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Chapitre 80 - L'industrie du caoutchouc

GÉNÉRALITÉS

Louis S. Beliczky et John Fajen

L’industrie utilise deux grands types de caoutchouc: le caoutchouc naturel et le caoutchouc synthétique. Différents polymères de synthèse servent à fabriquer un large éventail de produits (voir tableau 80.1). Le caoutchouc naturel provient principalement de l’Asie du Sud-est, et le caoutchouc synthétique, des pays industriels: Etats-Unis, Japon, Europe de l’Ouest et Europe de l’Est. Le Brésil est le seul pays en développement à produire du caoutchouc synthétique à l’échelle industrielle.

Tableau 80.1 Quelques grands polymères du caoutchouc

Type de caoutchouc/ élastomère

Production
(en milliers de tonnes en 1993)

Propriétés

Usages courants

Butadiène-styrène (SBR)

Etats-Unis
Europe de l’Ouest
Japon

920
1 117
620

Tous usages; substitut du caoutchouc naturel pendant la seconde guerre mondiale; résiste mal aux huiles et carburants et aux solvants

Pneumatiques (75%), bandes transporteuses, éponges, produits moulés, chaussures, tuyaux, manchons de cylindres, adhésifs, imperméabilisants, dos ou envers de tapis en latex, produits en mousse

Butyle (IIR)

Etats-Unis
Europe de l’Est
Europe de l’Ouest
Japon

130
90
168
83

Peu perméable aux gaz; résiste à la chaleur, à l’acide, aux liquides polaires; ne résiste pas aux huiles, aux carburants et aux solvants; résistance moyenne au vieillissement

Chambres à air, vessies de cuisson, produits de calfeutrage et d’étanchéité, isolation des câbles, isolants contre les vibrations, chemises de réservoirs, nappes pour toitures, bandes transporteuses et tuyaux résistant aux hautes températures

Caoutchouc de récupération

Chaînes polymères plus courtes; plus facile à traiter; se malaxe plus rapidement et consomme moins d’énergie; résiste moins à la traction et coûte moins cher

Pneumatiques, chambres à air, tapis de sol, produits mécaniques, adhésifs, asphalte caoutchouté

Caoutchouc naturel

Inde
Indonésie
Malaisie
Thaïlande

426
1 353
923
1 501

Tous usages; ne résiste pas aux huiles et aux carburants, gonfle dans les solvants; s’altère au contact de l’oxygène, de l’ozone, des UV

Pneumatiques, pare-chocs, joints, manchons, supports de ponts et de bâtiments, chaussures, tuyaux, bandes transporteuses, produits moulés, chemisages, cylindres, gants, préservatifs, dispositifs médicaux, adhésifs, dos ou envers de tapis, fils, mousses

Ethylène-propylène/ Ethylène-propylène-diène

Etats-Unis
Europe de l’Ouest
Japon

261
201
124

Souple à basse température; résiste au vieillissement et à la chaleur, mais pas aux huiles et aux carburants, ni aux solvants; excellentes propriétés électriques

Gaines de fils électriques et de câbles; joints et matériaux d’étanchéité extrudés; produits moulés; supports d’isolation; nappes pour silos à grains, toits, réservoirs, fossés et décharges

Nitrile (NBR)

Etats-Unis
Europe de l’Est
Europe de l’Ouest
Japon

64
30
108
70

Résiste aux huiles, aux carburants et aux solvants, à l’huile végétale; gonfle dans les solvants polaires tels que les cétones

Produits d’étanchéité, joints et doublures de tuyaux résistants aux carburants, enveloppes de cylindre, bandes transporteuses, semelles de chaussures, gants, adhésifs, équipements de forage pétrolier

Polybutadiène (BR)

Etats-Unis
Europe de l’Est
Europe de l’Ouest
Japon

465
62
297
215 (1996)

Résiste mal aux huiles, aux carburants et aux solvants; sujet au vieillissement; très résilient, résiste à l’abrasion, souple à basse température

Pneumatiques, chaussures, bandes transporteuses, courroies de transmission, balles de jeu

Polychloroprène (CR)
(néoprène)

Etats-Unis
Europe de l’Ouest
Japon

105
102
74

Résiste aux huiles et aux carburants, à la flamme, à la chaleur et au vieillissement

Gaines de fils électriques et de câbles, tuyaux, courroies, bandes transporteuses, chaussures, combinaisons de plongée, tissus enduits et articles gonflables, produits extrudés, adhésifs, supports de ponts et de voies ferrées, chemisages, joints spongieux, produits en mousse de latex

Polyisoprène (IR)

Etats-Unis
Europe de l’Ouest
Japon

47
15
52

Tous usages; propriétés semblables à celles
du caoutchouc naturel

Voir «Caoutchouc naturel» ci-dessus

Polysulfure (OT)

Etats-Unis
Europe de l’Ouest
Japon

20
0
3

Résiste aux huiles, aux carburants et aux solvants, aux basses températures, au vieillissement; peu perméable aux gaz

Enveloppes de cylindres, doublures de tuyaux, joints, articles moulés, produits d’étanchéité, joints de compteurs (débitmètres) à gaz, mastic pour verre, liant pour poudres de propulsion

Silicone (MQ)

Etats-Unis
Europe de l’Ouest
Japon

95
107
59 (1990)

Stable aux températures basses et élevées; résiste aux huiles, aux carburants et aux solvants, au vieillissement; physiologiquement et chimiquement inerte

Isolation des fils électriques et des câbles, produits d’étanchéité, adhésifs, joints, produits moulés et extrudés, masques à gaz et appareils de protection respiratoire, tubes pour produits alimentaires et médicaux, implants chirurgicaux

Source: les chiffres relatifs à la production sont tirés des données du Stanford Research Institute.

Les pneumatiques et les produits apparentés représentent environ 60% du caoutchouc synthétique utilisé et 75% de la consommation de caoutchouc naturel (Greek, 1991); ce secteur emploie environ un demi-million de travailleurs dans le monde. En dehors des pneumatiques, le caoutchouc est couramment employé dans la fabrication de courroies, de profilés et de tuyaux pour l’automobile et dans la confection de gants, de préservatifs et de chaussures.

Depuis quelques années, l’industrie du caoutchouc, secteur à forte intensité de main-d’œuvre qui prend de l’essor dans les pays en développement, tend à se mondialiser. Le tableau 80.2 présente la consommation de caoutchouc naturel et synthétique dans le monde en 1993.

Tableau 80.2 Consommation mondiale de caoutchouc en 1993

Région

Caoutchouc synthétique
(en milliers de tonnes)

Caoutchouc naturel
(en milliers de tonnes)

Amérique du Nord

2 749

999

Amérique latine

575

260

Asie et Océanie

1 849

2 043

Chine et Asie*

453

750

Communauté des Etats indépendants

1 665

100

Europe de l’Est

215

65

Europe de l’Ouest

2 137

930

Moyen-Orient et Afrique

124

162

Total

9 767

5 309

* Chine, Corée du Nord et Vietnam.

Source: International Institute of Synthetic Rubber Producers, 1994.

LA CULTURE DES ARBRES À CAOUTCHOUC

Alan Echt

Le caoutchouc naturel (cis -1,4-polyisoprène) est un matériau végétal produit par des centaines d’espèces d’arbres et de plantes dans de nombreuses parties du monde, y compris les régions équatoriales de l’Afrique, de l’Asie du Sud-Est et de l’Amérique du Sud. Le liquide laiteux, ou latex, extrait de l’arbre à caoutchouc commercial Hevea brasiliensis, fournit la quasi-totalité (plus de 99%) du caoutchouc naturel récolté dans le monde. Le reste provient notamment de Ficus elastica et d’autres plantes africaines cultivées dans des pays comme la Côte d’Ivoire, Madagascar, le Sénégal et la Sierra Leone. Le trans -1,4-polyisoprène, connu sous le nom de gutta-percha ou de balata, provient d’arbres présents en Amérique du Sud et en Indonésie. Il donne un caoutchouc moins pur que l’isomère cis. On peut aussi produire du caoutchouc naturel commercial à partir de l’arbuste dit guayule (Parthenium argentatum) , qui croît dans des régions chaudes et arides comme le sud-ouest des Etats-Unis.

La production de caoutchouc d’hévéa se répartit entre des plantations de plus de 50 ha et de petites exploitations généralement inférieures à 5 ha. La productivité des arbres à caoutchouc commercial augmente régulièrement depuis les années soixante-dix. Cette augmentation s’explique principalement par la plantation et la replantation des terres avec des espèces à maturation rapide et à rendement élevé. L’apport d’engrais chimiques et l’élimination des maladies des arbres à caoutchouc y ont aussi contribué. L’adoption de mesures strictes pour éviter l’exposition aux herbicides et aux pesticides pendant leur stockage, leur préparation et leur vaporisation, l’utilisation de vêtements et de crèmes de protection appropriés, outre l’installation de vestiaires et l’exercice d’une surveillance médicale adéquate, constituent des moyens de lutte efficaces contre les risques associés à l’usage de substances chimiques en agriculture.

La récolte de latex s’effectue habituellement en pratiquant une incision en spirale dans l’écorce tous les deux jours, mais la fréquence et la méthode de prélèvement peuvent varier. Le latex est récolté dans un récipient suspendu à l’arbre sous l’incision. Le contenu des récipients est versé dans de grands conteneurs que l’on transporte jusqu’aux stations de transformation, après addition d’un agent anticoagulant qui est le plus souvent l’ammoniaque. L’ammoniaque sépare les particules de caoutchouc et donne un produit en deux phases contenant entre 30 et 40% de phase solide. Ce produit est ensuite concentré à 60%, avec une teneur en ammoniaque de 1,6% de la masse résultante. On trouve aussi du concentré de latex peu ammoniaqué (renfermant entre 0,15 et 0,25% d’ammoniaque), qui nécessite l’ajout d’un agent de protection pour éviter les risques de coagulation et de contamination. Ces agents de protection secondaires peuvent être le pentachlorophénate de sodium, le disulfure de tétraméthylthiuram, le diméthyldithiocarbamate de sodium ou l’oxyde de zinc.

Sur le terrain, les travailleurs sont principalement exposés aux intempéries, aux morsures d’animaux et piqûres d’insectes et au risque de coupure avec les outils tranchants servant à inciser les arbres. Il importe de soigner promptement les blessures éventuelles pour prévenir les infections. L’application de mesures préventives et thérapeutiques peut limiter les risques liés aux conditions climatiques et aux animaux nuisibles. Dans les plantations modernes, on a réussi à diminuer l’incidence du paludisme et des gastro-entérites grâce à des mesures de prophylaxie, de démoustication et d’assainissement.

Le guayule, arbuste originaire du sud du Texas et du centre-nord du Mexique, contient, à l’état naturel, du caoutchouc dans ses tiges et ses racines. L’arbuste doit être coupé si l’on veut pouvoir en extraire le caoutchouc.

Le caoutchouc du guayule est pratiquement identique à celui de l’hévéa, mais est moins résistant à la traction. Il ne constitue pas, pour le moment, un substitut commercial valable au caoutchouc de l’hévéa.

