En général, les opérations intervenant dans la production de vêtements et dautres produits textiles finis ont peu changé depuis la naissance de cette industrie. Bien que lorganisation du processus de production ait évolué et continue de le faire et que le matériel se soit perfectionné grâce aux progrès techniques, les risques pour la sécurité et la santé dans cette industrie restent pour beaucoup les mêmes que ceux que connaissaient les premiers travailleurs de lhabillement.
Ce sont les conditions générales du milieu de travail qui suscitent les principales préoccupations en matière de sécurité et de santé dans lindustrie du vêtement. Des postes de travail, des outils et des machines mal conçus, associés à des régimes de rémunération aux pièces et au système de production en continu (travail à la chaîne), comportent de graves risques daffections musculo-squelettiques et de stress. Les ateliers se situent souvent dans des bâtiments mal entretenus et dont la ventilation, la climatisation, le chauffage et léclairage laissent beaucoup à désirer. Le surpeuplement des locaux, conjugué aux mauvaises conditions de stockage de matériaux inflammables, est souvent synonyme de graves risques dincendie. Une hygiène insuffisante et labsence dentretien des locaux sont des facteurs aggravants.
Dimportants progrès ont permis la conception et linstallation de postes de travail bien adaptés, ergonomiques, avec tables et chaises réglables, et offrant un agencement judicieux des machines et des outils. Ces postes de travail, que lon peut facilement se procurer sur le marché, sont utilisés principalement dans les grandes usines, car seules les entreprises les plus importantes et les plus solides financièrement ont les moyens de les acheter. Pourtant, un réaménagement ergonomique est également possible dans les autres établissements (voir figure 87.1). La majorité de la production de vêtements seffectue encore chez les petits sous-traitants mal équipés, qui font en général peu de cas de la conception des postes, des conditions de travail et des risques pour la sécurité et la santé.
Création des articles et confection des modèles. La création des vêtements et autres produits textiles est confiée à des modélistes qualifiés au service de fabricants, grossistes ou détaillants qui ne se chargent souvent que de la création, de la fabrication de modèles et de la commercialisation des produits finis. Sils spécifient tous les détails de la production, achètent le tissu et les fournitures, ce sont en général des ateliers sous-traitants indépendants qui assurent la production à grande échelle.
La confection des modèles, opération pendant laquelle un nombre limité dexemplaires est fabriqué pour lancer le produit sur le marché et lenvoyer aux ateliers sous-traitants, seffectue également dans les locaux du donneur dordres. Les modèles sont réalisés par des patronniers et des mécaniciennes en confection très qualifiés qui confectionnent le vêtement tout entier.
Confection des patrons et coupe. Le patron dun vêtement doit être divisé en plusieurs parties pour la coupe et la couture. Traditionnellement, des patrons en carton sont tracés pour chaque pièce du vêtement et gradués en fonction des différentes tailles requises. A partir de ces patrons, on porte sur papier, en vue de la coupe, des repères pour guider les coupeurs. Dans les usines plus modernes, les repères sont créés et gradués selon les tailles et sont indiqués sur un écran dordinateur, puis imprimés sur un traceur informatisé.
Pour la coupe, le tissu est tout dabord étalé sur une table de coupe et empilé sur plusieurs épaisseurs (le matelas) dont la longueur et la largeur sont déterminées par les exigences de la production. Cette opération est le plus souvent effectuée par un chariot matelasseur automatique ou semi-automatique qui dévide les rouleaux de tissu le long de la table. Les tissus à carreaux ou les imprimés peuvent être étalés à la main et épinglés pour assurer le raccord des motifs. Les tracés de patrons dûment marqués sont alors posés sur le tissu à couper.
Les machines coupeuses de tissu sont habituellement munies de couteaux à ruban et tenues à la main (voir figure 87.2). Les petites pièces peuvent être coupées à laide dune scie à main, à lunité. Les techniques de pointe comprennent la découpe robotisée, qui suit les patrons dessinés sur ordinateur.
La coupe comporte plusieurs risques. Bien que la lame des outils soit protégée, le dispositif doit être installé de manière à assurer la protection de la main qui étale le tissu. Les protections devraient être systématiquement utilisées et placées correctement. Il est recommandé, comme mesure de sécurité supplémentaire, que les opérateurs de machine coupeuse portent un gant protecteur, de préférence à mailles métalliques. Outre le risque de lésions accidentelles, la coupe de tissu présente des risques ergonomiques. Porter et manier une machine coupeuse tout en tendant le bras au travers de la table de coupe peut exposer le coupeur à des affections de la nuque, des membres supérieurs et du dos. Enfin, de nombreux coupeurs ont tendance à travailler en tenant leur machine au niveau de loreille, sexposant ainsi souvent à un bruit excessif et au risque consécutif de déficit auditif.
