* Nous remercions le syndicat des sapeurs-pompiers d'Edmonton (Edmonton Fire-fighters' Union) pour l'intérêt et le soutien qu'il a apporté à la rédaction de ce chapitre. L'Edmonton Sun et l'Edmonton Journal nous ont aimablement autorisés à insérer gratuitement leurs photographies dans les articles sur la lutte contre l'incendie. Mme Beverly Cann, du Centre de santé au travail de la Fédération manitobaine du travail (Manitoba Federation of Labour (MFL)), nous a donné des conseils précieux pour la rédaction de l'article sur le personnel paramédical et sur les ambulanciers.
Les services durgence et de sécurité ayant pour mission dintervenir dans des situations extraordinaires ou dangereuses, ceux et celles qui exercent ces activités sont confrontés à des événements et à des circonstances que ne rencontre pas normalement le commun des mortels dans sa vie quotidienne. Bien que ces deux catégories professionnelles ne présentent pas les mêmes dangers ni les mêmes risques et que leurs traditions soient différentes, elles ont néanmoins un certain nombre de points en commun:
Le type dorganisation et les moyens par lesquels ces services sacquittent de leur mission sont variables, lattitude adoptée dépendant des circonstances de lintervention. Il est plus facile de comprendre ces différences si lon examine lobjet de lintervention de chacun des services durgence.
La lutte contre lincendie est sans doute le service durgence et de sécurité le plus représentatif. Cette profession est née du souci de limiter les dommages matériels causés par les incendies; elle nétait à lorigine quun service privé au nom duquel les sapeurs-pompiers pouvaient sauver les usines et les habitations de personnes qui payaient des primes dassurance, mais pouvaient aussi bien laisser brûler les biens des autres, même sils se trouvaient à proximité immédiate. La société na pas tardé à se rendre compte que les services privés de lutte contre lincendie étaient inefficaces et quil serait beaucoup plus judicieux de les rendre publics. Cest ainsi que la lutte contre lincendie est devenue dans la plupart des régions du monde une attribution des autorités locales ou municipales. Il existe encore des services privés dans lindustrie, dans les aéroports et dans dautres contextes où ils sont coordonnés avec les services municipaux. En général, les sapeurs-pompiers inspirent de la confiance et du respect à la collectivité. Dans la lutte contre lincendie, lobjet de lintervention, ou «lennemi», est le feu; cest une menace extérieure. Un sapeur-pompier blessé dans lexercice de ses fonctions est considéré comme la victime dun agent externe, bien quil puisse sagir dune agression indirecte si le feu a été provoqué par un incendiaire.
Les services de police et les militaires sont chargés par la société de maintenir lordre, généralement face à une menace interne (un crime) ou externe (une guerre). Le principal moyen dintervention est la force armée, et le recours à des tactiques et à des techniques de recherche appropriées est courant (que ce soit sous forme denquêtes judiciaires ou de recherches de renseignements par larmée). Etant donné le risque élevé dabus et de mauvais usage de la force, la société a imposé des limites rigoureuses à son utilisation, notamment contre les civils. Les policiers, en particulier, font lobjet dune surveillance étroite pour quils nabusent pas de leur monopole de la force, ce qui les conduit parfois à penser quon ne leur fait pas confiance. Pour la police ou les soldats, lobjet à maîtriser (l«ennemi») est un autre être humain, ce qui donne lieu à de nombreuses situations dincertitude, à des sentiments de culpabilité et à des interrogations sur leurs droits et sur leur comportement, auxquels les sapeurs-pompiers ne sont pas confrontés. Lorsque des policiers ou des soldats sont blessés en service, cest en général directement à la suite dune action humaine dirigée intentionnellement contre eux.
Le personnel paramédical et le personnel de premier secours sont chargés de venir en aide aux personnes qui sont blessées ou immobilisées dans des conditions telles quelles ne peuvent assurer leur propre sauvegarde, de les maintenir en vie et de leur apporter les premiers soins. Ils travaillent souvent aux côtés des sapeurs-pompiers et de la police. Pour eux, lobjet de lintervention est le patient ou la victime quils secourent; la victime nest donc pas un «ennemi». Des questions morales et éthiques se posent essentiellement lorsque la victime est en partie responsable de son état (automobiliste ivre ou malade refusant de se faire soigner). Parfois, les victimes qui ont un comportement irrationnel ou qui sont sous lemprise de la colère ou du stress peuvent se montrer injurieuses ou menaçantes. De telles attitudes sont déroutantes et frustrantes pour les personnels paramédical et de premier secours qui ont le sentiment de faire de leur mieux dans une situation difficile; toute blessure qui leur est infligée dans ces circonstances est donc perçue comme une quasi-trahison.
Les équipes dintervention spécialisées dans les matières dangereuses font souvent partie des services dincendie et ont la même organisation, à plus petite échelle. Elles évaluent les risques chimiques ou physiques pouvant présenter un danger pour la population et prennent les premières mesures qui simposent. Les équipes spécialisées dans les déchets dangereux sont organisées avec moins de rigueur que les autres et sont chargées de problèmes existant depuis un certain temps. Dans les deux cas, elles sont confrontées à un risque potentiel, tenant à un problème fondamental celui de lincertitude. A la différence des autres professions pour lesquelles lobjet de lintervention ne fait aucun doute, ces travailleurs luttent contre un risque qui peut savérer difficile à identifier. Même lorsque le produit chimique ou le danger sont connus, le risque futur de cancer ou de maladie est en général incertain. Souvent, les travailleurs ne peuvent pas savoir sils ont été atteints dans leur santé durant lexercice de leurs fonctions, car les effets de lexposition aux produits chimiques peuvent rester inconnus pendant de nombreuses années.
Le risque commun à tous ces travailleurs est la dépression. Tous sont soumis à ce que lon appelle des catastrophes, qui sont des situations perçues comme présentant un danger grave ou incertain, mais probablement sérieux auquel on ne peut échapper. A la différence du citoyen qui assiste à la scène, un travailleur appartenant à lune de ces professions ne peut simplement quitter les lieux. Lestime quil a de lui tient pour beaucoup à la manière dont il se comporte en pareille situation. Ceux qui ont survécu à des catastrophes connaissent souvent une période de rejet suivie dune période de dépression et dégarement. Ils revivent les mêmes scènes et éprouvent un sentiment de culpabilité ou déchec. Ils ont du mal à se concentrer et peuvent faire des cauchemars. Les catastrophes les plus éprouvantes sont celles au cours desquelles les victimes sont décédées à la suite dune erreur ou parce que le sauveteur, en dépit de tous ses efforts, na pas réussi à les secourir.
Un risque inhérent à beaucoup de ces professions tient également à la possibilité de contact avec des personnes atteintes de maladies transmissibles, notamment le VIH/sida, les hépatites B et C ainsi que la tuberculose. Le VIH et les virus de lhépatite B et C sont tous trois transmis par des liquides organiques et peuvent donc constituer un risque pour les personnels de premier secours en cas de saignement ou de morsure délibérée. Ces personnels savent maintenant que nimporte quel sujet (victime ou criminel) peut être infecté et contagieux. Les précautions à prendre face à une personne infectée par le VIH sont décrites au chapitre no 97, «Les établissements et les services de santé». La tuberculose se transmet par lexpectoration et par la toux. Le risque est particulièrement important lors de la réanimation de personnes souffrant dune tuberculose cavitaire évolutive, problème de plus en plus fréquent dans les zones urbaines économiquement défavorisées.
Les blessures sont un risque commun à toutes ces professions. Les incendies sont toujours dangereux et dautres risques peuvent sajouter au feu lui-même: dislocation de structures, effondrement de planchers, chutes dobjets ou chutes de hauteur. La violence est évidemment un risque plus courant pour les policiers et les militaires qui ont pour vocation de lutter contre elle. Mais, à côté de la violence intentionnelle, existent aussi dautres risques dépisodes traumatiques liés à la circulation automobile ou à des erreurs de maniement darmes et, notamment dans larmée, les risques de blessures lors de manuvres dans les zones de soutien logistique. Les travailleurs qui manipulent des matières dangereuses peuvent avoir affaire à des produits chimiques inconnus qui, outre leur toxicité, sont susceptibles dêtre explosifs ou inflammables.
Ces professions présentent donc des risques potentiels très variables pour la santé. En dehors du stress et des maladies transmissibles mentionnées, chacune suscite des préoccupations différentes.
Lapproche de la prévention diffère selon les professions, qui appliquent cependant pour la plupart, sinon toutes, quelques mesures identiques.
Beaucoup de services demandent désormais aux agents qui ont vécu une situation difficile de se prêter à une analyse de lévénement critique, au cours de laquelle ils parlent de leur expérience en présence dun psychologue, disent ce quils ressentent et ce quils pensent de leur comportement. Ces séances se sont révélées très efficaces pour prévenir des problèmes ultérieurs, comme le syndrome de stress post-traumatique, qui se manifeste après de tels événements.
Au moment du recrutement, les policiers et les sapeurs-pompiers sont généralement soumis à une sélection physique rigoureuse, et de nombreux services demandent à leurs agents de se maintenir en forme grâce à des exercices et à un entraînement réguliers. Cette exigence vise à assurer une performance satisfaisante, mais aussi à réduire la probabilité de blessure.
Le risque infectieux est difficile à prévoir, car les victimes ne présentent pas toujours de signes extérieurs dinfection. On apprend maintenant aux personnels de premier secours à prendre des «précautions universelles» lorsquils manipulent des liquides organiques (comme du sang) et à porter des équipements de protection (gants et lunettes de sécurité) sil y a un risque de contact avec ces liquides. Toutefois, ces situations sont souvent imprévisibles ou difficiles à maîtriser, notamment si la victime a un comportement violent ou irrationnel. Il est conseillé de se faire vacciner contre lhépatite B lorsque le risque est élevé et dutiliser du matériel de réanimation jetable pour réduire le risque de transmission des maladies contagieuses. Le personnel doit se montrer particulièrement vigilant avec les aiguilles et autres objets pointus. En cas de morsure humaine, il faut nettoyer soigneusement la blessure et administrer de la pénicilline ou un médicament apparenté. Lorsquil a été établi que la personne à lorigine de la blessure est infectée par le VIH ou que la transmission sest effectuée par piqûre ou contact avec du sang ou des liquides organiques, il faut consulter un médecin qui décidera de lopportunité de prescrire des antiviraux pour réduire les risques dinfection. Linfection par la tuberculose dun travailleur exposé peut être confirmée par un test cutané puis faire lobjet dun traitement prophylactique pour éviter son évolution en maladie grave.
Les autres mesures préventives sont propres à chacune des professions concernées.
La lutte contre lincendie est lune des activités qui, dans le monde entier, force le plus ladmiration, mais qui est aussi lune des plus dangereuses. Ceux qui deviennent sapeurs-pompiers entrent dans une corporation dont les membres ont toujours fait preuve de dévouement, de sens du sacrifice et desprit humanitaire. Le travail de sapeur-pompier nest ni tranquille, ni facile. Il requiert un sens élevé du don de soi, un véritable désir daider les autres et le dévouement à une profession qui exige de grandes compétences. Cest aussi un métier qui expose lindividu à des risques importants.
En cas de catastrophe, les sapeurs-pompiers sont parmi les premiers à qui lon fait appel. Du fait même des circonstances, les conditions dintervention ne sont pas toujours favorables. Il faut agir vite, dépenser beaucoup dénergie et faire preuve dendurance. Les sapeurs-pompiers interviennent dans les situations les plus diverses et non pas uniquement en cas dincendie: effondrements de bâtiments, accidents de voiture, accidents davion, tornades, incidents provoqués par des matières dangereuses, troubles civils, opérations de sauvetage, explosions, inondations, urgences médicales. La liste est illimitée.
Tous les sapeurs-pompiers ont recours aux mêmes techniques pour lutter contre un incendie. La stratégie est simple combattre lincendie, de manière offensive ou défensive et lobjectif identique léteindre. En milieu urbain, il sagit dincendies dimmeubles (la lutte contre les incendies de forêts est traitée au chapitre no 68, «La foresterie»). Les sapeurs-pompiers doivent manipuler des produits dangereux, de leau et de la glace, effectuer des sauvetages à grande hauteur et pratiquer une médecine durgence. Ils doivent être prêts à répondre aux urgences de nuit comme de jour.
La figure 95.1 présente les priorités tactiques des sapeurs-pompiers au cours dun incendie. Cest pendant ces opérations quils établissent des lances dincendie lignes de refoulement, lances en attente et tuyaux dalimentation. Les autres équipements couramment utilisés sont les échelles et les outils multifonctions servant à tirer, pousser ou donner des coups comme les haches, les perches et les gaffes. Les bâches de protection et les instruments hydrauliques employés pour les sauvetages comptent parmi le matériel spécialisé. Le sapeur-pompier doit savoir les utiliser tous (voir figure 95.1).
La figure 95.2 montre un sapeur-pompier équipé dune protection individuelle appropriée qui lutte contre lincendie dun bâtiment à laide dune lance.
Quel que soit le matériel dont ils se servent ou le type dintervention, cest pendant ces opérations que les sapeurs-pompiers sont exposés aux plus grands risques de blessures ou daccidents: lésions dorsales, entorses, blessures par chute et stress thermique pour ne citer que les plus courants. Par ailleurs, les maladies cardiaques et pulmonaires sont relativement fréquentes et seraient dues, en partie, aux gaz toxiques et à lintensité de lactivité physique déployée sur le lieu de lincendie. Cest pourquoi les services du feu sont nombreux à intégrer des programmes de maintien en condition physique dans leur enseignement global de sécurité. Plusieurs pays ont mis en place des programmes pour aider les sapeurs-pompiers à faire face au stress que peuvent engendrer des situations critiques. Il est tout à fait normal déprouver des émotions intenses dans des circonstances qui, elles, sont anormales.
La mission de tout service du feu est de préserver les vies humaines et les biens; la sécurité sur le lieu de lincendie est donc capitale et cest lobjectif fondamental de la plupart des opérations dont il est question ici. Les dangers dépendent avant tout de la nature de lincendie. Le «backdraft» et le «flashover» sont deux phénomènes qui peuvent causer la mort des sapeurs-pompiers. Le backdraft est dû à lapport brutal dair dans un volume surchauffé et pauvre en oxygène. Le flashover correspond à linflammation soudaine des matériaux combustibles dans un volume fermé à la suite dune accumulation de chaleur. Ces deux phénomènes réduisent le niveau de sécurité et augmentent les dommages matériels. Pour lutter contre ce type de risques, les sapeurs-pompiers recourent à la ventilation; toutefois, une trop grande ventilation nest pas dépourvue de danger et peut endommager sérieusement les biens. On voit souvent les sapeurs-pompiers briser des vitres ou faire des trous dans le toit, ce qui semble accroître lintensité du feu. En fait, cest parce que de la fumée et des gaz toxiques se dégagent à lendroit où sest déclaré lincendie. Il sagit là néanmoins dune étape nécessaire dans la lutte contre lincendie. Il importe avant tout déchapper à leffondrement des toits et, pour ce faire, détablir rapidement des issues et de retirer les tuyaux afin de protéger le personnel et les biens.
