La recherche sur la sécurité au travail est létude de lincidence, des caractéristiques, des causes et de la prévention des accidents sur les lieux de travail. Avec les travaux novateurs de John Gordon (1949) et de William Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964), puis de plus en plus dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les accidents ont été considérés comme un problème de santé publique auquel pouvait être appliquée lapproche «santé publique», qui avait fait ses preuves contre la maladie. Lépidémiologie, qui est la science de la santé publique, a été appliquée aux accidents, y compris aux accidents du travail. Le modèle épidémiologique décrit la relation entre lagent (lentité ou le phénomène environnemental qui est la cause nécessaire de la maladie ou de laccident), lhôte (la personne affectée) et lenvironnement. Son adaptation à létude des accidents du travail est en grande partie due à la perspicacité de deux personnalités marquantes de la recherche sur les accidents, James J. Gibson (1961) et, plus tard, William Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964). Haddon sest aperçu que les diverses formes dénergie mécanique, thermique, rayonnante, chimique ou électrique étaient les «agents» de laccident, de la même manière que les micro-organismes provoquent des maladies infectieuses. Des chercheurs et des praticiens de nombreuses disciplines essentiellement lépidémiologie, lingénierie, lergonomie, la biomécanique, la psychologie du comportement, la gestion de la sécurité et lhygiène du travail étudient les facteurs associés au travailleur (lhôte), à lenvironnement, au type et à la source dénergie en cause (lagent) et aux outils, machines et tâches (les véhicules) dont la combinaison provoque laccident du travail ou y contribue.
Lapproche santé publique est un modèle qui fournit un cadre pour la recherche sur la sécurité au travail. Elle comprend:
Dans des conditions idéales, les problèmes de sécurité au travail peuvent être isolés systématiquement et résolus grâce à ce processus.
Lanalyse de la sécurité est un autre modèle pertinent pour aborder les accidents du travail. On peut dire, pour la définir, quil sagit de «lexamen systématique de la structure et des fonctions dun système en vue didentifier les éléments qui contribuent aux accidents, de modéliser les accidents potentiels et de trouver des mesures permettant de réduire les risques» (Suokas, 1988). Il sagit dune démarche de type technique, qui suppose la prise en compte des défaillances potentielles des systèmes (dont lune des conséquences pourrait être laccident du travail) pendant la conception ou lévaluation des processus, équipements, outils, tâches et environnements de travail. Ce modèle présuppose une aptitude à analyser et comprendre les interactions entre les composantes des systèmes utilisés sur le lieu de travail, afin den prévoir les modes de défaillance possibles avant quils soient mis en uvre. Lidéal est de sécuriser ces systèmes au stade de la conception, au lieu de les modifier après la survenue dun accident ou de dommages.
La recherche sur la sécurité au travail évolue à mesure que des approches et des perspectives différentes, comme lépidémiologie et lingénierie, sunissent pour donner naissance à de nouvelles méthodes permettant dévaluer et de documenter les risques sur les lieux de travail, de manière à définir des stratégies de prévention possibles. Le présent article étudie lapproche santé publique de la recherche sur la sécurité au travail et les domaines dans lesquels lanalyse de la sécurité sy intègre pour donner une vue densemble de la question et un aperçu des possibilités et des défis futurs. A titre secondaire, il se propose également dexaminer: 1) la relation entre la recherche sur la sécurité au travail et la gestion de la sécurité, la réglementation et le transfert de technologies; et 2) limpact des progrès techniques sur la recherche et la communication dans le domaine de la sécurité au travail.
Pour résoudre les problèmes posés par les accidents du travail, il faut dabord identifier ceux auxquels sont confrontées les différentes populations de travailleurs. Cest pourquoi lapproche santé publique de la recherche sur la sécurité au travail commence par la surveillance épidémiologique, qui a été définie comme «la collecte, lanalyse et linterprétation systématiques et continues de données sur la santé afin de décrire un événement de santé et den suivre lévolution» (CDC, 1988). Dans la recherche sur la sécurité, il sagit de recueillir, danalyser et dinterpréter des données sur les accidents, les risques, les expositions, les méthodes de travail et les populations de travailleurs.
La surveillance répond aux questions fondamentales sur les accidents du travail. Elle permet dobtenir des informations sur les accidents par catégories démographiques, y compris le sexe, lappartenance ethnique, lâge, la profession et le secteur dactivité, en plus des informations sur le moment et le lieu de laccident et, parfois, sur les circonstances dans lesquelles il sest produit. Avec ces informations de base, qui fournissent des dénominateurs pour le calcul des taux, les chercheurs ont pu décrire les risques en termes de: 1) fréquence des accidents, ce qui aide à définir lampleur ou la portée dun problème; et de 2) taux daccidents (nombre de lésions ou de décès pour 100 000 travailleurs), qui permet de définir le risque relatif encouru par certaines catégories de travailleurs dans des circonstances données. Ces analyses et comparaisons permettent didentifier les problèmes, y compris ceux qui sont nouveaux ou qui saggravent, de définir des priorités, de formuler des hypothèses pour des recherches ultérieures, et de suivre les tendances afin dévaluer lefficacité des programmes de prévention. Les résultats de la surveillance des lésions et décès imputables à des accidents du travail ont permis aux chercheurs de planifier et dentreprendre des recherches approfondies visant à identifier les causes ou les facteurs contributifs et, en dernière analyse, délaborer des stratégies de prévention. Les informations ainsi obtenues ont en outre une importante fonction sociale, car elles renforcent la prise de conscience des risques chez les personnes exposées, les gestionnaires des risques, les décideurs et le public, et mettent en évidence des domaines critiques auxquels il faudrait consacrer une attention et des ressources accrues pour la recherche et la prévention.
Du fait que la surveillance met en évidence les principaux problèmes liés aux accidents du travail, les chercheurs peuvent concevoir des études afin de répondre à des questions plus précises sur les risques qui menacent telle ou telle population cible. Lanalyse épidémiologique et diverses techniques peuvent être utilisées pour étudier de plus près les circonstances et les facteurs susceptibles de provoquer directement ou indirectement des accidents. En général, la surveillance des accidents du travail ne fournit pas de données suffisamment détaillées pour permettre de déterminer les facteurs de risque, cest-à-dire les caractéristiques associées aux composantes du lieu de travail (travailleurs compris), qui peuvent provoquer directement ou indirectement des incidents dommageables. De ce fait, on peut laisser échapper des possibilités de prévention. Or, il est indispensable de disposer dinformations de ce type, qui décrivent les circonstances de lévénement dommageable, si lon veut analyser la séquence des tâches, linteraction des facteurs associés à la victime, à ses collègues, aux tâches, aux outils et aux processus, le déroulement de lévénement (avant-pendant-après), les stratégies de prévention utilisées et les attitudes de lemployeur en matière dorganisation et de sécurité.
Une méthode permettant de recueillir des données détaillées consiste à enquêter sur les lésions ou les décès provoqués par un accident du travail. Ces enquêtes reposent généralement sur une méthodologie formelle associant la collecte dinformations par des entretiens, lanalyse de rapports sur les accidents et dautres documents et lanalyse et lobservation sur le terrain ou en laboratoire (par exemple, à laide de techniques judiciaires), afin de reconstituer les événements et les circonstances qui ont conduit à lincident. La recherche épidémiologique analytique fait appel à différents types détudes tels que des études cas-témoins ou des études prospectives ou rétrospectives pour tester les hypothèses se rapportant aux facteurs de risques spécifiques et leur contribution relative à certains résultats. Les techniques de lanalyse de la sécurité: analyse des risques, des emplois, des tâches, des arbres de défaillance ou autres instruments détude de la sécurité des systèmes peuvent également être utilisées pour définir les risques et les causes, et pour prévoir ou attribuer des probabilités aux divers modes de défaillance susceptibles de provoquer des accidents parmi les travailleurs. Il se peut que lavenir de la recherche sur les risques professionnels et les causes des accidents du travail réside dans une combinaison de ces modes de recherche qui permettra aux modèles détiologie des accidents basés sur des méthodes danalyse technique dêtre validés par une expérience sappuyant sur les résultats des enquêtes et de la recherche épidémiologique.
Les possibilités de prévention peuvent apparaître à mesure que les risques et les causes sont identifiés et caractérisés et que lon discerne limportance relative des facteurs de risque multiples. Une connaissance plus approfondie des facteurs de risques et de causalité des accidents permet aux chercheurs et aux praticiens de la sécurité au travail denvisager des stratégies de prévention visant à réduire les risques ou de proposer des interventions pour rompre lenchaînement causal des accidents. Aujourdhui, un large éventail de techniques et de stratégies sont déjà appliquées à la protection des travailleurs, et leur utilisation pourrait être encore étendue avec profit. Des techniques et des stratégies mises au point et appliquées dans dautres domaines pourraient également être utiles pour la protection des travailleurs, de même que des techniques et des stratégies restant encore à découvrir. Lobjectif de la recherche sur la sécurité au travail est didentifier, de mettre au point et dappliquer des stratégies de prévention efficaces pour réduire les risques daccidents parmi les travailleurs.
Haddon (1973) a postulé dix stratégies générales de base pour réduire les dommages dus aux risques liés à lenvironnement ou au lieu de travail. La priorité la plus élevée des chercheurs en sécurité au travail qui étudient les stratégies de prévention consiste à identifier, concevoir et évaluer des systèmes de prévention technique bien intégrés au milieu de travail, aux équipements, aux outils ou aux processus et assurant une protection automatique (systèmes de contrôle «passifs») nimpliquant ni geste ni comportement particulier de la part du travailleur. Parmi les trois catégories de stratégies de prévention, qui sont la persuasion (par linformation et léducation), limposition dobligations (par lintermédiaire de la législation ou des normes) (Robertson, 1983) et les stratégies qui assurent une protection automatique, ce sont les dernières qui sont généralement retenues comme étant les plus efficaces et souhaitables. A titre dexemples de systèmes de contrôle passifs, ou automatiques, on peut citer les systèmes de verrouillage des circuits électriques qui coupent automatiquement ces derniers si des barrières de sécurité sont retirées ou neutralisées, ou les coussins gonflables des véhicules qui souvrent automatiquement en cas de collision.
Une étape cruciale souvent omise dans les activités de recherche sur la sécurité est celle de lévaluation formelle des stratégies de prévention et des interventions potentielles pour vérifier leur efficacité aussi bien en laboratoire, dans des conditions contrôlées, quen situation réelle, avant de les appliquer à grande ou très grande échelle. Il arrive que la mise en place, bien intentionnée, dune stratégie de prévention ait pour effet de créer un nouveau risque imprévu. Même lorsquil existe des raisons impérieuses de mettre en uvre une stratégie de prévention avant davoir pu en faire une évaluation en bonne et due forme, il ne faut pas renoncer définitivement à y procéder. Lévaluation est importante non seulement pour les systèmes de contrôle et les modifications techniques, mais aussi pour les tâches, les processus de travail, les procédures, les réglementations, les programmes de formation et les produits dinformation sur la sécurité cest-à-dire pour toute stratégie, intervention ou modification visant à éliminer ou réduire le risque.
Lidentification ou la mise au point de stratégies de prévention efficaces est la clé de la mise en uvre de stratégies dinformation. La recherche sur la sécurité au travail produit deux types dinformations qui sont utiles non seulement à la communauté scientifique, mais aussi aux particuliers et aux organisations: linformation sur les risques et linformation sur la prévention.
Linformation sur les risques et sur la prévention doit sadresser prioritairement aux populations exposées et aux personnes et organisations qui ont le pouvoir dagir sur les risques au travail ou de les modifier par leurs décisions, leurs programmes et leurs politiques. Ces destinataires, qui comprennent les travailleurs, les employeurs, les praticiens de la sécurité et de la santé, les responsables de la réglementation, les assureurs, les législateurs et les décideurs, sont ciblés lorsque les chercheurs élaborent de nouvelles informations sur lexistence ou lampleur des problèmes daccidents du travail ou des recommandations pour réduire les risques. Une autre population importante, à la fois pour les méthodes et les résultats de la recherche, est la communauté des chercheurs, quil sagisse des collègues directs ou des scientifiques des organismes gouvernementaux, des organisations du secteur privé ou des établissements universitaires qui travaillent à mettre en évidence et à résoudre les problèmes daccidents du travail et de maladies professionnelles. Les chercheurs doivent également entretenir de bonnes relations avec les médias, y compris au niveau régional, et promouvoir lidée que les accidents et les décès dorigine professionnelle constituent un important problème de santé publique et sont évitables.
Il est nécessaire détudier la diffusion et lapplication pratique des résultats des recherches sur la sécurité au travail. On évalue rarement la communication des informations sur la sécurité pour déterminer quels méthodes, messages, canaux et formats sont efficaces pour des groupes particuliers dans des situations données. Le besoin croissant de communication dinformations en rapport avec la santé a conduit à adopter plusieurs approches applicables à la communication dinformations sur la sécurité. Léducation sanitaire, la communication en matière de santé, la promotion de la santé, linformation sur les risques existants et le marketing social sont certains des domaines dans lesquels les activités de communication sont systématisées et étudiées scientifiquement. La recherche sur le comportement, les motivations, les facultés cognitives et la perception de lhumain jouent un rôle évident lorsquon veut déterminer si et comment les processus dinformation et de communication peuvent susciter une prise de conscience des questions de sécurité et donner naissance à des comportements sécuritaires chez les individus ou les groupes à risque. De nombreuses techniques de marketing commercial orientées vers les consommateurs ont été adaptées par les spécialistes du domaine pour favoriser des changements de comportement et dattitudes dans un but social, y compris ceux qui peuvent contribuer à lamélioration de la sécurité, de la santé et du bien-être des travailleurs.
Les praticiens et les gestionnaires de la sécurité doivent se tenir informés des plus récents résultats des travaux de recherche qui ont des conséquences pratiques pour la sécurité au travail. Linformation sur les nouveaux risques ou sur la prévention peut nécessiter un réexamen et une modification des procédures et programmes existants. Il est question dans les paragraphes qui suivent des liens entre la recherche et la réglementation en vigueur sur le lieu de travail et du transfert de technologies cest-à-dire du transfert de nouvelles stratégies et technologies de prévention ayant fait leurs preuves, depuis les sites où elles ont fait leur apparition vers dautres lieux de travail comparables où les conditions et les risques sont similaires.
Les responsables de la réglementation ceux qui élaborent et font respecter les normes de sécurité au travail doivent connaître les résultats des recherches en cours qui ont un impact sur les prescriptions réglementaires. Les règles de sécurité imposées aux employeurs devraient être fondées sur des stratégies de prévention scientifiquement établies et dont lefficacité pour la réduction des risques daccidents a été suffisamment démontrée. Cela suppose une relation étroite et des communications efficaces entre la recherche sur la sécurité au travail et les responsables de la réglementation. Que lorgane de réglementation soit un organisme dEtat ou une organisation privée du secteur industriel, les normes de sécurité quil promulgue devraient tenir compte des meilleurs résultats scientifiques disponibles. Cest à la fois aux responsables de la réglementation et aux chercheurs quil appartient dassurer une communication efficace.
Les travailleurs, les cadres, les entreprises, les spécialistes et les chercheurs dans le domaine de la sécurité résolvent tous les jours des problèmes de sécurité en élaborant et en appliquant des stratégies de prévention et des interventions. Malheureusement, il y a trop peu de mécanismes et dincitations permettant aux individus ou aux entreprises de partager des mesures de prévention efficaces avec dautres qui sont peut-être confrontés à des problèmes similaires, ou les encouragent à le faire. Lindustrie et les associations professionnelles, les syndicats, les compagnies dassurances et dautres organisations ont pour rôle de recueillir, dorganiser et de distribuer à leurs membres ou clients des informations sur la prévention. Toutefois, un important avantage que pourrait procurer un partage des informations sur la prévention demeure irréalisé, en particulier dans les petites entreprises et parmi le personnel insuffisamment desservi. Les résultats des recherches dans les domaines de la diffusion des innovations, des communications et de la gestion de linformation pourraient contribuer utilement à combler cette lacune.
Les progrès de la technologie ont été étendus aux moyens de concevoir et de mener les recherches, de détecter, mesurer, enregistrer ou afficher et réduire les expositions dangereuses, de maîtriser les risques et de présenter et diffuser linformation. Les technologies les plus importantes pour la recherche sur la sécurité sont celles qui concernent les capteurs et les matériaux, et peut-être plus encore lélectronique numérique. La puissance de traitement, la capacité de stockage et la mise en réseau des ordinateurs ont ouvert une ère nouvelle de la simulation, de lautomatisation et de communications mondiales. Le défi, pour les chercheurs et praticiens de la sécurité au travail, est de tirer parti de ces outils technologiques de pointe pour la recherche et daméliorer la transmission de linformation sur les risques et la maîtrise des risques. Certains outils technologiques peuvent améliorer notre capacité de mener des recherches difficiles, voire dangereuses par exemple, au moyen de simulations qui évitent la destruction déquipements ou doutils onéreux, ou lexposition de participants humains. Certains peuvent améliorer lanalyse ou la prise de décisions par exemple, en simulant lexpérience humaine et font donc appel à des compétences peu répandues: savoir comment conduire la recherche sur les accidents du travail et pouvoir les prévenir. Enfin, les outils technologiques peuvent renforcer notre capacité à diffuser des informations utiles sur les risques à ceux qui en ont besoin et leur permettre de rechercher activement eux-mêmes ces informations.
La recherche sur la sécurité au travail devrait être prête à tirer avantage de lévolution des technologies et des manifestations dune préoccupation sociale accrue, afin de se concentrer sur les domaines où elle devrait être plus intensive, en particulier:
De tout temps, les chercheurs et les praticiens de la santé publique ont fait appel à lépidémiologie, la biostatistique, la médecine, la microbiologie, la toxicologie, la pharmacologie, léducation sanitaire ainsi quà dautres disciplines pour identifier, évaluer et prévenir les maladies infectieuses et, plus récemment, les maladies chroniques. Les lésions et les décès dus aux accidents, et notamment aux accidents du travail, sont également dimportants problèmes de santé publique et sont souvent associés à des causes et facteurs spécifiques qui contribuent à leur survenue. Les lésions et décès dus aux accidents ne sont pas des événements aléatoires, mais résultent de relations de causalité, et sont donc prévisibles et évitables. Leurs conséquences relèvent des mêmes techniques de résolution des problèmes que celles qui ont été employées pour identifier, caractériser et prévenir les maladies.