La manutention des rouleaux de tissu, qui peuvent peser jusquà 32 kg et que le travailleur doit soulever au-dessus de la tête pour les déposer sur une planche de pose et les y étaler, présente aussi un risque ergonomique. Des équipements de manutention adéquats peuvent éliminer ou réduire ces risques.
Travail sur machine à coudre. Le plus souvent, les pièces de tissu coupé sont assemblées au moyen de machines à coudre manuelles. Le système traditionnel de production en continu, dans lequel les paquets de pièces coupées se déplacent automatiquement, à une cadence constante, dun opérateur de machine à coudre à un autre, chacun deux effectuant une seule opération, prédomine aujourdhui encore dans lindustrie du vêtement, malgré une modification sensible de lorganisation du travail dans bien des ateliers. Ce type dorganisation sarticule ainsi en plusieurs opérations distinctes, consistant chacune en un cycle très court, répété des centaines de fois par lopérateur au cours de la journée de travail. Ce système, conjugué avec le régime de rémunération aux pièces, qui récompense avant tout la rapidité et ne laisse aux travailleurs quune maîtrise très limitée du processus de production, crée un climat de travail qui peut être très éprouvant nerveusement.
La majorité des postes de travail actuels des opérateurs de machine à coudre ont été conçus sans souci de leur confort, de leur santé ou de leur commodité (voir figure 87.3). Comme ces opérateurs travaillent en général en position assise à des postes mal conçus et exécutent la même opération tout au long de la journée, ils sont très exposés aux lésions dhypersollicitation. Les mauvaises postures quentraînent les conditions décrites ci-dessus, combinées à un travail extrêmement répétitif et sous pression, se traduisent par des taux élevés de troubles musculo-squelettiques (TMS) dorigine professionnelle parmi les opérateurs de machine à coudre et les autres travailleurs de lindustrie du vêtement.
Les progrès réalisés dans la conception des postes de travail, notamment par la création de chaises et tables de travail réglables, tendent à réduire certains risques liés à lutilisation des machines à coudre. Cependant, si ces équipements se trouvent facilement sur le marché, leur prix ne les rend accessibles quaux entreprises les plus rentables. Par ailleurs, les postes de travail les mieux conçus ne réduisent pas le risque dû au caractère répétitif des opérations.
La réorganisation du travail et la mise en place du travail en équipe, sous la forme de fabrication modulaire ou flexible, permettent déchapper au taylorisme traditionnel et, parfois, de réduire certains des risques quil présente pour la santé. Selon ce système du travail en équipe, les opérateurs de machine à coudre travaillent en groupe pour confectionner un vêtement tout entier et changent souvent de machine et dactivité.
Dans lun des systèmes de travail en équipe les plus pratiqués, les travailleurs se tiennent debout plutôt quassis et passent souvent dune machine à une autre. La formation à des tâches diverses améliore les compétences des travailleurs et leur permet davoir un meilleur contrôle de la production. Abandonner le régime de rémunération individuelle aux pièces au profit dun salaire horaire ou dun système collectif de salaire au rendement et mettre davantage laccent sur le contrôle de la qualité tout au long du processus de production peut contribuer à éliminer maints facteurs exposant les travailleurs aux TMS.
Certains systèmes de fabrication, bien que très avancés du point de vue technique, tendent en fait à accroître le risque de TMS. Les systèmes de production unitaire, en particulier, ont été conçus pour transporter mécaniquement les pièces coupées sur un convoyeur aérien dun travailleur à un autre, ce qui accélère leur acheminement et supprime une part importante de la manutention qui incombait précédemment aux opérateurs sur machine à coudre ou à des ouvriers spécialisés. Sils augmentent souvent la productivité en accélérant la chaîne, ces systèmes suppriment les pauses, déjà très courtes, accordées aux opérateurs entre les cycles, ce qui accroît du même coup la fatigue et le caractère répétitif du travail.
Avant de mettre en place un nouveau système de production, on devrait en évaluer les facteurs de risque et le concevoir dans une perspective ergonomique. Par exemple, si les travailleurs sont formés pour exécuter plusieurs tâches, celles-ci devraient être combinées de manière à solliciter différentes parties du corps, et non un seul muscle ou une seule articulation. On devrait également veiller à adapter les équipements et les machines à tous les travailleurs de léquipe.
