Limplantation des nouvelles technologies de linformation touche tous les secteurs dactivité, bien que leur taux de pénétration varie. Dans certains cas en effet, limportance des ressources financières qui doivent être consacrées à lautomatisation de certains procédés de production peut être un frein à ce type dinnovation, et ce plus particulièrement dans les petites et moyennes entreprises et dans les pays en développement. Les ordinateurs permettent à la fois de recueillir, de stocker, de traiter et de diffuser en peu de temps une grande quantité dinformations. De plus, la mise en réseau des ordinateurs, en permettant un partage des ressources, est un moyen den optimiser les capacités (Young, 1993).
Limpact de lautomatisation sur la nature de lemploi et sur les conditions de travail est important. Depuis le début des années quatre-vingt, les effets potentiels de linformatisation sur la structuration des tâches et lorganisation du travail sont reconnus, ainsi que leurs conséquences sur les qualifications requises, la gestion des carrières et le stress ressenti par les employés de la production et les cadres. En ce qui concerne spécifiquement la sécurité et la santé au travail, les effets de lautomatisation peuvent être positifs ou négatifs. Dans certains cas, limplantation dordinateurs a permis daméliorer la qualité de lenvironnement de travail, dalléger la charge de travail et de rendre les tâches plus intéressantes. Dans dautres cas, linnovation technologique a contribué à augmenter le caractère répétitif des tâches et la charge de travail, à réduire les possibilités dinitiative et à favoriser lisolement des travailleurs. De plus, il apparaît que plusieurs entreprises ont développé le travail posté afin de rentabiliser au maximum leurs investissements financiers (BIT, 1984).
A notre connaissance, en 1994, une seule publication dressait un bilan de la répartition des ordinateurs utilisés dans le monde, et présentait les résultats danalyses rétrospectives et prospectives sur ce sujet: The Seventh Annual Computer Industry 1994-1995 Almanac (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994). Les chiffres publiés dans la dernière édition indiquent que le nombre dordinateurs augmente de manière exponentielle, et ce plus particulièrement depuis le début des années quatre-vingt. Cest à cette époque que lordinateur personnel sest véritablement popularisé. Depuis 1987, le développement de nouveaux microprocesseurs (transistors intégrés aux micro-ordinateurs qui exécutent des opérations arithmétiques et logiques) a permis daccroître considérablement la puissance de calcul des ordinateurs, mesurée en millions dinstructions par seconde (MIPS), la multipliant par 14. A la fin de 1993, leur puissance de calcul sélevait à 357 millions de MIPS.
Malheureusement, les statistiques disponibles ne permettent pas dévaluer limportance relative du nombre dordinateurs installés dans les milieux de travail, comparativement à ceux qui sont utilisés à des fins personnelles. De plus, on ne dispose pas de statistiques pour certains secteurs dactivité. Les difficultés méthodologiques posées par la collecte de données valides et fiables sur le sujet expliquent sans doute ces lacunes. Cependant, les rapports des réunions tripartites du programme dactivités sectorielles du Bureau international du Travail (BIT) contiennent des informations pertinentes et exhaustives sur la nature et létendue de limplantation des nouvelles technologies dans divers secteurs dactivité.
En 1986, le nombre dordinateurs utilisés dans le monde sélevait à 66 millions. Trois ans plus tard, il dépassait 100 millions et on estimait alors quil atteindrait de 275 à 300 millions en 1997, et plus de 400 millions en lan 2000. Selon les auteurs (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994), ces prévisions seraient valides dans lhypothèse dune large diffusion des ordinateurs multimédias, des autoroutes de linformation, et des technologies de reconnaissance vocale et de réalité virtuelle. De plus, ils estimaient que dans les dix années à venir, la plupart des téléviseurs seraient dotés dun ordinateur personnel, afin de faciliter laccès aux autoroutes électroniques.
Selon ces mêmes auteurs, le nombre dordinateurs pour 100 habitants sélevait à 3,1 en 1993. Leurs données portent sur 43 pays répartis dans les cinq continents. Toutefois, les statistiques africaines concernent uniquement lAfrique du Sud et, en Amérique centrale, seul le Mexique a fourni des chiffres. Les statistiques disponibles indiquent que le nombre dordinateurs pour 100 habitants varie de façon très importante entre les pays, soit de 0,07 à 28,7.
