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Chapitre 96 - Les arts, les loisirs et les spectacles

LES ARTS ET L’ARTISANAT

LES ARTS, LES LOISIRS ET LES SPECTACLES

Michael McCann

Les arts, les loisirs et les spectacles font partie de l’histoire de l’humanité depuis que les hommes préhistoriques ont peint sur les parois des cavernes les animaux qu’ils chassaient, ou narré, par le chant et la danse, le succès de leurs chasses. Chaque civilisation, dès les temps les plus reculés, a imprimé sa marque aux arts visuels et aux arts du spectacle et décoré des objets quotidiens tels que les vêtements, les poteries et les meubles. Aujourd’hui, avec la technologie moderne et la réduction du temps de travail, une grande partie de l’économie mondiale vise à satisfaire le besoin qu’ont les êtres humains de voir ou de posséder de beaux objets et de se divertir.

L’industrie du divertissement est un ensemble disparate d’institutions à but non lucratif et de sociétés commerciales qui proposent des activités culturelles, récréatives et distrayantes. En revanche, les artistes et les artisans créent des œuvres d’art ou des objets artisanaux pour leur propre plaisir ou pour les vendre. Ils travaillent généralement seuls ou en groupes de moins de dix personnes, souvent organisés autour de la famille.

Ceux grâce auxquels les arts, les loisirs et les spectacles existent — artistes, artisans, acteurs, musiciens, gens du cirque, personnel des parcs, conservateurs de musée, sportifs professionnels, techniciens et autres — sont souvent confrontés à des risques en milieu de travail susceptibles de leur infliger blessures et maladies. Le présent chapitre examine la nature de ces risques. N’y sont toutefois pas abordés ceux qui menacent les individus pour qui l’art ou l’artisanat est un simple passe-temps ou encore les personnes qui assistent à des spectacles, quand bien même ces dangers sont souvent similaires.

Les arts, les loisirs et les spectacles peuvent être considérés comme un microcosme de l’univers industriel. Les risques professionnels y sont le plus souvent les mêmes que dans les branches d’activité plus classiques et, de ce fait, les précautions à prendre sont identiques, bien que le coût de certains moyens de prévention technique puisse y être prohibitif. Il faut alors envisager de mettre en œuvre des matériels et des procédés plus sûrs. Le tableau 96.1 recense les principaux risques inhérents aux arts et aux industries du divertissement, ainsi que les mesures de prévention qui leur correspondent.

Tableau 96.1 Risques présents dans les arts et les industries du spectacle
et précautions à prendre

Risques

Précautions

Risques chimiques

Risques généraux

Formation du personnel et des intervenants en matière de risques et de précautions
Remplacement par des matériaux plus sûrs
Mesures de prévention technique
Stockage et manutention appropriés
Interdiction de manger, de boire ou de fumer sur le lieu de travail
Equipement de protection individuelle
Maîtrise des fuites et débords
Sécurité d’élimination des matériaux dangereux

Polluants en suspension dans l’air (vapeurs, gaz, aérosols, brouillards, poussières, fumées)

Encoffrement
Ventilation par dilution ou aspiration localisée
Protection respiratoire

Produits liquides

Récipients munis d’un couvercle
Gants et autres vêtements de protection individuelle
Lunettes antiéclaboussures et écran facial, si nécessaire
Fontaines oculaires et douches d’urgence, si nécessaire

Produits en poudre

Achat sous forme de liquides ou de pâtes
Boîte à gants
Ventilation par aspiration localisée
Nettoyage avec un linge humide ou par aspiration
Protection respiratoire

Produits solides

Gants

Risques physiques

Bruit

Machines moins bruyantes
Entretien approprié
Atténuation du bruit
Isolation et encoffrement
Protecteurs d’ouïe

Rayons ultraviolets

Encoffrement
Protection cutanée et lunettes de protection contre les ultraviolets

Rayons infrarouges

Protection cutanée et lunettes de protection contre les infrarouges

Lasers

Utilisation des rayonnements de la plus faible intensité possible
Encoffrement
Limitation de la trajectoire des faisceaux et dispositifs d’arrêt d’urgence appropriés
Lunettes de protection contre les lasers

Chaleur

Acclimatement
Vêtements amples et légers
Pauses dans des endroits frais
Consommation suffisante de liquides

Froid

Vêtements chauds
Pauses dans des endroits chauffés

Risques électriques

Câblage électrique approprié
Mise à la terre du matériel selon les règles
Interrupteurs de défaut à la terre, si nécessaire
Outils, gants, etc. isolants

Risques ergonomiques

Outils, instruments, etc. ergonomiques, de la bonne taille
Postes de travail bien conçus
Bonne posture de travail
Pauses

Risques mécaniques

Machines

Dispositifs de protection
Interrupteurs d’arrêt facilement accessibles
Bon entretien

Projection de particules (par exemple, meules)

Encoffrement
Protection des yeux et du visage, si nécessaire

Chutes et glissades

Surfaces de circulation et de travail propres et sèches
Dispositifs antichute pour tout travail en hauteur
Mains courantes et garde-corps sur échafaudages, etc.

Chutes d’objets

Casque de protection
Chaussures de sécurité

Incendie

Issues de secours adaptées aux besoins
Extincteurs, sprinklers, etc. adéquats
Exercices incendie
Elimination des débris combustibles
Ignifugation des matériaux exposés
Stockage adéquat des liquides inflammables et des gaz comprimés
Mise à la terre et interconnexions lors du transvasement de liquides inflammables
Elimination des sources d’ignition à proximité des matières inflammables
Destruction adéquate des chiffons imbibés de solvant et de pétrole

Risques biologiques

Moisissures

Contrôle de l’humidité
Elimination des eaux stagnantes
Nettoyage après inondation

Bactéries, virus

Protection vaccinale lorsque cela s’impose
Précautions universelles
Désinfection des surfaces et des matériaux contaminés

Les arts et l’artisanat

Les artistes et les artisans sont généralement indépendants; ils travaillent chez eux, dans un studio ou un atelier, et leur activité exige peu de capitaux et de matériel. Leur savoir-faire se transmet souvent de génération en génération, dans le cadre d’un apprentissage non structuré, en particulier dans les pays en développement (McCann, 1996). Dans les pays industriels, les artistes et les artisans apprennent en général leur métier dans des écoles spécialisées.

Aujourd’hui, les arts et l’artisanat occupent des millions de personnes dans le monde. Dans de nombreux pays, l’artisanat est un important secteur de l’économie, mais les statistiques en la matière sont peu nombreuses. Aux Etats-Unis, les estimations établies à partir de diverses sources indiquent qu’il y a au moins 500 000 artistes professionnels, artisans et professeurs d’art. Au Mexique, il y aurait 5 000 familles travaillant dans le seul domaine de la poterie artisanale. Selon l’Organisation panaméricaine de la santé (Pan American Health Organization (PAHO)), entre 1980 et 1990, en Amérique latine, 24% de la main-d’œuvre était composée de travailleurs indépendants (PAHO, 1994). D’autres recherches portant sur le secteur non structuré ont donné des pourcentages similaires ou plus élevés (Organisation mondiale de la santé (OMS), 1976; Henao, 1994). On ignore quelle part représentent les artistes et les artisans dans ces chiffres.

Les arts et l’artisanat évoluent avec les techniques et de nombreux artistes et artisans utilisent, dans leur travail, des produits chimiques et des procédés modernes (plastiques, résines, lasers, photographie, etc.) (McCann, 1992a; Rossol, 1994). Le tableau 96.2 montre l’étendue des risques chimiques et physiques liés aux pratiques artistiques.

Tableau 96.2 Risques liés aux techniques artistiques

Technique

Matériels/procédés

Risques

Batik

Cire
Teintures

Incendie, cire, fumées de décomposition
Voir Teinture

Céramique

Poussières d’argile
Glaçures
Façonnage de la pâte en barbotine
Cuisson dans un four

Silice
Silice, plomb, cadmium et autres métaux toxiques
Talc, matériaux asbestiformes
Dioxyde de soufre, monoxyde de carbone, fluorures, rayons infrarouges, brûlures

Dessin

Fixatifs en pulvérisateur

n-Hexane, autres solvants

Dessin publicitaire

Colle de caoutchouc
Marqueurs indélébiles
Colles en pulvérisateur
Peinture à l’aérographe
Typographie
Photostat, épreuves

n-Hexane, heptane, incendie
Xylène, alcool propylique
n-Hexane, heptane, 1,1,1-trichloroéthane, incendie
Voir Peinture à l’aérographe
Voir Photographie
Alcalis, alcool propylique

Emaillage

Emaux
Cuisson dans un four

Plomb, cadmium, arsenic, cobalt, etc.
Rayons infrarouges, brûlures

Fabrication du papier

Défibrage
Tambours laveurs
Blanchiment
Additifs

Alcalis en ébullition
Bruit, lésions, risques électriques
Chlore
Pigments, teintures, etc.

Fonte à cire perdue

Chape de terre
Cire fondue

Creuset de fonte
Coulage du métal

Décapage au jet de sable

Cristobalite
Fumées de décomposition de la cire, monoxyde de carbone
Monoxyde de carbone, fumées métalliques
Fumées métalliques, rayons infrarouges, métal en fusion, brûlures
Silice

Forgeage

Etampage
Façonnage à chaud

Bruit
Monoxyde de carbone, hydrocarbures aromatiques polycycliques, rayons infrarouges, brûlures

Galvanoplastie

Or, argent

Autres métaux

Cyanure de sodium, cyanure d’hydrogène, risques électriques
Cyanure de sodium, acides, risques électriques

Graphisme informatique

Poste de travail

Travail sur écran

Syndrome du canal carpien, tendinite, problèmes ergonomiques (postes de travail mal conçus)
Eblouissement, exposition aux ondes mégamétriques

Gravure en creux

Eau-forte

Solvants
Aquatinte
Photogravure

Acides chlorhydrique et nitrique, dioxyde d’azote, chlore, chlorate de potassium
Alcool, essences minérales, kérosène
Poussières de colophane, explosion de poussières
Glycoléther, xylène

Holographie
Voir également Photographie

Lasers
Développement

Rayonnements non ionisants, risques électriques
Brome, pyrogallol

Impression en relief

Solvants
Pigments

Essences minérales
Voir Peinture (Pigments)

Joaillerie

Soudage à l’argent
Bains décapants
Récupération de l’or

Fumées de cadmium, flux de brasage au fluor
Acides, oxydes de soufre
Mercure, plomb, cyanure

Lithographie

Solvants

Acides

Talc
Photolithographie

Essences minérales, isophorone, cyclohexanone, kérosène, essence, chlorure de méthylène, etc.
Acides nitrique, phosphorique, fluorhydrique, chlorhydrique, etc.
Matériaux asbestiformes
Dichromates, solvants

Pastels

Poussières de pigments

Voir Peinture (Pigments)

Peinture

Pigments

Huile, résines alkydes
Acrylique

Composés du plomb, du cadmium, du mercure, du cobalt, du manganèse, etc.
Essences minérales, térébenthine
Ammoniac à l’état de traces, formaldéhyde

Peinture à l’aérographe

Pigments

Solvants

Composés du plomb, du cadmium, du manganèse, du cobalt, du mercure, etc.
Essences minérales, térébenthine

Photographie

Bain révélateur

Bain de fixage
Fixateur
Renforçateur
Virage

Traitement des films en couleurs

Impression sur platine

Hydroquinone, sulfate de π-méthylaminophénol, alcalis
Acide acétique
Dioxyde de soufre, ammoniac
Dichromates, acide chlorhydrique
Composés du sélénium, sulfure d’hydrogène, nitrate d’uranium, dioxyde de soufre, sels d’or
Formaldéhyde, solvants, révélateurs polychromes, dioxyde de soufre
Sels de platine, plomb, acides, oxalates

Sculpture (argile)

Voir Céramique

 

Sculpture (lasers)

Lasers

Rayonnements non ionisants, risques électriques

Sculpture (néon)

Tubes au néon

Mercure, phosphores de cadmium, risques électriques, rayons ultraviolets

Sculpture (pierre)

Marbre
Stéatite
Granit, grès
Outils pneumatiques

Poussières nocives
Silice, talc, matériaux asbestiformes
Silice
Vibrations, bruit

Sculpture (plastiques)

Résine époxydique
Résine de polyester

Résines de polyuréthane

Résines acryliques
Fabrication de plastique

Amines, diglycidiléthers
Styrène, méthacrylate de méthyle, peroxyde de méthyléthylcétone
Isocyanates, composés organostanneux, amines, essences minérales
Méthacrylate de méthyle, peroxyde de benzoyle
Produits de décomposition thermique (monoxyde de carbone, chlorure d’hydrogène, cyanure d’hydrogène, etc.)

Sérigraphie

Pigments
Solvants
Emulsions photosensibles

Plomb, cadmium, manganèse et autres pigments
Essences minérales, toluène, xylène
Dichromate d’ammonium

Soudage

Processus général
Soudage oxyacétylénique

Soudage à l’arc


Fumées métalliques

Fumées métalliques, brûlures, étincelles
Monoxyde de carbone, oxydes d’azote, gaz comprimé
Ozone, dioxyde d’azote, fumées de flux au fluor et d’autres flux de brasage, rayons ultraviolets et infrarouges, risques électriques
Oxydes de cuivre, de zinc, de plomb, de nickel, etc.

Soufflage du verre

Fusion du mélange au four
Cuisson
Coloration
Gravure

Décapage au sable

Plomb, silice, arsenic, etc.
Chaleur, rayons infrarouges, brûlures
Fumées métalliques
Acide fluorhydrique, fluorure d’ammonium et d’hydrogène
Silice

Teinture

Colorants


Mordants

Rongeants

Colorants réagissant avec les fibres, colorants à base de benzidine, colorants au naphtol, colorants basiques, colorants dispersés, colorants de cuve
Dichromate d’ammonium, sulfate de cuivre, sulfate de fer, acide oxalique
Acides, alcalis, hydrosulfite de sodium

Tissage

Métiers à tisser
Teintures

Troubles ergonomiques
Voir Teinture

Travail du bois

Usinage
Colles
Décapants

Peinture et finition

Xyloprotecteurs

Lésions, poussières de bois, bruit, incendie
Formaldéhyde, résine époxydique, solvants
Chlorure de méthylène, toluène, alcool méthylique, etc.
Essences minérales, toluène, térébenthine, alcool éthylique, etc.
Arséniate de cuivre chromé, pentachlorophénol, créosote

Travail des fibres

Voir également Batik, Tissage
Fibres animales
Fibres synthétiques
Fibres végétales


Charbon et autres agents infectieux
Formaldéhyde
Moisissures, allergènes, poussières

Travail du lapidaire

Pierres précieuses quartzifères
Taille, polissage à la meule

Silice
Bruit, silice

Vitrail

Baguettes de plomb
Colorants
Soudage
Gravure

Plomb
Composés à base de plomb
Fumées de plomb et de chlorure de zinc
Acide fluorhydrique, fluorure d’ammonium et d’hydrogène

Source: d’après McCann, 1992a.

Comme de nombreuses activités du secteur non structuré, les industries de l’art et de l’artisanat échappent presque totalement à la réglementation et ignorent souvent la législation sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et autres prescriptions en matière de prévention. Dans de nombreux pays, les administrations chargées de la sécurité et de la santé au travail méconnaissent les risques auxquels sont exposés les artistes et les artisans, et les services s’occupant des maladies professionnelles n’atteignent pas cette catégorie de travailleurs. Il est donc particulièrement important d’informer les artistes et les artisans sur les risques que comportent les matériaux et les procédés qu’ils mettent en œuvre et sur les précautions à prendre, ainsi que de leur donner accès aux services de santé au travail.

Les problèmes sanitaires et les types de maladies

Les études épidémiologiques sur les personnes qui travaillent dans les arts plastiques sont peu nombreuses. Cette paucité tient essentiellement au caractère décentralisé et souvent non déclaré de la plupart de ces activités. Les seules données disponibles viennent pour la plupart des cas individuels dont font état certains ouvrages sur le sujet.

Les arts et métiers artisanaux traditionnels peuvent occasionner les mêmes maladies et accidents du travail que la grande industrie comme en témoignent de vieilles expressions telles «silicose du céramiste», «scoliose du tisserand» ou encore «colique du peintre». Les risques inhérents à des métiers comme la poterie, le travail des métaux et le tissage ont été décrits pour la première fois, il y a près de trois siècles, par Bernardino Ramazzini (Ramazzini, 1713). Les matériaux et les procédés modernes sont eux aussi à l’origine de maladies professionnelles et d’accidents du travail.

Le saturnisme reste l’une des maladies les plus répandues chez les artistes et les artisans, comme en témoignent les quelques exemples ci-après:

Parmi les autres maladies professionnelles des métiers d’art et d’artisanat, on peut citer:

Dans les arts et les métiers artisanaux, on constate une méconnaissance générale des risques, des matériaux et des procédés de travail sûrs, et c’est là un problème crucial. Souvent, les sujets atteints de maladies professionnelles ne font pas le lien entre leur affection et leur exposition à des matériaux dangereux et ont donc moins de chances de recevoir le traitement médical approprié. De surcroît, des familles entières peuvent être exposées au risque, car les activités se pratiquent généralement à la maison, de sorte que ne sont pas seulement concernés les adultes et les enfants qui utilisent activement les matériaux, mais aussi les enfants plus jeunes et les nourrissons présents sur les lieux (McCann et coll., 1986; Knishkowy et Baker, 1986).

Une enquête menée par l’Institut national du cancer (National Cancer Institute), aux Etats-Unis, portant sur le rapport de mortalité proportionnelle (Proportionate Mortality Ratio (PMR)) parmi 1 746 artistes professionnels blancs a révélé chez les peintres et, dans une moindre proportion, chez d’autres artistes, une augmentation significative des décès dus à l’artériosclérose cardiaque et à divers cancers. Chez les peintres de sexe masculin, les taux de leucémie et de cancers de la vessie, du rein et du côlon montraient une hausse statistiquement significative elle aussi. Proportionnellement, le taux de mortalité par cancer était également élevé, mais de façon moins sensible. Une étude cas-témoins réalisée sur des malades atteints du cancer de la vessie a établi à 2,5 le risque relatif global pour les artistes peintres, confirmant ainsi les résultats de l’enquête sur les rapports de mortalité proportionnelle (Miller, Silverman et Blair, 1986). Pour les autres artistes de sexe masculin, l’enquête a donné des taux de cancers du côlon et du rein montrant une élévation significative.

Les arts du spectacle et les arts des médias

Traditionnellement, les arts du spectacle comprennent le théâtre, la danse, l’opéra, la musique, l’art de conter et d’autres manifestations culturelles qui attirent un public. Dans le cas de la musique, le type de concert et le lieu où il est donné peuvent varier considérablement: musiciens jouant seuls dans la rue, dans des cabarets ou des cafés, voire dans des salles de concert traditionnelles; petits groupes musicaux jouant dans des cafés ou des clubs; grands orchestres se produisant dans de vastes salles de concert. Les compagnies de théâtre et de danse peuvent prendre plusieurs formes: troupes informelles ne comprenant que quelques membres et relevant d’écoles ou d’universités; théâtres à but non lucratif, généralement subventionnés par l’Etat ou par des mécènes; théâtres privés. Les troupes pratiquant les arts du spectacle peuvent aussi faire des tournées.

Avec la technologie moderne se sont développés les arts des médias tels que la presse, la radio, la télévision, le cinéma, la vidéo, etc., qui permettent d’enregistrer ou de diffuser des spectacles, des fictions et d’autres événements. A l’heure actuelle, les arts des médias sont une industrie dont le chiffre d’affaires se compte en plusieurs milliards de dollars E.-U.

Les travailleurs des arts du spectacle et des médias sont d’abord les «interprètes» eux-mêmes — acteurs, musiciens, danseurs, reporters et autres — que voit le public. Mais ce sont aussi les équipes techniques et le personnel au contact du public — menuisiers, décorateurs, électriciens, spécialistes des effets spéciaux, cadreurs de cinéma ou de télévision, guichetiers et autres — qui travaillent en coulisses, œuvrent derrière les caméras ou remplissent des tâches dans l’ombre du spectacle.

Les problèmes de santé et les types de maladies

Acteurs, musiciens, danseurs, chanteurs et autres artistes sont aussi exposés à des accidents du travail et à des maladies professionnelles: brûlures; lésions dues à des efforts répétés; irritations cutanées et des voies respiratoires; allergies; anxiété (trac); et stress. Nombre de ces maux sont propres à telle ou telle catégorie d’artistes; aussi font-ils l’objet d’articles distincts. Souvent, même des problèmes physiques mineurs peuvent empêcher un artiste de donner le meilleur de lui-même, ce qui peut entraîner des pertes de temps, voire l’annulation d’engagements. Au cours de ces dernières années, la prévention, le diagnostic et le traitement des affections auxquelles sont sujets les artistes ont donné lieu à une discipline nouvelle, la médecine des arts, initialement simple ramification de la médecine sportive (voir l’encadré intitulé «Histoire de la médecine des arts», dans le présent chapitre).

Une enquête ayant trait au rapport de mortalité proportionnelle chez les acteurs de cinéma et de théâtre a montré une hausse significative des cancers du poumon, de l’œsophage et de la vessie chez les femmes, avec un taux 3,8 fois plus élevé chez les actrices de théâtre que chez celles de cinéma (Depue, Kagey et Heid, 1985). Elle a révélé, chez les hommes, une augmentation non moins significative des cancers du pancréas et du côlon, augmentation qui n’est pas proportionnelle au taux de mortalité par le cancer; en outre, le taux de cancers des testicules était 2 fois supérieur au taux attendu. Les taux de suicides et d’accidents non liés à un véhicule à moteur étaient sensiblement élevés chez les hommes comme chez les femmes, et le taux de cirrhose du foie particulièrement élevé chez les hommes.

Une enquête sur les accidents parmi 313 artistes de 23 spectacles à Broadway (New York) a montré que 55% des intéressés avaient déclaré au moins une lésion, la moyenne étant de 1,08 lésion par artiste (Evans et coll., 1996). Chez les danseurs, les parties du corps généralement touchées étaient les membres inférieurs (52%), le dos (22%) et le cou (12%), les scènes inclinées ou en pente favorisant de façon notable ce type de lésions. Chez les acteurs, les lésions siégeaient le plus souvent au niveau des membres inférieurs (38%), du bas du dos (15%) et des cordes vocales (17%); pour ces dernières, brouillards et fumées scéniques constituaient un facteur de risque important.

En 1991, l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), aux Etats-Unis, a étudié les effets sur la santé de l’emploi de fumées et de brouillards dans quatre spectacles de Broadway (Burr et coll., 1994), qui utilisaient tous des brouillards à base de glycol, avec en plus, dans l’un des cas, de l’huile minérale. Un questionnaire destiné à 134 interprètes de ces spectacles et, parallèlement, l’étude d’un groupe témoin de 90 artistes se produisant dans cinq spectacles qui ne faisaient pas intervenir de brouillards ont montré un taux de symptômes nettement supérieur chez les acteurs exposés à ce type de substances, notamment au niveau des voies respiratoires supérieures (symptômes nasaux, irritation des muqueuses) et des voies respiratoires inférieures (toux, respiration asthmatique, essoufflement, oppression thoracique). Une étude de suivi n’a pas permis d’établir de corrélation entre l’exposition aux brouillards et l’asthme, sans doute en raison du faible nombre de réponses.

L’industrie cinématographique a un taux d’accidents élevé et, en Californie, elle est considérée comme un secteur à haut risque, principalement en raison des cascades. Dans les années quatre-vingt, on a dénombré plus de 40 accidents mortels dans le cinéma américain (McCann, 1991). Les statistiques californiennes pour 1980-1988 montrent une incidence de 1,5 accident mortel pour 1 000 accidents du travail, contre 0,5 au cours de la même période.

Il ressort de nombreuses études que les taux de surmenage et de lésions graves sont élevés chez les danseurs. Par exemple, les danseurs classiques sont, au cours de leur carrière, à la merci du surmenage (63%), de fractures dues au stress (26%) et de problèmes pathologiques sérieux (51%) ou mineurs (48%) (Hamilton et Hamilton, 1991). Au Royaume-Uni, une enquête par questionnaire portant sur 141 danseurs (dont 80 femmes), âgés de 18 à 37 ans et appartenant à 7 corps de ballet et compagnies de danse moderne professionnels, a conclu que 118 de ces artistes (soit 84%) signalaient au moins une lésion liée à la danse ayant une incidence sur leur travail, dont 59 (42%) au cours des six mois précédents (Bowling, 1989). Soixante-quatorze d’entre eux (soit 53%) ont déclaré souffrir d’au moins une lésion chronique douloureuse. Les parties du corps le plus souvent atteintes étaient le dos, le cou et les chevilles.

Comme les danseurs, les musiciens sont extrêmement sujets aux pathologies d’hypersollicitation. En 1986, une enquête par questionnaire, réalisée par la Conférence internationale des musiciens d’orchestres symphoniques et d’opéra (International Conference of Symphony and Opera Musicians) auprès de 4 025 musiciens appartenant à 48 orchestres américains a montré que 76% des 2 212 musiciens qui ont répondu souffraient de problèmes médicaux ayant une incidence sur leur travail et que, pour 36% d’entre eux, ces problèmes étaient graves (Fishbein, 1998). L’affection la plus répandue était la pathologie d’hypersollicitation, signalée par 78% des instrumentistes à cordes. En 1986, une étude portant sur huit orchestres d’Australie, des Etats-Unis et d’Angleterre a évalué à 64% la fréquence de ces pathologies, des symptômes aigus se manifestant dans 42% des cas (Frye, 1986).

La presse a beaucoup parlé de la perte auditive chez les musiciens de rock. Toutefois, on observe aussi ce phénomène chez les musiciens classiques. Dans une étude, les niveaux sonores mesurés au théâtre lyrique et dans la salle de concert de Göteborg (Suède) atteignaient 83 à 89 dBA. Des tests auditifs pratiqués sur 139 musiciens, hommes et femmes, de ces deux théâtres ont montré que, chez 59 d’entre eux (soit 43%), le seuil d’audibilité lors d’examens audiométriques en son pur était beaucoup moins bon que la normale pour leur âge, les pertes auditives les plus sensibles intervenant chez les musiciens de la grosse harmonie (Axelsson et Lindgren, 1981).

Des mesurages des niveaux sonores effectués en 1994-1996 dans les fosses d’orchestre de neuf spectacles de Broadway ont donné des valeurs allant en moyenne de 84 à 101 dBA pendant une représentation d’une durée normale de deux heures et demie (Babin, 1996).

Menuisiers, décorateurs, électriciens, cadreurs et autres techniciens sont en outre confrontés à de nombreux phénomènes dangereux, notamment à divers risques chimiques dus aux matériaux utilisés dans les ateliers de décors, d’accessoires et de costumes. Beaucoup de ces matériaux se retrouvent dans les arts plastiques, mais on ne dispose pas de statistiques sur les accidents ou les maladies survenant dans ce secteur.

Les loisirs

La section «Les divertissements» du présent chapitre englobe toutes sortes de secteurs que ne recouvrent ni la section «Les arts et l’artisanat», ni celle «Les arts du spectacle et des médias». Ce sont notamment: les musées et les galeries d’art; les zoos et les aquariums; les parcs et les jardins botaniques; les cirques, les parcs d’attractions et les parcs à thème; les corridas et les rodéos; les sports professionnels; l’industrie du sexe; et les établissements de nuit.

Les problèmes sanitaires et les types de maladies

L’industrie des loisirs emploie de nombreuses catégories de travailleurs: des artistes; techniciens; conservateurs de musée; personnes s’occupant des animaux; gardiens de parcs; employés des services de restauration; de nettoyage; d’entretien; etc. Nombre des risques présents dans les arts, les activités artisanales, les arts du spectacle et les arts des médias existent également dans des groupes particuliers de travailleurs de l’industrie des loisirs. Mais les professionnels de ce dernier domaine sont aussi exposés à des risques propres aux produits d’entretien, aux plantes toxiques, aux animaux dangereux, au sida, aux zoonoses, aux drogues dangereuses, à la violence, etc. En raison du caractère disparate de ces activités, il n’existe pas de statistiques générales sur les accidents et les maladies qui leur sont associées. Les articles ci-après fournissent, lorsqu’elles sont disponibles, des données statistiques pertinentes sur les accidents et les maladies.

LE DESSIN, LA PEINTURE ET LA GRAVURE

Jack W. Snyder

Le dessin consiste à exécuter des lignes ou des formes à la surface d’un support pour traduire un sentiment, rendre une expérience ou reproduire une perception visuelle. Le support le plus couramment utilisé est le papier. Le tracé de l’ensemble graphique est réalisé avec des instruments marqueurs de type «sec» comme le fusain, les crayons de couleur, les craies, le crayon graphite, les pointes de métal et les pastels, ainsi qu’avec des agents liquides telles les encres et les peintures, ou encore avec des crayons feutres. La peinture, quant à elle, consiste à appliquer une matière fluide (peinture), étendue ou non d’eau, sur une surface au format précis, préparée ou encollée, ce support pouvant être une toile, du papier, du bois, etc. Les types de peinture à l’eau sont l’aquarelle, la peinture a tempera, les peintures acryliques et polymères, les peintures synthétiques à base de latex et la fresque. Les autres matières employées, qui ne comportent pas d’eau, se répartissent en huiles (huile de lin, par exemple), en siccatifs, en vernis, en alkydes, en encaustique et en cire, en acryliques à base de solvants d’origine organique, en résines époxydiques, en émaux, en colorants et en laques. Peintures et encres contiennent, en règle générale, des agents colorants (pigments et teintures), un diluant (solvant d’origine organique, huile ou eau), un liant, des agents de texture, des antioxydants, des conservateurs et des stabilisateurs.

Les estampes sont des images imprimées sur papier, tissu ou plastique au moyen d’une «planche» (bloc de bois, écran de soie, plaque de métal ou pierre) sur laquelle a été gravé un dessin qui est ensuite soigneusement encré.

Le processus d’impression comporte plusieurs étapes: 1) la préparation de l’image; 2) l’impression proprement dite; et 3) le nettoyage du matériel. Le renouvellement de l’opération permet d’obtenir de multiples exemplaires de l’image. Toutefois, dans le cas du monotype, l’impression se limite à un seul exemplaire.

La gravure en creux s’effectue soit en incisant directement des traits dans une plaque de métal, au burin ou à la pointe sèche, soit en soumettant la plaque de métal à la morsure d’un acide pour que celui-ci creuse les tailles constituant le dessin. Diverses résines, dont la colophane, différents types de vernis ou une peinture appliquée par pulvérisation (aquatinte) servent à protéger la plaque là où elle n’est pas gravée. Lors de l’impression, toute la surface de la planche est encrée au rouleau — avec une encre à base d’huile de lin —, puis on essuie la planche, l’encre restant dans les creux, qu’il s’agisse de lignes ou de tailles plus larges. La gravure s’obtient en posant une feuille de papier sur la planche et en faisant passer le tout dans une presse pour que le dessin soit reporté sur le papier.

La gravure en relief suppose que l’on champlève une planchette de bois ou une plaque de linoléum, de façon à dégager un motif en relief, qui est destiné à être imprimé. De l’encre, à base d’eau ou d’huile de lin, est appliquée sur le relief, et le dessin, ainsi encré, est reporté sur une feuille de papier à l’aide d’une presse appropriée.

La lithographie consiste à tracer les dessins sur une pierre calcaire avec un crayon gras ou tout autre instrument marqueur, de sorte que le dessin accepte l’encre à base d’huile de lin, puis à étendre sur toute la surface de la pierre une solution acide qui attaque les surfaces vierges, ces dernières devant absorber l’eau et refuser l’encrage. La pierre est alors essuyée avec une éponge imbibée d’essences minérales ou d’autres solvants, et encrée au rouleau. La presse lithographique permet ensuite l’impression sur papier. Dans le cas de la lithographie sur métal, on peut effectuer un traitement préliminaire avec une substance qui, souvent, comporte des dichromates alcalins. Pour des tirages importants, les plaques de métal peuvent être traitées avec des laques au vinyle contenant des solvants à la cétone.

Procédé d’impression au «pochoir», la sérigraphie consiste à fabriquer une image négative sur un écran ou une trame de soie en obturant certaines parties de cet écran. Si l’encre utilisée est une encre aqueuse, la substance d’obturation doit être insoluble à l’eau, alors que, pour une encre à base de solvants, c’est l’inverse. On se sert souvent de pochoirs en plastique, qui adhèrent à l’écran à l’aide de solvants. L’impression est réalisée en faisant pénétrer l’encre avec une racle, à travers les parties non obturées de l’écran, de façon qu’elle se dépose sur la feuille de papier placée sous l’écran et que se crée ainsi l’image positive. Les encres à base de solvants mises en œuvre pour les gros tirages provoquent de fortes émanations de vapeurs de solvants.

Les collagraphes s’obtiennent par des techniques d’impression en creux ou en relief sur une surface de texture travaillée ou sur un collage, ces supports pouvant être faits de nombreux matériaux collés sur la plaque.

Les procédés de gravure photochimique utilisent soit des plaques présensibilisées (souvent à partir de combinaisons de sels diazoïques) pour la lithographie ou la gravure en creux, soit une émulsion photographique qui est directement appliquée en couche sur la plaque ou sur la pierre. En ce qui concerne les pierres, on a fréquemment recours à un mélange de gomme arabique et de dichromates. L’image photographique est transférée sur la plaque, laquelle est alors exposée aux rayons ultraviolets (lampes à arc, lampes au xénon, lumière solaire, par exemple). Au cours du développement, les parties non impressionnées de l’émulsion photographique disparaissent dans le bain révélateur, et la plaque se trouve imprimée. Les substances utilisées pour l’émulsion et le traitement contiennent souvent des solvants et des alcalis dangereux. L’impression photographique sur écran consiste soit à enduire directement l’écran d’une émulsion photosensible à base de sels diazoïques ou de dichromates alcalins, soit à procéder indirectement, en appliquant des films de transfert sensibilisés sur l’écran après exposition.

Pour les techniques de reproduction utilisant des encres à base d’huile, l’encre est éliminée à l’aide de solvants ou d’huiles végétales et de détergent; les rouleaux de la presse doivent eux aussi être nettoyés avec des solvants. S’agissant des encres à l’eau, c’est, bien évidemment, à l’eau que s’effectue le nettoyage. Dans le cas d’encres à base de solvants, le nettoyage nécessite de grandes quantités de solvants qui rendent cette méthode d’impression des plus dangereuses. Enfin, pour éliminer les émulsions photosensibles des écrans, on se sert d’eau de Javel ou de détergents aux enzymes.

Dessinateurs, peintres et graveurs sont exposés à de sérieux dangers qui menacent leur sécurité et leur santé. Pour ces professions, les principaux facteurs de risque sont les acides (lithographie, gravure en creux), les alcools (peinture, laque, diluants et décapants de la résine et des vernis), les alcalis (peintures, bains de teinture, révélateurs photographiques, produits de nettoyage pour films), les poussières (craies, fusain, pastels), les gaz (aérosols, gravure, lithographie, procédés photographiques), les métaux (pigments, produits photochimiques, émulsions), les pulvérisations (aérosols, peinture à l’aérographe, aquatinte), les pigments (encres, peintures), les poudres (pigments secs, produits photochimiques, résine, talc, pigment blanc), les agents de conservation (dans les peintures, colles, durcisseurs, stabilisateurs) et les solvants (hydrocarbures aliphatiques, aromatiques et chlorés, glycoléthers, cétones). Ces produits pénètrent le plus souvent dans l’organisme par inhalation, ingestion et contact avec la peau.

Parmi les pathologies bien connues chez les dessinateurs, peintres et graveurs, il convient de citer: les troubles du système nerveux périphérique causés par le n-hexane chez les élèves qui utilisent des colles de caoutchouc et des colles en aérosol; les troubles des systèmes nerveux périphérique et central dus à l’emploi de solvants chez les artistes sérigraphes; l’insuffisance médullaire liée aux solvants et aux glycoléthers chez les lithographes; l’asthme, ou son aggravation, par suite d’une exposition aux produits de pulvérisation, aux brouillards en suspension, aux poussières, aux moisissures et aux gaz; les arythmies cardiaques provoquées par l’exposition à des solvants dérivés des hydrocarbures, tels que le chlorure de méthylène, le fréon, le toluène, le 1,1,1-trichloroéthane, présents dans des colles ou des liquides correcteurs; les brûlures ou irritations de la peau, des yeux et des muqueuses occasionnées par des acides, des alcalis ou des phénols; les troubles hépatiques causés par les solvants organiques; l’irritation, les réactions immunitaires, les éruptions et les ulcérations cutanées consécutives à une exposition au nickel, aux chromates et aux dichromates, aux durcisseurs à base de résine époxydique, à la térébenthine ou au formaldéhyde.

Bien qu’il n’existe pas de preuve formelle, le dessin, la peinture et la gravure pourraient être liés à un risque accru de leucémie, de tumeurs rénales et de tumeurs de la vessie. Les substances cancérogènes présumées auxquelles les artistes sont susceptibles d’être exposés sont notamment les chromates et les dichromates, les biphényles polychlorés, le trichloroéthylène, l’acide tannique, le chlorure de méthylène, le glycidol, le formaldéhyde, ainsi que des composés du cadmium et de l’arsenic.

Face à ces risques, dessinateurs, peintres et graveurs doivent prendre les principales précautions suivantes: remplacer les substances à base de solvants organiques par des produits à base d’eau; veiller à la mise en place de systèmes de ventilation générale et par aspiration localisée (voir figure 96.1); manipuler; étiqueter; entreposer et éliminer les peintures, les liquides inflammables et les solvants usagés avec vigilance; utiliser correctement l’équipement de protection individuelle (tabliers, gants, lunettes et masques respiratoires); et éviter les produits qui contiennent des métaux toxiques, en particulier du plomb, du cadmium, du mercure, de l’arsenic, des chromates et du manganèse. Enfin, il convient d’exclure des solvants comme le benzène, le tétrachlorure de carbone, le méthyl-n-butylcétone, le n-hexane et le trichloroéthylène.

Figure 96.1 Sérigraphie sur trame de soie sous hotte d'aspiration à fente

Figure 96.1

Une formation précoce et continue des jeunes artistes peintres, dessinateurs et graveurs aux risques inhérents aux matériaux qu’ils manipulent dans leur travail, ainsi qu’une législation imposant que l’étiquetage des produits concernés spécifie les dangers d’une exposition de courte ou de longue durée, sont des garants supplémentaires d’une meilleure sécurité pour ces professions.

LA SCULPTURE

Giuseppe Battista

Dans l’Antiquité, la sculpture se limitait à la taille et à la gravure de la pierre, du bois, de l’os et d’autres matières. Plus tard, cet art inventa et perfectionna les techniques de modelage de l’argile et du plâtre, ainsi que les techniques de coulage et de soudage des métaux et du verre. Au cours du XXe siècle, de nouveaux matériaux et techniques, fort divers, ont fait leur apparition en sculpture, tels que les mousses de plastique, le papier, les objets de récupération et plusieurs sources d’énergie comme la lumière, l’énergie cinétique, etc. Le propos de nombreux sculpteurs modernes est de faire participer activement le public à l’œuvre d’art.

La sculpture tire souvent parti de la couleur naturelle du matériau, mais il arrive aussi qu’elle en traite la surface pour obtenir une teinte précise, pour accentuer les caractéristiques de la matière ou pour modifier sa relation à la lumière. Ces techniques contribuent à donner à l’œuvre sa touche finale. Les risques qui menacent la sécurité et la santé de l’artiste et de ses auxiliaires sont fonction des matériaux, des outils et du matériel dont ils se servent, ainsi que de l’énergie utilisée pour les machines (essentiellement, l’électricité) et de la chaleur dégagée lors des opérations de soudage et de fonte.

Mal informés et exclusivement soucieux de la réalisation de leur œuvre, les artistes tendent à faire peu de cas de la sécurité; de cette attitude résultent des accidents et des maladies professionnelles graves.

Les risques sont parfois associés à la conception de l’atelier ou à l’organisation du travail (par exemple, lorsque de nombreuses opérations s’effectuent en même temps). Ces risques sont certes communs à tous les lieux de travail, mais, dans le domaine des arts et de l’artisanat, leurs conséquences peuvent être bien plus sérieuses.

Précautions générales

Les précautions à prendre sont les suivantes: concevoir l’atelier de façon rationnelle en tenant compte des sources d’énergie mises en œuvre, ainsi que de la disposition des matériaux et de leur déplacement; isoler les opérations dangereuses en prévoyant une signalétique appropriée; installer des systèmes de ventilation pour maîtriser et évacuer les poudres, gaz, fumées, vapeurs et aérosols; porter un équipement de protection individuelle bien ajusté et pratique; disposer d’installations sanitaires adéquates (douches, éviers, fontaines oculaires, etc.); avoir connaissance des risques liés aux produits chimiques employés et des réglementations régissant leur utilisation de façon à éliminer, ou du moins à réduire, le danger qu’ils présentent; être informé des risques d’accidents et des règles d’hygiène; enfin, être formé aux gestes de secourisme. Les systèmes de ventilation par aspiration localisée doivent être placés de manière à capter les poussières en suspension dans l’air à la source, lorsque ces dernières sont abondantes. Par ailleurs, il est vivement recommandé de passer l’aspirateur quotidiennement, sur un sol sec ou humide, ou de nettoyer le sol et les surfaces de travail avec un linge mouillé.

Les principales techniques de sculpture

La sculpture sur pierre consiste à tailler les pierres dures et tendres, les pierres précieuses, le plâtre, le ciment, etc. Mais la sculpture est aussi pratiquée sur des matières plus malléables: modelage au plâtre et à l’argile; sculpture sur bois; travail du métal; soufflage du verre; sculpture sur plastique; sculpture sur d’autres matériaux et techniques mixtes. Voir plus loin les articles «Le travail du métal» et «Le travail du bois». Le soufflage du verre est abordé dans le chapitre no 84, «Le verre, les céramiques et les matériaux connexes».

La sculpture sur pierre

Les pierres utilisées en sculpture sont classées en pierres tendres ou dures. Les pierres tendres peuvent être travaillées manuellement, avec des instruments comme la scie, le burin, le marteau et la râpe, ainsi qu’avec des outils électriques.

Les pierres dures telles que le granit et d’autres matériaux comme les blocs de ciment, qui servent à la réalisation d’œuvres d’art et de pièces décoratives, se travaillent avec des outils électriques ou pneumatiques. La finition peut être réalisée, en partie, à la main.

