La chasse et le piégeage des animaux sauvages sont deux activités humaines dont lorigine remonte à la nuit des temps et qui perdurent sous diverses formes dans le monde. Elles ont toutes deux pour but de capturer et de tuer certaines espèces cibles qui vivent dans des habitats sauvages ou relativement intacts. On chasse toutes sortes despèces animales. Le petit gibier, comme le lièvre, le lapin et lécureuil, est chassé dans le monde entier. Parmi le gros gibier, qui fait souvent lobjet de la convoitise des chasseurs, on signalera les cervidés, les antilopes, les ours et les grands fauves. En ce qui concerne le gibier à plume, les espèces les plus appréciées des chasseurs sont la sauvagine et le faisan. Le piégeage est limité aux animaux à fourrure ayant une valeur marchande ou une utilité pour les trappeurs. Dans les zones tempérées nordiques, le castor, le rat musqué, le vison, le loup, le lynx roux, le lynx et le raton laveur font lobjet dun piégeage intensif.
La chasse est laffût et la mise à mort danimaux sauvages, généralement pour se nourrir, se vêtir ou se divertir. Depuis peu, la chasse est considérée, dans certains cas, comme un moyen de maintenir la continuité dune culture indigène. Cest notamment ce qui explique la reprise de la chasse de subsistance à la baleine boréale dans le nord de lAlaska. Les chasseurs utilisent généralement des armes à projectiles telles que le fusil de chasse, la carabine ou larc. Les trappeurs sont plus spécialisés et doivent capturer quantité de mammifères à fourrure sans endommager la peau. Le collet et lassommoir sont employés depuis des millénaires. Pour certaines espèces, le piège à mâchoires (capitonnées ou non) est toujours dusage courant, mais pour dautres, on se sert de préférence des pièges mortels de type Conibear.
Il subsiste dans le monde des sociétés traditionnelles où la chasse demeure une activité de survie individuelle qui na pratiquement pas changé depuis lère antérieure à lavènement de lélevage et de lagriculture. De nos jours, cependant, la plupart des chasseurs pratiquent la chasse comme un sport; certains chasseurs ou trappeurs professionnels en tirent une partie de leurs revenus, mais rares sont ceux qui exercent cette activité à plein temps. Le commerce lié à la chasse et au piégeage a probablement débuté par le troc de la chair et des peaux excédentaires. Il sest progressivement transformé en une série dactivités spécialisées, mais interdépendantes telles que le tannage, la préparation des peaux et des fourrures, la confection de vêtements, la production de matériel et déquipement de chasse, de piégeage et de plein air, auxquelles viennent se greffer également le métier de guide professionnel et la protection de la faune.
Ainsi que lattestent lévolution de la faune, le sort des peuples indigènes et le caractère de bien des nations aujourdhui, la quête des fourrures sauvages dans un but commercial a exercé une influence déterminante sur le cours de lhistoire durant les derniers siècles (voir Hinnis, 1973). Une des caractéristiques permanentes du commerce des fourrures est que la demande et, par conséquent, les prix peut fluctuer considérablement. Ainsi, du fait de lévolution de la mode en Europe pendant les premières décennies du XIXe siècle, les chapeaux en feutre, fabriqués à base de fourrure de castor, ont été remplacés par des chapeaux en soie, et ce fut la fin de la belle époque des montagnards des Rocheuses en Amérique du Nord. Linfluence dune telle évolution sur des personnes qui vivent de la récolte de la fourrure peut être brutale et avoir de graves conséquences. Les manifestations publiques organisées contre labattage à coups de gourdin des bébés phoques du Groenland dans la région ouest de lAtlantique Nord, au cours des années soixante-dix, ont eu des conséquences économiques et sociales catastrophiques pour certaines petites localités côtières de la province de Terre-Neuve, au Canada.
Le piégeage et la chasse jouent encore un rôle économique important dans bien des régions rurales. Les dépenses liées à ces activités peuvent atteindre des sommes considérables. En 1991, les chasseurs américains de gros gibier, dont le nombre était évalué à 10,7 millions, ont dépensé 5,1 milliards de dollars E.-U. pour leurs déplacements et leur équipement (US Department of the Interior, Fish and Wildlife Service et US Department of Commerce, Bureau of the Census, 1993).