Dune manière générale, limplantation de systèmes informatisés est faible dans les pays en développement (voir tableau 52.1), qui possèdent en moyenne moins dun ordinateur pour 100 habitants (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994). Non seulement ces pays produisent peu dordinateurs et de logiciels, mais ils manquent généralement de ressources financières pour en importer. De plus, leurs systèmes téléphoniques et électriques souvent déficients font obstacle à lutilisation dordinateurs. Par ailleurs, il existe peu de logiciels adaptés à leur réalité linguistique et culturelle. Enfin, la formation dans le domaine de linformatique fait souvent défaut (Young, 1993). Dans les pays de lex-Union soviétique, le nombre dordinateurs a sensiblement augmenté depuis la fin de la guerre froide. En Russie par exemple, on estime quil est passé de 0,3 million en 1989 à 1,2 million en 1993.
Région |
Nombre d’ordinateurs pour 100 habitants |
|
AMÉRIQUE DU NORD |
||
Canada |
8,8 |
|
Etats-Unis |
28,7 |
|
AMÉRIQUE CENTRALE |
||
Mexique |
1,7 |
|
AMÉRIQUE DU SUD |
||
Argentine |
1,3 |
|
Brésil |
0,6 |
|
Chili |
2,6 |
|
Venezuela |
1,9 |
|
EUROPE DE L’OUEST |
||
Allemagne |
12,8 |
|
Autriche |
9,5 |
|
Belgique |
11,7 |
|
Danemark |
16,8 |
|
Espagne |
7,9 |
|
Finlande |
16,7 |
|
France |
12,9 |
|
Grèce |
2,3 |
|
Irlande |
13,8 |
|
Italie |
7,4 |
|
Norvège |
17,3 |
|
Pays-Bas |
13,6 |
|
Portugal |
4,4 |
|
Royaume-Uni |
16,2 |
|
Suède |
15 |
|
Suisse |
14 |
|
EUROPE DE L’EST |
||
Hongrie |
2,7 |
|
Pologne |
1,7 |
|
République tchèque |
2,2 |
|
Russie |
0,78 |
|
Ukraine |
0,2 |
|
OCÉANIE |
||
Australie |
19,2 |
|
Nouvelle-Zélande |
14,7 |
|
AFRIQUE |
||
Afrique du Sud |
1 |
|
ASIE |
||
Arabie saoudite |
2,4 |
|
Chine |
0,09 |
|
Inde |
0,07 |
|
Indonésie |
0,17 |
|
Israël |
8,3 |
|
Japon |
9,7 |
|
Philippines |
0,4 |
|
République de Corée |
3,7 |
|
Singapour |
12,5 |
|
Taiwan, Chine |
7,4 |
|
Thaïlande |
0,9 |
|
Turquie |
0,8 |
Moins de 1 |
1-5 |
6-10 |
|||
11-15 |
16-20 |
21-30 |
Source: Juliussen et Petska-Julissen, 1994.
Cest dans les pays industriels que lon observe la plus grande concentration dordinateurs, notamment en Amérique du Nord, en Australie, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994). Cest dailleurs principalement dans ces régions quont été signalées les premières craintes manifestées par les opérateurs de terminaux à écran de visualisation (TEV) à légard des risques que lutilisation de cette technologie peut comporter pour la santé, et que lon a entrepris les premières recherches ayant pour but de mesurer la prévalence des atteintes à la santé et de recenser les facteurs de risque. Les problèmes de santé qui ont fait lobjet détudes peuvent être classés en cinq catégories. Les atteintes visuelles et oculaires, les troubles musculo-squelettiques, les affections cutanées et celles qui sont liées à la reproduction et le stress.
Les chercheurs nont pas tardé à comprendre que les problèmes de santé observés chez les opérateurs de TEV étaient fonction non seulement des caractéristiques des écrans et de laménagement des postes de travail, mais aussi de la nature et de la structure des tâches, de lorganisation du travail et du processus dimplantation de cette technologie dans lentreprise (BIT, 1989). Par ailleurs, les résultats de plusieurs études indiquent que la prévalence des symptômes ressentis est plus forte chez les opératrices de TEV que chez les opérateurs. Daprès des études récentes, les différences observées tiendraient moins à des facteurs biologiques quau fait que les femmes ont, en général, moins dautonomie dans leur travail que leurs homologues masculins. Le stress qui en résulte serait associé aux symptômes quelles ressentent.