Une différence essentielle entre la démarche face à la maladie et lapproche quant aux conséquences des accidents tient à la nature des mesures de prévention qui peuvent être prises. Pour prévenir ou réduire le risque de maladies infectieuses ou chroniques, les praticiens de la santé peuvent préconiser ou employer toute une panoplie de moyens: vaccins, produits pharmaceutiques, changements des habitudes alimentaires ou du mode de vie, ou surveillance de lenvironnement. De la même manière, pour prévenir ou réduire le risque daccident du travail, les praticiens de la sécurité peuvent recommander ou utiliser divers moyens de prévention technique: dispositifs de protection sur léquipement, systèmes de verrouillage, outils et machines ergonomiques, ou des mesures organisationnelles de prévention telles que des méthodes de travail, des programmes spéciaux et des cours de formation, ou encore des dispositifs de protection individuelle, comme des appareils de protection respiratoire, des casques ou des amortisseurs de chute. Dans leurs activités de prévention des accidents, cela signifie que les épidémiologistes, les biostatisticiens et les spécialistes de léducation sanitaire sassocient aux ingénieurs, aux physiciens, aux hygiénistes du travail et aux ergonomes. Le processus de résolution des problèmes est le même; seules certaines approches de lintervention et, par conséquent, les disciplines impliquées dans la mise au point, le déroulement et lévaluation des interventions peuvent différer.
Le mécanisme de la recherche sur la sécurité et la santé au travail est lapproche santé publique, une approche intégrée et pluridisciplinaire de lidentification par: 1) la surveillance et les enquêtes; 2) lanalyse épidémiologique et de sécurité; 3) les activités de recherche et de développement débouchant sur des technologies et stratégies de prévention; 4) lévaluation et la démonstration, pour vérifier que ces technologies et stratégies sont efficaces; et 5) la communication de linformation sur les risques, des méthodes et des résultats de la recherche, et des technologies et stratégies efficaces. Lapproche santé publique et lapproche analyse de la sécurité sunissent dans létude de la sécurité au travail. Les disciplines principales que sont lépidémiologie et lingénierie coopèrent pour apporter de nouvelles connaissances sur les causes et la prévention des accidents. De nouvelles technologies de pointe, en particulier linformatique numérique, font lobjet dadaptations pour résoudre les problèmes de la sécurité au travail.
On considère dans le monde entier que la définition de normes acceptables de sécurité et de santé au travail et le contrôle de leur application sont des fonctions qui reviennent à lEtat, même si cest lemployeur qui est légalement responsable de leur respect (il convient de noter que dans de nombreux pays les normes de sécurité sont définies par consensus entre les fabricants, les utilisateurs, les assureurs, le public et lEtat, et que ce dernier les adopte ensuite ou y renvoie dans des règlements). Pour sacquitter de sa fonction, lEtat fournit un certain nombre de services de sécurité. Dans ce contexte, «lEtat» désigne aussi bien les autorités nationales que les pouvoirs publics régionaux et provinciaux.
Lun des services les plus importants à lappui de la sécurité au travail est le cadre législatif dans lequel celle-ci doit opérer, et la mise en place de ce cadre est lune des fonctions essentielles de lEtat. Cette législation doit être complète dans sa portée et son application; elle doit refléter aussi bien les normes internationales que les besoins particuliers du pays, prendre en compte les pratiques de sécurité établies et éprouvées de lindustrie et prévoir les moyens de mettre en pratique ses intentions. Une législation sur la sécurité et la santé fondée sur une large consultation des partenaires sociaux, de lindustrie et de la collectivité aura beaucoup plus de chances dêtre observée et respectée, et contribuera de ce fait largement à létablissement de normes de protection valables.
Pour important quil soit, en tant que tel, le cadre juridique doit être mis en pratique de manière efficace au niveau de lentreprise. Il est indispensable que lEtat crée un corps dinspection pour faire appliquer la loi, le dote de ressources financières et humaines adaptées à sa mission et lui accorde des pouvoirs suffisants pour sacquitter de sa tâche.
La promotion de la sécurité et de la santé est un service clé qui, naturellement, nest pas réservé aux pouvoirs publics. Les associations de sécurité, les organisations demployeurs, les syndicats et les consultants peuvent tous contribuer à mieux faire connaître les obligations légales, les normes, les solutions techniques et les nouveaux risques et dangers. LEtat peut jouer un rôle déterminant en donnant des conseils sur la manière de respecter la législation et les normes qui régissent les pratiques de sécurité, depuis les méthodes acceptables pour la protection des machines à la publication de tableaux des limites dexposition à des substances dangereuses.
LEtat devrait également donner limpulsion en identifiant les thèmes de campagnes et dinitiatives spécifiques. Ces activités sont habituellement menées en collaboration avec les organisations demployeurs et les syndicats, et résultent souvent de lanalyse des statistiques officielles, de celles des employeurs et des associations sur les accidents et les maladies. En mettant au point leur stratégie en matière de publicité et dinformation, les pouvoirs publics doivent veiller à cibler non seulement les secteurs les plus développés et les plus complexes, mais aussi ceux qui nont quune connaissance très limitée des questions de sécurité et de santé. Une telle orientation est particulièrement importante dans les pays en développement et dans ceux où léconomie est fortement tributaire de lagriculture et de la famille en tant quunité demploi.
La collecte, lanalyse et la publication de statistiques sur la sécurité et la santé sont un service important. Les statistiques fournissent aux corps dinspection et à leurs partenaires sociaux la matière première qui leur permet de voir se dessiner les nouvelles tendances ou les modifications de la typologie des causes des accidents et des maladies, et dévaluer, en termes mesurables, lefficacité des politiques nationales, des campagnes spécifiques et des normes de conformité. Les statistiques permettent aussi jusquà un certain point de comparer les normes et les résultats au niveau international.
Lexactitude des informations statistiques sur les accidents est évidemment de première importance. Certains pays ont un système de déclaration des accidents entièrement distinct du système de prestations sociales ou de réparation des accidents et où on mise sur lobligation légale de signaler les accidents à lautorité compétente. Des études statistiques ont montré une tendance marquée à la sous-déclaration des accidents (autres que les accidents mortels), laquelle pouvait atteindre jusquà 60% dans certains secteurs. Ces chiffres ne peuvent que dévaluer les statistiques produites. Lintégrité et lexactitude des statistiques sur les accidents et sur les maladies doivent être des objectifs prioritaires des pouvoirs publics.
La formation à la sécurité est un autre domaine où un service peut être fourni par lEtat. La plupart des lois relatives à la sécurité et à la santé comprennent des dispositions prévoyant une formation adéquate. La participation directe de lEtat à lorganisation et à la fourniture dune telle formation est très variable. Aux niveaux les plus élevés ceux qui sadressent aux professionnels de la sécurité , ce sont habituellement les universités et les instituts de technologie qui sont chargés de ces activités. La contribution directe de lEtat à ce niveau est relativement rare, encore que des scientifiques, des juristes et des ingénieurs des services dinspection publics donnent souvent des conférences et fournissent des crédits et des matériels didactiques.
Le schéma est à peu près le même aux niveaux inférieurs de la formation. Les cours destinés aux travailleurs sont souvent organisés par la branche, des associations professionnelles ou des organismes spécialisés, avec un apport et un financement des services dinspection, tout comme les cours de sensibilisation des travailleurs à la sécurité. La tâche de lEtat nest pas tant dorganiser et de diriger les services de formation que de stimuler et dencourager des organismes privés à le faire et de ne contribuer directement que lorsque cest nécessaire. Une aide plus directe peut être fournie par le biais de subventions permettant de défrayer les entreprises. Une grande partie des matériels de formation à la sécurité est basée sur des publications, des notes dorientation et des normes officielles.
Le problème de la prestation de services aux petites entreprises est particulièrement complexe. Il y a un besoin très réel dapporter une aide bienveillante et des encouragements à ce maillon important de léconomie nationale et locale, mais il faut en même temps veiller à le faire efficacement, sans abaisser les normes de protection du personnel et mettre éventuellement en danger sa sécurité et sa santé. Les services fournis par lEtat jouent un rôle essentiel dans la recherche dune solution permettant de concilier ces deux impératifs.
De nombreux pays fournissent aux petites entreprises un service particulier qui comprend la gestion de la sécurité et de la santé. Ce service prend diverses formes, par exemple des dossiers dinformation spéciaux dans lesquels on trouve: 1) des précisions sur les moyens de se conformer dans la pratique aux obligations légales; 2) des indications sur la localisation des sources dinformation; et 3) un point de contact avec les services dinspection. Certains corps dinspection disposent dun personnel chargé spécialement de répondre aux besoins particuliers des petites entreprises et dorganiser, conjointement avec les associations professionnelles, des séminaires et des réunions où les questions de sécurité et de santé peuvent être débattues de manière constructive dans un climat non conflictuel.
La recherche est également un service fourni par lEtat soit directement par le soutien quil apporte à ses propres laboratoires et programmes de recherche sur les problèmes de sécurité et de santé, soit indirectement par loctroi de subventions à des organismes de recherche indépendants pour des projets déterminés. La recherche sur la sécurité et la santé peut être subdivisée en deux grandes catégories:
Enfin, lEtat fournit un service du fait de son rôle de représentation dans la communauté internationale. De nombreux problèmes de sécurité et de santé ont un caractère international qui transcende les frontières des pays. La coopération entre les Etats, létablissement de normes internationalement acceptées sur les substances dangereuses, léchange dinformations entre pays et le soutien aux organisations internationales soccupant des questions de sécurité et de santé sont des fonctions de lEtat, et la bonne exécution de ces obligations ne peut que contribuer à améliorer le niveau et les normes de sécurité et de santé aux niveaux national et international.
Il arrive, dans les entreprises, que les responsables de la sécurité quils soccupent des comportements, du système de sécurité ou de lenvironnement physique fassent appel à des ressources extérieures comme des consultants professionnels en sécurité. En pareil cas, il importe de ne pas oublier que la responsabilité de la conduite à bonne fin de la tâche consistant à analyser un système donné et à lui apporter des améliorations ne peut (à la différence de lexécution de la tâche elle-même) être déléguée à des organismes extérieurs. Les analystes internes (par opposition aux consultants externes), qui étudient un système, peuvent généralement obtenir des données plus fiables, car lentreprise leur est plus familière. Un consultant extérieur, qui a une vaste expérience de lanalyse des problèmes de sécurité et des solutions envisageables, peut néanmoins apporter une aide précieuse.
Si personne, dans une entreprise, nest familiarisé avec la législation et les normes nationales de sécurité, il peut être utile de faire appel à un expert en réglementation de sécurité. Il arrive souvent aussi que personne ne soit capable danalyser les comportements, auquel cas il est souhaitable de rechercher laide de quelquun qui puisse le faire. Kenneth Albert (1978) considère que lon devrait solliciter une aide extérieure dans six situations précises:
Bien que ces remarques naient pas été faites à propos de la sécurité, elles semblent valables, lorsquon veut déterminer sil est nécessaire de recourir à un consultant extérieur en sécurité. Il est fréquent quun problème de sécurité soit lié à la personnalité des dirigeants et quil soit alors extrêmement difficile de le résoudre sur le plan interne. En pareil cas, une solution peut être acceptable par toutes les parties simplement parce quelle est proposée par quelquun de lextérieur. Si une entreprise nécessite durgence une analyse, celle-ci sera souvent faite plus rapidement par un consultant extérieur, dont la recommandation aura souvent plus de poids que celle dun membre du personnel. En matière de sécurité, de nombreuses entreprises ont apparemment besoin dune aide extérieure pour lanalyse des comportements, un certain nombre pour lanalyse des systèmes de sécurité et quelques-unes pour lanalyse de lenvironnement physique. Toutefois, si lon considère la disponibilité des consultants extérieurs, loffre et la demande sont en relation inverse, car il semble y avoir un grand nombre de spécialistes de lenvironnement physique, alors quil y a moins danalystes des systèmes de sécurité et que les experts en analyse des comportements sécuritaires sont pratiquement inexistants.
Les types de consultants extérieurs en sécurité varient selon les pays, mais ils peuvent généralement être classés dans les catégories suivantes:
Les consultants des compagnies dassurances. Aux Etats-Unis, la plupart des consultants et ingénieurs de sécurité qui ne travaillent ni pour lEtat, ni pour des entreprises sont employés par des compagnies dassurances. Beaucoup dautres professionnels de la sécurité ont commencé leur carrière de cette façon. Presque toutes les entreprises, à lexception des très grandes et de celles qui ont leur propre système dassurance, sont couramment aidées par les représentants des compagnies dassurances chargés du suivi des sinistres.
Les consultants du secteur public. Les prestataires de services de consultants dans le secteur public diffèrent selon les pays et selon leur rattachement (niveau national, dun Etat, provincial ou local) et le type de tâches quils sont autorisés à exécuter et pour lesquelles ils sont qualifiés. Aux Etats-Unis, lobjectif déclaré du programme de conseils sur le terrain de lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) est dobtenir «des lieux de travail sûrs et sains pour le personnel». Autrement dit, les consultations ne porteront que sur lenvironnement physique. Une organisation qui recherche ce type daide devrait considérer les offres de lOSHA, mais si elle a besoin dun consultant pour une analyse des systèmes de sécurité ou des comportements, il faut quelle sadresse ailleurs.
Les attributions des consultants de lOSHA sur le terrain sont les suivantes:
Il est évident que certains aspects de ce service de consultants de lOSHA sont inhabituels. Les consultants ont pour mission de contribuer à améliorer lenvironnement physique, mais dans deux cas ils ont également dautres obligations:
En dautres termes, une consultation de lOSHA nest une véritable consultation que lorsque les consultants ne trouvent rien de particulièrement grave. Sils découvrent un risque grave ou imminent, le «client» perd le contrôle du processus de décision, tant pour ce qui est de la manière de résoudre le problème que du moment où il faut agir.
Les cabinets de consultants privés. Une troisième source daide extérieure est le consultant privé (à plein temps) ou le cabinet de consultants privé, qui peuvent apporter une aide dans tous les domaines comportements, systèmes de sécurité ou environnement physique sans aucune des limitations particulières mentionnées précédemment. La seule difficulté consiste à sassurer que le consultant sélectionné possède les compétences et les connaissances nécessaires pour fournir laide attendue.
Les consultants privés à temps partiel et autres . La quatrième source de consultants privés est constituée des personnes qui offrent des services de conseil à temps partiel pour compléter leurs revenus. Ce sont soit des professionnels de la sécurité retraités qui restent actifs, soit des professeurs de lenseignement supérieur ou de luniversité qui complètent ainsi leurs revenus et se tiennent informés de ce qui se passe en dehors du milieu universitaire. Là encore, il sagit de trouver ces personnes et de sassurer quelles possèdent les compétences requises. Il y a également des consultants qui proposent leurs services par lintermédiaire des commissions nationales ou locales de sécurité, et des consultants des associations professionnelles.
Dans les deux premières catégories ci-dessus secteur public et assurances , il est facile de trouver un consultant. Aux Etats-Unis, par exemple, on peut contacter lorganisme assureur des travailleurs ou le bureau local des subventions de lOSHA et leur demander de visiter lentreprise. De nombreux autres pays offrent des ressources similaires.
Il est plus difficile de trouver un consultant dans les deux autres catégories, les consultants privés indépendants et les cabinets de consultants. Aux Etats-Unis, plusieurs organisations publient des annuaires de consultants. La Société américaine des ingénieurs de la sécurité (American Society of Safety Engineers (ASSE)), par exemple, publie un annuaire national où figurent les noms de quelque 260 consultants (ASSE, 1974). Lutilisation de cet annuaire semble cependant poser des problèmes considérables. Une analyse de la liste montre que 56% des personnes indiquent quelles sont disponibles, mais ne précisent pas si elles travaillent pour des sociétés et cherchent à se procurer un revenu supplémentaire ou si elles sont des consultants à plein temps ou des retraités travaillant à temps partiel. De plus, 32% supplémentaires avaient des liens avec des cabinets de consultants et 5% avec des universités, 3% étaient des courtiers en assurances, 3% avaient des liens avec des entreprises industrielles et 1% avec des administrations des Etats. En fait, cet annuaire, vanté comme un document indiquant au lecteur «où se trouvent les experts en sécurité et santé au travail», nest rien dautre quune liste des personnes qui ont versé leur cotisation et sont membres de la division «consultants» de lASSE.
Il nexiste pas de moyen facile de trouver un consultant ayant les compétences nécessaires. En dehors des compagnies dassurances et du secteur public, le mieux est probablement: 1) dentrer en rapport avec dautres entreprises confrontées à des problèmes similaires, pour voir à qui elles ont fait appel et si elles ont été satisfaites des résultats; 2) de prendre contact avec une organisation professionnelle au niveau national; ou 3) de consulter les annuaires professionnels comme celui cité plus haut, en gardant à lesprit les réserves faites à son sujet.
Les consultants extérieurs les plus facilement disponibles sont ceux des compagnies dassurances. Dès le début du mouvement en faveur de la sécurité au travail, le secteur des assurances sest intéressé à la question. Pendant de nombreuses années, la seule aide extérieure possible, pour la plupart des entreprises, était celle que pouvait leur fournir leur assureur. Bien que cela ne soit plus le cas, cest le plus souvent aux consultants des compagnies dassurances que lon continue de faire appel.
Les départements sécurité des grandes compagnies dassurances ont trois fonctions spécifiques:
Seule la troisième est utile au client qui a besoin dune assistance dans le domaine de la sécurité. La fonction dassistance à la souscription est exercée par un représentant de terrain qui est le «poste avancé» de la compagnie dassurances; il observe tout ce qui se passe sur le lieu dactivité du souscripteur de la police et en rend compte à lassureur au siège de la compagnie. La troisième fonction consiste à aider les clients à améliorer leurs programmes de sécurité et de prévention des sinistres et à réduire la probabilité quils aient des accidents et enregistrent des pertes financières. Lassistance offerte varie considérablement dune compagnie à lautre.
Au fil des années se sont dégagées différentes philosophies qui déterminent la valeur du service que les compagnies dassurances sont en mesure de fournir. Dans certaines dentre elles, le département chargé des services de sécurité fait encore nettement partie de la fonction de souscription et sa tâche consiste à observer et à rendre compte, alors que dans dautres le département technique rend compte au service souscription. Dans dautres compagnies, le département de suivi des sinistres est indépendant, sa fonction première étant de servir le client; cest seulement à titre secondaire quil exerce des fonctions dassistance à la vente et à la souscription. Lorsque la mission première du service est lassistance à la vente, le service à la clientèle est pénalisé. Si le département du suivi des sinistres fait partie de la fonction souscription, il peut être difficile den obtenir un service en matière de sécurité, pour la simple raison quil na peut-être pas de personnel suffisamment qualifié pour ce genre de service. Sil ne fait pas partie de la fonction souscription, il peut être en mesure de fournir un bon service à la clientèle. Mais il peut aussi être totalement inefficace, car de nombreux facteurs sont susceptibles dintervenir et dentraver la prestation efficace dun service de sécurité.
Lorsque le service se limite à une inspection, comme cest le plus souvent le cas, le système de sécurité et les comportements sont totalement ignorés. Lorsquil consiste uniquement à fournir de la documentation et des aides en matière de sécurité, il est pratiquement inutile. Lorsquil consiste essentiellement ou entièrement à organiser des réunions sur la sécurité pour le client, par exemple en proposant un programme de sécurité «prêt à lemploi» conçu au siège de la compagnie dassurances pour toutes les entreprises assurées, ou simplement à vérifier que lenvironnement physique est conforme à la réglementation, il nest pas très utile non plus.