Avant tout achat de nouveau matériel, on devrait sassurer que les travailleurs eux-mêmes peuvent se charger de lajuster et ont reçu à cet effet la formation voulue. Cette possibilité est particulièrement importante dans lindustrie du vêtement, où il nest souvent pas facile de faire appel à un mécanicien pour régler les machines et les adapter aux travailleurs.
Des études ont fait naître des inquiétudes concernant lexposition des opérateurs sur machine à coudre aux champs électromagnétiques intenses produits par les moteurs. Elles ont révélé la possibilité dune corrélation entre cette exposition et le taux relativement élevé de cas de maladie dAlzheimer (Sobel et coll., 1995) et dautres maladies chroniques chez ces opérateurs.
Finissage et repassage. Une fois cousu, le vêtement achevé est confié aux repasseurs à la machine, puis examiné par les finisseurs, qui vérifient quaucun fil ne dépasse et que le vêtement ne présente pas de taches ou dautres défauts. Les finisseurs sacquittent de divers travaux à la main: ils coupent les fils qui dépassent, cousent le vêtement, le retournent et, enfin, le repassent. Les ouvriers chargés du finissage, de létiquetage, de lemballage et de la distribution des vêtements sont exposés à des risques ergonomiques. Souvent, leurs tâches sont extrêmement répétitives et leur imposent de mauvaises postures des mains et des bras. Leurs sièges et leurs postes de travail sont rarement réglables ou ergonomiques. Les finisseurs et les repasseurs travaillent fréquemment debout dans des positions statiques, alors que plusieurs de leurs tâches pourraient sexécuter sur des chaises, tabourets, ou sièges ergonomiques réglables, conçus pour la station debout, et quils pourraient se tenir en alternance debout ou assis. Les plans de table pourraient être réglés à la bonne hauteur pour lopérateur et inclinés pour lui offrir davantage de confort. Enfin, on pourrait remédier à la sollicitation excessive des mains, des poignets et des bras en rembourrant les coins de table et en fournissant aux travailleurs des outils bien conçus et correctement dimensionnés.
Les articles cousus sont repassés à laide dun fer à repasser manuel ou dune presse à plateau. Ils peuvent également être repassés au moyen dun fer à vapeur manuel ou passer dans une chambre ou une armoire à vaporiser. Les presses et les fers à repasser peuvent exposer à des risques de brûlure, ainsi quà des risques ergonomiques. Si la plupart des presses ont des commandes exigeant lemploi des deux mains pour exclure tout risque que lopérateur nen interpose une, il subsiste danciens modèles dépourvus de dispositif de sécurité. Lutilisation dune presse expose également le travailleur à des risques de lésions au niveau des épaules, de la nuque et du dos, du fait de la nécessité de lever fréquemment les bras au-dessus de la tête, de rester debout en permanence et dactionner des pédales. Le repassage gagnerait en sécurité si les machines étaient plus automatisées et si les opérateurs travaillaient dans des positions plus adaptées, mais le matériel actuel ne permet guère de supprimer les contraintes.
Les étiqueteurs, qui marquent les vêtements finis à laide de machines à étiqueter, sont sujets à des lésions des mains et des poignets en raison du caractère répétitif de leur activité. Lemploi de machines à étiqueter automatiques peut contribuer à diminuer la force requise, ce qui réduit sensiblement la sollicitation des doigts et des mains.
Distribution. Les travailleurs des centres de distribution de vêtements sont exposés à tous les risques qui guettent les travailleurs des entrepôts. La manutention manuelle est responsable dune part importante des lésions. Le levage de charges et les activités exécutées avec les bras levés comportent des risques qui leur sont propres. Concevoir les locaux de distribution de manière à offrir des conditions de manutention adéquates, notamment en plaçant les tapis convoyeurs et les tables de travail à des hauteurs adaptées, peut contribuer à prévenir de nombreux accidents. Des équipements de manutention mécaniques, tels que les chariots élévateurs et dautres appareils de levage, peuvent concourir à éviter les lésions liées au levage de charges encombrantes ou lourdes.