Cest dans le secteur tertiaire que se sont dabord généralisés les TEV, où ils ont été utilisés essentiellement pour le travail de bureau et, plus particulièrement, pour les tâches de saisie de données et de traitement de texte. Il nest donc pas étonnant que la majorité des études ait porté sur les employés de bureau. Dans les pays industriels toutefois, linformatisation a gagné les secteurs primaire et secondaire. De plus, alors que lutilisation des TEV était presque entièrement réservée aux employés de la production, on observe maintenant quelle touche tous les niveaux hiérarchiques des entreprises. Depuis quelques années, les chercheurs ont étendu leur champ dinvestigation à une population dutilisateurs plus large afin de combler le manque de connaissances scientifiques sur le sujet.
Le terminal à écran de visualisation équipe la plupart des postes de travail informatisés. Il est généralement doté doutils tels quun clavier ou une souris qui permettent de transmettre des données et des instructions à lordinateur. Des logiciels traduisent les informations échangées entre lopérateur et lordinateur. De plus, ils définissent le format sous lequel les informations apparaissent à lécran. Pour évaluer les risques posés par le travail sur écran, il importe de connaître non seulement les caractéristiques des TEV, mais aussi celles des autres composantes de lenvironnement de travail. En 1979, Çakir, Hart et Stewart publiaient le premier document exhaustif sur le sujet.
Il est utile de se représenter le matériel de travail des utilisateurs de TEV comme un ensemble déléments qui semboîtent les uns dans les autres et qui interagissent entre eux (IRSST, 1984). Il sagit du terminal proprement dit, du poste de travail qui lui-même regroupe les outils de travail et lameublement de la pièce dans laquelle le poste se situe, et de léclairage. Le deuxième article du présent chapitre passe en revue les principales caractéristiques des postes de travail à écran et de leur éclairage. Lauteur y formule plusieurs recommandations de nature à optimiser les conditions de travail, compte tenu des caractéristiques des utilisateurs, ainsi que de la diversité des tâches et des modes dorganisation du travail. Il insiste à juste titre sur limportance de choisir des équipements et un mobilier qui permettent une certaine souplesse. Cet aspect est dautant plus important que lévolution rapide des technologies et la concurrence internationale incitent constamment les entreprises à innover et les oblige à sadapter aux changements qui en découlent.
Les six articles suivants sont consacrés aux problèmes de santé qui ont retenu lattention des chercheurs à la suite des craintes exprimées par les opérateurs de TEV. Les auteurs y analysent les études scientifiques publiées à ce propos en faisant ressortir la portée et les limites des résultats de ces recherches. Ces études font appel à de nombreuses disciplines scientifiques dont lépidémiologie, lergonomie, la médecine, lingénierie, la psychologie, la physique et la sociologie. Etant donné la complexité de ces problèmes et surtout leur caractère multifactoriel, les recherches ont souvent été conduites par des équipes multidisciplinaires. En outre, depuis les années quatre-vingt, des congrès internationaux sont régulièrement organisés sur des questions telles que linteraction entre lopérateur et la machine ou le travail à lécran, qui visent à diffuser les résultats des recherches et à favoriser les échanges dinformation entre les chercheurs et les concepteurs, les fabricants et les utilisateurs de TEV.
Le huitième article porte plus particulièrement sur les interactions humain-ordinateur. Lauteur y présente les principes et les méthodes sur lesquels se fondent le développement et lévaluation des outils dinterface. Cet article devrait être utile non seulement aux personnes chargées de produire ces outils, mais également à quiconque sinterroge sur les critères qui doivent présider au choix de ces équipements.
Le neuvième et dernier article, enfin, passe en revue les normes ergonomiques internationales publiées depuis 1995, en ce qui concerne la conception et laménagement des postes de travail informatisés. Ces normes ont pour but déliminer les risques auxquels les opérateurs de TEV peuvent être exposés dans le cadre de leur travail. Elles contiennent de précieuses directives pour les fabricants des diverses composantes des TEV, pour les employeurs responsables de lachat des équipements et de laménagement des postes et pour le personnel chargé de prendre des décisions en la matière. Ces normes peuvent aussi servir à lanalyse des postes de travail existants et des modifications à y apporter pour optimiser les conditions de travail des opérateurs.