Selon la philosophie dont sinspire lassureur, dautres services pourront être proposés, en plus de celui qui est fourni par le représentant se rendant chez le client. La figure 60.1 énumère un certain nombre de services supplémentaires types qui peuvent être particulièrement utiles pour les clients, comme lhygiène du travail, les soins infirmiers et des services spécialisés (services techniques ou de protection contre lincendie), selon les besoins de lentreprise. Les services de formation sont relativement moins courants, mais ils nen sont pas moins utiles.
Comme pour les consultants des compagnies dassurances, les entreprises doivent peser un certain nombre de facteurs avant de décider si elles doivent ou non faire appel à des consultants du secteur public, parmi lesquels il faut citer:
Avant toute chose, lentreprise doit se demander si elle souhaite avoir affaire à lEtat. Lorsquelle fait appel à des consultants privés ou aux consultants dune compagnie dassurances, les conclusions de la consultation, quelles quelles soient, ne sont jamais communiquées à des tiers. Quoi quelle décide de faire, la décision appartient à elle seule, et elle garde le contrôle de la diffusion des informations. Avec des consultants du secteur public, les choses en vont autrement. Sils constatent par hypothèse quil y a des violations de la législation ou des risques présentant une menace immédiate pour la vie ou la santé, ils peuvent décider dimposer quelles mesures prendre à légard du risque et quand le faire; lentreprise nest alors plus maître de la situation.
Les consultants du secteur public peuvent aider à déterminer si une entreprise respecte ou non la réglementation et les normes. Ce service est très limité et présente de nombreuses faiblesses, comme la souligné Peters (1978) dans un article intitulé «Why only a fool relies on safety standards» (Pourquoi seul un imbécile fait-il confiance aux normes de sécurité): «Pour ceux qui savent peu de choses sur la sécurité, il semble tout à fait plausible et raisonnable de penser que lexistence de bonnes normes de sécurité et un respect suffisant de ces normes sont un moyen satisfaisant de garantir la sécurité». Peters estime non seulement quune telle attitude est erronée, mais aussi que la confiance en des normes nuit aux activités professionnelles nécessaires à la réduction des sinistres.
Avec un consultant privé, quil soit indépendant ou employé dun cabinet, et quil travaille à plein temps ou à temps partiel, il ny a aucune obligation de faire rapport. Le consultant privé na pas à se soumettre à une obligation de rendre compte; il ny a de relation quentre lentreprise et lui. La portée de la consultation est limitée, car le «client» peut contrôler très directement la cible des activités du consultant. Sa seule préoccupation est donc de savoir si le consultant est compétent ou non dans les domaines où son aide est nécessaire, et si les honoraires quil demande paraissent justifiés. La figure 60.2 indique certaines des fonctions fondamentales dun consultant en gestion.
G. Lippit (1969), auteur de nombreuses publications sur le processus de consultation, a défini huit activités spécifiques de cette profession:
Lippit (1969) a également identifié cinq positions que le consultant peut adopter en fonction des besoins de son client (voir figure 60.3).
Pour choisir un consultant, il est préconisé de procéder comme lindique la figure 60.4.
La décision de faire appel ou non à un consultant devrait être fondée sur les besoins définis de lutilisateur et du type de connaissances et de compétences que devra posséder le consultant pour être vraiment utile. Il semblerait alors logique de se tourner vers les individus ou les groupes qui ont les connaissances et les compétences requises. Ce processus peut avoir pour résultat de révéler que le travail peut être fait sans aide extérieure, par exemple en trouvant les compétences nécessaires sur le plan interne et en les appliquant aux problèmes de sécurité identifiés. Inversement, il peut être décidé daller chercher à lextérieur les compétences nécessaires.
Après avoir travaillé avec des consultants pendant un certain temps, une entreprise est à même de juger de façon beaucoup plus précise leur travail et leur utilité (voir figure 60.5). A la suite de lanalyse fournie par le consultant, on conclura peut-être que le reste du travail, ou un travail similaire, peut être fait également grâce aux ressources internes. Beaucoup dentreprises procèdent ainsi et celles qui envisagent de le faire sont de plus en plus nombreuses tant pour la sécurité que pour dautres domaines.
Dans son ouvrage intitulé How to Be Your Own Management Consultant , K. Albert (1978) considère quil y a quatre méthodes de résolution interne des problèmes:
Albert estime en outre que, quelle que soit lapproche retenue, le succès dépend du respect des règles fondamentales suivantes:
La mise en uvre dun programme de sécurité devrait seffectuer comme toute autre activité courante normale de gestion générale. Pour quelle réussisse, il faut disposer des informations nécessaires pour la prise de décisions à chaque étape du programme et pour la communication entre tous les niveaux de lentreprise.
Lintroduction dun programme de sécurité nouveau ou modifié exige au départ laccord de la direction générale, qui peut la considérer comme une décision sur le rapport coûts/avantages à prendre en fonction des demandes concurrentes de ressources émanant dautres secteurs de lentreprise. La volonté de réduire les dommages, la souffrance et la douleur sur le lieu de travail en appliquant un programme de sécurité sera tempérée par la capacité de lentreprise de maintenir leffort nécessaire. Pour décider en connaissance de cause, la direction devra disposer de trois éléments:
La seule exception concerne les cas où le programme est imposé par la législation et doit être institué pour que lentreprise soit autorisée à poursuivre ses activités.
En ce qui concerne le troisième élément, il est utile dajouter une estimation du coût réel des mesures déjà en vigueur dans lentreprise pour assurer la sécurité, ainsi que des coûts couverts par lassurance directe ou des dépenses courantes diverses. On peut penser que les coûts indirects seront toujours importants; les estimations relatives aux incidents graves au Royaume-Uni montrent que les coûts réels (supportés par lentreprise comme coûts indirects) sont deux à trois fois et jusquà dix fois supérieurs aux frais réels directs dassurance. Dans les pays où lassurance est obligatoire, la dépense et, par conséquent, léconomie varient considérablement en fonction de lenvironnement social. Les frais dassurance sont probablement plus élevés dans les pays où les assureurs sont tenus de couvrir la totalité des frais médicaux et de réadaptation, comme aux Etats-Unis, que dans ceux où la prise en charge des travailleurs accidentés fait partie du contrat social. Pour bien montrer limportance de ces pertes, le mieux est de calculer la production annuelle nécessaire pour obtenir les recettes perdues du fait de lindemnisation des dommages. Cela est parfaitement compatible avec lidée selon laquelle, si une entreprise doit nécessairement assumer le risque inhérent à son activité, elle devrait gérer ce risque pour réduire ses pertes et améliorer ses résultats financiers.
Lorsque laccord de la direction générale aura été obtenu, il faudra constituer une équipe chargée de mettre au point la stratégie et le plan de lancement du programme. Cette approche a plus de chances de réussir que celle qui consiste à confier la responsabilité de la sécurité à une personne désignée comme ingénieur de sécurité. Limportance de lengagement de ces équipes sera extrêmement variable selon lentreprise et le contexte social. Mais il est indispensable davoir au moins la participation des responsables des opérations, du personnel, de la gestion des risques et de la formation, ainsi que des principaux représentants des catégories de travailleurs qui seront concernées par le programme. Il est probable quune équipe ainsi constituée détectera les conflits éventuels (par exemple, entre la production et la sécurité) à un stade précoce, avant que les attitudes et les positions, ainsi que les procédures, le matériel et léquipement aient été définitivement arrêtés. Cest à ce stade que la collaboration, et non la confrontation, devrait offrir de meilleures chances de résoudre les problèmes. Cette équipe devrait présenter ses conclusions dans un document exposant comment lentreprise voit le programme, ses principaux éléments, le calendrier de son application et les responsabilités de ceux qui y participent.
Il faudrait sassurer que lengagement de la direction soit tout à fait clair pour les cadres au niveau opérationnel auquel le programme pourra être appliqué. Le meilleur moyen dy parvenir est peut-être dinstituer un système de rétro-facturation ou dimputation des coûts réels des accidents à ce niveau de gestion. La direction devrait éviter de considérer les frais médicaux et dindemnisation (ou les frais dassurance correspondants) comme des frais généraux de lentreprise. Le chef de service, soucieux du contrôle financier au jour le jour de lentreprise, devrait pouvoir prendre connaissance du coût réel des programmes de sécurité insuffisants sur le même document comptable que les coûts de production et de développement. Par exemple, le chef de service dune entreprise dans laquelle tous les coûts de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont passés en frais généraux sera incapable de justifier lemploi de ressources pour éliminer un risque grave concernant un petit nombre de travailleurs. Cette difficulté peut surgir au niveau local, alors que la dépense permettrait de réaliser des économies substantielles au niveau de lentreprise. Il est essentiel que les cadres responsables de la conception des postes de travail et des opérations supportent les conséquences, ou tirent avantage, de la mise en uvre du programme de sécurité dont ils ont la charge.
Il est demandé aux agents de maîtrise de comprendre, de communiquer et de faire respecter les objectifs du programme de sécurité définis par la direction. Les programmes efficaces aborderont la question de la formation théorique et pratique des agents de maîtrise à cette fonction. Bien que lon fasse parfois appel à des spécialistes pour former les travailleurs, ce sont les agents de maîtrise qui devraient être responsables de cette formation ainsi que du comportement des travailleurs. En particulier, ceux qui sont informés considèrent que leur responsabilité englobe la prévention des actes contraires à la sécurité et le refus de tolérer des conditions de travail dangereuses. On considère que le contrôle du processus de fabrication est la principale responsabilité des agents de maîtrise et que ce contrôle procure des avantages en réduisant les dommages et les lésions involontaires. Que la fonction de sécurité soit confiée à des agents de sécurité, à des commissions paritaires travailleurs-employeurs ou à des consultants, la responsabilité courante du déroulement sûr et sans erreur du processus devrait figurer explicitement dans la description demploi des agents de maîtrise.
Au début du siècle, le principal moyen utilisé pour inciter les travailleurs à la sécurité était le renforcement négatif. Des règles étaient fixées et les travailleurs étaient censés les observer sans poser de questions, toute transgression donnant lieu à des mesures disciplinaires. Avec la complexification des postes de travail, les systèmes de gestion souple et les attentes sociales croissantes des travailleurs, les insuffisances et les défauts de cette approche sont devenus manifestes. Le domaine militaire nest pas le seul où la souplesse et la responsabilité au niveau local sont des caractéristiques fondamentales des unités les plus performantes. Cette approche a conduit à miser davantage sur le renforcement positif et la responsabilisation des travailleurs, avec les exigences que cela suppose aux niveaux de la formation et de la compréhension. Cette orientation vers la sécurité reflète la tendance observée chez les travailleurs du monde entier à vouloir une amélioration de la qualité de la vie professionnelle et lapparition de groupes de travail autogérés.
Les éléments essentiels du programme de sécurité consisteront à définir les besoins de familiarisation avec la base conceptuelle du programme, le développement de compétences spécifiques en matière de sécurité et lutilisation dinstruments de mesure. Les responsabilités seront attribuées au moment du lancement de chacune des étapes du programme. Ce processus de préparation se terminera par la mise en place dun système de mesure, ou audit du programme de sécurité, afin den évaluer en continu lexécution. Le plan devra mentionner explicitement la nécessité dune solution appropriée en matière de communication. Dans de nombreuses cultures, de multiples langues et dialectes coexistent sur le lieu de travail et il arrive même que, dans certaines, le dialecte ou la langue «des cadres» nest pas nécessairement employé par les autres travailleurs. Ce problème inclut celui de lusage dun jargon et dacronymes dans la communication entre les groupes. La participation des travailleurs à lélaboration du programme de lancement peut contribuer à éviter ces problèmes et conduire à des solutions comme des instructions et directives multilingues, un recours plus large à des symboles et pictogrammes, et le choix dun langage simple. Lapproche plus globale de la participation des travailleurs au plan favorisera leur adhésion aux objectifs et méthodes du plan et leur acceptation.
Laudit du programme de sécurité devrait être répété à intervalles réguliers (annuels) et servir de base à des plans triennaux glissants (ou cycliques), qui définiront lorientation future du programme et inciteront à une amélioration continue, même sil y a des changements dans les systèmes de production et de traitement.
Les programmes de sécurité qui réussissent ne restent pas statiques, mais évoluent en fonction des mutations de lenvironnement social et de lentreprise. De même, ils évitent les objectifs spectaculaires, mais irréalisables. Le concept clé est celui damélioration continue et de relèvement sans relâche des normes. Le plan glissant de trois ans est un bon moyen dy parvenir, car il permet chaque année de déterminer des objectifs généraux et destimer les coûts et les avantages probables au cours des trois années suivantes, ce qui assure automatiquement une adaptation et une amélioration continue. Un avantage supplémentaire est que, du fait que ces plans doivent être examinés chaque année par la direction, les objectifs de la fonction sécurité sont alignés en permanence sur ceux de lentreprise.
La mise en uvre du programme de sécurité doit refléter le fait que ce dernier fait partie intégrante de la gestion de lentreprise. Son succès dépend dune définition claire des responsabilités aux différents niveaux de la direction. La participation des travailleurs à la mise en uvre du programme et, en particulier, au plan de lancement, ne peut que contribuer à une large adoption du plan. Le plan de lancement est un document dans lequel sont définies les activités nécessaires, leur chronologie et les responsabilités dans la mise en uvre de chacune dentre elles. Les composantes de chaque activité quil sagisse de la formation, de lélaboration dune procédure de travail ou de lenseignement doivent être décrites dune manière non ambiguë pour le personnel de lentreprise à tous les niveaux. La dernière étape du plan consiste à faire en sorte quun cycle damélioration continue puisse sinstaurer grâce à la mise en place dun audit du programme de sécurité sur une base au moins annuelle.
Le respect de limpératif moral qui consiste pour toute entreprise à chercher activement à réduire les dommages, les douleurs et les souffrances sur le lieu de travail a pour limites la capacité de le faire de façon soutenue. La plupart des activités humaines comportent des risques, et les risques sur le lieu de travail varient considérablement, depuis ceux qui sont nettement inférieurs aux risques des activités non professionnelles normales jusquà ceux qui sont beaucoup plus élevés. Une décision fondamentale pour une entreprise est daccepter les risques qui sont susceptibles dentraîner des pertes financières et qui sont définis à partir de la douleur et des souffrances des travailleurs victimes daccidents. Un programme de sécurité efficace a pour but de maîtriser une partie de ces pertes en réduisant les risques, notamment lorsque ceux-ci découlent de conditions ou dactes dangereux. Le programme de sécurité est donc simplement un élément du système de gestion et consiste, comme tel, en stratégies, procédures et normes complémentaires. De même, comme les autres programmes de gestion, on le mesure à son efficacité, cest-à-dire à sa capacité de réduire le nombre des accidents et les dommages qui en résultent.
La sécurité des lieux de travail dépend de la maîtrise des risques et des comportements dangereux, qui est une des tâches fondamentales de la direction. Un programme de sécurité devrait procurer des avantages complémentaires: une réduction des dommages et des souffrances des travailleurs, (quelles résultent daccidents ou de maladies aiguës ou chroniques) et une réduction corrélative de la charge financière que représentent ces accidents pour lentreprise. Pour obtenir ces avantages, il faudra procéder comme avec tous les outils de gestion, à savoir définir des objectifs, suivre les résultats et corriger les écarts. Cette approche sera appliquée à un éventail relativement large dactivités, y compris la conception organisationnelle, les procédés de production et le comportement des travailleurs.
Un lieu de travail sûr est laboutissement dun processus complexe et interactif, qui est différent dans chaque entreprise. Un processus type est illustré à la figure 60.6. Pour réussir, le programme de sécurité devra prendre en compte les différents aspects dun tel système.
La sécurité est souvent considérée comme une question qui concerne les travailleurs et les postes de travail, mais la figure 60.6 montre que la direction joue un rôle fondamental, car la sécurité fait partie des objectifs généraux de lentreprise. Il est clair en effet que la direction est responsable du choix des procédés industriels utilisés, du contrôle des agents de maîtrise, des conditions de travail, de lattitude des travailleurs et de leurs méthodes qui sont autant de facteurs déterminants de létendue dun risque en un lieu de travail donné. Il y a généralement une forte probabilité quaucun accident ne survienne, et une faible probabilité quil sen produise un et quil provoque des dommages matériels ou corporels. Un programme de sécurité a pour but de réduire ce risque et de limiter au minimum les dommages corporels.
Il existe plusieurs théories concurrentes des causes des accidents, mais le modèle proposé pour la première fois par Frank Bird (1974) est particulièrement utile, car il fournit une analogie facile compatible avec de nombreuses méthodes de gestion. Bird a comparé le processus qui conduit à des dommages corporels ou matériels à une rangée de dominos posés sur la tranche (voir figure 60.7). Lorsquun domino tombe, il peut entraîner les autres, et il se produit alors une succession dévénements qui finit par entraîner la chute de la dernière pièce, qui correspond à la survenue de dommages. Cette analogie implique que, si lun quelconque des dominos est retiré de la rangée ou est suffisamment solide pour supporter limpact de celui qui le précède, la succession des événements est interrompue, et le dernier événement, qui correspond à un dommage corporel ou matériel, ne se produit pas.
Bien quil existe des modèles plus récents, cette approche reste valable, car elle met clairement en lumière la notion dintervention dans le processus accidentel et le rôle que peut jouer un programme de sécurité efficace en permettant des interventions qui empêchent le déroulement du processus, et donc éviteront des dommages corporels.
La plupart des auteurs saccordent sur le fait que laspect le plus important de tout programme de sécurité est lengagement visible et continu de la direction générale. Cet engagement doit être reconnu et manifesté aux différents niveaux de lencadrement jusquà la maîtrise. La direction a souvent limpression que son souci de la sécurité est visible par tous dans lentreprise, alors quen réalité il peut y avoir un phénomène de dilution dans les couches successives de la hiérarchie. Pour quun programme de sécurité réussisse, il faut que la direction montre clairement son attachement à lidée que la sécurité est une responsabilité de tout le personnel, depuis les cadres supérieurs jusquaux travailleurs temporaires. Elle devrait lexprimer sous la forme dun court document écrit, distribué à tout le personnel et utilisé le plus tôt possible pour linitiation des nouvelles recrues. Certaines entreprises, récemment, sont allées plus loin en introduisant lidée que lengagement dinstaurer un lieu de travail sûr et sain pour tous ses travailleurs et tous ses clients faisait partie de leurs valeurs explicites. Elles exposent souvent cette position dans des documents, à côté dautres valeurs plus traditionnelles telles que la recherche du profit, la fiabilité, le service à la clientèle et lengagement en faveur de la communauté.