Les types de caoutchouc naturel

Parmi les types de caoutchouc naturel que l’on produit actuellement, mentionnons les feuilles nervurées et fumées, le caoutchouc technique, les crêpes, le latex, le caoutchouc naturel époxydé et le caoutchouc naturel thermoplastique. La Thaïlande est le plus grand fournisseur de feuilles nervurées et fumées, qui représentent environ la moitié de la production mondiale de caoutchouc naturel, contre 40 à 45% pour le caoutchouc technique, ou caoutchouc naturel commercial, introduit en Malaisie au milieu des années soixante. L’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande sont les principaux fournisseurs de caoutchouc technique. Celui-ci tire son nom du fait que sa qualité est déterminée par des normes techniques, notamment sa pureté et son élasticité, et non par des caractéristiques visuelles classiques. Les crêpes n’occupent plus qu’une petite place sur le marché mondial du caoutchouc naturel. Depuis quelque temps, la consommation mondiale de latex naturel augmente sous l’effet principalement de la demande de produits utilisés par exemple pour protéger du virus de l’immunodéficience humaine et d’autres agents pathogènes transmissibles par le sang. On se sert de concentrés de latex pour produire des adhésifs, des doublures de moquette, de la mousse et des produits au trempé tels que ballons, gants et préservatifs. Le caoutchouc naturel époxydé résulte d’un traitement avec des peracides. Il est utilisé en remplacement de certains caoutchoucs synthétiques. Quant au caoutchouc naturel thermoplastique, on l’obtient par vulcanisation dynamique partielle d’un mélange de polyoléfines et de caoutchouc naturel. Son utilisation à des fins commerciales n’en est qu’à ses débuts.

Les procédés de transformation

Le latex prélevé sur les arbres est livré aux consommateurs sous la forme d’un concentré ou bien transformé en caoutchouc sec (voir figures 80.1 et 80.2). Dans le cas du caoutchouc technique, l’un des procédés de fabrication consiste à coaguler sur place le latex avec de l’acide puis à le faire passer dans des trancheuses et dans une suite de cylindres à crêper. La matière résultante est ensuite transformée, à l’aide d’un malaxeur à marteaux ou d’une granulatrice, en granulés de caoutchouc qui sont triés, lavés, séchés, mis en balles et conditionnés. Une autre méthode pour produire des caoutchoucs techniques particuliers consiste à ajouter un agent spécial à la matière avant coagulation, puis à faire passer le tout entre les cylindres à crêper.

Figure 80.1 Coagulation du latex par enroulement autour d'un axe et suspension
au-dessus d'une cuve fumante

Figure 80.1

Figure 80.2 Transformation du caoutchouc dans une platation de l'est du Cameroun

Figure 80.2

Pour fabriquer des feuilles nervurées et fumées, on fait passer le latex coagulé dans une suite de cylindres, puis on imprime en relief sur les feuilles obtenues un motif en striure. Ce motif sert principalement à augmenter la surface du matériau pour en faciliter le séchage. Pour protéger les feuilles, on les laisse pendant une semaine dans un fumoir à 60 °C, avant de les trier à l’œil nu et de les mettre en balles.

Les formulations pour les caoutchoucs naturels sont dans l’ensemble identiques à celles qu’on utilise pour la plupart des caoutchoucs synthétiques insaturés. Elles font intervenir toutes sortes de composants: accélérateurs, activateurs, antioxydants, charges, assouplissants et agents de vulcanisation, selon les propriétés qu’on souhaite donner au produit fini.

Les risques liés à l’emploi des machines de transformation (cylindres, centrifugeuses, etc.) exigent de strictes mesures de sécurité pendant leur installation, leur utilisation et leur entretien, sans oublier la pose de dispositifs de protection. La manipulation de produits chimiques requiert en outre un certain nombre de précautions. Les surfaces de circulation et de travail devraient être munies de revêtements adéquats pour éviter au personnel de glisser, de trébucher ou de tomber. Une formation en matière de sécurité au travail devrait être dispensée et une surveillance rigoureuse est indispensable pour prévenir les brûlures thermiques dues à la cuisson (vulcanisation).

LA FABRICATION DES PNEUMATIQUES

James S. Frederick

Le processus de fabrication

La figure 80.3 donne un aperçu du processus de fabrication des pneumatiques.

Figure 80.3 Processus de fabrication des pneumatiques

Figure 80.3

La préparation de la formulation et le malaxage

Dans un malaxeur Banbury, on verse un mélange de caoutchouc, de noir de carbone et d’autres substances chimiques pour créer une matière homogène. La composition obtenue dépend du temps de traitement, du degré de chaleur et des matières premières employées. En général, les ingrédients nécessaires arrivent à l’atelier prépesés, ou sont fournis en vrac et le conducteur du malaxeur se charge de les préparer et de les peser. Ils sont ensuite déposés sur une bande transporteuse qui les achemine au Banbury.

Des centaines de composants entrent dans la formulation du caoutchouc utilisée pour fabriquer les pneumatiques: accélérateurs, antioxydants, antiozone, charges, agents de vulcanisation, pigments, plastifiants, agents de renforcement et résines. La plupart ne sont pas soumis à réglementation et tous n’ont pas nécessairement fait l’objet d’une évaluation toxicologique approfondie. Dans l’ensemble, l’amélioration des mesures organisationnelles et des moyens de prévention technique a permis de réduire les risques engendrés par les matières premières pour les conducteurs de Banbury. Mais des problèmes subsistent à cause de la nature et de la quantité des éléments qui composent le mélange.

Le mélangeage

La mise en forme du caoutchouc commence dès le mélangeage. A la sortie du malaxeur Banbury, le caoutchouc tombe sur un mélangeur où il prend la forme de longs rubans en passant entre deux cylindres qui tournent en sens opposé et à une vitesse différente.

Le mouvement de ces cylindres non capotés présente un risque pour celui qui les fait fonctionner. Les anciens mélangeurs étaient habituellement équipés d’un câble ou d’une barre que le conducteur devait actionner, en cas de fausse manœuvre, pour arrêter la machine (voir figure 80.4); les mélangeurs modernes possèdent une barre de protection à hauteur du genou qui arrête automatiquement la machine lorsque l’opérateur est entraîné au-delà de la limite de sécurité (voir figure 80.5).

Figure 80.4 Ancien mélangeur à cylindres

Figure 80.4

Figure 80.5 Mélangeur muni d'une barre de protection qui arrête la machine
dès qu'on la heurte

Figure 80.5

Dans la plupart des ateliers, il existe des mesures de secours appropriées en cas d’accident des travailleurs employés aux machines. Outre le risque d’être happés par les rouleaux en mouvement, les travailleurs sont exposés à la chaleur et au bruit ainsi qu’aux substances dégagées par le caoutchouc chauffé (voir figure 80.6 qui montre un mélangeur équipé d’une hotte).

Figure 80.6 Mélangeur avec chute et séchoir équipé d'une hotte et de câbles d'arrêt

Figure 80.6

L’extrusion et le calandrage

Le calandrage fait suite au malaxage et au mélangeage. La calandre se compose d’un ou de plusieurs cylindres (souvent quatre) entre lesquels les feuilles de caoutchouc sont poussées (voir figure 80.5).

La calandre sert:

A la sortie de la calandre, les feuilles de caoutchouc sont roulées sur des tambours et séparées par une feuille de tissu pour éviter qu’elles n’adhèrent entre elles.

L’extrudeuse est souvent appelée «boudineuse» parce qu’elle produit des pièces en caoutchouc qui ressemblent à des boudins. Le caoutchouc y est poussé à travers une filière de forme appropriée. L’extrudeuse se compose d’une vis, d’un fût ou cylindre, d’une tête et d’une filière. Le boudin est évidé à l’aide d’un croisillon ou d’une araignée. L’extrudeuse produit la grande partie plate qui constitue la bande de roulement des pneumatiques.

Les conducteurs d’extrudeuse et de calandre peuvent être exposés au talc et aux solvants utilisés dans le processus. En outre, les travailleurs situés au bout de la chaîne d’extrusion effectuent des gestes très répétitifs en déposant les bandes sur des chariots à plusieurs étages. Les pièces de caoutchouc ainsi empilées ressemblent à des livres dont les pages seraient les plateaux des chariots. Le type d’extrudeuse ainsi que le poids et le nombre de bandes à empiler ont une incidence sur les problèmes ergonomiques posés par cette opération. De nombreux changements ont été apportés pour atténuer ces problèmes et certaines opérations sont désormais automatisées.

L’assemblage et la confection des pneumatiques

L’assemblage des pneumatiques peut être extrêmement automatisé. La presse comprend un tambour rotatif sur lequel sont posés les éléments à assembler et des dispositifs qui l’alimentent en pièces de caoutchouc (voir figure 80.7): talons, nappes, flancs et bandes. Ces pièces, une fois assemblées, forment ce qu’on appelle souvent un «pneu cru».

Figure 80.7 Assemblage d'un pneumatique sur une machine simple

Figure 80.7

Les confectionneurs de pneumatiques et autres opérateurs de ce secteur accomplissent différents mouvements répétitifs. Ils doivent déposer sur le plateau d’alimentation de la presse les pièces à monter, qui se présentent souvent en rouleaux lourds. Ils sont amenés à effectuer beaucoup d’opérations de soulèvement et de manipulation dans un espace réduit. Pour chaque pneumatique à monter, le travailleur doit aussi accomplir une série de gestes plus ou moins identiques. Il se sert en outre de solvants comme l’hexane pour faire adhérer les nappes et les bandes, et l’exposition à ces substances présente des risques.

Après l’assemblage, on vaporise sur le pneumatique cru une substance à base de solvant ou d’eau pour l’empêcher d’adhérer au moule de cuisson. Pour tous ceux qui le manipulent, ainsi que pour l’opérateur de la presse de cuisson, le produit ainsi employé présente un risque d’exposition. De nos jours, on se sert surtout de produits à base d’eau.

La cuisson et la vulcanisation

Chaque pneumatique cru est placé dans la presse de cuisson (vulcanisation) ou sur le dispositif qui alimente celle-ci. Il existe en Amérique du Nord différentes presses de cuisson plus ou moins modernes et caractérisées par divers degrés d’automatisation (voir figure 80.8). Dans la presse, le pneumatique cru est chauffé ou cuit à la vapeur. Cette cuisson, ou vulcanisation, transforme le caoutchouc collant et souple en une matière non collante, moins élastique et qui se conserve bien.

Figure 80.8 Presse de vulcanisation Bag-o-matic McNeal pour les voitures
de tourisme et les véhicules utilitaires légers, avec ventilateur en
partie haute, Akron (Ohio, Etats-Unis)

Figure 80.8

Lorsque le caoutchouc est chauffé au moment de la cuisson ou à un stade antérieur, il se forme des N-nitrosamines cancérogènes. Tout doit être fait pour éviter une telle exposition quelle qu’en soit l’ampleur. De plus, le chauffage, la cuisson ou la vulcanisation du caoutchouc produisent des poussières, des gaz, des vapeurs et des fumées qui polluent le milieu de travail.

L’inspection et la finition

A la suite de la cuisson, il reste des opérations de finition et d’inspection à effectuer avant d’entreposer ou d’expédier le pneumatique. La finition consiste à l’ébavurer, c’est-à-dire à retirer l’excès de caoutchouc et les bavures formées par les orifices du moule de cuisson. Il peut aussi être nécessaire de poncer les flancs du pneumatique ou le contour des inscriptions.

L’un des principaux risques auxquels sont exposés les travailleurs qui manipulent des pneumatiques cuits tient au caractère répétitif des mouvements effectués. En outre, la finition des pneumatiques ou les opérations de ponçage dégagent des poussières ou des particules de caoutchouc (voir figure 80.9), dont l’inhalation multiplie les risques de maladies respiratoires. Les solvants qui s’évaporent des peintures utilisées pour protéger le flanc des pneumatiques ou les inscriptions qu’ils comportent présentent aussi un danger pour les travailleurs.