Les écrans de visualisation des images générées électroniquement (terminaux à écran de visualisation ou TEV) sont lélément le plus caractéristique des équipements du travail informatisé aussi bien professionnel que privé. Un poste de travail peut ne comporter quun TEV et un dispositif de saisie (un clavier, normalement); toutefois, on peut aussi prévoir dy ajouter divers autres équipements techniques dont plusieurs écrans, des périphériques entrée-sortie, etc. Jusquau début des années quatre-vingt, les opérateurs dordinateurs faisaient essentiellement de la saisie de données. Aujourdhui, dans de nombreux pays industriels, ce type de tâche nest plus exécuté que par un nombre relativement restreint dutilisateurs. De plus en plus, les journalistes, les cadres et même les cadres supérieurs travaillent directement sur écran.
La plupart des équipements sont conçus pour un travail en position assise, mais dans certains cas la possibilité de travailler debout peut être préférable. Il est donc nécessaire détablir quelques principes de base pour la conception de postes de travail simples ou complexes utilisables en position assise ou debout. Ces principes directeurs seront formulés ci-dessous, puis appliqués à quelques exemples de situations de travail types.
La conception du lieu de travail et le choix du matériel devraient prendre en considération non seulement les besoins effectifs de lutilisateur pour un travail donné et la variabilité de ses tâches pendant la durée de vie relativement longue du mobilier (15 ans ou plus), mais aussi les facteurs liés à lentretien ou au changement du matériel. La partie 5 de la norme ISO 9241 (1992) pose quatre règles de base qui devraient présider à la conception du poste de travail:
Règle 1: polyvalence et souplesse. Un poste de travail doit permettre à lutilisateur de réaliser toute une gamme de tâches de façon confortable et efficace. Cette règle prend en considération le fait que les tâches des utilisateurs peuvent varier fréquemment; il y a donc peu de chances que laménagement du lieu de travail puisse faire lobjet de directives dapplication universelle.
Règle 2: adéquation. La conception dun poste de travail et de ses composantes doit assurer une adéquation entre les besoins des différents utilisateurs et toute une gamme dexigences des tâches. La notion dadéquation sentend comme le degré de correspondance entre ce que permettent les mobiliers et les matériels et les besoins dun utilisateur déterminé pour quil puisse travailler de façon confortable, sans gêne visuelle ni posturale. Sil nest pas destiné à un groupe précis dutilisateurs (par exemple, à des opérateurs de salle de contrôle, dorigine européenne, de sexe masculin et de moins de 40 ans), le poste de travail doit pouvoir convenir à lensemble des travailleurs, y compris à ceux qui ont des besoins particuliers, comme les travailleurs handicapés. Or, la plupart des normes applicables au mobilier ou à la conception des lieux de travail ne prennent en considération que certaines catégories de la population active (à savoir les travailleurs en bonne santé se situant entre le 5e et le 95e centile, et âgés de 16 à 60 ans, comme dans le cas de la norme allemande DIN 33402 (1978, 1984a, 1984b, 1986, 1988)) et négligent ceux auxquels il faudrait accorder davantage dattention. De plus, certaines normes de conception restent fondées sur la notion dutilisateur «moyen», alors quil faudrait mettre laccent sur ladaptation à lindividu. En ce qui concerne le mobilier, ladéquation nécessaire peut être obtenue en prévoyant des possibilités de réglage, en offrant des modèles en plusieurs tailles, ou même du «sur mesure». Cette adéquation est extrêmement importante pour la sécurité et la santé de lutilisateur dans la mesure où les troubles musculo-squelettiques sont fréquents chez les personnes qui travaillent sur TEV et peuvent être graves.
Règle 3: changement de posture. Le poste de travail devrait être conçu de manière à encourager le mouvement, car un travail statique est source de fatigue et dinconfort et peut engendrer des problèmes musculo-squelettiques chroniques. Une chaise permettant de bouger aisément le haut du corps, un espace suffisant pour poser et consulter des documents, des claviers dont on peut modifier la position au cours de la journée sont autant de moyens de faciliter le mouvement tout en travaillant sur TEV.
