Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) sappliquait à lorigine au tissage détoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourdhui toute une série dautres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage, pour nen citer que quelques-uns. Ce terme sétend même à la fabrication de filés ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi quau finissage et à la teinture des étoffes.
A lépoque préhistorique, on utilisait des poils danimaux, des plantes et des graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600 avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec dautres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles nont jamais remplacé totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments quil est possible de réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers lan 1400 grâce à linvention du rouet. Cest à la fin du XVIIe siècle quest apparue la machine à filer qui permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la filature est passée du stade artisanal à lère industrielle.
La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis lAnti-quité, loutil de base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs jeux de lisses. Avec lintégration du battant qui mettait en place le fil de trame, le métier mécanisé est devenu linstrument de tissage prédominant en Europe, voire dans les autres parties du monde, à lexception des régions où les traditions culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.
La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay, qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier. Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines, alors affranchies de lénergie hydraulique, pouvaient être construites nimporte où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en 1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en dautres métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter la taille et la rapidité et à en améliorer lautomatisation.
A lorigine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres synthétiques au XXe siècle. Au début, limpression à la planche servait à teindre les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par limpression au rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis dimprimer, grâce à ce procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, lapprêtage ou lencollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant. Aujourdhui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller) et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la résistance au froissement, à leau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue des plis.
Des traitements spéciaux permettent dobtenir des fibres à haute performance , appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux températures très élevées. Ainsi, laramide est une fibre similaire au nylon, mais plus résistante que lacier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de laramide, est utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi bien à la chaleur quaux produits chimiques. Dautres fibres synthétiques combinées à du carbone, du bore, de la silice, de laluminium ou dautres matières sont utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection utilisés par les sportifs.
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes dartisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les pays dEurope occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à filer à Providence, Rhode Island, en 1790). Linvention de légreneuse par Eli Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un accroissement de la demande en tissus de coton.
Cette tendance sest accélérée grâce à la commercialisation de la machine à coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines travaillaient pour larmée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance. En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée, mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une machine très similaire à celle de Hunt; il sengagea par la suite dans de nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les gagner. Linvention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue pour lentraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux mains libres pour guider louvrage. En plus de la conception et de la fabrication de cette machine, linventeur créa la première grande entreprise tournée vers le consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats dentretien.
Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles nont pas seulement donné le coup denvoi à lindustrie textile moderne, mais ont été à lorigine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourdhui, puisque les grosses entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-duvre et des sources dénergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et daméliorer la qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages concurrentiels pour leur pays. Ainsi, lindustrie textile fournit des produits essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une influence profonde sur le commerce international et léconomie des nations.
A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. Limpact de la révolution industrielle sest manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de lurbanisation. Aujourdhui même, on assiste aussi à ce type deffets, alors que lindustrie textile et dautres branches se déplacent vers des pays et des régions en développement, à un rythme encore plus rapide.
Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les articles du présent chapitre qui soulignent limportance des facteurs suivants: entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en mouvement; mise en place dune ventilation par aspiration localisée en complément dun bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin, fourniture déquipements et de vêtements de protection individuelle lorsquun risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par la prévention collective ou par lutilisation de substances moins dangereuses. Les auteurs insistent tous sur la nécessité dinformer et de former sans relâche le personnel à tous les niveaux et sur limportance de la surveillance.
Les préoccupations qui se font jour au sujet de lenvironnement dans lindustrie textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques liés au mode dutilisation des produits.
Les principaux problèmes denvironnement créés par les usines textiles sont imputables aux substances toxiques libérées dans lair et dans les eaux usées. Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et dimpression sont situés à proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du sulfure dhydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées par filtration. Lépuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations dimpression pigmentaire où les hydrocarbures constituent lessentiel des émissions. Les substances inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse. La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et aux agents de liaison transversale utilisés pour limpression, mais aussi à la teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.
La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème denvironnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé de lêtre humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsquon se sert de colorants réactifs. En dautres termes, plus dun tiers de la teinture passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un système dépuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures dont leffet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).
Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.
Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus servant pour lameublement et les rideaux continuent de se vaporiser progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où le système dair conditionné recycle la plus grande partie de lair au lieu de lévacuer à lextérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de lEncyclopédie.
Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements quil achète. Des fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point (Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes afin dobtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).
Les progrès techniques permettent délargir la gamme des tissus fabriqués par lindustrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel cependant quils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de bien-être du personnel. Quoi quil en soit, la mise en uvre de ces avancées pose des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est mal assurée et qui nont pas les moyens deffectuer les investissements nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, léducation et la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les risques auxquels il est exposé.
Depuis son apparition sur la Terre, lêtre humain a eu besoin de vêtements et de nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux origines de lhumanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce nest quà la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes dénergie motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par lindustrie pétrochimique sest considérablement accrue. En 1994, les fabricants de textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques, ce qui représente 48,2% de lensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait dépasser 50% après lan 2000 (voir figure 89.2).
Selon une enquête de lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par lindustrie du vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si lon tient compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du produit intérieur brut par personne et de laugmentation de lutilisation des différents produits textiles due à lamélioration des revenus, la demande de produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en lan 2000 et devrait atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence une augmentation régulière de la demande et laisse présager que lindustrie textile continuera demployer une main-duvre importante.
Une autre transformation majeure est lautomatisation progressive du tissage et du tricotage qui, associée à laugmentation du coût du travail, a entraîné le déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines fibres synthétiques restent encore lapanage des pays développés, une grande partie de lindustrie du vêtement, grande consommatrice de main-duvre et située en aval de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement. Lindustrie du textile et de lhabillement implantée dans la région Asie-Pacifique assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre lévolution de lemploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles effectuées dans les régions en développement.
Nombre |
Année |
Australie |
Chine |
Corée, République de |
Hong-kong |
Inde |
Indonésie |
Malaisie |
Nouvelle-Zélande |
Pakistan |
Entreprises |
1985 |
2 535 |
45 500 |
12 310 |
13 114 |
13 435 |
1 929 |
376 |
2 803 |
1 357 |
Salariés (x103) |
1985 |
96 |
4 396 |
684 |
375 |
1 753 |
432 |
58 |
31 |
n.d. |
n.d.: donnée non disponible.
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre soit préparée pour lirrigation ou lensemencement. Etant donné que les caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et lefficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes. Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer lapplication dherbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis, lintégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après lémergence de la plantule.
Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la préparation des sillons, lhumidité et la température du sol, la qualité des semences, les maladies des plantules, lemploi de fongicides et la salinité du sol. Lutilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination dau moins 50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, lindice de vigueur de la semence devrait être dau moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de germination et démergence sont étroitement liés dans une fourchette de température allant de 15 à 38 °C.
Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher lobtention de plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou plusieurs fongicides.
En ce qui concerne leau consommée lors des différents stades du développement de la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres cultures. La consommation deau correspond en général à 2,5 mm par jour entre lémergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte dhumidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité deau libérée par la plante. La consommation augmente fortement dès lapparition des premières fleurs pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se rapportent à la quantité totale deau nécessaire pour obtenir une récolte de coton (précipitations et irrigation).
Les populations dinsectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les insectes et les dommages éventuels.
Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et contribuent à une fructification plus précoce.
Deux types déquipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la récolteuse à broches et lécapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. Lécapsuleuse de coton est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.
Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne qualité contribuent généralement à lefficacité de la récolte. Le champ devrait être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage des machines. Lextrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les manuvres et lalignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser 1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une certaine mesure à laide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au moins. Les activités culturales fertilisation, travail du sol et irrigation pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte régulière de coton bien développé.
La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet. Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant louverture dau moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze jours après lapplication dun défoliant (ce délai varie en fonction des produits chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation provoque une perte rapide de leau contenue dans le tissu végétal et entraîne la mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la plante.
Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent louverture des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles; ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés trop tôt (indice micronaire trop faible).
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à sept premiers jours du stockage. Si la température sélève de 11 °C ou dépasse 49 °C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de pertes importantes.
Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal dentre eux. Parmi les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à lintérieur de la masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période (température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du coton contre la pluie et lhumidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque les températures sont élevées. Les montées en température et les températures maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est directement liée à la chaleur générée par lactivité biologique).
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde; 20 millions dentre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux Etats-Unis. La principale fonction de légreneuse est de séparer la fibre des graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite. Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque machine du système dégrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux, légreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton quelle reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des principales machines et opérations dégrenage.
Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé dans une poche de légreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne dispersion du coton, ce qui accroît lefficacité du système dépuration et de séchage. Si le coton nest pas correctement dispersé, il risque de traverser les séchoirs sous forme dagglomérats et de ne sécher quen surface.
Au début du séchage, lair chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant dix à quinze secondes. La température de lair est réglée en fonction du degré de séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait jamais dépasser 177 °C au cours dune opération normale. Des températures supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que possible du point de rencontre entre le coton et lair chaud. Si le capteur est situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur daval. La chute de température en aval résulte de lévaporation et de la perte de chaleur au travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors que lair chaud véhicule le coton-graine vers lépurateur à cylindres, constitué de six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min. Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le secouent et entraînent lévacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations dépuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent denregistrer à ce niveau des vitesses de traitement denviron six balles par heure et par mètre linéaire de cylindre.
Larracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire de cylindre.
Après un nouveau cycle de séchage et dépuration par cylindres, le coton est amené à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de légreneuse, lextracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un rythme régulier, tout en effectuant également une opération dépuration. La teneur en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de lextracteur-chargeur est décisive et doit être suffisamment basse pour que légreneuse puisse facilement éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de 5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du rendement à légrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui nest pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de lextracteur-chargeur.
Deux types dégreneuses sont couramment utilisés: légreneuse à scies et légreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à cannelures qui remplaça celle de Whitney; légrenage qui était auparavant effectué par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium hirsutum ) pénètre dans légreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les scies accrochent le coton et lentraînent par-dessus les cannelures largement espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton sont attirées vers le fond dun bac mobile. Lopération dégrenage est réalisée par un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures dégrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point dégrenage. A cet endroit, le bord dattaque des dents est pratiquement parallèle à la cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer entre les cannelures. Des vitesses dégrenage supérieures à celles recommandées par le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et provoquer des bourrages. La vitesse des scies de légreneuse a également son importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres lors de légrenage.
Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs graines. Légreneuse de Churka, dorigine inconnue, était composée de deux cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour. En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée dun rouleau garni de cuir, dun couteau fixe plaqué contre le rouleau et dun couteau à mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de recherche sur légrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service de recherche agricole du ministère de lAgriculture, en collaboration avec des constructeurs dégreneuses et des ateliers dégrenage privés. Cette machine est la seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.
Le coton est transporté de légreneuse vers les condenseurs en passant par de grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du tambour du condenseur et chargée dans lépurateur de fibres à scies. A lintérieur de lépurateur, le coton passe entre les rouleaux dalimentation, puis sur la table dalimentation qui plaque les fibres contre la scie de lépurateur. La scie transporte le coton sous des barreaux de grille où seffectue, grâce à la force centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers. Il est essentiel que lécart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec un bord dattaque acéré, pour ne pas réduire lefficacité de lépuration et limiter les pertes. Si la vitesse dalimentation de lépurateur dépasse les recommandations du fabricant, lefficacité de lépuration est réduite et la perte en fibres de qualité saccroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à laide dépurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.
Les épurateurs de fibres permettent daméliorer la qualité du coton en éliminant les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la couleur dun coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton légèrement taché, voire blanc.
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de compression et balles à densité universelle dégrenage. Ces balles sont pressées à des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout dabord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3 avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité universelle dégrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression, afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux Etats-Unis étaient des balles à densité universelle dégrenage.
Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de la variété, la récolte et légrenage. Certains paramètres de qualité dépendent directement des caractères gé-nétiques, tandis que dautres sont principalement fonction des conditions denvironnement ou des pratiques de récolte et dégrenage. Tout problème survenant au cours de nimporte quelle étape de la production ou du traitement peut être à lorigine dune baisse irréversible de la qualité des fibres et dune perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.
La qualité des fibres est optimale le jour de louverture des capsules. Lexposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, légrenage et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures à 1,27 cm), luniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris, la couleur, la teneur en fragments denveloppes de graines et en boutons ainsi que ladhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même sils ne sont pas tous mesurés sur chaque balle.
Légrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, luniformité et la teneur en fragments denveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus dimpact sur la qualité sont la régulation de lhumidité des fibres au cours de légrenage et de lépuration, et lutilisation dépurateurs à scies.
La fourchette recommandée pour lhumidité de la fibre lors de légrenage est de 6 à 7%. Lorsque lhumidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des fibres, mais donne lieu à des problèmes dégrenage et à une mauvaise épuration, comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer lélimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien que laspect du fil saméliore jusquà un certain point avec le séchage, grâce à une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes compromet les avantages dus à lélimination des corps étrangers.
Lépuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au peignage et à lélimination des débris. Lépuration du coton-fibre permet parfois de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme tachées ou légèrement tachées. Légrenage na aucun impact sur la finesse et la maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de lépuration et de légrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les épurateurs de fibres qui ont ici le plus deffet. La quantité de fragments denveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de létat des graines et de lopération dégrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments, mais non leur quantité. La solidité et laspect du fil ainsi que la rupture à lextrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le comportement en filature; ils dépendent tous de luniformité de la longueur et, donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum lutilisation de machines de séchage et dépuration.
Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines dégrenage permettant de sécher et dépurer le coton cueilli par des récolteuses à broches, afin dobtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par lindustrie cotonnière des Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et descomptes pour la commercialisation et tiennent compte de lefficacité de lépuration et de lendommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des conditions particulières.
Lorsque les différentes machines dégrenage sont utilisées selon la séquence recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne qualité. Lépuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme la réduction de la teneur en corps étrangers, dune part, et ses effets négatifs comme lendommagement ou la perte de fibres, dautre part.
Comme toute opération de transformation, légrenage du coton comporte de nombreux risques. Lanalyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les épaules, les jambes, le tronc et la tête. Lindustrie sest efforcée de réduire considérablement les risques et dorganiser la formation à la sécurité, mais légrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur gravité et le grand nombre de jours darrêt de travail sont sources de préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à légrenage doit se calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner, surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien moins élevés que les coûts indirects.
De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans légrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et lAgence de protection de lenvironnement (Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.
Dautres dispositions relatives à lagriculture peuvent également sappliquer aux installations dégrenage: obligation dapposer le symbole identifiant les véhicules lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation darceaux de sécurité sur les tracteurs manuvrés par le personnel et conditions dhébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur souhaiteront probablement se conformer à dautres dispositions, telles que les normes de lOSHA applicables à lindustrie en général (OSHA Regulations (Standards 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par lOSHA devraient être appliquées dans le secteur de légrenage, à savoir les textes se référant aux incendies et aux plans durgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR 1910.35-40) et à lexposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans dautres pays où les travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité et de santé sont examinées ailleurs dans lEncyclopédie.
Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit dune politique de sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise en place dune formation à la sécurité, du bon exemple et dincitations appropriées.
Lobligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons doreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que dautres au bruit et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il convient de recourir à la formation, dutiliser des auxiliaires de manutention, de fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.
Toutes les personnes affectées à légrenage doivent participer aux mesures de sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore sans réserve au programme de prévention mis en place.
Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, lInde et le Japon sont les principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée daprès la quantité de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles. La production mondiale de coton est annuellement de lordre de 80 à 90 millions de balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, lInde, lOuzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.
La fabrication des filés comprend une série dopérations qui transforment les fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes requis par les marchés daujourdhui. A partir dun paquet de fibres emmêlées et fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux, impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues douverture, de mélangeage, dépuration, de cardage, détirage, de passage au banc à broches et de filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.
Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces appelées à supplanter peut-être un jour celles quon emploie actuellement. Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de cardage, détirage, de passage au banc à broches et de filage continueront dêtre utilisés. Seule lopération de battage-nappage semble clairement appelée à disparaître dans un avenir proche.
Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur. Si le principe de fabrication na pas changé depuis des années, les vitesses de traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les propriétés du fil et lefficacité du traitement sont liées à celles des fibres de coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des conditions de traitement.
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le transfert des balles à mélanger vers latelier douverture des fibres, où les emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes transporteuses garnies de dents. Dans dautres systèmes, des balles entières sont placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-dessous ou au-dessus dun mécanisme darrachage. Lobjectif est de transformer les couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour faciliter lélimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution facilite louverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les ouvreuses assurent les fonctions douverture et dépuration initiale.
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière opération dépuration. Elle est composée dun système de trois cylindres rotatifs garnis de fines pointes métalliques inclinées et dune série de barres plates, également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres sous forme dun ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations ultérieures (voir figure 89.4).
Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme dune bande formée sur un batteur-nappeur constitué de rouleaux dalimentation, de batteurs et dun ensemble de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la nombreuse main-duvre requise et lexistence de systèmes automatiques de manutention susceptibles daméliorer la qualité ont contribué à lobsolescence du batteur-nappeur.
La suppression de cette étape a été possible grâce à linstallation de machines douverture et dépuration plus efficaces et de cheminées dalimentation munies de mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à lamélioration de la qualité, tout en réduisant les besoins de main-duvre.
Un petit nombre détablissements produisent du coton peigné, cest-à-dire la qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons et les débris, et permet ainsi dobtenir un ruban parfaitement propre et brillant. La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux dalimentation cannelés et dun cylindre partiellement garni daiguilles, destiné à extraire les fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).
Létirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des cylindres qui effectuent la quasi-totalité de létirage. Les pots contenant les rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc détirage. Létirage consiste à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de vitesses différentes. Létirage tend les fibres du ruban pour les rendre rectilignes et aussi parallèles que possible à laxe du ruban, ce qui est indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être transformées en fil par torsion. Létirage uniformise également le poids du ruban par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites par lopération détirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement rectilignes et parallèles à laxe du ruban. Le poids par unité de longueur dun ruban issu de létirage final est trop élevé pour permettre la transformation en fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.
Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage et à la torsion, tout en conservant lintégrité des brins étirés. Les bacs contenant les rubans issus de létirage final ou du peignage sont placés dans le râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban denviron 2,5 cm à la taille dun crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient senrouler sur une bobine denviron 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.
Le filage est létape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde lest avec des continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur initiale et la longueur finale est de lordre de 10 à 50. Les bobines de mèches sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le cylindre détirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche dentraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil à mesure quelle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés vers des pots tournants et amenés à lopération suivante (bobinage ou renvidage).
Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est aujourdhui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La bobine nest pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support voulu lors de lopération suivante.
De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de filature en cours délaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés et modifier limportance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton. Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande uniformité des fils. Les tricots et autres tissus dhabillement fabriqués avec ce type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon dair, étudiée par plusieurs constructeurs de machines, le ruban détirage est amené à un rouleau douverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon dair permet datteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps étrangers tels que les particules de déchets.
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de lutilisation prévue tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et lenroulement du fil sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne (fils passant dans le sens de la longueur dun tissu) et les produits renvidés serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur dun tissu), ou duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations afin dobtenir un fil retors dune grosseur double, voire triple ou quadruple, nettement plus solide quun fil simple de la même grosseur. Dans lenroulement du fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour tenir à lintérieur de la navette dun métier à boîtes multiples. Cette opération a parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre larticle «Le tissage et le tricotage»).
Dans les usines modernes où lon sintéresse à la lutte contre lempoussièrement, on accorde beaucoup dimportance à la manipulation des déchets. Dans les opérations textiles classiques, les déchets lorsquils ne pouvaient être recyclés étaient récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils saccumulaient jusquà ce que lon dispose dune quantité suffisante dun même type pour confectionner une balle. Aujourdhui, des dispositifs daspiration centralisée renvoient automatiquement les déchets provenant de louverture, du battage-nappage, du cardage, de létirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des déchets, ceux-ci sont amenés par le système daspiration centrale dans une cuve qui alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des filés peuvent être recyclés ou réutilisés par dautres industries. Ainsi, lindustrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée. La mise en place dune protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet notamment déviter de réparer une machine en marche, ce qui est à lorigine de nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice dénergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) quil importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération dentretien. Les sources dénergie devraient être clairement identifiées dans chaque atelier; léquipement nécessaire devrait se trouver sur place et le personnel devrait savoir que les sources dénergie dangereuses doivent systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des inspections régulières devraient être effectuées pour sassurer que les procédures darrêt sont respectées et correctement appliquées.
Linhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en filés et en tissus est responsable dune maladie pulmonaire professionnelle appelée byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement quaprès 15 à 20 ans dexposition à des concentrations élevées de poussières (supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la limite dexposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à laide dun élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées par lair, mises en suspension dans latmosphère lors de la manipulation et du traitement du coton. Il sagit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et champignons) dont la composition et lactivité biologique varient. Lagent étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe ou le réservoir de lagent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement composée de cellulose, nest pas directement pathogène, car la cellulose est inerte et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8), associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à lutilisation déquipements de protection individuelle, permettent de prévenir la plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de débouillissage par lots dans le cadre de lutilisation de systèmes à nappe continue permet dabaisser le taux résiduel dendotoxines dans les poussières véhiculées par le coton-fibre ou par lair. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée daprès le volume expiratoire maximal seconde (VEMS).
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de laugmentation des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux Etats-Unis, un programme de protection de louïe est obligatoire dans les entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures élevées et une humidification artificielle de lair, une surveillance attentive est dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales admissibles. Des systèmes dair conditionné bien conçus et correctement entretenus tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation thermique et hygrométrique.
La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques auxquels le personnel peut être exposé. Il peut sagir soit de programmes volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire («US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux entreprises de ladapter à leurs propres besoins.
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
Les origines de lindustrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos lointains ancêtres nont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres les fibres prélevées sur lanimal pour en faire un fil et, partant de ce principe initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. Lindustrie lainière a joué un rôle de pionnier dans la mise au point et ladaptation de procédés mécanisés et a été lune des premières à industrialiser sa production.
La longueur de la fibre prélevée sur lanimal est lélément dominant, mais non le seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les brins sont longs et épais. Aujourdhui, les fibres synthétiques qui imitent la laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent les mêmes traitements. Les poils dautres animaux mohair (chèvre), alpaga (lama), cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) jouent aussi un rôle important, bien quaccessoire dans cette branche; ils sont relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises spécialisées.
Il existe deux procédés de filage distincts, selon quon entend obtenir des fils cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des laines à brins plus longs quon maintient parallèles lors du cardage, du défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, daspect lisse et de bonne tenue, comme celle quon utilise pour les costumes dhomme. Pour les cardés, le but est dentremêler et dentrelacer les fibres pour obtenir un filé doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). Luniformité des brins nétant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines deffilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.
Il faut garder à lesprit que ces opérations sont fort complexes et que létat et le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à létat de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes usines.
Comme dans toute lindustrie textile, les grosses machines comportant des parties en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages, les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des machines propres à lindustrie lainière, à savoir:
La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans chaque opération pour éviter notamment que le travailleur lenlève ou la rende inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure darrêt des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite sont nécessaires pour que, en aucun cas, lévacuation des déchets ou le nettoyage des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau détudes, et au personnel dencadrement, qui devrait sassurer que les travailleurs ont été convenablement formés.
Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques daccidents. Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur une surface donnée, ce qui réduit dautant les voies de passage, les dégagement et les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont si étroits quil est impossible dencoffrer les courroies et les poulies et que lon doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien conçue pour guider la courroie. Lespacement entre les machines devrait être réglementé par ladoption de normes minimales en la matière, comme la recommandé une commission du gouvernement britannique.