Exposition aux produits chimiques. A tous les stades de la production, les travailleurs peuvent être exposés aux produits chimiques utilisés pour le finissage du tissu et, notamment, au formaldéhyde. Employé pour rendre le tissu infroissable et grand teint, il se dégage dans lair sous forme de gaz et peut aussi attaquer la peau lorsque les travailleurs manipulent le tissu. Les concentrations de formaldéhyde dégagées dépendent de divers facteurs, tels que la quantité mise en uvre lors du finissage, le procédé de finition et la chaleur et lhumidité ambiantes. Lexposition au formaldéhyde peut être évitée en plaçant le tissu dans un lieu bien aéré pour que le gaz sen dégage avant la manutention et en assurant une bonne ventilation des locaux de travail, en particulier lorsque le tissu est soumis à une chaleur et une humidité élevées (par exemple, lors du repassage). Les travailleurs qui présentent des troubles cutanés par suite de la manutention de tissus traités au formaldéhyde peuvent porter des gants ou senduire les mains dune crème protectrice. Enfin, les fabricants de textiles devraient être encouragés à mettre au point des procédés plus sûrs pour traiter les tissus.
Plissage. Le plissage est lopération consistant à marquer plusieurs types de plis dans le tissu ou le vêtement. Ce processus, qui intéresse divers types de tissus, nécessite une température et un taux dhumidité élevés. Les plisseurs sont exposés aux risques liés à ces conditions, qui peuvent intensifier le dégagement des substances dont on se sert pour le finissage du tissu. Le tissu à plisser peut être traité avec des apprêts qui renforcent la tenue des plis. Des armoires et des chambres à vaporiser sont utilisées pour soumettre le tissu plissé à de la vapeur sous pression.
Caoutchoutage et imperméabilisation. Pour lapprêt caoutchouté ou imperméable, les tissus peuvent être revêtus dune substance imperméable. Ces enduits, qui consistent parfois en un type de caoutchouc, sont souvent dilués à laide de solvants, dont certains entraînent de graves risques pour les travailleurs parce quils contiennent du benzène, du diméthylformamide, etc. Les travailleurs sont exposés à ces substances chimiques lorsquelles sont mélangées ou versées, souvent à la main, ou quelles se trouvent dans de grandes cuves, dans des locaux mal ventilés, ou encore lorsquils en enduisent le tissu. Lexposition aux substances dangereuses devrait être réduite au minimum par le recours à des produits moins toxiques et par une bonne ventilation du lieu dutilisation. Les opérations de mélangeage des solvants et de revêtement des tissus devraient par ailleurs être confinées et automatisées chaque fois que cela est possible.
Utilisation de linformatique. Les ordinateurs sont de plus en plus utilisés dans lindustrie du vêtement, que ce soit pour la conception et la fabrication assistées par ordinateur (CAO et FAO), la création, le tracé des patrons ou la coupe, ou pour le suivi des marchandises dans les opérations dentreposage et dexpédition. Les risques inhérents au travail sur ordinateur sont examinés dans le chapitre no 52, «Les terminaux à écran de visualisation», de la présente Encyclopédie.
Boutons, boucles et autres garnitures. Les boutons, boucles et autres systèmes de fermeture des vêtements ou articles cousus sont le plus souvent fabriqués dans des entreprises indépendantes de celles qui confectionnent les vêtements, à partir de divers matériaux qui détermineront le processus de production. Le plus généralement, les boutons et les boucles sont en plastique ou en métal moulé, dont le plomb. Au cours de la production, la matière brute chauffée est versée dans des moules, puis refroidie. Les travailleurs peuvent être exposés à des substances chimiques ou à des métaux toxiques durant le moulage, puis, après le refroidissement, aux poussières provenant du polissage ou du meulage des articles. Ces risques peuvent être évités par une ventilation convenable pendant la finition ou par une limitation de ces opérations. Dautres ornements, notamment les paillettes et les perles, sont produits à partir de matière plastique ou métallique, par estampage ou moulage, et peuvent exposer les travailleurs aux risques inhérents à leurs composants.
Produits cousus et accessoires en matières plastiques. Divers articles, tels que les rideaux de douche, les nappes et les vêtements de protection contre la pluie, sont en plastique cousu ou soudé. Lorsquils sont cousus à partir dune feuille de matière plastique, les risques sont analogues à ceux quentraînent les autres articles cousus. Cependant, les activités nécessitant le stockage dimportantes quantités de matières plastiques créent un risque dincendie sans équivalent car celles-ci, sous leffet de la chaleur ou de la combustion, dégagent des substances toxiques parfois très dangereuses. La plus grande prudence simpose donc en matière de prévention et de protection contre les incendies lorsque dimportantes quantités de matières plastiques sont utilisées ou entreposées.