Les risques

L’inhalation prolongée de grandes quantités de poussières contenant de la silice libre cristalline, qui se dégage de surfaces fraîchement taillées, peut provoquer la silicose. Les matériels électriques et pneumatiques peuvent produire dans l’air une forte concentration de poussières plus fines que celles générées par les outils manuels. Le marbre, le travertin et le calcaire sont des matériaux inertes, non pathogènes pour les poumons. En revanche, le plâtre (sulfate de calcium) est un irritant pour la peau et les muqueuses.

L’inhalation de fibres d’amiante, même en petites quantités, comporte un risque de cancer de l’appareil respiratoire susceptible d’affecter le larynx, la trachée, les bronches, les poumons ou la plèvre et, probablement aussi, de cancer de l’appareil digestif et d’autres organes. Des fibres similaires se trouvent à l’état d’impuretés dans la serpentine et le talc. L’asbestose (fibrose pulmonaire) ne peut se développer qu’à la suite d’une inhalation massive de fibres d’amiante, ce qui est peu probable dans ce type de travail. Le tableau 96.3 dresse une liste des risques associés aux pierres les plus courantes.

Tableau 96.3 Risques liés aux pierres communément utilisées en sculpture

Composants dangereux

Pierres

Silice libre cristalline

Pierres dures: granit, basalte, jaspe, porphyre, onyx, pietra serena
Pierres tendres: stéatite (pierre à savon), grès, ardoise, argiles, certains calcaires

Contamination possible par l’amiante

Pierres tendres: stéatite, serpentine

Silice libre et amiante

Pierres dures: marbre, travertin
Pierres tendres: albâtre, tuf, marbre, plâtre

Les marteaux pneumatiques, les scies et ponceuses électriques et les outils manuels sont parfois extrêmement bruyants et peuvent causer un déficit auditif et d’autres affections du système neurovégétatif (accélération du rythme cardiaque, troubles gastriques, etc.), des problèmes psychologiques (irritabilité, difficultés de concentration, etc.), ou encore des problèmes de santé générale (notamment céphalées).

L’emploi d’outils électriques et pneumatiques peut entraver la microcirculation au niveau des doigts se traduisant éventuellement par une symptomatologie connue sous le nom de syndrome de Raynaud; il peut également être à l’origine d’une dégénérescence de la partie supérieure du bras.

Le travail dans des postures incommodes et le soulèvement d’objets lourds peuvent occasionner lombalgie, fatigue musculaire, arthrite et affections articulaires (hygroma du genou, du coude).

Le risque d’accident est souvent lié à l’emploi d’outils coupants (manuels, électriques ou pneumatiques) nécessitant une force puissante. Il arrive que des éclats de pierre soient violemment projetés dans l’atelier pendant la taille et que des blocs ou des plaques mal fixés roulent ou tombent. L’eau utilisée lors de ces opérations peut rendre le sol glissant et causer des chocs électriques.

Aux pigments et aux colorants (surtout en aérosols), qui servent à réaliser la couche définitive des peintures et des laques, est associé le risque d’inhaler des composés toxiques (plomb, chrome, nickel) ou des produits irritants ou allergènes (acryliques ou résines). Les muqueuses et l’appareil respiratoire peuvent en être affectés.

Qu’elle soit massive au cours d’une journée de travail ou moindre pendant une période plus longue, l’inhalation des solvants qui s’évaporent lors du séchage des peintures peut avoir des effets toxiques aigus ou chroniques sur le système nerveux central.

Précautions

Il est préférable d’utiliser l’albâtre plutôt que la stéatite ou d’autres pierres tendres plus dangereuses.

Il convient de se servir d’outils pneumatiques ou électriques pourvus de capteurs de poussières portatifs. Le lieu de travail doit être souvent nettoyé, à l’aspirateur ou à l’éponge humide. En outre, une ventilation générale efficace est indispensable.

Le port de masques bien adaptés sert à protéger l’appareil respiratoire des poussières, des solvants et des aérosols. Il est également conseillé de se munir de bouchons d’oreilles contre le bruit et de lunettes spéciales. Pour réduire le risque de blessures aux mains, il est recommandé de porter des gants de cuir, si nécessaire, ou des gants de caoutchouc plus légers, doublés de coton pour éviter tout contact avec les produits chimiques. Des chaussures de sécurité à semelles antidérapantes protégeront les pieds en cas de chute d’objets pesants et préviendront les risques de glissades. Les opérations longues et complexes requièrent le port d’une tenue adaptée aux besoins; doivent être bannis les cravates, les bijoux et les vêtements qui risquent d’être happés par les machines. Il est également impératif de relever les cheveux longs ou de les maintenir sous une casquette ou dans un filet. Enfin, il est non moins important de prendre une douche après chaque poste et de ne jamais emporter chez soi ses vêtements et ses chaussures de travail.

Les compresseurs des outils pneumatiques devraient être placés hors de l’atelier, et les zones bruyantes insonorisées. De plus, il convient d’entrecouper la journée de travail de nombreuses pauses dans un endroit chaud. Les outils électriques et pneumatiques devraient être équipés de poignées confortables — de préférence munies d’amortisseurs des chocs mécaniques — et qui éloignent l’air des mains de l’opérateur. Par ailleurs, il est conseillé d’effectuer quelques mouvements d’assouplissement et de massage pendant le travail.

Les outils coupants devraient être tenus le plus loin possible des mains et du corps. Les outils endommagés doivent être mis au rebut. Il est essentiel que les substances inflammables (peintures, solvants) soient hors de portée des flammes, des cigarettes allumées et des sources de chaleur.

Le moulage

Le matériau le plus utilisé pour le moulage est l’argile (de l’argile imbibée d’eau ou de l’argile naturellement molle). La cire, le plâtre, le béton et le plastique (parfois renforcé par de la fibre de verre) sont aussi fréquemment employés.

Le moulage est d’autant plus facile à réaliser que le matériau est malléable. On se sert souvent d’un outil (en bois, en métal ou en plastique).

Certaines matières, telles que les argiles, durcissent à la cuisson au four. Le talc peut aussi être employé; comme l’argile meuble (glaise), il est versé dans des moules puis, après séchage, mis à cuire au four.

Les argiles employées en sculpture sont les mêmes que celles auxquelles a recours l’industrie des céramiques; elles peuvent contenir d’importantes quantités de silice libre cristalline (voir l’article «La céramique» dans le présent chapitre).

Les substances qui ne durcissent pas, telle la plasticine, contiennent de fines particules d’argile mélangées à des huiles végétales, à des conservateurs et parfois à des solvants. Les argiles dites polymères, qui durcissent, sont, en fait, constituées de poly(chlorure de vinyle) et de plastifiants comme le phtalate.

La cire est généralement coulée dans un moule après avoir été fondue, mais on peut aussi la travailler avec des outils chauffés. Elle est naturelle ou synthétique (cire à modeler colorée). Nombre de cires se dissolvent dans l’alcool, l’acétone, les essences minérales, le white-spirit, la ligroïne, le tétrachlorure de carbone, etc.

Il en va autrement du plâtre, du béton et du papier mâché, qu’il n’est nécessaire ni de chauffer ni de fondre. Ces matières sont le plus souvent travaillées sur un cadre de métal ou de fibre de verre; elles peuvent aussi être coulées dans un moule.

Les techniques de la sculpture sur plastique sont essentiellement de deux types:

Les matières plastiques employées sont de diverses sortes: polyesters, polyuréthanes, aminoplastes, phénoplastes, polyacryliques, résines époxydiques ou de silicone. Pendant la polymérisation, on peut les couler dans des moules, les appliquer à la main, les graver, les laminer ou les modifier à l’aide de catalyseurs, d’accélérateurs, de durcisseurs, de charges ou de pigments.

Le tableau 96.4 établit la liste des principaux risques associés aux matériaux communément utilisés en sculpture et indique les précautions correspondantes.

Tableau 96.4 Principaux risques liés aux matériaux utilisés en sculpture

Matériaux

Risques et précautions

Argiles

Risques: silice libre cristalline; talc susceptible de contenir de l’amiante; possibilité de dégagement de gaz toxiques lors des opérations de cuisson ou de chauffe

Précautions: voir l’article «La céramique» dans le présent chapitre

Plasticine

Risques: solvants et conservateurs peuvent irriter la peau et les muqueuses et causer des réactions allergiques chez certains sujets

Précautions: choix d’autres matériaux pour les sujets sensibles

Argiles dures

Risques: certains durcisseurs ou plastifiants polymères utilisés pour les argiles (phtalates) sont des agents cancérogènes ou des toxiques possibles pour la reproduction. Dégagement éventuel de chlorure dhydrogène lors des opérations de chauffe, surtout en cas de chaleur excessive

Précautions: éviter toute surchauffe et ne pas utiliser un four servant aussi à la cuisine

Cires

Risques: les vapeurs surchauffées sont inflammables et explosives.

Les fumées d’acroléine, produites par la décomposition de la cire surchauffée, sont des irritants et des sensibilisants respiratoires puissants. Les solvants de la cire peuvent être toxiques par contact ou inhalation; le tétrachlorure de carbone est cancérogène et hautement toxique pour le foie et les reins

Précautions: éviter les flammes nues. Ne pas se servir de plaques chauffantes électriques avec résistances découvertes. Ne chauffer qu’à la température minimale nécessaire. Ne pas utiliser de tétrachlorure de carbone

Matières plastiques prêtes à l’emploi

Risques: l’action de la chaleur, le traitement mécanique et le découpage peuvent engendrer la formation par décomposition de substances dangereuses comme le chlorure d’hydrogène (à partir du poly(chlorure de vinyle)), le cyanure d’hydrogène (à partir de polyuréthanes et d’aminoplastes) ou le styrène (à partir du polystyrène). La combustion des plastiques entraîne le dégagement de monoxyde de carbone. Les solvants utilisés pour coller les matières plastiques sont inflammables et dangereux pour la santé

Précautions: prévoir une bonne ventilation pour tout travail mettant en œuvre des plastiques et des solvants

Résines des matières plastiques

Risques: la plupart des résines monomères (styrène, méthacrylate de méthyle, formaldéhyde) présentent des risques en cas de contact cutané ou d’inhalation. Les projections oculaires de peroxyde de méthyléthylcétone, qui sert à durcir les résines polyesters, peuvent entraîner la cécité. Les durcisseurs employés pour les résines époxydiques sont des irritants et des sensiblisants respiratoires et cutanés. Les isocyanates utilisés dans les résines de polyuréthanes peuvent provoquer un asthme grave

Précautions: lors de l’utilisation de résines quelles qu’elles soient, prévoir une bonne ventilation, porter un équipement de protection individuelle (gants, masque respiratoire, lunettes), prendre des précautions contre l’incendie, etc.

Ne pas pulvériser de résines de polyuréthanes

Soufflage du verre

Voir le chapitre no84, «Le verre, la céramique et les matériaux connexes», de l’Encyclopédie

LA PHOTOGRAPHIE

David Richardson

Le noir et blanc

Pour les photographies en noir et blanc, le film ou le papier exposé sont extraits de leur boîtier étanche dans une chambre noire et immergés successivement dans des bacs contenant des solutions aqueuses — le révélateur, le bain d’arrêt et le fixateur. Une fois lavé à l’eau et séché, le film ou le papier est alors prêt pour le tirage. Le révélateur réduit l’halogénure d’argent exposé en argent métallique. Le bain d’arrêt est une solution faiblement acide qui neutralise la solution alcaline du révélateur et interrompt la réduction de l’halogénure d’argent. Le fixateur forme, avec l’halogénure d’argent non exposé, un mélange complexe soluble, qui est ensuite éliminé de l’émulsion au cours du rinçage, en même temps que les divers sels solubles dans l’eau, les substances tampons et les ions de l’halogénure. Les rouleaux de pellicule sont généralement traités dans des cuves fermées où les différentes solutions sont ajoutées.

Les risques potentiels pour la santé

L’extrême diversité des formules employées par les fabricants et les différentes méthodes de conditionnement et de mélange des produits chimiques n’autorisent que quelques indications générales sur les risques chimiques inhérents au développement des photographies en noir et blanc. Le plus fréquent est le risque de dermite de contact lié aux solutions utilisées. Les solutions de révélateurs sont alcalines et contiennent souvent de l’hydroquinone; dans certains cas, elles peuvent renfermer du sulfate de π-méthylaminophénol (connu sous les appellations commerciales de Métol et de KODAK ELON). Les révélateurs sont des irritants cutanés et oculaires et peuvent provoquer des réactions allergiques de la peau chez les sujets sensibles. Dans la plupart des bains d’arrêt, l’acide acétique est le principal élément dangereux. Bien que les bains concentrés soient fortement acides et puissent causer des brûlures de la peau et des yeux à la suite d’un contact direct, les bains prêts à l’emploi sont généralement des irritants cutanés et oculaires légers. Les fixateurs contiennent du thiosulfate de sodium, éventuellement additionné de sels de sulfite (par exemple, du métabisulfite de sodium), sans réel danger pour la santé.

Outre les risques potentiels pour la peau et les yeux, les gaz ou les vapeurs dégagés par certaines solutions utilisées pour le développement photographique peuvent présenter un danger en cas d’inhalation; de plus, ils se caractérisent par une odeur nauséabonde, notamment dans les locaux mal ventilés. Certaines substances photochimiques (par exemple, les fixateurs) peuvent produire des gaz comme l’ammoniac ou le dioxyde de soufre par suite de la dégradation, respectivement, de l’ammonium et des sels de sulfite. Ces gaz peuvent irriter l’appareil respiratoire supérieur et les yeux. Il en va de même de l’acide acétique provenant des bains d’arrêt. L’effet irritant de ces gaz ou vapeurs dépend de leur concentration et ne s’observe généralement qu’à des niveaux supérieurs à ceux qui dépassent les limites d’exposition professionnelle. Toutefois, étant donné l’ampleur de la sensibilité individuelle, certains sujets (par exemple, les personnes sensibilisées par leur état de santé telles que les asthmatiques) peuvent être affectés par des concentrations inférieures aux limites d’exposition professionnellement admissibles. Certaines de ces substances sont décelables à leur odeur, en raison de leur seuil olfactif peu élevé. Bien que l’odeur d’un produit chimique n’indique pas nécessairement un danger pour la santé, des odeurs fortes ou d’intensité croissante peuvent être le signe que le système de ventilation ne remplit plus son rôle et doit être revu.

La gestion des risques

Pour manipuler des produits chimiques en toute sécurité, lors du traitement du film, il est essentiel de connaître les risques potentiels qu’ils présentent et de les ramener à un niveau acceptable. La connaissance et la maîtrise de ces risques supposent tout d’abord de bien lire les étiquettes des produits et les fiches de données de sécurité correspondantes.

Dans la chambre noire, l’une des premières précautions est d’éviter tout contact avec la peau. Des gants de néoprène sont très utiles à cet égard, en particulier dans les locaux où sont effectués les mélanges et où se trouvent donc les solutions les plus concentrées. Ces gants doivent être assez épais pour ne pas se déchirer ou être percés et il faut les vérifier et les nettoyer souvent, de préférence en les lavant à l’intérieur et à l’extérieur avec un nettoyant pour les mains non alcalin. Outre les gants, des pinces permettent d’empêcher le contact avec la peau. Les crèmes protectrices ne conviennent pas, car elles ne sont pas imperméables à tous les produits photographiques et peuvent contaminer les bains. Dans la chambre noire, il est impératif de porter un tablier de protection ou une blouse; de plus, un nettoyage fréquent de la tenue de travail est souhaitable. Il faut aussi être équipé de lunettes de protection, surtout dans les locaux où des produits concentrés sont mis en œuvre.

Lors d’un contact de la peau avec des agents de traitement photographique, la zone touchée doit être le plus rapidement possible rincée à grande eau. Certains produits comme les révélateurs sont alcalins, et le rinçage avec un nettoyant pour les mains non alcalin (pH compris entre 5 et 5,5) contribue à réduire le risque de dermite. Il faut immédiatement changer de vêtements en cas de contamination par des produits chimiques. Eclaboussures et taches doivent être aussitôt nettoyées. Enfin, les installations pour se laver les mains et se rincer les yeux jouent un rôle particulièrement important dans les ateliers de mélange des produits et de traitement des films. Des douches d’urgence s’imposent lorsqu’on utilise de l’acide acétique concentré (cristallisable).

Une bonne ventilation participe aussi largement à la sécurité dans la chambre noire. Le débit de ventilation requis varie en fonction des dimensions de la pièce et des produits utilisés. Une ventilation générale de 4,25 m3/min, qui permet de renouveler l’air dix fois par heure dans une pièce de 3 m × 3 m × 3 m avec un renouvellement minimal par l’air extérieur de 0,15 m3/min/m2, suffit donc pour les opérations courantes de traitement du noir et blanc. L’air doit être évacué à l’extérieur du bâtiment pour éviter que d’éventuels contaminants ne réintègrent le circuit. Des procédés spéciaux tels que le virage (qui substitue à l’argent du sulfure d’argent, du sélénium ou d’autres métaux), l’intensification (qui consiste à assombrir une partie de l’image à l’aide de produits comme le dichromate de potassium ou le chlorochromate de potassium) ou les opérations de mélangeage (qui mettent en œuvre des poudres ou des solutions concentrées) peuvent requérir un système de ventilation par aspiration localisée ou le port d’un masque de protection respiratoire.

La couleur

Le traitement de la photographie en couleur est plus complexe et fait également appel à des produits chimiques potentiellement dangereux. Il est évoqué dans le chapitre no 85, «L’industrie de l’impression, de la photographie et de la reproduction». Comme pour la photographie en noir et blanc, il est essentiel d’éviter tout contact avec la peau ou les yeux et de prévoir une ventilation efficace.

LE TRAVAIL DU MÉTAL

Angela R. Babin

Le travail du métal consiste à fondre, souder, braser ou forger du métal ainsi qu’à travailler et traiter sa surface. Cette activité se répand d’autant plus que les artistes des pays en développement se mettent, eux aussi, à pratiquer la sculpture sur métal. Bien que de nombreuses fonderies d’art soient des entreprises commerciales, la fabrication artistique d’objets en métal fondu est souvent inscrite aux programmes des écoles supérieures d’art.

Les risques et les précautions

La fonte et le moulage

A moins qu’ils ne confient le travail à un fondeur professionnel, les artistes fondent le métal dans leur propre atelier. Pour mouler les petites pièces, ils ont souvent recours au procédé de la fonte à cire perdue. Les métaux et alliages couramment utilisés sont le bronze, l’aluminium, le cuivre, l’étain, le fer et l’acier inoxydable. L’or, l’argent, voire le platine sont fondus pour le moulage de petites pièces, particulièrement en bijouterie.

La fonte à cire perdue comprend plusieurs étapes:

  1. la fabrication de la forme positive;
  2. la fabrication du moule-enveloppe;
  3. l’insertion de la cire chaude;
  4. la fonte du métal;
  5. l’élimination des scories;
  6. le coulage du métal fondu dans le moule;
  7. le retrait du moule.

La forme positive peut être directement façonnée en cire, mais elle peut aussi l’être en plâtre ou dans une autre matière. On fabrique ensuite un moule-enveloppe négatif en caoutchouc. Puis, par coulage, on interpose une couche de cire entre la forme et le moule, laquelle constitue la forme positive finale. La fonte de la cire peut présenter un risque d’incendie et, en cas de surchauffe, la décomposition de la cire constitue un danger.

Le moule est généralement fait en surmoulant sur la forme une chape contenant de la cristobalite, associée à un risque de silicose. Il est donc conseillé de lui préférer un mélange de plâtre et de sable, en proportions égales. On peut aussi confectionner des moules avec du sable et de l’huile, des résines de formaldéhyde ou d’autres résines comme liants. Beaucoup de ces résines étant toxiques en cas de contact avec la peau ou d’inhalation, il convient de se protéger la peau et de prévoir une bonne ventilation.

La forme en cire est détruite dans un four. Il faut donc un système de ventilation par aspiration localisée pour évacuer l’acroléine et les autres irritants dégagés par la décomposition de la cire.

Le métal est généralement fondu dans un creuset, dans un four chauffé au gaz. Une hotte équipée d’un système d’aspiration extérieure permet d’évacuer le monoxyde de carbone et les fumées métalliques (zinc, cuivre, plomb, aluminium, etc.).

Le creuset contenant le métal fondu est ensuite sorti du four. Le métal est débarrassé des scories qui se trouvent à sa surface, puis il est coulé dans le moule (voir figure 96.2). Lorsque le poids de métal n’excède pas 40 kg, le creuset peut être soulevé à la main. Pour tout poids supérieur, un dispositif de levage est nécessaire. Lors du retrait des scories et du coulage, une ventilation doit évacuer les fumées métalliques. Sous l’action de la chaleur, les moules de sable et de résine en décomposition peuvent aussi produire des substances dangereuses. Il est indispensable de porter un écran facial pour se prémunir contre le rayonnement infrarouge et la chaleur, ainsi que des vêtements qui résistent à la chaleur et aux projections de métal fondu. Les sols de ciment doivent être protégés par une couche de sable contre ces projections.

Figure 96.2 Coulage du métal fondu en fonderie d'art

Figure 96.2

Comme la destruction du moule peut s’accompagner de la libération de poussières de silice, il faut prévoir un système de ventilation par aspiration localisée ou une protection respiratoire. Une variante de la fonte à cire perdue, dite par vaporisation de mousse, consiste à remplacer la cire par de la mousse de polystyrène ou de polyuréthane et à la transformer en vapeur quand le métal fondu est coulé. Cette opération peut dégager des produits de décomposition dangereux, notamment du cyanure d’hydrogène à partir de la mousse de polyuréthane. Les artistes utilisent souvent des métaux de récupération d’origines diverses. Cette pratique n’est pas sans danger, en raison de la présence possible de peintures au plomb ou au mercure, voire de métaux comme le cadmium, le chrome ou le nickel.

La fabrication

Le métal peut être coupé, percé ou limé avec des scies, perceuses, pinces ou limes. La limaille est irritante pour la peau et les yeux. Les outils électriques peuvent être à l’origine de chocs électriques et d’accidents s’ils sont mal utilisés. Des lunettes spéciales doivent protéger les yeux des projections de déchets de fer et de limaille. L’ensemble de l’équipement électrique devrait être correctement mis à la terre. Les outils devraient être manipulés avec précaution et soigneusement rangés. Le métal à travailler devrait être bien arrimé pour éviter les accidents.

Le forgeage

Pour forger à froid, on se sert de marteaux, de maillets, d’enclumes et d’autres outils similaires permettant de façonner le métal. Pour forger à chaud, il faut chauffer le métal. Le forgeage peut être extrêmement bruyant et provoquer une perte d’audition. En l’absence de précautions, les petits éclats de métal peuvent léser la peau ou les yeux. Le forgeage à chaud peut, en outre, occasionner des brûlures. Les mesures à adopter consistent à isoler la forge, à utiliser de bons outils, à nettoyer régulièrement les locaux et le matériel, à porter des vêtements appropriés ainsi qu’une protection oculaire et des bouchons auriculaires.

Le forgeage à chaud suppose que l’on brûle du gaz, du charbon ou d’autres combustibles. Une hotte d’aération doit à la fois évacuer les émissions de monoxyde de carbone et, éventuellement d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, et empêcher la chaleur de s’accumuler. Il est conseillé de porter des lunettes pour se protéger contre le rayonnement infrarouge.

Le traitement des surfaces

Le traitement manuel (ciselage, repoussage) est réalisé au marteau, la gravure avec des burins ou des acides, la photogravure avec des acides et des produits photochimiques; la galvanoplastie (qui consiste à appliquer une couche de métal sur un support métallique ou non) s’effectue avec des acides et des solutions de cyanure et la coloration du métal se fait avec divers produits chimiques.

La galvanoplastie utilise souvent des sels de cyanure dont l’ingestion peut être mortelle. Le mélange accidentel d’acides et d’une solution de cyanure produit du cyanure d’hydrogène, gaz éminemment dangereux en cas de contact cutané ou d’inhalation — il peut entraîner la mort en quelques minutes. Dans de nombreux pays, l’élimination des solutions résiduelles de cyanure et leur destruction sont strictement réglementés. L’emploi de solutions de cyanure en galvanoplastie n’est autorisé que dans les entreprises commerciales. Dans tout autre contexte, il faut opter pour des produits qui ne contiennent pas de sels de cyanure ou de cyanure.

Les acides étant corrosifs, il est impératif de se protéger la peau et les yeux. De plus, il est recommandé de disposer d’un système de ventilation par aspiration localisée dont les gaines résistent aux acides.

L’anodisation d’un métal (comme le titane ou le tantale) consiste à l’oxyder à l’anode d’un bain électrolytique pour le colorer. Le nettoyage préalable peut être fait à l’acide fluorhydrique. Il faut éviter de se servir de cet acide ou, du moins, porter des gants, des lunettes et un tablier de protection.

Les patines colorantes s’appliquent à chaud ou à froid. Les composés de plomb et d’arsenic sont très toxiques sous quelque forme que ce soit; d’autres peuvent dégager des gaz toxiques sous l’effet de la chaleur. Les solutions de ferrocyanure de potassium libèrent du cyanure d’hydrogène par chauffage, les solutions d’acide arsénique de l’hydrogène arsénié et les solutions sulfurées du sulfure d’hydrogène. Une très bonne ventilation est nécessaire pour les opérations de coloration du métal (voir figure 96.3). On devrait s’efforcer d’éviter d’utiliser des composés de l’arsenic et de chauffer les solutions de ferrocyanure de potassium.

Figure 96.3 Patinage du métal sous hotte d'aspiration à fente

Figure 96.3

Le traitement de finition

La finition consiste, notamment, à nettoyer le métal, à le meuler, à le limer, à le décaper au sable ou à le polir. Le nettoyage fait appel à des acides (décapage) et comporte donc des risques liés à la manipulation d’acides et au dégagement de gaz pendant le décapage (par exemple, du dioxyde d’azote à partir de l’acide nitrique). Le meulage peut libérer de fines poussières de métal pouvant être inhalées, et projeter dans l’air de grosses particules de métal dangereuses pour les yeux.

Pour être abrasif, le décapage au sable est très dangereux, surtout lorsqu’on l’effectue avec du sable naturel. L’inhalation de poussières de silice peut provoquer la silicose en très peu de temps. Aussi faut-il substituer au sable des grains de verre, de l’oxyde d’aluminium ou du carbure de silicium. Les scories de fonderie ne peuvent être utilisées que si l’analyse chimique n’y décèle pas de silice ou de métaux dangereux (nickel ou arsenic). Il est indispensable de prévoir une bonne ventilation ou une protection respiratoire.

Le polissage avec des abrasifs comme le colcotar (oxyde ferrique artificiel) ou le tripoli peut être dangereux, le colcotar pouvant contenir d’importantes quantités de silice libre et le tripoli renfermer de la silice. Le tour de polissage doit donc être équipé d’une bonne ventilation.

Le soudage

Les opérations de soudage comportent des risques d’incendie, de choc électrique induit par l’arc à souder, de brûlures causées par des étincelles de métal fondu, de lésions dues à une exposition excessive au rayonnement infrarouge et ultraviolet. Pendant le soudage, les étincelles peuvent être projetées à une dizaine de mètres.

Le rayonnement infrarouge peut occasionner des brûlures et des lésions oculaires. Le rayonnement ultraviolet cause des coups de soleil, une exposition répétée pouvant entraîner le développement de cancers cutanés. Les soudeurs à l’arc électrique sont particulièrement sujets à la conjonctivite et certains présentent une altération de la cornée pour avoir été exposés au rayonnement ultraviolet. Il convient donc de se protéger la peau et de porter des lunettes spéciales équipées de lentilles antiultraviolets et anti-infrarouges.

Les chalumeaux oxyacétyléniques dégagent du monoxyde de carbone, des oxydes d’azote et de l’acétylène non brûlé, ce dernier étant légèrement intoxiquant. L’acétylène commercial contient de petites quantités d’autres gaz et impuretés toxiques.

Les bouteilles de gaz comprimé peuvent exploser et causer des incendies. Bouteilles, raccords et tuyaux doivent être contrôlés et maintenus en parfait état. Les bouteilles de gaz doivent être entreposées en un lieu sec, bien ventilé et interdit aux personnes non autorisées. Les bouteilles de gaz combustible (généralement acétylène ou propane) doivent être stockées à l’écart des bouteilles de gaz comburant (oxygène).

Le soudage à l’arc produit suffisamment d’énergie pour transformer l’azote et l’oxygène de l’air en oxydes d’azote et en ozone, qui irritent les poumons. Quand le soudage se fait à moins de 7 m de solvants chlorés utilisés pour le dégraissage, le rayonnement ultraviolet peut dégager du phosgène.

La pulvérisation de métaux, d’alliages et des électrodes de l’arc à souder peut entraîner le dégagement de fumées métalliques. Les fondants au fluor produisent des fumées fluorées.

Toutes les opérations de soudage doivent se faire dans un endroit ventilé. Si une ventilation générale peut suffire pour le soudage à l’acier doux, un système de ventilation par aspiration localisée s’impose pour la plupart des opérations de soudage. Il faut aussi prévoir des hottes mobiles à rebords ou des hottes à fentes latérales. En l’absence de ventilation, le port d’une protection respiratoire est de rigueur.

De nombreuses poussières et fumées métalliques provoquent des irritations et des allergies cutanées; c’est le cas, notamment, des poussières de laiton (cuivre, zinc, plomb et étain), de cadmium, de nickel, de titane et de chrome.

En outre, d’autres problèmes tiennent aux matériaux de soudage susceptibles d’être recouverts de substances diverses telles que de la peinture au plomb ou au mercure.

LES NOUVELLES TECHNIQUES DANS LES ARTS

William E. Irwin

Cet article décrit les principaux problèmes que pose pour la sécurité et la santé l’utilisation, dans les arts, des lasers, du néon (sculpture) et des ordinateurs. Les créateurs font souvent beaucoup appel aux nouvelles techniques qu’ils pratiquent de façon expérimentale, ce qui contribue à accroître les risques d’accident. La priorité revient donc à la protection de la peau et des yeux, ainsi qu’à la prévention des chocs électriques et des expositions aux produits chimiques toxiques.

Les lasers

Le rayonnement laser est dangereux pour la vue et la peau des artistes et des spectateurs, que la vision soit directe ou qu’il y ait réflexion. La gravité de la lésion dépend de l’intensité du faisceau. Les lasers de haute puissance risquent, plus que les autres, de causer des lésions graves et de présenter un sérieux danger en se réfléchissant. Les fabricants classent les lasers de I à IV. Les lasers de la classe I ne présentent pas de risque d’irradiation, alors que ceux de la classe IV sont très dangereux.

Si les artistes ont utilisé différents types de lasers, la plupart se servent de longueurs d’ondes visibles. Outre les normes de sécurité propres à tout phénomène laser, les applications artistiques du laser exigent des précautions spéciales.

Dans les expositions faisant appel aux rayons lasers, il faut isoler le public pour qu’il ne perçoive pas directement le faisceau, ni les rayons diffractés, au moyen de parois de plastique ou de verre et de dispositifs opaques arrêtant le faisceau. Dans les planétariums et autres spectacles lumineux en intérieur, il est dangereux de maintenir le rayonnement laser, direct ou reflété, aux niveaux de la classe I, là où le public est exposé. Les rayonnements des classes III et IV doivent être tenus à une distance sûre des exécutants et des spectateurs. Les distances tolérées sont de 3 m quand un opérateur contrôle le laser et de 6 m en l’absence d’un contrôle continu. Des procédures écrites doivent préciser les modalités d’installation, d’alignement et d’essai des lasers des classes III et IV. Les règles de sécurité consistent à annoncer le déclenchement de l’émission de lasers, à disposer de clés de contrôle, de systèmes à double sécurité et de commandes de remise en marche manuelles pour les lasers de la classe IV. Pour ces derniers, il conviendrait de porter des lunettes de protection spéciales.

Dans les spectacles avec faisceaux lasers, ceux-ci se déplacent rapidement et sont de ce fait généralement plus sûrs, car tout contact fortuit avec l’œil ou la peau est de courte durée. Les opérateurs n’en doivent pas moins prendre des précautions pour que l’exposition ne dépasse pas le seuil de danger en cas de défaillance du dispositif de balayage. Lors des spectacles en plein air, les avions ne sont pas autorisés à traverser les niveaux dangereux du faisceau; par ailleurs, les immeubles élevés ou le personnel équipé de matériel de grande portée ne doivent pas être exposés à un rayonnement supérieur aux niveaux de la classe I.

L’holographie est le procédé qui permet d’obtenir une photographie en relief d’un objet à l’aide de lasers. La plupart des images sont décentrées par rapport au faisceau laser et il n’est pas rare que l’on regarde à l’intérieur du faisceau. Une boîte transparente autour de l’hologramme peut contribuer à réduire les risques de lésion. Certains artistes créent des images permanentes à partir de leurs hologrammes; de nombreux produits chimiques employés pour le développement sont toxiques et doivent être manipulés avec précaution (acide pyrogallique, alcalis, acide sulfurique, acide bromhydrique, brome, p -benzoquinone, dichromates alcalins, etc.). Il existe des produits de remplacement moins nocifs pour la plupart d’entre eux.

Les lasers présentent également des risques sérieux qui ne sont pas de nature radiologique. Le plus souvent, pour être efficaces, ils requièrent des tensions et des ampérages élevés, générant ainsi des risques non négligeables d’électrocution, surtout aux stades de la conception et de la maintenance. Les lasers à colorants utilisent des produits chimiques toxiques pour former le milieu actif, et les lasers de haute puissance peuvent dégager des aérosols toxiques, en particulier quand le faisceau touche une cible.

Le néon dans l’art

Les artistes utilisent des tubes au néon pour réaliser des sculptures lumineuses, notamment des enseignes publicitaires. Créer une sculpture sur néon consiste à plier du verre plombé pour lui donner la forme désirée, à bombarder le tube de verre sous une tension élevée pour en chasser les impuretés et à y introduire de petites quantités de néon ou de mercure. Par le biais des électrodes fixées aux deux extrémités du tube, une puissante décharge électrique est produite dans les gaz et donne l’effet lumineux. Pour obtenir une plus large palette de couleurs, le tube peut être revêtu intérieurement d’une couche de substance phosphorescente, qui transforme le rayonnement ultraviolet du mercure ou du néon en lumière visible. On obtient des courants de haute tension à l’aide de transformateurs élévateurs de tension.

Le danger de choc électrique intervient surtout lorsque la sculpture est branchée sur son transformateur de bombardement pour expulser les impuretés du tube de verre, ou sur la source de courant électrique lors des essais ou de l’exposition (voir figure 96.4). Le courant électrique qui passe dans le tube provoque aussi l’émission d’une lumière ultraviolette qui réagit à son tour avec la couche phosphorescente pour former des couleurs. Les rayonnements proches de l’ultraviolet peuvent traverser le verre et présenter un risque pour les yeux des personnes qui se trouvent à proximité; on devrait alors porter une protection oculaire pour s’en prémunir.

Figure 96.4 Sculpture sur néon. L'artiste se tient derrière un écran de protection

Figure 96.4

Certaines substances phosphorescentes qui forment le revêtement intérieur du tube de néon sont potentiellement toxiques (par exemple, des composés du cadmium). Il arrive aussi que l’on ajoute du mercure au néon pour obtenir un bleu particulièrement éclatant. Le mercure est très dangereux quand il est inhalé; il est volatil à température ambiante.

L’ajout de mercure au tube de néon appelle la plus grande vigilance. Le mercure doit être entreposé dans des conteneurs scellés et incassables. L’artiste doit en recueillir l’excédent dans des bacs; il doit disposer de matériels prévenant les débords. Il ne faut en aucun cas récupérer le mercure avec un aspirateur, car il risque d’être dispersé sous forme de brouillard dans l’air ambiant.

L’art informatique

Les ordinateurs se prêtent à divers propos artistiques, notamment la peinture, le traitement des photographies par scanner, l’élaboration de représentations graphiques pour l’impression ou pour la télévision (par exemple, les génériques), ainsi que la réalisation de toutes sortes d’images animées et d’effets spéciaux pour le cinéma et la télévision. Cette dernière a de plus en plus recours à l’art informatique et il en résulte des problèmes ergonomiques, spécifiques des tâches répétitives et d’un mauvais agencement du poste de travail. Ces problèmes se traduisent surtout par des douleurs dans les poignets, les bras, les épaules et le cou et par des troubles de la vue. Ils sont, la plupart du temps, mineurs. Toutefois, certaines atteintes peuvent être invalidantes, comme la tendinite chronique ou le syndrome du canal carpien.

La création sur ordinateur implique souvent de longues périodes de frappe sur le clavier ou de manipulation de la souris, pour la conception ou la finition d’un produit. Les utilisateurs d’ordinateurs doivent se ménager des pauses régulières, les interruptions brèves mais fréquentes étant plus efficaces que de longues pauses toutes les deux ou trois heures.

Pour ce qui est de l’organisation physique du travail, la priorité doit être accordée à la bonne posture de l’artiste et à son confort visuel. Les éléments d’un poste de travail informatique doivent s’adapter facilement à la diversité des tâches et des personnes concernées.

On peut remédier à la fatigue oculaire en observant des pauses régulières, en supprimant les reflets aveuglants et en plaçant le haut de l’écran au niveau des yeux. On peut aussi réduire les risques oculaires avec un écran à fréquence de régénération de 70 Hz, qui réduit le scintillement de l’image.

Les effets des rayonnements peuvent être nombreux. Les rayons ultraviolets, visibles, infrarouges, les ondes radio et les micro-ondes émis par le matériel informatique sont égaux voire inférieurs au niveau de fond du rayonnement naturel. On connaît mal les éventuels effets sur la santé des ondes à basse fréquence produites par les circuits électriques et les composants électroniques. Cependant, on ne dispose d’aucun indice sérieux permettant de conclure que les champs électromagnétiques induits par les écrans d’ordinateurs constituent un risque pour la santé. Les écrans n’émettent pas de rayons X à des niveaux dangereux.

LE TRAVAIL DES FIBRES ET DES TEXTILES

Gail Coningsby Barazani

Les artistes contemporains qui utilisent les fibres ou les textiles ont de nombreux procédés à leur disposition tels que le tissage, la couture, la fabrication de papier ou le travail du cuir. Ils travaillent à la main ou à la machine (voir tableau 96.5) et font appel à de multiples méthodes pour transformer les fibres ou les étoffes: le cardage, le filage, la teinture, l’apprêt ou le blanchiment (voir tableau 96.6), mais aussi la peinture, la sérigraphie, le traitement avec des produits photochimiques, le brûlage pour n’en citer que quelques-uns. Ces techniques sont décrites dans des articles particuliers du présent chapitre.

Tableau 96.5 Techniques artisanales des fibres et des textiles

Technique

Description

Batik

Le batik consiste à créer des impressions de couleur en appliquant de la cire fondue sur une étoffe avec un «tchanting» pour former des réserves, puis, après teinture, en faisant disparaître la cire avec un solvant ou en repassant l’étoffe à fer chaud entre deux feuilles de papier journal

Broderie

La broderie consiste à orner un tissu, du cuir, du papier ou tout autre matière en réalisant à l’aiguille des motifs ornementaux à l’aide de fils. Le matelassage et la courtepointe relèvent de cette technique

Crochet

Le crochet s’apparente au tricot, à cela près que l’on se sert d’un crochet pour passer le fil dans la maille

Dentelle

Il s’agit de confectionner un tissu ajouré à l’aide de fils que l’on tord, que l’on introduit dans des mailles ou que l’on entrelace pour former des motifs décoratifs. Ainsi peut-on être amené à réaliser à la main des points complexes et d’une extrême finesse

Fabrication de papier

La première étape consiste à fabriquer une pâte à partir de bois, de plantes, de chiffons, etc. L’opération commence par le défibrage, souvent réalisé par ébullition dans un bain contenant un alcali. Les fibres sont ensuite lessivées et triturées par des tambours laveurs. La pâte obtenue est alors déposée sur un treillis métallique ou sur une toile tendue, puis séchée à l’air libre ou pressée entre deux couches de feutre. Le papier ainsi fabriqué peut être traité à l’aide d’apprêts, de teintures, de pigments, etc.

Macramé

C’est le travail à jour exécuté en fils noués de façon décorative. Il sert à confectionner des sacs, des suspensions et des pièces murales, entre autres

Sérigraphie

Voir l’article «Le dessin, la peinture et la gravure» dans le présent chapitre

Tissage

Le tissage consiste à fabriquer du tissu à l’aide d’une machine (métier) et par la combinaison de deux ensembles de fils, la chaîne et la trame. Les fils de chaîne sont tendus sur des rouleaux qui régissent la longueur du métier; ils constituent deux nappes verticales de fils parallèles. La trame est alimentée, sur le côté du métier, par des bobines. La navette sert à passer le fil de trame horizontalement, sous et sur les fils de chaîne dont les lisses permettent la levée. Pour éviter qu’ils ne cassent pendant le tissage, les fils de chaîne subissent un encollage avec un apprêt à base de matières amylacées. Il existe de nombreux types de métiers, manuels ou mécaniques

Travail du cuir

Les métiers du cuir comportent deux catégories d’opérations. les premières — ciselage, couture et autres techniques mécaniques — font appel à un large éventail d’outils. Les secondes — collage, teinture et finissage du cuir — peuvent nécessiter l’emploi de solvants, de teintures, de laques, etc. Pour le tannage, voir le chapitre no 88, «Le cuir, la fourrure et la chaussure», de l’Encyclopédie

Tricot

Cette technique permet de confectionner un tissu en entrelaçant un fil dans un rang de mailles reliées entre elles, à la main avec de longues aiguilles ou à l’aide d’une machine à tricoter

Vannerie

La vannerie est la fabrication manuelle de paniers, de sacs, de nattes, etc., consistant à tisser, tresser et torsader des matériaux tels que des roseaux, du rotin et des fibres de sisal. Couteaux et ciseaux sont très utilisés. Les paniers torsadés requièrent souvent un travail de couture

Tableau 96.6 Traitement des fibres et des textiles

Technique

Description

Cardage

Le cardage consiste à nettoyer et à redresser les fibres des matières textiles, en les peignant à la main ou avec une machine spéciale, de façon à les isoler, à les disposer parallèlement les unes aux autres et à leur faire subir une torsion à la manière d’une corde. Le cardage peut produire de grandes quantités de poussières

Filage

Le filage utilise un rouet mu par une pédale et dont le fuseau, en tournant, tord ensemble plusieurs fibres d’une matière textile en un fil étiré

Finition

Une fois tissée, l’étoffe peut subir un flambage pour faire disparaître les duvets de la surface, un traitement à base d’enzymes pour éliminer l’apprêt ou encore être immergée dans un bain bouillant à base d’alcalis pour en retirer les graisses et les cires

Teinture

Le fil et le tissu peuvent être teints avec toutes sortes de colorants (naturels, directs, acides, basiques, plastosolubles, réactifs, etc.), le choix du colorant dépendant du type de support. De nombreuses méthodes requièrent que le bain de teinture soit porté à une température proche de l’ébullition. Divers rongeants peuvent être mis en œuvre (acides, alcalis, sel, dithionite de sodium) et, dans le cas des teintures naturelles, des mordants comme l’urée, le dichromate d’ammonium, l’ammoniaque, le sulfate de cuivre et le sulfate de fer. Les teintures sont généralement commercialisées en poudre. Certaines peuvent contenir des solvants

Blanchiment

Les tissus peuvent être blanchis, c’est-à-dire décolorés, avec des produits à base de chlore

Aucune matière n’est sans intérêt pour les artistes parmi les nombreuses fibres animales, végétales ou synthétiques. Ils récupèrent eux-mêmes des herbes, des plantes grimpantes ou des poils d’animaux ou s’approvisionnent chez des fournisseurs qui traitent parfois les matériaux qu’ils leur vendent avec des huiles, des parfums, des teintures, des peintures ou encore avec des pesticides (c’est le cas des ficelles ou des cordes servant en agriculture et qui sont traitées avec du raticide). Ils emploient également des matières d’origine animale ou végétale importées qui ont subi des traitements contre les insectes vecteurs de maladies, les spores ou les champignons. Vieux chiffons, os, plumes, bois, plastique ou verre comptent parmi les nombreux matériaux concernés par le travail des fibres.