La chasse professionnelle est devenue rare dans les pays développés (si lon excepte les guides de métier) et elle se limite généralement à des opérations de tri éliminatoire (chez les prédateurs ou en cas de surpopulation chez les ongulés) et au contingentement des colonies danimaux nuisibles (les alligators, par exemple). Autrement dit, la chasse est aujourdhui en grande partie une activité de subsistance ou un divertissement, tandis que le piégeage reste une activité rémunératrice en milieu rural. La plupart des chasseurs et des trappeurs sont des hommes. En 1991, 92% des 14,1 millions de personnes (âgées de 16 ans ou plus) pratiquant la chasse aux Etats-Unis étaient de sexe masculin. La chasse et le piégeage attirent des personnes vigoureuses, de caractère indépendant, qui aiment travailler et vivre à la campagne. Ce sont deux activités traditionnelles pour de nombreuses familles rurales dans lesquelles les parents ou les aînés apprennent aux jeunes à chasser ainsi quà préparer la nourriture, les peaux et les vêtements. Cest aussi une activité saisonnière qui apporte un complément alimentaire et qui, dans le cas du piégeage, assure des rentrées dargent. La connaissance approfondie des habitudes du gibier et laptitude à vivre dans la nature sont de précieux atouts. Un moyen de transport efficace vers les zones de chasse et de piégeage est également impératif.
La chasse consiste à repérer et à approcher de près un animal sauvage, puis à le tuer, en appliquant une série de règles officielles et de règles tacites (Ortega y Gasset, 1985). Le déplacement jusquà la zone de chasse représente souvent une dépense importante, surtout pour les chasseurs qui viennent des grandes villes. Le transport est également une source majeure de risques professionnels. Les accidents dautomobile, davion léger et dembarcation, comme ceux qui peuvent arriver avec les chevaux, les véhicules tout terrain et les véhicules de transport sur la neige sont autant de dangers potentiels, sans oublier les intempéries et les difficultés du terrain. Il est aussi toujours possible de se perdre en pleine nature. Les chasseurs à la poursuite despèces cynégétiques dangereuses comme les ours, les éléphants et les buffles sont constamment sous la menace dune attaque. Dans les petites cabanes ou les tentes, les incendies, lintoxication au monoxyde de carbone et les accidents dus à lutilisation du propane sont des risques omniprésents. Les chasseurs comme les trappeurs risquent à tout moment de se blesser en manipulant des objets tranchants et, dans le cas des chasseurs à larc, des flèches à pointe large. Les accidents dus aux armes à feu sont également une cause connue de lésions et de décès chez les chasseurs, malgré des efforts de prévention incessants.
Les trappeurs sont généralement exposés aux mêmes dangers que les chasseurs. En outre, dans les régions circumpolaires, les cas dengelures et dhypothermie sont plus fréquents. Les risques de chute dans les lacs et les rivières couverts de glace durant lhiver sont également très élevés. Certains trappeurs parcourent de longues distances seuls et doivent manipuler leurs pièges avec précaution, dans des conditions souvent pénibles. Une erreur peut entraîner la luxation ou la fracture dun ou de plusieurs doigts, voire dun bras. De plus, la morsure dun animal capturé vivant nest jamais à exclure. Les attaques de renards atteints de la rage ou danimaux de grande taille tels que des ours ou des élans pendant la saison des amours sont exceptionnelles, mais non inconnues. Lécorchage et la manipulation de la fourrure exposent les trappeurs à des coupures, voire à des maladies.
Les armes à feu sont léquipement de base de pratiquement tous les chasseurs. Les fusils de chasse et les carabines modernes sont les plus en vogue, mais la chasse à larme de poing ou aux armes primitives à chargement par la bouche est devenue plus fréquente dans certains pays développés depuis le début des années soixante-dix. Toutes ces armes sont essentiellement des plates-formes de lancement et de pointage dun seul projectile (une balle ) ou, dans le cas des fusils de chasse, dune gerbe de petits projectiles à courte portée (appelés plombs ). La portée utile dépend du type darme à feu utilisé et de lhabileté du chasseur. Elle peut aller de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres dans la plupart des conditions. Les balles de fusil peuvent encore causer des dégâts ou des blessures à plusieurs milliers de mètres.