Les matières plastiques peuvent non seulement être produites, mais aussi assemblées par un procédé faisant appel à la chaleur ou aux rayonnements électromagnétiques. Sous leffet de la chaleur, elles dégagent leurs composants et peuvent exposer les travailleurs à des vapeurs toxiques. Lorsquon assemble ou quon soude des matières plastiques à laide de rayonnements électromagnétiques, il faut veiller à ne pas exposer les travailleurs à des niveaux dangereux de rayonnements.
Le régime de rémunération aux pièces, selon lequel le travailleur est payé en fonction des unités produites, reste largement appliqué dans lindustrie du vêtement et des produits cousus. Son maintien y entraîne, pour les travailleurs, des risques de stress et de lésions musculo-squelettiques. Comme nous lavons exposé, ladoption dautres systèmes de rémunération et de production pourrait donner plus dattrait à cette industrie et la rendre moins stressante et moins dangereuse pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Le système du travail en équipe, qui permet aux travailleurs de mieux maîtriser le processus de production et de travailler avec dautres personnes, peut être moins éprouvant nerveusement que le travail à la chaîne traditionnel. Il peut cependant aussi devenir un facteur de stress supplémentaire si les travailleurs sont tenus pour responsables de lapplication du règlement par leurs collègues. Certains régimes de rémunération collective, qui pénalisent une équipe entière pour la lenteur ou labsentéisme de lun des membres, sont susceptibles de créer des tensions et du stress dans le groupe.
Le travail à domicile repose sur lexécution du travail à lextérieur de lentreprise, chez le travailleur. Cest une pratique très courante dans lindustrie du vêtement. Le travail peut être confié à un travailleur à la fin de sa journée pour quil lexécute à son domicile pendant la soirée ou la fin de semaine, ou lui être envoyé directement, sans quil ait à passer par lusine.
Le travail à domicile est souvent synonyme dexploitation et ne peut pas être surveillé facilement par les organismes chargés de faire appliquer les normes du travail et, en particulier, les lois régissant le travail des enfants, la sécurité, la santé, le salaire minimum, etc. Dans bien des cas, les travailleurs à domicile reçoivent des salaires inférieurs à la norme et sont contraints de fournir, à leurs frais, le matériel et les outils nécessaires à la production. Leurs enfants peuvent être poussés à participer au travail, quels que soient leur âge ou leur capacité de travailler en sécurité, au détriment de leur scolarisation ou de leurs loisirs. Les dangers qui guettent les travailleurs à domicile peuvent être nombreux: exposition à des produits chimiques dangereux, risques dincendie et risques électriques. Enfin, les machines industrielles installées au domicile sont aussi source de risques pour les petits enfants.
* Adapté de la 3e édition de l'Encyclopaedia of Occupational Health and Safety.
Les petites entreprises installées dans des locaux impropres à lexercice dune activité industrielle sont souvent menacées par de graves risques dincendie. Indépendamment de leurs dimensions, tous les ateliers de confection contiennent des matériaux combustibles et, faute de surveillance, les déchets inflammables risquent de saccumuler. Certains matériaux utilisés sont particulièrement inflammables, par exemple les mousses de résines pour les doublures et les rembourrages ou les fines particules de fibres de coco. Il faut donc prévoir des issues de secours et des extincteurs en nombre suffisant et donner au personnel des instructions claires sur la conduite à tenir en cas dincendie. Le bon entretien et la bonne tenue des locaux ne contribuent pas seulement à éviter les incendies et à limiter leur propagation, mais sont aussi indispensables lorsquil y a transport mécanique des produits.
Dans cette industrie, les accidents sont peu nombreux et ils sont rarement graves, mais il sy produit un grand nombre dincidents mineurs le plus fréquemment aux mains qui exigent des premiers secours immédiats si lon veut éviter de sérieuses séquelles. Les couteaux à ruban des machines de coupe peuvent causer de graves blessures sils ne sont pas efficacement protégés; seule la partie de la lame qui doit être nécessairement exposée pour remplir son office devrait être laissée sans protection. Les couteaux circulaires des machines coupeuses portatives devraient être protégés de la même manière. Lorsquon utilise des presses mécaniques, il faut les équiper dun dispositif décran protecteur approprié, de préférence fixe, pour prévenir les risques de blessures aux mains. Deux éléments des machines à coudre sont principalement dangereux: le mécanisme dentraînement et laiguille. Il arrive encore dans bien des ateliers que de longues rangées de machines soient entraînées par des arbres de transmission disposés sous les tables; il est essentiel dans ce cas de protéger ceux-ci par des carters, treillis métalliques, etc.; en effet, de nombreux accidents graves se produisent lorsque les travailleurs qui se baissent pour ramasser un objet ou pour remettre en place la courroie de transmission sont happés par le mécanisme. En ce qui concerne les dispositifs de protection des aiguilles pour prévenir la présence des doigts dans des zones dangereuses, il en existe divers types.