En labsence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque daccident est toujours présent dès quil faut soulever de lourdes charges. Les opérations de manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel nest pas le cas, il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les transports et lentreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient, chaque fois que la chose est possible, dutiliser des diables, des chariots et des patins de glissement pour déplacer ce type de charge.
Les risques dincendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et des issues, la présence de systèmes de détection dincendie, dextincteurs et de tuyaux dincendie, déclairages de secours, etc. La propreté et lentretien des locaux éviteront laccumulation des poussières et des peluches qui favorisent la propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail. Lensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas dincendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services médicaux durgence.
Laccent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans lindustrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se produisent dans des circonstances que lon retrouve dans toutes les branches dactivité (chutes de personnes ou dobjets, manutentions, utilisation doutils à main, etc.) et que les principes généraux de sécurité sappliquent à lindustrie lainière comme à la plupart des autres industries.
La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse, connue aussi sous le nom de charbon ou danthrax. Elle est due à la bactéridie charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave, particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque entièrement jugulée dans ce secteur de lindustrie textile grâce aux mesures ci-après:
Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose qui, à linstar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, noffre que peu de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une ulcération ou une pustule maligne lorsque linfection a lieu à loccasion dune rupture de la barrière cutanée.
Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre, chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent des risques dasphyxie par les gaz, dintoxication, dirritation des yeux, des muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle générale, la prévention passe par les mesures suivantes:
Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et dhumidité requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La vapeur, les condensations et lhumidité peuvent être difficiles à éliminer efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter contre le bruit. Léclairage, quant à lui, devrait faire lobjet de spécifications rigoureuses, notamment lors de la fabrication détoffes foncées.
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas denvisager la mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à dautres solutions. La prévention des pertes auditives dorigine professionnelle passe en grande partie par lutilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons doreille). Il est indispensable dinformer le personnel sur leur utilisation correcte et de vérifier lemploi qui en est fait. Un programme de protection de louïe comportant des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les machines sont remplacées ou réparées, il convient dadopter des mesures de nature à réduire le bruit.
Le stress professionnel, avec les effets quil exerce sur la santé et le bien-être des travailleurs, est un problème réel dans lindustrie lainière. Etant donné que de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont «attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de bouchons doreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet disoler les opérateurs et dentraver la communication, ce qui est souvent ressenti comme stressant. La qualité de la surveillance et lexistence despaces de détente sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress professionnel.
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure dinvestir dans les nouvelles réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques tendent à réduire lattention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement, plus spécialement dans celles où la main-duvre est bon marché et où les réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux entreprises comme aux salariés de lindustrie lainière, caractérisée par sa forte intensité de main-duvre.
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie, larve du bombyx; le même terme sapplique aussi au fil et au tissu faits de cette fibre. Selon la tradition, lindustrie de la soie est née en Chine en 2640 avant J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production de la soie sest lentement étendue vers louest, à lEurope et au Nouveau Monde.
Le processus de production comprend une séquence dopérations qui ne sont pas nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement, notamment:
Des symptômes dintoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment, surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au dévidage pendant les années vingt, et que 14% dentre elles devaient sarrêter de travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment, des observations faites au Japon ont montré quelle est probablement due à la température du bain de dévidage. Jusquen 1960, leau y était pratiquement toujours maintenue à 65 °C; toutefois, depuis lintroduction des nouvelles installations assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée typique du dévidage na été signalé chez les travailleurs chargés de cette opération.
La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques chez certaines personnes. On a observé un dème du visage et une inflammation des yeux en labsence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.
Dans lex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle damygdalite chez les fileurs de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans leau des bassines de dévidage et dans latmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le renouvellement fréquent de leau de dévidage et laspiration de lair aux dévidoirs ont apporté une amélioration rapide.
Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes, effectuées également dans lex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de lindustrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à tous les stades de la production.
Des accès dinsuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des travailleurs chargés du bobinage ou de lalimentation dun métier à filer ou dune bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le filament de soie peut se transformer en aérosol qui, sil est inhalable, provoque une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.
Lexposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais lexposition ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif. Sil nest pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme pour tous ceux dentre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de louïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.
La régulation de la température, de lhumidité et de la ventilation est essentielle à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient pas échapper à la surveillance. Les salles délevage devraient être convenablement ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des chauffages électriques ou dautres systèmes.
Labaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour prévenir les dermatoses. Leau devrait être changée fréquemment, et une aspiration localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de la peau avec la soie dans les bains de dévidage.
De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution dacide acétique à 3% a donné de bons résultats.
Il est souhaitable de procéder à un examen médical à lembauche, suivi dun contrôle médical régulier.
Dans lindustrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans lindustrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de tissage exigent un très bon éclairage.
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la cellulose (pâte de bois). On lutilise seule ou mélangée à dautres fibres synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.
La fabrication de rayonne a pour origine la recherche dune soie artificielle. En 1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules végétales, prédit quil serait un jour possible dobtenir artificiellement de la soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par trempage de brindilles de mûriers dans de lacide nitrique. Le premier procédé qui a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par linventeur français Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa rapidement.
Les procédés permettant dobtenir la rayonne varient suivant lusage auquel elle est destinée.
Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par pressage; il se forme ainsi de lalcali-cellulose quon débarrasse, à ce stade, des impuretés quelle contient. Puis on réduit les feuilles dalcali-cellulose en miettes blanches quon laisse mûrir pendant quelques jours à température constante. Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont soumises à laction du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de cellulose. Les miettes virent à lorange doré. Elles sont alors dissoutes dans de lhydroxyde de sodium dilué, ce qui permet dobtenir un liquide visqueux de couleur orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours dans des conditions très strictes de température et dhumidité qui en favorisent le mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée dorifices très fins qui lacheminent dans un bac contenant une solution dacide sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine. La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.
Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution dhydroxyde de sodium est traitée à loxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir lépaisseur voulue sous laction dun jet deau.
Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais lacétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, dusage courant dans la confection de vêtements. De courtes fibres dacétate sont utilisées dans le rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce quils permettent de garder les plis.
Les risques majeurs du procédé viscose sont lexposition au sulfure de carbone et au sulfure dhydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant lintensité et la durée de lexposition et les organes concernés; ces effets vont de la fatigue et de létourdissement jusquà la perte de conscience et à la mort, en passant par lirritation des voies respiratoires, les troubles gastro-intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.
De plus, avec un point dinflammation de 30 °C et des limites dexplosion situées entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé dincendie et dexplosion.
Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites pendant le déchiquetage des feuilles dalcali-cellulose risquent dirriter les mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure dhydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et dimportantes douleurs oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen dun détecteur enregistreur automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure de carbone et de sulfure dhydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est conseillé dencoffrer entièrement les machines et dinstaller un système efficace de ventilation par aspiration localisée (avec prises dair au niveau du sol, ces gaz étant plus lourds que lair). Les travailleurs devraient être entraînés à réagir aux situations durgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer déquipements de protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.
Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une surveillance médicale pendant la période dessai et des visites médicales périodiques sont recommandées.
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à partir de substances ou de composés fournis par lindustrie pétrochimique. A la différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans lAntiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier de tissu et sont utilisées seules ou combinées à dautres fibres. Il nest pas toujours facile den connaître le nombre exact du fait que la même fibre est parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.
Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à létat fondu à travers les orifices dune filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou encore être coupé et filé.
Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament continu; les autres fibres naturelles nexistent quen fibres discontinues ou «brins». La longueur de la fibre de coton est denviron 2,6 cm, celle de la laine de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur fini, qui élimine laspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois, pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des fibres synthétiques et des fibres naturelles.
Pour donner à une fibre synthétique laspect et le toucher de la laine, on peut faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que lautre. Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la vitesse de rotation est de lordre de 1,5 million tours/min.
Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent convenablement en cas dexposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont particulièrement efficaces en cas dincendie; le Nomex résiste bien aussi à la température ambiante, aux solvants tels que le benzène, lacétone, le trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les vêtements de travail et de laboratoire.