La clarté de la communication est particulièrement importante dans les grandes organisations, où le lien direct entre les chefs dentreprise et les travailleurs peut facilement être rompu. Lun des meilleurs moyens dy parvenir consiste à élaborer une série de politiques et de procédures écrites, et, en premier lieu, la fixation, par la direction générale, des objectifs à atteindre par le programme de sécurité. Ces objectifs devraient être clairs, concis, réalisables, défendables et surtout dépourvus dambiguïté. La direction ne doit pas se contenter de supposer que chacun, aux différents niveaux de la hiérarchie, a la même connaissance, la même compréhension et la même perception du programme de sécurité; il faut que tous ces aspects soient parfaitement explicités. De même, en énonçant cette procédure écrite, il est essentiel de fixer des objectifs réalistes.
La mise au point de programmes de sécurité efficaces, sur la base de cet engagement initial, exige que lon intègre la mesure des résultats obtenus en la matière à lévaluation annuelle des résultats de lensemble du personnel dencadrement. Conformément à la conception selon laquelle la sécurité nest que lune des nombreuses mesures du contrôle des processus par la direction, les résultats obtenus dans ce domaine doivent être pris en compte au même titre que la production, les coûts unitaires et la rentabilité de tel ou tel service. Dans la mesure où les accidents résultent dun manque de contrôle du processus, cette approche semble parfaitement compatible avec la place accordée aujourdhui à la notion de management total de la qualité (TQM). Il sagit dans les deux cas de réduire au minimum les écarts par rapport à la normale afin de mieux contrôler la réalisation des objectifs de lentreprise. En outre, la notion, propre à la TQM, damélioration graduelle, année après année, sapplique parfaitement à la gestion à long terme des programmes de sécurité.
La formation et léducation sont des composantes capitales de tout programme de sécurité. Elles commencent avec la diffusion, par la direction, non seulement des objectifs du programme, mais aussi dinformations sur les progrès accomplis dans leur poursuite, mesurés grâce à la tenue de dossiers et à la comptabilité analytique. Léducation, au sens dune démarche visant à faire mieux comprendre la nature dun risque et les méthodes utilisées pour le réduire, paraît efficace, notamment dans les cas où subsistent des doutes sur les facteurs de risque individuels. On en a un exemple avec la multiplication des cas de troubles musculo-squelettiques par hypersollicitation des membres supérieurs en Australie, en Europe et en Amérique du Nord. Ces troubles sont devenus un problème important, notamment parce que tout le monde nest pas daccord quant aux critères à appliquer pour les prévenir. Il apparaît toutefois quen raison de leur caractère cumulatif la solution pourrait fort bien résider dans léducation. Sils sont conscients des risques quils encourent, les travailleurs sauront reconnaître les expositions nocives et y remédier en changeant leur manière de travailler. De même, sils comprennent les mécanismes de développement des lombalgies, les travailleurs éviteront certaines pratiques de travail potentiellement dangereuses et leur substitueront des méthodes plus sûres.
Mais la formation des travailleurs ne suffit pas. Il est tout aussi impérieux de former les cadres et agents de maîtrise pour quils comprennent quelles sont leurs responsabilités et obligations et prennent davantage conscience des risques éventuels. Il leur incombe dindiquer aux travailleurs des procédures claires et non ambiguës pour quils sacquittent de leurs tâches sans danger. Il faudrait quils comprennent les risques que comportent des opérations particulières et les effets que telle ou telle exposition à des agents toxiques ou physiques est susceptible davoir. En outre, les cadres, agents de maîtrise et travailleurs devraient bien connaître les procédures à suivre pour limiter au minimum les dommages après un accident.
Au XXe siècle, des conceptions fluctuantes concernant les programmes de sécurité ont attribué la responsabilité du comportement des travailleurs, dans des proportions variables, aux individus, aux employeurs et à la société. Mais il est clair quun comportement sécuritaire est la clef de voûte du processus de sécurité. Un exemple de limportance de ce comportement est le développement dune éthique de groupe (ou normes déquipe) selon laquelle lhypothèse, par un membre du groupe, quil y a un risque peut être perçue négativement par les autres membres. Linverse est également vrai: lacceptation de pratiques dangereuses peut finir par être considérée comme «normale». De tels comportements peuvent être modifiés par des méthodes spéciales de formation et de renforcement, comme le prouvent les programmes extrêmement efficaces de lutte contre la propagation du sida due à lutilisation négligente des aiguilles dans le secteur des soins de santé. Linsistance de la direction, associée à une formation et à un recours à du matériel pédagogique, a permis de modifier radicalement les procédures utilisées et de réduire la fréquence de ce risque.
De plus en plus, les sociétés obligent les travailleurs à participer aux programmes de sécurité. Bien que la validation de cette participation tende à être assez variable, une telle implication des travailleurs peut être utile dans plusieurs phases du processus de sécurité. Il ne fait pas de doute que les personnes exposées à des risques sont des sources très utiles pour lidentification de ces risques et quelles connaissent fréquemment les solutions qui permettraient de les réduire. Lorsque les problèmes ont été définis et des solutions mises au point, il sera beaucoup plus facile de les appliquer si les travailleurs ont participé à la tenue de dossiers, ainsi quà lidentification, la mise au point et la validation des interventions proposées. Enfin, la participation au programme de sécurité aide à comprendre lengagement de la direction et les contraintes budgétaires.
Certains pays ont largement recouru à des mesures dincitation en faveur des comportements sécuritaires. Ces mesures sont loin davoir fait la preuve de leur efficacité, mais elles peuvent, dans le cadre dun programme de sécurité global, servir à montrer que la direction reste soucieuse de la sécurité et stimuler fortement lobtention de résultats. Ainsi, les programmes de sécurité qui comportent lenvoi dune petite récompense financière par courrier à une personne ont peu de chances dêtre efficaces, alors que la même récompense, remise en public par la direction, et fondée sur des résultats concrets par exemple, 2 500 heures de travail sans accident constituera vraisemblablement une mesure de renforcement positif. Dans la pratique, cest, dans beaucoup de secteurs, linverse qui est vrai: il existe de nombreuses mesures qui récompensent des comportements peu conformes à la sécurité. Par exemple, il est clair que les systèmes de rémunération à la pièce récompensent les travailleurs qui, dans un cycle de travail, suppriment tous les éléments qui prennent du temps, y compris ceux qui peuvent rendre le travail plus sûr. Les entreprises qui appliquent des mesures dincitation ont sans doute plus besoin de systèmes de prévention technique et de méthodes de surveillance active si elles souhaitent vraiment protéger la sécurité et la santé de leur personnel.
Linformation est lélément moteur de la gestion, et la documentation est un élément essentiel de linformation de gestion. En labsence de source de données fiable, on ne sera pas assuré de progresser vers une réduction des accidents, et la volonté de la direction de consacrer des ressources à la réduction des risques peut être ébranlée. Dans certains pays, la collecte de telles données est une obligation légale, et il est évident quun programme de sécurité efficace doit faciliter le rassemblement et lexploitation de ces données. Le respect des prescriptions réglementaires peut être nécessaire, mais il est rarement suffisant pour que le programme de sécurité soit efficace. Ces prescriptions peuvent varier dun endroit à lautre, ce qui occulte la valeur des données; cette situation est particulièrement problématique dans les entreprises implantées en des sites multiples relevant de juridictions régionales ou nationales différentes. En conséquence, la normalisation de la collecte des données et la méthode à appliquer doivent être définies spécialement dans le cadre du programme de sécurité. Chaque programme doit donc commencer par définir les informations nécessaires au respect des réglementations, puis déterminer ensuite les besoins de collecte et danalyse complémentaires en vue de réduire les accidents.
Le calcul du coût des pertes est un élément capital de la gestion des données. Lanalyse des sources de pertes, cest-à-dire la détermination des sources de pertes effectives, comprend le mesurage du nombre dincidents, de leur gravité et du coût direct des dommages, matériels et corporels, et des maladies. Ces informations sont essentielles pour que la direction puisse faire porter ses efforts sur les véritables problèmes qui se posent sur le lieu de travail. Dans de nombreux pays, les prestations de réparation quelles soient directement à la charge de lemployeur, dune fédération ou dun organisme public sont présumées proportionnelles à la souffrance des travailleurs. De ce fait, en identifiant la source de la perte, la direction sacquitte de sa responsabilité consistant à instaurer des conditions de travail sûres dune manière parfaitement compatible avec lapproche de lanalyse coûts-avantages appliquée pour dautres activités.
Les coûts directs ne correspondent pas aux coûts financiers réels supportés par lentreprise du fait des accidents du travail et des dommages corporels. De nombreux pays du monde ont essayé, avec une rigueur variable, destimer les coûts indirects liés aux accidents. Ces coûts comprennent la perte de temps dencadrement, la perte de temps de production pendant lenquête sur laccident, la remise en état, la formation du personnel de remplacement et les heures supplémentaires nécessaires pour respecter le calendrier de production. On a constaté que ces coûts indirects dépassaient nettement les coûts directs, souvent dans une proportion de trois à dix fois le montant des pertes directement couvertes par lassurance.
Le mesurage des pertes suppose normalement quon exerce une surveillance passive , qui exige une analyse de la fréquence et de la gravité des accidents survenus dans le passé. La surveillance passive ne suffit pas toujours, notamment dans les cas où les probabilités derreurs sont très faibles, mais où les dommages potentiels non maîtrisés sont très importants lorsquelles se concrétisent. En pareilles circonstances, en particulier dans les industries de transformation complexes, il est nécessaire de faire une évaluation des pertes potentielles . Il est évidemment inadmissible, au prétexte quil ny a jamais eu de victime, que des processus mettant en jeu de grandes quantités dénergie ou de produits toxiques ne soient pas analysés avant quun accident se produise. Dans certaines branches, il est donc sage dinstituer une surveillance active , surtout lorsque des processus similaires ont déjà entraîné des pertes ailleurs. Les informations émanant des organisations professionnelles et des organismes nationaux et internationaux soccupant des questions de travail et de sécurité sont des sources précieuses dont on peut se prévaloir pour établir, avant un incident, des estimations qui auront des chances dêtre valables. Dautres techniques, notamment lanalyse par arbre de défaillance et lanalyse des modes de défaillance, sont étudiées dans des rubriques distinctes de lEncyclopédie . Dans des cas tels quune exposition à des produits chimiques, la surveillance active peut comprendre des examens médicaux réguliers du personnel. Cela est particulièrement important lorsque des valeurs limites bien établies ont été déterminées. La méthode consistant à estimer des pertes potentielles et réelles met en lumière un aspect quun programme de sécurité efficace devrait prendre en compte, et qui est la différence entre le risque quotidien et les effets dune catastrophe potentielle.
Il a été démontré que la rétro-information était fondamentale dans de nombreuses activités des entreprises, y compris les programmes de sécurité. Le calcul des taux dincidence et de gravité servira de base à laffectation rationnelle des ressources par lentreprise et au mesurage de la réussite du programme. Ces informations sont aussi utiles à la direction pour lévaluation de la fonction sécurité quaux travailleurs pour lexécution du programme. La présentation de ces données devrait cependant être conçue en fonction de lutilisateur final: les données globales permettront à la direction de faire des comparaisons entre les unités opérationnelles, tandis que les données propres aux différents services et les moyens visuels (tels que graphiques à thermomètre indiquant, au niveau de latelier, le nombre de journées de travail sans accident) peuvent contribuer à améliorer la compréhension et ladhésion de lensemble du personnel.
Dans un programme de sécurité efficace, le système dinformation est un élément dérivé qui doit être complété par une approche pratique de la sécurité sur le lieu de travail. Cela suppose une inspection sommaire , consistant pour un observateur informé et spécialement formé à repérer subjectivement les dangers dun lieu de travail. Cette méthode est en outre particulièrement indiquée pour détecter les manquements au règlement de lentreprise ou aux prescriptions légales. Ainsi, la réduction des dangers grâce à lemploi de protecteurs de machines est inefficace sil apparaît quun grand nombre de ces dispositifs ont été enlevés, ce que permet de constater une inspection sommaire. Cette dernière étant une procédure ouverte et adaptable, elle est aussi le moyen le plus facile de mettre en évidence des insuffisances dans la formation des travailleurs et peut-être dans celle de lencadrement.
Pour être efficaces, les programmes de sécurité devraient appliquer cette technique régulièrement, mais de façon aléatoire. Linspection sommaire nest cependant pas la seule façon de repérer les dangers. Les travailleurs eux-mêmes peuvent fournir des informations précieuses. Dans de nombreux cas, ils ont lexpérience de «quasi-accidents» jamais signalés, et ils sont donc bien placés pour en parler avec le responsable de la sécurité pendant linspection. Dune manière générale, ils devraient être encouragés par lencadrement à signaler toutes les lacunes, réelles ou potentielles, sur le plan de la sécurité.
Tous les accidents doivent être analysés par le supérieur responsable. Les accidents comme ceux qui se produisent dans les industries de transformation nécessitent souvent une enquête par une équipe de personnes compétentes représentant des intérêts divers et comprenant éventuellement un expert extérieur. Les programmes efficaces associent souvent les travailleurs à ces enquêtes, ce qui permet de mieux comprendre ce qui sest passé et de diffuser rapidement des recommandations. Il ressort clairement de la figure 60.6 que les accidents ne sont pas seulement les événements qui aboutissent à des dommages corporels, mais aussi ceux qui occasionnent des dommages matériels, voire des événements importants ne provoquant ni les uns ni les autres (ce sont les «quasi-accidents»). Il apparaît sur la figure que ces incidents devraient faire lobjet dune enquête et dun contrôle de la part de la direction, même si personne na été blessé. En évitant des incidents similaires à lavenir, on réduira le risque quils provoquent des dommages corporels. Les enquêtes après accident, qui visent à trouver un coupable, paraissent moins efficaces que celles qui ont pour objectif de déterminer les causes. Lorsquon cherche un coupable, la pression des collègues et dautres comportements psychosociaux risquent de nuire gravement à la qualité des informations recueillies.
Le rapport daccident est essentiellement une démarche formalisée, comportant des descriptions écrites des événements qui se sont produits avant, pendant et après laccident, et une évaluation des facteurs qui y ont conduit. Il devrait se terminer par une recommandation précise: modifier immédiatement la méthode de travail ou, dans le cas de situations complexes, demander quune nouvelle enquête soit faite par des professionnels. Le rapport daccident devra être signé par le supérieur responsable, ou par le chef de léquipe chargée de lenquête, et transmis à léchelon approprié de la hiérarchie. Lexamen et lacceptation des recommandations par la direction sont un élément essentiel du processus de comptes rendus daccidents. En signant, le directeur devrait préciser sil accepte ou refuse les changements proposés dans le but de prévenir de nouveaux accidents, et tout refus devrait être motivé. Les enquêtes sur des accidents qui ne débouchent pas sur la désignation dune personne chargée de donner suite aux recommandations risquent dêtre inefficaces et dêtre rapidement considérées comme sans intérêt par toutes les parties concernées. Pour réussir, un programme de sécurité doit être conçu de telle manière que les enseignements tirés dun accident soient acceptés ailleurs dans lentreprise.
Le meilleur moyen de maîtriser un risque sera toujours de le supprimer par des moyens de prévention technique prévus dès la conception, ou en guise de substitution ou de modification. Si le risque est éliminé (ou du moins si des mesures ont été prises pour le limiter et sen prémunir), lopérateur sera protégé, quelles que soient les différences individuelles tenant à la formation, la force physique, lattention, la fatigue ou au rythme circadien.
Malheureusement, dans certains cas, le coût de ces mesures de prévention technique peut atteindre ou dépasser les limites de la viabilité économique. Certains procédés sont par nature beaucoup plus risqués que dautres, et les moyens techniques applicables napportent quune solution partielle. Les travaux de construction en hauteur, lexploitation des mines de charbon souterraines, la production dacier et la conduite dun véhicule sur de très longs parcours sont autant dactivités qui exposent les travailleurs à des risques supérieurs à la «normale». En pareils cas, il peut savérer nécessaire de prendre des mesures organisationnelles de prévention et dimposer des dispositifs de protection individuelle. Les mesures organisationnelles peuvent consister en une formation et des procédures spécifiques pour réduire les risques: par exemple, linterdiction de pénétrer seul dans des espaces confinés ou la mise en place de systèmes de verrouillage pour isoler des équipements ou des processus dangereux par rapport à lopérateur pendant le cycle de travail. Ces procédures peuvent être efficaces, mais elles supposent un entretien permanent. Les pratiques de travail, en particulier, tendent à sécarter des procédures administratives requises. Il faut mettre un terme à cette tendance en organisant des séances de formation et de recyclage pour tous les travailleurs et agents de maîtrise concernés.
Le dernier élément de la maîtrise des risques est lutilisation de dispositifs de protection individuelle tels quappareils de protection respiratoire, gants de protection, harnais et casques de sécurité, pour nen mentionner que quelques-uns. En général, ces dispositifs sont utiles lorsque les risques nont pas été complètement éliminés du lieu de travail ou ne font pas lobjet de mesures organisationnelles de prévention. Ces dispositifs qui ont pour but de réduire les effets de ces risques sur les travailleurs peuvent néanmoins poser certains problèmes parmi lesquels il faut citer: une utilisation inappropriée, une mauvaise conception, un contrôle inadéquat de la part des supérieurs et un défaut dentretien.
Malgré tous les efforts entrepris pour réduire les risques, le programme de sécurité doit prévoir les mesures à prendre après un accident. La mise en place de moyens de premiers secours et de traitement médical durgence peut apporter des avantages considérables au programme de sécurité. Il faudra établir un protocole pour le traitement médical après un accident. Des travailleurs sélectionnés devront se familiariser avec les instructions écrites pour demander une assistance médicale sur le lieu de travail. Cette assistance devrait être organisée à lavance, car tout retard risque daggraver létat de la victime. Pour les accidents qui ne provoquent que des lésions mineures, on peut limiter les pertes grâce à un traitement médical sur le lieu même de laccident. Le traitement des coupures et contusions légères dans les locaux de lentreprise permet de réduire le temps pendant lequel les intéressés ne sont pas à leur poste.
Pour les premiers secours, il faut disposer dune quantité suffisante de fournitures, mais surtout assurer une formation appropriée, qui peut influer directement sur les chances de survie en cas de lésions potentiellement mortelles, et réduire la gravité de nombreux accidents moins critiques. Les premiers soins, comme la réanimation cardio-respiratoire ou la stabilisation dune hémorragie, peuvent être déterminants pour la vie dune personne qui a besoin dun traitement lourd urgent. Souvent, les premiers soins dispensés sur le lieu dun accident facilitent dimportantes interventions chirurgicales ultérieures. Les premiers secours jouent un rôle plus important encore dans les entreprises implantées loin des centres urbains, où un traitement médical peut être retardé de plusieurs heures.
Les premiers secours peuvent également faciliter le retour au travail dans de bonnes conditions lorsque les lésions sont mineures. Il a été montré que ces interventions sur place rendent moins nécessaires les longues consultations médicales à lextérieur de lentreprise et évitent ainsi une perte de productivité. Surtout, elles réduisent les risques de médicalisation en cas daccident, problème qui commence à se poser dans plusieurs pays.