Le sapeur-pompier doit donner la priorité à la sécurité et tout mettre en uvre pour quelle soit assurée. Il faut lui fournir des vêtements de protection appropriés et veiller à leur entretien. Ces vêtements devraient protéger de la chaleur sans entraver la liberté de mouvement. Le personnel dattaque doit porter quant à lui une tenue aux fibres ignifugées et un appareil respiratoire autonome.
Chaque type de vêtement correspond généralement à une catégorie de risque précis auquel le sapeur-pompier sera confronté en dehors du feu au point dattaque; le sapeur-pompier urbain pénètre généralement dans une structure à la chaleur intense et aux émanations toxiques. Un casque, des bottes et des gants spécialement conçus pour le risque encouru sont de nature à lui assurer une protection adéquate de la tête, des pieds et des mains. Le personnel de lutte contre lincendie doit suivre une formation pour apprendre à intervenir efficacement et selon les règles de sécurité. Celle-ci est souvent dispensée dans le cadre dun programme interne, qui peut associer un enseignement pratique sur le tas et un programme théorique institutionnalisé. La plupart des pays disposent dorganismes qui proposent divers programmes de formation.
LAmérique du Nord est la région du monde qui subit le plus de pertes matérielles et de nombreux services dincendie mettent en uvre des programmes de prévention pour réduire les pertes humaines et matérielles dans leur secteur. Les services les plus efficaces entreprennent résolument des programmes déducation du public, car les statistiques disponibles montrent quil coûte moins cher de prévenir que de reconstruire. En outre, 10% seulement des entreprises entièrement détruites par un incendie parviennent à redémarrer. Ainsi, les conséquences dun incendie peuvent être considérables pour une collectivité, car au coût de la reconstruction sajoute la perte de vies humaines et la disparition définitive de recettes fiscales et demplois. Il est donc important que la collectivité et le service dincendie collaborent à la préservation des vies humaines et des biens.
Les sapeurs-pompiers peuvent être des professionnels à temps plein, à temps partiel, des volontaires payés à lintervention ou des bénévoles non rémunérés, ou encore avoir un statut hybride. Le type dorganisation des services dincendie dépend le plus souvent de la taille de la collectivité, de la valeur des biens à protéger, de la nature des risques et du nombre dinterventions. Les agglomérations de quelque importance ont besoin dun corps de sapeurs-pompiers complet disposant de tout le matériel nécessaire.
Les petites agglomérations, les quartiers résidentiels et les zones rurales où les incendies sont peu fréquents peuvent se contenter en général dun corps de sapeurs-pompiers volontaires rémunérés à lintervention ou de bénévoles suffisamment nombreux pour assurer la mise en uvre du matériel ou venir renforcer un noyau de sapeurs-pompiers professionnels.
Bien quil existe de nombreux services dincendie bénévoles efficaces et bien équipés, un corps de sapeurs-pompiers professionnels est indispensable dans les grandes agglomérations. En effet, des volontaires ou des bénévoles ne peuvent pas procéder en permanence, avec la même efficacité, aux inspections préventives qui constituent une tâche essentielle des services dincendie modernes. Les volontaires et les bénévoles peuvent occuper dautres emplois, et des alertes fréquentes entraînent une perte de temps sans avantage direct pour leur employeur. Là où il nexiste pas de corps de sapeurs-pompiers professionnels, les bénévoles doivent passer par la caserne avant de se rendre sur les lieux du sinistre, ce qui retarde dautant le début des opérations. Lorsque leffectif se limite à quelques sapeurs-pompiers professionnels, il devrait être prévu de le compléter par des volontaires ou des bénévoles bien formés et entraînés. De même, il faudrait constituer des équipes de réserve pouvant prêter main forte, sur la base de la réciprocité, à dautres services dincendie.
Le métier de sapeur-pompier est très spécial: il est considéré comme salissant et dangereux, mais il est indispensable et même prestigieux. Les sapeurs-pompiers forcent ladmiration de tous pour le travail capital quils accomplissent. Ils ont parfaitement conscience des risques auxquels ils sont exposés. Leur travail les soumet par intermittence à un stress physique et psychologique intense. Ils sont aussi exposés à dimportants risques chimiques et physiques à un degré inhabituel dans le monde actuel du travail.
Les risques professionnels auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers peuvent être classés en trois catégories: risques physiques (conditions dangereuses, stress thermique, carences ergonomiques), chimiques et psychologiques. Lexposition aux risques lors dun incendie est fonction de la matière en combustion, des caractéristiques de cette combustion, de la construction (bâtiment) qui brûle, de la présence ou non de produits chimiques non combus-tibles, des mesures prises pour maîtriser lincendie, de la présence de victimes à secourir et de la position ou du poste occupé par le sapeur-pompier. Les risques et le niveau dexposition ne sont pas non plus les mêmes pour celui qui pénètre le premier dans un bâtiment en flammes que pour ceux qui suivent ou qui déblaient après lextinction de lincendie. Il y a généralement au sein de chaque équipe ou de chaque peloton une rotation aux postes dintervention, et le personnel permute régulièrement dune caserne à lautre. Les sapeurs-pompiers peuvent également avoir un grade spécial ou une fonction spéciale. Les chefs de garde accompagnent et dirigent les hommes du rang tout en participant activement à la lutte contre lincendie. Les chefs de corps sont les chefs des services du feu et ne sont appelés que pour les sinistres très graves. Les sapeurs-pompiers peuvent naturellement être exposés à des risques inhabituels lors de sinistres particuliers.
La lutte contre lincendie comporte de nombreux risques physiques pouvant provoquer de graves blessures. Des murs, des plafonds et des planchers peuvent seffondrer soudainement et prendre les sapeurs-pompiers au piège. Le «flashover» (voir article précédent) est un embrasement soudain et généralisé, dans un espace confiné, dû à linflammation de produits gazeux inflammables qui se dégagent de matériaux brûlants ou en combustion et entrent en contact avec de lair extrêmement chaud. En cas de flashover, le sapeur-pompier peut être englouti ou rester prisonnier, car incapable douvrir les issues de secours. Une formation poussée, lexpérience, la compétence et une bonne condition physique peuvent contribuer à réduire les accidents à la fois en nombre et en gravité. Toutefois, la nature du métier est telle que les sapeurs-pompiers peuvent se trouver dans des situations dangereuses à la suite dune erreur dappréciation, du fait des circonstances ou dune manuvre particulière.
Certains services dincendie ont constitué des bases de données informatiques sur les structures, les matériaux et les risques potentiels quils peuvent rencontrer dans leur secteur. Laccès rapide à de telles bases aide les sapeurs-pompiers à faire face à des risques connus et à repérer les situations pouvant présenter un danger.
Dans la lutte contre un incendie, le stress thermique peut être provoqué par lair chaud, la chaleur rayonnante, le contact avec des surfaces chaudes ou la chaleur endogène produite par le corps pendant lexercice et qui ne peut être réduite. Il est encore aggravé par les propriétés isolantes du vêtement de protection et par leffort physique qui échauffe le corps. La chaleur peut provoquer des lésions localisées, comme des brûlures, ou un stress thermique généralisé, avec risque de déshydratation, de coup de chaleur et de collapsus cardio-vasculaire.
Lair chaud ne constitue pas, en soi, un grand risque pour les sapeurs-pompiers. Lair sec na pas une grande capacité à retenir la chaleur. En revanche, la vapeur ou lair chaud humide peuvent provoquer des brûlures graves, car la vapeur deau peut emmagasiner beaucoup plus dénergie que lair sec. Heureusement, les brûlures dues à la vapeur sont rares.
La chaleur rayonnante est souvent intense lors dun incendie et suffit à provoquer des brûlures. Les sapeurs-pompiers peuvent aussi présenter des altérations cutanées caractéristiques dune exposition prolongée à la chaleur.
Plus de 50% des accidents mortels survenant lors dun incendie sont dus à lexposition à la fumée et non à des brûlures. Lun des principaux facteurs de décès et de maladie dans les incendies est lhypoxie, due à la raréfaction de loxygène; elle entraîne une perte des capacités physiques, crée un état confusionnel et empêche de senfuir. Les constituants de la fumée, isolément ou ensemble, sont également toxiques. La figure 95.3 montre un sapeur-pompier équipé dun appareil respiratoire autonome portant secours à un autre sapeur-pompier non protégé pris au piège lors dun incendie dégageant beaucoup de fumée dans un entrepôt de pneus (la victime qui, manquant dair, avait enlevé son appareil pour respirer mieux a pu être secourue à temps).
Toute fumée, y compris celle provenant dun simple feu de bois, est dangereuse et peut même être mortelle si elle est inhalée en grandes quantités. La fumée est un mélange de divers composés. Sa toxicité dépend essentiellement du combustible, de lintensité de la chaleur du feu et de la présence ou de la quantité doxygène disponible pour la combustion. Les sapeurs-pompiers qui interviennent dans un incendie sont souvent exposés au monoxyde de carbone, au cyanure dhydrogène, au dioxyde dazote, au dioxyde de soufre, au chlorure dhydrogène, à des aldéhydes et à des composés organiques tels que le benzène. Le niveau de risque varie selon la combinaison des gaz. En général, seuls du monoxyde de carbone et du cyanure dhydrogène sont produits à des concentrations mortelles dans les incendies de bâtiments.
Cest le monoxyde de carbone qui présente le risque le plus courant, le plus caractéristique et le plus grave dans la lutte contre lincendie. La carboxyhémoglobine saccumule rapidement dans le sang pendant lexposition, en raison de laffinité du monoxyde de carbone avec lhémoglobine. Elle peut donc atteindre des taux élevés, en particulier lorsquun effort intense augmente le débit respiratoire et, par conséquent, labsorption pulmonaire, en labsence de protection. Il ny a pas de corrélation apparente entre la densité de la fumée et la quantité de monoxyde de carbone dans lair. Les sapeurs-pompiers doivent éviter tout particulièrement de fumer pendant la phase de déblaiement, lorsque les matériaux se consument lentement et ne brûlent donc pas totalement, car le tabagisme entraîne une augmentation des taux déjà élevés de monoxyde de carbone dans le sang. Le cyanure dhydrogène provient de la combustion à basse température de matériaux riches en azote tels que les fibres naturelles (laine ou soie) et les matières synthétiques courantes (polyuréthane ou polyacrylonitrile).
Des hydrocarbures de faible poids moléculaire, des aldéhydes (comme le formaldéhyde) et des acides organiques peuvent se former lorsque des combustibles hydrocarbonés brûlent à basse température. Les oxydes dazote apparaissent également en quantité lorsque les températures sont élevées, par suite de loxydation de lazote atmosphérique, et dans les incendies à basse température quand le combustible contient beaucoup dazote. Lorsque le combustible renferme du chlore, il se forme du chlorure dhydrogène. Les matières plastiques polymères présentent des risques spécifiques. Ces matériaux synthétiques ont été utilisés dans la construction et le mobilier à partir des années cinquante et leur combustion dégage des produits particulièrement dangereux. Ainsi, certains polymères comme le polyéthylène et la cellulose naturelle dégagent souvent en se consumant de lacroléine, du formaldéhyde et des acides volatiles gras. Lorsque du polyuréthane ou du polyacrylonitrile brûlent, les niveaux de cyanure augmentent avec la température; de lacrylonitrile, de lacétonitrile, de la pyridine et du benzonitrile se forment en grande quantité entre 800 et 1 000 °C. Le poly(chlorure de vinyle) (PVC) a été proposé comme polymère pour la fabrication de meubles, car il nentretient pas la combustion en raison de sa forte teneur en chlore. Malheureusement, il produit de grandes quantités dacide chlorhydrique et, parfois, des dioxines lorsque les incendies se prolongent.
Cest pendant que le feu est couvant, et non lorsque la chaleur est intense, que les matières synthétiques sont les plus dangereuses. Le béton retient très efficacement la chaleur et peut jouer le rôle déponge pour les gaz piégés qui se dégagent du matériau poreux, libérant du chlorure dhydrogène ou dautres fumées toxiques longtemps après lextinction dun incendie.
Le sapeur-pompier affronte des situations que dautres fuient, mettant demblée sa personne en danger plus que dans presque nimporte quelle autre profession civile. Beaucoup de choses peuvent mal tourner au cours dun incendie et lévolution dun incendie grave est souvent imprévisible. Le sapeur-pompier doit se soucier non seulement de sa sécurité personnelle, mais aussi de celle des autres. Porter secours à des victimes est une activité à très forte charge émotionnelle.
La vie professionnelle du sapeur-pompier ne se réduit cependant pas à dinterminables attentes anxieuses ponctuées dinterventions stressantes. Le travail des sapeurs-pompiers présente de nombreux aspects positifs. Peu de professions sont autant respectées par la collectivité. Une fois quun sapeur-pompier a été recruté dans un service dincendie urbain, il a une sécurité demploi garantie et son salaire, en général, supporte bien la comparaison avec celui dautres professions. Les sapeurs-pompiers font également preuve dun solide esprit déquipe et de solidarité. Ces aspects positifs compensent les côtés éprouvants et tendent à préserver les sapeurs-pompiers des effets émotionnels des situations de stress répétées.
Lorsque la sirène retentit, tout sapeur-pompier ressent une certaine anxiété, en raison du caractère imprévisible de la situation quil va affronter. Le stress psychologique quil éprouve à ce moment est aussi intense, sinon plus, que nimporte quel autre stress quil va connaître au cours de lintervention. Les indicateurs physiologiques et biochimiques montrent que le stress psychologique des sapeurs-pompiers en service est fonction de lintensité de lactivité de la caserne.
Les traumatismes, les brûlures thermiques et linhalation de fumée sont parmi les risques aigus de la lutte contre lincendie. Il y a peu de temps encore, on ne connaissait pas les effets chroniques que des expositions répétées pouvaient avoir sur la santé. Cette incertitude explique la diversité des mesures prises par les commissions de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les risques professionnels encourus par les sapeurs-pompiers ont beaucoup retenu lattention en raison de lexposition connue à des agents toxiques. Il existe une abondante documentation sur la mortalité des sapeurs-pompiers, qui a été complétée ces dernières années par de nombreuses études substantielles, de sorte que lon dispose aujourdhui dun fonds de données suffisant pour décrire certaines constantes.
Le problème crucial en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est de savoir si lon peut appliquer une présomption générale de risque à tous les sapeurs-pompiers. En dautres termes, il sagit de décider si lon peut partir du principe que tous les sapeurs-pompiers sont exposés à un risque élevé de maladie ou de lésion particulière dans lexercice de leurs fonctions. Pour satisfaire au niveau de preuve habituel requis pour considérer que cest bien une cause professionnelle qui a toutes les chances dêtre à lorigine de la maladie (le demandeur ayant le bénéfice du doute), il faut démontrer que le risque associé à la profession est au moins aussi grand que le risque encouru par la population générale. Cest le cas si le risque mesuré habituellement, dans les études épidémiologiques, est au moins deux fois plus élevé que le risque attendu, compte tenu de lincertitude de lestimation. Les arguments qui sopposent à la présomption dans un cas précis sont appelés les «critères de réfutation», parce quon peut les invoquer pour remettre en question ou réfuter lapplication de la présomption dans un cas particulier.