La majeure partie des accidents de chasse dus aux armes à feu surviennent lorsque larme se décharge accidentellement ou lorsque la victime na pas été vue par le tireur. Les fabricants actuels darmes à feu utilisées pour la chasse et le piégeage sont parvenus, à quelques exceptions près, à produire un équipement techniquement sûr et fiable, à des prix concurrentiels. De très gros efforts ont été faits pour améliorer le dispositif de sécurité des armes afin déviter les décharges accidentelles, mais la prudence dans lutilisation des armes à feu est toujours de rigueur. Les armuriers, les pouvoirs publics et les groupes privés tels que les clubs de chasse se sont tous efforcés daccroître la sécurité des armes à feu et la protection des chasseurs en mettant surtout laccent sur lentreposage, lutilisation et la manipulation sans danger des armes à feu.
Selon la définition adoptée par lAssociation internationale de formation des chasseurs (International Hunter Education Association (IHEA)), est considéré comme un accident de chasse «tout événement attribué directement ou indirectement à une arme à feu ou à un arc, qui entraîne des blessures ou le décès dune ou de plusieurs personnes à la suite dactes dune autre personne pendant la chasse» (IHEA, 1995). En 1995, 17 millions de personnes se sont fait délivrer un permis de chasse aux Etats-Unis (Alaska non compris); la même année, 107 décès et 1 094 blessures causés par des accidents de chasse ont été déclarés à lIHEA. Le type daccident le plus courant est celui où la victime na pas été vue par le tireur. On a constaté que le port de vêtements de couleur orange vif ou orange chasseur réduit le nombre daccidents de ce genre dans les Etats où il est obligatoire. Le port systématique de vêtements de couleur orange vif est recommandé par lIHEA. Il est actuellement obligatoire dans 40 Etats, mais dans certains dentre eux, ce règlement ne sapplique quaux terres domaniales ou à la chasse au gros gibier. Daprès les données de lIHEA, les accidents où le chasseur se blesse lui-même viennent en deuxième position (31% du total en 1995).
Les pouvoirs publics encouragent la sécurité à la chasse et dans le maniement des armes à feu par divers moyens. Dans certains pays européens, les chasseurs doivent passer un examen écrit ou prouver leur compétence dans la chasse de telle ou telle espèce. Aux Etats-Unis, léducation des chasseurs, à laquelle on accorde une très grande importance, relève des Etats. Pour être autorisé à chasser, il est obligatoire, dans tout le pays, dêtre porteur dune carte attestant que lon a suivi une formation. Un minimum de dix heures dinstruction est exigé. La formation porte notamment sur les responsabilités du chasseur, la préservation de la faune, les armes à feu, la déontologie cynégétique, les types de chasse, la survie et les soins durgence.
Au cours des dernières décennies, la performance des arcs composites a mis la chasse à larc à la portée de millions de chasseurs sportifs. Ces arcs sont munis dun système de poulies et de câbles qui réduisent considérablement la force et lentraînement nécessaires pour chasser avec les arcs classiques. Les chasseurs à larc utilisent des flèches dont les extrémités sont tranchantes comme une lame de rasoir. Les deux types daccidents courants dans la pratique de ce genre de chasse sont les coupures dues aux pointes de flèche et les chutes sur des pointes de flèche non protégées. Pour obtenir de bons résultats à la chasse à larc, une connaissance approfondie de la faune et des techniques daffût est indispensable. Il faut généralement être au maximum à 30 mètres de lanimal pour avoir des chances de latteindre.
La production mondiale de fourrure sauvage vient principalement de deux régions: lAmérique du Nord et lex-Union soviétique. Les trappeurs exploitent généralement un parcours de piégeage ou une série dendroits où sont posés un ou plusieurs dispositifs destinés à retenir ou à tuer lespèce visée sans endommager la fourrure. Les collets et les pièges (y compris les boîtes, les pièges à mâchoires et les pièges moins cruels qui étouffent lanimal) sont les plus courants. Les parcours de piégeage peuvent se limiter à quelques pièges placés à proximité du lit dun cours deau, à larrière dune habitation, ou sétendre sur plusieurs centaines de kilomètres de pistes parsemées de centaines de pièges. LAlaska Trappers Manual (Alaska Trappers Association (ATA), 1991) est un ouvrage qui décrit les techniques de piégeage utilisées à lheure actuelle dans cette région.