Un programme de sécurité devrait identifier périodiquement, au moins une fois par an, les causes potentielles de catastrophe. Dans certaines situations par exemple, le stockage de grandes quantités de produits inflammables ou dangereux , cela nest pas trop difficile. Dans dautres, en revanche, il faut faire preuve de beaucoup dingéniosité pour présenter des propositions utiles en vue de prévoir déventuelles catastrophes. Par définition, les catastrophes sont rares, et il est peu probable quune entreprise soit victime deux fois du même type de catastrophe. La prise en charge médicale, la circulation de linformation et la gestion de la situation sont autant déléments qui devraient être définis dans le programme de sécurité. Il va de soi que dans de nombreuses entreprises ces plans annuels seront réduits au minimum, mais le fait même den élaborer peut contribuer utilement à sensibiliser la direction à certains des risques assumés par lentreprise.
Un programme de sécurité efficace nest pas un ouvrage ou un recueil de notes, mais un plan conceptuel visant à réduire les risques de dommages corporels, mesurés sur la base de leur fréquence et de leur gravité. Comme tous les processus au sein dune entreprise, celui de sécurité relève de la direction et non dun ingénieur de sécurité ou des travailleurs. La direction a la responsabilité de fixer les objectifs, de fournir des ressources, de mettre en place les moyens de mesurer les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs et de prendre des mesures correctives lorsque les progrès ne sont pas satisfaisants. Pour cela, linformation joue un rôle primordial, suivi en importance par la communication des objectifs à tous les niveaux de lentreprise direction, encadrement, exécution où chacun peut contribuer à linstauration de conditions de travail sûres. Malheureusement, des insuffisances dans lorganisation, les procédures et les comportements peuvent y faire obstacle. Un programme de sécurité efficace est un programme qui reconnaît ces facteurs et les prend en compte dans lélaboration dune approche intégrée pour atténuer la douleur et les souffrances provoquées par les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les programmes dincitation à la sécurité ont un objectif déclaré: réduire les pertes dues aux accidents. Mais ils ont aussi des effets secondaires positifs. Dune part, ils sont une option intéressante pour lindustrie, dans la mesure où les économies quils permettent de réaliser sont généralement supérieures à leur coût. Dautre part, ils peuvent contribuer à améliorer le moral dans lentreprise; un meilleur climat général peut avoir des effets bénéfiques sur la productivité, au-delà des gains résultant de la réduction des accidents. Les programmes dincitation ciblant des groupes proposent une cause que les membres du personnel partagent entre eux et avec la direction. En incitant à agir conformément à la sécurité, «on supprime les effets indésirables du recours à la discipline et aux sanctions, on accroît la satisfaction professionnelle et on renforce les relations entre lencadrement et les travailleurs» (McAfee et Winn, 1989).
Il y a eu de nombreux cas, dans lindustrie manufacturière, le bâtiment et dautres secteurs, où le taux daccidents par salarié a été réduit de 50 à 80%. De meilleurs résultats encore sont parfois obtenus, comme cela a été le cas de deux sociétés minières où le nombre total de journées de travail perdues a diminué de 89 et 90%, respectivement (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Il arrive aussi que les résultats soient plus modestes. Une usine de câbles a réduit le coût des accidents par salarié de 35%, un fabricant de produits du tabac de 31% (Stratton, 1988), une entreprise de traitement et de transport de céréales de 30%, un complexe touristique du Pacifique de 39% et un fabricant de produits alimentaires de 10% (Bruening, 1989).
Ces effets positifs se manifestent longtemps. Des programmes dincitation, dans deux mines américaines, ont été étudiés sur des périodes de 11 et 12 ans. Dans lune des mines, le nombre des journées de travail perdues pour cause daccident a été ramené à environ 11% du niveau de référence et dans lautre à environ 2%. Les rapports avantages-coûts se situaient, dune année à lautre, entre 18 et 28 dans une mine et 13 et 21 dans lautre. Rien na laissé penser quil y avait une baisse defficacité avec le temps (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Un rapport avantages-coûts élevé de lordre de 23 à 1 a également été observé dans le secteur du tourisme hôtelier.
Le rapport entre les avantages (économies réalisées grâce aux accidents évités) et les coûts des programmes (primes et frais de gestion) est généralement supérieur à 2 pour 1, ce qui signifie que la prévention des accidents peut être rentable pour les entreprises. Cela tient en grande partie à la réduction des cotisations quelles versent aux commissions de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et aux compagnies dassurances, ainsi quà laugmentation de la production, à la réduction des temps dinactivité et à un moindre recours au personnel de remplacement.
Les programmes dincitation à la sécurité, lorsquils sont bien conçus, reçoivent lapprobation de ceux auxquels ils sadressent et, à cet égard, ils soutiennent favorablement la comparaison avec les autres formes de motivation pour la sécurité, comme les règlements, les consignes ou la discipline, qui ont beaucoup moins la faveur des intéressés. Pour dire les choses familièrement: une petite carotte nest pas seulement mieux appréciée quun gros bâton; elle est aussi beaucoup plus efficace. Un seul effet secondaire négatif a été observé jusquà présent, à savoir la tendance à sous-déclarer les accidents lorsque des programmes dincitation sont en vigueur, mais il est apparu quelle ne concernait heureusement que les accidents mineurs (McAfee et Winn, 1989).
Il ressort aussi des programmes dincitation qui ont été mis en uvre que certains ont eu des effets beaucoup plus marquants que dautres. Par exemple, un plan dincitation allemand promettant aux chauffeurs-routiers une prime de 350 DM pour chaque période de six mois pendant laquelle ils nétaient pas mis en cause dans un accident a permis, dans sa première année dapplication, de réduire de deux tiers le coût direct des accidents et de le maintenir à ce niveau pendant plus de trente ans (Gros, 1989). En Californie, lexpérience «bons conducteurs», dans le cadre de laquelle une prolongation gratuite dun an du permis de conduire était offerte pour chaque année de conduite sans accident, a fait baisser de 22% le taux daccidents au cours de la première année de son application (Harano et Hubert, 1974).
Nous avons essayé ici de déterminer, à partir des rapports publiés sur ce sujet, quels étaient les composants des programmes dincitation à la sécurité les plus efficaces. Il a nécessairement fallu procéder par déduction, car il ny a pas eu jusquà présent dexpérience de contrôle consistant à faire varier un seul paramètre en maintenant tous les autres constants. Pour des raisons évidentes, il est peu probable que de telles expériences soient jamais menées, car ce nest pas laffaire de lindustrie. Néanmoins, les éléments énumérés ci-après semblent réalistes (Wilde, 1988; McAfee et Winn, 1989; Peters, 1991).
Le lancement et le maintien dans la durée dun programme dincitation à la sécurité devraient être menés avec vigueur, détermination et cohérence. Il ne faudrait pas se contenter dinformer les travailleurs ou les conducteurs de véhicules de lexistence du programme, mais aussi le rappeler fréquemment à leur attention. Pour motiver et informer les groupes ciblés, les responsables des programmes dincitation devraient leur faire connaître fréquemment et clairement les résultats obtenus (Komaki, Barwick et Scott, 1978).
Les programmes dincitation à la sécurité devraient récompenser le résultat (le fait de ne pas avoir provoqué daccident), et non le moyen employé (par exemple, le port de lunettes de protection ou de ceintures de sécurité, la sobriété ou le respect des règles de sécurité de latelier), car on ne renforce pas nécessairement la motivation pour la sécurité en récompensant un comportement particulier. Dans le domaine de la circulation routière, par exemple, un avantage potentiel, en matière de sécurité, résultant de la fréquence accrue dune certaine forme de comportement «sûr», peut fort bien être neutralisé par ladoption moins fréquente dautres formes de comportement «sûr». «Le risque est que, sil peut y avoir une amélioration du côté du comportement récompensé, dautres comportements de sécurité apparentés peuvent se détériorer» (McAfee et Winn, 1989).
On peut penser que les programmes dincitation seront dautant plus efficaces quils rendront plus importante la différence entre lavantage, tel quil est perçu, de ne pas avoir daccident, et linconvénient, tel quil est perçu, den avoir un. Les récompenses instituées par les employeurs pour un travail sans accident ont pris des formes très diverses, allant de la remise de sommes dargent à des félicitations publiques. On peut citer aussi les timbres-primes, les billets de loterie, les chèques-cadeaux, la distribution dactions de la société, les congés supplémentaires, les promotions et dautres privilèges. Les sommes dargent sont une récompense suffisamment souple pour empêcher que les intéressés ne soient «blasés», mais les objets, notamment les cadeaux personnalisés, peuvent rappeler durablement à leur bénéficiaire la valeur de la sécurité. Les objets ont également une composante «valeur ajoutée», dans ce sens quils peuvent être obtenus à un prix inférieur à celui que devraient probablement payer les bénéficiaires sils devaient les acheter dans le commerce. Aux Etats-Unis, tout un secteur dactivité sest créé autour des objets offerts en récompense de la sécurité. Les chèques-cadeaux sont à mi-chemin entre les sommes dargent et les objets; on peut les utiliser avec souplesse tout en les personnalisant et en y inscrivant un message en souvenir. Les automobilistes ont bénéficié de récompenses en espèces, de réductions de primes dassurance et de renouvellements gratuits de leur permis de conduire.
Il nest pas nécessaire que les récompenses soient dun montant élevé pour être efficaces. On peut même préconiser de petits cadeaux comme des insignes pour une conduite sûre pendant un ou cinq ans. Les petites récompenses présentent lavantage de pouvoir être offertes plus fréquemment; elles incitent probablement moins à la sous-déclaration et peuvent favoriser lintériorisation dattitudes de sécurité par le processus de réduction de la dissonance cognitive (Bruening, 1990). Lorsquune petite récompense modifie le comportement dune personne, cette dernière peut justifier ce changement en se disant quil a été motivé par le souci de la sécurité et non par cette incitation insignifiante. Une telle intériorisation des attitudes de sécurité nest pas nécessaire lorsque lincitation extérieure est importante, car elle justifie alors entièrement le changement de comportement.
On notera cependant que les récompenses modestes ne peuvent influer sur les attitudes quaprès un changement de comportement consécutif à une quelconque incitation extérieure mineure. Il faut donc que la récompense soit suffisamment souhaitée pour provoquer, au départ, un certain changement de comportement. Les récompenses doivent avoir une «valeur perçue» dans lesprit des bénéficiaires. Dans certains cas, une petite récompense matérielle équivaut à une grande récompense sociale à cause de sa «fonction symbolique». Un comportement sûr peut ainsi devenir «ce quil convient de faire». Cela peut aider à expliquer pourquoi, en Californie, une incitation modeste, telle que le renouvellement gratuit du permis de conduire pour un an, a entraîné une importante réduction du taux daccidents de la route. De plus, de même que des études antérieures avaient montré quil y avait une relation exponentielle (à la puissance 3) entre les taux daccidents dans des tâches dangereuses (par exemple, le travail aux pièces) et des salaires plus élevés, de même, on peut penser que des augmentations relativement modestes des salaires pour récompenser labsence daccidents devraient entraîner une baisse proportionnellement plus grande des taux daccidents (Starr, 1969).
Limportance de lincitation devrait continuer à augmenter progressivement à mesure que saccumule le nombre de périodes ininterrompues sans accident; ainsi, la prime correspondant à dix années sans accident devrait être plus de dix fois supérieure à la prime correspondant à une année sans accident.
Les règles de fonctionnement du programme devraient rester simples, de manière à être facilement comprises par tous ceux qui sont visés. Il est primordial que le programme dincitation soit mis au point en coopération et en consultation avec les personnes quil concerne. Les individus ont davantage tendance à essayer datteindre des objectifs quils ont eux-mêmes contribué à définir (Latham et Baldes, 1975).
Le programme dincitation devrait être perçu comme équitable par tous ceux auxquels il sapplique: il faut que la prime puisse être considérée comme une juste récompense pour ne pas avoir provoqué daccident au cours dune période donnée. Il faut aussi que les travailleurs qui ne peuvent prétendre à la récompense (la plus élevée) néprouvent aucune rancur envers le système, et que ceux qui sont récompensés soient considérés par leurs collègues comme méritant la récompense. Le hasard jouant un rôle dans le fait davoir ou de ne pas avoir daccident, loctroi dune récompense peut être subordonné à la condition supplémentaire que le travailleur concerné, nayant pas provoqué daccident, soit également soucieux de la propreté et de la sûreté de son poste de travail. Au cas où des mesures de dissuasion sont également appliquées, il faut que les sanctions en question apparaissent comme justifiées.
Les programmes devraient être conçus de manière que la prime soit considérée comme potentiellement accessible. Cela est particulièrement important lorsque la récompense est attribuée dans le cadre dune loterie. Les loteries permettent de distribuer des récompenses plus importantes, ce qui peut accroître lintérêt suscité par un programme dincitation mais, parmi ceux qui auront accumulé des «points sécurité», ceux qui recevront une prime seront moins nombreux. En revanche, certains risquent dêtre découragés dessayer activement daccumuler des «points».
La période pendant laquelle une personne ne doit avoir aucun accident pour prétendre à une prime devrait rester relativement courte. Les récompenses et sanctions différées tendent à être oubliées, et contribuent donc moins efficacement à modifier les comportements quune récompense plus immédiate. On a même appliqué des périodes ne dépassant pas un mois. Si lon choisit des périodes plus longues, il faut que les rappels, rapports intermédiaires et autres interventions soient mensuels. Dans lexpérience californienne citée plus haut, la baisse du taux daccidents a été plus importante parmi les conducteurs dont le permis devait être renouvelé dans le délai dun an après la date où ils avaient été informés du programme dincitation, que parmi ceux dont le permis ne devait être renouvelé que deux ou trois ans plus tard.
Les programmes dincitation à la sécurité devraient être conçus de manière à renforcer la pression exercée par les collègues pour éviter les accidents. Le plan devrait inciter chacun non seulement à se préoccuper de sa propre sécurité, mais aussi à exercer une influence sur les autres pour que leur probabilité daccident diminue également. Dans lindustrie, on le fait en accordant une prime à lensemble de léquipe de travail, en plus des primes individuelles quand il ny a pas daccident. Les primes collectives accroissent lesprit de compétition pour lobtention de ces récompenses. On a constaté en outre quelles étaient efficaces seules, cest-à-dire même en labsence de primes individuelles. On peut également renforcer un programme de primes doubles (individuelles et collectives) en informant les familles de lexistence du programme de prix de sécurité, des objectifs en matière de sécurité et des récompenses possibles.
Il faudrait réfléchir aux moyens de lutter contre la tendance des travailleurs à ne pas déclarer les accidents dont ils sont victimes. La possibilité que les programmes dincitation encouragent cette tendance semble être leur seul inconvénient (encore que des objections morales aient parfois été élevées contre lidée de récompenser des individus parce quils avaient atteint un objectif auquel ils auraient dû aspirer spontanément, sans avoir besoin dêtre «payés» pour respecter les consignes de sécurité). Certains programmes dincitation prévoient des déductions de crédits sécurité en cas de non-déclaration daccidents (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Heureusement, les seuls accidents qui, parfois, ne sont pas déclarés sont des accidents mineurs, mais plus la prime de sécurité est importante, plus ce phénomène risque de devenir fréquent.
Les récompenses pour le respect des règles de sécurité ne devraient pas être réservées aux salariés, mais il faudrait les étendre à leurs supérieurs immédiats et aux cadres, de manière à généraliser et à rendre plus cohérente une attitude positive à légard de la sécurité dans lentreprise et à instaurer une «culture» de la sécurité.
Bien que la formation à la sécurité diffère de la motivation pour la sécurité et quil faille bien distinguer entre laptitude dune personne à adopter un comportement de sécurité et sa volonté de le faire, certains auteurs estiment quil y aurait amélioration de la sécurité si lon disait aux travailleurs quels comportements particuliers permettent déviter des accidents (par exemple, Peters, 1991).
Lorsquon envisage un programme dincitation à la sécurité, il faudrait se demander quel est le principal objectif visé: réduire autant quil est possible le taux daccidents, ou obtenir un rapport avantages-coûts maximum? Certains programmes ne permettent quune baisse légère de la fréquence des accidents, mais à très faible coût. Leur rapport avantages-coûts peut donc être plus élevé que celui dautres programmes, capables pourtant dentraîner une beaucoup plus grande réduction du taux daccidents. Contrairement à la valeur absolue du rapport avantages-coûts, le montant économisé peut être nettement supérieur dans le second cas. Prenons un exemple: un programme de sécurité A dont la mise en uvre coûte 200 000 dollars E.-U. permet déconomiser 700 000 dollars E.-U., et un programme B coûtant 300 000 dollars E.-U. peut faire économiser 900 000 dollars E.-U. Le rapport avantages-coûts de A est de 3,5 et celui de B de 3,0. Autrement dit, si lon sen tient à ce critère, A lemporte sur B, mais si lon considère léconomie nette, le résultat est différent. Le programme A permet déconomiser (700 000 moins 200 000), soit 500 000 dollars E.-U., et le programme B (900 000 moins 300 000), soit 600 000 dollars E.-U. De ce point de vue, il faut donc donner la préférence au plus grand programme.
Comme nimporte quelle autre mesure de lutte contre les accidents, il ne faudrait pas mettre en place de programme dincitation sans en évaluer au préalable la faisabilité à court et long terme et sans déterminer sa forme optimale ni sans prévoir une évaluation scientifiquement satisfaisante du coût de sa mise en uvre et de son efficacité réelle en matière de réduction du taux daccidents. Sans ce type de recherche, jamais leffet surprenant dun certain programme de récompenses naurait été découvert. Bien quil semble peu probable, dans la pratique, quun programme dincitation ait un impact négatif, on a constaté que lune des variantes dune série de programmes dincitation-récompenses destinés aux automobilistes californiens avait produit en fait une détérioration des statistiques de la sécurité routière. Lidée était daccorder un avantage aux conducteurs sans antécédents daccident, sans les informer à lavance de cette possibilité. Il sagissait donc dune récompense inattendue et non dune incitation, ce qui montre bien limportance de cette distinction pour la promotion de la sécurité. Le terme incitation désigne une gratification ou une prime annoncée à lavance , qui est octroyée aux travailleurs ou aux automobilistes à la condition expresse que leur responsabilité ne soit pas engagée dans un accident au cours dune période future spécifiée.
La promotion de la sécurité a pour but dinciter les salariés à améliorer leur comportement et celui de leurs collègues pour ce qui est de leur propre protection et de contribuer à la réalisation des objectifs déclarés de leur entreprise en matière de sécurité. La promotion de la sécurité vise à faire prendre davantage conscience des problèmes de sécurité à tous les niveaux de lentreprise et à confirmer que lamélioration de la sécurité du personnel est une tâche hautement prioritaire pour la direction.
En dernière analyse, lefficacité dun programme ou dune activité de promotion de la sécurité dune entreprise dépend directement de la qualité de la gestion du programme de sécurité. La promotion de la sécurité peut contribuer grandement à améliorer la sécurité sur le lieu de travail lorsquil existe une méthode rationnelle de gestion des risques à tous les stades opérationnels: planification des installations, conception des machines, formation et encadrement du personnel, équipements de protection individuelle, entretien de lenvironnement de travail, nettoyage, interventions en cas durgence et remise en état.