Figure 80.9 Collecteur utilisé pour recueillir la poussière de caoutchouc produite
par une meule

Figure 80.9

Une fois fini, le pneumatique est prêt pour l’entreposage ou l’expédition.

Les problèmes de sécurité et de santé

Dans les usines de pneumatiques, les problèmes de sécurité et de santé ont toujours été et demeurent encore aujourd’hui un motif de préoccupation extrêmement important. Souvent, la gravité de certains accidents du travail fait oublier les dégâts provoqués par des maladies qui peuvent être d’origine professionnelle. Plusieurs de ces affections, caractérisées par une longue période de latence, ne se déclarent qu’après que le travailleur a quitté son poste. Il existe aussi beaucoup de maladies en rapport avec la fabrication des pneumatiques dont l’origine professionnelle n’est jamais diagnostiquée. Des maladies comme le cancer sont plus fréquentes dans ce secteur d’activité.

De nombreuses études scientifiques ont été effectuées sur les travailleurs des usines de pneumatiques. Certains de ces travaux font apparaître une mortalité anormalement élevée pour cause de cancer de la vessie, de l’estomac, du poumon, du système hématopoïétique, ou autre. Souvent, cette mortalité excessive ne peut être attribuée à une substance chimique spécifique, car les travailleurs sont exposés à de multiples produits chimiques de façon consécutive ou simultanée. En outre, la composition des matières de base utilisées par les manufacturiers change fréquemment, et lorsque la nature des composés du caoutchouc et leur nombre varient au sein d’une même installation, il est d’autant plus difficile de déterminer les causes des maladies rencontrées.

D’autre part, les travailleurs des usines de pneumatiques sont sujets à des troubles respiratoires ou à des irritations de l’appareil respiratoire (oppression thoracique, essoufflement, diminution de la fonction respiratoire et autres symptômes), l’emphysème étant chez eux un motif courant de départ anticipé à la retraite. Ces problèmes sont fréquents dans les ateliers de cuisson, de traitement (prémélangeage, pesée, formulation et chauffage des matières premières) et de finition. Dans les ateliers de traitement et de cuisson, le personnel est souvent exposé à des concentrations relativement faibles de nombreux produits chimiques. Beaucoup de ces produits ne sont pas réglementés par les pouvoirs publics et, outre cette absence de réglementation, la plupart d’entre eux ou presque n’ont jamais fait l’objet de recherches sérieuses sur leur pouvoir toxique ou cancérogène. De surcroît, aux Etats-Unis, le port d’un appareil de protection respiratoire n’est généralement pas obligatoire dans les usines de pneumatiques où les causes des troubles respiratoires ne sont pas clairement établies.

Beaucoup de travailleurs souffrent en outre de dermites de contact, rarement attribuables à une substance en particulier. Certains produits chimiques auxquels on a imputé ces irritations cutanées ne sont plus en usage chez les fabricants de pneumatiques nord-américains; ils ont été remplacés par d’autres substances, dont bon nombre n’ont toutefois jamais été évaluées de façon très poussée.

Dans les usines de pneumatiques, enfin, les traumatismes répétés ou cumulés sont un problème connu pour entraîner divers maux tels que ténosynovite, syndrome du canal carpien, synovite, perte d’audition provoquée par le bruit et autres états pathologiques dus aux mouvements répétitifs, aux vibrations ou aux pressions. La nature même du processus de fabrication impose des manipulations multiples, et parfois excessives, à une forte proportion de travailleurs. Dans certains pays, de nombreuses améliorations ont été apportées dans les usines et continuent de l’être, souvent à l’instigation de travailleurs ou de commissions paritaires, pour tenter de remédier à ce problème. La mécanisation de certaines tâches de manutention des matières et des produits est l’une des solutions adoptées (voir figure 80.10).

Figure 80.10 Pour supprimer les contraintes dorsales dues à la manutention,
un dispositif à ventouse transfère les sacs jusqu'à la bande transporteuse
qui alimente le malaxeur Banbury

Figure 80.10

En raison notamment de la restructuration des entreprises, l’âge moyen du personnel continue d’augmenter dans un grand nombre de fabriques de pneumatiques. En outre, les usines sont de plus en plus nombreuses à fonctionner en continu, bien souvent par poste de travail de 12 heures ou avec des équipes tournantes. Les chercheurs continuent de se pencher sur le lien éventuel entre l’allongement de la durée du travail posté, l’âge des travailleurs et les traumatismes répétés observés dans ces usines.

LES PRODUITS INDUSTRIELS AUTRES QUE LES PNEUMATIQUES

Ray C. Woodcock

Les produits du caoutchouc connaissent d’innombrables applications faisant appel à des procédés semblables à ceux qui ont été mentionnés pour la fabrication des pneumatiques. Toutefois, les produits autres que les pneumatiques font intervenir une gamme beaucoup plus large de polymères et de produits chimiques suivant les propriétés désirées (voir tableau 80.1). Les composants sont choisis avec soin pour limiter les risques sanitaires comme les dermites ou encore la présence de nitrosamines dans les usines et dans des produits tels que les instruments chirurgicaux, les appareils de protection respiratoire et les tétines, qui sont mis au contact du corps. Souvent, les installations de transformation sont de dimensions plus réduites que celles des usines de pneumatiques et le malaxage y occupe une plus grande place. Les nappes utilisées pour les toitures et les décharges sont fabriquées sur les plus grandes calandres du monde. Certains fournisseurs se spécialisent dans la fabrication de qualités de caoutchouc répondant aux spécifications d’autres entreprises qui les transforment ensuite en toutes sortes de produits.

Les produits renforcés tels que courroies d’entraînement, diaphragmes de frein pneumatique et chaussures sont fabriqués avec du caoutchouc calandré, du tissu enduit ou de la corde sur un tambour rotatif ou une forme fixe. La cuisson s’effectue habituellement dans un moule sous pression pour obtenir la forme définitive, mais parfois aussi à la vapeur avec une vessie chauffante ou un sac gonflable, comme pour les pneumatiques. Les polymères synthétiques sont plus fréquemment employés dans les fabrications autres que les pneumatiques. Comme ils sont moins visqueux que le caoutchouc naturel, il faut plus de solvant pour nettoyer les feuilles superposées et pour les faire adhérer les unes aux autres. Dans certains cas, on passe directement du malaxeur à une extrudeuse à tête transversale pour fabriquer le produit, sans qu’il soit nécessaire de procéder au mélangeage, au calandrage et à l’application de solvants ou d’adhésifs.

Les produits non renforcés sont mis en forme et cuits dans un moule par transfert ou injection, extrudés et cuits dans un four à air chaud ou façonnés dans un moule sous pression à partir d’une bande précoupée. Le caoutchouc spongieux résulte de l’ajout, dans le mélange, d’agents gonflants qui dégagent des gaz quand on les chauffe.

Les tuyaux en caoutchouc se fabriquent en appliquant par tressage, tricotage ou filage un cordon ou un fil métallique à un tube extrudé soutenu par pression d’air ou par un mandrin, qu’on recouvre ensuite d’un autre tube extrudé. Pour le moulage à la presse, on entoure le tout d’un fourreau en plomb extrudé ou d’une enveloppe en Nylon qu’on retire après la cuisson, ou on introduit le tuyau à nu dans le moule chauffé à la vapeur. Les enveloppes en Nylon et le plastique extrudé remplacent de plus en plus le plomb. Les durites et les tuyaux courbes pour automobiles sont coupés et enfilés, pour la cuisson, sur des mandrins de forme appropriée pour la vulcanisation; dans certains cas, cette tâche manuelle fatigante est désormais assurée par des robots. Il existe aussi un procédé qui utilise des fibres coupées pour le renforçage et qui fait intervenir dans l’extrudeuse une matrice mobile pour la mise en forme du tuyau.

Les dissolutions fabriquées avec un mélange de caoutchouc et de solvant servent à enduire de nombreux produits en tissu. Le toluène, l’acétate d’éthyle et le cyclohexane sont des solvants couramment employés dans ces fabrications. Le tissu est directement trempé dans la dissolution ou bien tendu sur un cylindre où il est enduit sur toute sa largeur d’une gomme plus épaisse appliquée micromètre par micromètre à l’aide d’une lame. La cuisson s’effectue dans un vulcanisateur centrifuge ou dans un four à air chaud protégé contre les explosions. Pour l’enduction des tissus, on met actuellement au point des procédés au latex qui remplaceront les dissolutions.

Les dissolutions de caoutchouc s’utilisent aussi fréquemment comme adhésifs. L’hexane, l’heptane, les distillats de pétrole et le 1,1,1-trichloroéthane leur sont souvent associés, mais l’hexane est peu à peu éliminé à cause de sa toxicité.

Le latex consiste en une suspension aqueuse très alcaline de caoutchouc naturel ou synthétique. Les gants et les ballons sont obtenus par immersion des formes correspondantes dans ce liquide, mais la préparation de latex peut aussi être transformée en mousse pour l’enduction des tapis, extrudée dans une solution coagulante d’acide acétique et lavée pour donner du fil ou bien être appliquée sur du tissu. Le produit obtenu est ensuite séché et cuit au four. Le latex de caoutchouc naturel est abondamment employé pour les gants et les appareils médicaux. Pour empêcher la surface des gants de coller, on les poudre à l’amidon de maïs ou on les traite dans une solution chlorée. Les gants non poudrés ont tendance à s’enflammer spontanément lorsqu’ils sont entreposés en grand nombre dans un endroit chaud.

Les risques et les mesures de prévention

Les risques liés au traitement du caoutchouc sont essentiellement des risques de contact avec des surfaces portées à haute température et d’exposition à la vapeur sous pression, aux solvants, aux adjuvants, aux fumées de cuisson et au bruit, sans oublier les agents de poudrage, tels que stéarates, talc, mica et amidon de maïs, et les poussières organiques explosives. Les opérations de finition présentent, elles aussi, divers risques associés à l’utilisation de machines à poinçonner, d’outils de découpe et de meules, de solvants pour les encres et de bases ou d’acides pour le traitement des surfaces.

Les précautions à prendre sont décrites dans les articles ci-après: «Les moyens de prévention technique» et «La sécurité».

On met actuellement au point des techniques de vulcanisation aux micro-ondes, par faisceaux d’électrons et aux ultrasons pour chauffer l’intérieur du caoutchouc et éviter ainsi la déperdition de chaleur qui se produit quand le chauffage se fait de l’extérieur. L’industrie s’emploie activement à éliminer le plomb, les agents de poudrage et les solvants organiques volatils, ou à leur trouver des produits de remplacement moins dangereux, ainsi qu’à améliorer les préparations pour en rendre le traitement et l’utilisation à la fois plus faciles et plus sûrs.

Vulcanisation en bain de sel

La vulcanisation dans un bain de sel est une méthode courante de vulcanisation en continu (VC) en milieu liquide. La VC est indiquée pour la fabrication de produits comme les tubes, les tuyaux et les joints d’étanchéité. Le sel se prête bien à la VC, car il nécessite des installations relativement courtes, conduit bien la chaleur et peut être utilisé aux températures élevées requises par le processus (de 177 à 260 °C). De plus, il n’oxyde pas les surfaces et se nettoie facilement avec de l’eau. L’opération comporte au moins quatre grandes étapes: le caoutchouc est introduit dans une extrudeuse à froid (ou sous vide), puis cuit dans un bain de sel et rincé et refroidi, avant d’être coupé et traité conformément aux spécifications. L’extrudat est plongé dans la préparation salée ou aspergé par pulvérisation de sel fondu, mélange eutectique (à bas point de fusion) de nitrates et de nitrites, composé par exemple de 53% de nitrate de potassium, de 40% de nitrite de sodium et de 7% de nitrate de sodium. Le bain de sel est généralement encoffré avec des portes d’un côté et des serpentins de chauffage électrique de l’autre.