Les presses utilisées dans lindustrie du vêtement exposent les travailleurs à des risques sérieux décrasement et de brûlure. Les commandes exigeant lemploi des deux mains sont courantes, mais elles ne donnent pas entière satisfaction, car elles nexcluent pas toute manuvre incorrecte (à laide du genou, par exemple). Il est donc essentiel quelles soient aménagées de façon à rendre impossible toute utilisation dune seule main. Des dispositifs protecteurs empêchant lapplication du presseur sur le plateau en cas dinterposition dun obstacle quelconque (au premier chef, la main dun travailleur) doivent être employés. Toutes les presses, ainsi que les dispositifs connexes dalimentation en vapeur et en air comprimé, doivent être fréquemment vérifiés.
Les systèmes de mise à la terre de tous les outils électriques à main doivent être soigneusement entretenus.
Les nouvelles techniques appliquées pour le soudage des matériaux plastiques (en remplacement des coutures, etc.) et pour la fabrication des «foam backs» (tissus collés sur une feuille de mousse synthétique) supposent habituellement lemploi dune presse électrique actionnée par une pédale ou à air comprimé. Il peut arriver que la main dun travailleur reste prise entre les électrodes et quelle subisse des brûlures électriques causées par le courant haute fréquence. La seule mesure de sécurité véritablement efficace consiste à enfermer les parties dangereuses. Les commandes à deux mains nayant pas donné satisfaction, il serait urgent de modifier la conception de ces machines de façon à leur conférer une sécurité intrinsèque.
Les travailleurs de lindustrie du vêtement sont susceptibles dêtre atteints des maladies professionnelles suivantes: troubles musculo-squelettiques; asthme; dermites dirritation et de contact; symptômes dirritation des yeux, du nez et de la gorge; cancer du poumon, du rhinopharynx et de la vessie; déficit auditif dû au bruit. De plus, comme certains des procédés utilisés entraînent une exposition à des vapeurs de matières plastiques traitées à la chaleur, à des poussières et à des vapeurs de métal (en particulier de plomb), à des poussières de cuir et de laine et à des solvants dangereux tels que le diméthylformamide, on observe aussi, chez les travailleurs de la confection, les maladies causées par ces substances. Lexposition aux champs électromagnétiques produits par les moteurs des machines à coudre présente des risques qui suscitent une préoccupation croissante. On a constaté des liens entre lemploi des femmes enceintes dans lindustrie du vêtement et des effets sur le système reproducteur.
Le tableau 87.1 donne quelques exemples de maladies professionnelles observées dans lindustrie du vêtement.
Affection |
Facteur déclenchant |
Troubles musculo-squelettiques |
|
Syndrome du canal carpien, tendinite de l’avant-bras, ténosynovite sténosante (maladie de Quervain), épicondylite, ténosynovite bicipitale, déchirure et tendinite du sus-épineux, syndrome du trapèze, radiculopathie cervicale, syndrome lombaire, sciatalgie, hernie discale, ostéo-arthrite des genoux |
Force |
Asthme |
Formaldéhyde |
Cancers |
|
Cancer de la vessie |
Colorants |
Déficit auditif |
Bruit |
Dermatoses |
|
Dermite d’irritation et de contact |
Formaldéhyde, colorants textiles |
Saturnisme |
Plomb |
Troubles musculo-squelettiques. La fabrication de vêtements exige dexécuter des tâches monotones et extrêmement répétitives à une cadence ultrarapide, souvent dans des postures contraignantes et éprouvantes pour les articulations. Les travailleurs sont dès lors exposés aux affections musculo-squelettiques touchant la nuque, les membres supérieurs, le dos et les membres inférieurs (Andersen et Gaardboe, 1993; Schibye et coll., 1995). Il nest pas rare quils développent des troubles musculo-squelettiques (TMS) multiples et souffrent daffections des tissus mous (tendinites) et de syndromes canalaires concomitants, comme celui du canal carpien (Punnett et coll., 1985; Schibye et coll., 1995).
