsqu’une station d’épuration utilise des quantités massives de chlore (1 tonne au moins), le risque en question concerne non seulement les travailleurs de la station, mais aussi la communauté environnante. Malheureusement, les stations employant les plus grandes quantités de chlore sont souvent implantées dans des métropoles fortement peuplées. D’autres méthodes de décontamination des effluents des stations peuvent être appliquées, notamment le traitement à l’ozone, à l’hypochlorite en solution et aux ultraviolets.

LA COLLECTE DES ORDURES MÉNAGÈRES*

* En maints endroits, la collecte des ordures ménagères est effectuée par des employés municipaux, dans d'autres, par des entreprises privées. Le présent article danne une vue d'ensemble des procédés utilisés et des risques observés à partir d'enquêtes et de constatations faites au Québec (Canada) (note de la rédactrice).

Madeleine Bourdouxhe

Généralités

En dehors des quelques travailleurs employés par les municipalités du Québec (Canada), qui ont leurs propres équipes de collecte des ordures, des milliers d’éboueurs et de chauffeurs sont employés par des centaines d’entreprises du secteur privé.

Bon nombre de ces entreprises fonctionnent, totalement ou partiellement, avec des sous-traitants à forfait qui louent ou possèdent des camions et sont responsables des éboueurs qui travaillent pour eux. La concurrence est forte dans le secteur, car les contrats municipaux sont accordés aux moins-disants, ce qui entraîne chaque année un renouvellement régulier des entreprises. En raison de cette concurrence, les tarifs du ramassage des ordures ménagères sont bas et stables et la plus faible proportion des taxes municipales est affectée à ce poste. Toutefois, avec l’engorgement des décharges, les coûts de l’enfouissement des ordures augmentent, ce qui oblige les municipalités à envisager des systèmes intégrés de gestion des déchets. Les travailleurs municipaux sont tous syndiqués. Dans le secteur privé, la syndicalisation a débuté dans les années quatre-vingt et concerne, actuellement, 20 à 30% des effectifs.

Les méthodes de travail

Le métier d’éboueur est un métier dangereux. Si l’on considère en effet que le camion à ordures s’apparente à une presse hydraulique, collecter les déchets consiste en quelque sorte à travailler sur une presse mobile de type industriel, mais dans des conditions autrement plus difficiles que celles de la plupart des usines. Le camion se déplace en toutes saisons au milieu de la circulation. Le travailleur le suit au pas de course pour lancer dans la benne toutes sortes de contenants non calibrés, de volume et de poids variables, renfermant des objets invisibles et dangereux. Les éboueurs manipulent en moyenne 2,4 tonnes d’ordures à l’heure. L’efficacité des opérations repose entièrement sur des facteurs de vitesse et de rythme: il faut se dépêcher, tant aux points de collecte que pendant le transport, pour éviter les heures de circulation intense et les embouteillages sur les ponts, et il faut encore se dépêcher lors du déversement dans la décharge ou dans l’incinérateur.

La collecte des déchets revêt plusieurs caractéristiques qui influent sur la charge de travail et les risques. Tout d’abord, il s’agit d’un travail à forfait: le territoire délimité dans le contrat doit être débarrassé de la totalité de ses déchets ménagers le jour de la collecte. Le volume de ces déchets fluctuant d’un jour à l’autre en fonction des saisons et des activités des résidents, la charge de travail varie énormément. En second lieu, les travailleurs sont en contact direct avec les matières et objets collectés, contrairement à la pratique en usage dans les secteurs commercial et industriel, où les conteneurs sont ramassés soit par des camions à chargement-avant équipés d’une fourche automatique, soit par des camions à benne amovible. Ainsi, les travailleurs n’ont pas à manipuler les conteneurs et ne sont pas directement en contact avec les déchets. Leurs conditions de travail s’apparentent davantage à celles de chauffeurs qu’à celles d’éboueurs.

En revanche, dans le secteur dit résidentiel, la collecte est essentiellement manuelle et les travailleurs continuent de manipuler des objets et des contenants très divers, de taille, de nature et de poids variables. Quelques municipalités de banlieue et rurales ont instauré la collecte semi-automatisée avec bacs à ordures roulants et camions à chargement latéral (voir figure 101.6). Toutefois, la majeure partie des déchets domestiques est encore collectée manuellement, surtout en ville. La principale caractéristique de ce travail est donc une grande fatigue physique.

Figure 101.6 Camion à ordures à chargement latéral automatique

Figure 101.6

Les risques

Un certain nombre de risques d’accidents ont été mis en évidence par une étude faite à partir d’observations et de mesurages sur le terrain, d’entrevues avec des dirigeants d’entreprises et des travailleurs, de l’analyse statistique de 755 accidents du travail ainsi que de l’étude de séquences vidéo (Bourdouxhe, Cloutier et Guertin, 1992).

La charge de travail

En moyenne, les éboueurs manipulent chaque jour 16 000 kg de déchets répartis sur 500 points de collecte, ce qui équivaut à une densité de 550 kg/km. Ils ramassent pendant près de six heures 2,4 tonnes de déchets à l’heure tout en parcourant 11 km à pied, au cours d’une journée de travail de neuf heures au total. Leur vitesse de collecte est de 4,6 km/h en moyenne, sur un territoire couvrant près de 30 km de trottoirs, de rues et de ruelles. Les périodes de repos sont limitées à quelques minutes debout en équilibre précaire sur le marchepied arrière ou, dans le cas du chauffeur-éboueur sur camion à chargement latéral, au volant du camion. Cette charge de travail pénible est aggravée par des facteurs tels que la fréquence des montées et des descentes du véhicule, la distance parcourue, les modes de déplacement, l’effort statique requis pour le maintien en équilibre sur le marchepied arrière (effort minimal de 13 kg), la fréquence des manipulations par unité de temps, la diversité des postures adoptées (flexions), la fréquence des lancers et des torsions du tronc et le taux de collecte élevé par unité de temps dans certains secteurs. Eloquent témoignage de l’impact de ces facteurs, on a constaté que, dans 23% des voyages suivis, les capacités des travailleurs étaient dépassées par rapport aux limites admissibles de port manuel de charges pour une personne fixées par la norme de l’Association française de normalisation (AFNOR) (3,0 t/h). Ce pourcentage atteint 37% si l’on tient compte des limites établies en fonction des observations (3,5 t/h pour le chargement arrière et 1,9 t/h pour le chargement latéral).

La diversité et la nature des objets manipulés

La manipulation d’objets et de contenants de poids et de volume variables entrave la bonne marche des opérations et perturbe le rythme de travail. Il s’agit d’objets lourds, volumineux ou encombrants, coupants ou piquants, souvent cachés par les résidents, et de matières dangereuses. Les déchets à risques les plus courants sont énumérés au tableau 101.2.

Tableau 101.2 Objets dangereux trouvés lors de la collecte des ordures ménagères

Verre, vitres de fenêtres, tubes fluorescents

Acide de batterie, bidons de solvant ou de peinture, aérosols, bonbonnes de gaz, huile de moteur

Déchets de construction, poussière, plâtre, sciure de bois, cendres de foyer

Morceaux de bois avec des clous

Seringues, déchets médicaux

Résidus de jardinage, gazon, pierres, terre

Meubles, appareils électriques, autres gros déchets domestiques

Déchets précompactés (provenant des immeubles)

Nombre excessif de petits sacs et de boîtes provenant des petits commerces et des restaurants

Grandes quantités de déchets végétaux et animaux en zone rurale

Très grands sacs

Contenants interdits (par exemple, sans poignées, trop lourds, barils d’huile de plus 200 litres, barils à ouverture étroite, poubelles sans couvercle)

Petits sacs apparemment légers, mais lourds en réalité

Nombre excessif de petits sacs

Sacs en papier et boîtes qui se déchirent

Tous les déchets cachés, car trop lourds ou toxiques, ou qui surprennent le travailleur non prévenu

Conteneurs commerciaux devant être vidés au moyen d’un système improvisé, souvent inapproprié et dangereux

Le tri des déchets effectué par les résidents, qui les jettent dans des sacs à ordures de couleurs différentes, et les poubelles domestiques à roulettes aident beaucoup les éboueurs en ce sens que leur collecte est facilitée et qu’ils peuvent mieux contrôler leur rythme de travail et leurs efforts.

Les conditions climatiques et la nature des objets transportés

Les sacs en papier mouillés et les sacs en plastique de mauvaise qualité qui se déchirent et laissent échapper leur contenu sur le trottoir ainsi que les poubelles gelées bloquées dans les tas de neige peuvent provoquer des incidents et donner lieu à des manœuvres de récupération dangereuses.

Les horaires de travail

Le nécessité de se dépêcher, les problèmes de circulation, les voitures en stationnement et les rues encombrées peuvent créer des situations dangereuses.

Afin de diminuer leur charge de travail et de maintenir un rythme de travail rapide et constant malgré ces contraintes, les travailleurs cherchent souvent à gagner du temps et à limiter leurs efforts en adoptant des méthodes de travail potentiellement dangereuses. Parmi celles les plus souvent observées, on peut citer les coups de pied dans les sacs ou les boîtes en carton pour les rapprocher du camion, la traversée des rues pour ramasser les ordures des deux côtés, la saisie de sacs alors que le camion est en mouvement, le transport de sacs sous les bras ou contre le corps, le chargement des sacs et des poubelles en s’aidant de la cuisse, le ramassage à la main d’ordures répandues sur le sol et l’aide manuelle au compactage (en poussant avec les mains les ordures qui débordent de la trémie quand le système de compactage ne parvient pas à les compresser assez vite). A titre d’exemple, lors de la collecte avec camion à chargement arrière, en banlieue, on a observé près de 1 500 situations à risque (risques d’accident ou d’augmentation de la charge de travail) par heure, notamment:

La collecte par camion à chargement latéral (voir figure 101.6) à l’aide de petites poubelles à roulettes réduit la manipulation d’objets lourds ou dangereux et la fréquence des risques d’accidents ou d’augmentation de la charge de travail.

L’utilisation de la voie publique

La rue est le lieu de travail des éboueurs. Ils y sont exposés à des risques dus à la circulation, au blocage de l’accès aux poubelles domestiques, à l’accumulation d’eau, de glace et de neige et aux chiens.

Les véhicules

Sur les camions à chargement arrière (voir figure 101.7), les marches et les marchepieds, souvent trop hauts ou trop étroits, rendent la montée difficile et la descente semblable à un saut périlleux. Les barres de préhension qui sont trop hautes ou trop près de la carrosserie du camion ne font qu’aggraver la situation. Tous ces facteurs ont pour effet d’augmenter la fréquence des chutes et des heurts contre les structures adjacentes aux marchepieds. En outre, le bord supérieur de la trémie étant très élevé, les sujets de petite taille doivent dépenser davantage d’énergie pour y jeter les objets. Dans certains cas, les travailleurs se servent de leurs jambes ou de leurs cuisses comme point d’appui ou pour donner plus de force à leur mouvement de chargement.

Figure 101.7 Camion à benne tasseuse fermée à chargement arrière

Figure 101.7

Les caractéristiques des camions à chargement latéral et les opérations auxquelles ce type de chargement donne lieu requièrent des mouvements répétitifs spécifiques qui peuvent entraîner des douleurs musculaires et articulaires dans les épaules et le haut du dos. Les chauffeurs-éboueurs de ces camions subissent une charge supplémentaire, car ils doivent faire face à la fois à l’effort physique que constitue le ramassage des ordures et à la tension psychique due à la conduite du véhicule.

Les équipements de protection individuelle

Si l’efficacité théorique de ces équipements ne fait aucun doute, ils peuvent toutefois se révéler inadaptés dans la pratique. Concrètement, ils peuvent n’être pas appropriés aux conditions dans lesquelles se déroule le ramassage des ordures. Les bottes, en particulier, sont incompatibles avec la faible profondeur utile du marchepied arrière et la cadence de travail rapide imposée par l’organisation de la collecte. Les gants solides et résistant aux lacérations, quoique souples, sont quant à eux des plus utiles pour protéger les mains.