Dune manière générale, les trappeurs dépouillent leurs prises et vendent les peaux séchées à un acheteur de fourrures ou directement à une maison de vente aux enchères. Les peaux sont finalement vendues à un pelletier ou à un mégissier qui les prépare ou les tanne, après quoi elles sont transformées en vêtements. Les prix des fourrures sont très variables. La valeur dune peau dépend de sa taille, de la teinte souhaitée, de la qualité de la fourrure, de labsence de défauts et du marché. Les trappeurs expérimentés doivent capturer des animaux à fourrure et préparer les peaux pour la vente dune façon qui rende cette opération suffisamment rentable. Pour une étude détaillée sur lindustrie de la fourrure des animaux sauvages, voir Novak et coll. (1987).
Depuis la seconde guerre mondiale, les progrès techniques ont amélioré le sort des chasseurs et des trappeurs à maints égards, tout au moins dans les pays développés. Ils ont réduit leur isolement et rendu leur travail moins exténuant, tout en diminuant la malnutrition occasionnelle. Lamélioration des méthodes de navigation, de recherche et de sauvetage a généralement accru la sécurité dans ces professions. Les chasseurs autochtones de morses et de baleines de lAlaska, par exemple, reviennent désormais presque toujours indemnes de la chasse.
Au XXe siècle, deux facteurs importants ont sérieusement remis en cause lavenir de ces filières, à savoir la nécessité de protéger les écosystèmes et les questions éthiques soulevées par linteraction des chasseurs et des trappeurs avec les animaux sauvages. La recherche et la réglementation sont généralement les moyens privilégiés par les pouvoirs publics pour tenter de résoudre le très vieux problème de lexploitation de la faune par lhumain. La gestion de la faune est devenue une discipline scientifique vers le milieu du XXe siècle et elle a évolué pour faire place à la biologie de gestion des espèces, qui vise à préserver léquilibre des écosystèmes et la diversité génétique.
En ce qui concerne les Etats-Unis, la destruction des habitats et lexploitation commerciale du début du XXe siècle avaient contribué à lépuisement des ressources ichtyques et cynégétiques. En 1937, les chasseurs, les trappeurs et les défenseurs de la nature sont parvenus à faire adopter une loi (US Federal Aid in Wildlife Restoration Act), qui impose une taxe de 10 à 11% sur la vente des fusils de chasse, des pistolets, des carabines, des munitions et du matériel de tir à larc. Le produit de cette taxe sajoute aux recettes de la vente des permis, plaques et timbres de chasse et de piégeage.
Depuis la fin des années trente, le gouvernement fédéral a investi des millions de dollars dans la recherche sur la faune, sa conservation, sa gestion et léducation des chasseurs. Un des effets positifs de ces efforts est que les espèces fauniques dAmérique du Nord exploitées activement par les chasseurs et les trappeurs sont désormais généralement capables de supporter une chasse de subsistance. Lexpérience de laide fédérale montre que, lorsquon est disposé à financer les frais de recherche et de gestion de la faune, lavenir des espèces concernées est relativement assuré. Ce nest malheureusement pas le cas pour la plupart des écosystèmes et des espèces sauvages du monde. En ce début du nouveau siècle, la perturbation des habitats et lextinction de certaines espèces sont de véritables problèmes.
Lautre obstacle persistant est la controverse qui entoure les droits des animaux. La chasse et le piégeage, surtout à des fins récréatives ou sans rapport avec la subsistance, sont-ils des activités socialement acceptables en ce début du XXIe siècle qui sera marqué par la croissance de la population et la diminution des ressources? Ce débat de société sest intensifié depuis quelques décennies. Lun de ses aspects positifs est que les chasseurs et les trappeurs ont dû mieux exposer leur position et respecter des normes très strictes. Certaines activités que le grand public juge cruelles, comme labattage à coups de gourdin des bébés phoques du Groenland, au large des côtes de Terre-Neuve, ont été interdites ce qui a entraîné en loccurrence des coûts sociaux et économiques énormes pour les Terre-Neuviens dont cétait le mode de vie depuis des générations. La menace dinterdiction des Communautés européennes sur limportation de fourrures danimaux capturés au moyen de pièges à mâchoires a intensifié la recherche de méthodes efficaces plus humaines pour la capture de certains animaux à fourrure. Cette menace met cependant en péril un mode de vie de subsistance traditionnel en Amérique du Nord (pour plus de détails, voir Herscovici, 1985.)