En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude et humide. Lorsquil sagit de choisir des vêtements de protection en fibres synthétiques, il faut dabord en déterminer le nom générique et obtenir des précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le comportement en présence dagents de nettoyage à sec et de détergents, la résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires et à la chaleur et la propension du tissu à se charger délectricité statique.
Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder, dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs nintroduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant les opérations de nettoyage et de maintenance.
De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans lindustrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être entreposées de préférence à lair libre ou dans un local spécialement construit pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres récipients pourront être réduits si lalimentation en substances toxiques est automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des vêtements de protection et des équipements de lutte contre lincendie devraient être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre lincendie ou sous leur contrôle.
Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour être séchés à lair, les solvants sévaporent en grandes quantités. Les vapeurs dégagées présentent un grave risque dexplosion et dintoxication et devraient être évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue au-dessous des limites dexplosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les laisser séchapper dans latmosphère.
Lorsquon utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour éviter laccumulation délectricité statique qui pourrait donner lieu à des étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.
Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des réparations ainsi que des travailleurs chargés dintervenir en cas de fuite ou dincendie.
Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou dossier, généralement fait de laine ou de jute.
Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors) et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au peroxyde dhydrogène et à lacide sulfurique, puis on procède à la coupe, au durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour lalourdir.
Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains feutres aiguilletés; on peut y ajouter dautres fibres de coton ou de soie ou des fibres synthétiques.
La laine est dabord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par carbonisation dans une solution dacide sulfurique à 18%; après séchage à une température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées dhuile minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches dun fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées deau et comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la frisure et ladhérence des fibres.
Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves dacide sulfurique dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le pressage et le rognage.
Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission, des mécanismes dentraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et leffilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser. Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades et les chutes.
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons doreille devraient être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection de louïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière nest heureusement pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions allergiques chez les sujets sensibles; lasthme bronchique demeure exceptionnel. La poussière comporte également un risque dincendie.
Lacide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la dilution de lacide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas déclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures) devraient être fournis aux travailleurs.
Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone, produit susceptible dentraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la conjonctive et la cornée de lil et, en cas dexposition prolongée ou répétée, affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées dun dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des accessoires adaptés.
La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des chapeaux impose le port de gants de protection des mains.
Lincendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre quand lempoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou une étincelle provenant dobjets métalliques laissés dans les déchets de laine, par un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables saccumulent dans les fours de séchage. Etant donné quelle endommage le matériel et corrode les équipements, leau est moins utilisée que les extincteurs à poudre sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis dorifices par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou dun dispositif démission automatique de dioxyde de carbone.
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite dune exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie est endémique.
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
La teinture résulte dune combinaison chimique ou dune puissante affinité physique entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés, suivant le type de tissu et le produit fini désiré.
Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage des fibres à loxyde métallique, à lacide tannique ou aux dichromates. Les colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et le coton. La teinture se fait à une température voisine de lébullition. Pour teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de leau chaude. Cette teinture se fait également à une température proche de lébullition. Pour teindre le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant dêtre traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par laction de lhydroxyde de sodium et de lhydrosulfite de sodium. La teinture seffectue à une température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du colorant dans la fibre au moyen dadjuvants phénoliques appelés «transporteurs». Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après limprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction dune solution alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.
Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs étapes successives. Le tissu passe dabord dans une tondeuse qui coupe les fibres faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus dune rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine lintégralité de lencollage. Les autres impuretés sont éliminées par débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou dhuile de ricin sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et sous haute pression.
Pour les tissus teintés, lopération se fait en cuve ouverte et sans soude caustique. La coloration naturelle du tissu sélimine dans la solution dhypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à lacide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé, le tissu est prêt pour la teinture ou limpression.
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution dune poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans leau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement. Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou dacide polyacrylique séliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et dammoniaque ou de Lissapol N, voire dun autre détergent ou de carbonate de sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou limpression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).
On lessive dabord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel interviennent le savon et le carbonate de sodium. Lopération se déroule dans une laveuse, longue auge pourvue de racles, dun double fond et, à la sortie, de rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde dhydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide est abandonné toute une nuit à laction du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi dun lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.
Les risques dincendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux dentreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide soient retenues à lintérieur du local et quil ne puisse se répandre en des endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à lécart du bâtiment principal de lentreprise. Si des quantités importantes de ces produits sont conservées dans des réservoirs à lextérieur des bâtiments, des murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.
Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui alimente les flambeuses provient dune fraction légère de pétrole. Linstallation génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de lessence de pétrole volatile devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.
Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions dhypochlorite; dautres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou dune poudre à blanchir qui libère du chlore lorsquon la charge dans un réservoir. Dans lun et lautre cas, les travailleurs risquent dêtre exposés à une atmosphère dangereuse si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et, surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un dème dont les symptômes napparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans latmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du chlore dans lair devraient être effectués périodiquement pour vérifier la concentration.
Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses. Lorsquil est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail en espace confiné devraient être observées.
Lemploi dalcalis et dacides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir pour effet de brûler ou déchauder le personnel. De grandes quantités dacide chlorhydrique et dacide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture. La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture. Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en uvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer latmosphère des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à laniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans leau, grâce à un agent émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par extraction est indispensable.
Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses. Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux dabrasifs, dalcalis et dagents de blanchiment pour enlever les taches de teinture quils portent aux mains.
Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou quon utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir la résistance de la peau à laction irritante dautres substances dangereuses mises en uvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux périphérique cest le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. Lemploi de β-naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette question est examinée en détail ailleurs dans lEncyclopédie.
En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour léliminer.
Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire, devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois possible demployer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit approprié quon puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains devraient être mis à la disposition des travailleurs, quil conviendra dinciter à en faire usage. Lhygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette branche dactivité. Malheureusement, même dans lhypothèse où toutes les mesures de sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent particulièrement sensibles à laction de certaines substances et doivent alors être mutés à dautres postes.
Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de ladmission accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manuvre intempestive dune vanne, ou lorsquun autoclave situé en amont déverse la liqueur bouillante dans une conduite commune dévacuation qui, par un orifice resté ouvert, la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à lintérieur dun autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes dadmission devraient être verrouillées en position de fermeture, et lautoclave devrait être isolé des autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la personne qui risquerait dêtre la victime de ladmission accidentelle de liquide bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusquà ce quelle quitte lautoclave.
Limpression seffectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est épaissi à lamidon ou émulsionné; si lon utilise des pigments, cette émulsion est préparée avec un solvant organique. La pâte ou lémulsion obtenue est prélevée par les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite lobjet du finissage approprié.
Limpression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes semblables à celles que lon utilise pour la teinture elle-même; cest le cas pour limpression en cuve et limpression réactive. Ces méthodes dimpression ne sont employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus haut.
Ces systèmes dimpression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les essences minérales servant dans le système dépaississement. Les risques principaux quils présentent sont:
Aucun des risques pour la santé engendrés par limpression à laide de pigments à base de solvants nest provoqué par les techniques utilisant des pigments à leau. Bien que lon emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles quelles sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.
Limpression à laide de pigments nécessite lutilisation dun agent de liaison chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de composants dautres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur action.
Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsquils inhalent lair ambiant à proximité de la machine dimpression en marche ou quils entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont dune légère irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions cutanées. Sil a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il na pas jusquici été associé de façon concluante à lapparition de cancers chez lêtre humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour lêtre humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Pour protéger lenvironnement local, les rejets de formaldéhyde dans latmosphère devraient être contrôlés pour sassurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui sont autorisés par la réglementation en vigueur.
Lammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte dimpression étant sensible au pH, on utilise souvent de lammoniaque pour lépaissir. On devrait manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si besoin est.
Les teintures et les pigments employés pour limpression des tissus se présentant généralement sous forme liquide, il ny a pas de risque dexposition à la poussière comme cest le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage est un terme qui sapplique à toute une gamme de traitements généralement effectués au cours de lopération précédant la fabrication. Toutefois, certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la fabrication.
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou lapparence dun tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:
Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou installer des garde-corps pour éviter les accidents.
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards, «jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation, autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et bains moussants).