La vulcanisation dans un bain de sel présente toutefois l’inconvénient de produire des nitrosamines, présumées cancérogènes pour l’être humain. Ces substances chimiques se forment quand un atome d’azote (N) et un atome d’oxygène (O) issus d’une nitrosation se fixent à l’azote (N) de la préparation aminée. Les nitrates et nitrites utilisés dans le bain font office d’agents de nitrosation et se combinent aux amines du mélange de caoutchouc pour donner des nitrosamines. Les composés du caoutchouc, qui favorisent la formation de nitrosamines, comprennent les sulfénamides, les sulfénamides secondaires, les dithiocarbamates, les thiurames et les diéthylhydroxylamines. Certains d’entre eux contiennent eux-mêmes une fonction nitrosamine, par exemple, la nitrosodiphénylamine, un retardateur, ou la dinitrosopentaméthylènetétramine, un agent gonflant. Ces nitrosamines sont peu cancérogènes, mais elles peuvent subir une «transnitrosation», c’est-à-dire un transfert de leur groupe nitroso à d’autres amines pour créer des nitrosamines à plus fort pouvoir cancérogène. Plusieurs nitrosamines ont été décelées dans les bains de sel, dont les suivantes: nitrosodiméthylamine, nitrosopipéridine, nitrosomorpholine, nitrosodiéthylamine et nitrosopyrrolidine.

Aux Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) classent la nitrosodiméthylamine dans la catégorie des cancérogènes professionnels, sans toutefois préciser aucune limite d’exposition. En Allemagne, l’exposition professionnelle aux nitrosamines est strictement réglementée: dans l’industrie en général, leur concentration totale ne peut dépasser 1 µg/m3 et, pour certains procédés comme la vulcanisation du caoutchouc, l’exposition maximale à toutes les nitrosamines est fixée à 2,5 µg/m3.

Pour éviter la formation de nitrosamines pendant la VC, on peut soit modifier la formulation du caoutchouc, soit employer une méthode autre que le bain de sel, par exemple de l’air chaud projeté avec des billes de verre ou une cuisson aux micro-ondes. Ces deux solutions requièrent toutefois un travail de recherche et de développement pour obtenir les propriétés requises. La ventilation par aspiration localisée est une autre façon de limiter l’exposition. Elle suppose non seulement de capoter le bain de sel et de le ventiler convenablement, mais aussi de prévoir des dispositifs techniques suffisants d’un bout à l’autre de la chaîne, par exemple aux postes de découpe ou de perforation, pour que le niveau d’exposition soit le plus bas possible.

Beth Donovan Reh

LE 1,3-BUTADIÈNE

Ronald L. Melnick

Gaz incolore produit avec d’autres pendant la fabrication de l’éthylène, le 1,3-butadiène est abondamment employé comme agent d’amorçage dans la fabrication du caoutchouc synthétique (butadiène-styrène et polybutadiène, par exemple) et des résines thermoplastiques.

Les effets sur la santé

Etudes sur l’animal. Inhalé, le butadiène est cancérogène pour de multiples organes chez le rat et la souris. Dans une population de rats exposés à une concentration de 1 000 ou 8 000 ppm de butadiène pendant deux ans, on observe une augmentation de l’incidence des tumeurs ou des réponses à dose donnée, au niveau du pancréas exocrine, des testicules et du cerveau chez le mâle, des glandes mammaires, de la thyroïde, de l’utérus et de la glande de Zymbal chez la femelle. Chez les souris, les études effectuées à des niveaux d’exposition au butadiène variant de 6,25 à 1 250 ppm révèlent, en particulier, l’apparition de lymphomes malins précoces et d’angiosarcomes inusités du cœur. Des tumeurs pulmonaires malignes se manifestent à tous les degrés d’exposition, et d’autres organes sont également touchés, tels que le foie, la partie antérieure de l’estomac, la glande de Harder, l’ovaire, les glandes mammaires et le prépuce. L’exposition au butadiène a aussi des effets non néoplasiques chez la souris: effet toxique sur la moelle osseuse, atrophie des testicules ou des ovaires, troubles du développement, etc.

Le butadiène, génotoxique pour les cellules de moelle osseuse chez la souris, mais pas chez le rat, entraîne une augmentation des échanges de chromatides sœurs, du nombre de micronoyaux et des aberrations chromosomiques. Il provoque aussi des mutations dans le génome de Salmonella typhimurium en présence d’activateurs métaboliques. L’activité mutagène du butadiène est attribuée au fait qu’il se transforme au contact d’intermédiaires époxydes mutagènes (et cancérogènes).

Etudes sur des sujets humains. Toutes les études épidémiologiques mettent en évidence une surmortalité par cancer du système lymphatique ou hématopoïétique en cas d’exposition au butadiène sur le lieu de travail. Dans le secteur de la production de butadiène, l’incidence des lymphosarcomes augmente surtout parmi les hommes dont le premier emploi est antérieur à 1946. Une étude comparative de cas de cancers du système lymphatique et hématopoïétique effectuée dans huit usines de butadiène-styrène fait apparaître un lien étroit entre la mortalité par leucémie et l’exposition au butadiène. En ce qui concerne les cas de leucémie, la plupart des victimes avaient été embauchées avant 1960, avaient travaillé dans trois des établissements visés et avaient exercé pendant au moins dix ans dans le secteur. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) range le 1,3-butadiène parmi les produits probablement cancérogènes pour l’être humain (CIRC, 1992).

Une étude épidémiologique confirme que la mortalité par leucémie dépasse la moyenne parmi les travailleurs des usines de butadiène-styrène qui sont exposés au butadiène (Delzell et coll., 1996). Il convient de noter à cet égard la correspondance qui existe entre les sites des cancers du système lymphatique et hématopoïétique chez les travailleurs et ceux des lymphomes observés chez la souris. En outre, les estimations du risque de cancer chez l’humain effectuées à partir des données sur les lymphomes provoqués par le butadiène chez la souris sont semblables à celles du risque de leucémie auxquelles aboutissent les nouvelles données épidémiologiques.

L’exposition et les mesures d’atténuation dans l’industrie

D’après les enquêtes effectuées au milieu des années quatre-vingt par l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), aux Etats-Unis, le niveau d’exposition dans les usines qui produisent ou utilisent du butadiène était alors supérieur à 10 ppm dans 4% des prélèvements et inférieur à 1 ppm dans 81%, avec des pointes mesurées à 370 ppm et une absence d’uniformité à l’intérieur des catégories professionnelles. L’exposition au butadiène était sans doute beaucoup plus élevée pendant la seconde guerre mondiale, époque où l’industrie du caoutchouc synthétique a connu une forte croissance. Les quelques échantillons recueillis dans les fabriques de pneumatiques et de tuyaux en caoutchouc ont donné des résultats inférieurs au seuil de détection (0,005 ppm) (Fajen, Lunsford et Roberts, 1993).

Il est possible de réduire l’exposition au butadiène en s’assurant que les raccords des installations en circuit fermé sont en bon état et correctement posés. On peut également utiliser des appareils en circuit fermé pour prélever des échantillons dans les cylindres et des doubles joints mécaniques pour empêcher les pompes de fuir, des jauges magnétiques pour contrôler le remplissage des wagonnets et un capot de protection pour vidanger les cylindres.

LES MOYENS DE PRÉVENTION TECHNIQUE

Ray C. Woodcock

La fabrication des pneumatiques et autres produits en caoutchouc expose les travailleurs à de très nombreux produits chimiques: poudres, solides, huiles et polymères entrant dans la composition des mélanges, poudres anticollantes, brouillards, fumées et vapeurs résultant du chauffage et de la cuisson des composés, solvants servant à la fabrication des dissolutions et des adjuvants. Les effets de la plupart de ces produits sur la santé sont méconnus mais on sait que, à des degrés d’exposition courants, ils présentent un caractère plus souvent chronique qu’aigu. De façon générale, les moyens de prévention technique ont pour objet de réduire globalement la quantité de poussières et les émanations de vapeurs du caoutchouc chauffé ou de fumées de cuisson auxquelles les travailleurs sont exposés. Lorsque les produits chimiques, les solvants ou les agents en cause (comme le bruit) sont connus pour être nocifs, il est plus facile d’orienter les mesures de prévention et, dans bien des cas, d’éliminer les sources d’exposition.

La suppression ou le remplacement des matières dangereuses sont, sans doute, les meilleurs moyens de prévention technique pour limiter les risques dans l’industrie du caoutchouc. On a interdit, par exemple, la β-naphthylamine, impureté présente dans un antioxydant, après avoir découvert, dans les années cinquante, qu’elle provoquait le cancer de la vessie. Le benzène, solvant autrefois très répandu, a été remplacé également, dans les années cinquante toujours, par le solvant naphta, ou l’essence minérale (white spirit) dont la teneur en benzène a été régulièrement abaissée (de 4-7% à moins de 0,1% du mélange). L’heptane, employé comme substitut de l’hexane, donne des résultats aussi bons, sinon meilleurs, que ce produit. Pour le gainage des tuyaux à vulcaniser, on recourt aujourd’hui à d’autres matières que le plomb. On met au point des mélanges de caoutchouc qui limitent les risques de dermites pendant la manipulation et la formation de nitrosamines pendant la cuisson. Quant aux talcs anticollants, le choix se porte désormais sur ceux qui contiennent le moins possible d’amiante et de silice.

La préparation du mélange de caoutchouc

Un système de ventilation par aspiration localisée est nécessaire pour capter les poussières, les brouillards et les fumées qui se dégagent pendant la préparation, le malaxage et la finition du caoutchouc par des opérations de polissage et de meulage (voir figure 80.11). De bonnes méthodes de travail et une ventilation adéquate permettent habituellement d’abaisser le niveau d’exposition aux poussières bien au-dessous de 2 mg/m3. L’entretien régulier des filtres, des hottes et des pièces mécaniques fait partie des mesures de prévention technique de base. On trouve des modèles de hottes dans les manuels consacrés aux systèmes de ventilation de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) et de l’Association britannique de recherche sur le caoutchouc et les plastiques (Rubber and Plastics Research Association of Great Britain) (ACGIH, 1995).

Figure 80.11 Une hotte aspire les fumées dégagées au détringlage des durites dans
une usine de caoutchouc en Italie

Figure 80.11

Les produits chimiques incorporés dans le mélange sont généralement transférés de conteneurs dans de petits sacs sur une bascule, puis déposés sur une bande transporteuse qui alimente le malaxeur, ou sur un mélangeur. Les poussières sont aspirées par un caisson à fentes situé derrière la bascule (voir figure 80.12) et, parfois aussi, au bord des bacs de stockage. A cette étape, il est possible de réduire encore les dégagements de poussières en remplaçant les poudres par des produits composés de particules plus grosses ou par des granulés, en regroupant les ingrédients dans un seul sac (souvent thermosoudé) et en transférant automatiquement les produits de leur conditionnement de stockage jusqu’au sac intermédiaire ou directement jusqu’au malaxeur. Les habitudes de travail jouent aussi un rôle important en ce qui concerne l’exposition aux poussières.