La mortalité et la morbidité professionnelles des sapeurs-pompiers doivent être interprétées à la lueur de particularités épidémiologiques que lon rencontre dans ce corps de métier. Cest ainsi que l«effet du travailleur en bonne santé», mis en évidence par des études de cohortes, y est peu marqué. Cela peut donner à penser quune surmortalité par rapport à la population active en bonne santé serait présente, quil faut attribuer à certaines causes. Deux types deffet du travailleur en bonne santé peuvent masquer une surmortalité. Le premier intervient au moment du recrutement, lors des tests de sélection. Compte tenu de lexigence des tests daptitude, cet effet est très important et lon peut supposer quil se traduit par une réduction de la mortalité par maladie cardio-vasculaire, notamment dans les premières années de service, au cours desquelles il y aurait de toute manière peu de décès. Le second se produit lorsque les travailleurs deviennent inaptes à lemploi, en raison dune maladie évidente ou sans signes cliniques, et sont affectés à dautres tâches ou ne sont plus suivis. Leur contribution relativement élevée au risque total nest donc pas comptabilisée. On ignore lampleur de cet effet, mais tout porte à croire quil existe chez les sapeurs-pompiers. Il ne se manifeste pas dans le cas des cancers car, à la différence des maladies cardio-vasculaires, le risque de cancer na pas grand chose à voir avec la condition physique au moment du recrutement.
Le cancer du poumon a été le cancer le plus difficile à évaluer dans les études épidémiologiques sur les sapeurs-pompiers. Une question importante est de savoir si lintroduction massive, dans les années cinquante, de polymères synthétiques dans les matériaux de construction et le mobilier a accru le risque de cancer chez les sapeurs-pompiers du fait de leur exposition aux produits de combustion. Bien quils soient évidemment exposés à des substances cancérogènes inhalées dans la fumée, il a été difficile de prouver lexistence dune surmortalité par cancer du poumon suffisamment importante et systématique pour être imputable à lexposition professionnelle.
Il est toutefois prouvé que le travail de sapeur-pompier contribue au risque de cancer du poumon. On le constate principalement chez les sapeurs-pompiers qui ont été le plus exposés et qui ont travaillé le plus longtemps. Ce risque est encore aggravé chez les fumeurs.
Le lien entre la lutte contre lincendie et le cancer du poumon semble ténu et donc insuffisant pour que lon en conclue que le risque est «selon toute vraisemblance» imputable à lactivité professionnelle. Certains cas présentant des caractéristiques inhabituelles, par exemple lapparition dun cancer chez un sapeur-pompier relativement jeune et non fumeur, peuvent toutefois valider lexistence de ce lien.
Il a été démontré que dautres cancers semblent plus étroitement associés à la lutte contre lincendie que le cancer du poumon.
De nombreux éléments incitent à penser que les cancers de lappareil génito-urinaire, à savoir ceux du rein, de lurètre et de la vessie, en font partie. A lexception de celui de la vessie, ces cancers sont assez peu courants, et le risque chez les sapeurs-pompiers apparaît élevé, proche dun risque relatif doublé ou davantage. On peut donc estimer que ce type de cancer, chez un sapeur-pompier, a une origine professionnelle, sauf si lon a de bonnes raisons de suspecter une autre cause, par exemple le tabagisme, une exposition antérieure à des substances cancérogènes, une schistosomiase (infection parasitaire qui ne concerne que la vessie), labus danalgésiques, une chimiothérapie anticancéreuse ou une affection urologique provoquant une stase urinaire. Tous ces facteurs constituent des critères logiques de réfutation.
Pour ce qui est des cancers du cerveau et du système nerveux central, les conclusions sont très variables, ce qui nest pas surprenant compte tenu du nombre relativement faible de cas signalés. Il est peu probable que léventuel lien de causalité soit documenté dans un proche avenir. Il est donc raisonnable, sur la base des données existantes, de considérer quil y a une présomption de risque pour les sapeurs-pompiers.
Les risques relatifs accrus de cancers lymphatiques et hématopoïétiques semblent anormalement élevés. Toutefois, le petit nombre de ces cancers relativement rares rend difficile toute évaluation du lien de causalité. Du fait de leur rareté, les épidémiologistes les regroupent à des fins de généralisations statistiques. Linterprétation en est dautant plus difficile que le regroupement de ces cancers disparates na pas grand sens médicalement.
Rien ne permet daffirmer avec certitude quil y a un risque accru de décès par cardiopathie. Bien quune vaste étude ait montré un excédent de 11% et quune autre plus modeste, limitée à la cardiopathie ischémique, ait indiqué le chiffre de 52%, la plupart des travaux ne peuvent conclure quil y a un risque accru pour cette population. Même si les estimations les plus élevées sont justes, les chiffres seraient encore nettement inférieurs à ceux qui permettraient de conclure à une présomption de risque.
Certaines données, provenant pour la plupart détudes cliniques, laissent supposer quil y a un risque de décompensation cardiaque brutale et de crise cardiaque en cas deffort maximal soudain et après exposition au monoxyde de carbone. Cela ne semble pas se traduire plus tard par un risque excessif de crise cardiaque mortelle; toutefois, si un sapeur-pompier est frappé dune crise cardiaque pendant un incendie, ou le lendemain, il serait raisonnable de mettre celle-ci au compte de lactivité professionnelle. Chaque cas doit donc être interprété en fonction des caractéristiques individuelles, mais les données disponibles ne permettent pas de conclure à un risque globalement accru pour tous les sapeurs-pompiers.
Peu détudes ont fait état dun nombre suffisant de décès par anévrisme de laorte chez les sapeurs-pompiers pour que cette cause soit statistiquement significative. Bien quune étude menée à Toronto (Canada) en 1993 donne à penser quil existe un lien entre cette affection et le métier de sapeur-pompier, elle ne constituait, au moment de la publication de cet ouvrage, quune hypothèse non vérifiée. Si ce résultat était confirmé, lampleur du risque justifierait linscription de cette maladie au tableau des maladies professionnelles. Les critères de réfutation devraient, logiquement, comprendre lathérosclérose sévère, les maladies du tissu conjonctif et les vasculites qui les accompagnent, ainsi que des antécédents de traumatismes thoraciques.
Des expositions inhabituelles, comme une exposition intense aux fumées de matières plastiques en combustion, peuvent certainement provoquer une intoxication pulmonaire aiguë, voire une incapacité permanente. La lutte courante contre lincendie peut donner lieu à des troubles ponctuels, comme lasthme, qui disparaissent en quelques jours. Ces incidents ne semblent pas augmenter le risque de mortalité par maladie pulmonaire chronique sauf si lexposition a été exceptionnellement intense (risque de décès dû aux conséquences de linhalation de fumées) ou si la fumée avait des caractéristiques inhabituelles (par exemple, en cas de combustion de PVC).
La broncho-pneumopathie chronique obstructive a été beaucoup étudiée chez les sapeurs-pompiers. Les résultats montrent quon ne peut affirmer lexistence dun lien avec la lutte contre lincendie, de sorte quon ne peut établir de présomption. Il peut toutefois y avoir une exception dans de rares cas, lorsquune maladie pulmonaire chronique se déclenche à la suite dune exposition inhabituelle ou intense et quil existe des antécédents de complications médicales.
Il semble difficile de justifier ou de soutenir une présomption générale de risque lorsque le lien est faible ou lorsque les maladies sont courantes dans la population générale. Il serait peut-être plus productif détudier les demandes cas par cas, en examinant les facteurs individuels et le profil général de risque. Il est plus facile détablir une présomption générale de risque lorsque les troubles sont inhabituels et associés à des risques relatifs élevés, notam-ment lorsquils sont caractéristiques de certaines professions. Le tableau 95.1 présente un résumé de recommandations précises, avec des critères pouvant être appliqués pour réfuter ou remettre en cause la présomption dans un cas précis.
Estimation (approximative) du risque |
Recommandations |
Critères de réfutation |
|
Cancer du poumon |
150 |
A |
– Tabagisme, exposition professionnelle antérieure à des substances cancérogènes |
Maladie cardio-vasculaire |
< 150 |
PA |
+ Incident grave survenu lors de l’exposition ou peu de temps après |
Anévrisme de l’aorte |
200 |
A |
– Athérosclérose (avancée), maladies du tissu conjonctif, antécédents de traumatismes thoraciques |
Cancers de l’appareil génito-urinaire |
> 200 |
A |
+ Exposition professionnelle à des substances cancérogènes |
Cancer du cerveau |
200 |
A |
– Néoplasmes héréditaires (rares), exposition antérieure au chlorure de vinyle, irradiation de la tête |
Cancers du système lymphatique et hématopoïétique |
200 |
A |
– Rayonnements ionisants, exposition professionnelle antérieure à des substances cancérogènes (benzène), état d’immunosuppression, chimiothérapie anticancéreuse |
Cancer du côlon et du rectum |
A |
A |
+ Profil de risque faible |
Maladies pulmonaires aiguës |
NE |
A |
Selon les cas |
Maladie pulmonaire chronique |
NE |
PA |
+ Séquelles d’une exposition aiguë grave, avec récupération |
A = association épidémiologique, mais insuffisante, pour établir une présomption d’association avec la lutte contre l’incendie. PP = pas de présomption; le risque n’excède pas le double de celui auquel est exposée la population générale. PA = pas de preuves épidémiologiques suffisantes pour permettre d’établir une association. P = présomption d’association avec la lutte contre l’incendie; le risque est le double de celui auquel est exposée la population générale. NE = non établi. – = le risque est accru du fait d’expositions n’ayant aucun lien avec la lutte contre l’incendie. + = le risque est accru par la lutte contre l’incendie. / = n’augmente vraisemblablement pas le risque.
Les lésions occasionnées lors de la lutte contre lincendie sont prévisibles: brûlures, chutes et blessures provoquées par le heurt dobjets. La mortalité due à ces causes est sensiblement plus élevée chez les sapeurs-pompiers que chez les autres travailleurs. Les différents postes des services du feu comportent un risque élevé de brûlures, notamment pour ceux qui interviennent les premiers et ceux qui sont affectés à lattaque directe, comme les servants de grosses lances. Les brûlures sont aussi très courantes chez les sapeurs-pompiers qui luttent contre des incendies de sous-sol, chez ceux qui ont été blessés peu de temps avant le sinistre ou qui nont pas effectué leur formation dans le service dincendie où ils travaillent. Les chutes sont plus fréquentes chez les utilisateurs dun appareil respiratoire autonome et chez les écheliers.
La lutte contre lincendie est une activité très exigeante qui sexerce souvent dans des situations extrêmes. Les appels sont ponctuels et imprévisibles; ils donnent lieu à des périodes dactivité intense faisant suite à de longues attentes.
Une fois que la lutte active contre lincendie commence, les sapeurs-pompiers déploient un effort intense relativement constant. Toute charge additionnelle, quelle soit due à la gêne occasionnée par léquipement de protection ou au sauvetage dune victime, diminue leur efficacité, car ils donnent déjà le maximum deux-mêmes. Le port dun équipement de protection individuelle leur impose des contraintes physiologiques supplémentaires, mais il en supprime dautres en réduisant les niveaux dexposition.
Grâce à de nombreuses études détaillées relatives à lergonomie de la lutte contre lincendie, on dispose de données abondantes sur les caractéristiques de leffort fourni par les sapeurs-pompiers. Pendant les simulations dinterventions, ils règlent le niveau de cet effort en fonction dun schéma très caractéristique, comme en témoigne leur rythme cardiaque. Au départ, ce dernier passe rapidement pendant la première minute à 70, voire 80% du maximum. A mesure que la lutte contre lincendie progresse, ils le maintiennent entre 85 et 100% du maximum.
Les besoins énergétiques que réclame la lutte contre lincendie sont compliqués par les conditions difficiles rencontrées dans de nombreux incendies dintérieur. A leffort physique viennent sajouter les demandes métaboliques résultant de la chaleur corporelle non dissipée, de la chaleur du feu et de la perte deau par la sudation.
Lactivité la plus difficile est la fouille de bâtiments et le sauvetage des victimes par le premier sapeur-pompier à pénétrer sur le lieu de lincendie; cest à elle que correspond le rythme cardiaque moyen le plus élevé (153 pulsations à la minute) et la plus forte augmentation de la température rectale (1,3 °C). Léquipe auxiliaire qui entre ensuite dans le bâtiment pour lutter contre lincendie ou pour conduire dautres recherches ou sauvetages occupe la deuxième fonction la plus difficile, suivie par le chef de garde qui se trouve à lextérieur (il dirige les opérations généralement à une certaine distance). Les autres tâches difficiles sont, par ordre décroissant de dépense dénergie: lascension dune échelle, la manipulation dune lance, le port dune échelle mobile et linstallation dune échelle.
Pendant la lutte contre lincendie, la température du corps et le rythme cardiaque suivent un cycle qui dure quelques minutes: tous deux augmentent légèrement pendant la phase de préparation, puis davantage lors de lexposition à la chaleur ambiante et beaucoup plus brutalement par suite de leffort à fournir dans des conditions de stress thermique. Après 20 à 25 minutes de travail en intérieur (durée habituelle autorisée par le port de lappareil respiratoire autonome), le stress physiologique reste dans des limites admissibles pour un individu en bonne santé. Toutefois, lorsque lincendie se prolonge et nécessite de multiples interventions, le sapeur-pompier ne dispose pas de suffisamment de temps, entre les changements de bouteilles dair de son appareil, pour se refroidir, doù une augmentation cumulative de la température interne et un risque accru de stress thermique.
Les sapeurs-pompiers donnent le maximum deux-mêmes lorsquils luttent contre un incendie. A la dépense physique sajoute la dépense métabolique nécessaire pour faire face à la chaleur et à la perte de liquides. Leffet conjugué de la chaleur interne et de la chaleur externe peut être une augmentation marquée de la température du corps qui atteint des niveaux exceptionnellement élevés en cas dincendie difficile à maîtriser. Les pauses faites toutes les demi-heures pour changer dappareil respiratoire ne suffisent pas pour enrayer cette élévation de la température, qui peut atteindre un niveau dangereux en cas dintervention prolongée. Même si elle est vitale, la protection individuelle, notamment lappareil respiratoire autonome, demande au sapeur-pompier un surcroît dénergie considérable. Le vêtement protecteur devient aussi beaucoup plus lourd lorsquil est mouillé.
Lappareil respiratoire autonome est un dispositif de protection individuelle efficace qui, sil est utilisé correctement, évite lexposition à des produits de combustion. Malheureusement, il nest souvent employé que lors de la phase dattaque, lorsquil sagit de combattre activement le feu, et non dans la phase de déblaiement, lorsque lincendie est circonscrit et que les sapeurs-pompiers examinent les déblais et éteignent les braises ainsi que le feu couvant.
Les sapeurs-pompiers ont tendance à évaluer le niveau de risque auquel ils sont confrontés daprès lintensité de la fumée et à ne décider dutiliser un appareil respiratoire quen fonction de ce quils voient. Cela peut être très trompeur, une fois les flammes éteintes. Le lieu de lincendie, à ce stade, peut paraître sûr, alors quil est encore parfois dangereux.