Il est un type de finissage chimique qui nimplique aucune réaction chimique: il sagit de lapplication dun agent adoucissant qui a pour effet de modifier le toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette opération ne présente aucun risque particulier en dehors dune éventuelle irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de protections oculaires permet déviter ce problème.
Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il sagit du finissage du coton à la résine qui permet dobtenir les propriétés physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU) catalyse la formation dune liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.
Comme dans les autres secteurs de lindustrie textile, les opérations de teinture, dimpression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens, souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à léclairage, au bruit, à une protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port dobjets lourds ou volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en uvre, intégrant une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors indispensable.
Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels, soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les autres secteurs de lindustrie textile (bruit, fibres en suspension dans lair, produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions dorsales, etc.).
La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre daccidents par unité de production y reste limité. Lindustrie a su relever les défis présentés par la réglementation relative à la propreté de lair et de leau. Aux Etats-Unis, lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des pratiques du même genre.
Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes que celles qui sont employées dans lindustrie textile traditionnelle et atteignent chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.
Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans limportant secteur des composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. Lentreposage des rouleaux de non-tissés est actuellement très surveillé du fait de linflammabilité de certains produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.
Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet deau connaissent un grand succès dans les applications médicales et lhygiène féminine. On commence à utiliser du coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux très intéressants ont été obtenus par le procédé daiguilletage par jet deau.
Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les défenseurs de lenvironnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt que de faire face aux frais élevés quentraînerait lobservation des normes imposées en matière de pureté de leau et de lair. Les entreprises qui ont choisi de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après modification de leurs procédés.
Les fibres en pâte de bois constituent lun des principaux composants des couches jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine aux sports.
Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage, cest-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de travail avaient été fabriqués à partir dun tissu de polyéthylène très apprécié obtenu par liage.
Aux Etats-Unis, lutilisation la plus importante dun non-tissé (environ 10 000 km2 par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. Cest ce voile qui entre en contact avec la peau du bébé et lisole des autres composants de la couche. Des tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.
Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet deau puis recouverts dun revêtement imperméable, sont dusage courant pour les blouses et les draps dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement, lutilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.
Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans lair filtré. Dautres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible inflammabilité, par exemple, en rendent lusage intéressant. Certains de ces non-tissés sont aussi mis en uvre dans lindustrie de lameublement pour diminuer linflammabilité des canapés et des fauteuils.
Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés, extrudés, étirés, chargés délectricité électrostatique, disposés en voiles, liés et enroulés. Il convient dobserver pour ces opérations les mesures de sécurité qui sappliquent normalement à lutilisation des machines à extruder, des filtres, des filières et des cylindres chauffés pour le liage.
Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à dimportants volumes dair; aussi, des précautions particulières devraient être prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les gaines daération devraient être dégagées, car il serait difficile dy éteindre un début dincendie. Il importe en outre de sassurer que les sols ne présentent pas de risques de trébuchement ou de glissade.
Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de gants résistants à la chaleur, la fourniture dautres équipements de protection thermique et la mise en service dune ventilation assez puissante pour limiter la chaleur et les fumées.
Les procédés par liage sont avantageux dun point de vue économique, notamment parce quils sont relativement rapides et que lon peut changer les bobines enrouleuses sans interrompre les opérations. Lutilisation dengins bien conçus pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.
Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres, devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités limitées de fibres en suspension dans lair; les travailleurs devraient donc disposer déquipements de protection respiratoire appropriés.
Si les voiles formés doivent faire lobjet dun liage à chaud, une petite quantité (10% du poids environ) dune fibre ou dune poudre fondant à basse température sera généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La rangée daiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est parfois limité, parfois très important, comme cest le cas pour le feutre aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance. Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est donc recommandé dinstaller une bonne ventilation et de mettre à disposition des masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de morceaux daiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000 tonnes de non-tissés aiguilletés.
Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser ladhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile, on applique à nouveau ladhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de diverses réglementations de lEtat fédéral ou des Etats sur la pureté de lair). En ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, lopinion internationale sest émue du rejet de formaldéhyde dans latmosphère et une réduction des émanations a été demandée. LAgence américaine de protection de lenvironnement (Environmental Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé, qui ne sont plus désormais que le dixième de ce quelles étaient auparavant. On craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés des mesurages. Lindustrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne contenant pas de formaldéhyde.
Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par voie pneumatique («air-laid»). Lune des variantes des procédés de cardage comprend une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées dans un courant dair. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid». Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser les fibres dans un courant dair et à diriger les fibres en suspension vers un dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents types de fibres afin dobtenir des non-tissés présentant des couches de diverses composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter linhalation de celles qui sont en suspension dans lair.
Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées dans leau. Lopération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent déviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en feutre. Au cours de lopération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le liage par aiguilletage sous jet deau à haute pression. Le séchage constitue létape finale; il peut comporter des opérations dadoucissement du tissu par microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte, semble-t-il, aucun risque majeur.
Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus. Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique de piqûre et lon obtient des structures présentant un grand nombre de combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.
Les traitements de surface des non-tissés comprennent lapplication de retardateurs dignition, dagents hydrofuges, dadoucissants, dantibactériens, de thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que les traitements de surface comme leffet corona. Les traitements tels que les retardateurs dignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter lexposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet dinfluencer la polarité des tissus et daméliorer leurs performances dans les applications de filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des tissus. Ils seffectuent aujourdhui sur des machines automatiques entraînées par des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme dutilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux autres. Cest la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental dentrecroisement na pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à larrière de la machine. Lextrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusquà six harnais pour des armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées, porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se déplacer en formant un arc autour dun point dancrage central. Les extrémités du fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient sy envider.
La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement dun bord à lautre du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à lintérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits dispositifs en forme dépée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de trame.
Le personnel employé dans ce secteur dactivité occupe généralement quatre types de fonctions:
Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs. Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques dhuile, de graisse ou deau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de lordre et de la propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et dautres parties des machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé autour des machines; lobservation de bonnes pratiques de travail peut, en outre, aider les travailleurs à éviter les risques quentraîne la marche des installations de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le ros permettent déviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc., sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsquun mécanicien ou dautres travailleurs interviennent sur des machines à larrêt.
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres dappel, densouples denroulement, densouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à lavant de la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.
Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres en suspension qui peuvent présenter des risques dincendie si les fibres sont combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de service et lutilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles (par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).
Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les travailleurs occupés dans ce secteur dactivité devraient porter des appareils de protection de louïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de leur acuité auditive.
Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10, «Lappareil respiratoire», de lEncyclopédie . Dans les installations modernes, des systèmes de nettoyage par ventilation et filtration dair, avec des points de collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en dautres points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, cest-à-dire 750 µg/m3 dair dans le cas de la norme de lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre didentifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces poussières.
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes, sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement la maille, puis souvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et senroule autour dune envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux, présentent une rangée rectiligne daiguilles; le tricot sort à plat de la machine et vient senrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.
Dans ce secteur dactivité, les travailleurs peuvent occuper le même type de fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de la tâche quils exécutent.
Dans les ateliers de tricotage, les risques daccidents sont semblables à ceux des ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches dhuile sur le sol sont cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par contre, moins importants, car il nexiste pas autant de points de pincement sur ces machines que sur les métiers à tisser et quune grande partie des machines se prêtent à lencoffrage. Des dispositifs de verrouillage de lalimentation électrique sont indispensables.
Manuvrer lenrouleur du tissu présente malgré tout un risque dentorse ou de foulure pour lopérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le travailleur appelé à manuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de poussières produites par les tricoteuses sont loin datteindre celles du tissage, mais il convient de surveiller les niveaux dhuile et dessence des machines. Les mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.
Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières premières ne sappliquent souvent pas au tricotage.
Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à Philadelphie en 1791. En 1839, lindustrie sest complètement transformée lorsquune force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la machine, en utilisant lun ou lautre des deux procédés de confection mécanique, le tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourdhui les plus répandus. Aux Etats-Unis, par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé (généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers pour rendre le tapis plus stable.