Les risques associés à la chasse et au piégeage sont nombreux chutes, noyades, gelures, blessures causées par les pièges, morsures danimaux, réactions aux morsures et aux piqûres dinsectes, accidents en coupant du bois ou éblouissement. De telles mésaventures surviennent toutefois la plupart du temps chez les chasseurs et les trappeurs les moins expérimentés. Lisolement et la distance sont les principaux facteurs qui déterminent la gravité de ces risques professionnels. En effet, les chasseurs et les trappeurs travaillent souvent seuls dans des régions sauvages, éloignées de tout centre de soins et il arrive que personne ne sache exactement où ils se trouvent pendant plusieurs semaines. Une blessure, une morsure ou un autre accident bénin en temps normal peut avoir de graves conséquences dans de telles conditions.
Etant donné que les trappeurs professionnels travaillent principalement lhiver dans des régions nordiques, la réverbération du soleil sur la neige peut causer des lésions oculaires; par ailleurs, le froid peut provoquer des gelures et un abaissement dangereux de la température corporelle appelé hypothermie . Lhypothermie, dont les principaux symptômes sont leuphorie et la léthargie, peut être mortelle si elle nest pas décelée à temps. Il est essentiel de prendre les plus grandes précautions lorsquon se déplace sur des lacs et des cours deau gelés, car si la glace cède, une chute dans leau glacée peut entraîner la noyade ou lhypothermie en quelques minutes. Lexposition prolongée au froid, même sil nest pas extrême, peut également entraîner lhypothermie lorsquon nest pas correctement habillé. Les autres accidents possibles sont les blessures par cartouches ou par balles, les accidents de motoneige, les blessures que lon peut se faire en dépouillant un animal et en coupant du bois ou lors du déclenchement accidentel de pièges, les morsures ou les lésions causées par les animaux pris au piège, les serpents ou autres animaux rencontrés en chemin. En plus des risques dinfection, il est aussi possible de contracter certaines maladies transmises par les animaux.
Les chasseurs et les trappeurs peuvent être exposés à de multiples agents infectieux susceptibles de causer des maladies, notamment des zoonoses , transmises aux êtres humains par les animaux. Les zoonoses sont causées par de nombreux types de bactéries, virus, parasites et champignons. Les risques de contracter des zoonoses varient selon le lieu, la saison et les conditions de vie. Il est possible dêtre infecté directement (à la suite dune morsure ou du contact avec le sang dun animal pendant lécorchage) ou indirectement (consécutivement à une piqûre dinsecte qui transmet la maladie dun autre animal à un être humain).
La rage est une des plus graves maladies transmissibles par les animaux sauvages (généralement par morsure), parce quelle est mortelle dans pratiquement tous les cas en labsence de soins. La rage est endémique dans de nombreuses régions et peut infecter la plupart des animaux à sang chaud, tels les renards, les chiens, les chats, les chauves-souris, les ratons laveurs, les mouffettes, les loups, les ours et les castors ainsi que des animaux de grande taille, comme les caribous, les élans, les bovins et les chevaux. Le virus de la rage attaque le cerveau; par conséquent, tout animal sauvage qui semble avoir perdu la crainte de lhumain ou qui fait preuve dun comportement bizarre doit être jugé dangereux. Etant donné que le virus de la rage, à linstar de plusieurs autres virus et bactéries, se transmet par la salive, toutes les morsures danimaux doivent être lavées à fond avec de leau et du savon. Le chasseur ou le trappeur qui est mordu par un animal susceptible dêtre porteur de la rage doit immédiatement consulter un médecin et essayer de se procurer la tête de lanimal pour que des tests soient effectués.