La dépense supplémentaire dénergie imposée par léquipement de protection individuelle a fait lobjet dune attention prioritaire dans les recherches sur la santé au travail des sapeurs-pompiers, ce qui montre incontestablement à quel point la lutte contre lincendie est un cas extrême dune question dintérêt général et les incidences que le port dun équipement de protection individuelle peut avoir sur les performances des sapeurs-pompiers.
Bien que les sapeurs-pompiers soient tenus dutiliser plusieurs types de protection individuelle dans leur travail, cest la protection respiratoire qui est la plus problématique et qui a reçu le plus dattention. On a constaté que le port dun appareil respiratoire autonome, qui constitue une sérieuse contrainte dans les situations extrêmes et dangereuses, réduit lefficacité des sapeurs-pompiers de 20%. Les recherches ont permis didentifier plusieurs facteurs intervenant dans les contraintes physiologiques imposées par les masques, à savoir les caractéristiques de ces derniers, la physiologie de lutilisateur et les interactions entre le masque et dautres équipements de protection ou les conditions ambiantes.
La tenue standard du sapeur-pompier, qui peut peser 23 kg, impose une forte dépense dénergie. Vient ensuite le vêtement de protection chimique (17 kg), utilisé pour récupérer les produits qui se sont répandus, suivi de lappareil de respiration autonome qui est porté avec un vêtement léger et, juste après, du vêtement en tissu ignifugé léger porté avec un masque à faible résistance. Léquipement de lutte contre lincendie donne lieu à une rétention sensiblement plus grande de la chaleur du corps et à une élévation de la température corporelle.
De nombreuses études ont évalué les caractéristiques physiologiques des sapeurs-pompiers, généralement dans le cadre dautres études visant à déterminer la réponse aux exigences de la lutte contre lincendie.
Ces études ont presque toutes montré que la plupart des sapeurs-pompiers étaient en aussi bonne, voire meilleure, condition physique que la population masculine générale. Ils nont toutefois pas pour autant le niveau dentraînement dun athlète. Des programmes de mise en forme et dentretien ont été conçus spécialement pour eux, mais leur efficacité na pas été véritablement prouvée.
Larrivée des femmes dans les services dincendie a nécessité une réévaluation des tests de performance et des études comparatives portant sur les deux sexes. Dans les études sur les individus entraînés capables datteindre leur niveau de performance optimale, plus que dans les études sur les candidats, les femmes ont obtenu des résultats inférieurs en moyenne à ceux des hommes dans toutes les catégories dépreuves, mais un sous-groupe de femmes a obtenu un résultat presque aussi bon dans certaines dentre elles. La différence globale a été imputée essentiellement à une masse musculaire inférieure en valeur absolue et montrait une corrélation forte et systématique avec les différences de performance. Les épreuves les plus difficiles pour les femmes ont été les exercices de montée descaliers.
Le métier de policier est difficile, stressant et exigeant. Si une bonne partie de ce travail est sédentaire, celle qui ne lest pas (et qui est aussi la plus délicate) demande des qualités physiques importantes. A cet égard, le travail de policier a été comparé à celui dun maître nageur, qui passe la majeure partie de son temps à surveiller les baigneurs depuis le bord de la piscine, mais qui au moment où il doit intervenir, généralement au pied levé, éprouve une tension physique et émotionnelle extrême. Toutefois, à la différence du maître nageur, lagent de police peut se faire agresser par un individu armé dun couteau ou dune arme à feu et être la cible de comportements violents. Les activités de routine comprennent des patrouilles dans les rues, le métro, sur les routes de campagne, dans les parcs et dans de nombreux autres secteurs. Les patrouilles peuvent seffectuer à pied, en véhicule (automobile, hélicoptère ou motoneige) et parfois à cheval. Il faut faire preuve dune vigilance de tous les instants et, dans de nombreuses régions du monde, la menace dagression est toujours présente. Les agents de police peuvent être appelés en cas de vol, démeute, dagression ou de scènes de ménage. Ils peuvent effectuer des opérations de maîtrise des foules, des recherches ou des sauvetages ou venir en aide à la population en cas de catastrophe naturelle. Ils doivent parfois poursuivre des criminels, à pied ou en voiture, les affronter, les saisir à bras le corps, les maîtriser et, à loccasion, faire usage de leur arme. Des activités de routine peuvent se transformer en situations de violence mettant leur vie en péril. Certains policiers travaillent comme agents dinfiltration, parfois pendant de longues périodes, dautres, comme les spécialistes judiciaires, doivent manipuler des produits chimiques toxiques. Presque tous sont exposés au risque dêtre contaminés par du sang ou des liquides organiques. Les policiers travaillent généralement par équipe. Des tâches administratives ou la comparution devant les tribunaux augmentent souvent la durée de leur travail. La forme physique quexige ce métier et lengagement quil implique, sur le plan de lorganisme, ont fait lobjet détudes approfondies et présentent des similitudes remarquables dans les différentes forces de police et en différents lieux. La question de savoir si certaines affections sont attribuables au métier de policier est controversée.
La violence est malheureusement une réalité de la vie professionnelle des policiers. Aux Etats-Unis, on dénombre deux fois plus de victimes dhomicide parmi les policiers que dans la population générale. Les actes dagression violente contre des policiers dans lexercice de leurs fonctions sont fréquents. Les activités risquant de déboucher sur un conflit violent ont fait lobjet de nombreuses études. Lidée selon laquelle les appels pour scènes de ménage sont particulièrement dangereux a été sérieusement remise en cause (Violanti, Vena et Marshall, 1986). Plus récemment, les interventions risquant le plus de déclencher des actes dagression contre les forces de lordre ont été classées comme suit: arrestations; contrôles de suspects; flagrants délits de vol; scènes de ménage.
Le type de violence à laquelle les agents de police sont exposés diffère selon les pays. Les armes à feu sont plus courantes aux Etats-Unis quen Grande-Bretagne ou en Europe continentale. Les pays connaissant depuis peu une agitation politique peuvent voir leurs policiers exposés aux attaques darmes de gros calibre ou darmes automatiques de type militaire. Les blessures à larme blanche sont courantes partout, mais les blessures par couteau à grande lame, comme les machettes, sobservent plutôt dans les pays tropicaux.
Les policiers doivent se maintenir en excellente forme physique. Ils doivent sentraîner à maîtriser les suspects si nécessaire et à se servir darmes à feu et dautres instruments tels que le gaz CS, le gaz poivré ou encore les matraques. Léquipement de protection individuelle, comme le gilet pare-balles, simpose dans certains quartiers. De même, il est souvent essentiel que le policier puisse disposer dun moyen de communication pour appeler des renforts. La formation la plus importante doit toutefois rester dans le domaine de la prévention. Actuellement, la police met en exergue la notion dîlotage, lagent de police faisant partie intégrante de la collectivité. Il faut espérer que lorsque cette philosophie remplacera le système actuel de lincursion militaire armée dans la collectivité, les policiers auront moins besoin de porter des armes et de se protéger.
Les séquelles de la violence ne sont pas nécessairement physiques. Les affrontements violents sont extrêmement stressants, surtout lorsque lincident a donné lieu à une lésion grave, une effusion de sang, ou a causé la mort. Lévaluation du syndrome de stress post-traumatique consécutif à de tels incidents est déterminante.
Il est manifeste que le travail de policier est stressant. Pour beaucoup de policiers, la bureaucratie excessive, par rapport à laction sur le terrain, constitue un important facteur de stress. Le travail en équipe, conjugué à lincertitude de ce quil peut arriver pendant le service, crée une situation extrêmement éprouvante. A cela sajoute, en période de restrictions budgétaires, linsuffisance de moyens matériels et de personnel. Les situations porteuses de violence sont éprouvantes en elles-mêmes; le stress augmente considérablement lorsque les effectifs sont tels que le policier na pas suffisamment de soutien ou quil est gravement surmené.
En outre, les fortes tensions nerveuses dues à leur travail ont été rendues responsables des difficultés conjugales, de labus dalcool et des suicides enregistrés chez les policiers. Beaucoup des données étayant cette hypothèse varient dune région à lautre, mais il est fort possible que, dans certains cas, ces problèmes résultent du métier de policier.
On ne saurait trop insister sur la nécessité dêtre attentif aux signes dénotant des problèmes liés au stress ou au syndrome de stress post-traumatique. Les maladies liées au stress peuvent prendre la forme de problèmes comportementaux, conjugaux ou familiaux ou, parfois même, dalcoolisme ou de toxicomanie.
De nombreuses études semblent indiquer que lathérosclérose est plus courante chez les policiers (Vena et coll., 1986; Sparrow, Thomas et Weiss, 1983), mais dautres démentent cette thèse. On a avancé que laugmentation de la prévalence des cardiopathies chez les policiers était due presque entièrement au risque accru dinfarctus aigu du myocarde.
Ces résultats viennent conforter notre appréhension intuitive du phénomène, car il est bien connu quun effort soudain, en présence dune cardiopathie sous-jacente, est un facteur de risque important propice à la mort subite. Lanalyse fonctionnelle des tâches indique clairement quun policier peut, dans le cadre de ses fonctions, passer dun travail sédentaire à une mission exigeant un effort maximal sans transition et sans préparation. En effet, les policiers exercent un métier la plupart du temps sédentaire, mais ils doivent aussi au besoin être capables de poursuivre un suspect, de laffronter, de le saisir et de le maîtriser. Il nest donc pas étonnant que, même sil y a peu de différences dans la proportion daffections coronariennes sous-jacentes entre les policiers et la population générale, le risque dinfarctus aigu, étant donné la nature du travail, puisse être nettement supérieur (Franke et Anderson, 1994).
Il faut tenir compte des caractéristiques démographiques de la population policière pour évaluer les risques de cardiopathie. Celle-ci frappe principalement les hommes dun certain âge, qui constituent une très grande proportion des policiers. Les femmes, chez lesquelles la maladie cardiaque est beaucoup moins fréquente dans les années qui précèdent la ménopause, sont nettement sous-représentées dans la plupart des forces de police.
Si lon veut véritablement réduire le risque cardiaque chez les policiers, il est essentiel de les soumettre à un examen régulier, effectué par un médecin connaissant bien leur travail et les risques qui lui sont associés (Brown et Trottier, 1995). Cet examen doit comporter une information et des conseils sur les facteurs de risque cardiaque. Les données disponibles permettent de penser que les programmes de promotion de la santé au travail ont des effets salutaires sur la santé des employés et que la modification des facteurs de risque cardiaque diminue les risques de mort cardiaque. Les programmes de lutte contre le tabagisme, les conseils nutritionnels, la mise en évidence dune hypertension ainsi que le dosage et la réduction du taux de cholestérol sont autant de mesures contribuant à réduire les facteurs de risque cardiaque chez les policiers. Dans leur cas, lexercice physique peut être particulièrement important. Linstauration dun environnement professionnel apprenant au travailleur à bien se nourrir et à avoir un mode de vie sain, et lencourageant dans ce sens a probable-ment un effet bénéfique.
Les données disponibles montrent que la prévalence des pneumopathies est plus faible chez les policiers quau sein de la population générale. On note en revanche un taux accru de cancer des voies respiratoires. Normalement, la majorité des policiers ne sont pas plus exposés à linhalation de produits toxiques que les autres membres de la collectivité, mais il y a des exceptions, dont la plus notable concerne les agents des services de lidentification médico-légale, chez lesquels il semble y avoir une prévalence accrue de symptômes respiratoires, voire dasthme professionnel (Souter, van Netten et Brands, 1992; Trottier, Brown et Wells, 1994). Le cyanoacrylate, utilisé pour révéler les empreintes digitales latentes, est un sensibilisant des voies respiratoires connu. En outre, de nombreux produits chimiques cancérogènes sont mis en uvre régulièrement dans ce type de travail. Il est donc recommandé que les agents de lidentification médico-légale, ceux notamment qui soccupent des empreintes digitales, se soumettent une fois par an à une radiographie pulmonaire et à une spirométrie, ainsi quà un examen minutieux de lappareil respiratoire.
Même si lusage du tabac a tendance à diminuer, de nombreux policiers continuent de fumer. Cest peut-être pour cette raison que lon observe, selon certaines études, un risque accru de cancer du poumon et du larynx dans la profession. Le tabac est naturellement un facteur de risque majeur pour ce qui est des maladies cardiaques, et cest aussi la principale cause de cancer du poumon. Lorsquun policier développe un cancer du poumon, on se demande souvent si cest à la suite dune exposition professionnelle, notamment aux produits cancérogènes présents dans les poudres révélatrices des empreintes digitales. Si lintéressé fume, il sera impossible dincriminer avec certitude une exposition professionnelle. En résumé, les maladies respiratoires ne sont pas, en règle générale, des maladies professionnelles, sauf pour les policiers de lidentification médico-légale.
Selon certaines études, le risque de cancer serait plus élevé chez les policiers que dans la population générale, en particulier pour les cancers de lappareil digestif tels que le cancer de lsophage, de lestomac ou du côlon, et peut-être aussi le cancer du poumon et du larynx. Le risque de cancer pour les policiers qui travaillent dans les services de lidentification médico-légale et dans les laboratoires judiciaires a été brièvement évoqué ci-dessus. Il faudrait également aborder la question fort controversée du lien éventuel entre lutilisation de radars pour détecter les excès de vitesse et le cancer des testicules chez les policiers.
Les données selon lesquelles il y aurait un risque accru de cancer de lappareil digestif sont peu abondantes, mais cest une question qui mérite dêtre examinée attentivement. Pour ce qui est du cancer du poumon et de lsophage, on voit mal comment le travail de policier pourrait accroître le risque. On sait que le tabac augmente le risque de cancer du poumon et du larynx et que de nombreux policiers continuent de fumer. Lalcool, notamment le whisky, est connu pour augmenter le risque de cancer de lsophage. Or, les policiers ont un travail extrêmement stressant, et certaines études indiquent quils recourent parfois à lalcool pour atténuer la tension et le stress.
Létude mettant en évidence un risque accru de cancer de lappareil digestif a également révélé une incidence augmentée du cancer des systèmes lymphatique et hématopoïétique, mais seulement dans un groupe, le risque global nétant pas élevé. Etant donné cette distribution très particulière et le petit nombre de cas concernés, il pourrait très bien sagir dune aberration statistique.
Le risque de cancer chez les policiers de lidentification médico-légale et des laboratoires judiciaires a été examiné. Les toxicités attendues résultant dune faible exposition chronique à divers produits chimiques dépendent du niveau dexposition et du port dun équipement de protection individuelle. Les policiers subissent désormais un examen médical annuel mis au point en fonction de ces expositions et adapté aux risques quelles comportent. Selon des études, il pourrait y avoir chez les policiers une augmentation des risques de cancer de la peau, y compris de mélanomes. Rien ne permet de conclure à un lien avec lexposition au soleil de certains policiers travaillant sur le terrain.