La machine à tufter comprend des centaines daiguilles (jusquà 2 400) placées sur une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure 89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour chaque aiguille. Lextrémité du fil du premier bobinot est réunie avec lextrémité du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit fourni par le second sans quil soit nécessaire darrêter la machine. Chaque extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet déviter que les fils ne semmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à lextrémité dun bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine. Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés utilisés pour les tapis à usage domestique.
La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.
Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient dun rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du point et le nombre de points au cm2. Le nombre daiguilles au centimètre détermine la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.
Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils quils ont formées à mesure que le dossier se déroule.
Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité. Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement entre le boucleur et larête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14, on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.
Le tapis tissé est constitué dun fil velours tissé en même temps que les fils de chaîne et de trame qui forment lintégralité du dossier. Les fils du dossier sont généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le polypropylène, lacrylique, etc. Un enduit est appliqué sur lenvers pour stabiliser le tapis; un second dossier nest pas nécessaire et nest que rarement ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le Wilton et le tapis Axminster.
Il existe dautres méthodes de confection des tapis tapis tricotés, aiguilletés, liés par fusion , mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des produits et des marchés spécifiques.
Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques nylon, polypropylène (oléfine) et polyester et, acces-soirement, avec des fils dacrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les années soixante, lusage des fibres synthétiques sest généralisé parce quelles permettent dobtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix raisonnable.
Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion dun polymère fondu injecté à travers les très petits orifices dune plaque métallique, ou filière. On ajoute parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore dautres propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis, étirés et texturés.
Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en différentes sections rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture résistance aux salissures, etc.).
Après extrusion, les fibres font lobjet de traitements comme létirage et le recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et améliorent lensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait ensuite lobjet dun traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.
Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique formant faisceaux. Le fil extrudé sobtient en enroulant directement sur des bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que lon souhaite obtenir.
Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la préparation mélangeage, cardage et étirage avant le filage. Le mélangeage associe des balles de fibres en brins afin que les fibres sentremêlent et que le fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage redresse les fibres et les configure en rubans. Létirage a trois fonctions principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids par unité de longueur de lensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusquà la taille désirée, le fil est formé en torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.
Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.
Lopération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté (teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits écrus) avant lapplication du second dossier et les opérations de finissage. Les méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits écrus comprennent: la teinture de la pièce, lapplication du colorant à partir dun bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite des lots de produits écrus denviron 150 m de long; la teinture en continu, qui consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à laide dun appareil fixe injectant de la teinture sur toute la largeur dun tapis progressivement déroulé sous le dispositif dapplication. Limpression des tapis se fait à laide dun matériel qui est sensiblement le même que le matériel dimpression des textiles, mais en plus grand. On utilise des machines dimpression à cadre plat ou au rouleau.
Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils pour donner à la surface une belle apparence. Le fait dajouter un second dossier, en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser les dimensions du tapis.
On enduit tout dabord lenvers du tapis, généralement avec un rouleau tournant dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen dune racle (ou docteur). Le latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8 000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre carré.
Un second dossier est délicatement placé sur lenduit de latex. On presse alors les deux dossiers lun contre lautre entre deux cylindres de liaison. Lensemble, maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel seffectuent le séchage et la polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé dévaporation, obtenu en soufflant de lair chaud vers des zones dans lesquelles la chaleur est strictement contrôlée.
On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent lextrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem. La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.
Ladoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide et la conduite denquêtes approfondie lors dun daccident. Lencoffrement des machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les travailleurs.
Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les pratiques permettant déviter les accidents pouvant résulter dune mise en marche intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous tension des autres pièces de léquipement électrique, déterminer la tension nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont mises à larrêt et que lalimentation électrique est verrouillée, les travailleurs doivent être informés quil leur est interdit de les remettre en marche ou de les remettre sous tension.
Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les courroies trapézoïdales, les mécanismes dentraînement à poulie, à chaîne et à pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.
Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que lon pousse à la main pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du fil saccumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour éviter quelles ne se bloquent.
Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en uvre dair comprimé, qui est dun usage courant dans les opérations de nettoyage.
Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est particulièrement important den assurer un bon entretien et de procéder avec prudence lorsquon fait le plein de carburant ou que lon change une batterie. Ces chariots à fourche étant employés dans des locaux où dautres personnes travaillent, différentes précautions simposent: passages exclusivement réservés aux travailleurs et auxquels les chariots nont pas accès, signaux provisoires lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai dexpédition réservé aux opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de lexpédition, aménagement dune circulation à sens unique, etc.
Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements. On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et procéder à de fréquentes rotations.
On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent aussi savérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un arrêt dû à des dorsalgies.
Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de louïe pour éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que lon rencontre dans certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test audiométrique.
Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes dextraction des peluches et des poussières et de dissipation de la chaleur.
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
Tous les tapis dOrient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants, travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il sagit parfois simplement dune occupation à temps partiel pour la famille; dans certaines régions, la confection des tapis nest plus effectuée à domicile, mais sest déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du fil qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la laver, à la filer et à la teindre , le dessin du motif du tapis et le tissage proprement dit.
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsquil parvient aux ateliers de tissage. Dans dautres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée, filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété. Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement dans des récipients ouverts, et lon emploie principalement des colorants à base daniline ou dalizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il nest pas nécessaire den inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches quil transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le tisseur peut ainsi sassurer du nombre et de la disposition des nuds.
Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés sur des montants. Lun des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-dessus du sol, lautre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement entre les deux cylindres. Il ny a habituellement quun seul tisseur par métier mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusquà six. Une fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur. Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale étroite, que lon relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne pris deux à deux, puis passer le fil à la main dune lisière à lautre du tapis. Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au moyen dun peigne manuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont égalisées ou coupées aux ciseaux.
Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur, dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la position du cylindre inférieur lempêche dallonger les jambes et, à mesure que le diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une poutre que lon peut relever jusquà 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils nont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas, pourtant, le tisseur peut sasseoir sur un siège fixe, équipé dun dossier et dun coussin (il sagit en fait dune chaise sans pieds qui peut être déplacée horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au tisseur dêtre assis sur une chaise et de disposer dune place suffisante pour étendre ses jambes.
Dans certaines régions dIran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et le tisseur doit sinstaller sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus difficile.
La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux possibilités déducation et de formation qui permettraient de rompre avec les techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux intoxications.
La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type ancien et la nécessité de se courber pour faire les nuds provoquent à la longue des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent dêtre déformés (genu valgum), et ils peuvent également souffrir darthrite déformante du genou. Le rétrécissement du bassin que lon observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.
Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nud quil est en train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment lorsque léclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers à domicile, léclairage électrique demeure inconnu et que lon utilise encore des lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.
Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de larthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.
Lextrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles nerveux et un stress que ne peuvent quaggraver lexploitation des travailleurs et une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois, des troubles mentaux.
Ils sont pratiquement inexistants, étant donné quaucune machine à moteur nest utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place dun dispositif de tension à engrenage.
Les colorants utilisés, surtout lorsquils sont employés avec du bichromate de potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des dermatoses. Lemploi dammoniaque, dacides puissants et dalcalis présente également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et lon a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont lhabitude de sucer lextrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient être remplacés par dautres, non toxiques.
Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée avant dêtre livrée aux ateliers et aux fabriques.
Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de chameau ou de chèvre, etc. devraient seffectuer au-dessus dune grille métallique pourvue dun dispositif daspiration permettant de capter toutes les poussières et de les évacuer vers un collecteur situé à lextérieur.
Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets liquides devraient être neutralisés avant dêtre rejetés dans les cours deau ou les égouts.
Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage. Léclairage pose problème lorsquil ny a pas délectricité et que le travail se poursuit après la tombée du jour.
Lamélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du métier. Les tisseurs nauraient plus à saccroupir à même le sol de façon inconfortable et antihygiénique et pourraient sasseoir sur un bon siège. Cet aménagement ergonomique permettrait non seulement daméliorer la santé des travailleurs, mais également daccroître leur rendement.
Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus dun plancher remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de larthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux dembauche et périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.
La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le nombre de nuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le nouage de centaines de milliers de nuds.
Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu verticalement; lorsque le tisseur place loutil contre le tissu et appuie sur un bouton, laiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur lenvers une boucle de fil denviron 10 mm. Il déplace alors horizontalement loutil de 2 ou 3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le bouton pour former une nouvelle boucle sur lenvers. Avec un peu dhabitude, on peut obtenir en une minute jusquà 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le tisseur doit sarrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par terre à lenvers. On applique alors sur lenvers un enduit de caoutchouc, puis un dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur lendroit et les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.
Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture des tapis noués à la main. Lopérateur est généralement assis sur une planche devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le tisseur pourrait disposer dun dossier pour sappuyer et dun siège confortable quil déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis avance. Leffort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains ne sont pas susceptibles dans ce cas dengendrer des affections ou des déformations.
Lenduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un solvant toxique et inflammable. Lopération de revêtement devrait donc être effectuée dans un local indépendant, équipé dun système efficace de ventilation par extraction, dau moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale denduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé dentreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à lintérieur dun bâtiment occupé.
Dans la plupart des pays, les dispositions dordre général relatives aux établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois, pourtant, elles ne sappliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à domicile et sont difficiles à mettre en uvre dans les petites entreprises isolées qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche dactivité est connue pour lexploitation de la main-duvre et le travail des enfants, bien souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui préconise le boycott des produits issus dun travail au noir ou confectionnés par des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.
Il y a près de 300 ans que lon parle des risques liés au travail dans lindustrie textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme particulière dasthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu dès les débuts de lindustrie textile, comme le montrent les études physiologiques de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur limplantation dans les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis). Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusquau milieu du XXe siècle où les enquêtes menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les dénis de lindustrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité (American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions du monde.
Le travail dans lindustrie textile est associé à de nombreux symptômes respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin, ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «Lappareil respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais pas toutes, peuvent être à lorigine dune byssinose chez les personnes occupées à leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement, après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne nest plus ressentie jusquau lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de leffort physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du lundi saccompagnent dune réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en labsence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale (enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure de lévolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont fréquents chez les travailleurs de lindustrie textile. Il sagit probablement de variantes dues à lirritation des voies aériennes provoquée par linhalation de poussières.
Stade 0 |
Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux |
Stade 1/2 |
Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la semaine |
Stade 1 |
Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine |
Stade 2 |
Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et certains autres jours |
Stade 3 |
Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration de la fonction respiratoire |
Source: Bouhuys, 1974.
Il nexiste malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien quelles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la gravité des troubles.
Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier jour de la semaine de travail.
La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier contact avec latelier ou lors de la reprise du travail après une absence prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling, 1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même si le sujet reste dans latelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en relation avec une entité couramment décrite aujourdhui dans les branches dactivité mettant en uvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «Lappareil respiratoire».
La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane, 1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).
Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un épisode aigu de fièvre et dautres symptômes constitutionnels, dont des troubles digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par Aerobacter cloacae.
En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10% (14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les différences observées nétaient pas statistiquement significatives.
La bronchite chronique, telle que définie daprès les antécédents médicaux, est très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-fumeurs. Cette observation nest pas étonnante puisque la caractéristique histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose classique, bien que les troubles se recoupent souvent et quil existe probablement dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même inflammation des voies respiratoires.
Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983), sans que lon ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire (emphysème) (Moran, 1983).
Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à lancienneté de lexposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été mis en évidence par dautres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). Lévolution de la maladie peut aussi survenir assez rapidement après lembauche, cest-à-dire dès les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).
Les études transversales ont également montré que dautres symptômes et syndromes respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans lindustrie cotonnière quau sein dune population témoin comparable (Bouhuys et coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études transversales portant sur des travailleurs du textile, lassociation entre la détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1 vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée à une évolution chronique irréversible.
Dans une étude de Roach et Schilling (1960), lexistence dune relation dose-réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës et chroniques chez les travailleurs de lindustrie textile. Ces auteurs ont observé une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les concentrations de poussières sur le lieu de travail. Daprès leurs observations, la limite de sécurité applicable à lexposition à des poussières macroscopiques se situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusquà la fin des années soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose (Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962; Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières exemptes de fibres de coton.
Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études transversales ont été confirmées par un certain nombre détudes longitudinales qui complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de lindustrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.
Dans une série denquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll. (1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose, parallèle à lancienneté de lexposition. Ils ont observé aussi une diminution annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.
Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). Loriginalité de cette étude a été dinclure aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou avaient été employés dans lune des quatre usines locales de Columbia, en Caroline du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première analyse transversale. A lorigine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais lanalyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés dau moins 45 ans en 1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans lusine. Le groupe témoin retenu pour lanalyse transversale était constitué de sujets de race blanche dau moins 45 ans, dans trois localités ayant fait lobjet dune étude transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire dans cette population nétait pas différente de celle qui avait été mesurée chez les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires nétant apparue dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en 1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour létude longitudinale effectuée en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter, 1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).
La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement étudiées. Au cours dune étude prospective, on a pu déterminer que lincidence de sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au cours de létude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les retraités, probablement en raison de lirréversibilité de latteinte pulmonaire.
Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42 ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) sest révélée significativement plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.
De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe. De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à lexposition aux poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans létude de Beck, Maunder et Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En dautres termes, la détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à lun des deux facteurs (tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou de labsence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que lutilisation dun paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (langle bêta) permettait de distinguer les profils danomalies fonctionnelles respiratoires dus au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions antérieures de Merchant.
Les études consacrées à leffet sur la mortalité de lexposition aux poussières de coton nont pas démontré dinfluence systématique. Lanalyse des résultats publiés à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans lindustrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, lexamen des données disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des usines textiles à la fin du XIXe siècle na pas confirmé ce phénomène (Arlidge, 1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute (1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que, dans cette étude comme dans dautres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer, 1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en avant pour affirmer que le tabagisme nétait pas une cause majeure de mortalité dans ces groupes.
Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés entre 45 et 64 ans au cours dune période de suivi de six ans, la fonction pulmonaire mesurée daprès le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la valeur théorique) sétait considérablement détériorée lors de létude initiale chez les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que leffet du travail en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient imputables à la byssinose.
Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les travailleurs du textile ont évolué grâce à lapplication de normes plus strictes sur la qualité de lair dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont rapporté les résultats dune étude transversale portant sur 1 057 ouvriers travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres synthétiques. La byssinose na été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette population, la détérioration de la fonction pulmonaire sexplique à la fois par le tabagisme et par lexposition aux poussières de coton.
Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre 1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la fabrication de filés de coton, à lencollage et au tissage ou à la fabrication de textiles synthétiques. Dans lensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de lencollage et du tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée, en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les normes de lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de poussières de coton en suspension dans lair (exemptes de coton-fibre) atteignant, sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour lencollage et le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative lévolution longitudinale.
Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourdhui associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il nen va pas de même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature, Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20% dans des pays tels que lInde, le Cameroun, lEthiopie, le Soudan et lEgypte. Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.
Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les travailleurs de lindustrie textile, un certain nombre dautres risques ont été mis en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que lon rencontre dans cette industrie.
La cancérogenèse a été associée au travail dans lindustrie textile. Les premières études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll., 1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de lemploi dans les ateliers dextrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces auteurs ont signalé dautres associations avec des maladies néoplasiques, mais leurs observations nont pas convaincu (1994b).
Lexposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de nombreuses branches dactivité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens dentre eux présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie (signification statistique marginale). Des observations similaires ont été rapportées par dautres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et coll., 1989).
Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans lindustrie textile lorsquon a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant dune machine à coudre électrique illustre la pathogénie de ce type daffection. Une analyse des lésions des mains chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984 par lUnité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de lincidence annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).
Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors dune «épidémie» dhépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui produit des tissus enduits de polyuréthane.
Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique (Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait être lié à leffet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant 10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).
Des réactions allergiques eczéma, urticaire et asthme à des colorants réactifs ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988; Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).
Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la suite dune exposition à diverses substances présentes dans lindustrie textile (Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).