L’organisation du travail

Certains aspects de l’organisation du travail accroissent la charge de celui-ci et, partant, les risques. Comme dans la plupart des cas de travail à forfait, le principal avantage pour les travailleurs est la possibilité de gagner du temps en le gérant à leur gré et en adoptant un rythme de collecte rapide. C’est ce qui explique que les tentatives faites pour ralentir leur cadence par souci de sécurité sont restées infructueuses. Par ailleurs, certains horaires de travail excèdent les capacités des travailleurs.

La très grande diversité des comportements des résidents justifierait à elle seule une étude des risques qu’ils représentent en plus des dangers inhérents au métier d’éboueur. Déchets interdits ou dangereux habilement dissimulés parmi les déchets ordinaires, conteneurs hors normes, objets très volumineux ou très lourds, désaccords sur les heures de collecte et règlements non respectés multiplient les risques ainsi que les sources de conflit. Les éboueurs en sont souvent réduits à jouer le rôle de «policiers des ordures», d’éducateurs ou de tampons entre les municipalités, les entreprises et les résidents.

La collecte de matières destinées au recyclage n’est pas sans poser des problèmes malgré leur faible densité et des taux de collecte très inférieurs à ceux de la collecte traditionnelle (à l’exception du ramassage des feuilles destinées au compostage). La fréquence horaire de survenue des risques d’accidents est souvent élevée dans ce type d’activité. En outre, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un travail nouveau pour lequel peu de personnes ont été formées.

Dans plusieurs cas, les travailleurs sont obligés d’exercer des activités dangereuses comme monter dans la benne de compactage du camion pour descendre dans les compartiments afin d’y tasser le papier et le carton avec les pieds. On a aussi observé plusieurs stratégies visant à accélérer le rythme de travail, par exemple trier à nouveau à la main les matières à recycler ou sortir les objets du bac de recyclage et les porter au camion plutôt que d’amener le bac jusqu’au camion. La fréquence des incidents et des perturbations de l’activité normale dans ce type de collecte est particulièrement élevée. Ces incidents tiennent aux activités spécifiques, dangereuses en elles-mêmes, qu’effectuent les travailleurs.

Les accidents du travail et leur prévention

La collecte des déchets ménagers est un métier dangereux, ce que confirment les statistiques. Tous types d’entreprises, de véhicules et de métiers confondus, on dénombre en moyenne près de 80 accidents par an pour 2 000 heures de collecte, soit pour 8 travailleurs sur 10 une lésion au moins une fois par an. Il se produit 4 accidents pour 1 000 remplissages d’un camion de 10 tonnes. En moyenne, chaque accident occasionne une perte de 10 journées de travail et le paiement de 820 dollars canadiens à titre de réparation. Les taux de fréquence et de gravité des lésions varient selon les entreprises, les plus élevés étant relevés dans les entreprises municipales (74 accidents pour 100 travailleurs contre 57 pour 100 travailleurs dans les entreprises privées (Bourdouxhe, Cloutier et Guertin, 1992). Les accidents les plus courants sont énumérés au tableau 101.3).

Tableau 101.3 Accidents les plus courants lors de la collecte des ordures
ménagères au Québec

Lésion

Cause

Pourcentage des accidents étudiés

Douleurs dans le dos ou les épaules

Lancer des sacs ou torsion au cours de leur ramassage

19

Lésion dorsale

Efforts excessifs en soulevant des objets

18

Foulure de la cheville

Chute ou glissade en descendant ou en se déplaçant près du camion

18

Ecrasement des mains, doigts, bras ou genoux

Heurt par un conteneur ou un objet lourd, coincement entre le véhicule et un conteneur ou choc contre le camion ou une voiture en stationnement

18

Coupures plus ou moins profondes des mains ou des cuisses

Contact avec du verre, un clou ou une seringue pendant le chargement de la trémie

15

Egratignures et contusions

Contact avec des objets ou heurts par ceux-ci

5

Irritation des yeux ou des voies respiratoires

Poussières ou projections de liquides près de la trémie pendant le compactage

5

Autres

 

2

Les éboueurs s’infligent habituellement des lacérations aux mains et aux cuisses, les chauffeurs se font des entorses aux chevilles dues à des chutes en descendant de la cabine et les chauffeurs-éboueurs de camions à chargement latéral souffrent, quant à eux, de douleurs aux épaules et dans le haut du dos causées par le lancer de charges. La nature des accidents varie également selon les types de camions — à chargement arrière ou latéral —, mais aussi en fonction des métiers associés à ces différents types de chargement. Ces différences tiennent à la conception de l’équipement, aux mouvements requis et à la nature ainsi qu’à la densité des déchets ramassés dans les secteurs où ces deux sortes de véhicules sont utilisés.

La prévention

Les dix domaines ci-après sont ceux dans lesquels des améliorations pourraient rendre la collecte des ordures ménagères plus sûre:

  1. gestion de la sécurité et de la santé (par exemple, élaboration de programmes de prévention des accidents mieux adaptés aux tâches, qui soient fondés sur la connaissance qu’ont les travailleurs des risques professionnels);
  2. formation et embauche;
  3. organisation du travail, organisation de la collecte et charge de travail;
  4. véhicules;
  5. formation et conditions de travail des travailleurs auxiliaires, occasionnels et temporaires;
  6. contrats de collecte;
  7. gestion publique;
  8. collaboration entre les associations d’employeurs (municipaux et privés) et de travailleurs et les organes décisionnels municipaux ou régionaux;
  9. stabilité de la main-d’œuvre;
  10. recherches concernant l’équipement de protection individuelle, la conception ergonomique des camions, la sous-traitance par des chauffeurs à forfait et la sécurité.

Conclusion

La collecte des ordures ménagères est une activité importante, mais dangereuse. La protection des travailleurs est plus difficile à assurer lorsque la collecte est sous-traitée à des entreprises privées qui, comme cela se pratique au Québec, confient le travail à de nombreux petits chauffeurs à forfait. Un grand nombre de risques ergonomiques et de risques d’accidents, aggravés par la charge de travail, les aléas du climat, les inconvénients inhérents au travail sur la voie publique et les difficultés de circulation, sont des problèmes qui doivent être traités et maîtrisés si l’on veut préserver la sécurité et la santé des travailleurs.

LA VOIRIE

J.C. Gunther, Jr.*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

La prévention des maladies propagées par la saleté, celle des dégâts — aux véhicules notamment — causés par des objets dangereux et l’agrément du spectacle qu’offre une ville bien tenue comptent au nombre des avantages qu’on retire du nettoyage des rues. Les troupeaux et les animaux de trait, naguère cause d’insalubrité, ne posent plus de problème de nos jours dans les pays industriels. L’accroissement démographique dans le monde s’accompagne, par contre, d’une énorme accumulation de déchets, de la croissance du parc industriel — qu’il s’agisse du nombre des établissements ou de leurs dimensions —, de la prolifération des véhicules et des journaux, de la production de biens de consommation à jeter après usage et d’emballages perdus, qui tous concourent à accroître le volume des ordures et, par voie de conséquence, à compliquer le problème général de la voirie.

L’organisation et les méthodes

Les autorités municipales, conscientes des menaces pour la santé que représente la saleté des rues, se sont efforcées d’y remédier en chargeant les départements des travaux publics de leur nettoyage. Le responsable de la voirie fixe le calendrier du nettoyage par quartier et répartit le travail entre divers cadres et agents chargés de tâches précises et qui relèvent de lui.

Normalement, les quartiers de négoce et d’affaires sont nettoyés chaque jour, tandis que les grands axes de circulation et les quartiers d’habitation le sont une fois par semaine. La fréquence des interventions varie en fonction des précipitations (pluie ou neige), de la topographie urbaine et des habitudes de propreté de la population.

C’est en général le responsable de la voirie qui choisit la méthode de nettoyage la plus efficace. Il a le choix entre le balayage par un seul travailleur ou par une ou plusieurs équipes, l’arrosage au tuyau ou le nettoyage au moyen d’engins mécaniques (balayeuses-arroseuses). En général, il combine les diverses méthodes en tenant compte de l’équipement dont il dispose, de la nature des déchets à évacuer et d’autres facteurs. Dans les régions très enneigées en hiver, on recourt à un équipement spécial.

Le balayage manuel se fait généralement de jour et se limite au curage des caniveaux et à des nettoyages localisés sur les trottoirs ou les chaussées. L’équipement utilisé comprend des balais, des racloirs et des pelles. Un balayeur travaillant seul couvre généralement un itinéraire fixe et nettoie environ 9 km par poste dans des conditions favorables; cette distance peut toutefois être inférieure dans les quartiers d’affaires encombrés.

Le balayeur travaillant seul place les ordures qu’il a ramassées dans un tombereau et les décharge dans des poubelles disposées sur son chemin; celles-ci sont vidées à intervalles réguliers dans des camions de ramassage d’ordures. Lorsque le balayage est confié à des équipes, les ordures sont amoncelées dans les caniveaux et chargées directement sur les camions. Normalement, une équipe de huit balayeurs se verra adjoindre deux autres travailleurs pour le chargement. Le balayage par équipe est particulièrement efficace pour les travaux de nettoyage exceptionnels, nécessaires, par exemple, après des orages, des défilés ou d’autres manifestations collectives.

Les avantages du balayage à la main sont les suivants: il s’adapte facilement aux variations de la charge de travail; il permet le nettoyage d’endroits inaccessibles aux machines; il peut se faire dans une circulation intense, qu’il gêne au minimum; le gel ne constitue pas un obstacle; enfin, il permet de nettoyer les chaussées qui, à cause de leur revêtement, ne se prêtent pas à l’emploi de machines. Il n’en présente pas moins des inconvénients: le travail est dangereux dans la circulation; il soulève de la poussière; les ordures amoncelées dans les caniveaux peuvent être dispersées par le vent ou par les véhicules si elles ne sont pas ramassées rapidement; enfin, ce procédé peut être coûteux dans les endroits où la main-d’œuvre est chère.

De nos jours, on trouve qu’il n’est pas économique de nettoyer les rues au tuyau d’arrosage; cette méthode n’en est pas moins efficace quand une grande quantité de détritus ou de boue adhère aux chaussées, quand un grand nombre de véhicules sont en stationnement ou sur les marchés. L’arrosage se fait généralement de nuit, par une équipe de deux préposés, un travailleur réglant la lance d’arrosage et orientant le jet, l’autre s’occupant de raccorder le tuyau à la prise d’eau. L’équipement utilisé comprend un tuyau d’arrosage, une lance d’arrosage et une clé pour le raccordement.

Les balayeuses mécaniques sont composées d’un châssis automoteur pourvu de brosses, de bandes transporteuses, de buses et d’une benne à ordures. Elles circulent généralement tard le soir ou tôt le matin dans les quartiers d’affaires et le jour dans les zones d’habitation. Elles servent exclusivement à nettoyer les caniveaux et les endroits adjacents, où la plus grande partie des ordures s’accumulent.

La balayeuse est conduite par une personne et l’on compte qu’elle peut nettoyer environ 36 km de chaussée par poste de 8 heures. Les facteurs qui peuvent agir sur le rendement sont: le nombre des opérations de déchargement des ordures ou de réapprovisionnement en eau et la distance à parcourir pour l’un et l’autre type d’opération; la densité de la circulation; et le volume des ordures ramassées.

La balayeuse présente plusieurs avantages: elle nettoie bien, vite et sans soulever de poussière; elle ramasse les ordures au fur et à mesure qu’elle les balaie; on peut s’en servir de nuit; enfin, elle est relativement économique. Elle présente aussi des inconvénients: elle ne peut balayer ni sous les voitures en stationnement ni ailleurs que sur la chaussée; elle n’est pas efficace dans les rues dont le revêtement est inégal, mouillé ou boueux; les buses d’arrosage ne peuvent être utilisées quand il gèle et le balayage à sec soulève de la poussière; elle exige des conducteurs et un personnel d’entretien qualifiés.