Figure 80.12 Un poste de pesée avec son caisson à fentes horizontales de ventilation
par aspiration localisée

Figure 80.12

Le malaxeur Banbury doit être équipé d’une hotte pour aspirer les poussières au moment du remplissage et pour absorber les fumées et les vapeurs d’huile dégagées par le caoutchouc chauffé en cours de malaxage. L’action des hottes les mieux conçues est souvent perturbée par l’air provenant des ventilateurs mobiles qu’on installe pour rafraîchir les travailleurs. Le transport des sacs entre les palettes et la bande d’alimentation peut être assuré par un dispositif mécanique.

Les mélangeurs sont munis d’une hotte aspirante qui capte les particules d’huile, les vapeurs et les fumées produites par le caoutchouc. Sans encoffrement supplémentaire, ces hottes absorbent moins efficacement les poussières lorsque le mélange est préparé sur le malaxeur ou que celui-ci est saupoudré d’une substance antiadhésive (voir figure 80.13). En outre, elles sont sensibles aux courants d’air créés par les ventilateurs mobiles ou par le mauvais réglage du système de ventilation générale. Il existe des installations de type soufflage-aspiration, qui envoient devant le conducteur un rideau d’air dirigé vers la hotte. Les mélangeurs sont souvent surélevés pour mettre hors de portée du conducteur le point rentrant entre les cylindres, et dotés d’un câble ou d’une barre frontale qui arrête la machine en cas d’urgence. Le port de gants épais permet en outre de retirer les doigts si la main se fait accidentellement pincer par la machine.

Figure 80.13 Un rideau installé au bord de la hotte au-dessus d'un malaxeur limite
la dispersion des poussières

Figure 80.13

Pour empêcher que les feuilles de caoutchouc n’adhèrent les unes aux autres à la sortie du mélangeur ou de la calandre, le poudrage est maintenant souvent remplacé par l’immersion dans une solution aqueuse (voir figure 80.14). Moins salissante, cette méthode réduit aussi sensiblement l’exposition aux poussières.

Figure 80.14 A la sortie d'un malaxeur Banbury, la bande de caoutchouc est immergée
dans un bain aqueux où elle est imprégnée de produit anticollant

Figure 80.14

Les poussières et les fumées sont aspirées dans des conduites jusqu’à des collecteurs à sac ou à cartouche. Dans les grandes installations, l’air est parfois recyclé. Dans ce cas, il faut prévoir un dispositif de détection des fuites pour s’assurer que des polluants ne sont pas recyclés. Le recyclage de l’air est déconseillé lorsque des ingrédients tels que les colles animales dégagent des odeurs. Les poussières de caoutchouc brûlant facilement, il est important de protéger les conduites et les collecteurs de poussières contre les incendies et les explosions. Les résidus de soufre et les poussières explosives comme l’amidon de maïs exigent aussi des précautions particulières contre l’incendie.

La transformation du caoutchouc

On installe souvent une hotte en tête des extrudeuses pour aspirer les fumées et les vapeurs produites par la matière chaude qui sort de la filière et que l’on peut ensuite plonger dans un bac de refroidissement pour arrêter les dégagements. Des hottes sont également placées en de nombreux autres points d’émission des installations tels que les meules, les bacs d’immersion et les équipements de laboratoire, où l’on peut facilement collecter les contaminants de l’air à la source.

Le nombre et la configuration physique des postes de confection des pneumatiques et autres produits les rendent généralement impropres à une ventilation par aspiration localisée. Le stockage des solvants, autant que possible dans des récipients fermés, ainsi que des méthodes de travail sûres et une bonne aération des locaux aident à maintenir un faible niveau d’exposition. Pour limiter les contacts avec la peau, on utilise des gants ou des outils pour appliquer les produits.

A l’ouverture, les presses de cuisson et les vulcanisateurs dégagent d’importantes quantités de fumées brûlantes. Le plus gros des émanations visibles se compose de brouillard d’huile, mais les rejets renferment aussi beaucoup d’autres composés organiques. La méthode de prévention la plus courante est la ventilation par dilution, souvent associée à l’installation d’une hotte ou d’une enceinte munie de rideaux sur chaque vulcanisateur ou groupe de presses. Lorsque l’air extrait n’est pas remplacé par un apport d’air neuf en quantité suffisante, le système de ventilation et les hottes des bâtiments ou des ateliers adjacents peuvent être perturbés. Les opérateurs devraient se placer à l’extérieur de la hotte ou de l’enceinte. Si le travail sous la hotte ne peut être évité, un ventilateur à flux d’air vertical peut être installé au-dessus du poste de travail. Sinon, de l’air d’appoint devrait arriver près de la hotte, mais sans être pour autant dirigé vers l’intérieur. Au Royaume-Uni, la limite fixée pour l’exposition aux fumées de cuisson du caoutchouc est de 0,6 mg/m3 de matière soluble dans le cyclohexane, limite qu’il est normalement possible de respecter avec de bonnes méthodes de travail et une ventilation efficace.

La fabrication et l’application de dissolutions de caoutchouc exigent des moyens de prévention particuliers pour réduire les risques liés aux solvants. Les solvants provenant des malaxeurs fermés sont récupérés à la sortie, tandis qu’un système de ventilation par dilution chasse les vapeurs accumulées dans la zone de travail. C’est lorsqu’il pénètre dans un malaxeur pour le nettoyer que le travailleur court le plus de danger. Une bonne ventilation générale, combinée à des systèmes d’aspiration efficaces au niveau des sources de pollution et à des entrées d’air correctement orientées, suffit en principe, avec le capotage des cuves, à limiter l’exposition pendant le caoutchoutage des tissus. Quand les émanations produites par les étuves ne sont pas aspirées directement, l’air est remis en circulation dans l’étuve avant d’être évacué. Les systèmes de récupération des solvants par adsorption sur charbon constituent la méthode d’assainissement de l’air la plus courante. Les solvants récupérés sont réinjectés dans le circuit. En ce qui concerne la prévention des incendies, la norme précise que la concentration de vapeurs inflammables dans le four doit demeurer inférieure à 25% de la LIE (limite inférieure d’explosivité), à moins qu’une surveillance continue associée à des dispositifs automatiques permette de ne pas dépasser 50% de la LIE (National Fire Protection Association (NFPA)) (1995).

L’automatisation des processus et des équipements permet souvent de réduire l’exposition aux polluants atmosphériques et aux agents physiques en éloignant les travailleurs des machines, en confinant la source ou en réduisant l’émission des nuisances. L’automatisation des processus et des tâches de manutention présente aussi l’avantage important de rendre le travail physiquement moins pénible pour les travailleurs.

La lutte contre le bruit

Les tresseuses et les ponceuses, les extracteurs d’air, les fuites d’air comprimé et de vapeur, entre autres, sont d’importantes sources de bruit. En ce qui concerne les machines, la pause d’un capot apporte une solution efficace au problème. Il existe en outre des silencieux très performants pour les orifices d’évacuation, qui peuvent également être raccordés à une conduite commune avec ventilation déportée. Enfin, on peut généralement réduire les sifflements provenant des fuites par un meilleur entretien, en encoffrant les machines ou en améliorant leur conception, et en suivant de bonnes pratiques pour limiter l’ensemble des bruits.

Les méthodes de travail

Pour prévenir les risques de dermite et d’allergie au caoutchouc, il faut éviter que substances chimiques et mélanges frais de caoutchouc n’entrent en contact avec la peau. Lorsque les mesures de prévention technique ne suffisent pas, le port de gants montant jusqu’au coude ou de gants ordinaires avec une chemise à manches longues est recommandé pour éviter tout contact cutané avec les poudres utilisées et les plaques de caoutchouc. Les vêtements de travail devraient être tenus à l’écart des vêtements de ville, et il est conseillé de prendre une douche avant de repasser ces derniers pour éliminer de la peau les contaminants résiduels.

Il est aussi parfois nécessaire de porter d’autres équipements de protection, comme un casque antibruit ou un appareil de protection respiratoire. Cependant, la pratique veut que l’on donne toujours la priorité à d’autres solutions, notamment collectives et techniques, pour limiter les risques d’exposition sur le lieu de travail.

LA SÉCURITÉ

James R. Townhill

La sécurité des mélangeurs

Les mélangeurs et les calandres sont des machines très courantes dans l’industrie du caoutchouc. Le principal danger qu’elles font courir à ceux qui les conduisent est celui de se faire happer par les cylindres en mouvement. Des accidents peuvent aussi se produire pendant la réparation et l’entretien de ces machines et d’autres appareils utilisés dans cette industrie. C’est à ces problèmes de sécurité que nous nous intéressons ci-après.

Aux Etats-Unis, le Conseil national industriel mixte de l’industrie du caoutchouc (National Joint Industrial Council for the Rubber Manufacturing Industry) faisait observer en 1973 que, pour prévenir les accidents par coincement entre des éléments mobiles, l’installation d’un dispositif dont l’efficacité dépendrait des actes du travailleur ne saurait constituer une solution valable. Cela est particulièrement vrai dans le cas des mélangeurs utilisés pour la transformation du caoutchouc. Malheureusement, les règles évoluent très lentement. Il n’existe actuellement qu’un seul dispositif de sécurité qui n’ait pas besoin d’être actionné par le conducteur pour s’enclencher. La barre de sécurité est le seul système de protection automatique dont l’efficacité est largement reconnue en ce qui concerne les mélangeurs. Mais elle a elle-même ses limites et ne peut être toujours utilisée sans une modification préalable de l’équipement et des méthodes de travail.

La sécurité des mélangeurs est un problème complexe qui fait intervenir plusieurs éléments importants:

La hauteur du mélangeur influe sur la position du conducteur. Si elle est inférieure à 1,27 m et si la taille du conducteur dépasse 1,68 m, ce dernier a tendance à travailler trop haut ou trop près du point rentrant de la machine, ce qui nécessite un temps de réaction très court du système de sécurité automatique pour arrêter le mélangeur.

De la taille du conducteur dépend aussi la distance à laquelle il doit se tenir devant le mélangeur pour pouvoir travailler à son aise. Or, tous les travailleurs à une même machine n’ont pas la même taille et, dans la plupart des cas, les dispositifs de sécurité existants n’en sont pas réglables pour autant.

La présence d’équipements auxiliaires tels que convoyeurs ou appareils de chargement gêne souvent le fonctionnement des câbles et des barres de sécurité. Bien que les règlements en vigueur l’interdisent, on déplace souvent ces barres ou ces câbles pour faciliter le fonctionnement des équipements auxiliaires, ce qui peut faire passer le dispositif de sécurité derrière la tête du conducteur.

Outre la hauteur du mélangeur et la présence d’équipements auxiliaires, d’autres éléments interviennent dans l’utilisation d’un mélangeur. Lorsqu’il n’y a pas de cylindre sous le mélangeur, par exemple, c’est le conducteur qui doit étaler lui-même le caoutchouc à la main sur le cylindre. Aux risques de coincement s’ajoute ainsi le danger d’une lésion traumatique des articulations.

Le caractère collant ou la viscosité du matériau augmente la difficulté. Lorsque le conducteur a besoin de décoller le caoutchouc du cylindre du mélangeur, la barre de protection devient une gêne. Si le caoutchouc est chaud, il doit porter des gants et, pour faciliter l’opération, il est aussi amené à se servir d’un couteau. Or, le caoutchouc peut coller au couteau, aux gants ou à la main nue, et les entraîner vers le point d’étranglement.