La question des cancers résultant dune exposition aux micro-ondes émises par les radars a donné lieu à une vive controverse. On ne peut nier que certains types de cancers sont fréquents chez les policiers exposés (Davis et Mostofi, 1993). Le principal souci vient essentiellement des radars manipulés à la main, mais des travaux portant sur des populations importantes réfutent tout risque de cancer lié à ces appareils. On avait notamment affirmé que le cancer des testicules était dû à cette exposition, avec un risque maximal lorsque le radar manuel était allumé et posé sur les genoux du policier, entraînant une dose cumulée importante aux testicules à long terme. Mais il nest pas prouvé que ce type dexposition provoque le cancer. En attendant, il est recommandé dinstaller ces radars à lextérieur du véhicule, de ne pas les orienter vers les policiers, de ne pas sen servir à lintérieur dun fourgon, de les éteindre lorsquils ne sont pas utilisés et de faire régulièrement une recherche de fuite éventuelle de micro-ondes. En outre, lexamen médical périodique des policiers doit comprendre une palpation minutieuse des testicules.
Les douleurs lombaires sont une des principales causes dabsentéisme dans le monde occidental, notamment chez les hommes dâge moyen. Les facteurs prédisposant aux lombalgies chroniques sont multiples et certains, comme le tabagisme, semblent difficiles à comprendre.
Tout indique que les personnes qui conduisent des véhicules dans le cadre de leur activité professionnelle courent beaucoup plus de risques que les autres de souffrir de lombalgies. Cela est vrai des policiers pour lesquels la conduite constitue une partie importante du travail quotidien. La majorité des voitures de police sont toujours équipées de leurs sièges dorigine. Il existe bien diverses ceintures et prothèses susceptibles de soutenir la région lombaire, mais le problème demeure.
Les affrontements physiques peuvent jouer un rôle dans lapparition des douleurs dorsales, de même que les accidents de voiture, en particulier sils mettent en cause des voitures de police. Certains équipements, comme les épaisses ceintures de cuir munies dun harnachement lourd, peuvent aussi être à lorigine de dorsalgies.
Il ne faut pas oublier que le stress peut accélérer lapparition de douleurs dorsales, ou les exacerber, et que certains policiers considèrent quil est plus acceptable, pour demander un congé maladie, dinvoquer un mal de dos que le besoin de se remettre dun stress émotionnel.
Il ne fait aucun doute que des exercices visant à entretenir la souplesse et à renforcer les muscles du dos peuvent améliorer sensiblement la capacité fonctionnelle et atténuer les symptômes. Il existe de nombreux systèmes de classification des douleurs dorsales, à chacun desquels correspond une intervention précise mise en uvre dans le cadre des programmes spécifiques de renforcement des muscles. Il est important de rechercher la symptomatologie propre aux policiers et de trouver lintervention et le traitement appropriés. Cela suppose un examen périodique par des médecins compétents et capables dagir efficacement et rapidement. Il est tout aussi essentiel pour les policiers de se maintenir en bonne forme physique pour éviter une incapacité due à ce syndrome courant et coûteux.
Selon certains rapports, des policiers auraient contracté le sida dans lexercice de leurs fonctions. En mai 1993, la police fédérale américaine (Federal Bureau of Investigations (FBI)), aux Etats-Unis, déclarait que sept cas avaient été enregistrés en dix ans (Bigbee, 1993). On notera dabord que cest là un nombre étonnamment faible pour une pareille durée et pour lensemble du pays. On observera ensuite que le lien allégué entre la maladie et la profession de policier a été controversé. Cela dit, il est tout à fait possible dêtre contaminé par le VIH quand on exerce ce métier.
Comme il nexiste pas de remède contre le sida, ni de vaccin, la meilleure protection demeure la prévention. Il faut porter des gants en latex toutes les fois quil y a un risque de contact avec du sang ou avec des objets contaminés par du sang. Cette précaution est particulièrement importante en cas de plaie sur les mains.
Toute plaie ouverte ou coupure, chez un policier, doit être recouverte dun pansement occlusif tant quil est en service. Les aiguilles et seringues doivent être manipulées avec le plus grand soin et transportées dans des récipients spéciaux, conçus de manière à ne pouvoir être transpercés. Il faut éviter les objets pointus et tranchants et manipuler les pièces à conviction coupantes avec toutes les précautions voulues, surtout lorsquelles sont souillées de sang frais. On devrait, dans la mesure du possible, les ramasser avec des instruments et non à la main.
Les policiers devraient porter des gants en latex et un masque isolant lorsquils tentent de réanimer une personne et toujours porter des gants en latex lorsquils rendent les premiers secours. Il faut toutefois savoir que le risque dêtre contaminé par le VIH lors dune tentative de réanimation est très faible.
Certaines pratiques traditionnelles devraient également être évitées. Ainsi, la fouille par palpation comporte des risques et beaucoup de policiers, à cette occasion, ont été blessés par des aiguilles. Il est dangereux aussi de fouiller à mains nues les récipients, les sacs ou même les poches. Le policier doit vider tous les récipients sur une surface plane afin den examiner visuellement le contenu. De même, il faut éviter de passer la main sous les sièges des voitures ou entre lassise et le dossier dun canapé ou dun fauteuil. Il vaut mieux démonter des meubles que chercher à tâtons dans des endroits qui risquent de dissimuler des aiguilles ou des seringues. Les gants en latex ne protègent pas contre les blessures par piqûre.
Une protection oculaire et un masque facial peuvent être utiles si lon estime quil risque dy avoir des projections de liquides organiques, comme la salive ou le sang. Il faut prévoir un système pour lévacuation sans risque du matériel de protection individuelle et un dispositif pour le lavage des mains. Comme peu de voitures de police disposent deau courante et dun lavabo, il faut fournir aux policiers des solutions de lavages préemballées. Enfin, il faut se demander comment agir si, malgré toutes ces précautions, un policier a été exposé au VIH par voie percutanée. La première chose à faire, après avoir nettoyé la plaie, est de chercher à savoir si la source de lexposition est vraiment positive vis-à-vis du VIH. Une telle vérification nest pas toujours possible. Deuxièmement, il est impératif que le policier soit informé des véritables risques dinfection. Beaucoup de personnels non médicaux estiment le risque bien supérieur à ce quil est en réalité. Troisièmement, le policier doit être informé de la nécessité de passer de nouveaux tests de dépistage au cours des six, voire neuf mois qui suivent lexposition, pour être sûr quil na pas été infecté. Des mesures doivent être prises, pendant six mois au moins, pour éviter la contamination du (des) partenaire(s) sexuel(s). Enfin, il convient denvisager une prophylaxie postexposition. Des données de plus en plus nombreuses indiquent que ladministration de médicaments antiviraux peut contribuer à réduire le risque de séroconversion après une exposition percutanée. Cette question est abordée dans le chapitre no 97, «Les établissements et les services de santé», de lEncyclopédie. De plus, comme le domaine de la prophylaxie fait lobjet de recherches extrêmement poussées, il convient de consulter régulièrement les références les plus récentes pour être sûr dadopter la démarche la plus appropriée.
De nombreux rapports signalent des cas dhépatite chez des personnels des forces de lordre dans lexercice de leurs fonctions. Le risque quantitatif nest pas très élevé par rapport aux autres professions, mais il est bien réel et la maladie doit être considérée comme une maladie professionnelle possible. Lapproche préventive de linfection au VIH décrite ci-dessus sapplique tout aussi bien à lhépatite B transmise par le sang. Comme lhépatite B est beaucoup plus contagieuse que le sida et quelle comporte un plus grand risque de maladie ou de décès à court terme, le respect des précautions universelles simpose avec dautant plus de vigueur.
Il existe un vaccin efficace contre lhépatite B et tous les policiers, quelles que soient leurs fonctions, devraient être vaccinés. Les policiers peuvent également être exposés à dautres maladies, comme lhépatite C, la tuberculose et les maladies à transmission aérienne.
En Allemagne, le besoin croissant de sécurité, par suite de la progression générale des activités criminelles, de louverture des frontières à lEst et au sein de lUnion européenne, ainsi que du rattachement de lex-République démocratique allemande, sest traduit par une multiplication disproportionnée des sociétés privées de gardiennage et de sécurité et de leurs effectifs.
Au début de 1995, on recensait plus de 1200 sociétés de gardiennage et de sécurité, employant plus de 155 000 personnes. Les entreprises moyennes ont, pour la plupart, entre 20 et 200 agents. Mais il en existe aussi qui comptent moins de 10 employés et dautres plusieurs milliers. Les fusions de sociétés dans ce secteur sont de plus en plus courantes.
Cest linspection du travail qui est responsable de lassurance accident obligatoire pour ces entreprises et leurs employés.
Avec laugmentation du nombre daccidents, la réglementation en matière de prévention des accidents, qui régissait les services de gardiennage et de sécurité (VBG 68) et était en vigueur depuis mai 1964, sest trouvée dépassée. Elle a donc été profondément remaniée, avec la participation de représentants des employeurs et des travailleurs concernés, des compagnies dassurances, des chambres de commerce et dindustrie, de même que des représentants du ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, des services dinspection du travail et de police des Länder, du ministère fédéral de la Défense, du Bureau fédéral des affaires criminelles, dautres institutions et dune commission spécialisée. Cette dernière est un organe du bureau central des services dhygiène et de sécurité de la chambre de commerce et dindustrie, sous la responsabilité du service de linspection du travail.
La nouvelle réglementation en matière de prévention des accidents est entrée en vigueur le 1er octobre 1990, après des consul-tations qui ont duré plusieurs années. Elle constitue la norme légale pour tous les employeurs et les employés des sociétés de gardiennage et de sécurité. Les services de gardiennage et de sécurité qui visent à protéger les personnes et les biens comprennent:
Lemployeur ou son agent ne peuvent recruter que des personnes qualifiées et suffisamment formées pour lactivité de gardiennage ou de sécurité demandée. Ces qualifications sont consignées par écrit.
Le comportement du personnel, y compris lobligation de notifier les défaillances ou les dangers particuliers, doit faire lobjet dinstructions de service détaillées.
Si lon constate que le travail de gardiennage et de sécurité crée des dangers spécifiques, il faut assurer une supervision adéquate du personnel.
Les tâches de surveillance et de gardiennage ne devraient être assumées quune fois que les dangers évitables dans la zone de travail ont été éliminés ou maîtrisés. Pour ce faire, il faut consigner par écrit la portée et le déroulement de la mission de sécurité, y compris les activités auxiliaires connues.
Par des inspections, lemployeur ou son agent doivent sassurer, indépendamment des obligations qui incombent à leur client, que tous les dangers inhérents à la propriété dont il doit garantir la sécurité ont été répertoriés. Ces inspections doivent avoir lieu régulièrement et toutes les fois que la situation lexige, et faire lobjet dun compte rendu.
Lemployeur ou son agent doivent demander à leur client déliminer les risques qui peuvent être prévenus ou de sécuriser les endroits dangereux. Dans lintervalle, des règles devraient être définies pour garantir autrement la sécurité du personnel de gardiennage et de sécurité. Les zones dangereuses qui ne peuvent être protégées correctement doivent être exclues de la surveillance.
Il faut donner au personnel de gardiennage et de sécurité des informations sur les biens à protéger et sur les dangers spécifiques que cela comporte pendant la période où sexercera la surveillance.
Le personnel de gardiennage et de sécurité doit être pourvu du matériel et des moyens nécessaires, notamment de chaussures appropriées, de torches éclairant bien dans lobscurité, ainsi que dun équipement de protection individuelle en bon état, si nécessaire. Il doit être formé à lusage de ce matériel. Le matériel et léquipement quil doit porter ne doivent pas entraver exagérément sa liberté de mouvement, surtout celle des mains.
Les travailleurs doivent se conformer aux mesures de sécurité du travail et observer les instructions de service. Ils ne doivent en aucun cas suivre une directive du client qui serait contraire aux instructions de sécurité.
Ils doivent rendre compte à leur employeur ou à son agent de toutes les défaillances et des dangers quils découvrent, ainsi que des mesures correctrices quils prennent.
Les travailleurs doivent employer correctement léquipement et le matériel qui leur sont fournis. Ils ne peuvent utiliser dinstallations ou entrer dans des locaux sans autorisation.
Les travailleurs ne doivent pas prendre de boissons alcooliques ni dautres substances toxiques dans lexercice de leurs fonctions. Cette consigne est également valable pendant une période raisonnable qui précède leur prise de poste; ils doivent arriver à jeun.
Les employés qui doivent porter des verres correcteurs ou des lentilles de contact pendant leur mission de surveillance doivent veiller à ne pas les perdre et à apporter une paire de rechange.
En général, seuls les chiens qui ont été mis à lépreuve et approuvés par des maîtres-chiens compétents et dûment agréés peuvent être retenus pour le travail de gardiennage et de sécurité. Les autres ne doivent être employés que pour donner lalerte, et lorsquils sont sous le contrôle de leur maître, mais pas pour dautres tâches de sécurité. Il ne faut en aucun cas recourir à des chiens méchants ou qui ne sont plus suffisamment compétents.
Il importe de ne pas trop exiger des chiens. Les maîtres-chiens doivent recevoir une formation théorique et pratique adéquate, tenant compte des recherches effectuées sur le comportement animal. Il convient de fixer une durée de service correcte, des temps de repos minimaux et la durée totale des jours de travail.
La compétence du maître-chien doit être vérifiée régulièrement. Sil nest plus suffisamment qualifié, il faut lui retirer son habilitation.
Pour que la conduite des chiens se fasse sans heurt et en toute sécurité, il convient de définir des règles régissant le contact avec les chiens, la relève du maître-chien, la mise en laisse et le lâcher des chiens, lutilisation des mêmes mots dordre par les différents maîtres-chiens, la manipulation de la laisse et la conduite à tenir lorsque les maîtres-chiens croisent des tierces personnes.
Létat et léquipement des chenils, ainsi que lautorisation dy accéder, font lobjet dexigences minimales.
Lors du transport de chiens, une séparation doit être maintenue entre lespace des animaux et celui des passagers. Chaque chien doit disposer de son propre espace et il ne faut en aucun cas utiliser le coffre des voitures à cet effet.
Les employés ne peuvent être équipés dune arme que sur instructions expresses de lemployeur ou de son représentant, conformément à toutes les dispositions légales relatives au port darme et à la condition que le porteur de larme soit digne de confiance, bien entraîné et compétent.
Les porteurs darmes doivent sexercer régulièrement dans des champs de tirs agréés et faire la preuve de leur aptitude et de leurs connaissances. Les cartons de tirs doivent être conservés. Si un employé ne satisfait plus aux conditions requises, son arme doit lui être confisquée.
Seules peuvent être utilisées des armes à feu officiellement testées et approuvées. Elles doivent être testées par des experts, périodiquement et dès quune anomalie est suspectée; elles doivent être réparées par des spécialistes dûment agréés.
Les personnels de gardiennage et de sécurité ne doivent ni détenir ni utiliser des armes tirant des cartouches à blanc ou au gaz. En cas de confrontation avec des criminels armés, ces armes procurent un sentiment trompeur de sécurité pouvant conduire à des situations extrêmement dangereuses sans la possibilité dautodéfense.
Des règlements stricts garantissent lutilisation des armes à feu, le port, le transport, le chargement et le déchargement ainsi que lentreposage sûrs et sans erreur darmes à feu et de munitions.