Les arroseuses municipales sont, pour l’essentiel, des citernes montées sur un châssis automoteur équipé d’une pompe et d’une buse d’arrosage destinées à fournir la pression et à diriger le jet d’eau sur la chaussée. On peut escompter qu’une arroseuse nettoie environ 36 km de chaussée de 7 m de large par poste de 8 heures.

Les arroseuses sont efficaces sur les chaussées mouillées ou boueuses; elles nettoient rapidement, bien et sans soulever de poussière, même sous les voitures en stationnement, et peuvent être utilisées de nuit et lorsque la circulation est faible. Pour ce qui est de leurs inconvénients, mentionnons que leur action doit être complétée par des interventions manuelles pour que les rues soient vraiment propres lorsque les conditions sont défavorables, qu’elles gênent les piétons et les conducteurs des véhicules qu’elles éclaboussent, qu’elles ne peuvent être utilisées quand il gèle et qu’elles exigent des conducteurs et un personnel d’entretien qualifiés.

Les risques et leur prévention

Le nettoyage des voies publiques est un travail qui n’est pas sans danger puisqu’il s’effectue au milieu de la circulation et qu’il a pour objet le ramassage de saletés et d’ordures, avec ce que cela comporte de risques d’infection, de coupures provoquées par des débris de verre, du fer-blanc, etc. Dans les zones densément peuplées, les balayeurs peuvent être exposés à une forte concentration de monoxyde de carbone et à un niveau élevé de bruit.

Pour lutter contre les dangers de la circulation routière, on peut former les balayeurs aux méthodes de travail sûres (par exemple organiser leur travail en sens inverse de la circulation), leur fournir des vêtements de couleur vive qui attirent le regard et munir leur tombereau de fanions rouges ou d’autres signaux. Pour que les balayeuses et les arroseuses soient plus visibles, on les dote de clignotants et de fanions et on les peint de façon caractéristique.

Le personnel de la voirie — les balayeurs en particulier — est exposé à toutes les intempéries et peut avoir à travailler dans des conditions très pénibles. On peut prévenir en partie les maladies, les infections et les accidents par le port de vêtements de protection — combinaisons, gants ou bottes — ainsi que par une formation appropriée. Seuls des travailleurs qualifiés devraient être autorisés à conduire des engins mécanisés, par exemple les chasse-neige.

Il faudrait, en un endroit facilement accessible et central, aménager des locaux dotés d’installations sanitaires convenables (y compris des douches), de vestiaires où les travailleurs puissent se changer et sécher leurs vêtements, d’un réfectoire et d’une salle de premiers soins. Des examens médicaux périodiques sont souhaitables.

Les répercussions du déneigement sur l’environnement

Le déblaiement et l’élimination de la neige posent une série de problèmes préoccupants pour l’environnement en raison des débris, sels, huiles, métaux ou particules qui peuvent être déposés dans les masses d’eau locales. La concentration de particules, de plomb par exemple, produites par des émissions dans l’atmosphère en provenance des zones industrielles et des automobiles est particulièrement dangereuse. L’adoption de techniques de travail visant à protéger les zones sensibles a permis d’éliminer le danger que présente le ruissellement des eaux de fonte pour les organismes aquatiques et le risque de contamination du sol et des eaux souterraines. Des directives pour l’élimination de la neige ont été adoptées dans plusieurs provinces canadiennes (Québec, Ontario, Manitoba, par exemple).

L’ÉPURATION DES EAUX USÉES

M. Agamennone*

* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.

Les eaux usées sont traitées pour en soustraire les polluants et faire en sorte que les limites de toxicité fixées par la loi soient respectées. A cet effet, on s’efforce de rendre les polluants de l’eau insolubles sous forme solide (boues), liquide (huiles) ou gazeuse (azote) en leur faisant subir des traitements appropriés. On a ensuite recours à des techniques bien connues pour séparer les eaux épurées destinées à être rejetées dans les cours d’eau naturels des polluants rendus insolubles. Les gaz sont dispersés dans l’atmosphère, tandis que les résidus liquides et solides (boues, huiles, graisses) sont généralement digérés avant d’être soumis à un traitement ultérieur. Il peut exister des traitements uniques ou en plusieurs phases, selon les caractéristiques des eaux usées et le degré d’épuration exigé. Ces traitements font appel à des procédés physiques (traitement primaire), biologiques (traitement secondaire) et tertiaires.

Les procédés physiques

Ces procédés ont pour objet l’élimination des polluants insolubles.

Le dégrillage

On fait passer les eaux usées à travers des grilles qui retiennent les éléments de gros calibre susceptibles de boucher ou d’endommager le matériel de la station (soupapes, pompes). Les déchets de criblage sont traités selon les conditions locales.

Le dessablement

Le sable contenu dans les eaux usées doit être éliminé car, en raison de sa forte densité, il a tendance à se déposer dans les canalisations et à avoir un effet abrasif sur les installations (séparateurs centrifuges, turbines). L’opération s’effectue généralement en faisant passer les eaux usées dans un dessableur d’un diamètre constant à une vitesse de 15 à 30 cm/s. Le sable se dépose sur le fond et, après un lavage destiné à évacuer les matières fermentescibles, il peut être utilisé comme matière inerte, pour la construction des routes par exemple.

Le déshuilage

Les huiles et les graisses non émulsifiables doivent être éliminées afin de ne pas imprégner le matériel de la station d’épuration (bassins, clarificateurs) et de ne pas entraver l’épuration biologique ultérieure. L’opération consiste à rassembler les particules d’huiles et de graisses à la surface de l’effluent en le faisant traverser des bassins rectangulaires à une vitesse appropriée; ces particules, écrémées mécaniquement, peuvent être utilisées comme combustible. On se sert fréquemment, pour le déshuilage, de séparateurs multiplaques compacts qui sont très efficaces: on fait descendre l’effluent à travers une série de plaques inclinées à la partie inférieure desquelles les huiles adhèrent et remontent à la surface où elles sont récupérées. Ces deux procédés permettent d’évacuer les eaux déshuilées dans le fond des bassins.

La décantation, la flottation et la coagulation

Ces procédés permettent de retirer les solides des eaux usées, les plus lourds (plus de 0,4 µm de diamètre) par sédimentation et les plus légers (moins de 0,4 µm) par flottation. Ce traitement se fonde également sur les différences de densité des solides et de l’eau qui traverse les bassins de décantation et de flottation en béton ou en acier. Les particules à séparer se rassemblent au fond ou à la surface de l’eau, se déposant ou montant à des vitesses proportionnelles au carré du rayon des particules et à la différence entre la densité de ces particules et la densité apparente de l’effluent. Les particules colloïdales (protéines, latex et émulsions huileuses, par exemple) d’une taille de 0,4 à 0,001 µm ne sont pas séparées, car elles s’hydratent et, en général, se chargent négativement par adsorption d’ions. En conséquence, elles se repoussent les unes les autres, de sorte qu’elles ne peuvent ni coaguler ni se séparer. Toutefois, si ces particules sont «déstabilisées», elles coagulent pour former des flocons d’une taille supérieure à 4 µm qui peuvent être séparés sous forme de boues dans des bassins classiques de décantation ou de flottation. La déstabilisation est obtenue par coagulation, c’est-à-dire en ajoutant 30 à 60 mg/l d’un coagulant inorganique (sulfate d’aluminium, sulfate (II) de fer ou chlorure (III) de fer). Le coagulant s’hydrolyse à un pH (degré d’acidité) donné et forme des ions métalliques positifs polyvalents qui neutralisent la charge négative du colloïde. La floculation (agglomération de particules coagulées en flocons) est facilitée par l’adjonction de 1 à 3 mg/l de polyélectrolytes organiques (adjuvants de floculation), donnant ainsi des flocons de 0,3 à 1 µm de diamètre, plus facilement séparables. On peut utiliser des bassins à écoulement horizontal, de section rectangulaire et à fond plat ou incliné. Les eaux usées y entrent à une extrémité et les eaux clarifiées s’écoulent par-dessus le rebord du côté opposé. Des bassins à circulation verticale, cylindriques et dont le fond a la forme d’un cône droit inversé peuvent également être utilisés. Les eaux usées arrivent par un point central, tandis que les eaux clarifiées, passant par-dessus le rebord supérieur dentelé du bassin, sont recueillies dans un canal entourant celui-ci. Avec ces deux types de bassin, les boues se déposent sur le fond et sont envoyées (au besoin, à l’aide d’un dispositif de raclage) dans un collecteur. La concentration de solides dans les boues est de 2 à 10%, tandis qu’elle est de 20 à 80 mg/l dans l’eau clarifiée.

Les bassins de flottation, dans lesquels les eaux résiduaires entrent par le centre, sont en général cylindriques et comportent, installés au fond, des diffuseurs de fines bulles d’air. Les particules adhèrent aux bulles, flottent à la surface et sont écrémées, tandis que l’eau épurée est évacuée à un niveau inférieur. Dans le cas des bassins d’aération à air dissous, plus efficaces, les eaux usées sont saturées avec de l’air insufflé à une pression de 2 à 5 bars, puis vont se répandre au centre du bassin, où les bulles minuscules créées par la décompression font flotter les particules à la surface.

Par rapport à la décantation, la flottation produit des boues plus épaisses à une vitesse de séparation des particules plus grande; aussi les installations requises sont-elles de plus petites dimensions. En revanche, le coût de fonctionnement et la concentration des solides dans l’eau épurée sont plus élevés.

Plusieurs bassins disposés les uns à la suite des autres sont nécessaires pour assurer la coagulation et la floculation d’un système colloïdal. Un coagulant inorganique et, le cas échéant, un acide ou un alcali destinés à corriger le pH sont ajoutés à l’eau usée du premier bassin, qui est équipé d’un agitateur. La suspension passe alors dans un deuxième bassin possédant un agitateur à grande vitesse; à ce stade, le polyélectrolyte est ajouté et se dissout en quelques minutes. La floculation a lieu dans un troisième bassin à l’aide d’un agitateur tournant à petite vitesse et dure de 10 à 15 minutes.

Les procédés biologiques

Les procédés d’épuration biologiques consistent à éliminer les polluants organiques biodégradables à l’aide de micro-organismes. Ceux-ci digèrent le polluant par un processus aérobie ou anaérobie (avec ou sans apport d’oxygène atmosphérique) et le transforment en eau, en gaz (dioxyde de carbone et méthane) et en une masse microbienne solide insoluble qui peut être séparée de l’eau épurée. Dans le cas des effluents industriels en particulier, il convient d’assurer des conditions appropriées au développement de micro-organismes: présence de composés azotés et phosphorés, traces de micro-éléments, absence de substances toxiques (métaux lourds, etc.), température et pH optimaux. Le traitement biologique s’effectue suivant des processus aérobies ou anaérobies.

Les processus aérobies

Les processus aérobies sont plus ou moins complexes selon l’espace disponible, le degré d’épuration requis et la composition des eaux usées.

Les étangs de stabilisation (lagunage)

Ils sont généralement de forme rectangulaire et ont 3 à 4 m de profondeur. Les eaux usées y entrent à une extrémité, y séjournent de 10 à 60 jours et en ressortent en partie à l’extrémité opposée, en partie par évaporation et en partie par infiltration dans le sol. Le taux d’efficacité de l’épuration est compris entre 10 et 90% suivant le type d’effluent et la demande biochimique résiduelle en oxygène sur 5 jours (DBO5) (moins de 40 mg/l). L’oxygène est fourni par l’atmosphère par diffusion à travers la surface de l’eau et par des algues assurant la photosynthèse. Les solides en suspension dans les eaux usées et ceux qui sont produits par l’activité microbienne se déposent dans le fond où ils sont stabilisés par des processus qui sont aérobies ou anaérobies en fonction de la profondeur de l’étang, la profondeur ayant un effet tant sur la diffusion de l’oxygène que sur la pénétration de la lumière solaire. La diffusion de l’oxygène est souvent accélérée par des aérateurs de surface qui permettent de réduire le volume des étangs.

Ce type de traitement est très économique à condition que l’on dispose d’espace, mais il exige un sol argileux pour prévenir la pollution des eaux souterraines par les effluents toxiques.