Les sources potentielles de risques pour la santé dans le travail des fibres

Les produits chimiques

Dans les arts des fibres et des textiles, comme dans tout travail, les menaces pour la santé viennent notamment des polluants atmosphériques (poussières, gaz, fumées et vapeurs), qui sont propres à la matière utilisée ou qui sont produits lors de son traitement et peuvent être inhalés ou affecter la peau. Outre le fait qu’ils contiennent parfois des produits chimiques dangereux (teintures, peintures, acides, alcalis, antimites, etc.), les fibres ou les textiles risquent d’avoir été contaminés par des substances biologiques pathogènes.

Les poussières végétales

Les travailleurs très exposés aux poussières de coton, de sisal ou de jute bruts, ou d’autres fibres végétales, peuvent contracter diverses affections pulmonaires chroniques telles que la byssinose, qui se manifeste d’abord par une oppression thoracique et des difficultés respiratoires et peut, après plusieurs années, devenir invalidante. En règle générale, l’exposition aux poussières végétales irrite les poumons et provoque chez certains sujets asthme, rhume des foins, bronchite, emphysème, etc. D’autres substances liées aux fibres végétales (moisissures, apprêt, teinture) peuvent aussi causer des allergies ou d’autres réactions.

Les poussières animales

Les produits d’origine animale (laine, poils, peaux, plumes, etc.) que les artistes utilisent peuvent avoir été contaminés par des bactéries, des moisissures, des poux ou des acariens, susceptibles d’occasionner des affections telles que la fièvre Q, la gale, des troubles respiratoires, l’urticaire, le charbon, des allergies, etc., si ces produits ne sont pas traités ou fumigés avant emploi. Des cas mortels de charbon, contracté par inhalation des spores, ont été enregistrés chez des tisserands d’art; un tisserand californien en est mort en 1976.

Les matières synthétiques

Les effets des poussières de polyesters, de nylon, d’acrylique, de rayonne et d’acétate sont mal connus. Certaines fibres plastiques peuvent dégager des gaz, des composants ou des résidus qui subsistent dans le tissu après traitement; c’est le cas du formaldéhyde libéré par les polyesters ou les tissus infroissables. Des sujets sensibles ont développé des allergies pour avoir séjourné dans des pièces ou des entrepôts abritant ce type de matériaux. D’autres ont eu des crises d’urticaire après avoir porté des vêtements en fibres synthétiques, et ce même à l’issue de lavages répétés.

Chauffées, brûlées ou soumises à une action chimique, les matières synthétiques peuvent libérer des fumées ou des gaz potentiellement dangereux.

Les effets physiques liés au travail des fibres et des textiles

Les matières utilisées peuvent infliger des blessures aux utilisateurs en raison de leurs caractéristiques physiques. Les matières rêches, piquantes ou abrasives peuvent provoquer des coupures ou des écorchures. En lésant la peau, les fibres de verre, les herbes dures ou le rotin causent, dans certains cas, des infections ou des éruptions cutanées.

Le travail des fibres ou des tissus se fait le plus souvent assis, pendant de longues durées, et requiert des mouvements répétés des bras, des poignets, des mains et des doigts et, souvent, de tout le corps, ce qui peut provoquer des douleurs, parfois des lésions. Par exemple, les tisserands (en particulier les jeunes enfants) peuvent être atteints de lombalgie, du syndrome du canal carpien ou encore de scoliose à force de travailler accroupis devant les anciens métiers. Ils peuvent aussi souffrir des mains et des doigts (œdème des articulations, arthrite, névralgie) parce qu’ils refont inlassablement les mêmes gestes pour passer et nouer les fils, ainsi que de fatigue oculaire en raison d’un mauvais éclairage (voir figure 96.5). Nombre de problèmes similaires se retrouvent dans d’autres métiers où l’artisan coud, noue, tricote, etc. La couture présente aussi le danger des piqûres d’aiguilles.

Figure 96.5 Tissage sur un métier manuel

Figure 96.5

Lors de la fabrication du papier, soulever de grands bacs pleins de pâte saturée d’eau peut, par le poids, constituer un risque pour le dos.

Les précautions

Comme dans toute activité, la nocivité des effets dépend de la durée quotidienne du travail, de l’ancienneté, du volume et des conditions de travail ainsi que du type d’activité. D’autres facteurs comme la ventilation et l’éclairage ont aussi une incidence sur la santé de l’artiste ou de l’artisan. Travailler une heure ou deux par semaine sur un métier dans un atelier poussiéreux peut être sans grand risque, sauf si l’on est très allergique aux poussières. En revanche, travailler des mois ou des années dans les mêmes conditions peut être préjudiciable pour la santé. Par ailleurs, il suffit de soulever un objet pesant une seule fois, sans prendre les précautions voulues, pour s’infliger une blessure à la colonne vertébrale.

En règle générale, les précautions inhérentes à un travail artistique prolongé des fibres ou des textiles sont les suivantes:

LA CÉRAMIQUE

Monona Rossol

Vaisselle de table, sculptures, carreaux décoratifs, poupées et autres pièces en céramique ou en poterie sont exécutés dans des boutiques et des ateliers, grands ou petits, des salles de classe, à l’université et dans des établissements d’enseignement professionnel, ainsi qu’au domicile de particuliers qui en font un passe-temps ou une activité artisanale. On distingue, en général, deux techniques, la céramique et la poterie, bien que la terminologie puisse varier d’un pays à l’autre. Dans la céramique, le façonnage se fait en coulant dans un moule en plâtre une pâte liquide (barbotine) composée d’eau, d’argile et d’autres ingrédients. Les objets de terre sont ensuite démoulés, retouchés et cuits dans un four. Certaines céramiques (les biscuits) sont commercialisées à ce stade. D’autres sont décorées avec des glaçures, mélanges de silice et d’autres substances, qui leur confèrent un aspect vitrifié. Les articles de poterie, quant à eux, sont fabriqués à partir d’une argile plastique et traditionnellement façonnés à la main ou au tour. Puis, ils sont mis à sécher et cuits au four. Ils peuvent alors recevoir une glaçure. Les céramiques obtenues par coulage en barbotine sont généralement vernissées avec des colorants que l’on trouve dans le commerce, sous forme sèche ou liquide (voir figure 96.6) (peinture sur porcelaine). Les potiers peuvent enduire leurs réalisations avec des glaçures commerciales de ce type, mais aussi composer eux-mêmes leurs glaçures. Toutes sortes d’articles sont ainsi fabriqués, des produits de terre cuite et des poteries, dont la cuisson se fait à basse température, aux objets de grès et aux pièces de porcelaine, qui cuisent à des températures élevées.

Figure 96.6 Peinture décorative sur porcelaine

Figure 96.6

Les argiles et les glaçures

Les argiles et les glaçures sont des mélanges de silice, d’aluminium et de minéraux métalliques qui, tous, contiennent généralement des quantités importantes de particules dites respirables; c’est le cas, notamment, de la farine de silice et des argiles figulines. Les argiles et les glaçures sont essentiellement composées des mêmes types de minéraux (voir tableau 96.7), mais les glaçures sont conçues pour être fondues à plus basse température que les supports sur lesquels elles sont appliquées (elles comportent davantage de fondant comme du plomb qui est très utilisé à cette fin). Les minerais de plomb bruts tels que la galène ou les oxydes de plomb obtenus en chauffant des plaques de batteries automobiles ou d’autres ferrailles sont employés comme fondants; dans certains pays en développement, il est arrivé que des potiers et leur famille soient intoxiqués. Les glaçures vendues dans le commerce pour un usage industriel ou pour une utilisation individuelle contiennent souvent du plomb et d’autres produits chimiques qui, par mélange et chauffage, ont été agglomérés en poudres frittées. Les glaçures se réalisent soit par oxydation, soit par une cuisson réductrice (voir ci-après) et peuvent contenir des composants métalliques qui servent de colorants. Le plomb, le cadmium, le baryum et d’autres métaux risquent de passer dans la nourriture lorsque la vaisselle est en céramique vitrifiée.

Tableau 96.7 Ingrédients des céramiques et des glaçures

Composants fondamentaux

Argiles (silicates hydratés d’aluminium)

Alumine

Silice

Kaolins et autres argiles blanches
Argiles rouges ferrugineuses
Argiles réfractaires
Argiles figulines
Bentonite

Oxyde d’aluminium, corindon; dans les glaçures, l’alumine provient généralement des argiles et du feldspath

Quartz du silex, du sable, des terres à diatomées; cristobalite de la silice calcinée ou des minéraux siliceux cuits

Autres ingrédients et sources minérales

Fondants

Opacifiants

Colorants

Sodium, potassium, plomb, magnésium, lithium, baryum, bore, calcium, strontium, bismuth

Etain, zinc, antimoine, zirconium, titane, fluorine cérium, arsenic

Cobalt, cuivre, chrome, fer, manganèse, cadmium, vanadium, nickel, uranium

Les sources sont, notamment, les oxydes et les carbonates des métaux ci-dessus, le feldspath, le talc, la syénite éléolithique, le borax, le colémanite, le blanc d’Espagne, les frittes de plomb, les silicates de plomb

Les sources sont, notamment, les oxydes et les carbonates des métaux ci-dessus, la cryolite, le spath fluor, le rutile, le silicate de zirconium

Les sources sont, notamment, les oxydes, les carbonates et les sulfates des métaux ci-dessus, les chromates, les spinelles et d’autres complexes métalliques

D’autres enduits ou procédés spéciaux sont également utilisés: les glaçures métallisées, qui contiennent des huiles d’accrochage ou des solvants comme le chloroforme; les effets irisés obtenus en exposant les objets à la fumée de sels métalliques (le plus souvent, des chlorures d’étain, de fer, de titane ou de vanadium); les nouvelles peintures aux résines plastiques et solvants qui, une fois sèches, ressemblent à des glaçures cuites. Certaines argiles ayant une texture particulière peuvent recevoir des produits de remplissage comme la vermiculite, la perlite ou la chamotte (brique réfractaire concassée).

L’exposition aux matières constitutives de l’argile et des glaçures intervient lors des opérations de délayage, de ponçage et d’application par pulvérisation, ainsi que lors du meulage, de l’ébarbage des saillies de glaçure à la base des poteries ou du grattage des plaques du four (voir figure 96.7). Le nettoyage des plaques du four expose les travailleurs au silex, au kaolin et à d’autres substances. Les poussières de silice produites sont les plus dangereuses lorsqu’elles sont sous forme de cristobalite, c’est-à-dire au moment où les déchets de nettoyage ou du biscuit sont passés au feu. Les principaux risques sont la silicose et les autres pneumoconioses causées par l’inhalation de poussières minérales (silice, kaolin, talc et amiante amphibole fibreux contenu dans certains talcs); la toxicité de métaux comme le plomb, le baryum et le lithium; les dermites dues à des métaux allergènes (chrome, nickel, cobalt, etc.); les pathologies d’hypersollicitation, telles que le syndrome du canal carpien provoqué par le travail sur le tour; les dorsalgies résultant du malaxage de l’argile, du port de lourds sacs de minéraux en vrac (50 kg) ou du travail de la pâte pour en chasser les bulles d’air; les glissades et les chutes sur sol humide; les chocs occasionnés par les tours ou d’autres matériels électriques utilisés dans des endroits humides; les allergies aux moisissures présentes dans l’argile; les mycoses et les lésions microbiennes à la racine des ongles ou sur la peau; les accidents dus aux malaxeurs d’argile, broyeurs, mélangeurs, rouleaux, etc.

Figure 96.7 Le ponçage d'un pot à la main expose aux poussières d'argile
et de glaçure

Figure 96.7

Pour prévenir ces risques, il faut prendre les précautions ci-après: éviter absolument de fondre du plomb à l’air libre, éliminer le plomb brut, les frittes de plomb, les matériaux contenant du cadmium ou de l’amiante et préférer des produits de remplacement, isoler l’atelier des lieux de vie, effectuer des nettoyages soigneux et respecter les normes d’hygiène, enlever les poussières, prévoir un système de ventilation par aspiration localisée lors de l’application des glaçures ou des opérations qui dégagent des poussières (voir figure 96.8). Il faut en outre porter un appareil de protection respiratoire, observer des pauses appropriées, ne pas soulever de poids trop lourds, équiper les machines de dispositifs de protection et, enfin, installer, sur les tours et autres machines électriques, des disjoncteurs en cas de défaillance de la mise à la terre.

Figure 96.8 Système de ventilation par aspiration localisée pour le délayage
de l'argile

Figure 96.8

La cuisson au four

Les dimensions des fours varient considérablement, de la taille d’un wagon de train aux quelques décimètres cubes des fours utilisés pour tester des carreaux ou cuire de très petits objets. Ils fonctionnent à l’électricité ou avec des combustibles (gaz, fioul ou bois). Dans les fours électriques, les céramiques cuisent dans une atmosphère essentiellement oxydante. Dans les fours à combustible, la cuisson «réductrice» se fait en réglant le rapport air/combustible de façon à créer une atmosphère favorable à la réduction chimique. Parmi les divers procédés de cuisson, citons la cuisson au sel, le raku (qui consiste à placer les poteries chauffées au rouge dans des matières organiques comme du foin mouillé pour leur donner un aspect fumé), les fours à étages (des fours à plusieurs foyers alimentés au charbon ou au bois sont construits à flanc de colline), la cuisson à la sciure (les fours sont bourrés de poteries et de sciure) et la cuisson dans des trous à ciel ouvert avec de nombreux combustibles (herbe, bois, bouse, etc.).

Les fours à combustible traditionnels sont mal isolés parce qu’ils sont généralement en argile cuite, en brique ou en torchis. Ils consomment beaucoup de bois et, dans les pays en développement, peuvent contribuer à la raréfaction du combustible. Les fours commerciaux sont isolés avec des briques ou d’autres matériaux réfractaires ou encore des fibres céramiques. Certains fours anciens demeurent isolés à l’amiante. Les fibres céramiques réfractaires sont très utilisées, tant pour les fours industriels que pour les fours domestiques. Il existe même des petits fours en fibre que l’on chauffe en les mettant dans un four à micro-ondes de cuisine.

Les fours dégagent des produits de la combustion des combustibles et des substances organiques ou minérales contenues dans l’argile et les glaçures, respectivement, ainsi que des oxydes de soufre, du fluor et du chlore issus de minéraux comme la cryolithe et la sodalite, et des fumées métalliques. La cuisson au sel libère de l’acide chlorhydrique. Les émissions sont particulièrement dangereuses quand on brûle du bois peint ou traité ou des huiles usées. Les risques comportent: l’irritation ou la sensibilisation des voies respiratoires sous l’action des aldéhydes, des oxydes de soufre, des halogènes, etc.; l’asphyxie au monoxyde de carbone; le cancer par l’inhalation d’amiante ou de fibres céramiques; les lésions oculaires dues aux rayonnements infrarouges des fours incandescents; les lésions et les brûlures thermiques; etc.

A titre de mesures préventives, il est possible de prendre les précautions ci-après: utiliser des combustibles propres, choisir des fours bien conçus et bien isolés, remplacer l’amiante ou les fibres céramiques par de la brique réfractaire, recouvrir ou supprimer les isolations en fibre, bien ventiler le local qui abrite les fours, les installer à distance des matières combustibles, équiper les fours électriques de deux interrupteurs automatiques, et porter des lunettes de protection contre le rayonnement infrarouge et des gants pour manipuler les objets très chauds.

LE TRAVAIL DU BOIS

Michael McCann

Art ou artisanat utilitaire, le travail du bois est pratiqué dans le monde entier. Il comprend la sculpture sur bois, la menuiserie, l’ébénisterie (voir figure 96.9), la fabrication d’instruments de musique, etc. Les procédés utilisés sont très variés: découpe décorative (voir figure 96.10), placage, assemblage, sciage, sablage, décapage, peinture, finition, etc. Les bois les plus divers, tendres et durs, sont mis en œuvre, notamment de nombreux bois exotiques, du contreplaqué, de l’aggloméré et, parfois, des bois traités avec des pesticides et des xyloprotecteurs.

Figure 96.9 Fabrication de meubles

Figure 96.9

Figure 96.10 Sculpture du bois avec un outil à main

Figure 96.10

Les risques et les précautions

Le bois

Beaucoup de bois présentent des risques, en particulier les bois durs tropicaux. La sève, les poussières ligneuses et parfois le bois lui-même peuvent provoquer des allergies et des irritations cutanées. Les bois peuvent aussi causer des conjonctivites, des allergies respiratoires, des pneumopathies par hypersensibilité et des réactions toxiques. L’inhalation de poussières de bois dur peut entraîner un type particulier de cancer des sinus et des fosses nasales (adénocarcinome) (voir le chapitre no 86, «Le travail du bois», de la présente Encyclopédie.

Les précautions consistent à éviter, dans le cas des personnes sujettes aux allergies, d’utiliser des bois allergènes ou d’être souvent au contact de ces bois, à limiter l’empoussièrement à l’aide d’un système de ventilation par aspiration localisée, et à porter un masque de protection respiratoire contre les poussières toxiques. Lorsqu’il manipule du bois susceptible d’irriter la peau ou de causer des allergies, l’artiste doit porter des gants ou, à défaut, s’enduire les mains d’une crème protectrice. Il importe qu’il se lave soigneusement les mains lorsqu’il a terminé un travail.

Le contreplaqué et l’aggloméré

Le contreplaqué et l’aggloméré sont des feuilles de bois, des particules et de la sciure de bois assemblées par des colles à base d’urée-formol ou de phénol-formaldéhyde. Ces matériaux, surtout l’aggloméré, peuvent continuer à dégager du formaldéhyde inaltéré plusieurs années après qu’ils ont été fabriqués. S’ils sont chauffés ou usinés, la colle peut, en se décomposant, libérer du formaldéhyde, produit qui irrite la peau, les yeux et les voies respiratoires, est très allergène et probablement cancérogène.

Pour prévenir ces problèmes, il faut utiliser le plus possible des produits à faible teneur en formaldéhyde, ne pas entreposer de contreplaqué ou d’aggloméré en grandes quantités dans l’atelier et équiper les machines à bois de dépoussiéreurs de façon à évacuer les poussières ligneuses vers l’extérieur.

La préservation du bois et autres traitements

Il est d’usage d’appliquer des pesticides et des xyloprotecteurs sur le bois lorsque celui-ci est menuisé, traité ou expédié. Le pentachlorophénol et ses sels, la créosote et l’arséniate de cuivre chromaté ont été interdits à la vente aux Etats-Unis comme xyloprotecteurs en raison de leur pouvoir éventuellement cancérogène et des risques qu’ils présentent pour la fonction de reproduction. On en trouve cependant encore dans des bois anciens. Par ailleurs, il convient de noter que l’arséniate de cuivre chromaté est autorisé pour les traitements commerciaux (par exemple, pour le bois «vert» en grume, le mobilier des terrains de jeu et autres matériels d’extérieur). Diverses autres substances chimiques sont utilisées pour traiter le bois, notamment pour l’ignifuger ou le décolorer.

Il convient donc de ne pas manipuler du bois traité au pentachlorophénol ou à la créosote et de prévoir un système de ventilation par aspiration localisée lors de l’usinage de celui qui est traité à l’arséniate de cuivre chromaté (ou, à défaut, de porter une protection respiratoire munie de filtres à haute efficacité). On ne doit en aucun cas brûler le bois traité à la créosote, au pentachlorophénol ou à l’arséniate de cuivre chromaté.

Le découpage et l’usinage du bois

Le bois se travaille avec des ciseaux, des râpes, des scies manuelles, du papier de verre, etc. Il est usiné à la scie électrique, à la ponceuse et avec d’autres machines à bois. Les risques encourus sont multiples: exposition aux poussières de bois; niveau sonore excessif des machines à bois; accidents mécaniques; chocs électriques et incendies dus à des câblages défectueux ou à d’autres causes. Les outils vibrants (par exemple, les scies à chaîne) peuvent être à l’origine du syndrome de Raynaud, qui se traduit par un engourdissement des doigts et des mains.

Les mesures de prévention consistent à équiper les machines à bois de dépoussiéreurs (voir figure 96.11) et de dispositifs de protection, à nettoyer les poussières de bois pour prévenir les risques d’incendie, à porter des lunettes (parfois même un écran facial) et à réduire les niveaux sonores. D’autre part, il faut que la machine soit adaptée au travail à effectuer, réparer aussitôt celles qui sont défectueuses, veiller à ce que les outils soient toujours bien affûtés et les utiliser avec précaution, entretenir le matériel électrique et les câblages, éviter les rallonges électriques sur lesquelles on peut trébucher et ne pas porter de cravate, de cheveux longs dénoués, de manches amples ou d’autres vêtements susceptibles d’être happés par les machines, etc.

Figure 96.11 Machine à bois équipées d'un dépoussiéreur

Figure 96.11

Le collage du bois

Diverses colles sont utilisées pour le placage ou l’assemblage du bois, notamment des adhésifs de contact, de la colle à la caséine, des colles époxydiques, des colles à la résine de formaldéhyde, des colles de peaux, de la colle blanche (émulsion de poly(acétate de vinyle)) et des colles «instantanées» aux cyanoacrylates. Nombre d’entre elles contiennent des solvants toxiques ou d’autres substances chimiques et peuvent présenter des dangers pour la peau, les yeux et les voies respiratoires.

Les précautions à prendre consistent à éviter les colles à la résine de formaldéhyde, à préférer les colles à l’eau à celles aux solvants, à porter des gants ou à s’enduire les mains d’une crème protectrice lors de l’emploi de colles époxydiques, d’adhésifs à base de solvants ou de colles à la résine de formaldéhyde et, enfin, à prévoir une bonne ventilation lors de la mise en œuvre des colles époxydiques et de celles aux cyanoacrylates ou aux solvants. L’utilisation de solvants inflammables devrait se faire loin de toutes sources d’ignition.

La peinture et la finition

Le bois peut recevoir la plupart des peintures; il peut aussi être teint, laqué ou verni, traité à l’huile de lin ou à d’autres types d’huiles. D’autres produits de finition peuvent être utilisés, tels que les laques en écailles (shellacs), les revêtements de polyuréthane et les cires. Nombre de ces substances sont appliquées par pulvérisation. Certains artisans du bois composent eux-mêmes leurs peintures à partir de pigments secs. Parmi les risques auxquels ils peuvent être exposés à cette occasion, il convient de citer l’inhalation de pigments en poudre toxiques (particulièrement ceux qui contiennent du chromate de plomb), l’inhalation de solvants et les lésions cutanées par contact, les incendies dus aux solvants inflammables, ainsi que la combustion spontanée de chiffons imbibés d’huile ou d’essence de térébenthine.

Les précautions à prendre consistent à préférer les peintures toutes prêtes aux mélanges que l’on confectionne soi-même, à éviter de manger, de boire ou de fumer sur le lieu de travail, à utiliser des peintures à l’eau plutôt qu’à base de solvants et, enfin, à déposer les chiffons imbibés d’huile ou de solvants dans des récipients à fermeture automatique, voire dans un seau d’eau, etc.

La mise en œuvre de solvants exige des précautions particulières, parmi lesquelles il faut citer le port de gants et de lunettes, l’installation d’un système de ventilation adéquat, l’exécution du travail en extérieur, ou le port d’un appareil de protection respiratoire muni de cartouches spéciales contre les vapeurs organiques. Lorsque la chose est possible, l’application devrait se faire au pinceau pour éviter les risques inhérents à la pulvérisation. Celle-ci doit s’effectuer sous une hotte de sécurité antidéflagrante; à défaut, il est essentiel de porter une protection respiratoire munie de cartouches spéciales contre les vapeurs organiques et de filtres contre les aérosols. Il est impératif de se tenir éloigné des flammes, des cigarettes allumées et d’autres sources d’ignition (par exemple, les veilleuses), là où sont utilisés les produits de finition inflammables ou lors des pulvérisations.

Le décapage

Pour débarrasser le bois et les meubles des vernis et peintures anciens, il est d’usage de recourir à des produits composés de toutes sortes de solvants toxiques, souvent inflammables. Les décapants ininflammables contiennent du chlorure de méthylène. On se sert aussi de soude caustique (hydroxyde de sodium), d’acides, de chalumeaux et de décapeurs thermiques pour retirer les peintures anciennes. Les taches s’effacent avec des décolorants susceptibles de renfermer des alcalis corrosifs, de l’acide oxalique, du peroxyde d’hydrogène ou de l’hypochlorite. Les décapeurs thermiques et les chalumeaux risquent de pulvériser la peinture, créant, si celle-ci est à base de plomb, un danger de saturnisme; ils peuvent aussi provoquer un incendie.

S’agissant des précautions à prendre avec les décapants à base de solvants, voir celles décrites plus haut, dans la partie «La peinture et les finitions». Il est impératif de porter des gants et des lunettes lors de la mise en œuvre de soude caustique et de décolorants à l’acide oxalique ou à l’hypochlorite. Une fontaine oculaire et une douche d’urgence devraient être mises à disposition. Il faut éviter de retirer les peintures au plomb au chalumeau ou au décapeur thermique.

LA JOAILLERIE

Tsun-Jen Cheng et Jung-Der Wang

Le travail de joaillerie s’effectue sur des matériaux très divers, tels que les pierres précieuses, les pierres fines, les pierres synthétiques, les coquillages, les coraux, les perles, les métaux précieux, les émaux métalliques et d’autres matières nouvelles comme les résines époxydiques et les polymères de vinyle. Il consiste à fabriquer des bagues, des boucles d’oreilles, des colliers, des pendentifs et d’autres bijoux. Il existe des ateliers de joaillerie de toutes tailles et divers procédés de fabrication. De ce fait, les risques pour la santé varient selon les ateliers.

Les procédés, les risques et les précautions

Les pierres précieuses et les montures

Une grande partie du travail de joaillerie réside dans le sertissage, qui consiste à enchâsser des pierres précieuses dans des métaux précieux ou des alliages de ces mêmes métaux. Les pierres sont d’abord taillées à la forme requise, puis elles sont polies. Le métal de la monture est coulé, puis meulé et poli. Naguère, il était d’usage de mouler la monture par injection. On utilisait aussi des alliages à point de fusion peu élevé, notamment au cadmium et au mercure. Aujourd’hui, on a recours au moulage à cire perdue qui permet d’obtenir de meilleurs résultats. Les pierres sont maintenues sur le métal par un adhésif; elles peuvent aussi être soudées ou enserrées dans des griffes levées dans le métal de la monture. Les montures en métal commun sont souvent plaquées.

Les risques pour la santé tiennent à l’exposition aux fumées métalliques, aux fumées de cire ou aux poussières des pierres ou métaux, ainsi qu’à un mauvais éclairage. Le travail sur les parties délicates des bijoux requiert une bonne ventilation, un éclairage approprié et l’emploi de lentilles grossissantes. De plus, une conception ergonomique du poste de travail est recommandée.

La taille et le polissage des pierres

En règle générale, les pierres précieuses, fines et synthétiques (diamant, rubis, turquoise, grenat, jade, jaspe, agate, travertin, opale, améthyste, etc.) sont taillées à la forme désirée avec de petites scies, meulées et polies, avant d’être serties. Cette opération s’accompagne de risques d’éraflures, de lésions cutanées ou oculaires et d’inhalation de poussières, lesquelles peuvent, par exemple, causer la silicose (dans le cas des pierres quartzeuses).

Les précautions à prendre comprennent l’installation d’une bonne ventilation de l’atelier et de collecteurs de poussières, l’utilisation de lentilles grossissantes, un bon éclairage du poste de travail, la protection des yeux et la conception ergonomique des outils et du milieu de travail.

La fonte à cire perdue

Un moule de caoutchouc ou de silicone est confectionné à partir d’un moule original fabriqué sur commande ou conçu par un artiste, puis la cire est injectée dans ce moule. Le moule de cire est alors enrobé de plâtre de Paris ou de silice. L’ensemble est placé dans un four ou une étuve; la cire fond et s’écoule tandis que le moule est rempli de métal fondu par un procédé de centrifugation. Il suffit ensuite de briser le moule pour dégager la pièce de métal. Celle-ci est polie; elle peut aussi être recouverte par galvanoplastie d’une fine couche de métal précieux.

On utilise souvent pour cela des métaux précieux et leurs alliages, notamment l’or, l’argent, le platine et le cuivre ainsi que le zinc et l’étain. Les principaux risques à craindre sont l’incendie ou l’explosion dus aux gaz inflammables employés pour la fonte, les brûlures provoquées par les moules brûlants, les coulées de plâtre chaud, le métal fondu, les chalumeaux oxyacétyléniques ou les fours, mais aussi l’inhalation de fumées métalliques ou de poussières d’argent, d’or, de zinc, de plomb, d’étain, etc.

Il faut donc, en matière de précautions, alterner les techniques de fonte, afin de réduire les niveaux d’exposition et la toxicité, et veiller à ce que l’atelier soit équipé d’un bon système de ventilation par aspiration localisée pour évacuer les fumées et les poussières métalliques, ainsi que de collecteurs de poussières. Il faut également porter un équipement de protection comportant des lunettes, des gants isolants et une blouse de travail. Enfin, les contenants de gaz inflammables doivent être convenablement entreposés.

L’émaillage

L’émaillage consiste à faire fondre, sur un support métallique, un mélange de poudre de plomb ou de particules de verre borosilicaté et de divers oxydes métalliques colorants de façon à obtenir une surface émaillée. Les métaux utilisés comme support sont l’argent, l’or ou le cuivre. Les colorants les plus employés sont l’antimoine, le cobalt, le chrome, le manganèse, le nickel et l’uranium.

Le nettoyage

Le support de métal doit d’abord être nettoyé au chalumeau ou au four afin de brûler les huiles et les graisses. Puis, pour retirer les traces de feu, il est trempé dans un bain d’acide nitrique ou d’acide sulfurique dilué ou encore, ce qui est moins dangereux, dans du disulfate de sodium. Les risques sont, notamment, les brûlures thermiques ou par l’acide. Il faut donc porter des gants, des lunettes et un tablier de protection.

L’application

Certains émailleurs broient et tamisent eux-mêmes leurs émaux pour obtenir des particules de la taille souhaitée. L’application se fait en plusieurs étapes: brossage, pulvérisation, travail au pochoir et criblage ou application humide de l’émail sur le métal. Le risque le plus important est celui de l’inhalation de poudre ou d’aérosols de brouillards d’émail, en particulier dans le cas des émaux à base de plomb. Pour se prémunir contre ce risque, il faut utiliser des émaux sans plomb et porter une protection respiratoire. Pour la réalisation des émaux cloisonnés, les émaux colorés sont séparés par des fils métalliques qui ont été soudés sur le support de métal (voir ci-après la partie consacrée au soudage à l’argent). Les émaux champlevés sont exécutés en gravant le métal avec du chlorure ferrique ou de l’acide nitrique et en remplissant d’émaux les alvéoles obtenues. Une autre technique consiste à appliquer des émaux mélangés à de la résine dans de l’essence de térébenthine. Quel que soit le procédé adopté, il faut prévoir une bonne ventilation et éviter tout contact avec la peau.

La cuisson au four

Le métal émaillé est ensuite passé dans un petit four. Une ventilation est nécessaire pour éliminer les fumées métalliques toxiques, les fluorures et les produits de décomposition des gommes et autres matières organiques contenues dans l’émail. Les autres risques sont les brûlures thermiques et le rayonnement infrarouge. Il est donc recommandé de porter des lunettes anti-infrarouges et des gants de protection contre la chaleur.

Les opérations de finition consistent à ébarber, meuler et polir la pièce d’émail. Les précautions habituelles contre l’inhalation de poussières et le risque de contact oculaire s’imposent.

Les bijoux en métal

Les bijoux en métal sont réalisés en découpant le métal, puis en le tordant et en le façonnant par différentes techniques (galvanoplastie, anodisation, soudage, collage, finition, etc.). Nombre de ces procédés sont étudiés dans l’article «Le travail du métal» dans ce chapitre. Certaines applications sont évoquées ci-après.

La galvanoplastie

Cette technique utilise l’or, l’argent, le cuivre et un acide puissant, parfois même le cyanure. Les risques comprennent les chocs électriques et les brûlures dues aux éclaboussures d’acide ou d’alcali auxquels il faut ajouter l’inhalation de brouillards de métaux, d’acide ou de cyanure, de solvants organiques ou encore de cyanure d’hydrogène.

Pour prévenir les risques, il convient de ne pas employer de solutions contenant du cyanure, d’éviter de mélanger la solution de cyanure avec des acides, de prévoir un système de ventilation par aspiration localisée, de couvrir les bacs d’un couvercle pour limiter la production de brouillards, de stocker soigneusement les produits chimiques, d’être attentif au risque électrique et de porter un équipement de protection adapté.

Le soudage ou le collage

Le soudage se pratique avec des métaux comme l’étain, le plomb, l’antimoine, l’argent, le cadmium, le zinc et le bismuth. Parmi les risques figurent les brûlures, l’inhalation de fumées métalliques, notamment de plomb et de cadmium (Baker et coll., 1979), ainsi que le dégagement de fluorure ou d’acide.

Il est courant d’accompagner les solvants de résine époxydique et d’agents de séchage pour coller des pierres sur le métal. Cette opération peut provoquer incendie et explosion. Les autres risques pour la santé sont, en particulier, l’inhalation de solvants et le contact cutané avec la résine époxydique, un autre adhésif ou un solvant.

Par précaution, il faut éviter de souder au plomb et au cadmium, s’assurer du bon fonctionnement de la ventilation par aspiration localisée, veiller à l’entreposage sécuritaire des produits chimiques, vérifier que l’éclairage est suffisant et, enfin, porter un équipement de protection.

Le meulage et le polissage du métal

Des disques rotatifs et des scies linéaires permettent d’user, de polir et de couper le métal. Les risques comprennent les lésions cutanées par abrasion, l’inhalation de poussières métalliques, la répétition des mêmes gestes, les vibrations, les mauvaises postures de travail et les efforts trop importants ou dangereux.

Les précautions associent l’installation d’un système de ventilation par aspiration localisée efficace et de collecteurs de poussières, le port de lunettes de protection, ainsi qu’une conception ergonomique du lieu de travail et des outils.

Les coquillages

Utilisés en joaillerie, la nacre (de la coquille d’huître), le corail, l’haliotide et d’autres coquillages sont taillés, percés, sciés, dégauchis, usés, polis, etc. Les dangers sont principalement les blessures aux mains et aux yeux dues à la projection de particules ou à des bords acérés, l’irritation des voies respiratoires et les réactions allergiques provoquées par l’inhalation de fines poussières de coquillages; par ailleurs, la nacre présente des risques de pneumopathie par hypersensibilité et de calcification du périoste avec inflammation, en particulier chez les sujets jeunes.

Il convient donc de bien nettoyer les coquillages pour les débarrasser des matières organiques, d’utiliser des techniques de meulage et de polissage humides et de disposer d’un système de ventilation par aspiration localisée ou d’une protection respiratoire. Des lunettes de protection devraient être portées pour prévenir toute lésion oculaire.

Les colliers

Les colliers sont confectionnés avec divers matériaux: verre, plastique, graines, os, coquillages, perles, pierres gemmes, etc. Un nouveau matériau employé en joaillerie est le poly(chlorure de vinyle) vulcanisé (argiles polymères). Les risques sont, notamment, l’inhalation de poussières lors du percement des trous destinés à l’enfilage et les lésions oculaires. Les précautions sont multiples: percement par voie humide; ventilation; port d’une protection respiratoire ou oculaire. Chauffées au-delà des températures recommandées, les argiles polymères peuvent dégager du chlorure d’hydrogène qui irrite les voies respiratoires. Il est déconseillé d’utiliser un four de cuisine pour la vulcanisation du poly(chlorure de vinyle). Enfin, il faut noter que certains plastifiants présents dans ces argiles polymères (tel le phtalate de diéthylhexyle) peuvent être cancérogènes et renfermer une substance toxique pour la fonction de reproduction.

LES ARTS GRAPHIQUES

Stéphanie Knopp

L’expression arts graphiques (on dit aussi graphisme, art publicitaire, design graphique ou communication visuelle ) s’applique au traitement d’idées et de concepts sous une forme visuelle destinée à transmettre un message spécifique à un public donné. Les graphistes œuvrent pour une large gamme de supports, qui englobe les périodiques, les livres, les affiches, les conditionnements, les films, les enregistrements vidéo, le matériel d’exposition et, depuis peu, les supports numériques (dessin assisté par ordinateur, présentations multimédias et pages sur la toile mondiale (Web)). Il existe deux modes de communication visuelle: le graphisme , qui fait appel à la typographie et à la mise en pages ainsi qu’à la photographie et à l’illustration, et l’illustration proprement dite, qui utilise exclusivement les images visuelles. S’il est fréquent que les deux activités soient imbriquées, la plupart du temps, les graphistes ont recours à des illustrateurs pour visualiser les idées qui seront utilisées dans un contexte typographique.

Le graphisme

Les risques inhérents aux arts graphiques sont, au début du XXIe siècle, très différents de ce qu’ils étaient il y a à peine quelques années, lorsque les artistes exécutaient encore les maquettes à la main en vue de leur tirage en offset (voir figure 96.12). Désormais, pratiquement toute la mise en pages et le graphisme sont réalisés numériquement avant impression sur papier. Une grande partie du travail graphique est même effectuée aux seules fins d’une présentation numérique: disquette, CD-ROM, pages sur Internet. Les graphistes utilisent l’ordinateur pour créer et conserver textes et images. Leurs œuvres conçues par voie numérique sont stockées sur disquettes, cartouches ou CD-ROM, puis confiées au client qui en finalise la présentation (conditionnement, périodique, titre de film, affiche, papier à en-tête, etc.).

Figure 96.12 Tracé des lettres en arts graphiques

Figure 96.12

Les graphistes doivent être conscients des dangers que comporte un travail prolongé sur ordinateur. Malheureusement, cette technologie est trop récente pour en connaître tous les risques. Parmi les dangers associés aux longues heures passées devant un terminal à écran de visualisation, il faut mentionner la fatigue oculaire, les maux de tête, les dorsalgies et cervicalgies, les douleurs dans les mains et les poignets, les vertiges, les nausées, l’irritabilité et le stress. Des cas d’urticaire et de dermite ont également été constatés. Bien que l’on ait étudié les effets du travail sur écran de visualisation sur la santé depuis quelques dizaines d’années, on n’a pas pu établir de lien de cause à effet entre l’utilisation prolongée d’un ordinateur et les problèmes de santé à long terme. Certes, les écrans émettent des rayonnements de relativement faible intensité, mais aucune donnée avérée ne prouve que le travail sur écran ait des effets nocifs permanents.

Une conception ergonomique des postes de travail, l’élimination des reflets et l’observation de pauses fréquentes permettent aux graphistes de travailler dans des conditions de sécurité bien supérieures à celles de la plupart des autres métiers artistiques. De manière générale, la révolution numérique a grandement réduit les risques pour la santé que présentait jusque-là la profession de graphiste.

L’illustration

Les illustrateurs conçoivent des images sur une grande variété de supports et emploient toutes sortes de techniques; leur travail répond à diverses utilisations commerciales. Par exemple, un illustrateur peut créer pour des revues des couvertures de livres, des conditionnements, des affiches cinématographiques, des annonces de présentation et bien d’autres formes de promotion et de publicité. Les illustrateurs travaillent généralement à leur compte et fournissent des dessins à la demande de directeurs artistiques pour un projet spécifique; toutefois, certains sont employés à plein temps par des maisons d’édition et des sociétés de production de cartes de visite ou autres. Dans la mesure où les illustrateurs agencent eux-mêmes leur espace de travail, il est de leur responsabilité de veiller à la sécurité de cet environnement professionnel.

Les matériaux qu’utilisent les illustrateurs professionnels sont aussi variés que les techniques et les styles dont témoigne l’illustration contemporaine. De ce fait, il est impératif que l’artiste n’ignore aucun des risques inhérents à sa technique. Les matériaux communément employés par les illustrateurs sont ceux du dessin et de la peinture, comme les crayons marqueurs, l’aquarelle, la peinture à l’huile, les encres colorées, la peinture acrylique et la gouache.

Nombre de couleurs fréquemment utilisées renferment des composants dangereux tels que le xylène et les distillats du pétrole; les pigments peuvent comporter des substances dangereuses (mercure, cadmium, cobalt et plomb). Les précautions à prendre supposent de travailler dans un studio bien ventilé, de porter des gants et une protection respiratoire lors de la mise en œuvre de matériaux à base de pétrole (notamment lorsqu’ils sont aérosolisés) et, si possible, de choisir des produits plus sûrs (couleurs à base d’eau ou d’alcool). Des matières comme les pastels peuvent être dangereuses lorsqu’elles dégagent des poussières; une bonne ventilation est nécessaire en cas d’utilisation de substances susceptibles de pénétrer jusque dans les poumons. Enfin, de manière générale, il faut s’abstenir de manger, de boire ou de fumer quand on emploie des produits toxiques.