Compte tenu du risque élevé de vol, il faut prévoir au moins deux convoyeurs pour tout transport de fonds dans les lieux accessibles au public. Lun deux doit être exclusivement en charge de la sécurité. Cette règle sapplique aussi aux déplacements entre les véhicules de transport de fonds et les lieux où les fonds sont collectés ou déposés.
Des exceptions ne sont autorisées que: 1) si des personnes non averties ne peuvent deviner au vu de la tenue ou de léquipement du personnel, du véhicule utilisé, de litinéraire emprunté ou du déroulement de lopération, quil sagit dun transport de fonds; 2) si lincitation au vol est fortement atténuée du fait dun dispositif technique qui doit être clairement reconnaissable par tous; et 3) si seules des pièces de monnaie sont transportées et que cela est facile à voir par quiconque du fait du comportement des convoyeurs et du déroulement de lopération.
Lexpression «moyen technique atténuant considérablement lincitation au vol» désigne, par exemple, des dispositifs solidement fixés au conteneur de transport de fonds, de façon permanente ou pendant la durée du transport, et qui, en cas dattaque, déclenchent automatiquement une alarme optique, immédiatement ou après une durée programmée en émettant une fumée colorée. Des dispositifs supplémentaires, comme les alarmes acoustiques simultanées, sont recommandés.
La conception, la forme, la taille et le poids des conteneurs de transport de fonds doivent être tels quils soient faciles à porter. Ils ne doivent pas être attachés au convoyeur, cette solution rendant lopération plus dangereuse pour lui.
Les véhicules qui servent aux transports de fonds devraient être spécialement conçus. Ils sont suffisamment sûrs lorsque leur fabrication et leur équipement satisfont aux critères fixés par la réglementation sur la prévention des accidents «véhicules» (VBG 12) et notamment aux règles de sécurité pour les véhicules de transport de fonds (ZH1/209).
Le transport de fonds dans des véhicules non sécurisés nest autorisé que dans le cas dun transport de pièces de monnaie, et il faut que cela soit visible ou au contraire impossible à détecter. Rien ne doit alors indiquer quil y a transport de fonds, ni la tenue ou léquipement des convoyeurs, ni la construction, léquipement ou le marquage du véhicule utilisé.
Il faut varier les horaires et les itinéraires, ainsi que les lieux de chargement et de déchargement. Pendant le chargement et le déchargement dans des lieux publics, une personne au moins doit se trouver en permanence à lintérieur du véhicule, dont les portes doivent rester verrouillées.
Les centrales dalarme et les chambres fortes doivent être protégées de façon satisfaisante contre toute attaque. Les exigences minimales en matière de sécurité et déquipement sont celles édictées dans la réglementation sur la prévention des accidents «guichets» (VBG 120), qui régit les établissements de crédit et les bureaux de change manipulant des espèces.
Toute tentative daméliorer la sécurité a ses limites. Cela est particulièrement manifeste dans le cas des activités de gardiennage et de sécurité. Alors que dans dautres domaines des mesures et des améliorations structurelles donnent de bons résultats, elles ne jouent ici quun rôle secondaire. En fait, on ne peut améliorer sensiblement les choses dans ce domaine quen modifiant la structure organisationnelle de lentreprise et le comportement des personnes. La nouvelle réglementation de la prévention des accidents «Services de gardiennage et de sécurité» (VBG 68), qui peut sembler à première vue excessive et trop détaillée, prend tout particulièrement en compte cette constatation fondamentale.
Il nest donc pas surprenant de constater que depuis lentrée en vigueur de cette réglementation le nombre daccidents et de maladies professionnelles soumis à déclaration, dans les sociétés privées de gardiennage et de sécurité, a diminué denviron 20%, malgré laugmentation générale de la criminalité. Certaines entreprises qui ont appliqué consciencieusement cette réglementation et ont pris en outre des mesures supplémentaires de sécurité fondées sur une série de critères en vigueur ont même enregistré une baisse de la fréquence des accidents du travail et des maladies professionnelles allant jusquà 50%. Il en a été ainsi en particulier dans le cas de lutilisation de chiens.
Par ailleurs, lensemble des mesures prises a entraîné une réduction des primes obligatoires dassurance accident auxquelles sont assujetties les sociétés de gardiennage et de sécurité, malgré la hausse des coûts.
Dune façon générale, il est clair que lon ne peut obtenir des comportements sûrs, à long terme, quau moyen de normes et de règlements précis, et au prix dune formation et de contrôles permanents.
Les pays entretiennent une armée à des fins de dissuasion pour diminuer les risques de conflit et, au besoin, être prêts à faire la guerre et à la gagner. Les forces armées remplissent aussi des rôles non belligérants désignés comme «engagements du temps de paix» ou opérations autres que missions de guerre. Elles comprennent les missions humanitaires, comme laide durgence en cas de catastrophe; les opérations de rétablissement et de maintien de la paix; la lutte contre la drogue et contre le terrorisme; et lassistance en matière de sécurité.
Les hommes et les femmes employés dans les forces armées travaillent sous la mer, sur des navires, en lair, sur tous les terrains imaginables, par des températures extrêmes et à de hautes altitudes. Beaucoup demplois militaires exigent lentretien des compétences nécessaires pour se servir des matériels à usage spécifiquement militaires (tels que sous-marins, avions de chasse, chars dassaut, etc.) contre un ennemi armé. Larmée compte également un grand nombre de personnels sans uniforme chargés dexécuter des activités de maintenance et de récupération, tout comme daccomplir des tâches administratives, médicales ou autres pour soutenir les combattants.
Chaque militaire entretient ses compétences de base par exemple, son adresse au tir et veille à conserver une très bonne forme physique pour pouvoir bien réagir en situation de combat. Des programmes dexercices sont appliqués systématiquement pour améliorer et entretenir la résistance et la capacité aérobie des personnels, mais un recours excessif ou inconsidéré à ceux-ci peut entraîner de graves blessures.
En plus des risques inhérents à leur métier, les personnels en uniforme sont souvent plus exposés aux maladies infectieuses. Le fait de suivre un entraînement de base dans un camp et de vivre dans un espace clos, par exemple sur un navire, peut contribuer à lapparition daffections respiratoires aiguës et dautres maladies infectieuses. Le bruit est un problème omniprésent. En outre, dans de nombreuses parties du monde, le personnel peut encourir un risque de contamination par la nourriture et leau et être exposé à des vecteurs de maladies transmettant des agents protozoaires, viraux et bactériens.
Larmée fait appel à de nombreux civils pour ses travaux de recherche-développement ainsi que pour les services de maintenance, ladministration et dautres fonctions de soutien. Certains sont rémunérés par larmée, dautres sont employés par des entreprises sous-traitantes. Autrefois, les employés civils naccompagnaient pas les militaires dans les zones dhostilités. Depuis peu, ils remplissent de nombreuses fonctions de soutien à proximité immédiate des forces déployées et peuvent donc encourir les mêmes risques professionnels et environnementaux.
Dans bien des installations militaires fixes (dépôts de réparation, bureaux et hôpitaux), les personnels en uniforme et les civils ont des activités analogues à celles que lon exerce en milieu non militaire: peinture, dégraissage, soudure, meulage, emboutissage, galvanoplastie, manipulation de liquides hydrauliques, de carburants et de produits de nettoyage, utilisation de micro-ordinateurs et prise en charge de patients atteints de maladies infectieuses. Mais lexécution dactivités industrielles dans un espace clos à bord dun navire ou dun sous-marin, ou dans un véhicule blindé, augmente le risque de surexposition à des substances toxiques. De plus, certaines tâches doivent être accomplies par des plongeurs à des profondeurs diverses.
Dans certaines installations fixes, on met au point, fabrique, entretient ou stocke des produits et des matériels spécifiquement militaires: gaz moutarde et agents neurotoxiques; explosifs; propulseurs et carburants spéciaux (nitrate dhydroxylammonium); télémètres et marqueurs de cible à laser; sources démission de micro-ondes pour les radars et les télécommunications; rayonnements ionisants émanant de munitions, de blindés et de centrales nucléaires. Les matériaux composites, que lon ne rencontre pas seulement dans le matériel militaire, y sont néanmoins courants. Lorsque ce dernier commence à dater, les travailleurs peuvent être exposés à des biphényles polychlorés près des réseaux électriques, à de lamiante dans le garnissage calorifuge des tuyaux de vapeur, et à des peintures au plomb.
Le personnel des forces armées est toujours de service, mais la hiérarchie sefforce de maintenir des cycles travail-repos accepta-bles. Comme les batailles ne se déroulent pas selon des calendriers préétablis, les militaires suivent un entraînement correspondant aux combats quils sattendent à mener. En période dentraînement intensif, la fatigue et le manque de sommeil sont courants. Les choses empirent lorsque les personnels sont transportés rapidement sur plusieurs fuseaux horaires et doivent remplir leurs fonctions dès leur arrivée. Dans toutes les opérations militaires, notamment dans celles de grande envergure sur des zones très étendues où interviennent les forces aériennes, terrestres et maritimes de différents pays, il est capital dassurer une coordination et des communications efficaces entre les divers éléments pour réduire le risque daccidents, comme par exemple de tirer sur une cible amie. Il y a une augmentation du stress si la nature des opérations conduit à de longues séparations familiales ou sil existe des probabilités daction hostile.
Sur les navires, lexiguïté des espaces, les nombreuses échelles et portes et les couloirs étroits à proximité de machines en mouvement présentent des dangers. Les espaces clos limitent également les mouvements pendant le travail, ce qui favorise les blessures à caractère ergonomique (voir figure 95.4). Dans les sous-marins, la qualité de lair est une préoccupation majeure qui exige une surveillance constante et la limitation des contaminants inutiles. Dans tous les environnements militaires où se trouvent des centrales nucléaires, des armes nucléaires ou dautres matières radioactives, les expositions sont évaluées, des mesures de prévention sont prises et une surveillance est assurée au besoin.
Les opérations aériennes seffectuent au moyen dappareils à ailes fixes ou à voilure tournante (hélicoptère). Les équipages militaires ne courent pas les mêmes risques que leurs homologues civils. Beaucoup daéronefs militaires sont spéciaux de par leur conception, leurs caractéristiques de vol et le type de mission quils peuvent remplir. Les équipages sont fréquemment exposés à des accélérations excessives (centrifuges et gravitationnelles), au mal de décompression, à une perturbation du rythme circadien à la suite de longues missions ou dopérations de nuit et à une désorientation spatiale. Les vibrations créées par lappareil ou par les turbulences atmosphériques peuvent altérer la vision, engendrer le mal des transports, produire de la fatigue et contribuer à lapparition de lombalgies, en particulier chez les pilotes dhélicoptère. Lexposition aux produits de combustion provenant de léchappement des moteurs, la surchauffe ou la combustion de composants de lappareil peuvent présenter un risque toxique si lavion est endommagé pendant le combat. La fatigue est une préoccupation majeure lorsque les opérations en vol se prolongent ou se déroulent sur de longues distances. La désorientation spatiale et les troubles de perception de laltitude et du mouvement de lappareil peuvent provoquer des accidents, en particulier dans les vols à grande vitesse à très basse altitude. Le personnel au sol peut être appelé à faire le plein et des travaux dentretien (souvent pendant que les moteurs tournent) en des temps très courts et dans des conditions de travail difficiles.
Les militaires emploient beaucoup lhélicoptère comme système darme et plate-forme dobservation à basse altitude, ainsi que comme véhicule dévacuation médicale et véhicule utilitaire. Ces aéronefs à voilure tournante utilisés pour des types de missions déterminées font courir des risques physiques et ont des effets physiologiques très particuliers pour les équipages. Les hélicoptères, qui peuvent certes voler tout en se déplaçant vers lavant, latéralement ou vers larrière, constituent néanmoins des plates-formes foncièrement instables. En conséquence, leur équipage doit rester concentré en permanence, avoir une vue exceptionnelle et une excellente coordination de mouvement pour conserver le contrôle de lappareil et éviter les collisions avec le terrain et dautres obstacles lors des vols à basse altitude. La fatigue est une grande préoccupation pour les équipages qui effectuent des vols prolongés, un grand nombre de missions courtes ou des vols à basse altitude, voire au ras du sol, cest-à-dire aussi près du terrain que le permettent la vitesse et les caractéristiques de lappareil. Les vols nocturnes à basse altitude sont particulièrement difficiles. Dans larmée et dans la police, les pilotes dhélicoptère doivent fréquemment porter des lunettes de vision nocturne, mais celles-ci peuvent limiter la perception du relief, le champ de vision et la différenciation des couleurs. Les moteurs, la transmission et le rotor des hélicoptères produisent des fréquences vibratoires spécifiques qui peuvent altérer lacuité visuelle et contribuer à la tension et à la fatigue musculaires. Ces composants de lappareil sont aussi des sources de bruits intenses qui peuvent perturber les communications dans le cockpit et qui favorisent les déficits auditifs. Le blindage des éléments bruyants, linstallation de panneaux dinsonorisation dans le cockpit ou la cabine et des protecteurs de louïe contribuent à réduire ce risque. Etant donné les plus basses altitudes auxquelles volent les hélicoptères, le stress thermique peut poser un problème particulier pour les équipages. Les écrasements dhélicoptère, le plus souvent, se font par chute verticale, souvent à une vitesse de déplacement relativement faible (contrairement aux aéronefs à ailes fixes dont le vol est longitudinal). Les fractures de la colonne vertébrale par tassement et les fractures de la base du crâne sont des lésions fréquentes chez les victimes dun écrasement. Parmi les dispositifs techniques permettant de prévenir les blessures et de limiter leur gravité figurent les casques de protection, les circuits carburant à lépreuve des impacts, la consolidation des cockpits pour prévenir la pénétration de lensemble rotor ou de la transmission, ainsi que des sièges spéciaux et des systèmes de retenue munis de dispositifs amortisseurs.
Les troupes au sol tirent avec leurs fusils, au canon et avec des lance-roquettes et elles se déplacent à bord de véhicules sur des terrains accidentés. Elles doivent parfois opérer sous le couvert de fumées produites au moyen dhuile fumigène, de gazole ou dautres substances chimiques (voir figure 95.5). Elles sont fréquemment exposées au bruit, à la surpression du souffle de gros canons, à des vibrations et aux produits de combustion de propergol. Quant aux risques de lésions oculaires dorigine balistique, ils peuvent être évités par le port de lunettes protectrices. Les risques deffets sur la santé augmentent lorsquon tire des roquettes ou de gros obus depuis des lieux clos tels que des immeubles. Les compartiments de léquipage, dans les véhicules blindés, sont des espaces confinés où la concentration de monoxyde de carbone après un tir peut atteindre des milliers de parties par million et requiert un système de ventilation efficace. Le stress thermique, dans certains véhicules, peut nécessiter lemploi de blousons réfrigérants. Les soldats peuvent également souffrir de la chaleur lorsquils doivent porter des vêtements spéciaux, une cagoule ou un masque pour se protéger contre des attaques par agents chimiques et biologiques. Ces moyens de protection individuelle peuvent être à lorigine daccidents, car ils gênent la vue et la mobilité. Dans les hôpitaux de campagne, la lutte contre les infections et le confinement des gaz anesthésiques résiduels sont autant de défis particuliers.