La tularémie est une bactériose qui peut être transmise indirectement (par des tiques, des mouches à chevreuil et autres mouches piqueuses) ou directement (par morsure danimaux infectés ou lors de la manipulation de carcasses, de fourrures et de peaux danimaux infectés). Elle peut également contaminer leau et la viande. Ses symptômes, qui sapparentent à ceux de la brucellose et de la peste, sont la fièvre, les frissons, la fatigue et la tuméfaction des ganglions lymphatiques. Dans les régions où lon soupçonne la présence de cette maladie, leau destinée à la consommation doit être désinfectée. Il est recommandé de cuire à fond la chair du gibier avant de la consommer. Il faut veiller à avoir les bras et les mains toujours très propres et à prendre soin de les désinfecter. Il est conseillé de porter des gants de caoutchouc en cas de coupures ou dabrasions. Lendroit où lon manipule les carcasses, les peaux et les fourrures doit également rester propre et être désinfecté.
Le charbon bactérien est une autre bactériose qui peut infecter les trappeurs et les chasseurs, car elle sévit à létat endémique chez les animaux sauvages et domestiques dans la plupart des régions du monde. Le mode de contamination le plus courant est la voie cutanée lors du contact avec des peaux bien quil soit également possible dêtre infecté en consommant de la viande contaminée. La transmission de la maladie par inhalation est moins courante, mais nest pas à exclure. En tout état de cause, il faut se faire soigner immédiatement.
La tuberculose est une menace de plus en plus fréquente dans bien des régions. De nombreuses espèces danimaux peuvent être une source dinfection pour les chasseurs. Bien que la plupart des cas de tuberculose chez lhumain soient dus à lexposition à la toux et aux éternuements de sujets humains porteurs de la maladie, de nombreuses espèces danimaux, y compris les oiseaux et les animaux à sang froid, peuvent également être infectées. La tuberculose est également transmise par la consommation de produits laitiers non pasteurisés. Il est en outre possible dêtre infecté par linhalation de gouttelettes de salive projetées par la toux ou par la consommation de chair danimaux infectés. Les personnes immunodéficientes (à cause de médicaments ou dinfection à VIH) sont particulièrement exposées aux agents les plus courants de la tuberculose ainsi quà ceux qui se trouvent dans le sol et dans leau.
Les chasseurs et les trappeurs peuvent également souffrir de mycoses véhiculées par des animaux ainsi que par les champignons telluriques. Trichophyton verrucosum et T. mentagrophytes sont les principaux agents de dermatomycose pour lhumain. Par ailleurs, les chiens servent de réservoir à Microsporum canis , qui est la principale cause de dermatomycose transmise par les animaux chez lhumain. Les chasseurs et les trappeurs peuvent être exposés à des champignons qui poussent dans le sol et dans la végétation en décomposition, plus particulièrement dans des sols contaminés par des excréments doiseaux ou de chauves-souris; ces champignons, qui ne causent pas de zoonoses, ont des habitats spécifiques. Coccidioides immitis nest commun que dans les régions arides et semi-arides, alors que Blastomyces dermatitidis préfère les sols humides situés en bordure des cours deau et les régions vierges. Cryptococcus neoformans et Histoplasma capsulatum sont les plus courants et vivent dans des sols enrichis par des excréments doiseaux et de chauves-souris. Ces champignons peuvent causer, par voie inhalatoire, des symptômes analogues à ceux de la pneumonie ainsi que des maladies systémiques graves, aussi bien chez lêtre humain que chez les animaux.
Le tétanos est une autre maladie grave qui affecte lhumain, mais aussi les animaux. Les bactéries du tétanos sont très courantes dans les sols, ainsi quun peu partout dans lenvironnement, et leur présence est normale dans le tube digestif de nombreux animaux. Les lésions cutanées, et plus particulièrement les plaies punctiformes profondes et souillées, sont les plus susceptibles de sinfecter. Les mesures préventives consistent à bien soigner les blessures et à se faire vacciner régulièrement.
Les tiques, les moustiques, les puces et autres insectes piqueurs sont souvent des vecteurs dinfections. La peste bubonique est un exemple de bactériose transmise par les puces. Linfection chez la puce se produit suite à la consommation du sang dun animal infecté généralement un rongeur, un lapin ou un lièvre, mais aussi de divers carnivores. La puce transmet ensuite cette infection à un autre animal ou à un être humain. Chez ce dernier, linfection peut aussi être causée par la manipulation de tissus danimaux infectés ou par linhalation de gouttelettes projetées par dautres personnes ou par des animaux, généralement des chats, atteints de peste pulmonaire. Les premiers symptômes de la peste bubonique ne sont pas spécifiques à cette maladie: fièvre, frissons, nausée et prostration. Au cours dune phase ultérieure, les ganglions lymphatiques peuvent se tuméfier et senflammer (cest le terme bubon qui a donné son nom à la maladie).