Quelle que soit son efficacité intrinsèque pour le changement des attitudes et des comportements des salariés, un programme de promotion de la sécurité doit avoir lappui de la direction, qui doit montrer son leadership et son engagement. Cest là une condition indispensable au succès de toute action de promotion, que cette dernière soit axée sur la production, la qualité des produits ou la sécurité et la santé du personnel. Cest aussi une caractéristique de tous les programmes de sécurité efficaces, aussi différents soient-ils dans le détail.
La promotion de la sécurité est directement liée à la notion de motivation, qui a fait lobjet de nombreuses études. La question de savoir comment et pourquoi les individus sont «motivés» pour adopter de nouveaux comportements et changer les anciens est controversée. Une interrogation centrale tient à la relation entre attitudes et comportement. Le changement dattitude doit-il précéder le changement de comportement? Peut-il y avoir un changement de comportement sans changement dattitude? Le changement dattitude permet-il de prévoir le changement de comportement? Le changement de comportement entraîne-t-il un changement dattitude?
Les réponses à ces questions sont incertaines. Quelques chercheurs insistent sur le fait que le meilleur moyen dobtenir une motivation consiste à modifier uniquement le comportement extérieur, alors que dautres considèrent que le changement de lattitude interne, ou changement cognitif, doit faire partie du processus de changement du comportement. Ces deux points de vue ont influencé la manière de conduire la promotion de la sécurité.
Bien quelle ne soit pas directement observable, la motivation peut être déduite des changements dans le comportement et les attitudes. Elle est définie par les trois variables suivantes:
Les publications sur la sécurité décrivent diverses théories et méthodes de promotion de la sécurité qui concernent chacune des variables de la motivation; deux modèles ont prouvé leur capacité daméliorer les résultats en matière de sécurité. Le premier, appelé gestion du comportement en organisation (GCO) , est axé sur la modification du comportement et lapplication des méthodes de contrôle du comportement mises au point par B.F. Skinner. Le second, appelé management total de la qualité (TQM) , est axé sur la modification des processus et lapplication des principes du contrôle de qualité élaborés par W.E. Demming.
La modification du comportement repose sur lhypothèse que les causes du comportement tiennent à lenvironnement. On peut donc prévoir et contrôler le comportement en étudiant linteraction entre les individus et leur environnement. Ces connaissances requièrent de définir les éléments ci-après:
Lamélioration de la qualité nécessite une «constance dans les objectifs», cest-à-dire un engagement du personnel et de la direction à faire de lamélioration de la qualité des produits et des services une priorité de lentreprise. Cette adaptation de lattitude repose sur une décision consciente de la direction de tout mettre en uvre pour que lamélioration envisagée de la qualité devienne une réalité. Les objectifs de lamélioration de la qualité sont plus généraux et les méthodes utilisées pour les atteindre moins uniformes que dans le cas de la modification des comportements. Il sagit davantage de remplacer, voire de supprimer, des processus complets que de modifier des comportements individuels.
Comme le montre le tableau 60.1, les deux modèles réagissent aux variables et aux actions que suppose la motivation. Ils diffèrent, en revanche, quant aux éléments de sécurité sur lesquels ils mettent laccent pour motiver le personnel. Ils diffèrent donc dans leur efficacité à satisfaire aux trois variables de la motivation.
Variables de motivation |
Action en vue de la motivation |
Elément de sécurité privilégié |
|
GCO |
TQM |
||
Orientation du comportement |
Préciser les objectifs |
Comportement |
Attitudes/ comportement |
Assurer une formation |
Formation du comportement |
Formation aux processus |
|
Intensité de l’action |
Renforcement |
Fréquence du comportement |
Amélioration des processus |
Rétro-information |
Données sur le comportement |
Indicateurs du fonctionnement |
|
Persistance de l’effort |
Obtenir l’adhésion du personnel |
Changement de comportement |
Amélioration continue |
Obtenir l’adhésion de la direction |
Changement de style |
Changement culturel |
Les objectifs de sécurité de la gestion du comportement humain au sein dune organisation sont généralement bien délimités et consistent à accroître la fréquence de certains comportements sécuritaires et, par conséquent, à réduire lincidence des actes dangereux. On peut utiliser les sources suivantes pour sélectionner les actes ou comportements accidentogènes à observer et leur réduction éventuelle:
Sur la base des informations fournies par ces sources, le personnel est ensuite invité à participer à létablissement dune liste des comportements prioritaires considérés comme déterminants pour lamélioration de la performance en matière de sécurité. Un système dobservation est créé pour repérer la fréquence de ces comportements, des observateurs sont formés et un programme dobservations est établi. On étudie alors la fréquence des comportements prioritaires pendant une période précédant lintervention. Cette phase de définition du problème permet dobtenir les données de référence par rapport auxquelles on mesurera le succès du processus de modification des comportements. Ces données permettent également de signaler au personnel la présence dun comportement dangereux sur le lieu de travail.
Le personnel reçoit ensuite une formation qui porte sur les comportements à adopter, fournit des directives sur les résultats souhaitables en matière de comportements sécuritaires et prévoit une rétro-information sur les comportements. Par exemple, on organise parfois une projection de diapositives ou de vidéocassettes sur les pratiques sûres et les pratiques dangereuses, suivie dune discussion. On communique également au personnel, à cette occasion, des données de référence et on lencourage à améliorer sa performance en ce qui concerne les comportements déterminants pour la sécurité. Les données, souvent présentées sous forme de graphiques, sont affichées dans lusine afin de préparer les étapes suivantes du programme GCO. Les activités dobservation et de reconnaissance sont menées de façon continue par les supérieurs ou par des collègues spécialement formés. On ajoute, le cas échéant, à la formation de nouveaux éléments de sécurité qui deviennent alors partie intégrante du programme.
La GCO fait appel à la fois au renforcement individuel et à la rétro-information du groupe pour modifier les comportements. Le renforcement se fait au niveau individuel sous forme de félicitations que lon adresse de vive voix ou dautres témoignages de satisfaction lorsquun comportement sécuritaire est observé sur le lieu de travail. La rétro-information sur le niveau du comportement sécuritaire du groupe est également communiquée pendant toute la durée du programme.
Divers types de récompenses peuvent être utilisées pour renforcer les comportements, telles que:
Les récompenses sont souvent attribuées de manière combinée, de sorte quil est très difficile disoler limpact dun type particulier de renforcement. Il est clair cependant quon incite lindividu à adopter un comportement sécurité si on réagit de manière positive chaque fois quil le fait.
Le renforcement comprend aussi la rétro-information du groupe sur les résultats obtenus en matière de sécurité, souvent sous la forme de courbes dapprentissage ou de graphiques en barres indiquant lévolution du pourcentage des comportements de sécurité observés pendant la période dintervention. Ces informations sont affichées de façon bien visible pour que le groupe se rende compte de ses progrès, ce qui tend à maintenir sa performance en matière de sécurité et lincite à faire mieux encore.
Dans ce modèle, le renforcement et la rétro-information exigent dobserver en permanence les comportements. Un tel programme permet une communication efficace dès quun comportement sécuritaire est observé ou quune pratique dangereuse doit être corrigée. Bien que la modification des comportements mette laccent sur le renforcement positif plutôt que sur la discipline, ses partisans reconnaissent que des réprimandes ou dautres marques de réprobation sont parfois nécessaires. Chaque fois que possible, on devrait cependant éviter ce type de mesures, car elles nagissent habituellement quà très court terme et risquent de diminuer ladhésion de la personne concernée à lensemble du programme.
Si lon veut que le modèle GCO permette de pérenniser un changement de comportement, il faut à la fois exercer une observation continue et renforcer des comportements sécuritaires particuliers jusquà ce que ces mêmes comportements se confortent deux-mêmes et soient intégrés spontanément à lactivité professionnelle. Le point fort de la GCO réside dans la création dun système de mesurage permettant à une entreprise de suivre et contrôler en permanence les comportements déterminants pour la sécurité. Pour obtenir des résultats sur le long terme, il faut que lutilisation de ce système de mesurage fasse partie intégrante du style de gestion de lentreprise.
On ne saurait donc guère contester que lapproche GCO donne des résultats positifs, et ce assez rapidement. La plupart des études montrent que le renforcement positif, sous forme dincitations ou de rétro-information, améliore la sécurité ou réduit le nombre des accidents sur le lieu de travail, du moins à court terme. En revanche, les recherches effectuées nont pas permis de démontrer de manière parfaitement concluante que ces changements sont effectivement durables. En fait, la plupart des études portent sur de courtes périodes (moins dun an), ce qui a soulevé des questions quant à la permanence des effets de la GCO, bien que deux études, réalisées lune aux Etats-Unis, lautre en Finlande, aient fait état de certains effets positifs à long terme.
Aux Etats-Unis, lapplication dun système de timbres-primes a permis daméliorer la sécurité dans deux mines de charbon pendant plus de dix ans. Des timbres étaient donnés aux travailleurs pour les récompenser de ne pas avoir daccidents avec arrêt de travail, dappartenir à un groupe sans accidents avec arrêt de travail, de ne pas être impliqués dans des incidents ayant provoqué des dommages matériels, davoir fait des suggestions en matière de sécurité qui ont été adoptées ou davoir eu un comportement exceptionnel en matière de prévention des accidents ou des incidents. Outre le système des bons, ils suivaient une formation intensive pendant la période de référence afin dêtre incités à adopter un comportement de sécurité et à maintenir des conditions de travail sûres. Il a été considéré que cette formation avait joué un rôle très important dans les améliorations obtenues.
En Finlande, un programme a été organisé dans un chantier naval pour y améliorer lordre et la propreté. Ce programme en trois étapes: mesurage des données de base, formation puis rétro-information de lencadrement et des travailleurs a permis dobtenir des améliorations notables exprimées en indices dordre et de propreté plus élevés, améliorations qui se sont maintenues au même niveau pendant une période de suivi de deux ans et ce, même en labsence de rétro-information des intéressés. Des réductions importantes du nombre des accidents ont également été observées pendant toute la durée du projet. Les effets à long terme de ce programme ont été attribués au renforcement exercé par lequel on cherche à faire adopter des comportements pérennes et qui ont des effets durables sur lenvironnement (comme les changements dans le domaine de lordre et de la propreté peuvent en avoir) plutôt que de susciter des comportements éphémères chez les travailleurs dont limpact est tout aussi éphémère.
Malgré ces études, il est difficile de dire dans quelle mesure la GCO contribue à maintenir longtemps des améliorations de la performance en matière de sécurité. Dans létude réalisée aux Etats-Unis, lutilisation des bons est manifestement devenue un élément admis du mode de gestion des mines, mais laccent a aussi été mis avec force sur la formation. La rétro-information sur les changements de lenvironnement qui résultent dun comportement, comme dans létude finlandaise, semble prometteuse. Mais, là aussi, certains indices donnent à penser que dautres facteurs ont pu contribuer à influencer le personnel des chantiers navals pendant la période de suivi «sans rétro-information».
Cela dit, la majorité des recherches tendent à montrer quil faut maintenir la rétro-information, si lon veut que les programmes GCO obtiennent des succès durables, et que ce processus doit saccompagner dun style de gestion qui le permette. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les effets positifs du changement de comportement samenuisent rapidement et retombent à leurs niveaux antérieurs. En ce qui concerne lordre et la propreté, lamélioration des résultats persiste apparemment pendant une période relativement longue, mais il reste à établir pourquoi.
Le modèle TQM a des objectifs généraux et vise à mettre en place des processus améliorés. Il met laccent sur la mise en évidence et la suppression des situations qui provoquent ou favorisent des comportements dangereux plutôt que sur les actes dangereux en tant que causes daccidents.
La démarche TQM fait pour lessentiel appel aux mêmes méthodes que la GCO pour découvrir les carences en matière de sécurité et les améliorations à apporter. Elle se concentre en outre sur les systèmes et pratiques de gestion qui contribuent à ces problèmes. Les faiblesses peuvent apparaître dans toutes les fonctions de lentreprise, depuis la planification jusquà lévaluation du rapport coût-efficacité, en passant par lorganisation et la prise de décisions. Elles peuvent aussi résulter de la présence ou de labsence de pratiques intégrant les considérations de sécurité du personnel dans les activités courantes de lentreprise, comme lapplication des principes ergonomiques à la conception des postes de travail et des équipements, lexamen des spécifications en matière dachat par des professionnels de la sécurité et de la santé et la correction en temps voulu des risques signalés. Des indicateurs opérationnels comme les derniers cités, associés à des statistiques sur les accidents, les temps de panne et labsentéisme, fournissent des informations de première main sur lappui que le système de gestion apporte à la fonction sécurité.
Les enquêtes sur la perception du programme de sécurité par le personnel sont également devenues un moyen courant dévaluer le système de gestion de la sécurité. Le personnel donne son avis sur lefficacité des pratiques de gestion et des activités de soutien de la sécurité dans son entreprise. Les données sont recueillies anonymement, selon les procédures administratives habituelles. Les résultats de ces enquêtes aident à définir les améliorations prioritaires et fournissent une nouvelle référence pour lévaluation des progrès accomplis.
De même que la TQM définit ses objectifs dune manière plus large que la GCO, de même elle offre au personnel des formations plus variées. Elle ne cherche pas seulement à apprendre au personnel comment avoir un comportement de sécurité, mais aussi comment saméliorer soi-même et constituer des équipes permettant de contribuer à lamélioration continue de la sécurité dans lensemble de lentreprise.
On ne soulignera jamais assez combien il est important de planifier les tâches au niveau des systèmes et dassurer une formation suffisante à la sécurité aux personnes dont les emplois se sont développés et enrichis du fait de lévolution des méthodes de travail. Certains signes indiquent que la fréquence des accidents augmente en proportion du nombre et de la diversité des tâches non répétitives que les travailleurs ont à exécuter. Il nest pas certain que les études sur la TQM aient pris en considération cet effet indésirable potentiel.
Le modèle TQM utilise diverses méthodes pour renforcer les procédés améliorés. Lobjectif est de créer une culture dentreprise appuyant les efforts concertés du personnel pour améliorer les processus. Les mécanismes de modification des comportements comprennent également des techniques de renforcement et de rétro-information afin de reconnaître et de récompenser une amélioration de la performance.
Les principales conditions favorisant la mise au point de meilleures méthodes de travail sont les suivantes:
Ladoption de ces mesures élève le moral et le degré de satisfaction du personnel, ce qui peut accroître sa détermination à améliorer sa performance en matière de sécurité.
Il convient de noter que le renforcement au niveau du personnel est courant dans le modèle TQM. Toutefois, au lieu de réagir à des comportements particuliers, on félicite les travailleurs pour leur comportement sécuritaire à tous les stades dun processus, le but étant de les encourager à intérioriser un procédé donnant de meilleurs résultats en matière de sécurité.
Une rétro-information sur les résultats constatés en matière damélioration de la sécurité et de la santé est également assurée périodiquement par le biais de réunions ou de bulletins dinformation, ainsi que par des enquêtes de suivi. Ces résultats sont présentés sous la forme dindicateurs de fonctionnement, tels que le nombre de journées de travail perdues du fait dun accident du travail ou dune maladie professionnelle, le coût de la réparation à cet égard, le nombre de suggestions faites en vue daméliorer la sécurité et la santé, les niveaux de présence au travail, ou encore des données sur lattitude des travailleurs vis-à-vis de leur sécurité.
Lefficacité à long terme de lapproche TQM réside dans sa capacité dinstaurer ou daméliorer de manière durable des méthodes favorisant la sécurité au travail. Cela suppose une modification à la fois des attitudes et des comportements. Pour que les améliorations ne soient pas éphémères, il faut aussi quelles soient acceptées au plus profond de la pratique et de la philosophie de la gestion, autrement dit quelles deviennent partie intégrante de la culture dentreprise. Cest pourquoi on nobtient pas immédiatement de résultats positifs. Par exemple, les entreprises qui utilisent avec succès la TQM font état dune moyenne de trois ans pour obtenir une amélioration de la qualité.
La preuve quil existe un lien entre la TQM et lamélioration de la performance en matière de sécurité vient de deux sources: les statistiques sur la sécurité dans les entreprises qui ont réussi, grâce à la TQM, à améliorer la qualité de leurs produits et de leurs services, et les méthodes de soutien à la sécurité des entreprises qui ont dexcellents bilans de sécurité. Aux Etats-Unis, sur 14 entreprises récompensées par le Prix Malcolm Baldrige pour lexcellence de leur gestion et de leurs résultats en matière de qualité, 12 avaient de meilleurs chiffres pour ce qui est des journées de travail perdues pour cause daccident du travail ou de maladie professionnelle que la moyenne dans leur secteur dactivité. Pour onze dentre elles également, ladoption des méthodes de la TQM avait contribué à améliorer ces chiffres, et pour trois, elle sétait accompagnée dune détérioration.
Lefficacité des techniques de la TQM appliquées à la sécurité au travail est également illustrée par le fait que des entreprises membres du Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)) ont les meilleurs résultats des Etats-Unis dans le domaine de la sécurité. Elles appliquent des programmes qui mettent laccent sur une approche «humaniste» de la gestion du personnel, avec moins de discipline, une participation plus active des salariés et une meilleure communication entre les travailleurs et la direction.
Du fait que le modèle TQM met laccent sur la participation des travailleurs et quil leur confie des responsabilités dans la mise en uvre des améliorations des systèmes et des méthodes en faveur de la sécurité et de la santé, il optimise le potentiel de changement permanent. Limportance quil accorde à la formation du personnel pour lui permettre de mieux contribuer à lamélioration future de la performance en matière de sécurité est également un gage defficacité à long terme. Enfin, la TQM considère les travailleurs comme des décideurs actifs qui sont responsables de leur environnement et ne se contentent pas dy réagir . Ces caractéristiques expliquent pourquoi il est hautement probable que le personnel comme la direction se sentent concernés par les changements apportés à long terme par la TQM.
La GCO cherche à réduire les pratiques dangereuses particulières et à améliorer la performance en matière de sécurité par une démarche structurée qui définit des comportements déterminants pour la sécurité, apprend au personnel à reconnaître les pratiques sûres et les pratiques dangereuses, établit un système dobservation des comportements et applique un programme de renforcement et de rétro-information pour suivre lévolution du comportement du personnel. Parmi ses points forts, il faut citer: limportance accordée à lobservation des comportements et au mesurage des résultats, ainsi que lobtention rapide de résultats positifs. Ses points faibles tiennent à sa focalisation des comportements particuliers qui nont peut-être pas été intégrés à la nécessité de changer le système de gestion, au recours à un programme de contrôle extérieur pour le maintien des comportements et à labsence de preuve quant à la durée de ses effets.