Les boues activées

On les utilise pour accélérer l’épuration effectuée dans des bassins en béton ou en acier de 3 à 5 m de profondeur dans lesquels les eaux usées entrent en contact avec des micro-organismes en suspension (2 à 10 g/l) oxygénés par des aérateurs de surface ou par insufflation d’air. Après une durée de 3 à 24 heures de ce traitement, le mélange d’eau épurée et de micro-organismes passe dans un décanteur où les boues composées par les micro-organismes sont séparées de l’eau. Ceux-ci sont en partie renvoyés dans le bassin d’aération et en partie évacués.

Il existe divers types de procédés de boues activées (systèmes de stabilisation par contact et utilisation d’oxygène pur) qui rendent l’épuration efficace à plus de 95%, même dans le cas d’effluents industriels, mais qui exigent des contrôles précis et une forte consommation d’énergie pour l’alimentation en oxygène.

Les lits bactériens

Avec cette technique, les micro-organismes ne sont pas maintenus en suspension dans l’eau usée, mais adhèrent à la surface de matériaux de remplissage sur lesquels cette eau ruisselle. L’air circule entre les matériaux et fournit l’oxygène requis sans consommation d’énergie. Selon le type d’eau usée, pour obtenir un meilleur rendement d’épuration, on recycle une partie de l’eau traitée en tête de l’installation.

Lorsqu’on dispose d’un espace suffisant, on utilise des matériaux de remplissage peu coûteux de dimensions appropriées (pierres concassées, mâchefer, calcaire); selon le poids de son lit, le lit bactérien prend généralement la forme d’un bassin en béton de 1 m de haut encastré dans le sol. S’il n’y a pas assez de terrain, des matériaux de garnissage légers mais plus coûteux, tels que des plaques de plastique alvéolé de bonne qualité, d’une surface pouvant atteindre 250 m2 par m3 de ce matériau, sont entassés dans des tours de percolation de 10 m de haut.

L’eau usée est répartie sur le lit filtrant au moyen d’un mécanisme d’aspersion mobile ou fixe et recueillie dans le sol pour être finalement recyclée en tête de l’installation, puis passer dans un décanteur où les boues formées peuvent se déposer. Des ouvertures à la base du lit bactérien permettent à l’air d’y circuler. On parvient grâce à ce système à éliminer de 30 à 90% des polluants. Dans de nombreux cas, plusieurs lits filtrants sont disposés en batteries. Cette technique, qui nécessite peu d’énergie, est facile à mettre en œuvre; elle a fait l’objet de maintes applications et est recommandée dans les cas où on dispose de suffisamment de terrain, par exemple dans les pays en développement.

Les disques biologiques

Une série de disques plats en matière plastique montés en parallèle sur un axe rotatif horizontal sont partiellement immergés dans les eaux usées d’un bassin. En raison du mouvement de rotation, le feutre biologique qui recouvre les disques est mis en contact avec les effluents et l’oxygène de l’air. Les boues biologiques qui se détachent des disques restent en suspension dans les eaux usées et le système joue à la fois le rôle de réservoir à boues activées et de bassin de décantation. Les disques biologiques conviennent à des usines de petite à moyenne taille et à des collectivités; ils occupent peu de place, sont d’usage facile, exigent peu d’énergie et ont des rendements pouvant atteindre 90%.

Les processus anaérobies

Les processus anaérobies sont menés à bien grâce à deux groupes de micro-organismes, les bactéries hydrolytiques , qui décomposent les substances complexes (polysaccharides, protéines, lipides, etc.) en acide acétique, hydrogène, dioxyde de carbone et eau, et les bactéries méthanogènes , qui transforment ces substances en biomasse (pouvant être séparées des eaux épurées par sédimentation) et en biogaz contenant 65 à 70% de méthane, le reste étant du dioxyde de carbone, à forte valeur calorifique.

Ces deux groupes de micro-organismes, très sensibles aux contaminants toxiques, exercent une action simultanée en l’absence d’air à un pH quasi neutre, certains exigeant une température de 20 à 38 °C (bactéries mésophiles) et d’autres, plus délicats, de 60 à 65 °C (bactéries thermophiles). Le processus fait appel à des digesteurs clos en béton ou en acier, dans lesquels s’effectue un mouvement de brassage et dont la température requise est maintenue par des thermostats. Le procédé par contact est un procédé typique qui consiste à prévoir un bassin de décantation après le digesteur afin de séparer les boues, partiellement recyclées dans le digesteur, de l’eau épurée.

Les processus anaérobies ne nécessitent ni oxygène, ni courant électrique pour produire de l’oxygène et donnent du biogaz pouvant être utilisé comme carburant (coût de fonctionnement peu élevé). En revanche, ces processus sont moins efficaces que les processus aérobies (DBO5 résiduelle: 100 à 1 500 mg/l), sont plus lents et plus difficiles à contrôler, mais permettent la destruction des micro-organismes fécaux et pathogènes. Ils sont utilisés pour traiter les grosses quantités de déchets tels que les boues d’égout sédimentaires, les boues excédentaires provenant des traitements par les boues activées ou par les lits bactériens ainsi que les effluents industriels dont la DBO5 ne dépasse pas 30 000 mg/l (par exemple ceux des distilleries, brasseries, raffineries de sucre, abattoirs et papeteries).

Les procédés tertiaires

Ces procédés, plus complexes et plus coûteux, font appel à des réactions chimiques ou à des techniques physico-chimiques ou physiques spéciales afin d’éliminer, des eaux usées industrielles notamment, les polluants non biodégradables solubles dans l’eau, tant organiques (colorants et phénols) qu’inorganiques (cuivre, mercure, nickel, phosphates, fluorures, nitrates et cyanures), car ces polluants ne peuvent être retirés par d’autres traitements. Le traitement tertiaire permet également une très bonne purification de l’eau, qui peut ainsi être utilisée comme eau potable ou dans les procédés de fabrication (production de vapeur, systèmes de refroidissement, eau de traitement à des fins particulières). Les procédés tertiaires les plus importants sont les suivants:

La précipitation

La précipitation s’effectue dans des réacteurs constitués d’un matériau approprié, équipés d’agitateurs et dans lesquels des réactifs chimiques sont ajoutés à une température et à un pH contrôlés pour transformer le polluant en un produit insoluble. Le précipité obtenu sous forme de boues est séparé de l’eau traitée par des méthodes classiques. Ainsi, dans les eaux usées provenant de l’industrie des engrais, on rend les phosphates et les fluorures insolubles en les faisant réagir avec de la chaux à température ambiante et à un pH alcalin; le chrome (pour les tanneries), le nickel et le cuivre (pour la galvanoplastie) sont précipités sous forme d’hydroxydes à un pH alcalin après avoir été réduits avec du m-disulfite à un pH de 3 au maximum.

L’oxydation chimique

Les polluants organiques sont oxydés avec des réactifs dans des réacteurs analogues à ceux qui sont utilisés pour la précipitation. En général, la réaction est poursuivie jusqu’à obtention d’eau et de dioxyde de carbone en fin de processus. Les cyanures, par exemple, sont détruits à la température ambiante par adjonction d’hypochlorite de sodium et de calcium à un pH alcalin, tandis que les colorants azoïques et anthraquinoniques sont décomposés par le peroxyde d’hydrogène et le sulfate de fer à pH 4,5. Les effluents colorés de l’industrie chimique contenant 5 à 10% de substances organiques non biodégradables sont oxydés à une température de 200 à 300 °C à haute pression dans des réacteurs faits de matériaux spéciaux par insufflation d’air et d’oxygène dans le liquide (oxydation en milieu humide); on utilise parfois des catalyseurs. Les éléments pathogènes qui restent dans les eaux usées urbaines après épuration sont oxydés par chloration ou ozonisation en vue de rendre l’eau potable.

L’adsorption

Certains polluants (par exemple, les phénols des eaux usées des cokeries, les colorants des eaux industrielles ou destinées à la boisson et les agents tensioactifs) sont efficacement éliminés par adsorption sur de la poudre ou des granules de charbon activé qui sont très poreux et ont une grande surface spécifique (1 000 m2/g au minimum). La poudre de charbon activé est ajoutée en quantités mesurées à l’eau usée qui est brassée dans des réservoirs; 30 à 60 minutes plus tard, la poudre épuisée est enlevée sous forme de boues. Les granules de charbon activé sont utilisés dans des tours disposées en séries, dans lesquelles on fait passer l’eau polluée. Le charbon épuisé est régénéré dans ces tours, à savoir que le polluant adsorbé est éliminé soit par traitement chimique (par exemple, par lavage des phénols avec de la soude), soit par oxydation thermique (dans le cas des colorants).

L’échange d’ions

Certaines substances naturelles (zéolites, par exemple) ou certains composés artificiels (permutites, résines, etc.) échangent, selon une méthode stœchiométrique réversible, les ions qui leur sont liés avec ceux qui sont contenus, même fortement dilués, dans les eaux usées. Par exemple, on élimine par percolation, dans des colonnes remplies de résine, le cuivre, le chrome, le nickel, les nitrates et l’ammoniac. Quand les résines sont usées, elles sont réactivées par lavage avec des solutions régénératrices. Les métaux sont ainsi récupérés dans une solution concentrée. Ce traitement, quoique coûteux, est efficace et recommandé lorsqu’il faut obtenir des eaux très pures (comme dans le cas d’eaux usées contaminées par des métaux toxiques).

L’osmose inverse

Dans des cas particuliers, il est possible d’obtenir de l’eau potable d’une grande pureté à partir d’eaux usées diluées en les faisant passer à travers des membranes semi-perméables. Du côté de la membrane où se trouvent les eaux usées, les polluants (chlorures, sulfates, phosphates, colorants et certains métaux) subsistent sous forme de solutions concentrées qu’il faut encore éliminer ou traiter à des fins de récupération. Les eaux usées diluées sont soumises à des pressions allant jusqu’à 50 bars dans une installation spéciale contenant des membranes synthétiques à base d’acétate de cellulose ou d’autres polymères. Ce procédé n’est pas coûteux et le rendement de séparation peut dépasser 95%.

Le traitement des boues

Lorsque des polluants sont rendus insolubles au cours de l’épuration des eaux usées, des quantités considérables de boues sont produites (20 à 30% de la demande chimique en oxygène (DCO) fortement diluée (90 à 99% d’eau)). Evacuer ces boues sans nuire à l’environnement suppose des traitements d’un coût pouvant atteindre 50% de celui de la purification des eaux usées. Les types de traitement dépendent de la destination des boues, qui, de son côté, dépend de leurs caractéristiques et des conditions locales. Les boues peuvent être destinées:

Les boues sont déshydratées avant d’être évacuées pour réduire aussi bien leur volume que le coût de leur traitement; elles sont fréquemment stabilisées pour empêcher leur putréfaction et faire en sorte que les substances toxiques qu’elles pourraient contenir perdent leur nocivité.

La déshydratation

La déshydratation est précédée d’un épaississement des boues dans des épaississeurs, appareils analogues à des bassins de décantation, dans lesquels les boues reposent de 12 à 24 heures pour perdre une partie de leur eau, qui est récupérée en surface, tandis que les boues épaissies sont évacuées à un niveau inférieur. Ces boues sont déshydratées, par exemple par séparation centrifuge ou par filtration (sous vide ou sous pression) à l’aide d’un équipement classique ou par exposition à l’air en couches de 30 cm d’épaisseur sur des lits de séchage consistant en des bassins de béton rectangulaires, d’environ 50 cm de profondeur, à fond en pente recouvert d’une couche de sable pour faciliter le drainage de l’eau. Les boues contenant des substances colloïdales devraient au préalable être déstabilisées par coagulation et floculation, selon les méthodes décrites plus haut.