Toutes sortes darmes permettent dinfliger des blessures et des maladies à lennemi. Les armes classiques font des victimes au moyen de projectiles et déclats grâce à leur effet de souffle (qui peut entraîner des contusions pulmonaires), ainsi quà cause du napalm ou du phosphore quelles contiennent (dans le cas des lance-flammes et des appareils incendiaires). Les lasers peuvent causer des lésions oculaires accidentelles ou lorsquils sont utilisés comme armes offensives. Dautres systèmes darmes utilisent des substances biologiques, comme les spores de linfection charbonneuse, ou des substances chimiques telles que les agents anticholinestérasiques.
Lutilisation massive des mines révolte lopinion en raison des victimes quelles font parmi la population civile. Au sens strict, une mine se définit comme un engin explosif conçu pour être enterré. Dans la pratique, une mine est nimporte quel explosif dissimulé qui peut sauter au passage dun ennemi ou dun ami, dun civil ou dun animal. On distingue les mines antimatériel et les mines antipersonnel. Les premières visent les véhicules militaires et peuvent contenir de 5 à 10 kg dexplosifs, mais requièrent une force de compression dau moins 135 kg pour être activées. Les secondes sont faites pour mutiler plus que pour tuer. Il suffit de moins de 0,2 kg dexplosif enfoui dans le sol pour arracher un pied. Les particules de poussières qui entourent une mine se transforment en projectiles qui infectent considérablement les plaies. Le rayon daction de ces armes a été étendu avec larrivée des mines du type «bondissant». Celles-ci comportent une petite charge explosive qui projette la mine à une hauteur denviron 1 m. Elle éclate immédiatement en répandant des fragments sur une distance de 35 m. Certaines mines modernes, comme la mine «Claymore», peuvent être déclenchées électriquement, à laide dun fusible retardateur ou dun câble de détonateur, et projeter des centaines de billes dacier pesant chacune 0,75 g dans un arc de 60° jusquà 250 m de distance. Dans un rayon de 50 m, les mutilations graves et les blessures mortelles sont courantes.
Divers agents chimiques sont employés en temps de guerre. Cest ainsi quau Viet Nam on a utilisé des herbicides (lacide 2,4-dichlorophénoxyacétique mélangé à lacide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique, également appelé agent Orange) pour sassurer la maîtrise du terrain. Certains produits chimiques (comme les gaz lacrymogènes) sont employés comme agents incapacitants pour produire des effets passagers soit physiques, soit mentaux, voire les deux. Dautres produits chimiques, extrêmement toxiques, peuvent entraîner des lésions graves ou la mort. Entrent dans cette catégorie les agents anticholinestérasiques (tabun, sarin, etc.), les agents vésicants (comme la moutarde et les arsenicaux), ceux qui attaquent les poumons ou les agents «suffocants» (phosgène, chlore, etc.) et les agents sanguins qui bloquent les processus doxydation (tels que le cyanure dhydrogène et le chlorure de cyanogène).
En dehors des conflits armés, les sources potentielles dexposition à des agents chimiques comprennent: les actes terroristes; les sites dentreposage danciens produits chimiques à usage militaire dont les conteneurs ne sont plus étanches; les sites de destruction de stocks militaires de produits chimiques par incinération ou par dautres moyens; et la mise au jour accidentelle de sites oubliés délimination par enfouissement de produits chimiques.
Dans les forces armées comme dans le civil, les soins de santé sont axés sur la prévention. On fait souvent appel à du personnel médical pendant la mise au point des véhicules et des équipements militaires afin didentifier les risques potentiels que présentent ces derniers pour la santé des utilisateurs et du personnel dentretien et de pouvoir ainsi les maîtriser. La formation et les guides destinés aux utilisateurs ainsi que les programmes déducation traitent des mesures de protection contre les risques. Les soins médicaux comprennent, outre les soins de base et les services durgence, un premier examen médical, suivi dun contrôle périodique, des actions déducation sanitaire et de promotion de la santé, et lévaluation de lincapacité. Des équipes médicales participent également aux enquêtes sur les accidents. Lorsque des personnels sont envoyés dans des secteurs présentant de nouveaux risques pour la santé, on procède à leur évaluation pour identifier les menaces et déterminer les mesures à prendre: vaccination, prophylaxie, moyens de protection individuelle et programmes éducatifs.
Le personnel médical qui dispense des soins préventifs et primaires aux militaires doit bien connaître les caractéristiques des armes utilisées pendant lentraînement et sur le champ de bataille pour prévoir le type de blessés et se préparer à les traiter, pour prendre des mesures préventives susceptibles de réduire la morbidité et la mortalité, et pour fournir des soins appropriés le moment venu. Les équipements assurant une protection individuelle contre les agents chimiques et biologiques et les lésions oculaires provoquées par les missiles et les lasers jouent un rôle important. Parmi les autres mesures à considérer figurent également les vaccins et les médicaments chimio-prophylactiques contre les agents biologiques, ou les traitements médicamenteux préventifs et les antidotes contre les agents chimiques. Il est fondamental dapprendre au personnel médical à détecter et à gérer rapidement les maladies et les lésions causées par des armes, ce qui permet de mettre en uvre sans délai le traitement approprié et donc de réduire éventuellement le nombre de morts et de malades. De même, les chirurgiens militaires peuvent mieux soccuper de leurs patients et deux-mêmes sils connaissent les blessures auxquelles ils ont affaire. Par exemple, les blessures infligées par un projectile à grande vitesse initiale ne requièrent pas un débridement important du fait de la destruction de tissus mous; par contre, les blessures provoquées par des balles à fragmentation peuvent exiger une exploration poussée, et enfin les blessures peuvent renfermer des munitions non explosées.
Les océans, les lacs, les rivières et autres plans deau de grande étendue peuvent présenter des conditions naturelles extrêmes qui exigent de lêtre humain le maximum de ses possibilités physiques. Pour les sauveteurs en mer, les risques qui pèsent sur leur sécurité et leur santé sont dabord dus, par définition, à lomniprésence de leau.
Nombre de ces risques sont les mêmes que dans le cas des sauvetages à terre, par exemple le risque présenté par les maladies transmissibles, lexposition à des substances toxiques, la menace de violence interpersonnelle et lexposition à divers agents physiques (bruit, vibrations et rayonnements). Il y a toutefois dans lenvironnement marin des risques spécifiques ou notoirement élevés. Il sera question ici de ceux que les opérations de sauvetage en mer posent pour la sécurité et la santé.
Avant daborder ces questions, il est bon de rappeler que les sauvetages en mer peuvent seffectuer par bateau, par avion, ou par une combinaison des deux. Il est important de connaître le mode dintervention, car cest de lui que dépendent en partie les caractéristiques de lexposition aux risques.
Les navires de surface couramment utilisés pour les secours en mer ont une vitesse inférieure à 40 nuds (74,1 km/h), possèdent une autonomie relativement limitée (moins de 200 milles, soit 320 km), sont extrêmement tributaires de létat de la mer et des conditions météorologiques, peuvent être endommagés par des débris flottants et, de façon générale, ne sont pas sensibles au poids transporté. Les hélicoptères, qui sont les aéronefs les plus employés pour le sauvetage en mer, peuvent voler à une vitesse de plus de 150 nuds (278 km/h); ils ont un rayon daction opérationnel effectif de 300 milles, soit 480 km (davantage sils font le plein en vol), sont plus influencés par les conditions météorologiques que par létat de la mer, et sont très sensibles au poids transporté.
Les facteurs qui déterminent le mode dintervention sont notamment la distance, le degré durgence, la localisation géographique, les ressources disponibles, les conditions atmosphériques et la nature de lorganisation de sauvetage. Le faible éloignement, le moindre degré durgence, la proximité dune ville ou dune zone habitée, une mer calme et la présence dune infrastructure et de systèmes daviation peu développés militent en faveur dune intervention par voie de surface. On décide en général dintervenir par air lorsque les distances à franchir sont importantes, lurgence plus grande, les villes ou les régions développées plus éloignées, la mer agitée et les systèmes et infrastructures daviation mieux développés. Les figures 95.6 et 95.7 illustrent les deux modes de sauvetage.
Les principaux risques liés aux sauvetages en mer sont ceux qui sont inhérents au milieu aquatique. Les sauveteurs sont directement exposés aux éléments et doivent être eux-mêmes préparés aux techniques de survie.
La noyade est la première cause de décès chez les travailleurs de la mer. Un séjour prolongé dans leau nécessite un équipement individuel spécial daide à la flottaison. Dans une mer forte, même les meilleurs nageurs ne peuvent sen passer. Sans combinaison de survie ou radeau de sauvetage, il est normalement impossible de résister au-delà dun certain nombre dheures à une tempête. Les blessures, la baisse du niveau de conscience, la confusion et la panique ou une peur incontrôlée limitent les chances de survie.
Le corps se refroidit plus vite dans leau que dans lair. Le risque de mort par hypothermie ou par noyade induite par une hypothermie augmente rapidement dès que la température de leau tombe au-dessous de 24 °C. Quand la température de leau approche du point de congélation, la durée de survie se mesure en minutes. Un séjour prolongé dans leau froide, même par mer calme, nest possible quavec une combinaison de survie ou un radeau de sauvetage adapté.
Lenvironnement marin connaît les conditions météorologiques les plus extrêmes, avec des vents, de la pluie, du brouillard, de la neige et du givrage intenses. La visibilité et les communications peuvent être très réduites. Les sauveteurs risquent en permanence dêtre trempés par des vagues et des éclaboussures, de la pluie fouettée par le vent ou des embruns et par de leau que projettent les bateaux ou les aéronefs. Leau, notamment leau de mer, peut endommager les pièces mécaniques et électriques indispensables au bon déroulement des opérations de secours.
Lexposition à leau salée peut provoquer une irritation de la peau, des muqueuses et des yeux. Lingestion de micro-organismes infectieux transportés par leau (tels que Vibrio spp.) augmente la probabilité de maladies gastro-intestinales. Leau des sites de sauvetage peut être contaminée par des polluants (eaux usées, par exemple) ou par des substances dangereuses pour la santé humaine (produits pétroliers ou autres). Il y a des risques denvenimation par les serpents deau et divers clentérés (méduses, etc.) dans les zones où vivent ces organismes. Les vêtements étanches et de protection thermique sont souvent encombrants, limitent les mouvements et favorisent le stress thermique. Sous le soleil, les sauveteurs peuvent subir des lésions cutanées et oculaires par suite de la réflexion des rayons ultraviolets.
La surface des grands plans deau, comme les océans, se caractérise par un mouvement ondulatoire accompagné dun clapotis, ce qui complique le travail des sauveteurs. Le mal de mer est une menace constante. Par mer forte, les navires peuvent subir le choc mécanique des vagues et devenir instables, ce qui augmente la fatigue, le risque de chute ou de heurt contre des objets et multiplie les pannes de matériel. Les aéronefs en service dans une tempête subissent des turbulences qui peuvent provoquer le mal des transports, accentuer la fatigue et accroître les risques dune évacuation depuis un navire.
Lenvironnement marin peut être extrêmement hostile. Les risques des opérations de sauvetage pour la sécurité et la santé peuvent toutefois être maîtrisés ou limités par une planification et une prévention minutieuses. Toute opération de sauvetage peut être menée dune façon sûre et efficace.
Le personnel de secours doit connaître parfaitement le milieu marin, les caractéristiques et les limites opérationnelles des moyens matériels et humains, jouer constamment la carte de la sécurité et fournir les équipements, la formation et lencadrement nécessaires. Les sauveteurs doivent être en bonne condition physique et mentale, connaître leur matériel et les procédures, rester vigilants, être prêts à intervenir, entretenir leurs compétences et comprendre les particularités de la situation à laquelle ils se trouvent confrontés.
Le personnel de secours peut être victime daccidents de bateau ou daéronef. En lespace de quelques instants, un sauveteur peut passer dans le camp des personnes à secourir. Pour rester en vie, il faut:
A chacune de ces étapes correspondent un entraînement, du matériel, une ergonomie et des procédures permettant de maximiser les chances de survie. Les sauveteurs sont souvent isolés, sans soutien immédiat, loin du rivage. Une règle de bon sens consiste pour eux à disposer des ressources nécessaires pour survivre jusquà ce que lon vienne les sauver en cas daccident. Ils doivent être entraînés, équipés et préparés pour tenir dans les pires conditions.
Le personnel paramédical, y compris les techniciens ambulanciers et les conducteurs dambulance, administre sur place les premiers soins aux victimes dun accident, dune catastrophe ou dune maladie grave, et les transporte en un lieu où elles recevront un traitement plus complet. Les progrès du matériel médical et des communications permettent à ces professionnels de mieux réanimer les victimes et de les stabiliser pendant le trajet jusquà un service durgence. Cet accroissement des capacités saccompagne dune augmentation des risques auxquels ils sont confrontés dans lexercice de leur métier. Ils interviennent en petites équipes, comprenant généralement deux ou trois personnes. Ils doivent souvent travailler dans des endroits manquant de matériel, difficiles daccès et pouvant présenter des risques biologiques, physiques ou chimiques imprévus ou non maîtrisés. A cela sajoutent dautres facteurs qui augmentent encore le danger: des situations dynamiques, évoluant rapidement, ainsi que des patients et un environnement hostiles. Il importe de prendre en compte les risques pesant sur la santé du personnel paramédical lorsquon élabore des stratégies pour limiter et prévenir les accidents du travail.
Ces risques peuvent être classés en quatre grandes catégories: risques physiques; risques dinhalation; expositions aux agents infectieux; et stress. Les risques physiques englobent les lésions de lappareil locomoteur en rapport avec le travail et les effets du milieu dans lequel ce travail saccomplit. La nécessité de soulever de lourdes charges dans des positions incommodes constitue le principal risque physique à lorigine de plus du tiers des blessures. Les maux de dos représentent la plainte la plus courante; par exemple, on a montré dans une enquête rétrospective que 36% des cas déclarés étaient des lumbagos (Hogya et Ellis, 1990). La cause principale est le levage de patients et déquipements; près des deux tiers des accidents dorsalgiques surviennent sur le lieu de lintervention. Les lésions du dos à répétition sont fréquentes et peuvent entraîner une incapacité prolongée ou permanente ainsi quun départ à la retraite anticipé de travailleurs expérimentés. Les autres lésions fréquentes sont les contusions de la tête, du cou, du tronc, des jambes et des bras, les foulures de la cheville, du poignet et de la main et les blessures aux doigts. Il sy ajoute les chutes, les agressions (de la part de patients et de tiers) et les accidents de la route. Ces derniers consistent pour la plupart en collisions; elles peuvent être attribuables à des horaires de travail chargés, des contraintes de temps, de mauvaises conditions météorologiques ou une formation insuffisante.
Des lésions dues au froid et à la chaleur ont été rapportées auxquelles peuvent contribuer le climat local et les conditions météorologiques, ainsi que le port de vêtements et déquipements inadéquats. On a également observé chez les ambulanciers une perte auditive accélérée du fait des sirènes dont le niveau sonore dépasse les seuils imposés.