La TQM cherche à améliorer les processus qui, dans le système de gestion, influent sur la sécurité et la santé du personnel. Elle met laccent à la fois sur les changements dattitude et de comportement et sappuie sur de nombreux programmes de participation et de formation du personnel pour définir tant les objectifs damélioration de la sécurité et de la santé que les moyens de les atteindre. Elle fait appel au renforcement et à la rétro-information pour reconnaître les améliorations des processus et la part que les salariés y ont prise. Ses points forts sont limportance accordée à la participation des travailleurs et au contrôle interne (qui facilite et renforce les changements dattitude et de comportement), sa capacité de maintenir les améliorations en matière de sécurité et de santé et son intégration dans leffort de gestion global de lentreprise. Pour résumer ses points faibles, on peut dire quelle dépend: 1) dune forte participation de la direction et du personnel qui est longue à se développer et à porter ses fruits; 2) de nouveaux systèmes de mesurage des processus; et 3) de la volonté de la direction dallouer le temps et les ressources nécessaires à lobtention de résultats positifs.
Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons dabord linteraction entre les systèmes de rémunération et la sécurité. Les modes de rémunération ont un effet déterminant sur la motivation des salariés en général et, dans le cadre de lexécution du travail, ils sont susceptibles dinfluer sur leurs attitudes et leurs comportements à légard de la sécurité. Nous examinerons ensuite les mesures dincitation, notamment les récompenses financières et non financières, à la lumière du débat sur leur valeur en tant que tactique de promotion de la sécurité, et nous traiterons pour terminer du rôle de la communication et des campagnes de promotion de la sécurité.
Les modes de rémunération peuvent jouer indirectement un rôle sur la sécurité lorsque des régimes de rémunération au rendement, de participation aux gains ou de primes sont institués pour accroître la production, ou lorsque la rémunération se fait à la pièce. Chacun de ces systèmes peut inciter les travailleurs à éviter les procédures de travail sécuritaires pour gagner davantage. Les modes de rémunération peuvent aussi être directement liés à des considérations de sécurité lorsque des suppléments de salaire sont versés pour des travaux comportant des risques supérieurs à la moyenne.
Une entreprise peut instituer un programme de rémunération au rendement ou de participation aux gains parce quelle veut améliorer la productivité, les statistiques de sécurité, les taux de mise au rebut, de réusinage ou de retour, ou dautres critères de performance, seuls ou en association. De tels programmes peuvent être un moyen de faire connaître au personnel la stratégie et les priorités de la direction. Cest pourquoi les critères de performance que lentreprise inclut dans son régime de rémunération au rendement sont extrêmement importants. Si la performance en matière de sécurité et les facteurs connexes en font partie, les travailleurs estimeront probablement que la direction y attache de limportance. Sils nen font pas partie, cest le message inverse qui sera perçu.
Il y a des cas où cest le rendement qui sert de critère de rémunération incitative pour conduire les salariés à saccommoder de conditions de travail dangereuses ou à ne pas déclarer les accidents. Certains observateurs ont relevé que ce type dabus devient de plus en plus fréquent, notamment dans les négociations collectives ou dans le cadre des efforts visant à réduire le montant des prestations de réparation versées au personnel. Il va de soi que cette pratique non seulement nenvoie pas le bon message aux salariés, mais aussi va à lencontre du but recherché et augmentera en dernière analyse les charges nationales.
Bien que la théorie sur laquelle sappuie le principe de la rémunération au rendement semble être solide, dans la pratique son influence sur la productivité des travailleurs est loin dêtre établie. Les recherches consacrées aux effets des systèmes de rémunération au rendement sur la productivité ont donné des résultats très disparates, ce qui montre quune approche simpliste de la planification et de la mise en uvre de tels systèmes peut poser des problèmes. En revanche, lorsquils sont appliqués correctement, ils peuvent avoir des répercussions très positives sur la productivité, et plus particulièrement sur la production.
Une enquête réalisée aux Etats-Unis sur les effets des programmes de primes sur les accidents et la productivité dans 72 mines na guère permis de conclure à un impact significatif en termes damélioration de la sécurité ou daugmentation de la production. Environ 39% de ces programmes incluaient la sécurité dans le calcul des primes, les autres non. Dans léchantillon étudié, la fréquence de versement des primes était très variable. Le paiement des salaires se faisait normalement sur une base mensuelle, mais dans de nombreux cas les mineurs ne recevaient une prime de productivité quune ou deux fois par an, voire moins souvent. Leffet sur la production était alors négligeable et, comme on pouvait sy attendre, la performance en matière de sécurité ne sen trouvait pas modifiée. Même dans les mines où des primes de rendement étaient versées plus de 80% du temps, on na observé aucun effet négatif significatif sur la sécurité des mineurs (aucune augmentation de la fréquence des taux daccidents avec arrêt de travail). Les mines qui avaient des programmes de primes monétaires visant uniquement la sécurité nont pas enregistré non plus de réduction des taux daccidents. La plupart retenaient les accidents avec arrêt de travail et les violations des consignes de sécurité comme critères de performance, et elles nont pas fait mieux que nombre des programmes basés sur la productivité.
Limpossibilité de trouver une relation nette entre rémunération au rendement et productivité ou sécurité, dans cette enquête, montre combien il est difficile dappliquer avec succès des programmes de rémunération au rendement. Bien que les augmentations de salaires soient importantes, tous les travailleurs ny attachent pas la même valeur. De nombreux autres facteurs peuvent aussi influer dans un sens ou dans lautre sur leffet de motivation souhaité des incitations monétaires. Souvent, les programmes de rémunération au rendement ou de participation aux gains ne produisent pas les résultats escomptés lorsque les salariés considèrent quils sont injustes. Pour éviter ces situations et renforcer le pouvoir de motivation de ces programmes, on peut notamment:
Le mode de rémunération à la pièce est aussi controversé. Cest peut-être le moyen le plus direct de lier la rémunération aux résultats. Malgré tout, de très nombreuses études décrivent les comportements indésirables auxquels donne lieu ce système, qui est souvent une source de relations conflictuelles entre le salarié et lemployeur pour tout ce qui touche à la productivité: détermination de taux de production, établissement de limites informelles à la production et négociation de systèmes de rémunération à la pièce qui sécartent des normes. Dans certains cas, la performance peut même baisser même si la rémunération augmente.
Malheureusement, lexistence même des programmes de rémunération à la pièce, quils aient ou non leffet recherché sous forme dune augmentation de la productivité, crée une atmosphère qui peut nuire à lexécution des tâches dans des conditions de sécurité. Ainsi, une analyse du passage dun mode de rémunération à la pièce à un mode de rémunération au temps dans lindustrie forestière suédoise a montré une diminution de la fréquence et de la gravité des accidents. Après le changement, plusieurs centaines de travailleurs concernés ont été interrogés sur les effets quil avait eu sur lexécution de leur travail. Ils ont cité trois causes principales de réduction des taux daccident:
Lexpérience suédoise na été que partiellement corroborée par des recherches antérieures menées en Colombie-Britannique, au Canada. Il ny avait dans ce cas aucune différence pour ce qui est de la fréquence des accidents, entre les «abatteurs» rémunérés à la pièce et ceux qui létaient au temps, mais les accidents étaient plus graves parmi les premiers.
En dernière analyse, les avis restent partagés en ce qui concerne les utilisations et abus potentiels des modes de rémunération au rendement, leur contribution à laccroissement de la productivité et leurs effets sur la sécurité. En tout état de cause, les études qui leur sont consacrées sont peu nombreuses et les quelques données disponibles ne permettent certainement pas de conclure. Il est clair que leffet des programmes de rémunération au rendement sur la sécurité dépend de leur contenu, de la modalité de leur mise en uvre et du contexte dans lequel ils se situent.
Les économistes ont étudié la question des suppléments de rémunération pour les travaux à haut risque, en vue dattribuer une valeur économique à la vie humaine et de déterminer si le marché apporte déjà une compensation pour les expositions à des risques élevés. Si tel est le cas, on peut soutenir que les interventions des pouvoirs publics afin de réduire les risques dans ces domaines ne sont pas rentables, puisque les travailleurs reçoivent déjà une compensation pour leur exposition à des risques accrus. Des tentatives ont été faites aux Etats-Unis et au Royaume-Uni pour valider la théorie des salaires compensatoires daprès les estimations disponibles sur la mortalité. Au stade actuel, il semblerait que la validité de cette théorie ait reçu une certaine confirmation au Royaume-Uni, mais pas aux Etats-Unis.
Un autre problème auquel est confrontée cette théorie tient au fait que beaucoup de travailleurs nont pas conscience des risques réels inhérents à leurs tâches, notamment des expositions aux maladies professionnelles. Daprès des enquêtes menées aux Etats-Unis, des pourcentages importants de travailleurs ignorent quils sont exposés à des conditions de travail dangereuses. En outre, sur le plan psychologique, les individus ont tendance à minimiser limportance des probabilités très faibles qui sont associées à leur propre mort. De ce fait, même sils connaissent les risques réels associés à leur travail, ils sont prêts à les assumer.
Bien que la question des salaires compensatoires pose quelques curieux problèmes théoriques qui ne sont pas encore résolus, le véritable danger dune structure de salaires compensatoires réside dans sa justification. Le fait pour un employeur de recourir à un supplément de salaire, sous quelque forme que ce soit, pour excuser le maintien dun programme de sécurité et de santé inférieur à la norme, est une pratique dangereuse et totalement inacceptable.
Une incitation peut être définie comme un motif dentreprendre une action avec un zèle particulier pour recevoir une récompense. Le recours à des incitations pour motiver les salariés est une pratique très courante dans le monde entier. Néanmoins, la valeur des programmes dincitation est controversée tant parmi les scientifiques que parmi les praticiens. Les positions vont de la négation quil existe un lien quelconque entre les mesures dincitation et la motivation à laffirmation que les incitations jouent un rôle déterminant dans le changement des comportements. Entre ces deux extrêmes, il y a ceux qui voient dans les programmes dincitation des stimulants utiles pour améliorer la productivité et ceux pour qui ils nencouragent pas les comportements souhaités des travailleurs et donnent des résultats exactement opposés à ceux qui étaient recherchés.
Pour ce qui est de la sécurité et de la santé, les avis sur lutilité des programmes dincitation ne sont pas moins partagés. Dans certaines entreprises, par exemple, la direction est réticente à offrir des incitations supplémentaires pour la sécurité parce quelle considère quelle fait partie intégrante du travail et quil nest pas nécessaire dinsister spécialement sur elle. Selon une autre opinion, des incitations qui visent à améliorer la performance en matière de sécurité réduisent la valeur intrinsèque perçue du bien-être au travail, alors que cest, au fond, la raison la plus importante pour laquelle on met laccent sur la sécurité.
A côté des motifs philosophiques de contester la valeur des programmes dincitation, il faut tenir compte dautres problèmes lorsquon examine leurs mérites ou leur contribution potentielle en tant que moyen de promotion de la sécurité. Il sagit des problèmes liés aux critères sur lesquels sappuient les programmes dincitation, aux possibilités de détournement du programme de la part des employeurs comme des salariés et au maintien de la participation du personnel.
Les critères dattribution des incitations sont déterminants pour le succès du programme. Certains programmes présentent des lacunes du fait quils sont uniquement liés: 1) à laccumulation dun certain nombre de journées sans accident; 2) au taux daccidents avec arrêt de travail (réduction des indemnités versées aux salariés); et 3) à dautres mesures en rapport avec les accidents. Les critères liés aux accidents ne sont pas très sensibles. La réussite du programme est mesurée négativement par la réduction du nombre dévénements ou par le fait quils ne se produisent pas. Comme les accidents sont des événements rares, il peut sécouler un temps relativement long avant quon observe des améliorations significatives. De tels indices névaluent pas le bilan de sécurité dune entreprise, mais son bilan déclaré en matière daccidents, qui peut dépendre de nombreux facteurs sur lesquels les participants au programme dincitation nont pas le moyen dagir.
Les employeurs comme les salariés peuvent faire un mauvais usage des programmes dincitation à la sécurité. Les premiers les utilisent parfois en guise de système légitime de gestion de la sécurité et de la santé ou pour remédier à court terme à des insuffisances anciennes dans ce domaine, alors quil faudrait un traitement très différent et beaucoup plus fondamental quune action de promotion. Chez les seconds, la principale forme dusage détourné paraît être la non-déclaration dun accident ou dun incident par crainte que le groupe ou lindividu en cause soit privé dune récompense. Ce risque semble accru lorsque ce sont des incitations qui sont en jeu ou que des plans dincitation financière pour lamélioration de la performance en matière de sécurité sont intégrés aux contrats de travail ou aux conventions collectives.
La réussite dun programme dincitation dépend en grande partie de la nature de la participation des salariés et de leur perception de son équité. Si les objectifs sont trop ambitieux ou que les salariés ne voient pas comment leurs efforts personnels peuvent aider à les atteindre, le programme ne sera pas efficace. En outre, plus la distance est grande entre lexécution dun travail selon les règles de sécurité et loctroi de la récompense, moins limpact du système dincitation sera important. Il est difficile de maintenir la motivation des travailleurs avec un programme dincitation qui ne «rapporte» rien pendant plusieurs mois, voire davantage, et qui, même alors, ne rapporte que si les choses se passent bien pendant toute cette période.
Il est clair que tous ces écueils expliquent en partie pourquoi de nombreuses entreprises hésitent à mettre en uvre des programmes dincitation pour promouvoir la sécurité. Il est facile de concevoir un programme qui ne fonctionne pas. De nombreuses données, certaines quasi expérimentales, dautres non scientifiques, témoignent cependant de la contribution des incitations à la réussite de programmes de sécurité et de santé. Les incitations, les récompenses et les félicitations visant à motiver le personnel à travailler selon les règles de sécurité sont des éléments acceptés du modèle GCO comme du modèle TQM. Dans le premier, les incitations qui visent à renforcer le comportement des salariés sont déterminantes pour la réussite du programme. Dans le second, les récompenses, promotions et autres incitations ont pour objet de reconnaître la contribution des individus à lamélioration des méthodes. Des journées spéciales et dautres types dactions sont également organisées au niveau du groupe, de léquipe ou de lentreprise pour célébrer les résultats.
Dune manière générale, on peut considérer que le recours à des incitations a une influence positive sur les attitudes et le comportement des salariés. Lorsque la performance en matière de sécurité et de santé joue un rôle dans la décision daugmenter un salarié, elle prend une plus grande importance en tant quobligation liée à la fonction. Comme on la vu, les mesures des taux daccidents et dindicateurs connexes posent des problèmes lorsquelles constituent les seuls critères dincitation. En revanche, des mesures positives de la performance en matière de sécurité, à savoir une amélioration des comportements ou des processus, donnent une spécificité à laction du salarié et offrent loccasion dune rétro-information fréquente et dune distribution dincitations. Les caractéristiques inhérentes aux programmes dincitation efficaces semblent apporter une solution à certains des problèmes liés aux critères de performance, à lusage détourné des programmes et à la nature de la participation du personnel. Bien que la recherche dans ce domaine ait encore beaucoup à faire, il existe suffisamment de données pour guider les entreprises qui souhaitent intégrer des programmes dincitation à leur système de gestion de la prévention.
Le dévoiement des programmes par les employeurs et les salariés est le plus souvent dicté par les circonstances. La possibilité dy remédier dépend essentiellement des raisons pour lesquelles on a recours à des programmes dincitation afin de pallier les insuffisances dans la gestion de la sécurité. Si, pour la direction, la sécurité et la santé des salariés nont quun faible degré de priorité, les abus de ce genre ont de bonnes chances de durer jusquà ce que les circonstances contraignent lentreprise à changer de politique. En revanche, lorsque la direction a la volonté daméliorer la situation en matière de sécurité et de santé, la nécessité dune approche globale pour résoudre les problèmes sera comprise et acceptée, et le rôle de soutien joué par les programmes dincitation sera reconnu et apprécié. De même, il sera possible de remédier en grande partie au problème de la non-déclaration des accidents par le personnel en modifiant les critères dattribution des incitations.
Les recherches ont montré que pour maintenir lintérêt du personnel les récompenses devaient être à la fois fréquentes et liées à lamélioration des résultats. Pour renforcer le sentiment de participer à un programme dincitation, il faudrait si possible que le personnel soit associé au choix des objectifs prioritaires à atteindre en matière de sécurité. On doit veiller alors à ce que lattention portée aux comportements prioritaires ne conduise pas à négliger dautres fonctions importantes. Il faudrait donner à ceux qui participent au programme des critères précis et des informations claires sur les moyens de bien faire son travail et leur communiquer des rapports dactivité fréquents.
Certaines données établissent également une distinction, du point de vue de leffet produit, entre les récompenses qui ressortissent à un jugement sur la performance et celles qui témoignent dune reconnaissance de la compétence. Des études ont montré que les secondes ont plus de force que les premières, sans doute parce que la compétence reconnue («informational reward») est perçue par le travailleur comme dépendant de lui, alors que la récompense sur la base de la performance («controlling reward») est tributaire dautrui, donc extérieure à soi et non contrôlable.
En résumé, le bon usage des incitations peut aider utilement les entreprises qui les emploient judicieusement. Elles peuvent accroître lintérêt des salariés pour la sécurité et les inciter à se protéger davantage eux-mêmes.
Diverses formes de communication sont utilisées pour accroître lefficacité de toute mesure de promotion de la sécurité. Le processus de communication peut se résumer par la question suivante: «Qui dit quoi, par quel moyen, à qui et avec quel effet?». En conséquence, les programmes de communication comportent généralement une source, un message, un moyen, une cible et des objectifs.
La communication varie en termes de couverture et dimpact. Les affiches, banderoles et autres médias auxquels fait appel la sécurité ont une couverture importante, parce quil est facile de les exposer à la vue dun grand nombre de personnes pendant longtemps. En revanche, on considère généralement que leur impact est faible, parce quil y a peu de chances que chaque présentation produise leffet souhaité. Mais les médias, qui sont des moyens de communication unidirectionnelle, sont particulièrement efficaces lorsquil sagit de sensibiliser le public aux questions de sécurité et de santé et de donner des directives ou de lancer des rappels. Ils peuvent aussi contribuer à faire prendre conscience aux travailleurs que la direction sintéresse à leur bien-être. En revanche, la communication de personne à personne, ou bidirectionnelle, quil sagisse de discussions de groupe ou de contacts individuels, est limitée pour ce qui est de la couverture, mais peut avoir un impact et conduire à la décision de changer de comportement.
La crédibilité de la source est très importante dans la communication en matière de sécurité et de santé. Ainsi, sur le lieu de travail, la connaissance dune tâche et des risques quelle comporte et le fait de donner un bon exemple contribuent de façon importante à faire des supérieurs des sources crédibles dinformations sur la sécurité et la santé.