La stabilisation

Elle comprend la digestion et la détoxication. La digestion est une opération de traitement des boues à long terme au cours de laquelle elles perdent de 30 à 50% de leurs matières organiques et qui s’accompagne d’une augmentation de leur teneur en sels minéraux. Ces boues sont désormais imputrescibles, tous les agents pathogènes qu’elles contiennent sont détruits et leur filtrabilité est améliorée. La digestion peut être aérobie quand les boues sont aérées pendant 8 à 15 jours à la température ambiante dans des bassins en béton, le processus étant analogue au traitement des boues activées. La digestion peut être aussi anaérobie si les boues sont digérées dans des installations analogues à celles qui sont utilisées pour le traitement anaérobie des déchets, à une température de 35 à 40 °C pendant 30 à 40 jours, avec production de biogaz. Enfin, la digestion peut être de type thermique quand les boues sont traitées à l’air chaud, à une température de 200 à 250 °C et à une pression dépassant 100 bars pendant 15 à 30 minutes (combustion en milieu humide) ou, lorsqu’elles sont traitées, en l’absence d’air, à 180 °C et à une pression autogène, pendant 30 à 45 minutes.

La détoxication enlève toute nocivité aux boues contenant des métaux (chrome, nickel et plomb, par exemple), qui sont solidifiées par traitement au silicate de sodium et transformées par un procédé autothermique en silicates insolubles.

L’INDUSTRIE DU RECYCLAGE À L’ÉCHELON MUNICIPAL

David E. Malter

Généralités

Le recyclage n’est pas perçu de la même façon par tous. Pour les consommateurs, c’est le fait de sortir les bouteilles et les boîtes de conserve sur le trottoir pour qu’elles soient ramassées. Pour les industriels produisant des matières premières ou des produits finis, c’est faire entrer les produits du recyclage dans la fabrication. Pour les fournisseurs de ces prestations, c’est offrir des services de collecte, de tri et d’expédition rentables. Pour ceux qui «font les poubelles», c’est le fait de récupérer les produits et matériaux recyclables et de les vendre à des dépôts de recyclage. Pour les décideurs à tous les niveaux de l’administration, le recyclage se matérialise par l’établissement de réglementations régissant la collecte et l’utilisation des déchets dont on veut se débarrasser et par la recherche d’un revenu tiré de la vente des produits recyclés. Pour assurer un recyclage effectif et sans danger, il faut apprendre à ces divers groupes à travailler ensemble et à partager les responsabilités.

L’industrie du recyclage s’est développée régulièrement depuis ses débuts, il y a un siècle. Jusqu’aux années soixante-dix, il s’agissait essentiellement d’activités bénévoles du secteur privé, exercées en grande partie par des ferrailleurs ou des chiffonniers. Avec l’apparition de l’incinération dans les années soixante-dix, on a jugé utile de mettre de côté certaines matières avant de jeter les déchets dans les fours. Cette initiative a été prise pour faire face aux problèmes d’émissions créés par les métaux, batteries, matières plastiques et autres matériaux jetés dans les poubelles municipales et qui étaient responsables de la fermeture de bon nombre d’incinérateurs vétustes, considérés comme des facteurs de pollution de l’environnement. Le souci croissant de ménager l’environnement a été à l’origine de la séparation systématique de matières comme les plastiques, l’aluminium, l’étain, le papier et le carton dans les flux de déchets ménagers. A l’origine, l’industrie du recyclage n’était pas rentable en tant qu’activité commerciale mais, au milieu des années quatre-vingt, le besoin de certains matériaux et de produits et l’augmentation de leur prix ont incité à construire de nombreuses installations permettant de traiter des matières et des produits recyclables non triés aux Etats-Unis et en Europe.

La main-d’œuvre

En raison du vaste éventail de qualifications et de spécialisations nécessitées par les installations de recyclage, les besoins de main-d’œuvre de ce secteur sont devenus très divers. Qu’il s’agisse d’installations effectuant la totalité des opérations de recyclage ou d’installations limitées au triage, les catégories de travailleurs ci-après y sont généralement employées:

Les procédés et les installations

L’industrie du recyclage s’est très rapidement développée et a élaboré de nombreux procédés et de nombreuses méthodes par suite des progrès de la technologie dans le domaine du triage des matières recyclables. Les installations les plus courantes sont celles qui assurent la totalité des opérations de recyclage, celles qui traitent d’autres matières que les déchets et les simples systèmes de triage et de traitement.

Les installations assurant la totalité des opérations de recyclage

Ces installations reçoivent des matières recyclables mêlées aux flux de déchets ménagers. En général, les habitants placent les matières recyclables dans des sacs en plastique de couleur qui sont déposés dans les conteneurs à ordures ménagères, ce qui permet à la collectivité de joindre ses matières recyclables aux autres déchets ménagers, éliminant ainsi la nécessité d’avoir des véhicules de ramassage et des conteneurs distincts. Les opérations s’effectuent selon l’enchaînement suivant:

Les installations de recyclage de matières autres que les déchets

Ce système prévoit que seules les matières recyclables sont livrées aux installations de recyclage, les déchets ménagers étant acheminés vers d’autres sites. Ce système suppose un processus perfectionné de triage et de traitement semi-automatisé dont les étapes sont identiques à celles décrites plus haut. En raison du plus faible volume traité, cette méthode exige moins de personnel.

Le système de triage et de traitement simple

Il s’agit d’un système qui demande beaucoup de main-d’œuvre, car le triage est effectué à la main. D’une manière générale, on fait défiler les matières d’un poste de travail à l’autre sur un convoyeur à bande, chaque trieur enlevant une catégorie donnée de matières devant lui. Un système de traitement de ce type simple et peu coûteux comporte les étapes ci-après:

Les installations

Les machines et les équipements utilisés dans les installations de recyclage sont fonction du type de procédé employé et du volume des matières manipulées. Une installation semi-automatisée type comprend normalement les éléments ci-après:

Les risques en matière de sécurité et de santé

Les travailleurs de ces installations sont exposés à de multiples risques environnementaux et professionnels, dont beaucoup sont imprévisibles en raison du type de déchets qui change continuellement. Ces principaux risques sont notamment:

Le tableau 101.4 récapitule les types les plus communs de lésions auxquelles les travailleurs sont exposés dans l’industrie du recyclage.

Tableau 101.4 Lésions les plus fréquentes dans l'industrie du recyclage

Type de lésion

Cause de la lésion

Siège de la lésion

Coupures, écorchures et déchirures

Contact avec des matériaux ou objets coupants

Mains et avant-bras

Pathologie d’hypersollicitation

Levage

Région lombo-sacrée

Particules dans l’œil

Poussières en suspension dans l’air et projection d’éclats

Œil

Troubles liés à des mouvements répétitifs

Tri manuel

Extrémités supérieures

La prévention

Les travailleurs des installations de recyclage encourent des risques liés à l’exposition aux déchets qui y sont apportés ainsi qu’à un milieu de travail en évolution constante. La direction doit avoir connaissance en tout temps du contenu des matières livrées, de la formation et de la surveillance des travailleurs. Elle doit aussi s’assurer qu’ils respectent les normes de sécurité, qu’ils se servent des équipements de protection individuelle et qu’ils entretiennent les machines et le matériel avec soin. Il convient d’avoir sans cesse à l’esprit les considérations ci-après concernant la sécurité:

Conclusion

Le recyclage à l’échelon municipal est une activité relativement nouvelle qui évolue rapidement avec les progrès de la technologie. La sécurité et la santé du personnel dépendent d’une bonne conception des procédés et des équipements ainsi que d’une formation et d’une supervision adéquates.

LES PROCÉDÉS D’ÉLIMINATION DES DÉCHETS

James W. Platner

Les travailleurs chargés de l’élimination et de la manutention des déchets urbains sont exposés à des risques professionnels qui sont aussi divers que les matières qu’ils traitent. Ils se plaignent en premier lieu des mauvaises odeurs et d’irritation des voies respiratoires supérieures due en général aux poussières. Toutefois, les véritables préoccupations en matière de sécurité et de santé au travail varient en fonction des opérations et des caractéristiques des flux de déchets (déchets urbains solides mixtes, déchets médicaux et biologiques, déchets recyclés, déchets agricoles et alimentaires, cendres, débris provenant de travaux de construction et déchets industriels). Par ailleurs, des agents biologiques tels que les bactéries, les endotoxines et les champignons peuvent présenter des risques, en particulier chez les travailleurs hypersensibles ou dont le système immunitaire est affaibli. Les travailleurs souffrent surtout d’affections des voies respiratoires, notamment du syndrome toxique dû aux poussières organiques, d’irritations de la peau, des yeux et des voies respiratoires supérieures et de pneumopathies plus graves telles que l’asthme, l’alvéolite et la bronchite. Ils sont en outre exposés à de multiples dangers qui menacent leur intégrité corporelle.

D’après les estimations de la Banque mondiale (Beede et Bloom, 1995), 1,3 milliard de tonnes de déchets urbains solides ont été produites en 1990, soit en moyenne 650 g environ par personne et par jour. Aux Etats-Unis seulement, d’après les statistiques du Bureau du recensement pour 1991 (Bureau of the Census), quelque 343 000 travailleurs étaient employés à la collecte, au transport et à l’élimination de ces déchets. Dans les pays industriels, les flux de déchets sont de plus en plus divers et les opérations effectuées de plus en plus complexes. Les efforts déployés pour isoler les déchets et mieux définir leur composition jouent souvent un rôle déterminant dans l’identification des risques professionnels et des mesures de prévention appropriées ainsi que dans la lutte contre les effets de ces déchets sur l’environnement. La plupart des travailleurs chargés de leur élimination restent exposés aux risques imprévisibles que peuvent présenter les déchets de nature diverse qu’on retrouve dans les décharges brutes dispersées, souvent brûlés à l’air libre.

Les impératifs économiques de l’élimination des déchets, de leur recyclage et de leur réutilisation ainsi que les problèmes de santé publique entraînent de rapides modifications des installations de traitement partout dans le monde, afin de maximiser la récupération des ressources et de limiter leur dispersion dans l’environnement. Compte tenu des facteurs économiques locaux, les méthodes de travail en usage sont soit à fort coefficient de main-d’œuvre, soit à fort coefficient de capital. Celles qui font appel à une main-d’œuvre importante occupent un nombre toujours plus grand de personnes dans des milieux de travail dangereux, généralement des chiffonniers du secteur non structuré qui trient manuellement les déchets hétérogènes pour vendre les matières recyclables et réutilisables. L’augmentation des dépenses d’équipement ne s’est pas traduite par une amélioration automatique des conditions de travail; en effet, en l’absence de mesures de réglementation appropriées, l’augmentation de la charge de travail en espace confiné (par exemple, le compostage dans des tambours ou l’utilisation d’incinérateurs) et le traitement toujours plus mécanisé des déchets peuvent avoir pour effet d’aggraver l’exposition des travailleurs aux contaminants atmosphériques et aux risques mécaniques.

Les procédés d’élimination des déchets

On peut recourir à de multiples procédés pour l’élimination des déchets. Vu l’augmentation des coûts de leur collecte, de leur transport et de leur évacuation pour satisfaire à des normes environnementales et communautaires toujours plus strictes, il se justifie parfois, pour des questions de rentabilité, d’en élaborer de nouveaux. Les procédés utilisés correspondent à quatre techniques de base que l’on peut mettre en œuvre en combinaison ou en parallèle, selon les flux de déchets. Il s’agit en l’occurrence de la dispersion (mise en décharge ou immersion, évaporation), du stockage/isolement (décharges contrôlées et décharges de déchets dangereux), de l’oxydation (incinération, compostage) et de la réduction (hydrogénation, digestion anaérobie). Ces procédés ont en commun le fait de présenter certains risques professionnels généraux propres au traitement des déchets, auxquels s’ajoutent des risques tenant aux méthodes particulières de travail.

Les risques professionnels généraux propres à la manutention des déchets

Quel que soit le procédé d’élimination choisi, le simple fait de traiter des déchets urbains solides ou d’autres déchets implique un certain nombre de risques précis (Colombi, 1991; Desbaumes, 1968; Malmros et Jonsson, 1994; Malmros, Sigsgaard et Bach, 1992; Maxey, 1978; Mozzon, Brown et Smith, 1987; Rahkonen, Ettala et Loikkanen, 1987; Robazzi et coll., 1994).