Une maladie plus courante transmise par la piqûre ou la morsure dun insecte est la maladie de Lyme . Cest une des nombreuses maladies transmises par les tiques. Le premier symptôme est généralement une éruption en forme de cocarde pâle entourée dune auréole rouge à lendroit touché. Léruption se résorbe; par contre, en labsence de soins, la maladie peut progresser et causer de larthrite ainsi que des complications plus graves.
Les hantavirus infectent les rongeurs dans le monde entier et on signale des cas dinfection chez lêtre humain depuis des décennies, la plupart du temps avec atteintes rénales. En 1993, le syndrome pulmonaire à hantavirus a été déclaré aux Etats-Unis. Ce virus provoque une insuffisance respiratoire évoluant rapidement vers le décès du sujet. Les hantavirus sont généralement transmis par des aérosols durine ou de déjections des rongeurs. On pense que les personnes infectées ont été exposées à des souris ayant contaminé des chalets et des maisons.
En outre, les chasseurs et les trappeurs peuvent contracter toutes sortes dautres infections virales, bactériennes, fongiques et parasitaires parfois présentes chez les animaux sauvages (voir tableau 69.1). Pour de plus amples détails, le lecteur pourra consulter les ouvrages de référence courants.
Agent |
Maladie |
Réservoir |
Mode de transmission |
Répartition géographique |
Bactérioses |
||||
Bacillus anthracis |
Charbon bactérien |
Animaux, peaux, poils, os, sol |
Contact direct et indirect, morsures et piqûres d’insectes, inhalation, ingestion |
Amériques, Europe, Asie, Afrique |
Borellia spp. |
Maladie de Lyme, fièvre récurrente |
Rongeurs, petits mammifères, cervidés, tiques |
Morsures de tiques et de poux |
Monde entier, sauf Australie |
Brucella spp. |
Brucellose, fièvre ondulante |
Animaux |
Contact, ingestion, inhalation |
Monde entier |
Campylobacter spp. |
Entérite |
Animaux |
Ingestion |
Monde entier |
Coxiella burnetii |
Fièvre Q |
Animaux |
Inhalation, contact |
Monde entier |
Clostridium tetani |
Tétanos |
Sol |
Contact |
Monde entier |
Ehrlichia spp. |
Ehrlichiose |
Inconnu |
Morsures de tiques |
Amérique du Nord, Afrique, Asie |
Francisella tularensis |
Tularémie |
Animaux |
Morsures et piqûres d’insectes, contact, ingestion et inhalation |
Monde entier, sauf Australie |
Leptospira spp. |
Leptospirose |
Animaux |
Contact, ingestion, inhalation |
Monde entier |
Listeria monocytogenes |
Listériose |
Sol, animaux, humains |
Ingestion |
Etats-Unis |
Mycobacterium spp. |
Tuberculose |
Humains, mammifères, oiseaux, animaux à sang froid, environnement |
Inhalation, ingestion, blessure, contamination |
Monde entier |
Rickettsia spp. |
Rickettsioses transmises par les tiques (groupe fièvre pourprée des montagnes Rocheuses) |
Tiques, rongeurs |
Morsures de tiques et de mites |
Monde entier |
Salmonella spp. |
Salmonellose |
Mammifères, oiseaux, animaux à sang froid |
Ingestion |
Monde entier |
Vibrio cholera |
Choléra |
Humains |
Ingestion |
Monde entier |
Yersinia pestis |
Peste, peste bubonique |
Rongeurs, lièvres, lapins, humains, carnivores |
Morsures de puces, inhalation, contact |
Monde entier |
Viroses |
||||
Arbovirus (plus de 100 types) |
Fièvres, éruptions, fièvres virales hémorragiques (dengue, fièvre jaune, encéphalite à virus, hépatite enzootique, babésioses) |
Humains, animaux, insectes |
Morsures et piqûres d’insectes: moustiques, tiques, moucherons, phlébotomes, autres insectes |
Monde entier |
Virus d’Ebola/de Marburg |
Fièvres virales hémorragiques |
Inconnu, singes |
Inconnu, contact avec des liquides organiques |
Afrique, exposition aux singes |
Hantavirus |