Les opérateurs sur machine à coudre et les couseurs à la main (confectionneurs de modèles et finisseurs) effectuent un travail qui appelle des mouvements répétitifs des mains et des poignets, le plus généralement dans des positions forcées pour les doigts, les poignets, les coudes, les épaules et la nuque. Ils sont donc sujets au syndrome du canal carpien, aux kystes ganglionnaires, aux tendinites de lavant-bras, à lépicondylite, aux affections des épaules, y compris les ténosynovites bicipitales et les tendinites du sus-épineux, aux déchirures du sus-épineux et aux lésions cervicales. De plus, lutilisation des machines à coudre exige habituellement de rester longtemps assis (souvent sur des sièges sans dossier et à des postes de travail qui obligent à pencher le buste), de soulever des objets par intermittence et dactionner des pédales de manière répétitive. De ce fait, les opérateurs sur machine à coudre risquent de développer des TMS de la région lombaire et des membres inférieurs.
Les coupeurs, qui doivent soulever et porter des rouleaux de tissu et actionner des machines de coupe à la main ou commandées par ordinateur, risquent également de présenter des troubles musculo-squelettiques au niveau de la nuque, des épaules, des coudes, de lavant-bras ou du poignet et de la région lombaire. Les presseurs sont exposés aux tendinites, aux affections apparentées de lépaule, du coude et de lavant-bras et sont susceptibles de souffrir de syndromes canalaires connexes.
Outre les facteurs ergonomiques et biomécaniques, les systèmes de production aux pièces et les facteurs liés à lorganisation du travail décrits plus en détail dans larticle précédent peuvent également favoriser lapparition de troubles musculo-squelettiques chez les travailleurs du vêtement. Une étude pertinente a établi que la fréquence des cas dincapacité grave augmentait en fonction de la durée de lemploi rémunéré aux pièces (Brisson et coll., 1989). Par conséquent, la prévention des TMS peut exiger non seulement des aménagements ergonomiques du poste de travail, mais aussi un examen des questions liées à lorganisation du travail, en particulier du mode de rémunération.
Risques chimiques. Les tissus traités à la résine dont on se sert pour les vêtements infroissables peuvent dégager du formaldéhyde. Lexposition à ce produit est particulièrement forte pendant la coupe, car cest lorsque les rouleaux de tissu sont déroulés pour la première fois quils dégagent le plus de gaz; lors du repassage, car la chaleur favorise les émissions du gaz contenu dans les résidus de résine; dans les zones de production où lon manipule de grandes quantités de tissu; dans les entrepôts et les locaux des détaillants. De nombreux ateliers sont mal ventilés et ne permettent pas de régler la température ambiante. Or, le dégagement de gaz augmente avec lélévation de la température et une ventilation insuffisante peut favoriser laccumulation de concentrations plus importantes de formaldéhyde. Le formaldéhyde est largement reconnu pour être un irritant des yeux, des voies nasales, de la gorge et des voies respiratoires supérieures et inférieures. Il peut être une cause dasthme professionnel par ses effets irritants ou par sensibilisation allergique (Friedman-Jimenez et coll., 1994; Ng et coll., 1994). Lexposition au formaldéhyde a été associée dans un certain nombre détudes au développement de cancers du poumon ou du rhinopharynx (Alderson, 1986). Elle peut par ailleurs entraîner des dermites allergiques de contact et des dermites dirritation. Les travailleurs du vêtement développent parfois une dermite chronique des mains et des bras ressemblant à un eczéma, probablement liée à une sensibilisation au formaldéhyde. Laction irritante de celui-ci et ses autres effets non allergiques sur la santé peuvent être réduits au minimum par la mise en place de systèmes de ventilation appropriés et par lemploi dautres substances lorsque cela est possible. Une sensibilisation allergique peut cependant se manifester à de très faibles taux dexposition et, lorsquun travailleur en est affecté, il peut être inopportun de continuer à lexposer à ce risque.
Les travailleurs occupés dans lindustrie des produits textiles finis peuvent être exposés à des solvants organiques comme le perchloroéthylène, le trichloroéthylène et le 1,1,1-trichloroéthane qui sont fréquemment utilisés dans les ateliers de finissage pour supprimer les taches. Ces solvants peuvent entraîner, entre autres, une dépression du système nerveux central, des neuropathies périphériques, des dermatoses et, plus rarement, des intoxications hépatiques. Le diméthylformamide (DMF) est un solvant particulièrement dangereux qui a été employé pour imperméabiliser certains tissus. Son utilisation à cet effet a provoqué de très nombreux cas dhépatite professionnelle chez les travailleurs exposés (Redlich et coll., 1988). Il faudrait donc éviter dutiliser le DMF en raison de sa toxicité pour le foie et de son association avec le cancer des testicules établie dans deux milieux professionnels distincts. De même, lemploi du benzène, encore utilisé dans certaines branches de lindustrie du vêtement, devrait être interdit.