Le large éventail de techniques et de matériaux dont se servent les illustrateurs varient d’un artiste à l’autre, la sécurité de leur emploi requérant une prise en compte individuelle des conditions de travail. Dans certains pays, les fabricants sont tenus par la loi de donner des informations sur les composants de leurs produits et les risques qui leur sont associés. Il appartient à chaque artiste d’étudier attentivement les matériaux qu’il utilise et de travailler de la façon la plus sûre compte tenu des moyens dont il dispose.

Les matériaux de collage

Il existe une grande variété de matériaux et de méthodes de collage: colle de caoutchouc, colle en aérosol, colle de contact, encolleuse à cire électrique, papier pour assemblage à sec, colle en bâton, pistolet à colle thermofusible, adhésif de transfert, bande autoadhésive à double face, colle à l’eau, etc. Les risques liés aux méthodes de collage tiennent notamment à la présence de produits chimiques dangereux comme le n-hexane (neurotoxique) contenu dans certaines colles provisoires (colles de caoutchouc et colles de contact), aux colles instantanées au cyanoacrylate, aux produits toxiques en suspension dans l’air, au danger d’incendie que présentent les colles en aérosols et aux brûlures que peut occasionner le pistolet pulvérisateur de colle à chaud. Beaucoup de colles communément employées (en particulier, la colle de caoutchouc) peuvent aussi irriter la peau.

Une ventilation appropriée et le port de gants peuvent prévenir de nombreux risques associés aux colles courantes. En outre, il faut s’efforcer, dans la mesure du possible, d’employer des colles non toxiques (encolleuses à cire électriques, adhésifs de transfert, papiers pour assemblage à sec, bandes autoadhésives à double face, colles à l’eau). Les colles de caoutchouc contenant de l’heptane et les colles en aérosols sont moins toxiques que les produits à l’hexane, même s’ils restent inflammables.

Les solvants

Les solvants comprennent, entre autres, le diluant des colles provisoires, l’essence de térébenthine, l’acétone, les liquides correcteurs et les essences minérales.

Ils sont susceptibles de provoquer des irritations cutanées, des maux de tête, des troubles respiratoires, nerveux, rénaux ou hépatiques; en outre, ils sont inflammables. Les précautions essentielles consistent à utiliser, quand la chose est possible, les solvants les plus sûrs (par exemple, les essences minérales sont moins toxiques que l’essence de térébenthine) ou à choisir des pigments solubles dans l’eau qui se nettoient sans solvant. Il est également important, lors de l’emploi de solvants, d’assurer une bonne ventilation et de ranger soigneusement les produits, ainsi que de porter une protection respiratoire et d’être équipé de gants et de lunettes contre les projections.

Les aérosols

La projection par vaporisation concerne notamment les fixateurs, les encres, les vernis, les peintures et les liquides colorés utilisés pour le travail à l’aérographe.

Les risques sont principalement les problèmes respiratoires, l’irritation cutanée, les maux de tête, les vertiges et les nausées occasionnés par des produits chimiques tels que le toluène et le xylène; les effets nocifs à long terme se manifestent au niveau des reins, du foie et du système nerveux central. Les aérosols sont aussi souvent inflammables; il faut donc les manier loin de toute source de chaleur ou des flammes. Par ailleurs, il convient de porter une protection respiratoire ou de veiller à la bonne ventilation du studio (cabine de pulvérisation, par exemple) et d’utiliser des couleurs non toxiques pour le travail à l’aérographe.

Les outils de coupe

Le coupage se fait avec divers outils: coupe-papiers, couteaux et stylets. Le risque de coupures est omniprésent et, dans le cas de grands massicots, il peut même y avoir des doigts tranchés. Il faut donc se servir de ces outils avec précaution, en veillant à garder les mains loin des lames et en s’assurant que celles-ci sont bien affûtées.

LES ARTS DU SPECTACLE ET DES MÉDIAS

LA DANSE

Itzhak Siev-Ner

Forme d’expression ou de communication, la danse consiste à exécuter des mouvements corporels codifiés et rythmés, généralement sur un fond musical. Il existe différentes sortes de danses (danses rituelles ou folkloriques, danses de salon, danse classique, danse moderne, jazz, flamenco, claquettes, etc.). Chacune d’elles comporte des postures spécifiques et a ses propres règles. Les spectateurs tendent à associer la danse à la grâce et au plaisir, et bien peu y voient une activité athlétique des plus exigeantes et des plus pénibles. Entre 65 et 80% des lésions liées à la danse touchent les membres inférieurs, la moitié siégeant au pied et à la cheville (Arheim, 1986). La plupart des lésions sont dues à des efforts répétés (environ 70%); les autres sont du type aigu (entorse à la cheville, fractures, etc.).

La médecine de la danse est pluridisciplinaire, car les causes de lésions sont multifactorielles. Aussi le traitement doit-il être global et prendre en compte les besoins particuliers des danseurs qui sont, avant tout, des artistes. Il doit empêcher certains efforts potentiellement dangereux, de façon à permettre au danseur de rester en activité, d’acquérir et de perfectionner à la fois créativité physique et bien-être psychologique.

Il est préférable de commencer la danse très jeune afin de développer force et souplesse. Toutefois, une formation inappropriée est susceptible de provoquer des lésions chez les jeunes danseurs. L’essentiel est de leur faire acquérir une bonne technique, car des postures, des gestes ou des pas incorrects entraînent des déformations permanentes et des lésions dues à des efforts répétés (Hardaker, 1987). L’un des mouvements fondamentaux est l’en-dehors, obtenu en faisant pivoter les membres inférieurs vers l’extérieur. Il doit partir de l’articulation de la hanche; si la rotation de l’articulation vers l’extérieur est exécutée avec plus de force que ne le permet l’anatomie du sujet, l’organisme compense par des mécanismes dont les plus courants consistent à rentrer les pieds en dedans, à effectuer une flexion interne des genoux et à exagérer anormalement la cambrure du dos (hyperlordose). Ces positions contribuent à des déformations telles que le hallux valgus (déplacement du gros orteil vers les autres orteils). Il en résulte des inflammations de tendons comme le fléchisseur hallucis longus , tendon du gros orteil (Hamilton, 1988; Sammarco, 1982).

La prise en considération des particularités anatomiques de chacun et des charges biomécaniques inhabituelles que subit le danseur, notamment lorsqu’il fait des pointes (il se tient en équilibre sur la pointe du pied), permet de prévenir certains de ces effets indésirables (Teitz, Harrington et Wiley, 1985).

L’environnement influe beaucoup sur le bien-être des danseurs. Le sol doit être souple pour amortir les chocs et prévenir les lésions d’hypersollicitation aux pieds, aux jambes et à la colonne vertébrale (Seals, 1987). La température et l’hygrométrie jouent également un rôle non négligeable. Le régime alimentaire est d’autant plus important que les danseurs sont tenus de rester minces et de conserver un physique léger et plaisant (Calabrese, Kirkendal et Floyd, 1983). Tout déséquilibre psychologique peut conduire à l’anorexie ou à la boulimie.

Le stress psychologique peut favoriser des dérèglements hormonaux, comme l’aménorrhée. L’incidence des fractures dues au stress et à l’ostéoporose peut s’amplifier chez les sujets qui souffrent de déséquilibres hormonaux (Warren et coll., 1986). La tension émotionnelle due aux rivalités entre danseurs et la pression directe qu’exercent chorégraphes, professeurs et directeurs peuvent aggraver les problèmes psychologiques (Schnitt et Schnitt, 1987).

Une bonne méthode de dépistage mise en œuvre tant auprès des élèves que des danseurs professionnels devrait permettre de déceler les facteurs de risques psychologiques et physiques et, ainsi, d’éviter les difficultés.

Le danseur peut-être fragilisé par la moindre modification du niveau d’activité (retour de vacances, de maladie ou de grossesse) ou de l’intensité de l’effort (répétitions avant une première), ainsi que par tout changement de chorégraphie, de style, de technique ou d’environnement (sol, scène, voire type de chaussons de danse).

Histoire de la médecine des arts

Si l’intérêt pour la physiologie de la musique remonte à l’Antiquité, le premier véritable compendium des maladies professionnelles concernant les artistes du spectacle fut le traité de Bernardino Ramazzini (De morbis artificum diatriba , 1713). L’intérêt pour la médecine des arts se manifesta sporadiquement au cours des XVIIIe et XIXe siècles. En 1932 fut publiée la traduction anglaise de l’ouvrage de Kurt Singer, Diseases of the Musical Profession: A Systematic Presentation of their Causes, Symptoms and Methods of Treatment, dans lequel l’auteur donne une description systématique des causes, symptômes et traitements. Ce fut la première étude à réunir le fonds complet des connaissances de l’époque en matière de médecine des arts. Après la seconde guerre mondiale, la littérature médicale commença à mettre l’accent sur des cas de lésions chez les artistes. Les écrits sur la musique commencèrent aussi à comporter de brefs articles et des lettres sur la question. Une évolution et une sensibilisation parallèles se firent jour chez les danseurs.

L’un des facteurs qui favorisèrent le développement de la médecine des arts en tant que science transdisciplinaire à part entière fut le Colloque du Danube sur la neurologie (Danube Symposium on Neurology), qui se tint à Vienne en 1972. La musique fut au cœur des réflexions, qui débouchèrent sur la publication du livre de Macdonald Critchley et Ronald Henson, Music and the Brain: Studies in the Neurology of Music . Egalement en 1972, la Fondation de la voix (Voice Foundation) organisa le premier colloque sur les soins de la voix professionnelle (Care of the Professional Voice Symposium). Cette rencontre institua la tenue d’une conférence annuelle, dont les travaux sont publiés dans le Journal of Voice.

Si les artistes victimes d’un accident ou d’une maladie dans le cadre de leur travail et les professionnels de la santé commencèrent à collaborer plus étroitement, le public n’eut pas connaissance de cette évolution. En 1981, le New York Times consacra un article aux différents aspects de la pathologie de la main dont souffraient les pianistes Gary Graffman et Leon Fleischer ainsi qu’à son traitement au Massachussets General Hospital. Les deux musiciens furent pratiquement les premiers artistes célèbres à admettre qu’ils souffraient de troubles physiques, et la publicité accordée à leur cas fut, pour de nombreux artistes victimes de lésions, l’occasion de se faire connaître.

Dès lors, le champ de la médecine des arts ne cessa de s’élargir, à travers des conférences, des publications, des cliniques et des associations. En 1983 eut lieu le premier colloque sur les problèmes médicaux des musiciens et des danseurs (Medical Problems of Musicians and Dancers Sympolsium), en relation avec le festival de musique d’Aspen, au Colorado. Ce colloque s’est transformé en conférence annuelle, sans doute la plus importante dans ce domaine. Les réunions de ce type comportent généralement à la fois des conférences données par des professionnels de la santé et des démonstrations ou des cours magistraux confiés aux artistes.

L’année 1986 vit la fondation de la revue Medical Problems of Performing Artists , seule publication aux Etats-Unis exclusivement consacrée à la médecine des arts et où paraissent nombre de communications faites au colloque d’Aspen. D’autres revues de la même veine sont le Journal of Voice , le Kinesiology and Medicine for Dance et l’International Journal of Arts Medicine . Publié en 1991, sous la direction de Robert Sataloff, Alice Brandfonbrener et Richard Lederman, le Textbook of Performing Arts Medicine est devenu le premier texte moderne complet sur le sujet. En Europe, la revue Médecine des Arts est consacrée à l’étude médicale et scientifique des pratiques artistiques.

Parallèlement aux publications, en nombre croissant, et aux conférences, des cliniques furent créées pour soigner les artistes. Elles se sont principalement établies dans les grandes villes qui entretiennent un orchestre ou une compagnie de danse, comme New York, San Francisco ou Chicago. Il existe aujourd’hui, aux Etats-Unis, une vingtaine d’établissements de ce type; on en trouve plusieurs dans d’autres pays.

Les praticiens de la médecine des arts ont également fondé des associations qui encouragent la recherche et la formation. A l’heure actuelle, la Performing Arts Medicine Association, créée en 1989, coparraine les colloques d’Aspen. Parmi les autres organismes actifs dans ce domaine, il faut citer l’International Association for Dance Medicine and Science, l’International Arts Medicine Association et l’Association of Medical Advisors to British Orchestras. En Europe, l’Association européenne de médecine des arts a mis en place des commissions de travail et des comités Médecine des Arts dans différentes villes.

La recherche en médecine des arts a évolué de l’examen de cas particuliers et d’études de prévalence vers des projets complexes faisant appel à des techniques de pointe. De nouveaux traitements entrent en vigueur, qui répondent mieux aux besoins spécifiques des artistes et on commence à mettre l’accent sur la prévention et l’éducation.

Susan Harman

LA MUSIQUE

John P. Chong

Le musicien utilise avec dextérité ses muscles, nerfs et os (système neuromusculo-squelettique). Pour jouer de son instrument, il doit exécuter des mouvements répétés finement maîtrisés et est souvent amené à travailler dans des postures non naturelles pendant de longues périodes, que ce soit pour les répétitions ou lorsqu’il se produit en public (voir figure 96.13). Ces contraintes imposées au corps peuvent engendrer des problèmes de santé particuliers. En outre, des conditions de travail défavorables, telles que des niveaux sonores excessifs, des temps d’exécution interminables, sans repos, et une préparation inadéquate à un répertoire ou à des instruments nouveaux et difficiles, sont susceptibles d’affecter la santé des musiciens de tous âges et de tous niveaux. La prise en compte de ces risques, la formulation d’un diagnostic précis et l’application d’un traitement précoce permettent de prévenir les incapacités de travail qui risquent de nuire à des carrières, de les interrompre, voire d’y mettre fin.

Figure 96.13 Un orchestre

Figure 96.13

Les troubles neuromusculo-squelettiques

Des études effectuées aux Etats-Unis, en Australie et au Canada tendent à montrer que, au cours de leur vie active, quelque 60% des musiciens sont victimes de lésions qui mettent leur carrière en péril. Des enquêtes cliniques transversales ont porté sur la prévalence des affections articulaires et musculo-tendineuses, des syndromes de compression des nerfs périphériques et des difficultés de contrôle moteur. Elles ont fait ressortir un certain nombre de diagnostics communs, parmi lesquels divers syndromes d’hypersollicitation, notamment de fatigue des muscles et des tissus conjonctifs qui commandent la flexion et l’extension du poignet et des doigts. Ces syndromes sont dus à la répétition de mouvements énergiques des unités musculo-tendineuses. D’autres diagnostics font état de douleurs dans des parties du corps soumises à des tensions prolongées du fait de postures incommodes et déséquilibrées que l’instrumentiste est amené à prendre. Lorsque l’instrument appartient aux groupes décrits ci-après, le musicien doit exercer une pression sur les ramifications nerveuses du poignet et de l’avant-bras, des épaules, du bras et du cou. Les crampes professionnelles ou contractions musculaires (dystonie focale) sont aussi très répandues et affectent souvent des artistes au sommet de leur carrière.

Les instruments à cordes: violon, alto, violoncelle, contrebasse, harpe, guitare classique, guitare électrique

Les problèmes de santé que connaissent les musiciens jouant d’un instrument à cordes sont fréquemment dus à la façon dont ils tiennent l’instrument et à la posture qu’ils prennent pour jouer, assis ou debout. Ainsi, la plupart des violonistes et des altistes tiennent leur instrument entre le menton et l’épaule gauche. Il arrive donc souvent que l’épaule gauche soit surélevée alors que le musicien avance le plus possible le menton vers le bas pour pouvoir déplacer sa main gauche sur le manche. Hausser une articulation tout en maintenant la tête inclinée vers le bas provoque une contraction statique qui favorise les douleurs du cou et de l’épaule, les troubles de l’articulation temporo-mandibulaire affectant les nerfs et muscles de la mâchoire, ainsi qu’un syndrome du défilé thoracique susceptible d’induire une douleur ou un engourdissement dans le cou, l’épaule ou la partie supérieure de la cage thoracique. Des postures assises, statiques et prolongées, en particulier si l’on est courbé, entraînent des douleurs dans les groupes musculaires qui maintiennent la position. Le musicien qui joue de la contrebasse, de la harpe ou de la guitare classique est fréquemment amené à effectuer une rotation statique de la colonne vertébrale. Le poids des guitares électriques est souvent allégé par une sangle passée autour du cou et de l’épaule gauche qui exerce des pressions sur les nerfs de l’épaule et de l’avant-bras (plexus brachial), provoquant ainsi des douleurs. Ces problèmes de posture et de soutien sont à l’origine de tensions et de pressions au niveau des nerfs et des muscles du poignet, car ils favorisent un alignement incorrect. Par exemple, les flexions répétées et exagérées que l’instrumentiste peut imposer à son poignet gauche froissent les muscles extenseurs du poignet et des doigts, entraînant de ce fait un syndrome du canal carpien. La pression sur les nerfs de l’épaule et du bras (parties inférieures du plexus brachial) peut créer des troubles au niveau du coude, tels que le syndrome de Bywaters et une neuropathie cubitale.

Les instruments à clavier: piano, clavecin, orgue, synthétiseurs, claviers électroniques

La posture du musicien qui joue d’un instrument à clavier s’apparente à celle prise pour écrire à la machine. La tête est à la fois avancée et penchée vers le bas de façon à regarder les touches et les mains, et elle se relève de façon répétitive pour suivre la partition. En résulte souvent une douleur au niveau des nerfs et des muscles dorsaux et cervicaux. Les épaules sont voûtées, la tête est projetée en avant et la respiration est superficielle. La compression chronique des nerfs et des vaisseaux sanguins qui passent entre les muscles du cou, de l’épaule et de la cage thoracique peut occasionner un phénomène connu sous le nom de syndrome du défilé thoracique. De plus, la tendance qu’a le musicien à courber les poignets et à arrondir les doigts tout en maintenant droites les articulations entre la main et les doigts impose, au niveau de l’avant-bras, une tension excessive aux muscles du poignet et des doigts. Par ailleurs, l’usage répété du pouce, placé sous la main, distend les muscles et peut entraîner une subluxation du pouce. La vigueur nécessaire pour plaquer de larges accords ou faire des octaves, de façon répétée, peut forcer la capsule de l’articulation du poignet et causer la formation de ganglions. La contraction conjointe et prolongée des muscles qui font tourner, monter et descendre les bras peut induire des syndromes de compression des nerfs. Enfin, les spasmes musculaires et les crampes (dystonie focale) sont courants chez ce type d’instrumentistes, lesquels doivent parfois s’astreindre à de longues séances de rééducation neuromusculaire pour corriger les habitudes nées de ces contraintes.

Les instruments à vent: flûte, clarinette, hautbois, saxophone, basson, trompette, cor, trombone, tuba et cornemuse

Un musicien qui joue d’un de ces instruments doit, pour diriger la lame de l’air, modifier sa posture, car celle-ci intervient sur la zone d’où le souffle diaphragmatique ou intercostal est tiré. L’émission dépend de la façon dont l’embouchure de l’instrument est placée entre les lèvres que contrôlent les muscles faciaux et pharyngiens. L’embouchure, ou le bec, commande le son que produisent les vibrations de l’anche. La posture a aussi une incidence sur la façon dont le musicien tient son instrument alors que, assis ou debout, il actionne de ses doigts les clés ou valves qui déterminent la hauteur de la note. Ainsi, la flûte à bec exige une adduction et une flexion soutenues (fléchissement avant) de l’épaule gauche, une abduction soutenue (retrait) de l’épaule droite et une légère rotation de la tête et du cou vers la gauche. Le poignet gauche est souvent maintenu dans une position de flexion extrême, tandis que la main est, elle aussi, tendue de façon que l’instrument soit supporté par l’index de la main gauche replié et les deux pouces, le petit doigt de la main droite contrebalançant le mouvement. Cela favorise une tension des muscles de l’avant-bras et des muscles extenseurs des doigts. La tendance à projeter la tête et le cou en avant et à respirer superficiellement accroît les risques de syndrome du défilé thoracique.

Les instruments à percussion: tambours, timbales, cymbales, xylophone, marimba, tabla et taiko

Le fait de frapper un instrument à percussion avec des baguettes, des mailloches ou les mains implique un retrait rapide des poignets et des doigts au moment de l’impact. La vibration imprimée par le choc remonte le long de la main et du bras et contribue, par sa répétitivité, à des lésions des ensembles musculo-tendineux et des nerfs périphériques. A cela peuvent s’ajouter des facteurs biomécaniques tels que la force mise en œuvre, le caractère répété du geste et la charge statique imposée aux muscles. Il est courant que les musiciens souffrent du syndrome du canal carpien ou de nodules qui se forment dans la gaine des tendons.

Le déficit auditif

Le risque de déficit auditif consécutif à une exposition à la musique dépend de l’intensité et de la durée de l’exposition. Il n’est pas rare que, dans la musique orchestrale, le niveau sonore soit de l’ordre de 100 dB pendant un tempo lent, avec des pics de 126 dB, cette mesure étant enregistrée à hauteur de l’épaule d’un musicien au milieu de l’orchestre. Un niveau de 110 dB est courant à l’emplacement du chef d’orchestre ou du professeur. Les niveaux sonores auxquels sont exposés les musiciens de pop, de rock et de jazz peuvent être nettement plus élevés suivant les qualités acoustiques de la scène ou de la fosse, le système d’amplification et l’emplacement des haut-parleurs ou d’autres instruments. La durée moyenne d’exposition hebdomadaire peut être de quarante heures environ, mais de nombreux musiciens professionnels jouent parfois soixante à quatre-vingt heures par semaine. Chez les musiciens professionnels, le déficit auditif est bien plus répandu qu’on ne pourrait le penser, puisqu’il est apparu que quelque 89% de ceux qui avaient souffert de lésions musculo-squelettiques présentaient des résultats de tests auditifs anormaux, avec un déficit auditif dans les fréquences comprises entre 3 et 6 KHz.

Le musicien peut recourir à une protection de l’ouïe, mais celle-ci doit être adaptée à l’instrument sur lequel il joue (Chasin et Chong, 1992). En introduisant un atténuateur acoustique ou un filtre dans des bouchons d’oreille moulés sur mesure, l’intensité des sons à haute fréquence que laissent passer les bouchons ordinaires se trouve considérablement amoindrie quand on la mesure au tympan; elle est donc moins dangereuse pour l’oreille. Un orifice, réglé ou modulable, aménagé dans un bouchon d’oreille moulé sur mesure permet de percevoir les basses fréquences et une partie des sons harmoniques sans atténuation. Les bouchons peuvent être conçus de façon à apporter une légère amplification qui modifie la perception de la voix du chanteur et permet ainsi à ce dernier de ménager sa voix. Selon la nature psycho-acoustique de l’instrument et les expositions à l’environnement musical, il est possible de réduire sensiblement les risques de déficit auditif. En améliorant sa perception de l’intensité relative de la musique qu’il joue, le musicien peut prévenir le risque de lésions d’hypersollicitation par la réduction relative de la puissance des mouvements répétés.

Des méthodes pratiques permettent d’abaisser l’exposition des musiciens aux niveaux sonores, sans pour autant affecter la musique (Chasin et Chong, 1995). Les enceintes des haut-parleurs peuvent être placées au-dessus du sol; la perte d’énergie sonore dans les basses fréquences est alors minimale, et la sonorité demeure suffisante pour que le musicien joue à un niveau d’intensité plus bas. Les musiciens qui jouent des instruments de forte intensité et très directionnels, tels que la trompette ou le trombone, doivent se tenir sur des plates-formes pour que le son passe au-dessus de la tête des autres musiciens et en affaiblisse ainsi l’impact. Un espace libre de 2 m doit être respecté devant l’orchestre ainsi qu’au-dessus des petits instruments à cordes.

LE CHANT

Anat Keidar

Le terme chanteur s’applique à toute personne dont la carrière, la vocation ou les moyens d’existence sont étroitement liés à l’utilisation qu’elle fait de sa voix dans un cadre musical, et non dans celui du discours ordinaire. A la différence du percussionniste, du pianiste ou du violoniste, le chanteur est lui-même l’instrument. En conséquence, son bien-être dépend de l’état de son larynx (où se produit l’émission du son) et de son appareil vocal (où le son est modifié), mais aussi du bon fonctionnement et de la coordination parfaite de ses mécanismes mentaux et physiques.

Parmi les nombreuses formes de chant recensées dans le monde, certaines appartiennent à un patrimoine spécifique, qu’il soit liturgique, culturel, linguistique, ethnique ou géopolitique, alors que d’autres sont d’une nature plus universelle. Les styles les plus répandus aux Etats-Unis et dans le monde occidental sont, notamment, le chant classique (oratorio, opéra, mélodie, etc.), la chanson de variété, le jazz, la comédie musicale du type Broadway, le chant choral, le gospel, le folksong, la musique country et western, la pop music, le rhythm and blues, le rock and roll (comme le heavy metal, le rock alternatif, etc.). Chaque style a ses propres particularités, structures et usages; des facteurs de risques déterminés lui sont associés.

Les difficultés vocales

Une altération subtile de la voix, qui ne constituerait pas une gêne grave pour des profanes, peut s’avérer catastrophique pour le chanteur classique. Dans cette catégorie de chanteurs à tessiture, l’altération vocale est bien plus problématique pour les voix aiguës (soprano et ténor) que pour les voix plus graves (mezzo-soprano, alto, baryton et basse). En revanche, certains chanteurs de musique pop, de gospel ou de rock, par exemple, se donnent beaucoup de mal pour acquérir une originalité et améliorer leur place sur le marché en cultivant des pathologies vocales qui confèrent souvent à leur voix un bruit de respiration, une qualité voilée, une tonalité sourde ou un caractère diplophonique (émission simultanée de deux sons). Compte tenu, en partie, du trouble dont souffre leur voix, ils tendent à forcer pour chanter, en particulier dans les aigus. Beaucoup d’auditeurs voient dans cette difficulté un effet dramatique supplémentaire, comme si le chanteur devait se sacrifier pour exercer son art.

Peu d’études ont été consacrées à la prévalence, chez les chanteurs, des lésions professionnelles en général, et des troubles vocaux en particulier. L’auteur du présent article estime qu’aux Etats-Unis 10 à 20% des chanteurs sont atteints d’une forme de trouble chronique de la voix. Cependant, l’incidence des lésions vocales est fonction de nombreux facteurs. Souvent obligés de se plier à des exigences artistiques et esthétiques, à des pratiques d’exécution, à la demande du public, à des contraintes financières et à des pressions sociales, les chanteurs n’hésitent pas à pousser à l’extrême leurs capacités vocales et leur résistance. De surcroît, ils tendent à rejeter, à banaliser ou à négliger les signes avant-coureurs, voire les diagnostics de lésion vocale (Bastian, Keidar et Verdolini-Marston, 1990).

Les problèmes auxquels les chanteurs sont le plus fréquemment confrontés sont des affections bénignes de la membrane muqueuse qui recouvre les cordes vocales (Zeitels, 1995). Les affections aiguës sont, entre autres, la laryngite et le gonflement (œdème) passager des cordes vocales. Les affections chroniques des muqueuses comportent le gonflement des cordes vocales, les nodules (cals), les polypes, les kystes, l’hémorragie du tissu sous-muqueux, l’ectasie (dilatation) capillaire, la laryngite chronique, la leucoplasie (avec points ou plaques), les déchirures de la muqueuse et les lésions sulciformes de la glotte (sillons profonds dans le tissu). Bien qu’elles puissent s’aggraver si le sujet fume ou fait une consommation excessive d’alcool, ces lésions bénignes de la muqueuse sont, avant tout, liées à l’intensité du chant et à la manière d’utiliser la voix; elles résultent de traumatismes vibratoires.

Les causes des affections vocales

Les troubles vocaux dont souffrent les chanteurs ressortent de deux types de facteurs, intrinsèques et extrinsèques. Les facteurs intrinsèques ont trait à la personnalité, au comportement vocal (parler inclus), sur scène et ailleurs, à la technique vocale et aux habitudes de consommation (surtout abus de certaines substances, médication inadaptée, malnutrition ou déshydratation). Les facteurs extrinsèques concernent les polluants atmosphériques, les allergies, etc. L’expérience clinique montre que les facteurs intrinsèques tendent à être les plus importants.

La lésion vocale résulte généralement d’une accumulation d’erreurs ou d’excès commis par le chanteur dans ses activités professionnelles ou extra-professionnelles (privées, sociales). Il est difficile d’affirmer avec certitude quelle part de la lésion est directement attribuable aux unes ou aux autres. Les facteurs de risque liés à l’exercice de l’art peuvent être constitués par de trop longues répétitions générales exigeant de chanter à pleine voix, par le fait de se produire en dépit d’une infection des voies respiratoires supérieures, et ce faute d’une doublure, ou par une activité musicale excessive. Il est recommandé à la plupart des chanteurs de ne pas chanter plus d’une heure et demie (net) par jour. Malheureusement, nombre d’entre eux ne tiennent pas compte de leurs limites vocales. Certains se laissent prendre par une recherche frénétique de nouvelles techniques, de nouveaux moyens d’expression artistique, de nouveaux répertoires, etc., et travaillent quatre, cinq, voire six heures par jour. Pire encore, il leur arrive de forcer la voix quand se manifestent des signes avant-coureurs de lésion (perte des aigus, incapacité de chanter doucement, air dans la voix au moment de l’attaque, vibrato instable, intensification de l’effort phonatoire, etc.). La responsabilité de cette surenchère vocale est partagée par des intervenants comme l’imprésario, qui inscrit d’innombrables représentations dans un calendrier impossible à tenir, et l’ingénieur du son qui loue un studio pour douze heures consécutives au cours desquelles le chanteur est censé enregistrer un disque complet.

Tout chanteur peut, certes, être victime de problèmes vocaux aigus à un moment ou à un autre de sa carrière. Toutefois, il semble que les chanteurs qui ont reçu une bonne formation musicale savent adapter la partition à leur capacité vocale et que ceux qui ont subi un entraînement vocal approprié risquent moins d’être atteints de graves problèmes chroniques que ceux qui n’ont pas été formés au chant et apprennent souvent leur répertoire par cœur, ne cessant d’imiter d’autres artistes ou de chanter sur des bandes de démonstration ou des enregistrements. En procédant ainsi, ces derniers chantent souvent dans un timbre, un registre ou un style qui ne conviennent pas à leur voix. Les chanteurs qui se soumettent périodiquement à l’examen et aux soins d’éminents spécialistes de la voix ont moins de chances de se prêter à des exercices vocaux compensatoires incorrects lorsqu’ils connaissent une altération physique; par ailleurs, ils sont plus enclins à rechercher un équilibre raisonnable entre les exigences artistiques et la longévité vocale. Un bon professeur sait ce qu’il peut normalement attendre de chacun. Il fait généralement la différence entre les limites techniques et les possibilités physiques; aussi est-il souvent le premier à percevoir les signes avant-coureurs d’une atteinte vocale.

L’amplification sonore peut aussi être source de problèmes pour les chanteurs. Nombre de groupes de rock, par exemple, n’amplifient pas seulement la voix du chanteur mais tout l’orchestre. Quand le niveau sonore ne lui permet pas de bien s’entendre, le chanteur (ou la chanteuse) ne se rend souvent pas compte qu’il (ou qu’elle) chante trop fort et que sa technique est mauvaise. Une telle méconnaissance peut largement contribuer à l’apparition et à l’exacerbation d’une pathologie vocale.

Les facteurs extra-professionnels peuvent également être importants. Les chanteurs devraient comprendre qu’ils ne possèdent pas deux systèmes laryngiens différents, l’un pour chanter et l’autre pour parler. Bien que la plupart des chanteurs professionnels passent plus de temps à parler qu’à chanter, ils négligent ou rejettent souvent les techniques d’élocution, ce qui peut nuire à leur aptitude à chanter.

De nos jours, la plupart des chanteurs sont amenés à voyager régulièrement d’un lieu de représentation à un autre, en train, en autobus ou en avion. Ces déplacements continus impliquent de s’adapter psychologiquement, mais aussi physiquement, à plusieurs niveaux. Pour exercer leur art dans des conditions optimales, les chanteurs doivent bénéficier d’un sommeil d’une durée et d’une qualité appropriées. Les changements rapides de fuseaux horaires créent un décalage qui les oblige à rester éveillés et attentifs alors que leur horloge biologique indique à divers systèmes de l’organisme de se mettre en sommeil ou, inversement, les contraint à dormir quand leur cerveau, pleinement éveillé, est prêt à organiser et à accomplir les tâches quotidiennes. Ce phénomène peut générer toutes sortes de symptômes débilitants, tels que l’insomnie chronique, les maux de tête, l’apathie, les vertiges, l’irritabilité et les pertes de mémoire (Monk, 1994). Des rythmes aberrants se rencontrent aussi souvent chez les chanteurs se produisant tard dans la nuit. Ces rythmes de sommeil anormaux sont trop souvent gérés avec de l’alcool ou des médicaments de confort, prescrits ou en vente libre et qui, pour la plupart, ont un effet néfaste sur la voix. Le séjour fréquent ou prolongé dans un lieu clos comme la voiture, le train ou l’avion peut être cause de difficultés supplémentaires. Selon de nombreux chanteurs, l’inhalation d’air mal filtré (souvent recyclé), contaminé, déshumidifié (sec) (Feder, 1984) peut provoquer gêne respiratoire, trachéite, bronchite ou laryngite, qui se manifestent des heures, voire des jours après le voyage.

Compte tenu d’un environnement professionnel instable et de leur emploi du temps trépidant, les chanteurs adoptent souvent des habitudes alimentaires déréglées et nuisibles à leur santé. Les menus des restaurants constituent la base de leur régime alimentaire, leurs heures de repas varient de façon imprévisible, et nombre d’entre eux prennent leur repas principal après le spectacle, soit généralement tard dans la nuit. Si le chanteur connaît un problème de surcharge pondérale et, en particulier, s’il consomme des plats épicés, gras ou acides, ainsi que de l’alcool et du café, il est à la merci, en se couchant sitôt rassasié, d’un reflux gastro-œsophagique (remontée des acides gastriques dans l’œsophage, la gorge et le larynx) dont les conséquences peuvent être catastrophiques pour la voix. Or, les désordres alimentaires sont très répandus chez les chanteurs. Dans le monde de l’opéra et du chant classique, les excès de table et l’obésité sont choses courantes. Dans le domaine de la comédie musicale et de la musique pop, en particulier chez les jeunes femmes, un(e) artiste sur cinq a connu, semble-t-il, une forme ou une autre de trouble alimentaire telles que l’anorexie ou la boulimie. Le recours à diverses méthodes purgatives, parmi lesquelles le vomissement, est particulièrement dangereux pour la voix.

L’exposition à des polluants, comme le formaldéhyde, les solvants, les peintures et les poussières, et à des allergènes, tels que les pollens de végétaux, la poussière, les moisissures, les poils d’animaux et les parfums, est préjudiciable à la qualité de la voix (Sataloff, 1996). Cette exposition peut se produire sur scène ou en dehors. Si, dans le cadre de leur travail, les chanteurs sont exposés à ces polluants, ils peuvent l’être aussi à d’autres substances nocives pour la voix; c’est le cas de la fumée de cigarette, ainsi que des fumées et des brouillards artificiels utilisés pour les effets scéniques. Chanter requiert une plus grande capacité vitale que parler. De plus, lors d’exercices physiques intenses (par exemple, la danse), le rythme respiratoire s’accélère, et le chanteur respire surtout par la bouche. D’où l’inhalation de plus importantes quantités de fumée de cigarette ou de brouillards pendant les spectacles.

Le traitement des affections vocales

En matière de traitement des affections vocales des chanteurs, deux points majeurs ressortent: l’automédication et les soins inadaptés qu’apportent des médecins peu informés des troubles de l’organe vocal. Sataloff (1991, 1995) a étudié les effets secondaires des médicaments que prennent souvent les chanteurs. Médicaments de confort, médicaments prescrits ou en vente libre, ou encore compléments alimentaires, la plupart influent sur la fonction phonatoire. Soucieux de se débarrasser des allergies, des mucosités ou de la sinusite, le chanteur qui se soigne seul finit par ingérer une substance nocive pour son système vocal. De même, le médecin qui persiste à prescrire des stéroïdes pour atténuer l’inflammation chronique due à des efforts vocaux répétés et qui ne tient pas compte des causes profondes de l’affection finit par nuire au chanteur. Le dysfonctionnement vocal induit par une chirurgie de l’appareil phonateur non indiquée ou mal réalisée a fait l’objet d’études (Bastian, 1996). Pour éviter les effets secondaires des traitements, il est recommandé aux chanteurs de bien connaître leur organe vocal et de ne consulter que des spécialistes qui comprennent leurs problèmes de voix, en ont l’expérience et savent les traiter et qui, de surcroît, sont suffisamment patients pour les former et les rendre autonomes.

Le trac

A l’instar de la peur, de la joie ou de la tristesse, le trac est une émotion dans laquelle interviennent des éléments physiques et psychologiques. Les réflexes moteurs, les réactions autonomes, les souvenirs, les idées et les pensées s’imbriquent sans cesse. Aujourd’hui, le trac n’est plus considéré comme un symptôme isolé, mais comme un syndrome fait d’attitudes, de traits de caractère et de conflits inconscients qui éclatent dans des circonstances particulières.

Quasiment tout être humain connaît le trac à un moment ou à un autre. Cependant, par la nature même de leur profession, les artistes, ou ceux que leur métier amène à se produire en public, y sont plus souvent confrontés et, généralement, plus intensément que les autres. Le trac peut demeurer un problème même chez des individus expérimentés.

Le trac se caractérise principalement par une angoisse situationnelle irraisonnée accompagnée de symptômes physiques involontaires qui peuvent entraîner des dysfonctionnements ou un comportement incontrôlé. Il se manifeste surtout lorsque le sujet doit agir et que, de ce fait, il se soumet à la critique d’autrui. C’est le cas lorsqu’il prend la parole en public, donne un concert, passe un examen, accomplit l’acte sexuel, etc. Le trac peut causer toutes sortes de symptômes physiques indicatifs de la détresse: tremblement des mains et des lèvres, diarrhée, mains moites, palpitations cardiaques. Si ces symptômes peuvent affecter la qualité d’une prestation, ils peuvent aussi peser sur l’avenir du sujet et sur sa carrière.

D’après certains experts, le trac est dû, notamment, à un manque de travail ou de préparation ou à un répertoire inadapté. D’autres théories l’attribuent essentiellement à des pensées négatives et à un défaut d’estime de soi. D’autres encore voient dans le stress et la peur inhérents au trac un lien étroit avec le stress professionnel que provoquent, entre autres, le sentiment de ne pas être à sa place, la crainte d’être sanctionné ou critiqué et l’appréhension de perdre son statut. Bien que l’on ne s’accorde pas sur la cause profonde du trac et que l’explication soit multifactorielle, cette affection est, d’évidence, très répandue, et même des musiciens mondialement connus comme Yehudi Menuhin ou Pablo Casals ont reconnu avoir souffert, toute leur vie, du trac et de la peur.

Le trac est sans conteste lié à des facteurs personnels. Ce qui, pour l’un, est un pari à gagner peut être, pour l’autre, une catastrophe. L’expérience du trac dépend largement de la manière dont on perçoit une situation dangereuse. Des individus introvertis, par exemple, sont plus sujets au stress que d’autres et risquent donc de souffrir davantage du trac. Chez certains, la réussite peut aussi générer crainte et trac et, par voie de conséquence, affaiblir les capacités de communication et de créativité de l’artiste.

Pour qu’une prestation soit optimale, il est peut-être inévitable d’éprouver un peu de crainte, de stress, voire un certain degré de nervosité. Cependant, seul l’artiste est à même de déterminer la marge entre le degré de trac qui demeure acceptable et l’anxiété qui nécessite une intervention thérapeutique.

Le trac est un phénomène complexe; ses diverses composantes suscitent des réactions variables selon les situations. Les caractéristiques individuelles, les situations professionnelles, les facteurs sociaux, le développement personnel, etc. jouent un rôle considérable et, de ce fait, il est difficile de donner des règles générales.

Pour lutter contre le trac on peut, notamment, élaborer des stratégies personnelles ou apprendre des techniques de relaxation telles que la rétroaction biologique. Ces méthodes visent à transformer les pensées négatives et les appréhensions sans rapport avec la prestation à accomplir en exigences appropriées à la tâche et en attitudes positives. La thérapie médicale est aussi très employée; elle a recours, entre autres, à des bêtabloquants et à des tranquillisants (Nubé, 1995). La prise de médicaments ne fait, toutefois, pas l’unanimité et ne peut être effectuée que sous contrôle médical en raison de ses éventuels effets secondaires et de ses contre-indications.

Jacqueline Nubé

LES ACTEURS

Sandra Karen Richman

L’acteur se transpose dans le monde de l’imaginaire et incarne un personnage le temps d’une représentation. Il est présent dans de nombreux domaines des arts et des spectacles, que ce soit au théâtre, au cinéma, à la télévision, dans les parcs de loisirs et les parcs à thème, etc. Il est confronté à toutes sortes de risques: stress, dangers physiques, risques chimiques, etc. Le trac, quant à lui, est traité dans l’encadré intitulé «Le trac».

Le stress

Les sources de stress sont diverses: la concurrence féroce qui règne en raison de la rareté des contrats, la pression inhérente à la nécessité de se produire tous les jours, voire plus souvent (par exemple, dans les parcs à thème ou les jours de matinée), le travail de nuit, les tournées, les délais de tournage, la multiplication des prises de vues (surtout à l’occasion du tournage de films publicitaires pour la télévision), etc. Il convient également de prendre en compte les pressions psychologiques liées au fait d’entrer dans un rôle et de s’y maintenir, notamment de manifester certaines émotions sur commande, ou de se soumettre aux tactiques de certains réalisateurs désireux d’obtenir des acteurs une réaction donnée. En conséquence, les taux d’alcoolisme et de suicide sont plus élevés chez les acteurs. Le remède à nombre de ces facteurs de stress passe par une amélioration des conditions de travail et de vie, surtout lors des tournées ou des tournages en extérieur. Des mesures individuelles telles que la thérapie ou les techniques de relaxation peuvent aussi contribuer au mieux-être.

Les costumes

Beaucoup de costumes se trouvant à proximité de flammes ou d’autres sources d’ignition constituent un risque d’incendie. Les costumes et les masques utilisés pour les effets spéciaux peuvent occasionner des problèmes de stress thermique et s’avérer excessivement lourds à porter.