Ainsi, il n’est pas rare que des matières non identifiées et très dangereuses soient présentes dans les déchets courants: produits de lutte antiparasitaire, solvants inflammables, peintures, produits chimiques industriels et déchets présentant des risques biologiques. On peut essentiellement faire face à ce risque en opérant un tri dans les déchets et, en particulier, en séparant les déchets industriels des ordures ménagères.

Les composés organiques volatils (COV) mixtes peuvent certes provoquer des nausées en raison de leur odeur, mais leurs concentrations sont généralement bien inférieures aux limites admissibles fixées par la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygenists (ACGIH)), même dans les espaces fermés (ACGIH, 1989; Wilkins, 1994). Pour prévenir ce type d’exposition, on dispose de plusieurs méthodes qui consistent à isoler les opérations (comme c’est le cas dans les digesteurs anaérobies étanches ou les composteurs à tambour), à réduire le plus possible les contacts avec les déchets en les recouvrant de terre tous les jours ou en nettoyant les stations de transfert, et à contrôler les processus de dégradation biologique (en particulier la dégradation anaérobie) en limitant la teneur en eau et l’aération.

Pour lutter contre les insectes et les rongeurs vecteurs d’infections et de maladies, on peut recouvrir chaque jour les déchets avec de la terre. Botros et coll. (1989) ont signalé la présence, chez 19% des éboueurs du Caire, d’anticorps de Rickettsia typhi (transmise par les puces), responsable de la rickettsiose humaine.

La meilleure façon de lutter contre les risques de pénétration de déchets infectieux dans le sang, notamment par des aiguilles ou des déchets souillés par le sang, par exemple, consiste à isoler ces déchets et à les stériliser à la source avant de les jeter dans des récipients résistant aux perforations. Le tétanos constitue lui aussi un vrai sujet d’inquiétude quand la peau est lésée. C’est pourquoi les vaccinations des travailleurs doivent être à jour.

On peut lutter contre le risque d’ingestion d’agents pathogènes gastro-intestinaux (notamment le parasite Lamblia , cause de lambliase) en réduisant le plus possible les manipulations, en évitant de porter les mains à la bouche (y compris pour fumer), en prévoyant un approvisionnement en eau potable, en installant des toilettes, des lavabos et des douches pour les travailleurs et en maintenant une température appropriée lors des opérations de compostage. Toutes ces précautions ont pour objectif de détruire les agents pathogènes avant de manipuler les matières sèches et de les mettre en sacs; il conviendra d’être tout particulièrement attentif en cas de découverte du parasite Lamblia dans les boues d’égout et les couches pour bébé des déchets urbains solides, et de ténias et d’ascaris dans les déchets provenant des élevages de volaille et des abattoirs.

L’inhalation de bactéries et de champignons disséminés dans l’air pose un problème particulier lorsque les traitements mécaniques prennent de l’extension (Lundholm et Rylander, 1980), que ce soit à l’aide de compacteurs (Emery et coll., 1992), de dilacérateurs ou de broyeurs, ou encore au cours d’opérations d’aération et d’ensachage, spécialement lorsque la teneur en eau diminue. Cela a pour effet d’accroître les affections respiratoires (Nersting et coll., 1990), l’encombrement bronchique (Spinaci et coll., 1981) et la bronchite chronique (Ducel et coll., 1976). Bien qu’il n’existe pas de directives officielles à ce sujet, l’Association néerlandaise de la santé au travail (Dutch Occupational Health Association, 1989) a recommandé de maintenir au-dessous de 10 000 unités formant colonies par mètre cube (ufc/m3) le nombre total de bactéries et de champignons, et au-dessous de 500 ufc/m3 le nombre d’organismes pathogènes tous types confondus (la teneur de l’air ambiant est d’environ 500 ufc/m3 pour les bactéries totales alors que, dans l’air intérieur, elle est généralement plus faible). Ces niveaux sont régulièrement dépassés lors des opérations de compostage.

Les biotoxines proviennent des champignons et des bactéries, notamment les endotoxines des bactéries Gram négatif. L’inhalation ou l’ingestion d’une endotoxine, même après que les bactéries en cause ont été tuées, peut donner de la fièvre et engendrer des symptômes pseudogrippaux, mais sans infection. Le Groupe de travail néerlandais sur les méthodes de recherche en matière de pollution de l’air à l’intérieur des bâtiments recommande de maintenir le nombre de bactéries Gram négatif en suspension dans l’air au-dessous de 1 000 ufc/m3 afin d’éviter les effets des endotoxines. Les bactéries et les champignons peuvent produire divers autres types de toxines très nocives qui, elles aussi, peuvent présenter des risques pour les travailleurs.

L’épuisement dû à la chaleur et le choc thermique peuvent être très préoccupants, en particulier lorsque la quantité d’eau potable disponible est limitée et que des équipements de protection individuelle sont utilisés sur des sites dont on sait qu’ils contiennent des déchets dangereux. De simples combinaisons en PVC-Tyvek® créent une contrainte thermique équivalente à une élévation de 6 à 11 °C (11 à 20 °F) de l’indice WBGT (température de bulbe humide) (Paull et Rosenthal, 1987). Quand cette température est supérieure à 27,7 °C, les conditions sont considérées comme dangereuses.

Les travailleurs occupés à la manutention de déchets se plaignent souvent de lésions cutanées ou de dermatoses (Gellin et Zavon, 1970). Les cendres caustiques et autres substances irritantes contenues dans les déchets attaquent directement la peau, de surcroît très exposée aux organismes pathogènes, aux lacérations et aux piqures. Ces circonstances, jointes à la pénurie générale de lavabos et de douches, entraînent une incidence élevée d’affections cutanées.

Les déchets contiennent divers matériaux pouvant lacérer ou perforer la peau. La situation est particulièrement préoccupante dans le cas d’opérations qui font appel à une main-d’œuvre abondante — par exemple pour le tri des déchets en vue de leur recyclage ou pour le remuage manuel du compost provenant des déchets urbains solides — et de celles qui se fondent sur des procédés mécaniques comme le compactage, le broyage ou le déchiquetage susceptibles d’être à l’origine de projections pouvant blesser les travailleurs. Les mesures de prévention les plus efficaces sont le port de lunettes protectrices et de chaussures et de gants résistant aux perforations et aux coupures.

Les risques liés aux véhicules sont ceux qu’encourt le conducteur lui-même — tels que le renversement et l’engloutissement dans les déchets — et les collisions qui peuvent se produire avec les travailleurs se trouvant sur leur passage. Tout véhicule utilisé sur des surfaces en mauvais état ou irrégulières devrait être équipé d’une structure de protection qui, en cas de renversement, protégerait le conducteur. La circulation des piétons et des véhicules devrait s’effectuer dans la mesure du possible dans des zones distinctes, en particulier lorsque la visibilité est limitée, par exemple lors d’un brûlage à l’air libre, de nuit ou sur les aires de compostage où des brouillards denses peuvent apparaître au niveau du sol par temps froid.

Une augmentation des réactions broncho-pulmonaires atopiques telles que l’asthme (Sigsgaard, Bach et Malmros, 1990) ainsi que des réactions cutanées a été signalée chez des travailleurs manipulant des déchets, en particulier lorsque les niveaux d’exposition aux poussières organiques sont élevés.

Les risques spécifiques aux procédés mis en œuvre

La dispersion

La dispersion consiste à immerger les déchets dans une masse d’eau, à les laisser s’évaporer à l’air ou à les mettre en décharge sans compactage. Le rejet en mer de déchets urbains solides et de déchets dangereux a fortement régressé. Toutefois, on situe entre 30 et 50% la proportion de déchets solides qui ne sont pas ramassés dans les villes des pays en développement (Cointreau-Levine, 1994) et qui sont généralement brûlés, jetés dans des cours d’eau ou déversés dans les rues, où ils constituent un grand danger pour la santé publique.

L’évaporation, parfois obtenue par un chauffage modéré, est un moyen économique pour remplacer les incinérateurs ou les fours, notamment pour les contaminants organiques liquides volatils tels que les solvants ou les combustibles mélangés à des déchets non combustibles comme la terre. Les travailleurs peuvent être exposés à des dangers lorsqu’ils pénètrent dans des espaces confinés ou qu’ils se trouvent dans une atmosphère explosive, en particulier lors des travaux d’entretien. Dans ces cas, des systèmes de contrôle des émissions dans l’atmosphère devraient être prévus.

Le stockage et l’isolement

L’isolement n’est possible que si plusieurs facteurs sont réunis, à savoir des sites éloignés et un confinement physique dans des décharges de plus en plus sûres. Une décharge contrôlée se caractérise par le creusement d’excavations avec des engins de terrassement, la mise en décharge des déchets, leur compactage et leur recouvrement quotidien avec de la terre ou du compost pour lutter contre les parasites, les odeurs et la dispersion. Des couvercles en argile ou en plastique imperméable ou des films d’étanchéité peuvent être installés pour limiter les infiltrations d’eau et la lixiviation dans les eaux souterraines. Des puits de sondage permettent d’évaluer la migration des lixiviats hors site et de surveiller leur devenir dans les décharges. Parmi les travailleurs que l’on retrouve sur ces sites, il y a notamment des conducteurs d’engins lourds, des chauffeurs de camion, des employés chargés de repérer les déchets dangereux et de les rejeter ainsi que de régulariser la circulation des véhicules et, dans le secteur non structuré, des personnes qui se chargent de trier les déchets et de prélever les matières recyclables.

Dans les régions où l’on utilise du charbon ou du bois comme combustible, les cendres peuvent constituer une partie importante des déchets. Pour éviter les incendies, il peut être nécessaire de procéder au noyage des cendres avant leur mise en décharge ou de les déverser dans un site spécialisé. Ce type de déchets peut causer des irritations cutanées et des brûlures caustiques. Les cendres volantes présentent plusieurs risques pour la santé, notamment une irritation des voies respiratoires et des muqueuses ainsi que des crises de dyspnée (Shrivastava et coll., 1994). Les cendres volantes de faible densité comportent en outre un risque d’ensevelissement et sont instables sous l’effet d’engins lourds et dans les excavations.

Dans de nombreux pays, l’élimination des déchets continue de se faire par une simple mise en décharge avec brûlage à l’air libre. Ce procédé peut être combiné avec la récupération, par des travailleurs du secteur non structuré, d’éléments recyclables ou réutilisables d’une certaine valeur. Les personnes qui travaillent dans ces décharges s’exposent à des risques graves pour leur sécurité et leur santé. On estime leur nombre à 7 000 à Manille (Philippines), 8 000 à Djakarta et 10 000 à Mexico (Cointreau-Levine, 1994). Comme il est difficile de contrôler les méthodes de travail pratiquées dans le secteur non structuré, l’un des meilleurs moyens de maîtriser les risques en question consiste à faire entrer le tri des matières recyclables ou réutilisables dans le cadre de la collecte municipale des déchets. Cette tâche pourrait être confiée à ceux qui sont à l’origine des déchets, y compris les consommateurs et le personnel domestique, ou aux travailleurs chargés de la collecte et du tri des ordures (par exemple, à Mexico, les préposés à la collecte des ordures passent officiellement 10% de leur temps à trier les déchets pour vendre ceux qui sont recyclables; à Bangkok, leurs homologues y consacrent 40% de leur temps (Beede et Bloom, 1995)). Elle pourrait aussi être effectuée dans le cadre des opérations de tri préalables à l’élimination (tri magnétique des déchets métalliques, par exemple).

Le brûlage à l’air libre expose les travailleurs à des mélanges potentiellement toxiques du fait des produits de dégradation, comme on le verra plus loin. Pour éliminer ce type de brûlage qui peut être utilisé par les trieurs d’ordures du secteur non structuré pour séparer le métal et le verre des déchets combustibles, il conviendrait de récupérer les matières ayant une certaine valeur avant leur mise en décharge.