Risques physiques; champs électromagnétiques. Selon des rapports de dates plus récentes, lutilisation dune machine à coudre peut exposer à des champs électromagnétiques dont les effets sur la santé ne sont pas encore bien compris et font lobjet de débats. Cependant, une étude de cas fondée sur trois ensembles distincts de données recueillies dans deux pays (Etats-Unis et Finlande) a mis en évidence un lien marqué entre lexposition professionnelle à des champs électromagnétiques et la maladie dAlzheimer parmi les opérateurs sur machine à coudre et dautres personnes reconnues comme ayant été exposées à un niveau moyen ou élevé (Sobel et coll., 1995). Une autre étude de cas menée en Espagne sur le travail effectué par des femmes enceintes et la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) a établi lexistence dun risque accru de LLA chez les enfants de femmes ayant travaillé à domicile pendant leur grossesse et sétant servi, pour la plupart, de machines à coudre. Les auteurs de cette étude ont incriminé dans un premier temps lexposition des femmes enceintes aux poussières organiques et aux fibres synthétiques, mais ont expliqué par la suite que lexposition aux champs magnétiques pouvait constituer un agent étiologique (Infante-Rivard et coll., 1991) (voir chapitre no 49, «Les rayonnements non ionisants», pour un examen plus détaillé de la question).
Autres maladies et risques professionnels. Un certain nombre détudes ont établi que les travailleurs de lindustrie du vêtement étaient particulièrement sujets à lasthme (Friedman-Jimenez et coll., 1994; Ng et coll., 1994). Outre le risque potentiellement accru de cancer du poumon et du rhinopharynx dû à lexposition au formaldéhyde, il a été constaté que les travailleurs étaient aussi davantage sujets au cancer de la vessie (Alderson, 1986). Des cas de saturnisme ont été observés parmi les préposés à la production de boutons métalliques. Le personnel des entrepôts ou de la distribution peut être exposé aux maladies liées à lexposition aux gaz déchappement des moteurs diesel.
Dans le monde entier, lindustrie du vêtement, de par la proportion élevée de femmes et denfants quelle occupe et la prédominance de la sous-traitance et du travail à domicile, est un domaine largement ouvert à lexploitation de la main-duvre. Le harcèlement sexuel, les relations sexuelles non consensuelles et leurs dangers pour la santé sont un grave problème à léchelle mondiale. Les enfants et les adolescents qui travaillent sont particulièrement vulnérables aux effets sur la santé des produits toxiques et des carences ergonomiques de leurs postes et sont souvent victimes daccidents du travail. Enfin, deux études ont établi des liens entre le travail des femmes enceintes dans cette industrie et les effets sur le système reproducteur, qui méritent dêtre approfondies (Eskenazi et coll., 1993; Decoufle et coll., 1993).
En général, lindustrie du vêtement et des autres produits textiles finis nentraîne quune contamination relativement faible de lenvironnement par des émissions dans lair, le sol ou leau. Des dégagements gazeux de formaldéhyde peuvent cependant persister jusquau stade de la vente au détail et entraîner lapparition de symptômes allergiques, dirritations et de problèmes respiratoires chez les vendeurs comme chez les clients. De plus, certains procédés spéciaux utilisés dans cette industrie, tels que le caoutchoutage et la fabrication de garnitures à base de plomb, peuvent constituer des menaces sérieuses pour lenvironnement.
Ces dernières années, on a vu se développer une «éco-industrie» en réaction à linquiétude croissante que suscitait la possibilité deffets nocifs de lexposition au formaldéhyde et à dautres substances utilisées pour traiter les tissus. Celle-ci préconise que les vêtements et autres produits textiles finis soient confectionnés en tissus dorigine naturelle plutôt quen fibres synthétiques. En règle générale, les textiles naturels ne sont pas traités avec des produits conférant linfroissabilité ou dautres agents de finissage.
Les locaux surpeuplés et les conditions de travail souvent sordides prévalant dans lindustrie du vêtement créent un contexte idéal pour la transmission des maladies infectieuses. En particulier, la tuberculose y est un problème de santé publique fréquent parmi les travailleurs.