Les acteurs appelés à travailler à proximité de flammes nues doivent opter pour des costumes convenablement ignifugés. Ceux qui portent des costumes pesants ou inadaptés au climat doivent bénéficier de pauses adéquates. Particulièrement lourds, les costumes en métal ou faits d’une structure de bois doivent comporter, au besoin, un système d’apport d’air frais. Il faut aussi veiller à ce que l’acteur puisse s’extraire facilement de ce type de costume en cas d’urgence.

Le maquillage de théâtre

Le maquillage de théâtre est susceptible de causer des allergies cutanées et des irritations oculaires. La pratique, très répandue, qui consiste à partager les produits cosmétiques ou à les appliquer à de nombreuses personnes en puisant dans le même pot risque d’être un vecteur d’infections bactériennes. Selon les experts médicaux, il est peu probable que le VIH ou d’autres virus puissent être transmis par le partage de produits cosmétiques. L’utilisation de bombes de laque pour les cheveux ou d’autres produits pulvérisés dans des loges mal ventilées pose également problème. Les grimages pour effets spéciaux peuvent faire appel à des substances plus dangereuses telles que le polyuréthane, les résines de silicones et certains solvants.

Des précautions essentielles doivent être prises lors du maquillage: se laver les mains avant et après; ne pas se servir de produits périmés; s’abstenir de fumer, de manger ou de boire pendant l’application; humidifier les pinceaux à l’eau potable et non à la salive; éviter de produire de la poussière; et se servir de pulvérisateurs à pompe plutôt qu’à aérosols. Dans la mesure du possible, chaque acteur ou actrice doit posséder sa propre trousse de maquillage. Si les mêmes cosmétiques sont appliqués à plusieurs personnes, il convient d’employer des éponges et des pinceaux jetables, ainsi que des applicateurs ou des bâtons de rouge à lèvres individuels (ou du rouge à lèvres en pastilles et étiqueté). Les maquillages destinés aux effets spéciaux devraient être fabriqués avec les matériaux les moins toxiques. La loge devrait être équipée d’un miroir, d’un éclairage suffisant et de sièges confortables.

Les cascades

Est considérée comme cascade toute séquence d’action qui amène un acteur ou une autre personne, sur le lieu de tournage, à prendre un risque supérieur à la normale. Les acteurs sont souvent doublés par des cascadeurs qui ont l’expérience et l’entraînement nécessaires pour tourner de telles séquences, comportant des chutes, des combats, des scènes en hélicoptère, des poursuites en automobile, des incendies, des explosions, etc. Une préparation minutieuse et des procédures de sécurité écrites s’imposent. Voir l’article «Le cinéma et la télévision» pour des informations précises sur les cascades.

Autres risques

Les autres risques encourus par les acteurs, notamment sur le lieu de tournage, sont liés aux conditions environnementales (chaleur, froid, pollution de l’eau, etc.), aux scènes aquatiques qu’accompagne le risque d’hypothermie et aux effets spéciaux (brouillards et fumées, effets pyrotechniques). Ces facteurs doivent être examinés avec attention avant le début du tournage. Au théâtre, les scènes mettant en jeu de la boue, des gravillons, de la neige artificielle, etc. peuvent irriter les yeux et les voies respiratoires quand les matériaux choisis sont dangereux ou s’ils sont réutilisés après avoir été balayés à la fin du spectacle précédent, d’où un risque de contamination biologique. Il est enfin un autre risque associé au phénomène croissant des photographes de presse et autres paparazzi, qui traquent les acteurs et les actrices connus ou d’autres célébrités, avec tout ce que cela suppose de menaces ou de violence réelle.

Les enfants acteurs

Les enfants que l’on fait jouer au théâtre ou au cinéma peuvent facilement être victimes d’exploitation si on ne prend pas garde d’appliquer des procédures strictes, qui garantissent qu’ils ne sont pas soumis à des horaires excessifs, qu’ils ne sont pas exposés à des situations dangereuses et qu’ils suivent une scolarité normale. Quelque inquiétude a été également exprimée quant aux séquelles psychologiques de leur participation à des scènes de violence au théâtre ou au cinéma. Il est à noter que les législations de nombreux pays, en matière de travail des enfants, ne protègent pas les enfants acteurs de manière adéquate.

LE THÉÂTRE ET L’OPÉRA

Claës-W. Englund

La prévention des risques professionnels revêt au théâtre et à l’opéra bien des aspects parmi lesquels on retrouve tous les problèmes de l’industrie en général, auxquels s’ajoutent les éléments culturels et artistiques qui sont particuliers à ces activités.

Plus de 125 métiers participent à la représentation d’une pièce de théâtre ou d’un opéra; le spectacle peut avoir pour cadre une classe d’école, un petit théâtre, un grand opéra ou encore une salle de conférence. Les troupes de théâtre ou d’opéra effectuent souvent des tournées nationales et internationales, au cours desquelles elles se produisent dans divers lieux.

Il faut faire une distinction entre les métiers artistiques — artistes, acteurs, chanteurs (solistes et choristes), musiciens, danseurs, répétiteurs, chorégraphes, chefs d’orchestre et metteurs en scène —, les métiers techniques et les métiers de la production — directeurs techniques et administratifs, chef éclairagiste, chef électricien, ingénieur du son, chef machiniste, armurier, perruquier, chef costumier, chef accessoiriste, couturier, etc. — et les professions administratives — chef comptable, directeur du personnel, directeur de théâtre, intendant, responsable des contrats, personnel commercial, guichetier, chef de publicité, etc.

Théâtre et opéra présentent des risques professionnels de catégorie générale, tels que ceux liés au soulèvement d’objets lourds ou encore à l’irrégularité des horaires de travail auxquels s’ajoutent des facteurs propres au théâtre, comme la disposition des lieux, les montages techniques complexes, un mauvais éclairage, des températures extrêmes ou la nécessité de respecter des calendriers et des délais stricts. Ces risques sont les mêmes pour les artistes et le personnel technique.

Toute attitude responsable en matière de sécurité et de santé au travail implique de se soucier de la main d’un violoniste ou du poignet d’une danseuse tout autant que d’avoir une vue d’ensemble de la situation des employés du théâtre et de prendre en compte les risques physiques et psychologiques qu’ils encourent. Les théâtres étant également ouverts au public, cet aspect de la sécurité et de la santé doit être, lui aussi, considéré avec le plus grand sérieux.

La sécurité incendie

Théâtres et opéras recèlent divers risques d’incendie potentiels. Les premiers sont les risques généraux, à savoir issues encombrées, fermées à clé, insuffisantes en nombre ou mal dimensionnées, et absence de formation du personnel aux procédures à mettre en œuvre. Dans les coulisses, les risques tiennent, entre autres, au mauvais rangement des récipients de peintures et de solvants, à l’entreposage dangereux des décors et des matières combustibles, aux opérations de soudage effectuées à proximité de matières inflammables, à l’absence de sorties réservées aux loges, etc. Sur scène, les risques sont constitués par les effets pyrotechniques et les flammes nues, les tentures, ornements, accessoires et décors non ignifugés, l’absence de sorties à partir de la scène, le manque d’installations d’extinction à sprinklers, etc. En ce qui concerne le public, les risques proviennent du tabagisme, de l’encombrement des allées et de la présence d’un nombre de spectateurs supérieur à celui autorisé. Dans un théâtre, les allées, passages et escaliers ne doivent en aucun cas être obstrués par des sièges ou d’autres obstacles, de façon à faciliter l’évacuation en cas d’incendie. Les issues de secours doivent être signalées. Sonneries d’alarme, détecteurs d’incendie, extincteurs à sprinklers, détecteurs de chaleur et de fumée, éclairages de secours doivent être en bon état de fonctionnement. Le rideau pare-flammes doit être baissé et levé à chaque spectacle, à moins qu’un système d’extinction automatique à eau ne soit installé. Quand le public doit sortir, que ce soit pour une évacuation d’urgence ou à la fin d’une représentation, toutes les portes doivent être ouvertes.

Des consignes de sécurité incendie doivent être établies et des exercices d’incendie pratiqués. Un ou plusieurs préposés à la sécurité bien entraînés doivent assister à toutes les représentations, mais il arrive que le règlement impose la présence de sapeurs-pompiers. Sur la scène, les décors, accessoires, tentures et autres matériaux combustibles doivent être ignifugés. Le recours à des effets pyrotechniques ou à des flammes nues implique d’en avoir obtenu l’autorisation; encore faut-il que leur utilisation respecte les règles de sécurité prévues en la matière. Sur scène et en coulisse, le matériel d’éclairage et les systèmes électriques doivent être conformes aux normes et bien entretenus. Les matériaux combustibles et autres éléments susceptibles de provoquer un incendie doivent être retirés. Le tabagisme devrait être interdit dans tous les théâtres, sauf dans les zones prévues à cet effet.

Les herses et les cintres

Les scènes de théâtre et d’opéra sont aménagées de grils (de herses), auxquels sont suspendus les projecteurs, et les cintres, d’où sont remontés ou abaissés les décors (parfois même les acteurs). Des échelles et des passerelles de service permettent aux éclairagistes et aux machinistes de travailler dans la partie supérieure de la cage de scène. Sur la scène, artistes et techniciens doivent s’astreindre à une certaine discipline en raison du matériel suspendu au-dessus d’eux. Les décors sont manœuvrés verticalement et horizontalement. Le déplacement horizontal des décors en coulisse se fait manuellement ou mécaniquement en actionnant les cordes passées dans les rails de la machinerie qui leur est consacrée. Le maniement des cordes et de leur contrepoids répond à des pratiques de sécurité fondamentales. Il existe divers systèmes de cintres, hydrauliques ou électriques. Le travail dans les cintres doit être confié à du personnel formé et qualifié. Les procédures de sécurité consistent, notamment, à inspecter l’ensemble des cintres avant d’y travailler et, après toute modification, à veiller à ne pas dépasser leur capacité de charge, à se plier aux consignes de sécurité pendant le chargement, le déchargement ou la manœuvre des cintres, à contrôler visuellement le déplacement de tout élément de décor, à avertir avant de déplacer le moindre objet, à s’assurer que personne ne se trouve au-dessous. Les électriciens et éclairagistes doivent prendre des mesures de sécurité appropriées lorsqu’ils installent, branchent et orientent les projecteurs (voir figure 96.14), lesquels doivent être fixés à la herse par des chaînes de sécurité. Le personnel qui travaille sur la scène doit porter un casque et des chaussures de sécurité quand des machinistes s’affairent au-dessus d’eux.

Figure 96.14 Mise en place des projecteurs sur une herse électrique abaissée

Figure 96.14

Les costumes et le maquillage

Les costumes

Les costumes peuvent être fabriqués par les costumiers dans les ateliers mêmes du théâtre. C’est un travail pénible, en particulier quand il faut manipuler et transporter de vieux costumes classiques. Douleurs corporelles, céphalées, pathologie articulaire et musculo-tendineuse et autres troubles ou lésions peuvent être provoqués par l’utilisation des machines à coudre, des séchoirs, des fers et des planches à repasser, ainsi que du matériel électrique. La poussière des tissus constitue un danger pour la santé. Le nettoyage et la teinture des vêtements, des perruques et des chaussures s’effectuent parfois au moyen de solvants liquides ou d’aérosols dangereux.

L’acteur qui porte de lourds costumes peut souffrir de la chaleur sous le feu des projecteurs. Les fréquents changements de costume entre les scènes peuvent être source de stress. S’ils doivent se trouver à proximité de flammes nues, il est essentiel que les costumes soient ignifugés.

Par précaution, les costumiers doivent s’assurer que la sécurité électrique est garantie, l’éclairage adéquat et la ventilation suffisante en cas d’utilisation de solvants ou de pulvérisateurs. De plus, il est important, pour le confort du travail, qu’ils disposent de sièges, de tables de travail et de planches à repasser réglables et qu’ils soient informés des risques liés aux textiles.

Le maquillage

Les acteurs doivent généralement porter d’épaisses couches de maquillage pendant plusieurs heures, à chaque représentation. Dans les théâtres et les opéras, le maquillage et la coiffure sont confiés à des maquilleurs et à des coiffeurs professionnels. Le maquilleur est souvent amené à s’occuper de plusieurs artistes en un court laps de temps. Les produits contiennent une multitude de solvants, de colorants et de pigments, d’huiles, de cires et autres ingrédients, dont beaucoup peuvent irriter la peau ou les yeux ou encore provoquer des allergies. Les maquillages destinés aux effets spéciaux comportent parfois des colles et des solvants dangereux. Des problèmes oculaires peuvent résulter des frottements consécutifs au grimage des yeux. L’utilisation commune de produits de maquillage entraîne un risque de contamination bactérienne (toutefois, pas de l’hépatite, ni du VIH). L’emploi de laque en bombe dans une loge fermée s’accompagne du risque d’inhalation. Le démaquillage met en jeu de grandes quantités de crème; on applique aussi des solvants pour retirer le maquillage utilisé pour les effets spéciaux.

Les précautions à prendre consistent, notamment, à se démaquiller au savon après chaque représentation, à nettoyer les pinceaux et les éponges ou à se servir d’ustensiles jetables, à employer des applicateurs individuels pour le maquillage et à garder tous les produits au froid. Le local de maquillage doit être équipé de miroirs, d’un éclairage orientable et de sièges adéquats.

Le montage et le démontage des décors

Au théâtre, le décor peut être fixe; il est alors fait de matériaux lourds. Le plus souvent, plusieurs changements de décor sont effectués au cours d’une représentation, ce qui suppose des décors mobiles. De même, dans un théâtre de répertoire, on peut construire des décors mobiles aisément transportables. Il arrive que les décors soient montés sur roulettes pour faciliter leur déplacement.

Les machinistes sont susceptibles de se blesser lorsqu’ils montent, démontent et déplacent les décors ou qu’ils actionnent les contrepoids; les lésions du dos, des jambes et des bras constituent les principaux risques. La fatigue est fréquemment à l’origine d’accidents lors du démontage du décor à la fin du spectacle. Il faut donc, par précaution, porter un casque et des chaussures de sécurité, observer les consignes pour soulever des objets pesants et utiliser le matériel adéquat, interdire l’accès aux personnes étrangères au service et éviter de travailler en cas de surmenage.

Pour les décorateurs ou les peintres qui peignent, clouent et posent les rideaux de fond, les peintures et d’autres produits chimiques sont également des agents préjudiciables à leur santé. Les menuisiers sont confrontés aux inconvénients des postes de travail peu sûrs, du bruit, des vibrations et de l’air contaminé. Les perruquiers et les fabricants de masques connaissent généralement des problèmes liés à leurs postures de travail et sont exposés aux risques inhérents à l’utilisation de résines — par exemple, lors-qu’ils travaillent sur des crânes chauves ou des faux nez. Leur santé est menacée par la toxicité de certains produits chimiques; ils peuvent être victimes d’allergies, d’irritations de la peau, de crises d’asthme, etc.

La réglementation

Il existe souvent une législation nationale, par exemple le code du bâtiment, et des réglementations locales en matière de protection contre l’incendie. En ce qui concerne les herses et les cintres, les directives du Conseil des Communautés européennes — comme la directive sur les machines (CCE, 1989) — et sur les appareils de levage utilisés par le personnel peuvent influencer la législation nationale. D’autres pays ont aussi mis en place des lois concernant la sécurité et la santé qui sont applicables aux théâtres et aux opéras.

LE CINÉMA ET LA TÉLÉVISION

Michael McCann

L’industrie du cinéma et de la télévision est présente dans le monde entier. Les films sont tournés dans des studios permanents, dans de grands studios commerciaux ou en tout autre endroit en extérieurs. Selon leur importance, les sociétés de production possèdent leurs propres studios ou louent des locaux dans des studios commerciaux. La production d’émissions ou de feuilletons pour la télévision, de films vidéo et de films publicitaires s’apparente beaucoup à la production cinématographique.

La production d’un film comporte de nombreuses étapes et fait intervenir une multitude de corps de métiers. Les phases de préparation consistent en l’élaboration du scénario, l’établissement du budget et du calendrier, le choix des décors naturels et des studios, le découpage du scénario scène par scène, le choix des costumes, la mise au point du plan de tournage, la détermination de la place des caméras et des systèmes d’éclairage.

Une fois le programme des opérations achevé commence le minutieux travail de repérage des lieux, de construction des décors, de rassemblement des accessoires, de mise en place de l’éclairage et d’engagement des acteurs, cascadeurs, spécialistes des effets spéciaux et autre personnel d’appui nécessaire. Le tournage fait suite à cette étape de préproduction. La dernière phase est celle de la fabrication et du montage du film; elle n’est pas traitée dans le présent article.

La production de films pour le cinéma ou la télévision peut comporter une multiplicité de risques chimiques, électriques et autres, dont beaucoup sont propres à l’industrie du film.

Les risques et les précautions

Le lieu de tournage

Le tournage en studio a l’avantage d’offrir des installations et des équipements permanents (systèmes de ventilation, électricité, éclairage, ateliers de décors et de costumes, etc.) et de permettre de mieux maîtriser l’environnement de travail. Certains studios sont assez vastes pour se prêter à une grande diversité de séquences de tournage.

Le tournage en extérieurs, surtout dans des lieux éloignés, est plus difficile et plus dangereux que le tournage en studio, car il faut assurer le transport, les communications, l’approvisionnement en électricité, en nourriture et en eau, les soins médicaux, le logement, etc. L’équipe de tournage et les acteurs peuvent alors être exposés à toutes sortes de risques: animaux sauvages, reptiles venimeux, plantes vénéneuses, agitation politique, conditions climatiques extrêmes, conditions météorologiques locales défavorables, maladies contagieuses, nourriture et eau contaminées, bâtiments structurellement dangereux, édifices contenant de l’amiante ou du plomb, risques biologiques, etc. Les tournages sur l’eau, en montagne, dans les déserts et en d’autres lieux similaires comportent des risques évidents.

Le repérage des lieux de tournage doit permettre d’évaluer les risques éventuels pour déterminer les précautions particulières à prendre et, le cas échéant, chercher d’autres lieux.

Lors de la construction des décors, on peut être amené à élever ou à modifier des bâtiments, à monter des décors en intérieurs ou en extérieurs, etc. Ceux-ci peuvent être réalisés à la taille réelle ou à une échelle réduite. Les scènes et les décors doivent être assez solides pour supporter les charges prévues (voir l’encadré intitulé «Les ateliers de décors»).

Les ateliers de décors

Les théâtres, studios de cinéma et de télévision, parcs à thème ou de loisirs et autres établissements similaires fabriquent et peignent tous, pour la plupart eux-mêmes, leurs décors ainsi que les accessoires nécessaires à leurs spectacles. Il existe aussi des ateliers commerciaux qui sont spécialisés dans la création de grands décors qui sont ensuite transportés sur le lieu de leur utilisation. La différence majeure entre la fabrication d’un décor dans les coulisses d’un petit théâtre et la construction d’immenses décors ou même de maisons, pour un film par exemple, réside dans l’échelle à laquelle le travail est réalisé et dans le type de personne à qui ce travail est confié. Les petits théâtres ne connaissent guère la division des tâches, alors que les établissements plus grands la pratiquent, distinguant les menuisiers, les peintres décorateurs, les soudeurs, les fabricants d’accessoires, etc.

Aussi réaliste qu’il puisse paraître, le décor d’une pièce de théâtre, d’un film ou d’une émission de télévision n’est souvent qu’une illusion. Les murs d’une pièce ne sont généralement pas pleins, mais constitués de parois légères (des panneaux de tissu peint sont tendus sur des châssis de bois). L’arrière-plan consiste souvent en des rideaux de fond faits d’immenses tentures peintes que l’on abaisse ou relève selon les scènes. Des accessoires d’apparence massive, comme les arbres, les rochers, les vases, les moulures, les sculptures, etc., sont en papier mâché, en plâtre, en mousse de polyuréthane ou autres matériaux. Aujourd’hui, la fabrication des décors a recours à toutes sortes de matières: bois, métal, plastique, tissus synthétiques, papier et autres produits industriels modernes. Lorsque les acteurs ont à marcher ou à monter sur certains éléments du décor, les structures scéniques doivent être solides et conformes aux normes de sécurité.

Les méthodes et les produits chimiques de base utilisés dans la fabrication des décors et des accessoires ont tendance à être les mêmes pour tous les spectacles. Les décors en extérieurs peuvent, toutefois, faire appel à des matériaux de construction lourds tels que le ciment, employé en forte quantité, ce qui serait impossible à l’intérieur, en raison de capacités plus faibles à supporter des charges. Le degré de risque dépend des types de produits chimiques choisis et des quantités mises en œuvre, ainsi que des précautions prises. Un théâtre peut employer quelques litres de résine de polyuréthane pour fabriquer des accessoires, alors qu’il en faut des centaines pour décorer l’intérieur d’un tunnel dans un parc à thème. Les travailleurs des petits ateliers intégrés aux établissements ont, en général, moins conscience des risques, et le manque de place est souvent une source de dangers supplémentaire dans la mesure où ils effectuent parfois à proximité l’une de l’autre des opérations incompatibles, comme le soudage et la mise en œuvre de solvants inflammables.

Le travail du bois

Bois, contreplaqué, aggloméré et plexiglas sont d’un emploi courant dans la construction de décors. Leur utilisation est associée à certains risques parmi lesquels il faut citer: les accidents avec les machines à bois, les outils électriques et les outils à main, les chocs électriques, les incendies dus aux poussières de bois, les effets toxiques consécutifs à l’inhalation des poussières de bois, des produits de décomposition du formaldéhyde et du méthacrylate de méthyle dégagés lors de l’usinage, ainsi que l’inhalation de solvants entrant dans la fabrication des colles de contact.

Les précautions consistent à équiper les machines de dispositifs de protection, à veiller à la sécurité électrique, à l’ordre et à la propreté de l’atelier pour réduire les risques d’incendie, à utiliser un dépoussiéreur, à assurer une ventilation adéquate des locaux et à se protéger les yeux.

Le soudage, le coupage et le brasage

Les cadres d’acier ou d’aluminium sont d’usage courant dans le montage des décors. Ces structures sont assemblées par soudage à l’oxyacétylène ou à l’arc selon divers procédés. La projection d’étincelles peut être source d’incendie, les gaz comprimés peuvent causer incendies et explosions et les arcs à souder être à l’origine de chocs électriques. Les fumées métalliques, les métaux fondus, les gaz de soudage (ozone, oxydes d’azote, monoxyde de carbone) et les rayonnements ultraviolets peuvent également être dangereux pour la santé.

Il est donc recommandé de retirer les matériaux combustibles ou, du moins, de les protéger, de ranger avec soin les bouteilles de gaz comprimé et de les manipuler correctement, de veiller à la sécurité électrique, de prévoir une bonne ventilation ainsi qu’un équipement de protection.

La mise en peinture des décors

La mise en peinture des panneaux des décors et des rideaux en tissu se fait avec des peintures et colorants à base de solvants ou d’eau, des laques, vernis, etc. Les teintures en poudre et les pigments (souvent encore au chromate de plomb) sont généralement mélangés à l’atelier. Les grands panneaux et les rideaux sont souvent peints par pulvérisation. Les solvants servent à dissoudre les teintures et les résines, à diluer la peinture ou à l’enlever, ainsi qu’à retirer d’autres revêtements, à nettoyer les outils et les pinceaux, parfois au nettoyage des mains. Outre les risques qu’ils posent en cas de contact cutané et d’inhalation (vapeurs de solvants, aérosols, teintures et pigments en poudre), les solvants peuvent aussi être à l’origine d’incendies, surtout quand ils sont pulvérisés.

Il convient donc, par précaution, de ne pas employer de pigments au plomb, mais plutôt des peintures et des teintures à l’eau, d’assurer une bonne ventilation pendant l’emploi de solvants, de porter une protection respiratoire lors des pulvérisations, de stocker soigneusement les liquides inflammables et de les manipuler correctement et, enfin, d’éliminer par des méthodes sûres les résidus de solvants et de peintures.

Les résines de plastique

La confection des grands décors et des accessoires a souvent recours à différents types de résines: polyuréthane, époxydique, polyester, etc. La pulvérisation de résines de polyuréthane contenant du diisocyanate de diphénylméthane est particulièrement dangereuse, car elle comporte un risque de pneumopathie due à des agents chimiques et d’asthme. Les résines époxydiques, celles de polyester et les solvants sont dangereux pour la peau et les yeux ou lorsqu’ils sont inhalés; ils peuvent aussi causer des incendies.

Il faut, en conséquence, privilégier les matériaux moins dangereux (par exemple, le ciment ou le celastic plutôt que les mousses de polyuréthane en aérosols, les produits à l’eau plutôt qu’à base de solvants), assurer une bonne ventilation par aspiration localisée, veiller à ranger et à manipuler les produits convenablement, éliminer correctement les déchets et porter un équipement de protection adéquat.

Les accessoires et les maquettes

Les résines de plastique sont utilisées pour la fabrication des armures, des masques, du verre à briser et d’autres accessoires ou maquettes, à l’instar du bois, du plâtre, du métal, du plastique, etc. Sont également employées diverses colles à base de solvants ou d’eau. Les solvants servent aussi d’agents de nettoyage. Les précautions à prendre sont les mêmes que celles précédemment décrites.

Michael McCann

La sécurité

Les impératifs de sécurité consistent, notamment, à aménager des issues de secours adéquates, à les signaler et à en laisser l’accès libre de tout matériel et de tous câbles électriques, ainsi qu’à retirer, entreposer et manipuler convenablement les matières combustibles, les liquides inflammables et les gaz sous pression. La végétation sèche avoisinant le site de tournage, en extérieurs, et les matériaux combustibles employés à l’occasion de la réalisation d’un film, tels que les poussières de bois et les tentes, doivent être retirés ou, du moins, ignifugés.

Automobiles, bateaux, hélicoptères et autres moyens de transport sont fréquemment utilisés pour les tournages et causent de nombreux accidents, parfois même mortels, lorsqu’ils servent au transport, mais aussi pendant le tournage. Il est essentiel que tous les pilotes de véhicules et d’avions aient les qualifications requises et qu’ils se plient aux lois et réglementations en vigueur.

Les échafaudages et les portiques

En extérieurs et en studio, les projecteurs sont accrochés aux décors, à des échafaudages ou à des herses fixes; ils peuvent aussi être volants et reposer sur un pied mobile. Les portiques sont également utilisés pour faire disparaître un décor ou une personne dans le cadre d’effets spéciaux. Les risques peuvent être la chute d’un échafaudage, de projecteurs ou d’autres matériels et la rupture des portiques.

Les précautions à prendre pour ce qui est des échafaudages consistent à veiller à la sécurité de leur construction, à la présence de garde-corps et de plinthes, au bon soutènement des échafaudages roulants et à l’arrimage solide de tout l’équipement. La mise en place, le maniement, l’entretien, l’inspection et la réparation des portiques ne doivent être confiés qu’à des personnes dûment formées et qualifiées. Seul le personnel affecté à ce type de matériel doit avoir accès à des postes de travail tels que les échafaudages et les passerelles.

Le matériel électrique et les systèmes d’éclairage

Une grande capacité électrique est généralement nécessaire pour faire fonctionner les batteries de projecteurs et satisfaire les besoins quotidiens en électricité sur le plateau. Si, naguère, on utilisait le courant continu, il est aujourd’hui souvent remplacé par le courant alternatif. Il arrive parfois, surtout en extérieurs, que l’approvisionnement en électricité provienne de sources indépendantes. Les risques électriques sont, entre autres, des courts-circuits sur les fils ou les appareils, des câblages déficients, des câbles ou des matériels défectueux, une mise à la terre du matériel insuffisante et un travail réalisé sur un sol mouillé. Le branchement sur la source d’électricité et le débranchement à la fin du tournage sont deux des opérations les plus délicates.

Tout travail électrique doit être effectué par des électriciens professionnels, conformément aux normes et aux pratiques en vigueur. Il est important d’utiliser, dans la mesure du possible, le courant continu au voisinage de l’eau, car il offre plus de sécurité, ou de poser des disjoncteurs de fuite à la terre.

L’éclairage peut être à l’origine de risques électriques et d’atteintes à la santé. Les lampes à décharge électrique à haute tension, comme les néons, les lampes halogènes et les lampes à arc sont particulièrement dangereuses; elles peuvent constituer des risques électriques et émettre un rayonnement ultraviolet ou des fumées toxiques.

Le matériel d’éclairage doit être maintenu en bon état, faire l’objet de contrôles réguliers et être solidement fixé pour empêcher les projecteurs de pencher ou de tomber. Il importe notamment, pour les lampes à haute tension, de s’assurer qu’elles ne présentent pas de fissures pouvant laisser échapper un rayonnement ultraviolet.

Les caméras

Les opérateurs de prise de vues peuvent être amenés à filmer dans de nombreuses situations à risque, comme à partir d’un hélicoptère, d’un véhicule en mouvement, d’une grue de caméra ou à flanc de montagne. La caméra est, le plus souvent, placée sur un trépied, un chariot (pour l’effet de travelling), une grue (pour les vues en plongée) ou encore sur une voiture (pour filmer des véhicules en mouvement). Il est arrivé à plusieurs occasions que des opérateurs trouvent la mort en filmant dans des conditions dangereuses ou lors du tournage de cascades, voire de la réalisation d’effets spéciaux.

Les précautions pour les grues de caméra consistent à en tester préalablement les commandes, à s’assurer que leur support et leur pied reposent sur une surface stable, à vérifier que le plateau sur lequel est effectué le travelling a été correctement préparé, que la grue est installée à une distance sûre des fils électriques à haute tension et, le cas échéant, que les opérateurs portent un harnais de sécurité.

Il est préférable d’utiliser des véhicules à caméra insérée, qui remorquent le véhicule à filmer, plutôt que de monter la caméra à l’extérieur du véhicule filmé. Certaines précautions doivent être prises, telles que disposer d’une liste de contrôle, limiter le nombre des personnes dans la voiture, confier les fixations à des experts ou prévoir des procédures d’abandon et un système de communication radio réservé à cet effet.

Les acteurs, les figurants et les doublures

Voir l’article «Les acteurs» dans le présent chapitre.

Les costumes

Les costumes sont confectionnés et entretenus par les habilleurs, qui sont ainsi exposés à toutes sortes de teintures, de peintures, de solvants dangereux, d’aérosols, etc., dans un lieu souvent dépourvu de ventilation.

Particulièrement nocifs, les solvants de nettoyage à base de chlore doivent être remplacés par des produits plus sûrs, tels que les essences minérales. Un système approprié de ventilation par aspiration localisée doit fonctionner lors de la pulvérisation de teintures ou de l’emploi de produits contenant des solvants. Le mélangeage des poudres doit se faire dans une boîte à gants fermée.

Les effets spéciaux

Le cinéma a recours à une infinité d’effets spéciaux pour simuler des événements qu’il serait dangereux, impossible ou trop coûteux d’exécuter. Il peut s’agir de brouillards, de fumées, d’incendie, d’effets pyrotechniques, de décharges d’armes à feu, de neige, de pluie, de vent, d’effets produits par ordinateur et de décors en maquette à échelle réduite. Beaucoup de ces effets spéciaux présentent des dangers réels. D’autres, non moins risqués, mettent en scène des rayons laser, des produits chimiques toxiques comme le mercure qui sert à obtenir des reflets argentés, des objets ou des personnes qui volent, avec ce que cela suppose de dangers électriques liés à la pluie et autres effets d’eau. De tels effets spéciaux exigent de prendre des précautions appropriées.

D’une façon générale, les effets spéciaux dangereux doivent être soigneusement planifiés, faire l’objet de procédures de sécurité écrites et être réalisés par des opérateurs bien formés et expérimentés. Les risques qui leur sont associés seront moindres si une coordination est instaurée avec les sapeurs-pompiers et d’autres services d’intervention, si tous les intéressés sont prévenus de la réalisation de tels effets (et peuvent, de ce fait, refuser d’y participer), si les enfants ne sont pas admis dans le secteur du tournage, si des répétitions précises permettent de tester les effets à tourner et si l’accès au plateau est réservé aux personnes absolument indispensables. En outre, il faut disposer d’un système de communication d’urgence indépendant, réduire le plus possible le nombre de prises de vue et prévoir des procédures permettant d’abandonner la production en cas de nécessité.

La pyrotechnie permet de créer des effets d’explosion, d’incendie, de lumière, de fumée et de choc assourdissant. Les substances pyrotechniques utilisées sont généralement des explosifs de faible puissance (de catégorie B, pour la plupart), notamment la poudre éclairante, le papier flash, le coton-poudre, la poudre noire et la poudre sans fumée. Elles servent à simuler les impacts de balles (pétards) et sont employées dans les cartouches à blanc, pour les éclairs, les fusées, les lance-bombes, les dégagements de fumée, etc. Les puissants explosifs de la catégorie A, comme la dynamite, ne doivent pas être utilisés, même si l’on met parfois en œuvre des cordons détonateurs. Les principaux risques sont liés au déclenchement prématuré de l’effet pyrotechnique, à un départ d’incendie dû à une utilisation de quantités plus importantes que nécessaire, à un nombre insuffisant d’extincteurs et au manque de préparation ou à l’inexpérience des pyrotechniciens.

En plus des précautions générales, des précautions particulières doivent être prises avec les explosifs utilisés en pyrotechnie; ce sont, entre autres, un entreposage adéquat, l’utilisation de substances appropriées dans les quantités minimales requises pour obtenir l’effet désiré et la réalisation d’essais en l’absence de spectateurs. Lors des opérations pyrotechniques, il doit être interdit de fumer; le matériel de lutte contre l’incendie et le personnel entraîné à son utilisation doivent être à disposition. La mise à feu doit être effectuée par un dispositif électronique, et une ventilation adéquate est nécessaire.

Il existe toute une gamme d’effets de feu , du poêle à gaz ou de la cheminée ordinaires à l’incendie destructeur qui ravage voitures, maisons, forêts et dont même des êtres humains peuvent être victimes (voir figure 96.15). Dans certains cas, le feu est simulé par des lumières intermittentes et par des effets électroniques. Les combustibles utilisés pour créer les effets de feu sont, parmi d’autres, le propane, la colle de caoutchouc, l’essence et le kérosène. Ils sont souvent associés à des effets pyrotechniques. Le danger à redouter est que l’on ne puisse plus maîtriser le feu et la chaleur qu’il dégage. Un mauvais entretien du matériel servant à produire le feu, l’emploi de quantités excessives de substances inflammables ou la présence fortuite d’autres matériaux combustibles ainsi qu’un entreposage non conforme de liquides et de gaz inflammables constituent autant de facteurs de risque. Le manque d’expérience de certains opérateurs chargés de réaliser des effets spéciaux peut également être responsable d’accidents.

Figure 96.15 Effet spécial d'incendie

Figure 96.15

Les précautions à prendre sont les mêmes que celles pour la pyrotechnie: remplacer l’essence, la colle de caoutchouc et d’autres substances inflammables par les gels combustibles et certains combustibles liquides moins dangereux mis au point ces dernières années. Les objets, matériels, etc., qui se trouvent dans la zone de feu ne doivent en aucun cas être combustibles; ils doivent être ignifugés. Cette dernière précaution est valable pour les costumes des acteurs qui jouent à proximité; ils doivent aussi être ignifugés.

Les effets de brouillard et de fumée sont fréquents au cinéma. Le brouillard est souvent produit à partir de neige carbonique (dioxyde de carbone), d’azote liquide, de distillats du pétrole, de générateurs de fumée à base de chlorure de zinc (qui peuvent aussi comporter des hydrocarbures chlorés), de chlorure d’ammonium, d’huile minérale, de glycol et de vapeur d’eau. Certaines substances, comme les distillats du pétrole et le chlorure de zinc, sont extrêmement irritantes pour les voies respiratoires et peuvent provoquer une pneumopathie due à des agents chimiques. La neige carbonique, l’azote liquide et la vapeur d’eau sont chimiquement les moins dangereux, même s’ils peuvent entraîner une concentration d’oxygène qui risque de rendre l’air irrespirable, en particulier dans des lieux clos. Les systèmes de production de brouillards à partir de la vapeur d’eau peuvent être à l’origine de contaminations microbiologiques. Il semblerait que les brouillards et les fumées qui étaient considérés comme les plus sûrs, tels que ceux produits à partir d’huile minérale et de glycol, puissent occasionner une irritation respiratoire.

Les précautions particulières consistent à éliminer les fumées et les brouillards les plus dangereux, à fabriquer les brouillards avec une machine conçue à cet effet, à réduire la durée de leur emploi, notamment en limitant le nombre de prises de vue, et à éviter de les produire dans les lieux clos. Les brouillards seront dissipés le plus rapidement possible et les opérateurs devraient porter un masque.

Les armes à feu sont d’un usage fréquent dans les films. Il en est de tous types, des armes anciennes aux fusils et aux mitrailleuses. Dans de nombreux pays (à l’exception des Etats-Unis), le tir à balles réelles est interdit. Néanmoins, les balles à blanc, souvent utilisées conjointement avec des balles réelles pour simuler les impacts, ont causé de nombreux accidents, dont certains mortels. Les balles à blanc étaient autrefois faites d’une douille en métal contenant une amorce à percussion et de la poudre sans fumée recouverte de bourre de papier qui pouvait être éjectée à grande vitesse au moment de la mise à feu. Aujourd’hui, certaines balles à blanc sont constituées d’une enveloppe de plastique spécial renfermant une amorce et de la poudre éclairante; elles ne produisent qu’un éclair et une détonation. Les munitions à blanc sont communément employées en même temps que les impacts de balles (des sortes de pétards), faits d’un détonateur logé dans une enveloppe de plastique, et qui sont placés à l’intérieur de l’objet censé être touché par la balle, de façon à simuler un véritable impact. Hormis l’emploi de balles réelles, le danger tient aux balles à blanc utilisées à bout portant, au mélange de balles réelles et de balles à blanc ou à l’utilisation de munitions non adaptées à l’arme à feu. Les armes modifiées de façon inadéquate peuvent aussi constituer un danger, de même que le manque d’entraînement au tir à blanc.

Les balles réelles et les armes non modifiées devraient être interdites sur le plateau et, dans la mesure du possible, il convient de recourir à des armes factices. Les armes à balles réelles devraient être bannies au profit des balles à blanc, sans danger. Les armes devraient être régulièrement vérifiées par le chef accessoiriste ou par d’autres spécialistes en armurerie. Elles devraient être rangées en lieu sûr, tout comme les munitions. Les armes ne devraient jamais être pointées vers les acteurs au cours d’une scène. Les opérateurs de prises de vue et les autres personnes se trouvant aux abords du plateau devraient être protégés contre les balles à blanc par des écrans.

Les cascades

On désigne par le terme cascade toute séquence d’action qui expose les acteurs ou d’autres personnes présentes sur le plateau à un risque supérieur à la normale. Les cascades sont devenues d’autant plus courantes que les films tendent à un réalisme accru. Les cascades potentiellement dangereuses sont, par exemple, les chutes d’une grande hauteur, les combats, les scènes d’hélicoptère, les poursuites en voiture, les incendies et les explosions. Près de la moitié des accidents mortels se produisant pendant le tournage sont liés à des cascades, qui souvent comportent aussi des effets spéciaux.

Si les cascades mettent le cascadeur en danger, elles présentent aussi des risques pour les opérateurs et les autres acteurs. La plupart des précautions générales mentionnées à propos des effets spéciaux s’appliquent aussi aux cascades. Il faut, en outre, que le cascadeur ait l’expérience du type d’acrobatie qui doit être filmée. Un directeur de cascades a pour tâche de coordonner toutes les opérations, car un seul individu ne peut à la fois effectuer la cascade et assurer convenablement sa propre sécurité, particulièrement quand plusieurs cascadeurs interviennent.

Les aéronefs , notamment les hélicoptères, sont à l’origine des accidents les plus graves survenus au cinéma. Les pilotes n’ont souvent pas la qualification suffisante pour effectuer des cascades. Les acrobaties aériennes, le vol en rase-mottes, le vol trop près de plateaux où sont mis en œuvre des effets pyrotechniques, le tournage à partir d’un hélicoptère portes ouvertes ou d’une nacelle sans protection adéquate contre le risque de chute figurent parmi les cas les plus dangereux. Voir l’article «Les hélicoptères», au chapitre no 102, «Les transports et l’entreposage», de la présente Encyclopédie.

Une précaution essentielle consiste à faire appel à un consultant indépendant, spécialiste de l’aviation qui, avec le pilote, recommandera les procédures de sécurité à suivre et veillera à ce qu’elles soient respectées. Il faut par ailleurs interdire au personnel de s’approcher à moins d’une quinzaine de mètres des appareils au sol et fournir des directives écrites claires pour le tournage à proximité d’avions dont le moteur tourne, ainsi que pendant le décollage ou l’atterrissage. Il est primordial d’assurer une bonne coordination avec les pyrotechniciens ou autres opérateurs chargés des effets spéciaux dangereux; de même, il faut observer les consignes qui garantissent la sécurité des opérateurs filmant à partir d’un appareil en vol. Des procédures d’arrêt des opérations sont nécessaires.

Les séquences d’action comportant des véhicules ont aussi été la source de nombreux accidents, parfois tragiques. Les effets spéciaux, tels que les explosions, les collisions, les chutes d’automobiles dans des cours d’eau et les poursuites en voiture mettant en scène plusieurs véhicules sont la cause d’accidents la plus répandue. Les scènes de motocyclettes peuvent être plus dangereuses encore, parce que le conducteur ne porte pas de protection individuelle.

A titre de précaution, il faut utiliser des voitures équipées de caméras. On peut réduire le risque d’accident en faisant systématiquement appel à des cascadeurs chevronnés et en faisant suivre une formation spéciale aux passagers non cascadeurs. D’autres règles de sécurité doivent être observées: disposer d’un équipement de protection approprié; inspecter toutes les rampes et autres matériels employés pour la cascade; utiliser des mannequins dans les voitures pour les collisions, les explosions et autres séquences à très haut risque; enfin, ne pas diriger les véhicules droit sur la caméra lorsqu’il y a un opérateur derrière. La figure 96.16 donne un exemple d’utilisation de mannequins pour une cascade sur des montagnes russes. Une bonne ventilation est indispensable quand des automobiles sont filmées en intérieurs et que leur moteur tourne. Les motocyclettes destinées aux cascades doivent être équipées d’un interrupteur de contrôle qui permet de couper le moteur quand le conducteur se sépare de l’engin.