Si l’on parvient à séparer les déchets dangereux du flux de déchets, les risques encourus par les travailleurs chargés des résidus urbains solides sont réduits, tandis que les quantités manipulées par les travailleurs occupés sur les décharges de déchets dangereux augmentent. Pour que les sites de traitement et d’élimination des déchets dangereux ne présentent aucun risque, il importe d’indiquer avec précision la composition de ces déchets, de fournir des équipements de protection individuelle de bonne qualité et de former les travailleurs à la maîtrise des risques. Les décharges contrôlées présentent des risques spécifiques: glissades et chutes lorsque les sites sont revêtus de gels de plastique ou de polymères pour réduire la lixiviation, affections cutanées susceptibles de complications, stress thermique dû à un travail prolongé dans des combinaisons imperméables ou à adduction d’air. Les conducteurs d’engins lourds, les travailleurs et les techniciens devraient porter un équipement de protection individuelle approprié.

L’oxydation (incinération et compostage)

Le brûlage à l’air libre, l’incinération et les combustibles à base de déchets sont les exemples les plus classiques du processus d’oxydation. On s’efforce de plus en plus, aujourd’hui, de tirer parti du pouvoir calorifique des déchets urbains solides, lorsque leur teneur en eau est suffisamment faible et leur teneur en combustible suffisamment forte, pour produire des combustibles tels que les briquettes comprimées ou pour intégrer aux incinérateurs de déchets urbains des groupes électrogènes et des centrales thermiques. Ces opérations peuvent dégager énormément de poussières sèches en raison des efforts déployés pour produire un combustible à pouvoir calorifique élevé. Les cendres résiduelles doivent toujours être évacuées, généralement dans des décharges.

Les incinérateurs de déchets urbains solides comportent divers risques pour la sécurité (Knop, 1975). En Suède, les personnes travaillant sur de tels incinérateurs présentent de plus en plus de symptômes de cardiopathie ischémique (Gustavsson, 1989); en revanche, une étude sur les travailleurs des incinérateurs des Etats-Unis effectuée à Philadelphie, en Pennsylvanie, n’a pas pu mettre en évidence de corrélation entre les effets sur la santé et les niveaux d’exposition (Bresnitz et coll., 1992). Un niveau élevé de plombémie, essentiellement attribué à l’exposition aux cendres des dépoussiéreurs électrostatiques, a cependant été relevé chez des travailleurs des incinérateurs (Malkin et coll., 1992).

L’exposition aux cendres (qui peuvent contenir de la silice cristalline, des radio-isotopes ou des métaux lourds, par exemple) peut être importante non seulement dans les activités pratiquées à l’aide d’incinérateurs, mais également dans les décharges et les usines de fabrication de béton léger qui utilisent des cendres comme agrégats. La teneur en silice cristalline et en métaux lourds varie selon le combustible, mais elle peut dans certains cas entraîner de graves risques de silicose. Schilling (1988) a observé, chez des travailleurs exposés aux cendres, certains effets au niveau de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires sans pour autant pouvoir les associer à des changements observables sur les clichés radiographiques.

La dégradation thermique des produits de pyrolyse résultant d’une oxydation incomplète de nombreux matériaux contenus dans les déchets peut entraîner des risques importants pour la santé. Ces produits peuvent contenir du chlorure d’hydrogène, du phosgène, des dioxines et des dibenzofuranes provenant des déchets chlorés, tels que les plastiques à base de polychlorure de vinyle (PVC) et les solvants. Les déchets non halogénés peuvent également donner naissance à des produits de dégradation dangereux, notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques, de l’acroléine, du cyanure provenant des laines et de la soie, des isocyanates venant du polyuréthane et des composés organostanniques issus de matières plastiques diverses. Ces mélanges complexes de produits de dégradation varient énormément avec la composition des déchets, le débit d’alimentation des fours, la température et l’oxygène disponible pendant la combustion. Alors que ces produits de dégradation posent un grave problème dans le brûlage à l’air libre, il semblerait que l’exposition des travailleurs des incinérateurs de déchets urbains solides à ce processus soit relativement faible (Angerer et coll., 1992).

Dans les incinérateurs recevant ce type de déchets et des déchets dangereux ainsi que dans les fours rotatifs, le contrôle de la combustion et le temps de rétention des vapeurs de déchets et des solides à des températures élevées jouent un rôle crucial dans la destruction des déchets, tout en réduisant la formation de produits de dégradation plus dangereux. Les travailleurs participent aux opérations d’incinération, au chargement des incinérateurs et à leur alimentation, à la livraison des déchets et à leur déchargement des camions, à l’entretien des installations, au maintien de l’ordre et de la propreté ainsi qu’à l’enlèvement des cendres et du laitier. Si certains incinérateurs limitent le travail manuel et l’exposition des travailleurs, d’autres au contraire à plus faible intensité de capital exposent lourdement les travailleurs et les obligent à pénétrer régulièrement dans des espaces confinés (par exemple pour débarrasser les grilles des incinérateurs des couches de verre fondu qui s’y sont déposées après le brûlage des déchets).

Le compostage

Dans les processus biologiques aérobies, la température et la vitesse d’oxydation sont plus faibles que dans le cas de l’incinération; il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une oxydation. Le compostage des déchets agricoles et de jardin, des boues d’épuration, des déchets urbains solides et des déchets alimentaires est de plus en plus courant en ville. Les techniques en rapide évolution destinées à traiter par voie biologique des déchets dangereux et des déchets industriels comportent souvent une suite de processus de digestion aérobie et anaérobie.

Le compostage s’effectue généralement en andains (tas allongés) ou dans de grands silos qui permettent l’aération et le mélange. Les opérations de compostage ont pour objet de créer un mélange de déchets comportant des proportions optimales de carbone et d’azote (30:1) et de maintenir un taux d’humidité (en poids) de 40 à 60%, une teneur en oxygène supérieure à 5% et une température comprise entre 32 et 60 °C pour permettre le développement de bactéries aérobies et d’autres organismes (Cobb et Rosenfield, 1991). Après avoir séparé les déchets recyclables et les déchets dangereux (ce qui se fait généralement à la main), on broie les déchets solides pour augmenter la superficie offerte à l’action biologique. Le broyage peut être très bruyant et soulever beaucoup de poussières et poser de sérieux problèmes de protection des machines. Certaines opérations font appel à des déchiqueteurs à marteaux pour réduire le tri frontal.

Le compostage effectué dans des silos ou des tambours exige des capitaux importants, mais il permet de maîtriser plus efficacement les odeurs et les opérations. La pénétration dans des espaces confinés présente de grands risques pour les travailleurs chargés de la maintenance, car il peut s’y dégager de grandes quantités de dioxyde de carbone, entraînant ainsi un appauvrissement en oxygène. Le verrouillage des installations avant les travaux d’entretien est vital, car elles comportent des convoyeurs à vis sans fin et des transporteurs.

Dans les opérations de compostage en andains exigeant davantage de main-d’œuvre, les déchets sont broyés et placés en tas allongés qui sont aérés mécaniquement à l’aide de tuyaux perforés ou, simplement, par retournement grâce à des chargeurs frontaux ou à la main. Les andains peuvent être couverts d’une bâche ou d’un toit pour maintenir une humidité constante. Lorsqu’on utilise un dispositif spécial pour retourner les andains, il faut s’assurer que les fléaux à chaîne qui tournent à grande vitesse dans le compost ne puissent heurter les travailleurs. Par ailleurs, en retournant les andains, les fléaux projettent des objets qui peuvent se révéler de dangereux projectiles. Les travailleurs doivent donc se tenir à bonne distance des machines.

Des mesurages périodiques de la température à l’aide de sondes permettent de suivre la progression du compostage et d’atteindre des températures suffisamment élevées pour que les agents pathogènes soient tués sans que les organismes utiles soient détruits. Lorsque la teneur en humidité est comprise entre 20 et 45% et que la température est supérieure à 93 °C, il peut se produire des combustions spontanées (très semblables à des feux de silo), le plus souvent quand la hauteur des tas dépasse 4 m. On peut éviter les feux en ramenant cette hauteur au-dessous de 3 m et en retournant les tas quand la température dépasse 60 °C. Les sites devraient être pourvus de prises d’eau et offrir un passage facile entre les andains pour permettre de circonscrire les incendies.

Le compostage comporte des risques mécaniques dus, entre autres, à l’utilisation de tracteurs et de camions pour retourner les andains afin de les aérer et de les maintenir humides. Sous les climats froids, les températures élevées du compost peuvent provoquer des brouillards denses au ras du sol dans une aire de travail où évoluent des engins lourds et des travailleurs se déplaçant à pied. Le nombre de préposés au compostage se plaignant de nausées, de maux de tête et de diarrhées est plus élevé que chez les employés des usines d’eau potable (Lundholm et Rylander, 1980). Les odeurs peuvent être attribuables à un mauvais contrôle des quantités d’humidité et d’air nécessaires au bon déroulement du processus. S’il est effectué dans des conditions anaérobies, le compostage dégage du sulfure d’hydrogène, des amines et autres matières malodorantes. Outre ses conséquences spécifiques sur les travailleurs chargés de l’élimination des déchets, le compostage — qui favorise le développement rapide d’organismes — peut avoir pour effet d’élever suffisamment la température des déchets solides au point de tuer les agents pathogènes, mais également d’exposer les travailleurs aux moisissures et aux champignons ainsi qu’aux spores et aux toxines fongiques, en particulier lors des opérations de séchage et d’ensachage. Plusieurs auteurs (Belin, 1985; Clark, Rylander et Larsson, 1983; Heida, Bartman et van der Zee, 1975; Lacey et coll., 1990; Millner et coll., 1994; van der Werf, 1996; Weber et coll., 1993) ont étudié les champignons, bactéries, endotoxines et autres contaminants atmosphériques provenant des opérations de compostage. Il semble que les troubles respiratoires et les manifestations d’hypersensibilité soient plus importants chez les travailleurs préposés aux opérations de compostage (Brown et coll., 1995; Sigsgaard et coll., 1994). Certaines infections des voies respiratoires dues aux bactéries et aux champignons (Kramer, Kurup et Fink, 1989) sont graves pour les travailleurs dont le système immunitaire est affaibli, les sidéens et les patients qui suivent une chimiothérapie anticancéreuse, par exemple.

La réduction (hydrogénation et digestion anaérobie)

La digestion anaérobie des boues provenant des eaux usées ainsi que des déchets agricoles suppose l’utilisation de cuves fermées, souvent pourvues de brosses tournantes quand les nutriments sont dilués. Ces cuves exposent les travailleurs aux dangers communs à tous les travaux d’entretien en espaces confinés. Les digesteurs anaérobies sont couramment utilisés dans le monde pour produire du méthane à partir de déchets agricoles, médicaux ou alimentaires. De nombreux pays exigent désormais que le méthane provenant des décharges de déchets urbains solides, de leur brûlage ou de leur compression à des fins utilitaires soit récupéré lorsque la quantité produite est supérieure à certains seuils. La teneur en humidité de la plupart des décharges est toutefois insuffisante pour que le processus de digestion anaérobie se déroule dans les meilleures conditions d’efficacité possibles. La digestion anaérobie produit aussi généralement du sulfure d’hydrogène, qui peut être à l’origine d’une irritation oculaire et d’une baisse du sens olfactif à de faibles concentrations.

Depuis quelque temps, la réduction/hydrogénation à haute température est aussi utilisée pour traiter les déchets chimiques organiques. Les installations nécessaires à cette opération peuvent être plus petites et donc susceptibles d’être déplacées; elles con-somment en outre moins d’énergie qu’un incinérateur à haute température, les catalyseurs métalliques permettant d’effectuer l’hydrogénation à des températures plus basses. Les déchets organiques peuvent être transformés en méthane, qui sert de combustible pour la poursuite du processus. Au nombre des préoccupations liées à la sécurité des travailleurs, il y a lieu de citer la présence d’atmosphères explosives, la pénétration dans des espaces confinés pour y effectuer des travaux de nettoyage, d’élimination des boues et d’entretien, les risques inhérents au transport et au chargement des déchets liquides à traiter et les interventions rendues nécessaires en cas de déversement inopiné.