Linhalation de fumées et lintoxication par des gaz, dont le monoxyde de carbone, sont des risques respiratoires importants pour le personnel paramédical. Bien quelles soient rares, les expositions de ce type peuvent avoir des conséquences désastreuses. A leur arrivée sur les lieux, les équipes dintervention sont parfois mal préparées pour un sauvetage et peuvent être terrassées par la fumée ou des gaz toxiques avant de recevoir de laide et du matériel supplémentaires.
Comme les autres personnels de santé, le personnel paramédical court un risque élevé dêtre infecté par des virus pathogènes à diffusion hématogène, notamment les virus de lhépatite B (VHB) et probablement de lhépatite C (VHC). Des marqueurs sérologiques de linfection à VHB ont été trouvés chez 13 à 22% des techniciens ambulanciers, taux de prévalence trois à quatre fois supérieur à celui de la population générale (Pepe et coll., 1986). Une enquête a mis en évidence une corrélation entre linfection et le nombre dannées de travail dans cette profession. Les mesures adoptées pour protéger les personnels de santé contre la transmission du VHB et du VIH sappliquent aussi aux techniciens ambulanciers; elles sont présentées au chapitre no 97, «Les établissements et les services de santé», de lEncyclopédie . Signalons au passage que le port de gants en latex pour se protéger contre les pathogènes transmissibles par le sang peut augmenter les risques de dermite de contact et dautres manifestations de lallergie aux produits en caoutchouc que lon rencontre chez le personnel hospitalier.
Le travail du personnel paramédical et des ambulanciers, qui suppose des interventions dans des environnements non contrôlés et dangereux et qui les amène à prendre des décisions importantes, alors quils nont quun équipement réduit et sont pressés par le temps, les soumet à un stress élevé. La baisse de lefficacité, linsatisfaction professionnelle et le désintérêt pour les patients (on parle parfois dassèchement émotionnel) qui peuvent en résulter mettent en péril les soignants et le public. Pour atténuer les effets destructeurs du stress, il a été proposé de faire appel, à la suite de catastrophes majeures et dautres incidents traumatiques, à des spécialistes de la santé mentale parallèlement à dautres stratégies destinées à réduire lépuisement professionnel chez les urgentistes (Neale, 1991).
Il existe peu de recommandations précises concernant les mesures de dépistage et de prévention applicables au personnel paramédical. Tous les employés exposés à des matières et à des sécrétions infectées devraient recevoir une formation sur les agents pathogènes transmissibles par le sang et être vaccinés contre le VHB. Aux Etats-Unis, les établissements de soins sont tenus dinformer tout urgentiste exposé, sans protection, à une maladie transmissible par le sang ou à une maladie infectieuse aérogène, peu courante ou rare, y compris la tuberculose (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), 1989). Des directives et des lois comparables existent dans dautres pays, par exemple au Canada (Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, 1995). Il est essentiel de suivre les règles en vigueur concernant la vaccination contre les agents infectieux (par exemple, rougeole, oreillons et rubéole) et contre le tétanos. Un dépistage régulier de la tuberculose est recommandé si lon pense que le risque est élevé. Contre les maux de dos dus au soulèvement de charges, il a été proposé dutiliser des équipements bien conçus, denseigner la mécanique du corps humain et dinformer les intéressés des risques quils peuvent courir sur place, mais les conditions dans lesquelles exercent la plupart des ambulanciers peuvent rendre inutiles les meilleures précautions. Il faut étudier avec soin lenvironnement dans lequel le personnel paramédical intervient et lui fournir, au besoin, des vêtements et un équipement de protection appropriés. Il est indiqué dapprendre à ceux qui peuvent être exposés à des gaz toxiques et à la fumée à se servir dun appareil de protection respiratoire. Enfin, il convient de ne pas oublier leffet usant du stress sur le personnel paramédical et les urgentistes, et des stratégies de conseil et dintervention devraient être élaborées pour en atténuer limpact.
Certains professionnels ont pour tâche dintervenir lors durgences ou dévénements liés à des matières dangereuses, cest-à-dire en cas de rejet ou de menace de rejet sauvage ou illégal de matières dangereuses ou de leurs sous-produits. Une telle situation peut résulter dun incident de transport ou se produire dans une installation fixe. Des incidents de transport peuvent survenir sur terre, sur leau ou dans les airs. Par installations fixes, on entend les usines, les immeubles de bureaux, les écoles, les exploitations agricoles et autres structures bâties où se trouvent des matières dangereuses.
Les personnels qui ont pour tâche dintervenir en pareil cas font généralement partie déquipes spéciales composées demployés du secteur public tels que sapeurs-pompiers, policiers et responsables des transports ayant reçu une formation spéciale pour réagir face à ces situations. Les installations fixes telles que les usines, les raffineries de pétrole ou les laboratoires de recherche ont souvent leurs propres équipes, formées pour intervenir sur place. La législation sur lenvironnement leur fait parfois obligation de déclarer aux autorités publiques les incidents lorsque la population est menacée ou quun rejet de matières dangereuses réglementées a dépassé une valeur seuil. Les équipes dintervention du secteur public ou du secteur privé comprennent souvent des professionnels de la santé publique, tels que des hygiénistes du travail, capables dévaluer lexposition et formés à la gestion des matières dangereuses.
La police et les sapeurs-pompiers sont souvent les premiers à intervenir en cas de fuite, de rejet ou de dégagement de matières dangereuses consécutif à un accident de la route ou à lincendie dun bâtiment. Ils sont appelés secouristes opérationnels et leur première tâche est disoler le public en lui interdisant daccéder au lieu de lincendie, ce qui suppose généralement la mise en place de barrages et la canalisation de la foule et de la circulation. En principe, il ne leur appartient pas de contenir ou de maîtriser le dégagement. Par conséquent, ils peuvent être davantage exposés aux matières dangereuses que les autres équipes dintervention, car ils ne bénéficient pas dun équipement de protection individuelle intégral. Leur rôle est normalement dalerter léquipe dintervention. Les problèmes de santé propres aux policiers et aux sapeurs-pompiers sont décrits ailleurs dans ce chapitre, dans les articles «Les risques de la lutte contre lincendie», et «La police», respectivement.
Léquipe dintervention a pour première fonction de contenir et de maîtriser le rejet, ce qui peut être extrêmement dangereux sil y a des explosifs ou des produits très toxiques comme le chlore gazeux. Cest au commandant quil appartient de décider des mesures à prendre. La mise sur pied dun plan daction peut exiger beaucoup de temps dans le cas daccidents complexes (déraillement de plusieurs wagons, explosion et incendie dans une usine chimique, par exemple). Il arrive même quon décide de ne pas prendre de mesures de confinement et de laisser la matière dangereuse se répandre dans lenvironnement lorsque les mesures datténuation simposant exposeraient le personnel dintervention à de trop grands risques.
La dernière phase de lintervention consiste souvent à nettoyer les matières dangereuses résiduelles, tâche fréquemment confiée à des travailleurs sans qualification. Dans certains pays, les règles de sécurité et de santé exigent que ces derniers reçoivent une formation spécialisée et participent à un programme de surveillance médicale. Ces employés peuvent être plus exposés du fait que les opérations de nettoyage les mettent directement en contact avec les matières dangereuses. Les autres professionnels courant le risque dune exposition chimique à la suite dun accident de matières dangereuses sont tous les intervenants dans les situations durgence, y compris les soignants et les techniciens urgentistes, le personnel paramédical, les médecins des urgences et certaines catégories de personnel hospitalier.
Les risques potentiels liés à une urgence créée par des matières dangereuses dépendent de lévénement dangereux et peuvent être de nature chimique, radiologique ou biologique. Les produits en cause peuvent se présenter sous la forme de gaz ou de vapeurs, daérosols (brouillards), de fumées, de poussières ou de particules, de solides ou de liquides. Les risques dépendent de lampleur de lexposition, de la réactivité du produit (inflammabilité, explosivité, etc.) et de sa toxicité.
Aux Etats-Unis, il est possible dobtenir des renseignements sur les produits en cause dans des accidents de ce type auprès de lAgence pour le Registre des substances toxiques et des maladies (Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR)), qui dispose dun système de surveillance des situations durgence (Hazardous Substances Emergency Events Surveillance (HSEES)) permettant de suivre activement les incidents ayant des répercussions sur la santé de la population (Hall et coll., 1994). Ce système a été conçu en réaction aux insuffisances des autres mécanismes de surveillance des rejets de substances dangereuses (Binder, 1989). Il nidentifie pas tous les accidents, car il ne répertorie pas les rejets limités qui se produisent dans des installations fixes. Le registre, créé en 1990, concernait au départ 5 Etats, mais aujourdhui 11 y participent. En 1993, il a enregistré 3 945 urgences impliquant des matières dangereuses. Des systèmes similaires existent dans dautres Etats et dans dautres pays (Winder et coll., 1992).
Les données contenues dans cette base montrent quau cours de la période 1990-1992 que les substances chimiques le plus souvent rejetées ont été des composés organiques et volatils, des herbicides, des acides et de lammoniaque. Les risques dapparition de lésions ont surtout été liés aux événements dangereux impliquant des composés cyanurés, des insecticides, du chlore, des acides et des bases. Un seul produit chimique était en cause dans 93% de ces événements, et 84% des rejets ont eu lieu dans des installations fixes.
Le personnel dintervention est exposé à plusieurs types de risques sanitaires aigus. La première menace est liée à la toxicité potentielle de la substance et au contact possible avec le sang et dautres liquides organiques des victimes dun incident. La deuxième est le risque de traumatisme physique grave, y compris de brûlures, consécutives à une explosion ou à un incendie provoqué par une réaction chimique inattendue ou encore à leffondrement dun bâtiment ou dun conteneur. La troisième est le stress thermique ou lépuisement dû à la chaleur qui accompagne lexécution dun travail pénible, souvent avec une tenue de protection entravant le refroidissement du corps par évaporation. Les employés qui ont des problèmes de santé préexistants, tels que maladie cardio-vasculaire ou respiratoire, diabète, troubles de la conscience, ou qui prennent des médicaments influant sur léchange thermique ou la réponse cardio-respiratoire à lexercice courent un risque supplémentaire lorsquils exécutent une telle tâche.
Les informations concernant les effets pathologiques des interventions durgence chez les professionnels sont peu nombreuses. Entre 1990 et 1992, daprès le registre HSEES, 467 interventions sur 4 034, soit 15%, ont entraîné 446 blessures. Deux cents des personnes blessées ont été rangées dans la catégorie des secouristes opérationnels: sapeurs-pompiers, policiers, personnel médical des urgences et équipes dintervention spécialisées. Près dun quart dentre eux (22%) navaient aucun équipement de protection individuelle.
Les principaux symptômes déclarés par les blessés étaient une irritation des voies respiratoires (37,3%), une irritation des yeux (22,8%) et des nausées (8,9%). Des brûlures chimiques étaient signalées chez 6,1% des victimes, et un stress thermique dans 2% des cas. Onze personnes sont décédées, dont un des premiers intervenants. Les causes de décès, pour lensemble du groupe, ont été des traumatismes, lasphyxie, des brûlures chimiques ou thermiques, le stress thermique et larrêt cardiaque. Daprès dautres rapports, les secouristes opérationnels risquent dêtre blessés pendant les interventions à haut risque.
Les risques pour la santé dune exposition chronique à de nombreuses matières dangereuses nont pas encore été caractérisés. Les études épidémiologiques concernant les équipes dintervention ne sont pas terminées. Celles qui portent sur les sapeurs-pompiers qui arrivent en premier sur le lieu dun incendie montrent quils courent un risque accru de développer plusieurs types de tumeurs malignes (voir dans ce chapitre larticle intitulé «Les risques de la lutte contre lincendie»).
Plusieurs mesures permettent déviter les incidents impliquant des matières dangereuses. Elles sont indiquées à la figure 95.8. Premièrement, ladoption et lapplication de règlements pour la protection, le stockage, le transport et lemploi des matières dangereuses peuvent réduire léventualité de méthodes de travail compromettant la sécurité. La formation des employés à lapplication de bonnes pratiques et à la gestion des risques joue un rôle fondamental dans la prévention des accidents.
Deuxièmement, une bonne supervision et une bonne gestion de lincident peuvent en atténuer les effets. La direction des activités des équipes de première intervention et de nettoyage par le commandant sur place est cruciale. Il doit surveiller et évaluer le travail accompli par les équipes dintervention pour sassurer quelles atteignent leurs objectifs avec sûreté et efficacité.
Troisièmement, les mesures sanitaires prises pendant et après lincident, à savoir fournir les premiers soins sur les lieux et appliquer les procédures de décontamination appropriées. Toute victime insuffisamment décontaminée risque de continuer à absorber la matière dangereuse et dexposer léquipe dintervention ou le personnel médical du fait de leur proximité immédiate (Cox, 1994). Le personnel médical devrait être formé pour connaître les traitements spécifiques à appliquer et les mesures de protection individuelle à prendre en cas daccidents chimiques inhabituels.
La participation du personnel dintervention à un programme de surveillance médicale est un moyen qui peut permettre de prévenir les problèmes de santé, en les diagnostiquant éventuellement avant quils aient des conséquences graves ainsi quen identifiant et en surveillant les états pathologiques, comme les maladies cardio-vasculaires, qui font courir de plus grands risques aux travailleurs. On peut également détecter de cette façon les déficiences sensorielles qui peuvent gêner les communications sur le terrain, comme les troubles auditifs et visuels, et déterminer si elles constituent une menace pendant une intervention.
La plupart des mesures de prévention recensées reposent sur la connaissance par la population des risques au niveau local. Une mise en uvre de plans dintervention contre les matières dangereuses par un personnel ayant reçu une formation adéquate et laffectation judicieuse des ressources disponibles sont impératives. Pour que la population connaisse les risques, il faut linformer sur les matières dangereuses qui se trouvent dans des installations fixes ou qui sont transportées localement (par camion, train, avion ou bateau). Ces renseignements doivent permettre aux sapeurs-pompiers et à dautres services de se préparer à déventuelles situations durgence. Les entreprises qui stockent ou transportent des matières dangereuses devraient aussi avoir un plan dintervention prévoyant expressément dalerter rapidement les autorités publiques. Le personnel médical des urgences devrait connaître les risques potentiels existant dans sa collectivité. Un personnel médical spécialisé devrait être disponible pour diagnostiquer et traiter les symptômes et les signes dune atteinte par des matières dangereuses. Les établissements intéressés devraient se tenir en contact avec les services locaux des urgences et les informer des risques potentiels sur le lieu de travail ainsi que des besoins en fournitures spéciales et des médiations nécessaires pour gérer les incidents éventuels. La planification et la formation devraient aider à améliorer la prestation de soins médicaux appropriés et à diminuer le nombre de lésions et de décès consécutifs aux incidents dangereux.
Des situations durgence liées à des matières dangereuses peuvent aussi survenir à la suite de catastrophes naturelles telles que inondations, tremblements de terre, foudre, ouragans, coups de vent, tempêtes. Bien que ces phénomènes semblent se produire de plus en plus souvent, la planification et la préparation nécessaires sont très limitées (Showalter et Myers, 1994). Il faudrait que les plans dintervention prennent en compte les causes naturelles des situations durgence.