Figure 96.16 Emploi de mannequins pour une cascade sur des montagnes russes

Figure 96.16

Les cascades qui utilisent le feu et l’explosion exposent leurs exécutants à des risques supérieurs et requièrent des précautions spécifiques qui vont au-delà de celles généralement nécessaires aux effets spéciaux. Pour se protéger, les cascadeurs directement exposés aux flammes doivent s’être enduits les cheveux, la peau, les vêtements, etc. d’un gel isolant (par exemple, du Zel Jel). Ils doivent aussi porter des vêtements de protection, notamment une tenue ignifugée sous le costume, des gants et des chaussures ininflammables. Ils doivent parfois disposer de ballons d’oxygène dissimulés à la vue. Du personnel entraîné au maniement d’extincteurs au dioxyde de carbone devrait être prêt à intervenir en cas d’urgence.

Les scènes de combat amènent les acteurs à se battre à poings nus ou de toute autre manière sans arme, ou encore à se servir de couteaux, d’épées, d’armes à feu et d’autres équipements de combat. Au cinéma comme au théâtre, il est rare que l’on fasse appel à des cascadeurs pour les combats, et le manque d’entraînement est une cause fréquente d’accidents.

Les armes truquées, comme les couteaux ou les épées à lame rétractable, offrent plus de sécurité. Les armes devraient être entreposées avec soin. La formation à leur emploi est essentielle. L’acteur devrait savoir tomber et s’en servir. Les combats doivent être bien réglés et faire l’objet de répétitions. Les combattants doivent être protégés par une tenue et un équipement appropriés. Aucun coup ne devrait être porté directement. Si un combat implique un risque important (chute dans un escalier ou défenestration), il devrait être fait appel à une doublure professionnelle pour la cascade.

Les chutes, dans les cascades, sont très diverses: chutes du haut d’un escalier, d’un cheval, à l’occasion d’un saut au trampoline ou d’un catapultage avec un système à encliquetage, chutes à pic du sommet d’une falaise ou d’un immeuble (voir figure 96.17), etc. De nombreux accidents mortels et blessures ont été occasionnés par des chutes mal préparées.

Figure 96.17 Longue chute dans le cadre d'une cascade

Figure 96.17

De telles chutes doivent être réservées aux cascadeurs expérimentés. Dans la mesure du possible, la chute devrait être simulée. Aussi, une chute dans un escalier peut-elle être filmée par séquences de quelques marches, afin que le cascadeur reste maître de la situation, ou une chute d’un immeuble élevé simulée par un saut dans un filet, le reste de la chute étant effectué par un mannequin. Les chutes élevées requièrent la présence d’un coordinateur spécialisé et la mise en place d’un dispositif antichute pour assurer une bonne décélération. Les chutes de plus de 3 m exigent deux contrôleurs de sécurité. D’autres précautions consistent à prévoir, selon le type de chute, des coussins gonflables, des coussins de toile garnis de caoutchouc mousse, des bacs à sable, etc. Il est essentiel de tester tout le matériel.

Les scènes avec des animaux peuvent être très dangereuses parce que leur comportement est imprévisible. Certains, comme les gros félins, peuvent attaquer s’ils sont effarouchés. De grands animaux tels que les chevaux peuvent constituer un danger simplement en raison de leur taille. On ne devrait pas utiliser d’animaux dangereux, non dressés ou malades sur le plateau. Les reptiles venimeux (le crotale, par exemple) sont particulièrement dangereux. En plus des risques auxquels est exposé le personnel, il conviendrait de prendre en compte la sécurité et la santé des animaux.

Seuls des dresseurs expérimentés devraient être autorisés à travailler avec les animaux. Le travail doit se faire dans des conditions qui leur conviennent et le matériel doit répondre aux règles fondamentales de sécurité (extincteurs, manches à incendie, filets, tranquillisants, etc.). Il devrait être laissé aux animaux le temps de se familiariser avec le plateau, auquel seules les personnes indispensables devraient avoir accès. Tout facteur de nature à perturber les animaux devrait être éliminé et ceux-ci devraient être, dans la mesure du possible, soustraits aux bruits intenses et aux lumières éblouissantes, à la fois pour qu’ils ne risquent pas d’être blessés et qu’ils restent maîtrisables. Certaines situations, comme celles qui mettent en scène des serpents venimeux ou de nombreux chevaux, exigent des précautions spécifiques.

Les cascades aquatiques comportent, notamment, les plongeons, les scènes tournées dans des rapides, les séquences avec des hors-bord et les batailles navales. Les risques encourus sont la noyade, l’hypothermie en eau froide, les embolies en plongée, les infections dues aux eaux contaminées, etc. Des équipes de secours, composées, entre autres, de plongeurs diplômés, devraient être prêtes à intervenir. Il est bon aussi d’exiger des acteurs ou des opérateurs de prises de vue qu’ils soient des plongeurs certifiés, qu’ils portent des scaphandres autonomes (SCUBA) et disposent d’un équipement de plongée de réserve. Des procédures de décompression d’urgence doivent être prévues pour les plongées de plus de 10 m. Des canots de sauvetage et du matériel de sécurité, tel que des filets et des cordes pour les scènes dans les rapides, doivent être prévus.

Les programmes de prévention

La plupart des grands studios cinématographiques ont un responsable de la sécurité et de la santé chargé de superviser, à plein temps, les programmes afférents à ces domaines. La question de la responsabilité et de l’autorité peut toutefois se poser lorsque, comme cela se fait de plus en plus, un studio loue des locaux à une société de production. La plupart des entreprises de production ne disposent pas de programme de prévention. Or, il est essentiel qu’un responsable de la sécurité et de la santé, doté d’une autorité suffisante, établisse des procédures en la matière et veille à leur respect. Il est nécessaire d’intégrer les activités de tous ceux qui sont chargés de planifier la production, tels que les coordonnateurs de cascades, les opérateurs d’effets spéciaux, les spécialistes d’armes à feu et le régisseur, qui est généralement le principal responsable de la sécurité des décors, des caméras, des échafaudages, etc., tous ces intervenants possédant une connaissance et une expérience spécialisées de la sécurité. Un comité d’hygiène et de sécurité qui se réunit régulièrement avec des représentants de tous les secteurs et les syndicats peut assurer la liaison entre la direction et les travailleurs. De nombreux syndicats possèdent leur propre comité, où peuvent être regroupées toutes sortes de compétences dans ces domaines.

Les services médicaux

Il est indispensable que des services médicaux d’urgence et ordinaires soient prévus pendant la production d’un film. De nombreux studios disposent d’un service médical permanent, mais la plupart des sociétés de production n’en ont pas. La première chose à faire pour déterminer le type de service médical nécessaire en extérieurs consiste à évaluer les besoins, à identifier les risques médicaux potentiels (notamment les vaccinations requises dans certains pays et les éventuelles maladies endémiques), à apprécier les conditions environnementales et climatiques et, enfin, à se renseigner sur les ressources médicales locales. Il faut ensuite procéder à une analyse détaillée des principaux risques et s’informer des possibilités de soins d’urgence et d’autres soins médicaux existants afin de préciser le plan d’intervention à adopter. Dans des situations à haut risque ou sur des lieux de tournage éloignés, il est impératif que des médecins formés aux soins d’urgence soient présents. Là où l’accès à des centres de secours appropriés est facile, une équipe d’auxiliaires médicaux ou de secouristes bien entraînés peut suffire. De plus, il devrait être prévu des transports d’urgence adéquats. Il est arrivé que l’absence de moyens de ce type de transports ait entraîné des décès (Carlson, 1989; McCann, 1989).

Les normes

En matière de sécurité et de santé au travail, peu de réglementations concernent l’industrie cinématographique en particulier. Néanmoins, de nombreuses règles générales s’y appliquent, notamment en ce qui concerne la sécurité incendie ou encore les risques liés aux échafaudages, aux ascenseurs, au soudage, etc. Sur place, les sapeurs-pompiers locaux exigent généralement que la production sollicite des autorisations spéciales pour filmer des incendies et peuvent même imposer la présence de personnel d’intervention sur le plateau.

De nombreuses sociétés de production ne laissent travailler certains opérateurs d’effets spéciaux, tels que les pyrotechniciens, les techniciens des rayons laser et les utilisateurs d’armes à feu, que si des conditions particulières sont satisfaites. Des dispositions et des permis peuvent régir des cas spécifiques comme la vente, l’entreposage et l’utilisation de matériel pyrotechnique, ainsi que l’emploi d’armes à feu.

LA RADIO ET LA TÉLÉVISION

Nancy Clark

La production d’émissions de radio et de télévision comporte, notamment, les prises de vue et les enregistrements en extérieurs et en studio, le montage de la bande image et de la bande son, la diffusion et la réception des émissions, la gestion de l’information électronique et des illustrations graphiques, la maintenance du matériel et des bandes. Les ingénieurs et les techniciens produisent des émissions préenregistrées et en direct pour les grandes chaînes, les câblo-distributeurs, les stations locales et les sociétés de production. Les principaux professionnels concernés sont les opérateurs de prises de vue, les ingénieurs du son, les monteurs de bandes, les informaticiens, les ingénieurs de maintenance, les journalistes radio et télévision et les autres animateurs de la télévision et de la radio.

La radiodiffusion et les activités qu’elle implique peuvent se faire dans des endroits isolés, en studio ou dans des magasins d’accessoires et des ateliers d’entretien. Les employés peuvent être exposés aux divers dangers spécifiques de tout local technique, soit un air vicié, une mauvaise conception du lieu de travail, des rayonnements électromagnétiques à basse fréquence (la diffusion et la réception des émissions s’effectuent sur ondes ultracourtes et la densité du matériel électronique peut créer d’importants champs énergétiques à basse fréquence, etc.). Des écrans de protection et une bonne disposition du matériel permettent de protéger les opérateurs de ces champs.

Les risques et les précautions

Le travail en extérieurs

Les équipes mobiles de tournage et de prise de son couvrent l’information et les événements particuliers pour les chaînes et les stations locales. Elles transportent sur place le matériel dont elles ont besoin pour l’émission: caméras, magnétophones, éclairage, trépieds, câbles électriques, etc. Depuis l’apparition de caméras légères munies d’enregistreurs de son, une seule personne peut suffire pour opérer. Les risques tiennent, notamment, aux trébuchements, aux glissades, aux chutes et aux atteintes musculo-squelettiques. La violence des émeutes et des guerres peut occasionner des blessures, parfois fatales. Le mauvais temps, les foules, les catastrophes écologiques et les difficultés de terrain accroissent les risques d’accidents graves et de maladies au sein des équipes.

Le danger peut être réduit en évaluant le risque de violence que présente le lieu et en vérifiant que l’emplacement de tournage est sûr. Un équipement de protection individuelle, comportant par exemple un gilet pare-balles et un casque, peut aussi s’avérer nécessaire. Un personnel en nombre suffisant, un matériel de manutention adéquat et des techniques de levage approprié contribuent à prévenir les atteintes musculo-squelettiques.

Les informations et les bulletins sur la circulation automobile sont souvent enregistrés ou diffusés à partir d’hélicoptères. Des opérateurs ont été tués ou blessés lors d’accidents ou d’atterrissages forcés. Pour assurer la protection de ce personnel, il est indispensable que les pilotes aient la formation et la qualification requises, que le matériel fasse l’objet d’un entretien préventif et que soient interdites les manœuvres dangereuses (par exemple, un vol trop près d’autres hélicoptères ou d’installations) (voir l’article «Les hélicoptères», au chapitre no 102, «Les transports et l’entreposage», de la présente Encyclopédie).

Les événements sportifs, comme les tournois de golf ou les courses automobiles, et d’autres manifestations particulières sont souvent filmés à partir de plates-formes élevées ou d’échafaudages. Des monte-charges et des grues sont aussi utilisés pour installer le matériel et le personnel. Ces structures et ces machines s’apparentent à celles que l’on emploie généralement dans le bâtiment et le cinéma. De plus, les risques qui leur sont associés sont les mêmes: chute de hauteur, blessures dues à la chute d’un objet, foudroiement en cas d’orage et électrocution au contact de lignes électriques aériennes ou de matériel électrique sous tension.

Il faut donc, notamment, monter convenablement les plates-formes, les contrôler soigneusement, les équiper de garde-corps munis de plinthes pour empêcher les objets de tomber, prévoir des échelles d’accès, assurer la mise à la terre du matériel électrique et son isolation et être attentif aux alertes météorologiques, qu’il faut suivre comme on le fait dans le bâtiment.

Les productions en studio

Les productions en studio présentent l’avantage de se dérouler dans un cadre que les opérateurs de prises de vue, les preneurs de son et les spécialistes d’effets spéciaux connaissent bien. Les risques encourus sont les mêmes que ceux décrits pour la production cinématographique: atteintes musculo-squelettiques, risques électriques, bruit (en particulier, dans les studios radiophoniques consacrés à la musique rock), exposition aux fumées et aux brouillards de scène, etc. Les mesures de prévention consistent notamment à veiller à une conception ergonomique des lieux de travail et du matériel, à assurer une bonne sécurité électrique, à limiter les niveaux sonores, à sélectionner soigneusement les fumées et les brouillards et à mettre en place une ventilation adéquate.

Le montage, la manutention et l’entreposage de films

Avant d’être diffusées, les bandes image et son doivent être montées. Le travail varie selon l’importance de l’entreprise, mais il n’est pas rare que plusieurs opérations de montage s’effectuent simultanément. Le montage requiert une grande attention. Pourtant, il arrive que les salles de montage soient bruyantes, surpeuplées et mal éclairées, qu’elles présentent des risques électriques et que l’air y soit de mauvaise qualité. L’espace et le matériel peuvent être d’une conception ergonomique défectueuse. Les tâches peuvent être répétitives, le bruit et le risque d’incendie être importants. Il est nécessaire que le lieu de travail soit bien conçu et, par conséquent, qu’il soit spacieux, bien éclairé et ventilé, insonorisé et protégé contre les risques électriques. Des procédures d’inspection et de manutention particulières sont indispensables pour l’entreposage des vieux films. Certaines sociétés de production possèdent leur propre cinémathèque qui abrite des films anciens, sur pellicule à la nitrocellulose (nitrate de cellulose). Ce support n’est plus employé, mais les films qui en contiennent présentent un grand danger, compte tenu que la nitrocellulose s’enflamme et explose facilement.

L’infographie est fréquente dans les programmes enregistrés et suppose de longues heures passées devant un écran. Les conditions de travail varient suivant la taille et la configuration des locaux. Les contraintes en matière de conception du lieu de travail sont les mêmes que celles en vigueur pour les autres postes de travail sur ordinateur.

Les ateliers d’entretien

Des techniciens et des ingénieurs sont chargés d’entretenir les caméras, le matériel d’enregistrement, le matériel de montage et d’autres équipements servant à la diffusion. Leurs conditions de travail sont semblables à celles de leurs homologues de l’industrie. Des solvants organiques à faibles résidus, comme le fréon, l’acétone, le méthanol, le méthyléthilycétone et le chlorure de méthylène sont utilisés pour nettoyer les pièces électroniques et les contacts électriques. Les composants métalliques sont réparés à l’aide d’outils de soudage, de brasage et d’outils à commande mécanique. Les risques encourus sont, notamment, l’inhalation de vapeurs de solvants et de fumées métalliques, le contact cutané avec les solvants, l’incendie et les accidents dus aux machines. Il faut utiliser du matériel plus sûr, assurer l’évacuation des vapeurs de solvants et des fumées de soudage grâce à un système de ventilation par aspiration localisée et équiper les machines de dispositifs de protection.

LE JOURNALISME

Aidan White

Le journalisme est une des professions les plus «romanesques», mais aussi l’une des plus dangereuses. Entre 1990 et 1997, plus de 500 journalistes et professionnels des médias ont trouvé la mort, souvent victimes de malfaiteurs, de groupes paramilitaires et de terroristes. Chaque année, des centaines de reporters et de journalistes de la presse écrite sont blessés, tant physiquement que psychologiquement, dans le cadre de guerres atroces et de conflits sociaux (voir figure 96.18).

Figure 96.18 Le 11 février 1996 à Alger: les ruines des bureaux du Soir, l'un des
trois journaux visés par des attentats terroristes à la voiture piégée

Figure 96.18

La tendance à vouloir manipuler ou contrôler l’information se fait de plus en plus manifeste à mesure que la communication croît en vitesse et en portée. Aujourd’hui, l’information circule d’un bout du monde à l’autre en quelques secondes grâce aux technologies satellitaires. Les nouvelles peuvent parvenir chez les particuliers au moment même où les événements se déroulent.

De ce fait, les journalistes et leurs auxiliaires visibles — par exemple, les opérateurs de prises de vue et les techniciens — constituent une menace pour tout groupe, officiel ou non, qui veut éviter la curiosité du public. D’où des attaques spécifiques dirigées contre les journalistes et les médias.

Le problème de la «censure par la violence» est exacerbé par la concurrence commerciale entre les médias et l’absence de réglementation en matière d’emploi. Les réseaux de médias se disputent âprement les parts de marché, ce qui accentue la pression exercée sur les journalistes, appelés désormais à fournir des images et des reportages toujours plus dramatiques et plus spectaculaires. Beaucoup de professionnels sont ainsi amenés à prendre davantage de risques que par le passé.

La situation est d’autant plus grave que peu d’entreprises de presse forment leur personnel à faire face aux situations de violence et de conflit, quand bien même cette formation est essentielle. Les journalistes doivent être en mesure d’évaluer, de façon cohérente et judicieuse, les risques qu’ils encourent dans le contexte de reportages où les choses évoluent très vite. Il leur faut aussi connaître les rudiments des premiers secours et avoir appris, auprès de journalistes chevronnés, comment travailler dans des situations dangereuses.

Les travailleurs les plus vulnérables — journalistes indépendants et pigistes — sont souvent les moins bien entraînés, même si une formation leur a été proposée. Ces personnels n’ont jamais été aussi nombreux, beaucoup d’entre eux étant recrutés sur le lieu même du reportage. Ils sont parfois employés sans couverture sociale, ni assurance vie. S’ils sont blessés, ils n’ont droit à aucune indemnité.

Du fait qu’ils travaillent fréquemment dans des circonstances imprévisibles, certains journalistes seront toujours exposés à des risques. Il est souvent impossible d’éviter qu’ils ne soient blessés, voire tués. Mais on peut prendre bien des dispositions pour les rendre moins vulnérables. Ainsi, en Algérie, où une soixantaine d’entre eux ont été assassinés entre juin 1994 et mars 1996, les syndicats de la profession, les employeurs et les autorités ont uni leurs efforts pour limiter les risques.

Il reste néanmoins aux entreprises de presse et aux représentants des professionnels des médias et des journalistes encore beaucoup à faire pour protéger le personnel. Il est, en particulier, indispensable:

En outre, les entreprises de médias doivent inverser les tendances récentes qui sont préjudiciables aux conditions sociales et professionnelles dans lesquelles s’exerce le métier de journaliste. Il leur faut consacrer davantage d’argent à la formation professionnelle et à la déontologie journalistique, de façon à privilégier le journalisme d’investigation, et ce pour la bonne santé des sociétés démocratiques.

Les journalistes eux-mêmes ont un rôle essentiel à jouer. Il leur appartient à tous de respecter les règles de sécurité individuelle les plus rigoureuses et de réduire au minimum les risques qu’ils prennent et font encourir à leurs confrères. Ils doivent maintenir les normes professionnelles les plus élevées et ne pas transiger sur l’éthique pour quelque aspect que ce soit de la collecte, du traitement ou de la diffusion de l’information.

Néanmoins, les professionnels ne sont pas les seuls à devoir prendre des mesures pratiques dans ce domaine. Les pouvoirs publics, qui ont la charge de protéger la vie et la sécurité des citoyens, doivent faire en sorte que les journalistes et les entreprises de presse bénéficient de la plus grande sécurité et soient à l’abri de la violence.

Les gouvernements et les autorités publiques ne doivent pas considérer que les journalistes font partie de l’appareil de sécurité de l’Etat, ni solliciter auprès des entreprises de médias des renseignements ou des documents de nature à appuyer des enquêtes dont les services officiels ont la responsabilité.

De tout temps, les gouvernements ont cherché — et c’est là une caractéristique inquiétante du journalisme — à utiliser l’activité journalistique pour exercer des opérations de surveillance et d’espionnage. Cette pratique expose tous les journalistes en déplacement à des soupçons et à des menaces.

La solution est de réduire les risques. Il n’existe pas de garanties de sécurité absolues, mais les gouvernements, les journalistes et les entreprises de médias doivent éviter de créer des situations qui favorisent le recours à la violence contre les médias. Un premier point consisterait à admettre qu’il n’y a pas de reportage aussi sensationnel soit-il qui vaille une vie.

LES DIVERTISSEMENTS

LES MUSÉES ET LES GALERIES D’ART

Kathryn A. Makos

Les musées et les galeries d’art sont, pour le grand public, une forme appréciée de loisir et de culture. Il existe de nombreux types de musées consacrés à l’art, à l’histoire, à la science, à l’histoire naturelle, destinés aux enfants, etc. Les expositions, conférences et publications que les musées proposent au public ne sont toutefois qu’une partie de leur fonction. La mission générale des musées et des galeries d’art est de rassembler, de conserver, d’étudier et d’exposer des objets ayant une importance artistique, historique, scientifique ou culturelle. Les recherches auxiliaires (travail sur le terrain, étude de la littérature, activités en laboratoire) et l’entretien apporté, en coulisse, aux collections constituent l’essentiel de leurs activités. Les collections exposées ne sont souvent qu’une infime partie des acquisitions du musée ou de la galerie, le reste étant entreposé dans des réserves ou prêté pour d’autres expositions ou des projets de recherche. Les musées et les galeries peuvent être des entités autonomes ou être rattachés à des institutions plus importantes, comme des universités, des organismes publics, des installations militaires, des sites historiques ou même des industries spécifiques.

Le fonctionnement d’un musée comporte plusieurs secteurs: l’entretien général des bâtiments, l’organisation des expositions, les activités didactiques, la gestion des collections (notamment, les études sur le terrain) et la conservation. Les métiers concernés, qui peuvent d’ailleurs empiéter les uns sur les autres suivant l’importance des effectifs, sont notamment les agents d’entretien des bâtiments, les gardiens, les menuisiers, les conservateurs, les illustrateurs et les artistes, les bibliothécaires et les enseignants, les chercheurs scientifiques, les spécialistes des expéditions et de la réception, sans oublier le personnel de sécurité.

L’entretien général des bâtiments

Les activités des musées et des galeries comportent des risques pour la sécurité et la santé similaires à ceux rencontrés dans d’autres domaines, mais aussi des risques spécifiques. Comme c’est le cas dans tous les grands édifices publics, les bâtiments peuvent présenter une qualité d’air médiocre et des risques liés à l’entretien, aux travaux de réparation et à la surveillance des lieux. Les systèmes anti-incendie sont essentiels pour protéger le personnel, les très nombreux visiteurs et des collections inestimables.

Les tâches d’ordre général incombent aux gardiens, aux spécialistes du chauffage, de la ventilation et de la climatisation, aux chauffagistes, aux peintres, aux électriciens, aux plombiers, aux soudeurs et aux mécaniciens. Les risques sont les glissades, les trébuchements et les chutes, les accidents dorsalgiques et les autres types de lésions, les chocs électriques, les incendies et explosions provoqués par les bouteilles de gaz sous pression ou le travail en ambiance chaude. Les risques pour la santé sont liés à l’exposition à des matières dangereuses, au bruit, aux fumées métalliques, aux fumées et aux gaz dégagés par les décapants, au rayonnement ultraviolet ainsi qu’aux huiles de coupe, solvants, résines époxydiques et plastifiants (susceptibles de causer des dermites). Le personnel de conservation est exposé aux projections accidentelles lors de la dilution de produits d’entretien, aux réactions provoquées par des mélanges chimiques incompatibles, aux dermites, à l’inhalation de poussières contenant des particules de peinture au plomb ou des résidus de stabilisants chimiques qui se trouvent dans les réserves du musée, aux lésions causées par les débris de verre dans les laboratoires, aux risques associés au travail à proximité du matériel de laboratoire et de produits chimiques dangereux, ou encore aux risques biologiques lors du nettoyage de la façade des bâtiments souillée par les oiseaux.

Les édifices anciens présentent des problèmes d’humidité et de moisissure et il n’est pas rare que l’air y soit de médiocre qualité. Les murs extérieurs sont souvent dépourvus de pare-vapeur, les systèmes de circulation d’air vétustes et difficiles à entretenir. Tant dans les bâtiments vieux de plusieurs siècles que dans les constructions modernes, les travaux de rénovation peuvent mettre en œuvre des matériaux dangereux: peintures au plomb, revêtements au mercure masquant de vieux miroirs ou amiante inclus dans certains éléments de décoration ou d’isolation. Dans le cas de monuments historiques, il faut trouver un équilibre entre la nécessité de préserver l’intégrité historique du lieu et les exigences imposées à la fois par les codes de sécurité et l’accueil des personnes handicapées. L’installation de ventilation par extraction d’air ne doit pas déparer la façade historique. Dans les quartiers historiques, la réglementation relative à la forme du toit ou du faîtage peut créer de graves difficultés, en empêchant de construire des cheminées d’évacuation de la hauteur requise. Les barrières servant à délimiter les zones en travaux ne peuvent bien souvent pas être fixes aux murs lorsque ceux-ci présentent des caractéristiques historiques. Les travaux de rénovation ne doivent pas endommager les structures porteuses qui peuvent comporter des finitions ou être faites de bois précieux. De telles contraintes sont de nature à accroître les dangers. Des systèmes de détection et d’extinction du feu sont indispensables, de même que des structures classées résistant au feu.

Les précautions à prendre consistent, notamment, à porter un équipement de protection individuelle pour les yeux, le visage, la tête, les oreilles et les voies respiratoires, à veiller à la sécurité électrique, à équiper les machines de protections et de dispositifs de verrouillage, à effectuer un nettoyage soigné, à s’assurer que les matières dangereuses entreposées sont compatibles entre elles et que les bouteilles de gaz sous pression ne présentent aucun risque, à installer des systèmes de détection et d’extinction des incendies, des dépoussiéreurs, des dispositifs de ventilation par aspiration localisée, à utiliser des aspirateurs avec filtres à haute efficacité contre les particules (HEPA), à former le personnel aux techniques de levage et de manutention les plus sûres, à contrôler la sécurité des chariots élévateurs, à se servir de monte-charges, de courroies et d’ascenseurs hydrauliques, à maîtriser les déversements accidentels de produits chimiques, à prévoir des douches d’urgence, des fontaines oculaires, des trousses de premiers secours, des moyens de communication d’urgence et, enfin, à dispenser aux employés une formation sur les risques matériels et ergonomiques (en particulier, dans le cas du personnel qui travaille en laboratoire) et sur les moyens de s’en protéger.

L’organisation des expositions

L’organisation et le montage d’expositions dans le musée comportent toutes sortes d’activités. Par exemple, dans un musée d’histoire naturelle, une exposition animalière peut amener à construire des vitrines, à reproduire l’habitat naturel d’un animal, à reconstituer l’animal lui-même, à composer des textes écrits ou enregistrés, à réaliser des illustrations qui accompagnent l’exposition et à assurer un bon éclairage. De nombreux travaux peuvent alors intervenir: menuiserie, travail du métal, mise en œuvre de plastiques, de résines synthétiques et d’autres matériaux, arts graphiques, photographie, etc.

Les installateurs des expositions courent les mêmes risques que ceux auxquels sont généralement exposés les menuisiers, les sculpteurs, les graphistes, les travailleurs sur métal et les photographes. Toutefois, des risques spécifiques peuvent apparaître lors du montage d’expositions dans des salles mal ventilées, à l’occasion du nettoyage de vitrines contenant des résidus de matières dangereuses, pendant la prise de clichés photographiques de spécimens conservés dans des liquides (opération susceptible de générer une exposition au formaldéhyde) et par suite du sciage à grande vitesse de bois ignifugé, qui peut dégager des gaz acides irritants (oxydes de soufre, phosphore).

Les précautions consistent, notamment, à porter un équipement de protection individuelle, à insonoriser les machines à bois et à les munir de dispositifs de captage des poussières, à assurer une bonne ventilation au-dessus des tables à dessin, dans les ateliers de sérigraphie, aux endroits où l’on mélange les peintures et où l’on met en œuvre des résines synthétiques et dans les laboratoires photographiques, ainsi qu’à utiliser des encres à base d’eau.

Les activités éducatives

Dans le cadre de leur mission éducative, les musées organisent des conférences ainsi que des activités artistiques et scientifiques sur place, et diffusent des publications, etc. Ces dernières activités visent les adultes ou les enfants. Elles mettent souvent en jeu des produits toxiques dans des salles mal ventilées, où les précautions essentielles n’ont pas été prises. Elles amènent aussi à manipuler des animaux et des oiseaux naturalisés avec de l’arsenic, à se servir de matériel électrique, etc. Les risques sont alors les mêmes pour le personnel chargé de ces activités et pour les participants, en particulier les enfants. Il est donc primordial d’évaluer les programmes éducatifs, de déterminer les précautions qui s’imposent et de se demander si le musée se prête sans danger à ce type d’activités.

La gestion des collections

La gestion des collections comporte la collecte ou l’acquisition sur le terrain, le contrôle des stocks, l’entreposage selon des techniques adaptées, la conservation et la lutte contre les parasites. Le travail sur le terrain peut impliquer des fouilles dans le cadre d’expéditions archéologiques, la naturalisation de plantes, d’insectes, etc., le moulage de spécimens, la recherche de fossiles et d’autres activités. Le personnel de conservation a pour tâche de manipuler les spécimens, de les examiner à l’aide de diverses techniques (microscopie, rayons X, etc.), de lutter contre les parasites, de préparer les pièces des collections pour les exposer et de gérer les expositions itinérantes.

La gestion des collections comporte des risques qui varient selon l’activité. Par exemple, lors du travail sur le terrain, ou lors de la manipulation d’un objet, voire d’un spécimen, celui-ci pouvant présenter des traces d’anciennes méthodes de conservation ou de fumigation qui n’ont peut-être pas été signalées par le collectionneur initial. Ou encore par suite de la lutte contre les nuisibles et de la fumigation qu’elle suppose. Le tableau 96.8 donne un aperçu des risques liés à certaines de ces opérations et des précautions à prendre.

Tableau 96.8 Risques et précautions associés à la gestion des collections

Technique

Risques et précautions

Travail sur le terrain et manipulation de spécimens

Lésions ergonomiques dues à des efforts répétés pour percer des roches fossiles et soulever des charges lourdes. Risques biologiques dus au nettoyage de surfaces souillées par les oiseaux. Réactions allergiques (pulmonaires et cutanées) au contact de chiures d’insectes, lors de la manipulation de spécimens morts ou vivants, notamment d’oiseaux et de mammifères (rougeurs, virus de Hanta) et en présence d’autres tissus pathogènes. Risques chimiques liés aux milieux de conservation

Les principales précautions consistent à prendre des mesures ergonomiques, à utiliser des aspirateurs avec filtres à haute efficacité contre les particules (HEPA) pour éliminer les détritus allergènes, les œufs et les larves d’insectes, à instaurer des précautions universelles pour éviter au personnel d’être exposé aux agents zoonotiques, à prévoir une bonne ventilation ou une protection respiratoire pendant la manipulation de produits de conservation dangereux

Taxidermie et préparations ostéologiques

Lors de la mise en peau, du montage d’animaux entiers ou de squelettes de spécimens et lors du nettoyage ou de la réparation d’animaux naturalisés anciens, risques dus à l’exposition aux solvants et aux dégraissants utilisés pour nettoyer les peaux et les restes de squelettes (après macération), aux résidus des produits de conservation, en particulier à base d’arsenic (en applications internes et externes), à la préparation des os (hydroxyde d’ammonium, solvants, dégraissants), au formaldéhyde employé pour conserver les parties d’organes après l’autopsie (ou nécropsie), aux allergènes des chiures d’insectes, au contact avec des spécimens malades, à la présence de plâtre et d’amiante dans les anciens montages. Les opérateurs peuvent être amenés à soulever des charges lourdes; ils peuvent se blesser avec des outils électriques, des couteaux ou des scalpels en travaillant sur des spécimens; ils peuvent aussi se servir de mélanges inflammables ou combustibles, d’où un risque d’incendie

Les principales précautions consistent à assurer une bonne ventilation par aspiration localisée, à porter masque, gants et tablier, à se servir de brosses et d’aspirateurs avec filtres HEPA pour nettoyer les fourrures, puis à remettre le poil en place, au lieu de se contenter de les passer à l’air comprimé à faible pression ou de les brosser vigoureusement, à utiliser des désinfectants dans les zones où s’effectuent les autopsies et d’autres manipulations. Il convient de vérifier, auprès des autorités locales chargées de la protection de l’environnement, quelle est la législation en matière de taxidermie et quels produits de conservation sont autorisés

Illustrations et examens au microscope par les conservateurs et leurs techniciens

Exposition due à l’observation à courte distance des milieux de conservation dangereux. Exposition au xylène, à des alcools, au formaldéhyde/glutaraldéhyde et au tétroxyde d’osmium utilisés en histologie (dissection, coloration, montage sur lamelles) pour la scintigraphie et la microscopie électronique à transmission

Voir Recherches en laboratoire ci-dessous pour les précautions à prendre.

Fumigation et emploi de pesticides

Si l’on ne peut tolérer que les insectes endommagent des collections, on ne saurait pas davantage recourir inconsidérément aux substances chimiques qui peuvent avoir des effets néfastes sur l’état de ces dernières et sur la santé des travailleurs. Les méthodes de lutte intégrée contre les nuisibles actuellement appliquées permettent de réduire les risques imposés au personnel comme aux collections. Les insecticides chimiques et les produits de fumigation couramment utilisés (beaucoup sont désormais interdits ou d’un emploi restreint) sont le DDT, le naphtalène, le p-dichlorobenzène, le dichlorvos, l’oxyde d’éthylène, le tétrachlorure de carbone, le dichloroéthylène, le bromure de méthyle et le fluorure de sulfuryle. Les notices d’avertissement ne sont souvent pas claires; beaucoup de ces produits sont extrêmement toxiques, voire mortels, pour l’humain à des niveaux de concentration faibles et ne doivent être utilisés que par des professionnels, des spécialistes de la désinfection ou de la fumigation à l’extérieur ou hors des zones occupées. Dans tous les cas, il est impératif d’entreposer les pièces désinfectées dans des endroits bien ventilés, de façon à éliminer tous les résidus gazeux qui ont pu s’infiltrer dans les matériaux poreux des collections

Les principales précautions consistent à porter un équipement de protection, individuelle (protection respiratoire), à prévoir une bonne ventilation, à se protéger contre les éclaboussures, à imposer une surveillance médicale, à se servir d’aspirateurs avec filtres HEPA, à faire appel à des spécialistes de l’application agréés et à attendre que des contrôles d’ambiance aient été effectués avant d’autoriser quiconque à pénétrer à nouveau dans les espaces traités

Recherches en laboratoire

Les risques sont liés aux travaux de systématique moléculaire, à la recherche sur l’ADN et, de façon générale, à l’entreposage de cellules vivantes et de cultures tissulaires (bouillons de culture), à la présence de sulfoxyde de diméthyle (DMSO), aux isotopes radioactifs, à l’utilisation de solvants divers, d’acides, d’éther éthylique, de liquides cryogéniques pour la lyophilisation (azote, etc.) ou encore de colorants à base de benzidine

Les principales précautions consistent à se protéger contre les dangers des opérations cryogéniques (gants, écran facial, tablier, ventilation des locaux, valves de sécurité, systèmes de sécurité pour le transport et l’entreposage de substances sous haute pression), à installer des postes de sécurité microbiologiques, des hottes et des appareils de protection conçus pour les laboratoires où des particules radioactives sont mises en œuvre, à installer des enceintes de confinement avec ventilation par aspiration localisée aux postes réservés à la microscopie et à la pesée, à utiliser des paillasses propres dotées de filtres à haute efficacité, à porter des gants, une blouse de laboratoire et une protection oculaire, à se servir d’aspirateurs avec filtres HEPA pour éliminer les détritus allergènes, les œufs d’insectes et les larves et, enfin, à éviter, par des précautions universelles, que les personnels de laboratoire et des services de conservation ne soient exposés à des agents zoonotiques

Expédition, réception et préparation des collections prêtées pour des expositions

Exposition à des milieux de conservation non connus et à des matériaux d’expédition potentiellement dangereux (par exemple, caisses doublées de papier d’amiante) en provenance de pays sans réglementation strictes en matière d’environnement

Les principales précautions consistent à informer avec soin des dangers liés aux expositions que l’on prête et à veiller à ce que les documents accompagnant les expositions accueillies spécifient le contenu

La collection comporte également des risques en soi. Si elle est dite «humide», elle peut être dangereuse du fait du formaldéhyde utilisé pour la fixation, sur le terrain, puis pour l’entreposage permanent. Il y a aussi risque lorsque les spécimens sont sortis du formaldéhyde pour être placés dans un bain d’alcool (généralement de l’éthanol ou de l’isopropanol), ou lorsque ceux qui sont empruntés parviennent immergés dans des liquides «mystérieux». De son côté, une collection dite «sèche» présente souvent des risques liés aux résidus de substances de conservation spécifiques, telles que le trioxyde d’arsenic, le chlorure mercurique, la strychnine et le DDT, et aux composés qui peuvent avoir laissé des résidus en se vaporisant ou s’être recristallisés; c’est le cas pour les bandelettes imbibées de dichlorvos ou plaquettes insecticides Vapona utilisées contre les nuisibles, pour le π-dichlorobenzène et le naphtalène. Le tableau 96.9 dresse une liste des risques propres aux collections. Il indique aussi les risques inhérents à la conservation des spécimens.

Tableau 96.9 Risques liés aux collections

Source des risques

Risques

Végétaux, vertébrés et invertébrés

Milieux de conservation contenant du formaldéhyde, de l’acide acétique, de l’alcool. Formaldéhyde utilisé pour la fixation sur le terrain. Mise en bain d’alcool. Chlorure mercurique se trouvant sur des spécimens de plantes sur support sec. Oiseaux et mammifères conservés avec des substances renfermant de l’arsenic et du mercure. Colles des supports secs. Allergènes des chiures d’insectes

Arts décoratifs, céramique, pierre et métal

Les pigments ou les conservateurs peuvent contenir du mercure. Les objets plaqués à l’argent ou à l’or peuvent être recouverts d’une laque au cyanure (susceptible de partir au lavage). Les objets en celluloïde sont très inflammables. Les faïences et bijoux émaillés peuvent contenir des pigments à l’uranium radioactif

Entomologie

Exposition au naphtalène et au π-dichlorobenzène lors du remplissage des boîtes de conservation ou de l’observation de spécimens. Préparations des bouteilles de prélèvement sur le terrain contenant des sels de cyanure

Mobiliers

Les meubles peuvent avoir été traités avec des xyloprotecteurs renfermant du pentachlorophénol, avec des pigments au plomb ou d’autres pigments toxiques. Le nettoyage et la restauration peuvent utiliser des essences minérales, des décapants au chlorure de méthylène, des vernis et des laques

Minéraux

Spécimens radioactifs. Minerais naturels de métaux et de minéraux très toxiques (plomb/matériaux asbestiformes). Bruit provoqué par la préparation des coupes. Résines époxydiques utilisées pour les préparations des coupes ou des lamelles

Risques divers

Présence de vieux produits pharmaceutiques dans des collections médicales, dentaires et vétérinaires (qui ont pu se dégrader, sont aujourd’hui des substances interdites ou se sont transformés en composés réactifs ou explosifs). Poudre à canon, armes à feu. Tétrachlorure de carbone dans des extincteurs du XIXe et du XXe siècle. Acide de batterie de véhicules. Biphényles polychlorés dans les transformateurs, les condensateurs et d’autres appareils électriques. Feutres au mercure dans des générateurs statiques, les phares et des collections scientifiques. Amiante dans le plâtre des montages de trophées, les moulages et divers appareils domestiques, les glaçures de céramique, les fils électriques et les textiles

Peintures, gravures et papier

Présence éventuelle de pigments très toxiques au plomb (blanc de céruse, jaune de chrome), de cadmium, de chrome (cancérogène sous forme de chromate), de cobalt (en particulier dans le bleu de cobalt ou l’arséniate de cobalt), de manganèse et de mercure. Présence de cyanure dans certaines encres d’imprimerie et dans les papiers peints du XIXe siècle. Présence de mercure dans certaines peintures et certains tissus (autrefois utilisé pour prévenir les moisissures). Présence de teintures au noir de fumée et au goudron de houille cancérogènes. Le nettoyage et la restauration de ces collections peuvent nécessiter l’emploi de solvants, de vernis, de laques, d’agents de blanchiment au dioxyde de chlore et d’autres produits

Spécimens paléobiologiques

Troubles ergonomiques et risques pour la santé liés à la préparation de fossiles, notamment lorsqu’on perce ou taille des roches contenant de la silice libre cristalline, de l’amiante ou un minerai radioactif ou lorsqu’on utilise des résines époxydiques et des plastiques liquides pour le moulage de fossiles. Risque de bruit. Danger constitué par les solvants et les acides utilisés pour éliminer la roche, surtout l’acide fluorhydrique

Photographies

Les films sur support de nitrocellulose peuvent s’enflammer spontanément et l’acide nitrique dégagé par les films en décomposition brûle; il conviendrait de transposer ces films sur des pellicules modernes. La restauration des vieux films peut exposer à des produits dangereux, comme le sélénium ou le dioxyde de soufre, et doit se faire dans un local bien ventilé

Vitrines

En raison de la présence éventuelle de plomb et de cadmium dans les peintures dont elles sont revêtues, d’arsenic dans le feutre de leurs garnitures et d’amiante dans leur isolation, on ne peut se débarrasser facilement des vitrines. Les résidus et les éclats contenant ces matériaux présentent un danger lors du nettoyage intérieur ou extérieur des vitrines. Les poussières d’aspirateur peuvent être considérées comme des déchets dangereux

Textiles, vêtements

Risques dus aux colorants (en particulier, s’ils sont à base de benzidine), aux fibres, à l’arsenic contenu dans les produits servant à conserver la dentelle et d’autres réalisations, au mercure utilisé pour traiter le feutre, aux matières tirées de plantes vénéneuses et employées pour décorer des vêtements, aux moisissures et aux allergènes contenus dans des parties et des chiures d’insectes

Les considérations de sécurité et de protection de la santé sont, ici, similaires à celles concernant l’industrie en général. Parmi les précautions qui s’imposent, il convient de disposer d’une gamme appropriée de méthodes de traitement des collections, de porter un équipement de protection individuelle comprenant des gants en vinyle (et non en latex), pour la manipulation de spécimens secs, ainsi que des gants imperméables et une protection antiéclaboussures, pour le travail avec des liquides. La surveillance médicale doit être vigilante quant aux risques généraux et à ceux susceptibles d’entraîner des troubles de la fonction de reproduction, en particulier. Les règles d’hygiène doivent être respectées. Ainsi, les blouses de laboratoire et les vêtements de travail doivent être nettoyés séparément du linge familial ou, mieux, sur le lieu de travail, dans une machine réservée à cet effet. Il faut éviter de balayer un sol sec et utiliser plutôt des aspirateurs avec filtres à taux élevé de rétention des particules. Il convient de bannir les aspirateurs à séparateur d’eau en présence de collections suspectes. Il est indispensable d’appliquer les méthodes adaptées à l’élimination des déchets. Il est essentiel de dispenser au personnel une formation concernant les risques chimiques.