En ce qui concerne le contenu de la communication, lutilisation de la peur est un sujet de recherches et de controverses depuis de nombreuses années. On fait appel à des messages jouant sur la peur pour modifier des attitudes face aux risques inhérents aux comportements dangereux en effrayant le public cible. Le message entreprend ensuite de diminuer la peur quil a provoquée en indiquant comment prévenir le danger ou réduire le risque. Pour le lieu de travail, il sagira de campagnes visant à promouvoir lutilisation dun équipement de protection individuelle et, en dehors du lieu de travail, de campagnes antitabac et de campagnes en faveur du port de la ceinture de sécurité en voiture. Le principal argument avancé contre ce type de messages est que les destinataires le bloquent ou le suppriment. De telles réactions risquent de se produire lorsquun message très menaçant ne parvient pas à atténuer la peur quil a provoquée et que les individus se sentent incapables de faire face au danger, pour des raisons qui tiennent soit à eux-mêmes, soit aux circonstances.
Si lon utilise des messages jouant sur la peur, on devrait prendre les précautions suivantes:
Enfin, la communication en matière de sécurité et de santé devrait tenir compte des groupes cibles auxquels sont destinés les messages. Les études ont montré, par exemple, que les messages jouant sur la peur avaient plus dimpact sur les nouveaux salariés que sur les anciens, qui peuvent tirer parti de leur expérience pour faire la part des choses. On a constaté aussi que ces messages réussissaient très bien à influencer les salariés qui navaient pas de supérieur direct et qui étaient donc censés respecter deux-mêmes les règles de sécurité.
Pour aider à définir des cibles et à fixer des objectifs, il est recommandé de faire des enquêtes auprès des salariés afin dévaluer le niveau de leurs connaissances en matière de sécurité et de santé, leurs attitudes envers les programmes et les pratiques de gestion de la sécurité et le respect des règles et des procédures. Ces évaluations permettent de préciser les priorités en matière déducation et de persuasion, et servent de repère pour les évaluations ultérieures de lefficacité des actions de communication.
On lance généralement des campagnes de sécurité pour attirer lattention des salariés sur un problème daccident spécifique et on leur associe souvent un slogan ou un thème particuliers afin de maintenir lintérêt et la visibilité. On fait appel à des moyens de communication de masse tels que affiches, banderoles, vidéocassettes, brochures et divers autres supports écrits ou oraux. Ces campagnes peuvent avoir pour objectifs daccroître la sensibilisation, de transmettre des informations et de modifier les attitudes en vue dinduire des changements de comportement.
Les campagnes de sécurité poursuivent le même objectif que les programmes de modification des comportements et autres qui sefforcent de convaincre les travailleurs, les agents de maîtrise et les cadres dintégrer la sécurité dans lexécution des tâches. Elles sont cependant beaucoup moins précises dans la définition des comportements et des résultats à obtenir et moins rigoureuses dans le renforcement de ces comportements. Néanmoins, il sagit dans lun et lautre cas de mettre laccent sur limportance des pratiques de travail sûres en espérant quelles se transformeront en habitudes.
Malheureusement, peu détudes ont examiné lefficacité des campagnes de sécurité dans les entreprises. Des cas de réussite sont fréquemment décrits dans les publications sur la sécurité au travail, mais ils sont rarement étayés par des faits convaincants. Des études ont été consacrées aux effets de médias particuliers comme les affiches; elles font état de certains résultats positifs et peuvent servir à orienter la communication dans le cadre de campagnes, mais il ny a tout simplement pas détude significative sur lefficacité des campagnes de sécurité dans lindustrie. La majorité des informations utiles viennent de la sécurité routière, en particulier des campagnes menées aux Etats-Unis et en Australie.
Parmi les recommandations générales que lon peut tirer des rapports isolés, de létude de lefficacité des médias et de lexpérience acquise en matière de promotion de la sécurité routière, celles qui suivent sont susceptibles daccroître lefficacité de toute campagne de sécurité et méritent une attention particulière:
Les campagnes de sécurité ont pour but dappuyer les programmes de sécurité totale des entreprises. Cest pourquoi il est généralement préférable de juger leur efficacité en fonction de leur capacité datteindre les objectifs auxiliaires définis: maintenir lintérêt pour la sécurité, exprimer lintérêt de la direction pour la sécurité du personnel, inciter le personnel à participer aux activités de sécurité, améliorer son moral et lui rappeler les précautions spéciales à prendre.
Les tentatives dutilisation des critères de réduction des taux daccidents pour mesurer lefficacité des campagnes, si elles semblent logiques, sont généralement contrariées par les effets du programme de sécurité en vigueur. En outre, comme les accidents et les lésions sont des événements rares, ce sont des critères relativement sensibles pour lévaluation des effets de changements particuliers des programmes de sécurité qui traitent des aspects humains ou comportementaux du système de sécurité.
Cette étude de cas, qui présente un exemple de campagne nationale de sécurité réussie, est basée sur 24 années dexpérience de lorganisation de la campagne annuelle de la journée nationale de la sécurité (National Safety Day, NSD), en Inde. Cette campagne célèbre la création par le gouvernement indien, le 4 mars 1966, au ministère du Travail, du Conseil national pour la sécurité (National Safety Council (NSC)), organisme autonome, apolitique et sans but lucratif, chargé, au niveau national, de créer, de développer et de soutenir un mouvement bénévole en faveur de la sécurité et de la santé au travail. Le Conseil dadministration du NSC comprend des représentants de toutes les organisations patronales et syndicales centrales. Le NSC comptait environ 4 000 membres en avril 1995, appartenant en majorité à lindustrie, mais aussi à dautres secteurs dactivité. En 1966, il y a eu en Inde une tendance à la hausse des accidents dans les usines, et lapplication des règles de sécurité et de santé au travail par les pouvoirs publics navait pas suffi à elle seule à linverser. Cest pourquoi la création du NSC comme organisme bénévole a été une étape importante. Pendant de nombreuses années, il sest occupé essentiellement de la sécurité dans lindustrie, mais il a étendu récemment son champ daction à certains secteurs non industriels et sintéresse depuis à la sécurité au travail en général. La santé au travail, en revanche, nen est encore quà ses balbutiements en Inde. Lidée de célébrer la date de la fondation du NSC en organisant une campagne nationale de sensibilisation ayant trouvé un écho favorable, la première campagne de la Journée nationale de la sécurité a été lancée en 1972. Cest maintenant un événement annuel et, bien que sa durée ait été portée à une semaine, on continue de parler de campagne de la journée nationale de la sécurité.
Les objectifs de la NSD, qui ont été maintenus vastes, généraux et souples, sont les suivants:
Ces objectifs sinscrivent dans un projet plus général qui est de créer et renforcer une culture de sécurité et de santé sur les lieux de travail et de lintégrer dans la culture de travail. Dans un pays en développement, une telle ambition reste une tâche extrêmement difficile.
La méthodologie et lapproche employées pour lancer et promouvoir la campagne comprenaient initialement deux éléments: 1) lenvoi de lettres aux organisations affiliées au NSC pour leur demander dorganiser la campagne; 2) la fourniture à ces organisations de matériels promotionnels conçus par des professionnels, tels que badges, exemplaires de lengagement solennel pris à loccasion de la NSD (voir encadré), banderoles, affiches, autocollants, etc., et des objets promotionnels utilitaires tels que porte-clés, stylos à bille et presse-papiers portant des messages sur la sécurité et la santé au travail. Ces matériels sont conçus, produits et distribués au niveau central par le NSC, et visent:
En ce jour, jaffirme solennellement que je me consacrerai à la cause de la sécurité, de la santé et de la protection de lenvironnement et que je ferai de mon mieux pour observer les règles, règlements et procédures en vigueur et adopter des attitudes et des habitudes permettant datteindre ces objectifs. Jai pleinement conscience que les accidents et les maladies constituent une lourde charge pour léconomie nationale et peuvent être la source dinvalidité, de décès, de dommages corporels et matériels, de détresse sociale et dune dégradation générale de lenvironnement. Je ferai tout mon possible pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles et pour protéger lenvironnement, dans mon propre intérêt et dans celui de ma famille, de ma collectivité et de la nation tout entière. Dans certains Etats, cest le gouverneur de lEtat qui fait prendre lengagement solennel ci-dessus aux ministres et à dautres hauts fonctionnaires ainsi quaux dirigeants et au personnel des entreprises industrielles et au public qui participent à la NSD. Dans les entreprises privées, cest généralement le chef dentreprise ou un autre cadre supérieur qui fait prendre à lensemble du personnel le même engagement. |
Dabord limitée aux membres du NSC, la campagne sest progressivement élargie. Après une dizaine dannées, la méthodologie et lapproche choisies ont été modifiées suivant les grandes lignes stratégiques suivantes:
La participation de toutes les parties prenantes aux niveaux national, des Etats, des districts et des entreprises a été déterminante pour le bon déroulement et le succès de la campagne. Le degré de participation de ces différents acteurs na cependant pas été uniforme. En premier lieu, tous nont pas commencé à participer à la campagne la même année. Ensuite, ils ont une perception très différente les uns les autres de leur rôle et de leurs besoins. Par exemple, certains gouvernements, notamment ceux des Etats industriels, ont organisé des activités élaborées et très utiles mais, dans certains autres, moins industrialisés, les activités sont restées très modestes. De même, alors que certaines associations professionnelles ont beaucoup soutenu la campagne, dautres ny participent pas encore. Les activités menées aux niveaux national, des Etats et des districts ont porté sur des questions générales, alors quau niveau des entreprises elles ont été plus détaillées et davantage axées sur les besoins.
Les questions et les messages de sécurité et de santé au travail au niveau national sur lesquels doivent porter les matériels produits par le NSC pour la campagne dune année déterminée sont définis par un groupe restreint de professionnels du NSC, de lindustrie et des syndicats. Les supports visuels pour transmettre les messages dune façon simple, humoristique et efficace sont conçus par des dessinateurs connus. On a ainsi lassurance que les matériels utilisés pour la campagne sont originaux, attrayants, intéressants et enracinés dans la culture indienne.
Ces matériels se répartissent en deux grandes catégories: 1) les matériels purement promotionnels employés à des fins de présentation et déducation; et 2) les matériels à la fois promotionnels et utilitaires qui, tout en délivrant des messages sur la sécurité et la santé au travail, servent aussi dans la vie de tous les jours. La plupart des objets appartenant à la deuxième catégorie sont destinés à lusage quotidien des travailleurs et sont relativement peu coûteux, de sorte que les chefs dentreprise peuvent se les procurer et les distribuer gratuitement à leur personnel. Certains articles sont destinés plus particulièrement aux cadres, afin quils se sentent associés à la campagne. Pour éviter la monotonie, ces objets sont soit modifiés dune année sur lautre dans leur style et leur apparence, soit purement et simplement remplacés. Avec le développement de la campagne et laugmentation de la demande de matériels au fil des années, un certain nombre de producteurs et de fournisseurs privés se sont mis à en proposer après avoir fait leur propre étude de marché. Cette évolution a été la bienvenue. Il existe également des entreprises qui produisent des matériels associés aux thèmes particuliers de leurs propres campagnes axées sur leurs besoins. Un grand nombre dentre elles organisent des concours parmi leur personnel pour trouver des idées, et elles font connaître les noms des gagnants grâce à leurs matériels de campagne.
Au niveau national, les activités de la campagne ont pris la forme de réunions publiques, de colloques, de débats et de discussions, dappels et denvois de messages, et de diffusion de films spéciaux sur les questions nationales de sécurité et de santé au travail. La participation du ministre de lUnion et de hauts fonctionnaires du ministère du Travail, du Président et de hauts responsables du NSC, de chefs dentreprises, de dirigeants syndicaux nationaux et de personnalités éminentes dinstitutions, de représentants des ONG et du public, a donné à ces activités limpact recherché. Les chaînes de télévision et les radios nationales, la presse et dautres médias imprimés ont également contribué à faire largement connaître ces activités.
Au niveau des Etats, les activités varient de lun à lautre, mais elles sont généralement du même type quau niveau national. Elles visent à faire connaître les problèmes spécifiques rencontrés par le biais des langues régionales. Depuis quelques années, on observe quune importante fonction gouvernementale, à savoir la distribution de prix pour la sécurité, accompagne les célébrations de la campagne, ce dont il faut se féliciter.
Au niveau des entreprises, les activités sont plus pratiques et plus variées. En général, elles sont imaginées par les commissions de sécurité (lorsquelles existent, ce qui est obligatoire pour les entreprises à partir dun effectif minimal de salariés) ou par un groupe de travail spécial mis en place par la direction. Parmi les activités les plus courantes, on peut citer les concours entre salariés ou entre services sur la bonne tenue des locaux, les taux daccidents les plus faibles, le travail sans accident, les affiches et les slogans sur la sécurité, les suggestions damélioration de la sécurité, etc., ainsi que les expositions, parodies, pièces de théâtre, saynètes, chansons, programmes et séminaires de formation, exposés, projections de films, démonstrations pratiques, organisation dexercices durgence, cérémonies, etc. Des experts extérieurs à lentreprise sont également invités en qualité de conférenciers.
Nous résumons ci-après les activités les plus courantes et les plus importantes qui ont contribué au succès de la campagne au niveau des entreprises:
Ces activités conviennent particulièrement aux campagnes de sécurité et de santé au travail au niveau des entreprises.
La campagne de la NSD a eu un impact positif sur la tendance des accidents du travail en Inde (censés être déclarés en application de la loi sur les usines). Comme le montre le tableau 60.2, le taux dincidence des accidents du travail (nombre daccidents pour 1 000 travailleurs) est tombé de 75,67 en 1971 à 26,54 en 1992 (dernière année pour laquelle des statistiques publiées sont disponibles), soit une réduction denviron 65%. On notera que cette diminution est due à leffet combiné sur la sécurité et la santé de la politique gouvernementale, de la législation et de son application, de léducation et de la formation, de la promotion, de la modernisation de lappareil et des procédés industriels, etc., et des campagnes de la NSD.
Année |
Nombre d’usines en activité |
Emploi moyen estimé par jour (en milliers) |
Accidents du travail |
Taux d’accidents pour 1 000 travailleurs dans les établissements fournissant des statistiques |
||
Mortels |
Total |
Mortels |
Total |
|||
1971 |
81 078 |
5 085 |
635 |
325 180 |
0,15 |
75,67 |
1972 |
86 297 |
5 349 |
655 |
285 912 |
0,15 |
63,63 |
1973 |
91 055 |
5 500 |
666 |
286 010 |
0,15 |
62,58 |
1974 |
97 065 |
5 670 |
650 |
249 110 |
0,14 |
53,77 |
1975 |
104 374 |
5 771 |
660 |
242 352 |
0,14 |
50,86 |
1976 |
113 216 |
6 127 |
831 |
300 319 |
0,17 |
61,54 |
1977 |
119 715 |
6 311 |
690 |
316 273 |
0,14 |
63,95 |
1978 |
126 241 |
6 540 |
792 |
332 195 |
0,15 |
68,62 |
1979 |
135 173 |
6 802 |
829 |
318 380 |
0,16 |
62,19 |
1980 |
141 317 |
7 017 |
657 |
316 532 |
0,14 |
66,92 |
1981 |
149 285 |
7 240 |
687 |
333 572 |
0,16 |
76,73 |
1982(P) |
157 598 |
7 388 |
549 |
296 027 |
0,13 |
69,10 |
1983(P) |
163 040 |
7 444 |
456 |
213 160 |
0,13 |
55,63 |
1984(P)* |
167 541 |
7 603 |
824 |
302 726 |
0,10 |
36,72 |
1985(P)* |
175 316 |
7 691 |
807 |
279 126 |
0,23 |
58,70 |
1986(P) |
178 749 |
7 795 |
924 |
276 416 |
0,14 |
49,31 |
1987(P) |
183 586 |
7 835 |
895 |
236 596 |
0,14 |
41,54 |
1988(P) |
188 136 |
8 153 |
694 |
200 258 |
0,15 |
41,68 |
1989(P) |
193 258 |
8 330 |
706 |
162 037 |
0,16 |
35,11 |
1990(P) |
199 826 |
8 431 |
663 |
128 117 |
0,21 |
33,11 |
1991(P)* |
207 980 |
8 547 |
486 |
60 599 |
0,21 |
26,20 |
1992(P)* |
207 156 |
8 618 |
573 |
74 195 |
0,20 |
26,54 |
P = provisoire; * = données incomplètes.
Source: Labour Bureau.
Le secteur public de la recherche-développement, qui comprend 40 laboratoires nationaux répartis sur tout le territoire et employant plus de 26 000 personnes, dont plus de 9 000 scientifiques, ne relève daucune loi sur la sécurité et la santé au travail. Au cours des dernières années, la direction générale et les différents laboratoires ont commencé à organiser des célébrations de la NSD, créé des cellules de sécurité et entrepris systématiquement détablir un système rationnel de gestion de la sécurité et de la santé au travail. On a là un exemple concret de limpact de la campagne de la NSD sur le renforcement du mouvement bénévole en faveur de lamélioration de la sécurité et de la santé au travail en Inde.
Les organismes responsables des centrales nucléaires, des usines deau lourde et des réacteurs de recherche, ainsi que dautres divisions du Département de lénergie atomique (Department of Atomic Energy (DAE)) du gouvernement, ont organisé des célébrations pendant la campagne NSD. Ils ont institué des concours entre services et décerné des prix pour les progrès accomplis en matière de sécurité, de santé et de protection de lenvironnement. Cest un organisme indépendant qui est chargé, sous le contrôle du DAE, de veiller au respect de la réglementation sur la sécurité et la santé dans les établissements cités ci-dessus et qui ne peuvent toutefois pas être inspectés par les organismes publics de réglementation couvrant dautres lieux de travail. Les activités menées dans le cadre de la campagne ont permis détablir des liens entre cet organisme et les organismes extérieurs, ainsi quentre le NSC et dautres institutions, et elles ont en outre facilité la diffusion des informations sur la sécurité et la santé au travail auprès de la population.
Situé sur la côte ouest, le Gujarat est lun des Etats indiens les plus industrialisés. Il compte 525 établissements industriels grands et moyens qui fabriquent, stockent ou utilisent un ou plusieurs des 38 produits chimiques dangereux. Toutes ces usines ont élaboré et répété des plans dintervention en cas durgence. Dans le cadre de la dernière campagne NSD, chacune dentre elles a été priée par linspecteur en chef des établissements industriels dassurer une formation pratique à lutilisation dappareils de protection respiratoire et dextincteurs au personnel des services durgence de dix petites usines du voisinage. Six personnes (deux par équipe) ont été sélectionnées dans chaque petite entreprise, soit au total 31 500 pour 5 250 entreprises. Cet exemple illustre lutilité de la campagne NSD, puisquelle a permis dapporter une formation pratique aux interventions durgence dans des petites entreprises qui mettent en uvre des procédés dangereux.
En conclusion, on peut dire que la principale contribution de la campagne NSD est de faire prendre conscience au monde des affaires et de lentreprise, ainsi quà la population, que la sécurité, la santé et la protection de lenvironnement constituent une partie intégrante et essentielle de la stratégie de développement durable. Il reste cependant encore beaucoup à faire avant que cette stratégie se traduise davantage dans les faits. Nul doute que la campagne NSD aura un rôle croissant à jouer pour quil en soit ainsi.