Même automatisé, le dispositif de sécurité n’est efficace que s’il permet d’arrêter le mélangeur avant que la main du conducteur atteigne le point d’étranglement. Les distances d’arrêt doivent être vérifiées au moins toutes les semaines et les freins au début de chaque poste de travail. Quant aux freins électrodynamiques, il faut les contrôler régulièrement. Si le contact de mise au neutre n’est pas bien réglé, le mélangeur se déplace en arrière et en avant, au risque d’être endommagé. Dans certaines situations, on préfère les freins à disque. Les freins électriques peuvent poser un problème si le conducteur tente un arrêt d’urgence après avoir appuyé sur le bouton d’arrêt du mélangeur. Sur certaines machines, l’arrêt d’urgence ne peut pas fonctionner après que le bouton d’arrêt a été enclenché.

Certaines améliorations apportées à la sécurité des mélangeurs limitent considérablement les risques de coincement. En voici une liste:

Il existe aujourd’hui de nouvelles techniques pour améliorer la sécurité des mélangeurs. Au Canada, par exemple, un mélangeur ne peut fonctionner que s’il est muni d’une barre de protection sur le devant. Dans les pays où l’on se sert de matériel ancien provenant de l’étranger, il est indispensable de le réviser pour l’adapter aux besoins.

La sécurité des calandres

Les mesures de sécurité sont difficiles à définir dans le cas des calandres étant donné la grande diversité de ces machines et des équipements auxiliaires qu’elles comportent. Pour une étude plus approfondie sur la question, voir National Joint Industrial Council for the Rubber Manufacturing Industry (1959, 1967).

Malheureusement, quand une calandre ou une autre machine change d’entreprise ou de pays, on perd toute trace des accidents qu’elle a provoqués. Des dispositifs protecteurs sont alors retirés et des pratiques dangereuses, abandonnées à la suite d’incidents, font leur réapparition, causant ainsi la répétition d’accidents déjà survenus dans le passé. La langue constitue aussi un obstacle. Il est plus difficile en effet d’assurer la sécurité d’une machine lorsque toutes les commandes et instructions sont données dans une langue différente de celle du pays d’utilisation.

En outre, la vitesse des calandres a augmenté sans que leur capacité de freinage ne se soit toujours améliorée. S’il est impossible d’arrêter les cylindres en respectant la distance recommandée, il faut impérativement prévoir une protection complémentaire. Un excellent moyen de tenir l’opérateur à bonne distance des cylindres en mouvement consiste à installer un détecteur qui freine la machine dès qu’on s’en approche au-delà d’un certain point.

Le Conseil national mixte de l’industrie du caoutchouc (National Joint Industrial Council for the Rubber Manufacturing Industry) a recensé d’autres sources importantes d’accidents qui existent encore aujourd’hui:

L’instauration d’une procédure d’arrêt des installations efficace et bien comprise (voir ci-dessous) contribue largement à réduire ou à éliminer les dangers auxquels s’exposent les travailleurs qui tentent de remédier à un bourrage ou d’égaliser le matériau sur la machine en mouvement. La pose d’un dispositif qui freine les cylindres dès qu’on s’en approche est un bon moyen de dissuasion.

Les lésions par coincement demeurent un problème, surtout au niveau des enrouleurs. La vitesse de l’enrouleur doit impérativement pouvoir se régler pour permettre un démarrage en douceur, et des mesures de sécurité s’imposent en cas de difficulté. Là encore, l’existence d’un mécanisme de freinage qui maintient à distance le conducteur tend à décourager toute intervention sur la machine ou la matière pendant l’enroulage. Les cylindres télescopiques sont particulièrement dangereux même pour les opérateurs expérimentés.

La fréquence des incidents survenant aux points d’alimentation des machines augmente avec la vitesse et la complexité du train de calandres et avec le nombre d’équipements auxiliaires. Il est donc capital que les commandes soient centralisées et que les communications soient de bonne qualité, car le conducteur de la machine ne voit pas nécessairement tous les membres de l’équipe. Chacun doit être pris en compte et il faut que les instructions soient claires et compréhensibles.

Quand le travail se fait en équipe, la qualité des communications est capitale pour la sécurité. Des précautions s’imposent, en particulier quand on procède à des réglages ou que la machine est mise ou remise en marche à la suite d’un incident.

Le remède à ces problèmes se trouve dans un personnel bien formé qui comprend le fonctionnement des calandres, un système d’entretien qui maintient en bon état tous les dispositifs de sécurité, et des contrôles appropriés.

L’arrêt des installations

L’arrêt total des installations n’est pas une idée nouvelle. Elle est pratique pour les travaux d’entretien, mais on a encore du mal à en reconnaître l’intérêt dans le domaine de l’exploitation. Le problème tient en partie à la reconnaissance des risques. En principe, si le mouvement imprévu d’un équipement ou un dégagement intempestif d’énergie risquent de blesser un travailleur, l’équipement concerné doit être complètement arrêté. Cette procédure ne se limite pas à l’énergie électrique, mais s’étend à toutes les sources d’énergie que l’on peut couper; certains appareils doivent être fermés dans la position où ils se trouvent; les tuyaux doivent être débranchés et vidés; la pression accumulée doit être purgée. Si certaines entreprises ont déjà intégré cette démarche dans leur mode de fonctionnement, d’autres la refusent en revanche par peur de son coût.

La notion clé est ici celle de la maîtrise de la situation. Lorsque quelqu’un risque d’être blessé par le déplacement d’un élément, la ou les sources d’énergie doivent être coupées et il importe que la personne en danger puisse contrôler les événements. Toutes les situations qui demandent un arrêt des opérations ne sont pas faciles à déceler et, quand on les détecte, il n’est pas aisé de changer les habitudes de travail.

Une autre donnée essentielle qu’on néglige souvent est la facilité avec laquelle il est possible d’arrêter une machine ou une chaîne ou de couper l’électricité. Les machines anciennes n’ont pas été conçues ni installées dans cet esprit. Il existe parfois un seul disjoncteur pour plusieurs machines ou les machines tirent leur énergie de plusieurs sources, ce qui complique les choses. Pour ajouter à ce problème, les disjoncteurs de la salle des machines sont souvent modifiés ou reliés à d’autres appareils, sans que ces changements soient dûment consignés.

L’industrie du caoutchouc applique en général la procédure d’arrêt des installations pour les tâches d’entretien. Dans le cas de l’exploitation, même si la nécessité de se prémunir contre les risques posés par le déplacement intempestif d’objets est depuis longtemps acceptée, ce n’est que depuis peu que l’on commence à le faire. Autrefois, le personnel d’entretien employait différents moyens pour se protéger. Mais cette protection n’était pas toujours uniforme à cause d’autres facteurs comme les contraintes de production, et elle n’était pas non plus toujours efficace. Pour certains équipements en service dans l’industrie, l’arrêt des installations est une décision complexe qui n’est pas toujours comprise.

La presse à pneumatiques est un exemple de machine à propos de laquelle on s’entend rarement sur le moment d’arrêt approprié et sur la méthode à suivre. Si l’arrêt complet d’une presse pour des réparations importantes se justifie de lui-même, il est beaucoup plus difficile de se mettre d’accord sur cette procédure lorsqu’il s’agit de changer le moule et la vessie, de nettoyer l’appareil ou de débloquer une pièce, par exemple.

La machine à assembler les pneumatiques pose aussi des problèmes en ce qui concerne l’application de la procédure d’arrêt. Un grand nombre des accidents qu’elle provoque n’ont pas pour victimes le personnel d’entretien, mais les conducteurs et les techniciens en train de faire des réglages, de changer les tambours, de charger ou de décharger du caoutchouc et de supprimer des bourrages, ainsi que les travailleurs chargés du nettoyage.

S’il prend du temps et s’il est difficile à mettre en œuvre, l’arrêt des installations ne peut guère être efficace. Il faut donc, si possible, installer le dispositif de coupure de l’alimentation directement sur les machines, afin d’éviter les problèmes d’identification et d’éliminer ou de limiter le risque que quelqu’un se trouve dans la zone de danger au moment de la remise en route. Même après avoir fait les changements nécessaires pour faciliter la détection du problème, la procédure d’arrêt ne peut être considérée comme terminée tant qu’on n’a pas vérifié qu’on a effectivement coupé la bonne source d’alimentation. En présence d’un câblage électrique, il faut s’assurer, après avoir actionné le disjoncteur, que toute l’installation a bien été neutralisée.

Une bonne procédure d’arrêt des installations remplit les conditions suivantes:

LES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Robert L. Harris

Dans les années vingt et trente, on a observé au Royaume-Uni que le taux de mortalité était plus élevé chez les travailleurs du caoutchouc que dans la population en général, et que cette surmortalité était imputable au cancer. Parmi les milliers de substances entrant dans la fabrication des produits en caoutchouc, on ignorait alors si certaines pouvaient être en cause, et lesquelles. A la longue, les préoccupations suscitées par la santé des travailleurs de ce secteur ont conduit les employeurs et les travailleurs de l’industrie américaine du caoutchouc à mettre en place plusieurs programmes de recherche en matière de santé au travail en collaboration avec l’Université Harvard et l’Université de Caroline du Nord. Ces efforts, qui se sont poursuivis jusqu’à la fin des années soixante-dix, ont ensuite cédé la place à des programmes paritaires de surveillance et de prévention fondés, du moins en partie, sur les conclusions des chercheurs.

Le programme de recherche de Harvard était globalement axé sur la mortalité dans l’industrie caoutchoutière (Monson et Nakano, 1976a, 1976b; Delzell et Monson, 1981a, 1981b; Monson et Fine, 1978) et sur les maladies respiratoires (Fine et Peters, 1976a, 1976b, 1976c; Fine et coll., 1976). Une synthèse de ces travaux a été publiée (Peters et coll., 1976).

De leur côté, les chercheurs de l’Université de Caroline du Nord ont entrepris une série d’études épidémiologiques et environnementales. Les premiers travaux, essentiellement descriptifs, portaient sur la mortalité et les conditions de travail des travailleurs du caoutchouc (McMichael, Spirtas et Kupper, 1974; McMichael et coll., 1975; Andjelkovich, Taulbee et Symons, 1976; Gamble et Spirtas, 1976; Williams et coll., 1980; Van Ert et coll., 1980). Par la suite, la plupart des études ont été consacrées à une analyse des liens entre exposition professionnelle et maladie (McMichael et coll., 1976a, 1976b; McMichael, Andjelkovich et Tyroler, 1976; Lednar et coll., 1977; Blum et coll., 1979; Goldsmith, Smith et McMichael, 1980; Wolf et coll., 1981; Checkoway et coll., 1981; Symons et coll., 1982; Delzell, Andjelkovich et Tyroler, 1982; Arp, Wolf et Checkoway, 1983; Checkoway et coll., 1984; Andjelkovich et coll., 1988). Celles qui ont révélé l’existence d’une relation entre l’exposition à des vapeurs de solvants hydrocarburés et certains cancers (McMichael et coll., 1975; McMichael et coll., 1976a; Wolf et coll., 1981; Arp, Wolf et Checkoway, 1983; Checkoway et coll., 1984) ainsi qu’entre l’exposition à des particules en suspension dans l’air et certaines affections pulmonaires (McMichael, Andjelkovich et Tyroler, 1976; Lednar et coll., 1977) méritent d’être signalées.