La conservation des pièces de musée

Le travail de conservation, qui, souvent, s’effectue dans de vastes laboratoires, comporte le nettoyage et la restauration, par des moyens chimiques ou physiques, de pièces telles que des peintures, des documents, des photographies, des livres, des manuscrits, des timbres, des meubles, des tissus, des céramiques, des objets de verre, de métal ou de pierre, des instruments de musique, des uniformes, des costumes, des articles en cuir, des paniers, des masques et d’autres objets ethnographiques. Les risques associés aux opérations de conservation vont de l’exposition très intermittente aux produits chimiques de restauration contenus dans un compte-gouttes à des expositions potentiellement dangereuses aux grandes quantités de produits chimiques utilisées pour traiter des statues ou des spécimens de grands vertébrés. Des lésions ergonomiques peuvent se produire par suite d’une mauvaise position de la main et du pinceau lors de la restauration de tableaux ou de statues et à l’occasion du soulèvement de lourdes charges. De nombreux solvants et d’autres produits chimiques sont utilisés pour nettoyer et restaurer les pièces des collections. Nombre des techniques employées, par exemple pour restaurer les œuvres d’art, sont les mêmes que celles dont se servent les artistes lorsqu’ils créent leurs œuvres; de ce fait, les risques et les précautions correspondantes sont similaires. Des risques sont également liés à la composition et à la finition de l’objet lui-même, comme le montre le tableau 96.9. En ce qui concerne les précautions, se reporter à la section précédente intitulée «Les arts et l’artisanat».

LES ZOOS ET LES AQUARIUMS

Ken Sims

Les jardins zoologiques, les parcs naturels, les réserves, les parcs ornithologiques et les aquariums appliquent les mêmes techniques d’entretien et de manipulation des espèces exotiques. Les animaux s’y trouvent pour être montrés à des fins éducatives, pour être préservés et pour faire l’objet d’études scientifiques. Les méthodes traditionnelles consistant à tenir les animaux en cage, à aménager des volières pour les oiseaux et à installer des bassins pour les animaux aquatiques restent courantes, mais les établissements plus modernes, au fait des progrès, ont adopté des enceintes différentes, mieux adaptées aux besoins des espèces. La qualité de l’espace accordé à un animal est cependant plus importante que sa quantité, et a des effets positifs sur la sécurité des gardiens. Le danger auquel ceux-ci sont exposés dépend souvent de la taille et de la férocité naturelle de l’espèce dont ils s’occupent, mais bien d’autres facteurs entrent en ligne de compte.

Les principales classes d’animaux sont les mammifères, les oiseaux, les reptiles, les amphibiens, les poissons et les invertébrés. Toutes ces classes présentent des risques similaires: toxines, maladies transmissibles à l’humain (zoonoses) et modifications inopinées du comportement animal.

Les mammifères

A la grande diversité des espèces de mammifères et de leurs modes de vie correspond une large gamme de techniques vétérinaires. Les plus gros mammifères terrestres, tels les éléphants, sont herbivores et ne sont guère aptes à grimper, sauter, creuser ou ronger; aussi, leur applique-t-on des méthodes de maîtrise semblables à celles utilisées pour les animaux domestiques. Des grilles télécommandées peuvent offrir un degré élevé de sécurité. Les enclos des grands prédateurs, les gros félins et les ours, requièrent de larges espaces de sécurité, des sas d’entrée ainsi que des filets et des barres de sécurité incorporés. Les espèces agiles, qui grimpent et sautent aisément, posent des problèmes particuliers aux gardiens, dépourvus de la même mobilité. Les barrières électriques sont aujourd’hui très répandues. Pour capturer les animaux et les soigner, on a recours à différentes méthodes, parmi lesquelles l’enfermement dans un corral, les filets, les entraves, la prise au lasso et l’injection de calmants pour immobiliser l’animal.

Les oiseaux

Peu d’oiseaux sont trop grands pour ne pouvoir être maîtrisés avec des gants et des filets. Les plus gros oiseaux coureurs, tels l’autruche et le casoar, sont puissants, et leur coup de patte est très dangereux; il faut les entraver pour les immobiliser.

Les reptiles

Les grands reptiles carnivores sont capables d’attaquer de façon très violente; c’est le cas aussi de nombreux serpents. La docilité des spécimens en captivité peut tromper la vigilance des gardiens. Un serpent constricteur qui attaque un gardien paniqué peut prendre ce dernier et l’étouffer, même si l’homme est beaucoup plus lourd que lui. Certains serpents crachant du venin, il est indispensable de se protéger les yeux. Pour immobiliser les reptiles et les soigner, on se sert de filets, de sacs, de crochets, de grappins, de nœuds coulants et de médicaments.

Les amphibiens

Seuls la salamandre géante et le gros crapaud sont susceptibles d’infliger des morsures douloureuses. En revanche, les amphibiens peuvent sécréter des toxines.

Les poissons

Peu de poissons sont dangereux, à l’exception des poissons venimeux, des anguilles électriques et des gros prédateurs. On réduit les risques au minimum en tendant soigneusement des filets. Il peut parfois être utile d’étourdir les poissons par un choc électrique ou de leur injecter des substances incapacitantes.

Les invertébrés

Certains invertébrés mortels ne peuvent être manipulés qu’indirectement. Des spécimens mal identifiés ou dissimulés par leur camouflage et leur petite taille peuvent mettre en danger une personne non avertie.

Les animaux venimeux

De nombreuses espèces animales fabriquent des venins complexes pour se nourrir ou se défendre. Elles les inoculent en mordant, en piquant, en crachant ou encore, simplement, elles les sécrètent. Suivant la quantité inoculée, l’effet de leurs substances toxiques peut être inoffensif, mais aussi entraîner la mort. Les procédures de prévention des accidents doivent être établies à partir de la pire des hypothèses. Un gardien ne doit pas se trouver seul face à une espèce mortelle. En matière vétérinaire, il faut apprendre à évaluer les risques et à reconnaître les signaux avertisseurs, à veiller à ce que seul le personnel bien formé soit autorisé à s’occuper de ces animaux et à ce que des antidotes (s’il en existe) soient conservés en réserve, en liaison étroite avec des médecins locaux spécialisés. Il faut également tester les réactions du personnel aux antidotes et, enfin, installer un système d’alarme efficace.

Les zoonoses

Un bon programme vétérinaire et une excellente hygiène individuelle réduisent considérablement les risques de zoonoses. Nombre de ces maladies peuvent, toutefois, être mortelles. C’est le cas de la rage, contre laquelle il n’existe pas de traitement curatif au-delà d’un certain stade. La plupart de ces maladies peuvent être évitées et soignées si elles sont diagnostiquées assez tôt. Comme dans d’autres professions, l’incidence des maladies de nature allergique est en augmentation, et le meilleur remède est d’éviter de s’exposer à l’agent irritant lorsqu’il a été identifié.

Les morsures et les griffures non venimeuses doivent faire l’objet de la plus grande attention, car même une morsure qui n’a apparemment pas entamé la peau peut rapidement entraîner une septicémie (empoisonnement du sang). Il faut être particulièrement vigilant à l’égard des morsures de carnivores et de singes. Le cas le plus extrême est celui de la morsure du dragon de Komodo; la microflore contenue dans sa salive est d’une telle virulence qu’après avoir été mordues, les grosses proies qui ont échappé à une première attaque sont rapidement emportées par le choc et la septicémie.

Pour de nombreux employés, un traitement prophylactique de routine contre le tétanos et l’hépatite peut s’avérer utile.

Les comportements

En présence de l’humain, les animaux peuvent avoir des comportements extrêmement divers, parfois fort dangereux. Des changements observables de comportement peuvent alerter les gardiens du danger, mais peu d’animaux montrent des signes décryptables par les humains. Le comportement animal peut être influencé par toute une conjonction de stimuli visibles et invisibles (saison, longueur du jour, moment de la journée, rythme sexuel, dressage, hiérarchie, pression atmosphérique et bruit à haute fréquence du matériel électrique). Les animaux ne sont pas des machines. Certains de leurs comportements sont prévisibles, mais ils sont tous susceptibles d’avoir des réactions inattendues dont doit se méfier le gardien le plus compétent.

La sécurité individuelle

Le personnel chevronné devrait apprendre aux novices à apprécier les risques. Une vigilance sans défaut est la clé de la sécurité, par exemple à l’heure du repas des grands carnivores. Les réactions des animaux varient selon les gardiens et, notamment, le sexe de ces derniers. Une bête qui est soumise à l’un peut en attaquer un autre. La compréhension des animaux et le recours à un langage gestuel qu’ils déchiffrent naturellement, mieux que les humains, contribuent à améliorer la sécurité. Le ton et le volume de la voix peuvent les calmer ou, au contraire, les affoler (voir figure 96.19).

Figure 96.19 Les animaux sont sensibles à la voix et aux gestes

Figure 96.19

Les vêtements doivent être choisis avec un soin particulier, en évitant les couleurs vives et les étoffes amples. Les gants peuvent offrir une protection et réduire l’appréhension à saisir un animal; toutefois, ils ne conviennent pas pour les serpents, car ils diminuent la sensibilité tactile.

S’il appartient aux gardiens et aux autres membres du personnel de veiller à ce que les visiteurs ne franchissent pas les limites, ne se montrent pas violents, et ne causent pas d’autres problèmes, ils doivent avoir été formés à cette tâche et pouvoir compter sur un soutien d’urgence pour courir le moins de risque possible.

La réglementation

Bien que les espèces exotiques présentent une multitude de risques, les plus grands risques professionnels sont ceux qui sont inhérents aux installations, aux machines, aux produits chimiques, aux surfaces, à l’électricité, etc. Les règles de sécurité applicables en la matière doivent donc être observées avec bon sens, compte tenu de la nature inhabituelle du travail.

LES PARCS ET LES JARDINS BOTANIQUES

Paul V. Lynch

Les risques pour la sécurité et la santé du personnel des parcs et jardins botaniques relèvent des catégories générales suivantes: risques environnementaux, mécaniques, biologiques ou chimiques, risques liés à la végétation, aux animaux sauvages, ou encore causés par l’humain. Ils varient selon le lieu d’implantation du site, suivant qu’il est urbain ou suburbain, ou qu’il s’agit d’un parc naturel aménagé ou non.

Les risques environnementaux

Dans la mesure où il se rencontre sous toutes les latitudes et travaille généralement en plein air, le personnel des parcs et jardins est exposé à une grande diversité de températures et de conditions climatiques, souvent extrêmes, avec les risques que cela comporte, du coup de chaleur à l’épuisement en passant par l’hypothermie et les gelures.

Ceux qui travaillent en milieu urbain peuvent se trouver sur des sites où la circulation est dense et être, de ce fait, exposés à des émissions de gaz d’échappement, tels que le monoxyde de carbone, les particules de carbone imbrûlées, le protoxyde d’azote, l’acide sulfurique, le dioxyde de carbone et les particules de palladium, en cas de mauvais fonctionnement des pots catalytiques.

Certains parcs étant situés en altitude, tout nouvel employé est susceptible de souffrir du mal des montagnes, s’il est étranger à la région ou sujet à l’hypotension ou à l’hypertension.

Les employés des parcs sont généralement appelés à participer aux opérations de recherches et de secours qui sont mises en œuvre pendant et après une catastrophe naturelle (séisme, tempête, inondation, éruption volcanique, etc.) lorsque cette dernière touche leur site; ils sont alors exposés à tous les risques qui en résultent.

Il est essentiel que l’ensemble du personnel reçoive une formation solide en matière de risques environnementaux propres au site et qu’il dispose de vêtements et d’un équipement adéquats (tenues pour temps chaud et froid, eau, rations alimentaires, etc.).

Les risques mécaniques

Le personnel des parcs et jardins doit être familiarisé avec une très grande diversité de matériels mécaniques et savoir s’en servir, des petits outils à main aux outils électriques et instruments de jardin (tondeuses, râteaux, motoculteurs, scies à chaîne, etc.) en passant par l’équipement lourd (tracteurs, chasse-neige, camions et engins de travaux publics). En outre, la plupart des établissements possèdent leurs propres ateliers, équipés de grosses machines-outils telles que plateaux de sciage, tours, fraiseuses, pompes à air comprimé, etc.

Les travailleurs doivent être formés parfaitement à l’utilisation de tous les types de matériel dont ils peuvent avoir à se servir; ils doivent aussi en connaître les risques et être informés des systèmes de sécurité; ils doivent, enfin, disposer de l’équipement de protection individuelle approprié, et avoir reçu des instructions sur la manière de le porter. Le personnel appelé à conduire ou à manœuvrer des véhicules, voire un avion ou un hélicoptère, doit être soigneusement préparé, être détenteur des permis correspondants et subir des tests réguliers. Ceux qui voyagent en tant que passagers doivent avoir connaissance des risques et savoir faire fonctionner le matériel en toute sécurité.

Les risques biologiques et chimiques

La plupart des activités professionnelles menées dans un parc ou un jardin amènent à être en relation continue et étroite avec le public. Le risque de contracter une maladie virale ou bactérienne est donc omniprésent. S’y ajoute celui de se trouver en contact avec des animaux atteints de la rage, de la psittacose, de la maladie de Lyme, etc.

Les travailleurs des parcs et des jardins botaniques sont exposés à des pesticides, herbicides, fongicides, engrais et autres produits agricoles chimiques, en quantités et concentrations diverses, ainsi qu’à des peintures toxiques, des diluants, des vernis, des lubrifiants, etc., utilisés pour l’entretien et pour le matériel de transport.

Avec la prolifération des drogues illicites, il est de plus en plus fréquent que le personnel des parcs nationaux et des forêts domaniales découvre des laboratoires clandestins. Les produits qui s’y trouvent peuvent provoquer la mort ou des lésions neurologiques irréversibles. Le personnel des parcs urbains et ruraux peut, quant à lui, se trouver en présence d’instruments utilisés par les toxicomanes (seringues, aiguilles, cuillères, tubes, etc.). S’il se perce la peau ou se pique avec l’un de ces objets, il peut contracter une maladie comme l’hépatite ou être infecté par le VIH.

Une formation approfondie en matière de risques et de mesures préventives est essentielle. Il faut instaurer des contrôles médicaux réguliers, et toute personne ainsi exposée doit pouvoir recevoir des soins immédiats. Il faut aussi, dans la mesure du possible, que le type et la durée de l’exposition soient notés pour être communiqués au médecin traitant. S’il découvre des instruments abandonnés par des toxicomanes, le personnel doit non seulement s’abstenir de les toucher, mais aussi interdire l’accès à la zone et signaler sa découverte au personnel de sécurité compétent.

Les risques liés à la végétation

La plupart des végétaux ne sont pas dangereux pour la santé. Cependant, dans certains terrains en friche (et dans certains parcs urbains et suburbains), on peut trouver des plantes vénéneuses telles que le sumac ou le chêne vénéneux et le sumac lustré. Des problèmes de santé peuvent alors se poser, qui, suivant la sensibilité de l’individu et la nature de l’exposition, vont d’une éruption mineure à une réaction allergique grave.

Il convient de noter qu’environ 22% de la population totale souffre d’une forme ou d’une autre d’allergie, plus ou moins sérieuse. Un individu peut être allergique à certaines substances seulement ou, au contraire, à des centaines de substances végétales ou animales. Dans les cas extrêmes, de telles réactions peuvent entraîner la mort en l’absence de traitement immédiat.

Avant qu’il ne commence à travailler dans un environnement végétal, il est indispensable de déterminer si un employé est sensibilisé à des allergènes potentiels et s’il doit prendre ou emporter avec lui des médicaments appropriés.

Le personnel doit aussi connaître les plantes qu’il est dangereux d’ingérer, les symptômes d’intoxication par ingestion et les anti-dotes.

Les risques liés aux animaux sauvages

Les employés des parcs sont confrontés à l’ensemble des animaux sauvages qui existent dans le monde. Ils doivent être familiarisés avec les différentes espèces, leur mode de vie, les risques qu’elles présentent et, si nécessaire, savoir se comporter face à celles dont ils ont la charge. Ce sont des animaux domestiques urbains, comme les chiens et les chats, des rongeurs, des insectes, des serpents, des oiseaux, des animaux sauvages, tels que des pumas, des ours ou des serpents venimeux, des araignées, etc.

Une formation doit leur être dispensée, qui leur apprenne à reconnaître et à soigner les animaux sauvages, notamment à distinguer les maladies dont ceux-ci peuvent être atteints. Des trousses de premiers secours destinées à lutter contre l’inoculation d’un venin par un serpent ou un insecte devraient être disponibles et le personnel entraîné à leur emploi. Dans les zones sauvages reculées, il peut être nécessaire que les travailleurs soient équipés d’armes à feu et sachent s’en servir, à des fins de protection individuelle.

Les risques liés à l’humain

Outre le risque précédemment mentionné de contact avec un visiteur porteur d’une maladie contagieuse, le personnel employé dans les parcs et, à un moindre degré, dans les jardins botaniques, court le risque non négligeable d’être la victime d’accidents provoqués, de façon délibérée ou non, par des visiteurs. Ces accidents peuvent se produire à l’occasion de recherches rendues nécessaires pour retrouver des visiteurs perdus ou blessés et de leur porter secours (et ce, dans des endroits très isolés et dangereux) ou encore par l’obligation de s’opposer à des actes de vandalisme, à des rixes ou à des personnes en état d’ébriété. Le personnel des parcs ou des jardins peut aussi être attaqué. De plus, il peut être victime d’accidents causés par des visiteurs ou d’autres personnes qui maîtrisent mal leurs véhicules.

Environ la moitié des incendies recensés dans les parcs naturels sont d’origine humaine, dus soit à la malfaisance soit à la négligence; l’employé du parc peut donc être appelé à combattre le feu.

Le vandalisme et la destruction intentionnelle de biens publics font malheureusement partie des risques auxquels le personnel des parcs ou des jardins doit faire face. L’importance du risque dépend du type de biens et de l’ampleur des dégâts matériels (pistes ou passerelles saccagées, portes intérieures ou tuyauteries endommagées, etc.).

Les employés des parcs sont généralement sensibles à la nature et attachés à sa conservation. De ce fait, beaucoup d’entre eux souffrent de stress et de maladies connexes par suite des dégradations que commettent certains visiteurs. Il est donc important de savoir reconnaître les premiers symptômes de ce type de pathologie et d’y apporter un traitement curatif. Des cours sur la gestion du stress peuvent être utiles dans ce cas.

La violence

La violence sur le lieu de travail devient malheureusement un risque de plus en plus fréquent et donc une cause de blessures. Il y a en général deux types de violence: physique et psychologique. Les menaces peuvent être simplement verbales, mais la violence peut aussi aller jusqu’au massacre, comme l’a montré, en 1995, l’attentat contre l’immeuble du bureau fédéral américain d’Oklahoma City. En 1997, un policier affecté à une tribu, dans une réserve indienne du sud-ouest, a été tué dans l’exercice de ses fonctions. Il existe aussi une violence psychologique qui, bien que moins connue, est très fréquente, et que l’on qualifie par euphémisme d’«intrigues de bureau»; elle peut avoir des effets débilitants.

Violence physique . Aux Etats-Unis, les agressions contre des fonctionnaires fédéraux, des agents de l’Etat ou des collectivités locales employés dans des parcs et des centres de loisirs reculés ou un peu à l’écart ne sont pas rares. Dans la plupart des cas, il s’agit de coups et blessures, infligés parfois avec des armes dangereuses. Ainsi, il est arrivé que des individus furieux entrent dans des bureaux des services fédéraux des eaux et forêts en brandissant des armes à feu et menaçant les employés et qu’on ait dû les maîtriser.

Cette violence a des conséquences diverses, de la lésion bénigne à l’issue fatale et peut résulter d’attaques à poings nus ou d’agressions armées (avec des gourdins ou des bâtons, des pistolets, des fusils, des couteaux, des explosifs, voire des produits chimiques). Il est fréquent que cette violence vise les véhicules et installations que possède ou utilise l’administration chargée du parc ou du centre de loisirs.

Il est courant aussi que des employés mécontents ou licenciés cherchent à se venger de leur supérieur passé ou actuel. Il n’est pas rare non plus que les employés des parcs forestiers, naturels ou de loisirs soient confrontés à des personnes qui cultivent ou fabriquent des drogues illicites dans des zones isolées, et qui n’hésitent pas à recourir à la violence pour protéger ce qu’elles considèrent comme leur territoire. Le personnel des parcs et des centres de loisirs, s’il a pour tâche en particulier de faire respecter l’ordre, doit appréhender les individus qui, sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool, commettent des infractions et peuvent se montrer violents lorsqu’ils sont appréhendés.

Violence psychologique . Bien que l’on en parle moins, la violence psychologique peut, dans certains cas, être tout aussi préjudiciable. Elle existe sans doute depuis toujours; l’objectif est de prendre le pas sur ses collègues de travail, d’obtenir des avantages professionnels ou d’affaiblir une personne perçue comme une rivale. Elle consiste à ruiner la crédibilité d’une autre personne ou d’un groupe, généralement à son insu.

Il arrive que cette violence s’exerce ouvertement, à travers les médias, les organes judiciaires, etc., le but étant d’en tirer un avantage politique (par exemple, en détruisant la réputation d’un organisme public pour qu’il soit moins subventionné).

En général, ces manœuvres pèsent lourdement sur le moral des personnes ou du groupe visés et, dans de rares cas extrêmes, la victime de cette violence peut être conduite au suicide.

Il est courant que les personnes qui subissent ce type de violence souffrent de stress post-traumatique, parfois pendant des années. L’effet est semblable à celui de la commotion cérébrale dont sont atteints les soldats au terme d’une canonnade prolongée et intense. Un suivi psychologique étroit peut être nécessaire.

Mesures de prévention . Le risque de violence sur le lieu de travail ne faisant que croître, il est essentiel que les travailleurs reçoivent une formation poussée pour apprendre à reconnaître les situations potentiellement dangereuses et à les éviter, notamment à savoir faire face aux personnes violentes ou indisciplinées.

Assistance après l’incident . Il est également essentiel, tant pour les employés ou les employeurs éprouvés que pour l’ensemble du personnel de l’entreprise, que toute victime de violence dans le cadre de son travail reçoive rapidement non seulement des soins médicaux, mais aussi une assistance psychologique immédiate et un suivi post-traumatique. Les effets d’une telle violence peuvent se prolonger longtemps après la guérison des lésions corporelles et, de ce fait, l’employé peut se trouver gravement handicapé dans l’exercice de son travail.

L’accroissement de la population s’accompagne d’une montée de la violence. Une bonne préparation et une capacité à réagir rapide et efficace sont actuellement les seuls remèdes dont on dispose pour faire face à ces risques.

Conclusion

Amené à travailler dans tous les types d’environnements, le personnel des parcs et jardins botaniques doit être en bonne santé et en bonne forme physique. Un entraînement physique modéré, mais suivi, devrait lui être bénéfique. Régulièrement, des examens physiques probatoires, adaptés au genre de travail à assurer, devraient lui être imposés. Tous les employés devraient recevoir une formation approfondie aux diverses tâches qui leur sont confiées et être informés des risques qu’elles comportent et des dangers à éviter.

Le matériel devrait être maintenu en excellent état de fonctionnement.

Les employés appelés à travailler dans des zones reculées devraient être systématiquement équipés d’émetteurs-récepteurs et garder un contact régulier avec leur base.

Tous les employés devraient avoir reçu une formation de base — et, si possible, une formation avancée — en matière de secours d’urgence, notamment de réanimation cardio-respiratoire, au cas où un visiteur ou un collègue serait blessé et où les secours médicaux ne seraient pas immédiatement disponibles.

LES CIRQUES, LES PARCS D’ATTRACTIONS ET LES PARCS À THÈME

William Avery

Les cirques, les parcs d’attractions et les parcs à thème ont pour objet commun de produire et de proposer des divertissements au public. Les cirques peuvent être abrités dans de grandes tentes montées de façon temporaire et équipées de gradins, ou occuper des édifices permanents. Le spectateur du cirque a un rôle passif puisque, assis, il se contente de regarder des numéros mettant en scène des animaux, des clowns ou des acrobates. En revanche, dans les parcs d’attractions et les parcs à thème, le visiteur se déplace sans arrêt et peut participer à de nombreuses activités. Les parcs de cette catégorie peuvent proposer toutes sortes d’attractions: expositions, jeux d’adresse, grands spectacles et autres types d’animations. Les parcs à thème comportent des kiosques et des boutiques de vente, des expositions, des bâtiments et même de petits villages illustrant le thème concerné. Des personnages costumés, qui sont des acteurs déguisés en accord avec le thème, portent, par exemple, des vêtements historiques dans un parc à connotation historique et des tenues de personnages de bandes dessinées dans un parc axé sur ce sujet; ils participent aux spectacles ou déambulent parmi la foule de visiteurs. Les foires rurales constituent un autre type d’événement; les activités associent promenades, spectacles d’animaux et autres attractions (par exemple, un cracheur de feu), ainsi que présentations et concours d’animaux de ferme ou d’activités agricoles. Le travail d’animation peut donc aller de la promenade en charrette à poney, organisée par une seule personne sur une aire de stationnement, au vaste parc à thème, qui emploie des milliers de personnes. Plus l’activité est importante, plus les services auxiliaires sont nombreux: stationnements, installations sanitaires, services de sécurité et d’urgence, hôtels, etc.

Les emplois variant considérablement, les qualifications requises sont elles aussi très diverses. Le personnel se compose, entre autres, de guichetiers, d’acrobates, de dresseurs d’animaux, d’employés du service de restauration, d’ingénieurs, d’acteurs costumés et d’organisateurs d’attractions. Les risques professionnels s’apparentent, en grande partie, à ceux que connaît l’industrie en général; mais certains d’entre eux sont spécifiques aux cirques, aux parcs d’attractions et aux parcs à thème. Les informations qui suivent donnent un aperçu des risques liés aux spectacles et des précautions à prendre dans ce secteur d’activité.

Les acrobaties et les cascades

Les cirques, en particulier, présentent de nombreux numéros d’acrobatie et de cascades, notamment des numéros de funambulisme, d’équitation, de jonglerie avec le feu, de voltige et de gymnastique au sol. Ces activités se retrouvent dans les parcs d’attractions et les parcs à thème. Les principaux risques sont liés aux chutes, aux erreurs d’appréciation dans les autorisations données, à une surveillance insuffisante du matériel et à la fatigue physique due à la répétition d’un même numéro plusieurs fois par jour. Les accidents classiques sont les lésions ostéo-musculaires et tendineuses.

Parmi les précautions à prendre, il faut, avant tout, que les exécutants reçoivent une bonne préparation physique générale, qu’ils puissent se reposer convenablement, aient un régime alimentaire adapté et que le programme des numéros prévoie des rotations. Le matériel, les accessoires et les échafaudages, ainsi que les systèmes de sécurité et de blocage devraient être minutieusement inspectés avant chaque représentation. Les artistes ne devraient pas se produire lorsqu’ils sont malades, blessés ou sous l’effet de médicaments susceptibles de les empêcher d’exécuter leurs numéros en toute sécurité.

Le dressage d’animaux

C’est dans les cirques et les foires rurales que les animaux sont les plus nombreux, même si des activités comme les promenades à dos de poney sont organisées par les parcs d’attractions. Au cirque, ils sont souvent impliqués dans les numéros de dressage, par exemple lions et tigres, dans les exercices d’équitation et dans d’autres numéros. Les éléphants se prêtent à des exhibitions, mais ils sont aussi utilisés pour promener les visiteurs, comme animaux d’exposition, voire comme bêtes de somme. A l’occasion des foires rurales, des concours sont organisés, auxquels participent porcs, gros bétail et chevaux. Dans certains endroits, des animaux exotiques sont présentés dans des cages ou dans le cadre d’attractions telles que la manipulation de serpents. Les risques tiennent essentiellement au comportement imprévisible des animaux, associé à la tendance de certains dresseurs à être exagérément confiants et à devenir moins vigilants. Ce métier expose à des blessures graves, parfois mortelles. Le dressage des éléphants est considéré comme l’une des professions les plus périlleuses. Selon certaines estimations, il y aurait quelque 600 dresseurs d’éléphants aux Etats-Unis et au Canada et, chaque année, l’un d’eux est tué, en moyenne. Les serpents venimeux employés dans des numéros peuvent aussi s’avérer très dangereux, leur morsure pouvant être fatale.

Par précaution, il convient de dispenser aux dresseurs une formation continue et intense et de faire comprendre au personnel la nécessité d’être sans cesse sur ses gardes. Il est recommandé de recourir à des systèmes de contact protégé lors du travail avec des animaux capables d’infliger des lésions graves voire fatales. Ces systèmes séparent constamment le dresseur de l’animal au moyen de barres ou d’espaces clos. Pour exécuter leur numéro en public, les animaux doivent avoir été habitués au bruit et à d’autres stimuli. Dans le cas des reptiles venimeux, on devrait disposer des sérums antivenin indiqués et d’un matériel de protection adéquat (gants, jambières, pinces à serpents, bouteilles de dioxyde de carbone etc.). Pour éviter d’être blessés, il est indispensable qu’en dehors des spectacles les soigneurs soient vigilants quand ils s’occupent des animaux et les nourrissent.

Les personnages costumés

Les personnages incarnant des héros de bandes dessinées ou des figures historiques sont souvent amenés à porter des costumes lourds et encombrants; ils jouent sur scène ou se mêlent à la foule. Le port de tels costumes, au poids souvent mal réparti, peut provoquer des lésions dorsales ou cervicales (voir figure 96.20). Il faut ajouter à cela les risques liés à la fatigue, à la chaleur, à la bousculade et aux mouvements de foule (voir aussi l’article «Les acteurs», dans le présent chapitre).

Figure 96.20 Figurant portant un costume lourd

Figure 96.20

Pour prévenir ces dangers, le costume doit être parfaitement adapté à celui qui le porte et le plus léger possible, surtout sur les épaules. Les personnages costumés doivent boire beaucoup d’eau pendant les périodes de forte chaleur. Les contacts avec le public doivent être de courte durée en raison du stress qui en résulte. Il est donc nécessaire de prévoir une rotation de ces attractions et de veiller à ce que des agents non déguisés soient attachés aux pas des personnages costumés pour contenir la foule.

Les feux d’artifice

Les feux d’artifice et les effets pyrotechniques spéciaux sont fréquents (voir figure 96.21). Ils présentent des risques du fait des décharges accidentelles et des explosions et des incendies qui peuvent se déclencher de manière intempestive.

Figure 96.21 Chargement des poudres pour un feu d'artifice

Figure 96.21

Les précautions à prendre sont les suivantes: seuls des pyrotechniciens dûment formés et agréés devraient être autorisés à manipuler des explosifs. Les règles en matière d’entreposage, de transport et d’allumage doivent être respectées (voir figure 96.22). Doivent être aussi scrupuleusement observés les codes, lois et décrets locaux en vigueur. Enfin, du matériel de sécurité et des extincteurs agréés seront disponibles sur le site de mise à feu en un lieu d’accès dégagé.

Figure 96.22 Entrepôt protégé pour produits pyrotechniques

Figure 96.22

Les services de restauration

Les parcs d’attractions, les parcs à thème et les cirques offrent la possibilité de se restaurer par le biais de marchands ambulants, de baraques ou de véritables restaurants. Les risques communs à tous les types de restauration pratiqués en ces lieux sont liés à l’obligation de servir beaucoup de monde en très peu de temps aux heures d’affluence. Chutes, brûlures, coupures et traumatismes dus à la répétition des mêmes gestes sont fréquents dans ce genre de métier. Le service des plats sur des plateaux peut être à l’origine de dorsalgies. Les risques sont accrus aux heures de pointe (au moment du coup de feu). L’une des lésions courantes dans la grande restauration est la pathologie d’hypersollicitation qui peut se manifester par une tendinite ou le syndrome du canal carpien, chez les marchands de glaces, par exemple. Pour les risques professionnels dans ce secteur, le lecteur peut se reporter au chapitre no 98 «L’hôtellerie et la restauration».

Il s’ensuit un certain nombre de précautions à prendre. Pour que le travail s’effectue dans des conditions de sécurité optimales, il est essentiel d’augmenter les effectifs en périodes d’affluence. Du personnel devrait être préposé aux tâches spécifiques de l’épongeage, du balayage et du nettoyage. Quant aux lésions provoquées par des efforts répétés, il est possible de les prévenir par des moyens simples. Ainsi, dans l’exemple précité, le travail du glacier sera moins pénible si les glaces sont moins dures, si on chauffe les cuillers avant de former les boules, si on choisit des manches de conception plus ergonomique et, enfin, si on prévoit une rotation régulière des employés.

Les décors, les accessoires et les expositions

Les scènes, salles d’exposition, baraques, décors et bâtiments sont autant de structures qu’il faut construire. Les risques sont, en grande partie, les mêmes que ceux rencontrés dans le bâtiment: chocs électriques, lacérations graves, lésions oculaires ou autres accidents liés à l’utilisation de matériel et d’outils électriques. Lorsque la construction s’effectue à l’extérieur et que l’on érige des décors et d’autres matériels scéniques, les risques potentiels sont accrus, notamment celui d’écroulement si le montage n’est pas bien fait. La manipulation de ces éléments peut entraîner des chutes, ainsi que des dorsalgies et des cervicalgies (voir aussi l’encadré intitulé «Les ateliers de décors», dans le présent chapitre).

L’une des principales précautions consiste à suivre attentivement les mises en garde, les recommandations en matière de sécurité et les modes d’emploi fournis par les fabricants d’outils et de machines électriques. Par ailleurs, le poids et la taille des accessoires devraient être réduits au minimum pour éviter d’avoir à soulever des objets lourds. Les accessoires, les décors et les objets conçus pour un emploi extérieur doivent être contrôlés pour leur coefficient de résistance au vent et leurs autres capacités d’exposition. Les accessoires destinés à porter une charge humaine devraient être soigneusement testés et leur facteur de sécurité intrinsèque vérifié. Enfin, il est indispensable d’évaluer les risques d’incendie que présente le matériel en fonction de son utilisation et de respecter tous les règlements relatifs aux incendies.

Les machinistes et le personnel d’entretien des parcs d’attractions

Les attractions que proposent les parcs sont extrêmement variées: grande roue, montagnes russes, toboggan à eau, grand huit, soucoupes volantes, etc. Les machinistes et le personnel d’entretien travaillent dans des zones et dans des conditions où les risques d’accidents graves sont accrus; de fait, ils peuvent être électrocutés, heurtés par du matériel, happés par une machine, coincés entre des équipements, etc. En plus des attractions proprement dites, ces personnes doivent assurer le fonctionnement et l’entretien des générateurs et des transformateurs électriques.

Par précaution, il faut établir un programme efficace pour réduire les risques grâce à un système de verrouillage et de blocage. Ce programme devrait prévoir, entre autres, des cadenas à clé unique attribués individuellement, des consignes écrites pour le travail sur les circuits électriques, les machines, le matériel hydraulique, l’air comprimé, l’eau et d’autres sources d’énergie éventuelles, ainsi que des essais permettant de s’assurer que l’alimentation en énergie a été effectivement coupée. Quand plusieurs personnes travaillent sur un même matériel, chacune devrait disposer de son propre système de verrouillage.

Les attractions itinérantes

Les cirques et bien d’autres attractions effectuent souvent des tournées. Celles-ci se font en camion, dans le cas des petites productions, ou en train, pour les cirques importants. Les principaux risques sont les chutes, les fractures ou amputations des membres, voire les accidents mortels lors du montage, du démontage ou du transport de matériel (voir figure 96.23). Le travail hâtif qui ne tient pas compte des consignes de sécurité est un problème particulièrement préoccupant; c’est hélas souvent la règle pour pouvoir respecter le calendrier des spectacles.

Figure 96.23 Dans un parc de loisirs, montage d'un manège à l'aide d'une grue

Figure 96.23

Certaines précautions doivent être prises. Les travailleurs doivent recevoir une formation solide, se montrer vigilants et suivre les directives du fabricant pour le montage, le démontage, le chargement, le déchargement et le transport du matériel. Des précautions supplémentaires s’imposent quand des animaux participent au travail, par exemple, lorsqu’on se sert d’un éléphant pour haler ou pousser des charges lourdes. Les câbles, cordages, treuils, grues, chariots élévateurs, etc. devraient être inspectés avant chaque utilisation. Les chauffeurs de poids lourds doivent observer les règles de sécurité concernant le transport routier. En outre, le personnel devrait être formé aux procédures de sécurité et d’urgence lorsque des animaux, des individus et du matériel voyagent ensemble en train.

LES CORRIDAS ET LES RODÉOS

Michael McCann

La course de taureaux, communément appelée corrida , est très populaire en Espagne, dans les pays hispanophones d’Amérique latine (surtout au Mexique), dans le sud de la France et au Portugal. C’est un véritable rituel, au cérémonial empreint de pompe, aux règles strictes et aux costumes traditionnels hauts en couleur. Les matadors jouissent d’un immense prestige; ils sont souvent formés au métier dès leur plus jeune âge dans le cadre d’un apprentissage non officiel.

En revanche, les rodéos sont un divertissement sportif plus récent. Ils trouvent leur origine dans les concours d’adresse où les cow-boys montraient leur savoir-faire professionnel. Ce sont, aujourd’hui, des manifestations sportives réglementées, très populaires dans l’ouest des Etats-Unis et du Canada, ainsi qu’au Mexique. Des cow-boys (parfois des cow-girls) professionnels se déplacent d’un rodéo à l’autre. Les numéros les plus courants consistent à monter un cheval semi-sauvage (bronco), à chevaucher un taureau, à maîtriser un bouvillon et à attraper un veau au lasso.

Corridas . Outre les taureaux, les acteurs de la corrida sont les matadors et leurs assistants (banderilleros et picadors). Quand le taureau est lâché dans l’arène, le matador attire son attention par une série de passes effectuées avec sa large cape. Le taureau est attiré par le mouvement de l’étoffe, et non par sa couleur, car il ne distingue pas les couleurs. La réputation du matador dépend de la hardiesse avec laquelle il s’approche des cornes du taureau. Les taureaux de combat sont sélectionnés et élevés depuis des siècles pour leur agressivité. Au cours de la phase suivante de la corrida, des cavaliers (picadors) affaiblissent le taureau avec la pique, et des toreros à pied (banderilleros) placent les banderilles dans le garrot du taureau pour l’amener à baisser la tête au moment de la mise à mort.

La dernière étape est celle où le matador tente de tuer le taureau en lui plantant son épée dans l’aorte, entre les épaules. Des passes très formalisées avec la cape précèdent la mise à mort. Plus le matador prend de risques, plus il est acclamé et, bien évidemment, plus il risque d’être encorné (voir figure 96.24). Les matadors sont, en général, encornés une fois par saison, la saison pouvant représenter jusqu’à 100 corridas pour chacun d’entre eux.

Figure 96.24 Corrida

Figure 96.24

Le principal risque que courent les matadors et leurs assistants est celui de se faire encorner, voire tuer, par le taureau. Ils sont aussi susceptibles de contracter le tétanos après avoir reçu un coup de corne. Une étude épidémiologique réalisée à Madrid (Espagne) indique que seulement 14,9% des professionnels des corridas étaient vaccinés contre cette maladie, alors que 52,5% d’entre eux étaient victimes de blessures professionnelles (Domínguez et coll., 1987). Peu de précautions sont prises. Certes, les picadors à cheval portent des jambières d’acier. Mais les professionnels de la corrida sont tributaires de leur formation et de leur habileté, ainsi que de la qualité de leurs chevaux. Une précaution essentielle consiste à prévoir un secours d’urgence sur place (voir l’article «Le cinéma et la télévision», dans le présent chapitre).

Rodéos . Les numéros de rodéo les plus dangereux sont la monte d’un cheval semi-sauvage ou d’un taureau et l’immobilisation d’un bouvillon. Le premier consiste à se maintenir sur un animal rétif pendant un temps donné. La monte se fait à cru ou avec selle. Pour ce qui est de la maîtrise d’un bouvillon, le cavalier doit arrêter l’animal en sautant de son cheval, le saisir par les cornes et le renverser à terre. La capture au lasso, quant à elle, consiste pour le cavalier à passer un lasso au cou d’un veau, à sauter à terre, puis à lier le veau par les pattes avant et arrière le plus rapidement possible.

Hors les principaux acteurs du rodéo, les risques pèsent aussi sur les cavaliers auxiliaires qui les escortent et sont chargés de porter secours aux cavaliers désarçonnés et d’attraper l’animal, ainsi que sur les clowns de rodéo qui ont pour tâche de distraire les animaux, en particulier les taureaux, pour donner à ceux qui ont été désarçonnés la possibilité de s’échapper (voir figure 96.25). Les clowns interviennent à pied et portent un costume bariolé pour attirer l’attention de l’animal. Les participants aux rodéos risquent, notamment, d’être piétinés ou encornés, de recevoir des coups de sabot, de se blesser aux genoux en sautant de cheval et aux coudes en se tenant d’une main au cheval semi-sauvage ou au taureau qu’ils montent, ou encore d’être blessés au visage quand un taureau redresse brutalement la tête. Le cavalier qui chevauche un cheval semi-sauvage ou un taureau peut aussi avoir les jambes écrasées contre la glissière quand il attend que la porte s’ouvre et que l’animal soit lâché. Les blessures graves, voire mortelles, ne sont pas rares. Trente-sept pour cent des accidents liés aux rodéos touchent les cavaliers qui chevauchent des taureaux (Griffin et coll., 1989). Les lésions cérébrales et de la moelle épinière sont particulièrement préoccupantes (Morbidity and Mortality Weekly Report , 1996). Une étude portant sur 39 professionnels du rodéo a révélé au total 76 anomalies du coude chez 29 cavaliers montant des chevaux semi-sauvages et des taureaux (Griffin et coll., 1989). Ses conclusions ont attribué les lésions à l’extension exagérée et constante du bras tenant l’animal et aux chutes.