Résumé

Les déchets étant destinés à être recyclés et réutilisés, leur traitement prend de plus en plus d’importance, d’où une rapide évolution de l’industrie de l’élimination des déchets dans le monde. Les risques pour la sécurité et la santé qui en résultent sont souvent plus grands que les risques évidents en matière de sécurité et prennent la forme d’affections chroniques ou aiguës. Les équipements de protection individuelle prévus et les installations sanitaires mises en place pour prévenir ces risques se révèlent très souvent insuffisants. Loin de rester cantonnés à des opérations d’élimination effectuées par des entreprises du secteur privé ou en sous-traitance, les efforts déployés pour lutter contre les déchets industriels et la pollution s’orientent de plus en plus vers des activités de recyclage et de réutilisation relevant du secteur de la production.

La prévention des risques liés à la sécurité et à la santé au travail dans ce secteur d’activité en pleine expansion passe par l’adoption des mesures prioritaires ci-après:

En cette période de rapide évolution de la gestion des déchets, d’importantes mesures peuvent être prises à peu de frais pour améliorer la sécurité et la santé des travailleurs de ce secteur.

LA PRODUCTION ET LE TRANSPORT DES DÉCHETS DANGEREUX: PROBLÈMES SOCIAUX ET ÉTHIQUES

Colin L. Soskolne*

* Adapté de Soskolne 1997, avec son aimable autorisation.

Au nombre des déchets dangereux figurent notamment les matières radioactives et les produits chimiques. Les mouvements de ces substances de leur source à leur destination ont été qualifiés de «commerce de substances toxiques». Ce n’est que vers la fin des années quatre-vingt que l’on a commencé à se préoccuper de ce commerce, en particulier avec l’Afrique (Vir, 1989), ce qui a préparé le terrain à l’adoption de la notion de justice environnementale — récemment reconnue —, également désignée dans certains cas du nom de «racisme environnemental» (Coughlin, 1996).

Vir (1989) a fait observer que, à mesure que les législations relatives à la sécurité de l’environnement devenaient plus rigoureuses en Europe et aux Etats-Unis et que le coût de l’élimination des déchets s’accroissait, les «marchands de déchets» ont commencé à s’intéresser aux pays pauvres considérés comme des récepteurs potentiels et consentants de leurs déchets, car ils y voyaient des sources non négligeables de revenus. Certains de ces pays se sont montrés disposés à accepter ces déchets à une fraction du prix que les pays développés auraient dû payer pour s’en débarrasser. Pour «des pays en pleine débâcle économique, c’est là une bonne affaire» (Vir, 1989).

Asante-Duah, Saccomanno et Shortreed (1992) ont décrit la croissance exponentielle de la production de déchets dangereux aux Etats-Unis depuis 1970, accompagnée d’un accroissement analogue des coûts de leur traitement et de leur élimination. Ils ont plaidé en faveur de la maîtrise du commerce des déchets dangereux, lequel devrait être «réglementé et pratiqué en pleine connaissance de cause». Ces auteurs ont relevé que «les pays qui produisent de petites quantités de déchets dangereux devraient considérer ce commerce comme un créneau important, tant que leurs destinataires ne compromettent pas la viabilité de leur environnement». Des déchets dangereux continueront d’être produits, et il est des pays pour lesquels l’augmentation du volume de déchets ne devrait pas compromettre davantage la santé des générations présentes ou futures. Accepter les déchets en question pourrait donc être économiquement rentable pour les pays en question.

D’autres prétendent par contre que les déchets devraient être éliminés uniquement à la source et ne jamais être transportés (Puckett et Fogel, 1994; Cray, 1991; Southam News, 1994). A leur avis, la science est incapable de garantir qu’il n’y aura jamais de risque.

L’un des principes éthiques qui ressort de l’argumentation ci-dessus est celui du respect de l’autonomie (c’est-à-dire le respect des personnes), qui comprend également celui de l’autonomie nationale. Ce qu’il faut avant tout se demander c’est si le pays destinataire a la capacité d’évaluer correctement les risques que présentent les déchets dangereux qu’on se propose de lui envoyer. Or, pour cela, il faut que le contenu de la cargaison en provenance du pays d’origine soit déclaré dans sa totalité et qu’il existe localement des spécialistes capables de mesurer toutes les conséquences éventuelles de cette cargaison pour le pays destinataire.

Les communautés des pays en développement étant moins susceptibles d’être informées des risques potentiels liés aux transferts de déchets, il y a aussi moins de chance qu’elles adoptent l’attitude consistant à déclarer «pas de ça chez moi», si courante dans les régions riches du monde. En outre, il arrive que les travailleurs des pays en développement n’aient pas accès aux moyens propres à assurer leur protection, notamment aux informations fournies par l’étiquetage des produits au contact desquels ils peuvent se trouver. Il s’ensuit que les travailleurs des pays pauvres qui auraient à gérer, stocker ou éliminer des déchets dangereux n’auraient pas la formation nécessaire pour pouvoir se protéger eux-mêmes. Indépendamment de ces considérations d’éthique, les avantages économiques à tirer de l’acceptation de ces déchets devraient, en dernière analyse, être mis en balance avec les inconvénients potentiels qu’ils recèlent à court, moyen et long terme.

Un second principe d’éthique découlant de l’argumentation précédente est celui de la justice distributive, qui soulève la question de savoir quels sont ceux qui prennent des risques et ceux qui tirent des avantages. Lorsqu’il existe un déséquilibre entre les uns et les autres, c’est que le principe de la justice distributive n’est pas respecté. En fait, ce sont souvent les travailleurs économiquement pauvres qui se sont trouvés exposés aux risques sans pouvoir profiter des fruits de leurs efforts. C’est le cas lorsque des marchandises relativement chères sont produites dans des pays en développement à l’intention des marchés des pays industriels. Un autre exemple est celui des tests de nouveaux vaccins ou médicaments sur des habitants de pays en développement qui ne pourraient jamais y avoir accès sur place.

Vers une réglementation du transport des déchets dangereux

Reconnaissant la nécessité d’un contrôle plus strict de la mise en décharge des déchets dangereux, les ministres de 33 pays ont signé, en mars 1989, la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (Asante-Duah, Saccomanno et Shortreed, 1992). Cette convention exige que les pays destinataires soient notifiés et qu’ils accordent leur consentement avant tout envoi de déchets.

Par la suite, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a lancé son programme de production moins polluante (Cleaner Production Programme), en étroite coopération avec les gouvernements et l’industrie, en vue de préconiser des techniques peu polluantes et sans déchets (Rummel-Bulska, 1993). En mars 1994, l’interdiction totale de tous les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux en provenance des 24 pays industriels riches de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à destination d’Etats non membres de cette organisation a été décrétée. Cette interdiction a pris effet immédiatement pour les déchets devant être définitivement éliminés et est entrée en vigueur au début de 1998 pour tous les déchets dangereux censés être destinés à des opérations de recyclage ou de récupération (Puckett et Fogel, 1994). Les pays les plus opposés à une interdiction totale étaient l’Australie, le Canada, les Etats-Unis et le Japon. Malgré cette opposition d’une poignée de gouvernements de puissants pays industriels, exprimée lors de l’avant-dernier vote, l’interdiction a été finalement acceptée par consensus (Puckett et Fogel, 1994).

Greenpeace a fait valoir que l’approche par la prévention primaire du problème posé par le développement de la crise des déchets consiste à s’attaquer à la cause même du problème, c’est-à-dire à réduire la production de déchets en appliquant des techniques de production non polluantes (Greenpeace, 1994a). A cet effet, Greenpeace a identifié les principaux pays exportateurs de déchets dangereux (Allemagne, Autriche, Canada, Etats-Unis et Royaume-Uni) et certains pays importateurs (Bangladesh, Chine (y compris Taiwan), Inde, Indonésie, Malaisie, Pakistan, Philippines, République de Corée, Sri Lanka et Thaïlande). En 1993, le Canada, par exemple, a exporté quelque 3 200 tonnes de cendres contenant du plomb et du zinc à destination de l’Inde, de la République de Corée et de Taiwan (Chine), et 5 800 tonnes de déchets plastiques vers Hong-kong (Southam News, 1994). Greenpeace (1993, 1994b) s’est également préoccupée de l’ampleur du problème dans le cas de substances spécifiques et des méthodes à appliquer pour procéder à leur élimination.

L’évaluation des risques

L’épidémiologie est le principal outil dont dispose la collectivité pour évaluer les risques que des substances dangereuses et potentiellement toxiques peuvent présenter pour la santé humaine. La démarche scientifique que l’épidémiologie apporte à l’étude des facteurs étiologiques environnementaux peut jouer un rôle considérable dans la protection de communautés par ailleurs dépourvues de moyens de défense tant en ce qui concerne les risques pour le milieu que la dégradation de celui-ci. Lorsqu’une évaluation des risques est conduite préalablement à une expédition de marchandises, elle relève, selon toute probabilité, du domaine du commerce légal; en revanche, lorsqu’elle est conduite a posteriori, à réception des marchandises, ce sera pour déterminer dans quelle mesure des préoccupations liées à la santé étaient justifiées dans ce qui, vraisemblablement, était une expédition illégale.

L’un des problèmes pour l’évaluateur des risques serait de connaître la nature des dangers éventuels, leur nombre et la forme sous laquelle ils pourraient se présenter. En outre, selon le type de danger, cet évaluateur devrait dresser un bilan par catégories professionnelles afin d’établir les probabilités d’exposition pour chacune d’elles aux substances dangereuses, que ce soit par inhalation, absorption cutanée ou ingestion (par contamination de la chaîne alimentaire ou contamination directe par les aliments eux-mêmes).

Sur le plan commercial, le concept d’autonomie exige que les parties donnent leur consentement en toute connaissance de cause, volontairement et en l’absence de toute coercition. Or, il est difficile d’envisager une telle situation dans le cas d’un pays en développement importateur de déchets que ses besoins financiers ont poussé dans cette voie. On peut établir ici une analogie avec la directive éthique — désormais acceptée — qui ne permet pas qu’une coercition s’exerce sur les participants à des travaux de recherche par le paiement d’un montant autre que celui qui correspond aux coûts directs (perte de salaire, par exemple) pour le temps passé à ces travaux (Conseil des organisations internationales des sciences médicales, 1993). Parmi les autres questions qui peuvent se poser sur le plan de l’éthique, il y a lieu de relever la problématique de la vérité face à des variables inconnues ou à une incertitude scientifique ou encore le principe de caveat emptor (aux risques de l’acheteur). Le principe éthique consistant à ne pas nuire engage par là-même à faire plus de bien que de mal. Dans le cas présent, il est impératif de mettre en balance, d’une part, les avantages économiques à court terme d’accords commerciaux visant à accepter des déchets toxiques et, d’autre part, les dommages causés à long terme à l’environnement, à la santé publique et peut-être également aux générations futures.

En fin de compte, le principe de la justice distributive suppose que les parties à un accord commercial s’entendent sur les bénéficiaires éventuels des avantages et sur ceux qui assumeraient les risques. Aux Etats-Unis, dans le passé, les pratiques généralement suivies en ce qui concerne la mise en décharge des déchets et la localisation des terrains destinés à recevoir les déchets dangereux dans les communautés sans moyens de défense ont débouché sur la reconnaissance de l’importance accordée à ce que l’on appelle désormais la justice environnementale ou le racisme environnemental (Coughlin, 1996). Par ailleurs, les questions de la viabilité et de l’intégrité écologiques sont devenues des problèmes vitaux sur la place publique.

Remerciements: Le Dr Margaret-Ann Armour, du Département de chimie de l’Université de l’Alberta, a fourni de précieuses références sur la question du commerce des produits toxiques ainsi que des documents publiés à l’occasion de la Conférence sur les déchets dangereux dans le bassin du Pacifique, tenue en novembre 1993 à l’Université d’Hawaï.

Le bureau de Greenpeace à Toronto, Ontario (Canada), a été d’une aide précieuse à l’équipe éditoriale en mettant à sa disposition des exemplaires des documents de Greenpeace cités dans le présent article.

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