A l’Université de Caroline du Nord, les premières études analytiques sur la leucémie ont fait ressortir un nombre de cas anormalement élevé chez les travailleurs du caoutchouc exposés à des solvants (McMichael et coll., 1975). On a immédiatement soupçonné le benzène, solvant autrefois couramment employé dans l’industrie et connu pour causer la leucémie. Cependant, des analyses plus poussées ont montré que les leucémies observées étaient essentiellement du type lymphoïde, alors que l’exposition au benzène était généralement associée à des myéloblastoses (Wolf et coll., 1981). On a alors supposé qu’un autre agent était à l’origine de cette surmortalité. Un examen très détaillé des dossiers relatifs aux solvants employés dans une grande entreprise et à leur provenance a montré que les leucémies lymphocytaires étaient beaucoup plus étroitement liées à l’utilisation de solvants dérivés de la houille, dont le benzène et le xylène, qu’à celle de solvants à base de pétrole (Arp, Wolf et Checkoway, 1983). De façon générale, les solvants dérivés de la houille sont contaminés par des hydrocarbures aromatiques polynucléaires, y compris des composés connus pour provoquer des leucémies lymphocytaires chez des animaux de laboratoire. D’autres analyses réalisées dans le cadre de cette étude indiquent l’existence d’une association encore plus nette de la leucémie lymphocytaire avec l’exposition au sulfure de carbone et au tétrachlorure de carbone qu’avec l’exposition au benzène (Checkoway et coll., 1984). L’exposition au benzène présente un danger et il convient donc, autant que possible, de l’éliminer ou de la limiter. Cependant, il serait probablement erroné de conclure que l’élimination du benzène de la fabrication du caoutchouc supprimerait la surmortalité par leucémie, notamment lymphocytaire, parmi les travailleurs de ce secteur.

L’Université de Caroline du Nord a effectué des études distinctes sur les travailleurs du caoutchouc qui avaient pris leur retraite pour cause d’incapacité. On a constaté que la probabilité de voir des maladies pulmonaires invalidantes comme l’emphysème se développer chez les travailleurs employés à la vulcanisation du caoutchouc, à la préparation du mélange, à la finition et au contrôle était plus élevée que parmi d’autres catégories professionnelles (Lednar et coll., 1977). Toutes ces tâches exposent en effet au risque d’inhalation de poussières et de fumées. Ces mêmes études ont en outre révélé que la probabilité d’une mise à la retraite pour cause d’affection pulmonaire invalidante était deux fois plus élevée chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, y compris parmi les travailleurs les plus exposés du fait de leurs fonctions.

A peu près à la même époque étaient menées des études épidémiologiques dans l’industrie du caoutchouc en Europe et en Asie (Fox, Lindars et Owen, 1974; Fox et Collier, 1976; Nutt, 1976; Parkes et coll., 1982; Sorahan et coll., 1986; Sorahan et coll., 1989; Kilpikari et coll., 1982; Kilpikari, 1982; Bernardinelli, de Marco et Tinelli, 1987; Negri et coll., 1989; Norseth, Anderson et Giltvedt, 1983; Szeszenia-Dabrowska et coll., 1991; Solionova et Smulevich, 1991; Gustavsson, Hogstedt et Holmberg, 1986; Wang et coll., 1984; Zhang et coll., 1989) qui se sont poursuivies après celles de Harvard et de l’Université de Caroline du Nord. Elles ont révélé dans l’ensemble une incidence anormale de cancers, tels que le cancer du poumon (Fox, Lindars et Owen, 1974; Fox et Collier, 1976; Sorahan et coll., 1989; Szeszenia-Dabrowska et coll., 1991; Solionova et Smulevich, 1991; Gustavsson, Hogstedt et Holmberg, 1986; Wang et coll., 1984), associée dans quelques cas au travail dans les ateliers de vulcanisation. Cette observation a été confirmée par quelques études menées aux Etats-Unis (Monson et Nakano, 1976a; Monson et Fine, 1978), mais pas par d’autres (Delzell, Andjelkovich et Tyroler, 1982; Andjelkovich et coll., 1988).

Une étude de la mortalité observée dans une cohorte de travailleurs allemands (Weiland et coll., 1996) a mis en évidence des taux particulièrement élevés, toutes causes et tous cancers confondus. La surmortalité est apparue significative pour le cancer du poumon et de la plèvre, et elle atteignait presque le seuil statistiquement significatif pour la leucémie.

Une étude comparative de cas sur le cancer du système lymphatique et hématopoïétique dans huit unités de caoutchouc butadiène-styrène a fait apparaître un lien très marqué entre la mortalité par leucémie et l’exposition au butadiène. D’après les conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le 1,3-butadiène est probablement cancérogène chez l’humain (CIRC, 1992). Une étude épidémiologique plus récente confirme la surmortalité par leucémie chez les travailleurs du caoutchouc exposés au butadiène (Delzell et coll., 1996).

Les études épidémiologiques menées au fil des ans dans l’industrie du caoutchouc ont permis de recenser les risques et d’améliorer la prévention. En ce qui concerne les maladies professionnelles, le plus urgent est aujourd’hui de parvenir à une meilleure connaissance du passé des sujets étudiés en matière d’exposition. Tel est l’objet des améliorations actuellement apportées aux techniques de recherche et aux bases de données. Certains rapports de causalité restent à vérifier, mais les progrès constants de l’épidémiologie contribueront sans aucun doute à une meilleure prévention des risques présents dans l’industrie du caoutchouc et, par conséquent, à une amélioration de la santé des travailleurs.

Remerciements. Je tiens à signaler le travail de pionnier accompli par Peter Bommarito, ex-président de la United Rubber Workers Union, qui est l’instigateur des recherches menées aux Etats-Unis dans les années soixante-dix et quatre-vingt sur la santé des travailleurs de l’industrie caoutchoutière.

LA DERMITE DE CONTACT ET L’ALLERGIE AU LATEX

James S. Taylor et Yung Hian Leow

La dermite de contact

Des affections cutanées sont fréquemment signalées chez les travailleurs ayant un contact direct avec le caoutchouc et avec les centaines de produits chimiques utilisés dans cette industrie. Parmi ces réactions, mentionnons la dermite de contact d’irritation, la dermite de contact allergique, l’urticaire de contact (papules ortiées), l’aggravation de maladies de la peau préexistantes et d’autres affections cutanées moins courantes comme la folliculite, la xérodermie (dessèchement de la peau), la fièvre miliaire (éruptions dues à la sueur) et la dépigmentation provoquée par certains dérivés du phénol.

La dermite de contact d’irritation, réaction la plus fréquente, est causée soit par une forte exposition à des produits chimiques agressifs, soit par des expositions répétées à des irritants plus faibles comme ceux que l’on rencontre dans toutes les tâches qui font intervenir des solutions aqueuses ou avec usage répété de solvants. La dermite de contact allergique est une réaction retardée provoquée par les accélérateurs, agents de vulcanisation, antioxydants et produits antiozone ajoutés au mélange pendant la fabrication du caoutchouc. Ces substances chimiques, souvent présentes dans le produit fini, peuvent engendrer une dermite de contact aussi bien chez l’utilisateur final que chez les travailleurs du caoutchouc, notamment aux postes des malaxeurs Banbury, des calandres et des extrudeuses, et aux postes d’assemblage.

Certains travailleurs sont atteints d’une dermite de contact parce qu’il leur est impossible de porter un équipement de protection contre les produits chimiques. D’autres sont allergiques à l’équipement lui-même, le plus souvent aux gants en caoutchouc. Un test épicutané provoquant une réaction positive à l’allergène soupçonné constitue le meilleur moyen diagnostique permettant de faire la différence entre une dermite de contact allergique et une dermite de contact d’irritation. Il faut savoir qu’une dermite de contact allergique n’interdit pas la présence d’une dermite de contact d’irritation et d’autres affections cutanées.

La prévention de la dermite repose sur diverses mesures telles que l’automatisation du malaxage et l’utilisation de prémélanges, l’aspiration des matières nocives, le remplacement des allergènes connus par d’autres substances et l’amélioration des techniques de manutention pour limiter le contact cutané.

L’allergie au latex de caoutchouc naturel (LCN)

L’allergie au LCN est une réaction allergique immédiate du type I ayant pour origine l’immunoglobuline E et qui est presque toujours due à la présence de protéines du LCN dans des instruments médicaux ou non médicaux en latex. L’éventail des signes cliniques est large: urticaire de contact, urticaire généralisé, rhinite allergique (inflammation des muqueuses nasales), conjonctivite allergique, œdème (gonflement important), asthme (respiration sifflante) et choc anaphylactique (réaction allergique grave qui met en danger la vie du sujet). Les patients atteints d’un spina bifida, les travailleurs de la santé et les personnes professionnellement exposées au LCN sont les sujets qui courent le plus grand risque. Les facteurs prédisposants sont l’eczéma des mains, la rhinite allergique, la conjonctivite allergique ou l’asthme chez les personnes qui portent fréquemment des gants, l’exposition des muqueuses au LCN et les actes chirurgicaux répétés. Aux Etats-Unis, l’Administration fédérale de contrôle des denrées alimentaires et des produits pharmaceutiques (Food and Drug Administration (FDA)) a eu connaissance de 15 décès consécutifs à une exposition au LCN pendant un lavement baryté. La voie empruntée par les protéines de LCN est donc importante: il peut s’agir non seulement d’un contact direct avec une peau saine ou enflammée, mais aussi d’une exposition des muqueuses, par inhalation ou autrement, à du talc pour gants contenant du LCN, notamment dans les établissements médicaux et les blocs opératoires. C’est pourquoi l’allergie au LCN pose dans le monde entier un grave problème tant sur le plan médical que sur celui de la santé publique et professionnelle et de la réglementation, le nombre de cas ayant considérablement augmenté depuis le milieu des années quatre-vingt.

Il est fortement conseillé d’effectuer des tests de détection de l’allergie au LCN chez les personnes qui sont sujettes à un angio-œdème des lèvres lorsqu’elles gonflent un ballon ou qui présentent des démangeaisons, des brûlures, de l’urticaire ou font un choc anaphylactique après avoir enfilé des gants, subi un acte chirurgical, médical ou dentaire, ou après avoir été en contact avec un préservatif ou tout autre objet en LCN. Le diagnostic est confirmé par une réaction positive à l’utilisation de gants en LCN (test de contact), une intradermoréaction positive au LCN ou un RAST («radioallergosorbent test») positif au latex. Il arrive que ces tests provoquent de graves réactions allergiques; c’est pourquoi il importe, lors de ces examens, de disposer d’une épinéphrine et d’un matériel de réanimation ne contenant pas de LCN.

L’allergie au LCN peut aller de pair avec des réactions allergiques à des fruits, en particulier aux bananes, aux châtaignes et aux avocats. L’hyposensibilisation au LCN n’étant pas encore possible, il est impératif d’éviter ou d’éliminer le LCN. S’agissant de la prévention dans les établissements de santé, on veillera, par exemple, à ne pas mettre le personnel et les patients à risque en contact avec du latex. Pour cela, on leur fournira des gants faits dans une autre matière synthétique et on conseillera aux collègues des employés allergiques de porter des gants à faible pouvoir allergisant afin de réduire les symptômes et de limiter le déclenchement des allergies au LCN. Il est nécessaire que les pouvoirs publics, l’industrie et les professionnels de la santé continuent de coopérer pour lutter contre les allergies au latex, comme il est mentionné au chapitre no 97, «Les établissements et les services de santé», de la présente Encyclopédie.

L’ERGONOMIE

William S. Marras

L’ergonomie est l’étude scientifique des relations entre l’être humain et son milieu de travail. Elle comprend non seulement une évaluation des risques de la situation de travail pour l’appareil musculo-squelettique, mais aussi un examen des processus cognitifs qui, au travail, peuvent conduire à des erreurs humaines.