Figure 96.25 Clown de rodéo détournant un taureau pour l'éloigner d'un cavalier
désarçonné

Figure 96.25

Le meilleur moyen de prévenir ces blessures tient au talent des cow-boys, des cavaliers qui les assistent et des clowns de rodéo. Il est aussi essentiel que les chevaux soient bien dressés. De plus, le port de bandages et de rembourrages protecteurs autour des coudes est recommandé pour la monte des chevaux semi-sauvages et des taureaux. Encore rares, gilet de sécurité, protège-bouche et casque tendent à être de plus en plus acceptés. Il est arrivé que des cow-boys portent un masque pour monter un taureau. Comme pour les corridas, il est indispensable de prévoir un secours d’urgence sur place.

Il est évident que, dans le cas des corridas et des rodéos, les personnes qui soignent les animaux et les nourrissent sont, elles aussi, exposées à des risques. Pour plus de renseignements sur ce point, voir l’article «Les zoos et les aquariums», dans le présent chapitre.

LES SPORTS PROFESSIONNELS

Gordon Huie, Peter J. Bruno et W. Norman Scott

Les activités sportives sont à l’origine de nombreuses blessures. Pour les réduire au minimum, il convient de prendre les précautions requises, d’être en bonne condition, de disposer d’un équipement adapté et de s’en servir judicieusement.

Quel que soit le sport, il est recommandé de se maintenir en condition toute l’année. Os, ligaments et muscles se développent alors physiologiquement en taille et en force (Clare, 1990). L’athlète est ainsi mieux à même d’éviter les blessures physiques. Les sports qui requièrent de soulever un poids ou de se muscler doivent être placés sous le contrôle d’un moniteur de musculation.

Les sports de contact

Les sports de contact tels que le football américain ou le hockey sont particulièrement dangereux. De par son caractère agressif, le football américain exige du joueur qu’il brutalise ou qu’il plaque son adversaire. Le but du jeu est de s’emparer du ballon, en repoussant physiquement quiconque se trouve sur son passage. L’équipement doit donc être bien adapté au corps du joueur et offrir une protection adéquate (voir figure 96.26). Le port d’un casque muni d’un protecteur facial est de règle et joue un rôle capital dans ce sport (voir figure 96.27). Le casque ne doit pas risquer de glisser ou de tourner, et les lanières doivent être parfaitement ajustées (American Academy of Orthopedic Surgeons, 1991).

Figure 96.26 Rembourrages bien ajustés utilisés en football américain

Figure 96.26

Figure 96.27 Casque muni d'une grille pour le football américain

Figure 96.27

Il arrive malheureusement que des joueurs fassent mauvais usage de leur casque et s’en servent pour «donner un coup de bélier» à leurs adversaires. De tels coups peuvent causer des lésions de la colonne cervicale, parfois même une paralysie. Dans un sport comme le hockey, le jeu peut aussi dégénérer, quand les joueurs se croient autorisés à utiliser leur crosse à leur guise, au risque de taillader le visage ou le corps de leur adversaire.

Les lésions traumatiques du genou sont fréquentes au football et au basket-ball. En cas de blessure mineure, une jambière élastique (voir figure 96.28) peut, en assurant une bonne contention, se révéler utile. Les ligaments et le cartilage du genou sont extrêmement sensibles aux contraintes et aux coups. C’est O’Donoghue (1950) qui a été le premier à décrire la double lésion classique, du cartilage et des ligaments. Dans le cas des lésions ligamentaires (entorses), la douleur s’accompagne d’un craquement nettement audible, suivi d’un œdème du genou. Une intervention chirurgicale peut être nécessaire pour que le joueur puisse reprendre ses activités. Celui-ci peut être amené à porter, après l’opération, une attelle qui empêche toute rotation du genou. Il en est de même pour les joueurs qui souffrent d’une déchirure partielle du ligament croisé antérieur, mais qui possèdent assez de fibres intactes pour poursuivre leurs activités. Les attelles doivent être bien rembourrées de façon à protéger la partie lésée et à ne pas risquer de blesser les autres joueurs (Sachare, 1994a).

Figure 96.28 Genouillère

Figure 96.28

Au hockey, la vitesse atteinte tant par les joueurs que par le palet de bois dur requiert le port d’un rembourrage de protection (voir figure 96.29) et d’un casque. Le casque doit être muni d’une protection faciale pour prévenir les blessures au visage et aux dents. Même en portant un casque et un rembourrage protégeant les parties vitales, les joueurs de football américain et de hockey n’échappent pas à des blessures graves telles que des fractures des extrémités et de la colonne vertébrale.

Figure 96.29 Gants de hockey rembourrés

Figure 96.29

Dans ces deux sports, il faut prévoir une trousse médicale complète (instruments de diagnostic, matériel de réanimation, dispositifs d’immobilisation, médicaments, pansements, brancard rigide et civière) et du personnel de premiers secours (Huie et Hershman, 1994). Dans la mesure du possible, ces secours doivent être mis à disposition pour tous les sports de contact. La moindre blessure doit faire l’objet d’une radiographie afin de s’assurer qu’il n’y a pas de fracture. L’imagerie par résonance magnétique s’est révélée très utile pour mettre au jour des lésions des tissus mous.

Le basket-ball

Le basket-ball est aussi un sport de contact, mais les joueurs ne portent pas d’équipement de protection. Le jeu consiste à s’emparer du ballon, sans pour autant brutaliser l’adversaire. Les blessures sont minimes, en raison de la bonne condition physique des joueurs, et de leur agilité à éviter tout contact brutal.

La lésion la plus courante est l’entorse de la cheville, comme l’attestent des études qui ont montré qu’environ 45% des basketteurs en sont victimes (Garrick, 1977; Huie et Scott, 1995). Les ligaments touchés sont, sur le plan médian, le ligament du deltoïde et les ligaments péronéo-talonniers antérieur et postérieur et, latéralement, le ligament péronéo-calcanéen. Il faut faire des radiographies pour vérifier l’absence de fracture; celles-ci doivent porter sur l’ensemble de la partie inférieure de la jambe pour écarter la possibilité d’une fracture de Maisonneuve (VanderGriend, Savoie et Hughes, 1991). Dans le cas de l’entorse chronique, le port d’une chevillère semi-rigide réduit le risque de récidive de lésion ligamentaire (voir figure 96.30).

Figure 96.30 Chevillère rigide

Figure 96.30

Les blessures aux doigts peuvent induire des ruptures des structures ligamentaires de soutien. D’où des risques de doigt en maillet, de déformation en col de cygne et de déformation en boutonnière (Bruno, Scott et Huie, 1995). Très courantes, ces lésions sont dues au choc direct avec le ballon, avec d’autres joueurs, avec le panneau ou avec le cercle du panier. Le port de bandes aux chevilles et aux doigts contribue à réduire au minimum les foulures accidentelles et les hyperextensions des articulations.

Des lésions faciales (lacérations) et des fractures du nez peuvent aussi être causées par le contact brutal avec les bras des adversaires ou avec leurs proéminences osseuses, ainsi qu’avec le sol ou d’autres structures fixes. Un masque protecteur transparent et léger peut contribuer à prévenir ce type de blessure.

Le base-ball

Les balles de base-ball sont des projectiles extrêmement durs. Les joueurs doivent toujours suivre attentivement la trajectoire de la balle tant pour des raisons de sécurité que pour la stratégie du sport. Le casque que portent les batteurs, le gilet matelassé et le casque au masque grillagé qu’arborent les receveurs (voir figure 96.31) font partie des équipements de protection requis. La balle peut être catapultée à plus de 150 km/h et donc parfois causer des fractures. Toute blessure à la tête doit donner lieu à un examen neurologique complet et, en cas de perte de conscience, des radiographies de la tête s’imposent.

Figure 96.31 Masque de protection du receveur au base-ball

Figure 96.31

Le football

Le football peut être un sport de contact à l’origine de lésions traumatiques des extrémités inférieures. Les blessures des chevilles sont courantes. Pour prévenir le plus possible ce risque, il convient de se bander la cheville ou de porter des protège-tibia semi-rigides. Toutefois, il a été démontré que le bandage de la cheville perd une partie de son efficacité après une trentaine de minutes d’effort intense. Fréquentes, les déchirures du ligament croisé antérieur du genou requièrent souvent une intervention reconstructive si le joueur souhaite continuer à pratiquer ce sport. Le syndrome douloureux tibial est extrêmement fréquent; il semble qu’il soit dû à une périostite tibiale. Dans les cas extrêmes, une fracture de fatigue peut se produire. Le traitement consiste à prescrire trois à six semaines de repos et des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Toutefois, les sportifs professionnels de haut niveau tendent à négliger le traitement dès la régression des symptômes, au terme de la première semaine, et à reprendre prématurément leur activité. Les élongations du tendon du jarret et de l’aine affectent fréquemment les athlètes qui ne s’accordent pas assez de temps pour échauffer et étirer les muscles de leurs jambes. Des protège-tibia permettent de prévenir les chocs traumatiques au niveau des extrémités inférieures, en particulier le tibia.

Le ski

En tant que sport, le ski ne requiert pas d’équipement de protection, même s’il est conseillé de porter des lunettes pour éviter de se blesser les yeux et pour filtrer la réverbération du soleil sur la neige. Les chaussures de ski offrent aux chevilles un soutien rigide; elles sont équipées d’un système de déblocage rapide qui se déclenche lors d’une chute. Bien qu’utile, ce système reste tributaire des circonstances de la chute. Pendant la saison hivernale, les lésions des ligaments et des cartilages du genou sont fréquentes; y sont exposés aussi bien les novices que les skieurs chevronnés. Les professionnels du ski de descente doivent porter un casque, en raison de la vitesse et de la difficulté à s’arrêter en cas d’erreur de trajectoire ou de direction.

Les arts martiaux et la boxe

Les arts martiaux et la boxe sont des sports de contact particulièrement rudes, qui se pratiquent sans équipement de protection ou avec un équipement très réduit. Les gants portés lors des combats de boxe professionnels ont un poids déterminé, ce qui en accroît l’efficacité. Chez les amateurs, le casque de protection amortit les coups. Comme pour le ski, la condition physique est capitale. Agilité, vitesse et force permettent au combattant de limiter les risques d’accident. Les coups sont plus détournés qu’absorbés. Les fractures et les lésions des tissus mous sont très courantes chez le boxeur. Comme au volley-ball, les traumatismes répétés des doigts et des os du carpe entraînent des fractures, des subluxations, des luxations et des ruptures ligamentaires. Le bandage et le rembourrage des mains et des poignets peuvent apporter un certain soutien, mais cette protection reste minime. Des études ont montré que les lésions cérébrales durables constituaient un problème préoccupant chez les boxeurs (Council on Scientific Affairs of the American Medical Association, 1983). La moitié d’un groupe de boxeurs professionnels dont chacun avait disputé au moins 200 combats présentait des symptômes neurologiques correspondant à l’encéphalopathie traumatique.

Les courses de chevaux

Chez les amateurs comme chez les professionnels, les courses de chevaux exigent le port d’une bombe. Si cette bombe apporte quelque protection en cas de chute, elle ne maintient pour autant ni le cou, ni la colonne vertébrale. L’expérience et le bon sens contribuent à limiter au minimum les chutes, mais même des cavaliers expérimentés peuvent être grièvement blessés, voire paralysés, s’ils tombent sur la tête. Aujourd’hui, nombre de jockeys portent un protège-dos car, lors d’une chute, ils risquent fort d’être piétinés par les chevaux et, parfois, d’y laisser leur vie. Dans les courses de trot attelé, pour lesquelles les chevaux tirent des voitures à deux roues (sulkys), des collisions ont entraîné des chocs en série et on a vu des drivers être grièvement blessés. Pour les risques auxquels sont exposés les palefreniers et autres soigneurs de chevaux, voir le chapitre no 70, «L’élevage».

Les premiers secours

En règle générale, l’application immédiate de glace (voir figure 96.32) et de compresses, la surélévation et l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens suffisent à soigner la plupart des blessures. Un pansement compressif doit être appliqué sur toute plaie ouverte, avant d’apprécier la lésion et de poser des points de suture. Le joueur doit être immédiatement retiré du jeu pour éviter qu’il ne contamine les autres joueurs par son sang (Sachare, 1994b). Un traumatisme crânien avec perte de conscience doit faire l’objet d’un examen neurologique attentif.

Figure 96.32 Application de compresses froides

Figure 96.32

L’aptitude physique

Il arrive que les athlètes professionnels présentant des cardiopathies asymptomatiques ou symptomatiques hésitent à dévoiler leur pathologie. Au cours des dernières années, des athlètes professionnels souffrant de problèmes cardiaques en sont morts. Les impératifs commerciaux du sport professionnel peuvent amener certains d’entre eux à ne pas révéler leur crainte d’être mis à l’écart d’activités qui exigent d’eux des efforts intenses. En étudiant soigneusement les antécédents médicaux et familiaux des sportifs et en leur faisant passer des électrocardiogrammes et des tests d’effort, il est possible de repérer ceux qui encourent un risque. S’il s’avère qu’un sportif «à risque» veut poursuivre la compétition en dépit des problèmes médico-légaux qui se posent, il est impératif que du matériel de réanimation d’urgence et du personnel formé soient présents à toutes les séances d’entraînement et lors des matchs.

Les arbitres ont pour rôle d’assurer le bon déroulement du match, mais ils sont aussi là pour empêcher les joueurs de se blesser et de blesser autrui. Pour la plupart, ils sont généralement objectifs et habilités à interrompre l’action en cas d’urgence. Comme dans les sports de compétition, l’émotion est forte et le taux d’adrénaline élevé; aussi sont-ils chargés d’aider les joueurs à canaliser leur énergie de façon positive.

Une bonne mise en condition, un échauffement et un étirement musculaire adéquats sont essentiels avant chaque compétition pour prévenir les claquages et les foulures. Cette préparation permet aux muscles de fonctionner avec une efficacité maximale, tout en réduisant le plus possible les risques de claquage ou de foulure (microdéchirure). L’échauffement peut se limiter à trois à cinq minutes de footing ou de mouvements de gymnastique, suivis de cinq à dix minutes d’élongations modérées. Quand les muscles sont à leur niveau d’efficacité maximale, l’athlète est à même d’éviter rapidement une posture menaçante.

L’INDUSTRIE DU SEXE

Priscilla Alexander

L’industrie du sexe est très importante tant dans les pays en développement, où elle est une source essentielle de devises, que dans les pays industriels. Elle comprend deux grands secteurs: 1) la prostitution, qui implique l’échange direct d’un service sexuel contre de l’argent ou d’autres formes de compensation économique; 2) la pornographie, qui consiste dans la représentation d’activités sexuelles, à deux ou à plusieurs personnes, à travers la photographie, le cinéma et la vidéo, voire sur une scène de théâtre ou dans un cabaret; elle ne comporte aucun rapport sexuel direct avec le client. La frontière entre la prostitution et la pornographie est cependant assez floue. De fait, certaines prostituées se contentent de jouer et de danser des scènes érotiques pour des clients privés. Par ailleurs, certains travailleurs de l’industrie pornographique ne se limitent pas à la seule exhibition et se prêtent à des contacts sexuels directs avec des spectateurs, par exemple dans des clubs de strip-tease.

La législation régissant la prostitution et la pornographie varie d’un pays à l’autre. Elle va de l’interdiction formelle de la rémunération des rapports sexuels et de l’interdiction des établissements qui la pratiquent, aux Etats-Unis notamment, à la tolérance de la prostitution indépendante et organisée, aux Pays-Bas par exemple. Elle passe, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens, par la dépénalisation de l’activité, toutefois accompagnée de l’interdiction des maisons closes ou, comme dans plusieurs pays d’Amérique latine et d’Asie, par l’assujettissement des prostituées à la réglementation sanitaire nationale et l’interdiction d’exercer cette activité pour celles qui ne s’y soumettent pas. Même quand ils tolèrent cette activité, les pouvoirs publics conservent une attitude ambiguë, et peu d’entre eux, sinon aucun, ont tenté d’appliquer les réglementations de prévention pour assurer la protection des travailleurs de l’industrie du sexe. Cependant, depuis le début des années soixante-dix, les prostitués des deux sexes et les acteurs de spectacles érotiques s’organisent dans de nombreux pays (Delacoste et Alexander, 1987; Pheterson, 1989) et se préoccupent de plus en plus de la sécurité professionnelle, alors qu’ils tentent de réformer le contexte juridique de leur travail.

La participation de jeunes adolescents aux activités de l’industrie du sexe suscite de vives polémiques. Il n’est pas dans notre propos de développer cette question, mais il est important que les solutions aux problèmes posés par la prostitution d’adolescents soient élaborées dans le cadre général des réponses recherchées pour lutter contre le travail des enfants et la pauvreté et ne soient pas considérées comme un phénomène isolé. Une autre controverse porte sur le fait de savoir, en ce qui concerne les adultes, dans quelle mesure le travail du sexe leur est imposé ou s’il relève d’un choix personnel. Pour la majeure partie des travailleurs du sexe, il s’agit d’une activité temporaire, dont la durée moyenne valable dans le monde varie de quatre à six ans, ces chiffres prenant en compte aussi bien les personnes qui ne travaillent que quelques jours ou de façon intermittente (par exemple, en exerçant un autre métier) que celles qui travaillent pendant trente-cinq ans ou plus. Le principal facteur qui préside à la décision d’exercer un travail de ce type est économique; dans tous les pays, l’industrie du sexe rapporte plus que d’autres emplois peu qualifiés. En fait, il est des pays où les prostituées les mieux payées gagnent plus que certains membres des professions libérales. Selon le mouvement de défense des droits des travailleurs du sexe, il est difficile de savoir si l’activité est pratiquée librement ou imposée, quand ce travail est illégal et lourdement condamné. Il est important d’aider ces travailleurs du sexe à s’organiser en créant, par exemple, des syndicats, des associations professionnelles, des projets d’autoassistance et des organisations de défense de leurs intérêts.

Les risques et les précautions

Maladies sexuellement transmissibles (MST) . Le principal risque professionnel des travailleurs du sexe et celui qui, historiquement, a suscité le plus d’intérêt, est constitué par les MST, parmi lesquelles la syphilis, la gonococcie, la chlamydiose, l’ulcère génital, la trichomonase, l’herpès et, plus récemment, le VIH et le sida.

Dans tous les pays, le risque de contamination par le VIH et d’autres MST est plus important chez les travailleurs du sexe les plus pauvres, que ce soit dans les rues des pays industriels, dans les maisons d’abattage d’Asie et d’Amérique latine ou dans les quartiers où habitent des communautés démunies en Afrique. Dans les pays industriels, des études ont montré que, chez les prostituées, l’infection par le VIH est liée à la consommation de drogues injectables ou de crack (forme de cocaïne qui se fume) par la prostituée ou son partenaire du moment, et non au nombre de clients ou à la prostitution en tant que telle. Peu d’études ont été consacrées aux personnes qui travaillent dans la pornographie; toutefois, les données sont vraisemblablement similaires. Dans les pays en développement, les principaux risques apparaissent moins clairement, mais il faut sans doute inclure à la fois une forte prédominance des MST classiques non traitées, qui, selon certains chercheurs, favorisent la transmission du VIH et le recours à des marchands ambulants ou à des cliniques mal équipées pour le traitement des MST, les injections se faisant avec des seringues non stérilisées. La consommation de drogues douces par injection est aussi associée à la contamination par le VIH dans certains pays en développement (Estébanez, Fitch et Nájera, 1993). Chez les hommes qui se prostituent, la contamination par le VIH est plus souvent liée aux pratiques homosexuelles, mais elle l’est également aux injections de drogue et à l’activité sexuelle dans le contexte du trafic de drogue.

Les principales précautions consistent à porter systématiquement des préservatifs en latex ou en polyuréthane pour la fellation et les rapports vaginaux ou anaux, le cas échéant avec des lubrifiants (à base d’eau pour les préservatifs en latex et à base d’eau ou d’huile pour ceux en polyuréthane), des protections de latex ou de polyuréthane pour le cunnilingus et le contact bucco-anal, ainsi que des gants pour le toucher des parties génitales. Si l’emploi du préservatif se répand chez les prostitués (hommes ou femmes) dans la plupart des pays, il reste exceptionnel dans l’industrie pornographique. Les femmes utilisent parfois des spermicides pour se protéger. Cependant, s’il est apparu que le spermicide nonoxynol-9 tue le VIH en laboratoire et réduit la fréquence des MST classiques chez certaines populations, son efficacité dans la prévention du VIH au quotidien est bien moins évidente. De plus, l’utilisation de nonoxynol-9 plus d’une fois par jour a été associée à des taux élevés de rupture de l’épithélium vaginal (ce qui peut augmenter la vulnérabilité des travailleuses du sexe au VIH) et, parfois, à une hausse des infections de la flore vaginale. Aucune étude n’a été consacrée à son utilisation lors de rapports sexuels anaux.

L’accès des travailleurs du sexe à un régime de soins de santé qui leur soit adapté est aussi très important, notamment pour qu’ils puissent faire traiter des maladies autres que les MST. Les procédures sanitaires traditionnelles, qui imposent l’octroi d’un permis ou l’enregistrement sur un fichier ainsi que des contrôles médicaux réguliers, n’ont pas réussi à réduire les risques d’infection chez cette catégorie de travailleurs; en outre, elles sont contraires à la politique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui s’oppose aux examens obligatoires.

Lésions . Bien qu’il n’y ait pas eu d’études formelles sur les autres risques professionnels, des constatations non scientifiques montrent que les lésions du poignet et de l’épaule, dues à des efforts répétés, sont fréquentes chez les prostitués, hommes ou femmes, qui «travaillent à la main» et qu’une douleur à la mâchoire peut parfois être associée à la pratique de la fellation. De plus, les prostituées de la rue et les danseuses érotiques peuvent connaître des problèmes de pied, de genou ou de dos liés au port de talons hauts. Certaines prostituées se sont plaintes d’infections chroniques de la vessie et des reins, dues au fait qu’elles travaillaient avec une vessie pleine ou qu’elles ne savaient pas comment se placer pour éviter une pénétration profonde pendant le rapport vaginal. Enfin, certains groupes de prostitués sont souvent victimes de violence, en particulier dans les pays où les lois contre la prostitution sont appliquées sans ménagement. Cette violence se manifeste, notamment, par le viol et d’autres sévices sexuels, par des agressions physiques et par le meurtre; elle est perpétrée par des policiers, des clients, des proxénètes ou encore par le partenaire habituel. Le risque de blessures est plus grand chez les plus jeunes et les moins expérimentés, spécialement chez ceux et celles qui ont commencé à travailler pendant l’adolescence.

Les principales précautions à prendre consistent à veiller à ce que les travailleurs du sexe apprennent à faire le moins d’efforts possible lors des différentes pratiques sexuelles, de façon à prévenir les lésions provoquées par la répétitivité des efforts et les infections de la vessie, ainsi qu’à se défendre pour être moins exposés à la violence. Cet aspect est particulièrement important pour les jeunes. En ce qui concerne la violence, il convient aussi d’inciter la police et les procureurs à se montrer plus soucieux de faire respecter la loi contre le viol et d’autres violences quand les victimes sont des travailleurs du sexe.

Alcoolisme et toxicomanie . Les prostitués des deux sexes qui travaillent dans les bars et cabarets sont souvent astreints par la direction des établissements à faire boire les clients et à boire avec eux, ce qui peut constituer un grave danger chez les individus qui sont déjà menacés par l’alcoolisme. De plus, certains commencent à faire usage de drogue (par exemple, l’héroïne, les amphétamines ou la cocaïne) pour lutter contre le stress inhérent à leur métier. En revanche, d’autres consommaient déjà de la drogue avant de travailler dans l’industrie du sexe et ont fait ce choix pour pouvoir en acheter. Chez les toxicomanes qui se droguent par injection, l’exposition au VIH, à l’hépatite et à toutes sortes d’infections bactériennes est plus importante s’ils ne changent pas systématiquement de seringue.

Les principales précautions consistent à instaurer une réglementation sur le lieu de travail, qui prévoit que les prostitué(e)s puissent boire des boissons non alcoolisées avec leurs clients, à fournir des seringues stériles, voire, lorsque cela est possible, des drogues autorisées, aux travailleurs du sexe qui se piquent et à leur faciliter l’accès aux programmes de désintoxication, qu’il s’agisse de drogue ou d’alcool.

LES ÉTABLISSEMENTS DE NUIT

Angela R. Babin

Sont ici réunis des métiers du divertissement extrêmement divers qui se pratiquent dans le cadre d’établissements tels que bars, cabarets, discothèques, bals, bars «topless», boîtes de nuit, casinos, cercles de jeux, salons de bingo (loto), salles de paris, cinémas et théâtres. Ils sont exercés par des barmans et des barmaids, des serveurs et des serveuses, des hôtesses et des hôtes, des croupiers, des videurs (personnel de sécurité), des musiciens, des danseurs, des strip-teaseuses et des strip-teaseurs, des projectionnistes de cinéma, etc. Les restaurants et les hôtels organisent souvent des attractions nocturnes dans leurs murs. Plusieurs catégories de risques sont communes à presque toutes les personnes qui travaillent la nuit dans ce type d’établissements.

Travail posté . Si les barmans et les barmaids peuvent effectuer un travail de nuit régulier, il arrive que les musiciens qui se produisent dans un club se relaient de façon irrégulière. Divers effets physiologiques, psychologiques et sociaux sont liés au travail de nuit ou au travail posté irrégulier. Dans les bars, il est fréquent que les serveurs et les serveuses travaillent dix à quatorze heures d’affilée.

Violence . La violence sur le lieu de travail est un problème majeur dans les établissements qui servent de l’alcool, tout comme dans les lieux voués au jeu. L’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), aux Etats-Unis, a étudié le taux d’homicide chez les travailleurs américains entre 1980 et 1989. Il en est ressorti que la profession de barman occupait le huitième rang, avec un taux de 2,1 pour 100 000, contre un taux moyen de 0,7 pour 100 000, toutes professions confondues. Il est apparu que des facteurs comme l’échange d’argent avec le public, le fait de travailler souvent seul ou en petit nombre, le travail de nuit ou matinal et le travail dans des zones à forte criminalité contribuaient à l’augmentation du taux d’homicide. L’une des mesures préventives, destinées à réduire la violence, consiste à améliorer la visibilité des lieux, par exemple en modifiant l’éclairage. Par ailleurs, le montant d’argent liquide disponible doit être le plus bas possible; des panneaux doivent clairement signaler qu’il n’y a pas ou, du moins, fort peu, d’espèces dans les caisses. Des systèmes d’alarme silencieux et des caméras cachées peuvent être installés, et les travailleurs peuvent être formés aux techniques de défense non violentes pour faire face à des situations d’urgence, telles que le cambriolage. Des dispositions peuvent être prises pour que la police organise des rondes régulières. Il est même conseillé de protéger les employés par des écrans blindés et de leur faire porter des gilets pare-balles, si nécessaire.

Sécurité incendie . Beaucoup de boîtes de nuit, de salles de bal, de cinémas et de bars de faible importance ne respectent pas les normes en matière de lieux de réunion, de construction ou d’incendie. Il est arrivé que des incendies très graves, voire mortels, se déclarent dans des établissements urbains où le nombre de clients est souvent bien supérieur à celui autorisé par la loi. Les risques peuvent être réduits si l’on respecte les règles en matière d’incendie et de réunion publique, si l’on instaure des consignes à suivre en cas d’incendie et d’urgence, si l’on installe des extincteurs, si l’on apprend au personnel à s’en servir et si l’on met en place d’autres procédures d’urgence (Malhotra, 1984).

Tabagisme passif . Dans de nombreux lieux ouverts la nuit, le tabagisme passif constitue un danger important. Les risques de développer le cancer du poumon ou des cardiopathies sont accrus par l’exposition à la fumée de cigarette sur le lieu de travail (NIOSH, 1991). Le risque de cancer du larynx, lui aussi lié à la consommation de tabac, est élevé chez les barmans et les serveurs. Souvent, les petits bars et les clubs de nuit ne disposent pas de système de ventilation adéquat pour évacuer cette fumée. De nombreux pays s’efforcent de réglementer l’exposition à la fumée des autres, mais de telles mesures ne sont pas universelles. Des systèmes de ventilation et d’assainissement de l’air, tels les dépoussiéreurs par précipitation électrostatique, et la réglementation du tabagisme peuvent réduire l’exposition à la fumée.

Alcoolisme et toxicomanie . On a constaté que l’exercice de certains métiers s’accompagne d’une consommation plus élevée d’alcool; une étude aux résultats intéressants a montré que le décès par cirrhose, maladie liée à la consommation d’alcool, est fréquent chez les serveurs, les barmans et les musiciens (Olkinuora, 1984). Dans ce type de métier nocturne, l’accès à l’alcool est facile et la pression sociale pousse à boire. Il arrive souvent que les individus soient coupés d’une vie familiale normale de par leur travail de nuit ou parce qu’ils se déplacent d’un établissement à l’autre. Une mauvaise organisation et l’absence de supervision peuvent aggraver le problème. Le trac (dans le cas des musiciens), la nécessité de rester éveillé pendant le travail de nuit et le fait que les clients sont susceptibles de faire usage de drogue sont autant de facteurs qui accroissent le risque de comportements toxicophiles chez les travailleurs de nuit. (Il est possible de lutter contre l’alcoolisme et la toxicomanie grâce à l’instauration de programmes de formation bien conçus qui aident les travailleurs à faire face à ces problèmes.)

Bruits . L’exposition à un niveau sonore excessif peut constituer un risque dans les bars et les restaurants. Si le bruit est un problème incontestable dans les discothèques et les clubs de musique, la surexposition au bruit peut en être aussi un dans les bars et autres établissements où ne sont diffusés que des airs de juke-box ou de la musique enregistrée, souvent à des niveaux sonores très élevés. Il n’est pas rare que la musique atteigne plus de 100 décibels (dB) dans certaines discothèques (Tan, Tsang et Wong, 1990). Une enquête effectuée dans 55 établissements de ce type du New Jersey (Etats-Unis) a fait apparaître des niveaux de 90 à 107 dB. On peut réduire l’exposition au bruit en éloignant les haut-parleurs et le juke-box des postes de travail, et en installant des baffles et des écrans acoustiques. Dans certains cas, il est possible d’abaisser le volume sonore général. Lorsque cette solution est réalisable, le port de bouchons d’oreilles peut atténuer l’exposition au bruit.

Dermatoses . A l’instar des personnes qui manipulent des denrées alimentaires, les travailleurs de nuit sont sujets à des troubles cutanés. Des infections de la peau (telles que la candidose des mains) peuvent être provoquées par le contact prolongé avec les verres sales, avec les détergents utilisés pour laver la vaisselle et avec l’eau. Des machines à laver la vaisselle et les verres peuvent y remédier. Il se produit également des cas de sensibilité aux denrées alimentaires, comme la dermite de contact chez certains barmans allergiques au zeste de citron et de lime (Cardullo, Ruszkowski et DeLeo, 1989). Certains ont aussi contracté des eczémas en manipulant de la menthe. D’autres allergies cutanées spécifiques ont été constatées, telle la dermite chez un croupier sensibilisé aux chromates utilisés pour teindre en vert le tapis des tables de jeu (Fisher, 1976).

Troubles musculo-squelettiques . Les travailleurs des établissements de nuit peuvent souffrir de pathologies d’hypersollicitation et d’autres problèmes inhérents à la conception du poste de travail. Ainsi musiciens et danseurs sont-ils sujets à des troubles musculo-squelettiques particuliers, précédemment évoqués dans ce chapitre. Il est apparu que les barmans qui lavent sans cesse des verres et que les croupiers des casinos qui doivent battre et distribuer les cartes souffrent du syndrome du canal carpien. Ces risques peuvent être réduits à la fois en multipliant les pauses et en reconsidérant l’aménagement du travail. Barmans, barmaids, croupiers de casino et serveurs de restaurants restent souvent debout pendant toute la durée de leur poste, soit dix à douze heures. Ils souffrent de dorsalgies et d’autres troubles, circulatoires et musculo-squelettiques. Un revêtement de sol en caoutchouc antidérapant et le port de chaussures confortables, qui maintiennent le pied, peuvent réduire la fatigue.

Cabines de projection de films . Les cabines de projection sont exiguës, et la chaleur peut y être excessive. Les anciens projecteurs utilisaient comme source lumineuse un arc au carbone; les appareils modernes fonctionnent avec une lampe au xénon. Quel que soit le procédé, le risque d’une exposition au rayonnement ultraviolet et à l’ozone est présent. On a relevé des concentrations d’ozone allant de 0,01 à 0,7 pour 1 000 000. L’ozone est produit par le rayonnement ultraviolet qui ionise l’oxygène de l’air (Maloy, 1978). De plus, l’arc au carbone peut dégager des fumées de métaux de terres rares, du dioxyde de carbone, du monoxyde de carbone, de l’ozone, des rayonnements électromagnétiques et de la chaleur. Un système de ventilation par aspiration localisée est nécessaire.

Effets spéciaux . Les clubs et les discothèques ont recours à de nombreux effets spéciaux, notamment des fumées et des brouil-lards, des spectacles avec jeu de lumière laser, voire des effets pyrotechniques. Il est essentiel que les opérateurs mettant en scène des lasers ou d’autres effets spéciaux reçoivent une formation appropriée en matière de technique et de sécurité. Le rayonnement ultraviolet utilisé pour la lumière «noire» peut présenter des risques supplémentaires, en particulier pour les strip-teaseuses (ou strip-teaseurs) et les danseurs de boîte de nuit (Schall et coll., 1969). Il a été préconisé d’installer un écran de verre entre ce type de lumière noire et les exécutants pour réduire les risques. Ces effets sont décrits plus en détails dans d’autres articles du présent chapitre.

LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Michael McCann

Les arts plastiques

Les arts plastiques sont la source de multiples problèmes pour l’environnement et la santé publique. De fait, ils ont recours à une grande diversité de produits chimiques et de techniques susceptibles de provoquer des pollutions de l’air et de l’eau similaires à celles que créent des procédés industriels comparables, mais à bien plus petite échelle.

Les déchets dangereux que produisent les artistes sont: 1) les déchets toxiques et très toxiques, parmi lesquels les solvants, les composés à base de plomb, les chromates et les solutions de cyanure; 2) les déchets inflammables que constituent notamment les liquides inflammables et combustibles (par exemple, les chiffons imbibés d’huile ou de térébenthine), les oxydants comme le chlorate de potassium et les dichromates, et les gaz inflammables sous pression; 3) les déchets corrosifs, comme les acides au pH inférieur à 2 et les alcalis au pH supérieur à 12; et 4) les déchets réactifs, tels que les peroxydes organiques et les solutions de cyanure ou de sulfure, etc. Or, les artistes et les artisans ne savent souvent pas éliminer ces déchets, ignorant même parfois leur nocivité. Pour s’en débarrasser, ils se contentent, la plupart du temps, de les déverser dans l’évier ou sur le sol, de les jeter aux ordures ou de les laisser s’évaporer. Bien que les quantités de polluants soient, chaque fois, peu importantes, elles peuvent, en s’additionnant, créer une forte pollution.

Aux Etats-Unis, au Canada et dans d’autres pays, les artistes qui travaillent à domicile ne sont généralement pas tenus de respecter les réglementations concernant l’élimination des déchets industriels dangereux, car les ordures ménagères en sont exemptées. Cependant, nombre de communes fixent des jours où les particuliers peuvent apporter leurs déchets dangereux à une décharge prévue à cet effet. Il reste que, même dans les pays où les artistes sont soumis au régime des petites entreprises, les réglementations en matière d’élimination des déchets dangereux ne sont guère appliquées par ce secteur artisanal.

Les procédés actuels d’élimination des déchets sont souvent semblables à ceux qui sont appliqués dans l’industrie: réduction des déchets à la source, séparation et concentration des déchets, recyclage, récupération de l’énergie et de matériaux, incinération ou traitement, décharges appropriées, etc. Certains de ces procédés conviennent mieux aux artistes que d’autres.

La meilleure façon de gérer les déchets dangereux est, en fait, d’en supprimer la production ou, du moins, de la réduire le plus possible, en choisissant des matériaux moins toxiques — par exemple, en employant des glaçures sans plomb pour la faïence et les émaux et, en sérigraphie, en remplaçant les encres aux solvants par des encres et des revêtements à l’eau.

Une méthode simple pour limiter les quantités de déchets dangereux produites et les empêcher de contaminer les détritus ordinaires consiste à séparer les matières dangereuses des autres — par exemple, en isolant les peintures à base de solvants des peintures à l’eau.

Les techniques industrielles traditionnelles de concentration, comme l’évaporation de grandes quantités de déchets photographiques, ne sont généralement pas accessibles aux artistes.

Pour un particulier, le recyclage peut consister à réutiliser des matériaux (par exemple, les solvants dont il se sert pour nettoyer la peinture à l’huile) ou à donner les matériaux rejetés à une personne qui en a l’usage. Les grands ateliers de gravure, qui produisent d’importantes quantités de chiffons imbibés de solvants ou d’huile, peuvent conclure des contrats avec une entreprise de nettoyage, susceptible de les réutiliser.

Le traitement comporte plusieurs procédés. Celui auquel les artistes ont le plus souvent recours consiste à neutraliser les solutions acides ou alcalines. En règle générale, l’incinération se limite à la sciure de bois. L’évaporation de solvants est aussi fréquemment pratiquée. Elle réduit les quantités de déchets dangereux qui risquent de contaminer les circuits d’alimentation en eau, même si l’atmosphère s’en trouve, à un certain degré, polluée.

L’option la moins souvent retenue est celle qui consiste à jeter les déchets dans une décharge spécifique. Cette solution est rarement possible pour les artistes, en particulier dans les pays en développement.

Un problème de santé publique récurrent dans les arts plastiques est celui de l’exposition des enfants aux produits toxiques que renferment de nombreuses fournitures artistiques, même celles spécialement conçues pour eux. C’est le cas, par exemple, des solvants présents dans les crayons feutres ou du plomb que contiennent les glaçures utilisées en céramique. A la maison, les enfants et les autres membres de la famille peuvent ainsi être exposés à des substances et à des opérations dangereuses.

Le saturnisme est un problème très répandu dans de nombreux pays: des personnes sont mortes pour avoir ingéré de la nourriture qui avait été cuite ou placée dans des récipients en poterie vitrifiée avec une glaçure au plomb. Dans l’industrie, le problème du plomb dégagé par ce type de glaçure a été presque résolu grâce à des réglementations nationales et à des contrôles de la qualité. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a promulgué des normes pour le plomb et le cadmium contenus dans la glaçure des poteries utilisées pour manger et boire. Le coût des tests à effectuer les met, toutefois, hors de portée des artisans potiers. Il convient donc que ceux-ci n’utilisent que des glaçures sans plomb pour les récipients destinés à la nourriture et aux boissons.

Les arts du spectacle et des médias

Les théâtres, les ateliers d’accessoires, les plateaux de cinéma et de télévision peuvent aussi produire des déchets dangereux dans la mesure où on y utilise souvent les mêmes produits chimiques que dans les arts plastiques. Les solutions sont donc identiques. En particulier, l’abandon généralisé des peintures à base de solvants au profit de peintures à l’eau a considérablement réduit la pollution par les solvants.

Un des principaux problèmes de santé publique liés aux théâtres (et autres lieux de réunions publiques) est celui de la sécurité incendie. Nombre de théâtres et de salles de spectacles, en particulier, les petits établissements non commerciaux, ne respectent pas les normes en matière d’incendie et accueillent un public dangereusement en surnombre. Beaucoup d’incendies dramatiques ont éclaté dans les salles de spectacles et ont fait de nombreux morts. L’emploi de brouillards et de fumées pour des effets spéciaux, dans les salles de spectacle, peut déclencher des crises d’asthme chez les spectateurs asthmatiques placés aux premiers rangs, lorsque le bâtiment n’est pas équipé d’un système de ventilation par aspiration qui empêche les brouillards ou les fumées de se dissiper dans la salle.

L’industrie du divertissement

Les parcs d’attractions et les parcs à thème peuvent connaître tous les problèmes d’élimination des déchets solides et de pollution d’une petite ville. Les zoos, les cirques et d’autres types d’établissements impliquant des animaux peuvent être confrontés aux mêmes problèmes de pollution que les élevages d’animaux, quoique à une moindre échelle.

Les lieux de divertissement où de la nourriture est commercialisée peuvent être des foyers de salmonellose, d’hépatite et d’autres maladies si les contrôles sanitaires n’y sont pas effectués dans les règles.

La maîtrise des foules pose, elle aussi, un grave problème de santé publique lors de grandes manifestations, telles que certains types de concerts populaires ou d’événements sportifs. L’usage répandu de drogues et d’alcool, l’entassement du public, le nombre excessif de spectateurs debout et une mauvaise organisation ont occasionné de nombreux incidents, notamment des émeutes et des mouvements de panique, qui ont fait d’innombrables morts et blessés. En outre, l’absence de normes de construction adéquates a été à l’origine d’incendies et de l’effondrement de tribunes dans plusieurs pays. Dans de telles situations, des règlements mieux adaptés et des mesures de maîtrise des foules sont indispensables.

Les visiteurs des parcs et des zoos peuvent aussi avoir des comportements dangereux pour eux-mêmes. On connaît de nombreux cas de personnes qui, visitant un zoo, ont été mutilées ou tuées pour être entrées dans un enclos d’animaux. Les visiteurs qui s’approchent trop près d’animaux sauvages, dans les parcs, ont également été victimes d’attaques, souvent mortelles. Les visiteurs des parcs qui, par manque d’expérience, se perdent, se laissent surprendre par l’orage ou font des chutes en zone montagneuse représentent un risque constant, et leur sauvetage peut être extrêmement coûteux.

L’industrie du sexe, particulièrement la prostitution, a très mauvaise réputation, les clients risquant de se faire dévaliser et de contracter des maladies sexuellement transmissibles. Cette tendance se vérifie, notamment, dans les pays où la prostitution n’est soumise à aucune réglementation. De plus, des activités criminelles sont souvent associées à la prostitution.

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