Fièvre virale hémorragique, syndromes rénaux et pulmonaires |
Rongeurs |
Inhalation |
Asie, ex-Union soviétique, Amériques |
Virus de Lassa |
Fièvre de Lassa |
Rongeurs |
Inhalation, contact avec des liquides organiques |
Afrique occidentale |
Virus de la rage |
Rage |
Mammifères |
Virus dans la salive, généralement morsure ou éraflure, parfois inhalation, greffes d’organes |
Monde entier, sauf certains pays insulaires |
Mycoses |
||||
Blastomyces dermatitidis |
Blastomycose |
Sol |
Inhalation |
Afrique, Inde, Israël, Amérique du Nord, Arabie saoudite, Afrique du Sud |
Coccidioides immitis |
Coccidioidomycose, fièvre des vallées et fièvre du désert |
Sol |
Inhalation |
Argentine, Paraguay, Colombie, Venezuela, Mexique, Amérique centrale, Etats-Unis |
Cryptococcus neoformans |
Cryptococcose |
Sol, excréments d’oiseaux et de chauves-souris |
Inhalation |
Monde entier |
Agent |
Maladie |
Réservoir |
Mode de transmission |
Répartition géographique |
Histoplasma capsulatum |
Histoplasmose |
Sol, excréments d’oiseaux et de chauves-souris |
Inhalation |
Amériques, Afrique, Asie de l’Est, Australie |
Microsporum spp., Trichophyton spp. |
Teigne |
Humains, animaux, sol |
Contact direct ou indirect |
Monde entier |
Parasitoses |
||||
Babesia spp. |
Babesiose |
Rongeurs, bovins |
Morsures de tiques |
Europe, Mexique, Russie, Yougoslavie, Etats-Unis |
Baylisascaris spp. |
Baylisascaris larva migrans |
Ratons laveurs, blaireaux, mouffettes, pékans, martres, ours |
Ingestion |
Amérique du Nord |
Cryptosporidium parvum |
Cryptosporidiose |
Humains, bovins, animaux domestiques |
Ingestion |
Monde entier |
Diphyllobothrium latum |
Infection par ténia |
Humains, chiens, ours, mammifères piscivores |
Ingestion |
Régions de lacs |
Echinococcus spp. |
Echinococcose |
Animaux |
Ingestion |
Monde entier |
Giardia spp. |
Giardiase |
Humains, animaux |
Ingestion |
Monde entier |
Leishmania spp. |
Leishmaniose |
Humains, animaux |
Piqûres de phlébotomes |
Régions tropicales et subtropicales |
Trichinella spiralis |
Trichinose |
Animaux |
Ingestion |
Monde entier |
Trypanosoma spp. |
Trypanosomiase |
Humains, animaux |
Piqûres et morsures d’insectes |
Afrique, Amériques |
On peut éviter la plupart des zoonoses et autres agents infectieux en faisant preuve de bon sens et en prenant certaines précautions générales. Leau doit être bouillie ou traitée au moyen dun produit chimique. Tous les aliments doivent être suffisamment cuits, surtout ceux dorigine animale. La chair de tous les animaux sauvages doit être cuite à 71 °C. Les aliments consommés crus doivent être lavés à fond. Pour éviter les morsures et les piqûres dinsectes, il est recommandé de rentrer les jambes de pantalon dans les bottes, de porter des chemises à manches longues et de se protéger à laide dinsectifuges ou, au besoin, dune moustiquaire portative. Les tiques doivent être enlevées dès quon les remarque. Le contact direct avec les tissus animaux et les liquides organiques doit être évité. Le port de gants est recommandé, surtout quand on a des crevasses ou des abrasions aux mains. Il faut se laver les mains à leau et au savon après avoir manipulé un animal et toujours avant de manger. Les morsures et les blessures doivent être rincées à leau et au savon aussitôt que possible et des soins médicaux sont indispensables, surtout si lon craint davoir été infecté par un animal atteint de la rage. Les chasseurs et les trappeurs doivent être vaccinés contre les maladies courantes dans leur région. Une trousse médicale durgence à portée de la main et des notions élémentaires de secourisme peuvent faire toute la différence entre un incident mineur et un incident sérieux.