Il est établi que les travailleurs du caoutchouc et de l’industrie du pneumatique sont plus particulièrement exposés à certains troubles du système musculo-squelettique, notamment aux dorsalgies. D’après une étude portant sur une série de travaux de manutention, la fréquence des lésions lombaires associées aux tâches les plus pénibles est plus élevée d’environ 50% dans le secteur du pneumatique et du caoutchouc que dans le reste de l’industrie. Une analyse des tâches en question montre que les problèmes sont généralement liés au transport manuel de charges, en particulier lors des opérations de transformation (opérateurs de malaxeurs Banbury), d’assemblage et de finition des pneumatiques, et de manutention à l’usine et dans les entrepôts. Les lésions du poignet, comme le syndrome du canal carpien et la ténosynovite, sont aussi fréquentes dans les ateliers de montage des pneumatiques. Il suffit d’observer le processus de fabrication pour se rendre compte que les épaules constituent un autre point vulnérable. Pourtant, et on ne saurait en être surpris, les dossiers médicaux des entreprises sous-estiment généralement la réalité faute d’attention portée à ce risque. Enfin, certains problèmes d’ordre cognitif semblent se poser dans l’industrie du pneumatique, au stade de l’inspection, et ils sont souvent aggravés par un mauvais éclairage.

Plusieurs facteurs de risque concourent apparemment à ces troubles musculo-squelettiques: postures statiques et incorrectes du dos, des épaules et des poignets, mouvements rapides du poignet et du dos, manipulation de lourdes charges, efforts importants exercés au niveau du tronc pendant la manutention de grosses pièces de caoutchouc dans les ateliers de montage des pneumatiques. Il ressort d’une étude des facteurs en rapport avec les risques de troubles lombaires que les travailleurs des usines de montage de pneumatiques manipulent des charges plus lourdes que dans les autres secteurs, et qu’ils les portent à une distance du corps supérieure à la moyenne. En outre, ces gestes sont souvent effectués dans des positions asymétriques et de flexion, et la pénibilité du travail est aggravée par la durée des efforts répétés qui diminuent à la longue la force du sujet. Enfin, les postes de travail dans l’industrie du pneumatique et du caoutchouc sont souvent situés dans des locaux surchauffés, sales et poussiéreux. La chaleur tend à augmenter la demande calorique et donc énergétique du travail, et la présence de résines et de poussières oblige souvent les travailleurs à porter des gants, ce qui ajoute à la tension subie par les muscles de l’avant-bras qui commandent les doigts. En outre, les travailleurs qui portent des gants serrent plus fortement les objets qu’ils tiennent pour éviter de les laisser tomber. Il existe des solutions à ces problèmes ergonomiques, dont l’une consiste simplement à réorganiser le lieu de travail (en relevant ou en abaissant, par exemple, le plan de travail ou en déplaçant le poste pour éliminer les grands mouvements de torsion ou de flexion latérale du tronc — opération qu’il est souvent possible d’effectuer en ramenant de 180 à 90° l’angle compris entre le point d’origine et le point de destination de l’objet à soulever). Des changements plus radicaux sont parfois nécessaires: installation de postes de travail réglables, tels que ciseaux à vérin ou tables élévatrices, ajout d’appareils de levage (monte-charges, élévateurs, etc.), automatisation intégrale des tâches. Certains de ces aménagements ont évidemment un coût élevé. La clé d’une bonne solution ergonomique est donc de ne faire que les changements nécessaires en fonction de leur incidence sur les risques de troubles musculo-squelettiques. Heureusement, on peut maintenant faire appel à de nouvelles méthodes pour mesurer les risques associés à l’organisation du lieu de travail. Il existe ainsi un modèle d’évaluation des risques de troubles lombaires en fonction des contraintes du poste (Marras et coll., 1993, 1995) et d’autres outils pour calculer la charge imposée à la colonne vertébrale par les mouvements dynamiques du tronc (Marras et Sommerich, 1991; Granata et Marras, 1993). On dispose donc aujourd’hui de moyens d’analyse des situations de travail susceptibles d’apporter une réponse ergonomique à la question des risques excessifs d’exposition sur le lieu de travail.

LES PROBLÈMES D’ENVIRONNEMENT ET DE SANTÉ PUBLIQUE

Thomas Rhodarmer

Tous les produits en caoutchouc sont fabriqués à partir d’un mélange composé d’un polymère naturel ou d’un polymère synthétique choisi parmi de très nombreuses variétés auquel on ajoute divers ingrédients tels que charges, plastifiants, antioxydants, adjuvants, activateurs, accélérateurs et agents de vulcanisation. Un grand nombre de ces substances sont des produits chimiques dangereux ou toxiques et certaines figurent sur la liste des cancérogènes. Leur manipulation et leur transformation comportent donc des risques pour la sécurité et l’environnement.

Les déchets dangereux

Des systèmes de ventilation et des collecteurs de poussières doivent donc être installés dans les locaux où les travailleurs sont appelés à manipuler et à peser les produits chimiques, ainsi que dans les ateliers de malaxage et de transformation du caoutchouc avant vulcanisation. Pour toutes ces tâches, les travailleurs doivent aussi porter un équipement de protection individuelle. Il est indispensable de vérifier si les matières recueillies dans les collecteurs de poussières présentent un caractère dangereux: déchets réactifs, corrosifs, inflammables ou contenant des produits chimiques classés dans la catégorie des déchets toxiques.

Les déchets classés dangereux doivent être répertoriés par écrit et éliminés dans une décharge réglementée prévue à cet effet. Les déchets non classés peuvent être mis en décharge contrôlée ou en décharge industrielle, selon les règles applicables en matière d’environnement.

La pollution atmosphérique

La fabrication de certains produits suppose l’application d’une dissolution de caoutchouc à base de solvant. La plupart des solvants utilisés dans ce cas appartiennent à la classe des composés organiques volatils (COV), dont l’utilisation exige impérativement la présence d’un système de réduction des émissions, comme un récupérateur de solvants ou un incinérateur. Un incinérateur détruit les COV par combustion; il requiert habituellement l’apport d’un carburant tel que le gaz naturel. Sans installation de ce type, les COV peuvent engendrer des problèmes de santé à l’intérieur des usines et dans leur voisinage. Les COV qui réagissent chimiquement à la lumière altèrent la couche d’ozone.

L’ouverture des appareils de vulcanisation au cours du processus s’accompagne de dégagements importants de fumées ou de vapeurs qui peuvent transporter dans l’atmosphère des substances chimiques, des plastifiants, des lubrifiants et d’autres matériaux qui ne sont pas entrés en réaction. Une limitation de ces émissions s’impose.

La pollution du sol et de l’eau

Les COV doivent être stockés et manipulés avec les plus grandes précautions. Autrefois, on les entreposait dans des réservoirs souterrains, dont les fuites ou déversements accidentels avaient généralement pour effet de contaminer le sol et la nappe phréatique et d’exiger, ensuite, de coûteuses mesures de réhabilitation. La meilleure solution consiste en fait à entreposer les COV dans des réservoirs en surface dotés de cuves de rétention secondaire adaptées pour contenir les déversements.

Les déchets de caoutchouc

Tout processus industriel crée des déchets au stade tant de la fabrication que de la finition. Certains peuvent être recyclés dans la production qui les a engendrés ou servir de matière pour d’autres produits, mais une fois cuit ou vulcanisé, le caoutchouc ne peut pas être retraité. Après cuisson, tous les déchets de produits finis ou non sont bons à jeter. L’élimination des déchets de caoutchouc est devenue un problème mondial.

Tous les ménages et toutes les entreprises de la planète consomment sous une forme ou une autre des produits à base de caoutchouc. La plupart de ces produits appartenant à la catégorie des matières non dangereuses, leurs déchets ne présentent donc théoriquement aucun risque. Pourtant, lorsqu’ils sont hors d’usage, l’élimination de certains d’entre eux, comme les pneumatiques, les tuyaux et conduites, pose un problème d’ordre environnemental.

Les pneumatiques et les conduites ne peuvent être enterrés parce que le vide qu’ils renferment se remplit d’air et les fait remonter à la surface au fil du temps. Leur déchiquetage remédie à ce problème, mais c’est une opération très coûteuse qui exige un équipement spécial.

La combustion lente des pneumatiques dégage de grandes quantités d’une fumée irritante qui contient un large éventail de substances chimiques et de particules toxiques.

L’incinération des déchets de caoutchouc

L’incinération est l’un des moyens dont on dispose pour éliminer les déchets des produits finis et des produits intermédiaires en caoutchouc. A première vue, c’est même la solution qui semble la meilleure pour se débarrasser de la masse de caoutchouc «usé» aujourd’hui accumulée dans le monde. Certains industriels y ont vu la possibilité de détruire l’ensemble de leurs déchets, tout en récupérant la vapeur produite comme source d’énergie.

Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. L’incinérateur doit être conçu de manière à filtrer les matières rejetées dans l’air, en particulier le chlore dégagé par la combustion de produits contenant des polymères chloroprènes. Il faut se rappeler également que les épurateurs utilisés à cette fin dégagent des acides qui devront eux aussi être neutralisés.

Presque tous les mélanges de caoutchouc contiennent des charges: noir de carbone, argiles, carbonates de calcium, composés de silice hydratés. Quand on les brûle, ces mélanges produisent une quantité de cendres équivalente à la charge qu’ils renferment. Les cendres sont recueillies dans des épurateurs par voie humide ou à sec, et il faut s’assurer qu’elles ne comportent pas de métaux lourds avant de s’en débarrasser. Les eaux résiduaires des épurateurs par voie humide ont généralement une teneur en zinc comprise entre 10 et 50 ppm. Si ce zinc est déversé dans les égouts, il faut que la station de traitement soit équipée d’un système d’extraction adapté et que les boues produites par ce système, qui contiendront du zinc, soient ensuite évacuées.

Quant aux épurateurs à sec, ils donnent des cendres qu’il est nécessaire de ramasser pour les éliminer. Humides ou sèches, ces cendres sont difficiles à manipuler, et leur élimination peut poser un problème, car la plupart des décharges refusent ce genre de déchets. Elles peuvent être extrêmement alcalines si le mélange de caoutchouc qu’on brûle présente une forte teneur en carbonate de calcium.

Enfin, la quantité de vapeur produite n’est pas suffisante pour alimenter en énergie une fabrique de caoutchouc. Le volume de déchets varie et, comme on s’efforce aujourd’hui de le réduire, cela ne peut que faire diminuer la quantité de combustible susceptible d’être utilisée. En outre, le coût d’entretien d’un incinérateur conçu pour brûler à la fois des déchets de fabrication et des produits en caoutchouc est très élevé.

Bref, quand on tient compte de tout ce qu’elle implique sur le plan financier, on s’aperçoit que l’incinération est peut-être la moins rentable des méthodes d’élimination des déchets du caoutchouc.

Conclusion

Face aux problèmes d’environnement et de santé publique engendrés par la fabrication des produits en caoutchouc, la meilleure solution consiste peut-être en une bonne maîtrise technique de la production et de la préparation des poudres chimiques utilisées dans les mélanges de caoutchouc, associée à la mise en place de programmes de recyclage pour tous les déchets et sous-produits du caoutchouc cuits et non cuits. Ainsi, les poudres chimiques recueillies dans les collecteurs de poussières pourraient être réutilisées dans le processus de fabrication à condition qu’on se dote des moyens de prévention technique appropriés, de façon à éviter leur mise en décharge.

Il existe des remèdes aux problèmes d’environnement et de santé publique qui se posent dans l’industrie du caoutchouc, mais ils ne sont ni simples ni gratuits, et leur coût doit être ajouté au prix de revient des produits manufacturés.

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