Règle 4: maintenabilité adaptabilité. La conception du poste de travail devrait prendre en compte des facteurs tels que lentretien, laccessibilité et la possibilité dadapter le lieu de travail en fonction de lévolution des besoins, en veillant, par exemple, à ce que lon puisse déplacer les équipements si la tâche à exécuter a changé. Jusquà présent, les études ergonomiques ne prêtent guère dattention à ce type dobjectifs, car on tient pour acquis que les problèmes visés ont été résolus avant que les utilisateurs commencent à travailler à leur poste. En réalité, un poste de travail est un environnement en perpétuelle évolution et ceux de ces postes qui sont encombrés ou qui sont en partie ou totalement inadaptés à la tâche du moment le sont non pas en raison dune mauvaise conception au départ, mais à cause des changements survenus ultérieurement.
Lanalyse des tâches. La conception du lieu de travail devrait être précédée dune analyse des tâches dont on puisse tirer un certain nombre dinformations sur les tâches essentielles qui devront être exécutées au poste de travail et sur le matériel nécessaire à leur accomplissement. Cette analyse devrait permettre de déterminer la priorité à donner aux sources dinformation (documents sur papier, données informatiques, dispositifs de saisie), leur fréquence dusage et les limitations éventuelles (manque de place, par exemple). Elle devrait prendre en considération les tâches les plus importantes et leurs relations dans lespace et dans le temps, les zones sur lesquelles lutilisateur doit pouvoir porter le regard (combien dobjets visuels doit-il utiliser et donc regarder?), la position et lusage des mains (écriture, dactylographie, pointage?).
La hauteur du plan de travail. Si lon veut utiliser un plan de travail à hauteur fixe, lespace minimum entre le sol et cette surface doit être plus grand que la somme de la hauteur poplitéale (cest-à-dire la distance entre le sol et la face postérieure de larticulation du genou) et de la hauteur de la cuisse (en position assise), à laquelle il faut ajouter lépaisseur des chaussures (25 mm pour les hommes et 45 mm pour les femmes). Si le poste de travail est conçu pour un usage dordre général, on doit retenir la hauteur poplitéale et la hauteur entre la cuisse et le sol en prenant en compte le 95e centile de la population de sexe masculin. La hauteur de lespace situé au-dessous du bureau sera donc de 690 mm pour la population dEurope du Nord et les utilisateurs nord-américains dorigine européenne. En ce qui concerne les autres populations, on devra déterminer lespace minimum requis selon les caractéristiques anthropométriques de la population considérée.
Si lon détermine de cette façon la hauteur de lespace requis pour les jambes, la partie supérieure des plans de travail sera trop haute pour une grande partie des utilisateurs visés et au moins 30% dentre eux auront besoin dun repose-pieds.
Si la hauteur des plans de travail est réglable, lamplitude du réglage à prévoir peut être calculée à partir des mesures anthropométriques des utilisateurs de sexe féminin (les 5e ou 2,5e centiles pour la hauteur minimale) et de sexe masculin (les 95e ou 97,5e centiles pour la hauteur maximale). Un poste de travail ayant ces dimensions conviendra en général à une forte proportion de personnes sans aucun changement ou presque. Il résulte de ce calcul un réglage possible entre 600 mm et 800 mm pour les pays ayant une population dutilisateurs dorigines ethniques diverses. Lapplication dune échelle aussi étendue peut se heurter à des difficultés techniques; cest pourquoi il est possible dobtenir un meilleur résultat en combinant des dispositifs de réglage à des équipements de différentes tailles.
Lépaisseur minimale acceptable du plan de travail dépend des propriétés mécaniques du matériau dans lequel il est fabriqué. Dun point de vue technique, une épaisseur comprise entre 14 mm (pour le plastique renforcé ou le métal) et 30 mm (pour le bois) est envisageable.
La taille et la forme du plan de travail. La taille et la forme dun plan de travail sont surtout déterminées par les tâches à accomplir et par léquipement nécessaire pour les tâches à exécuter.
Pour la saisie de données, une surface rectangulaire de 800 mm par 1 200 mm fournira suffisamment de place pour disposer léquipement (TEV, clavier, documents et porte-documents) de façon adéquate et pour modifier cette disposition selon les besoins personnels. Des tâches plus complexes peuvent requérir un espace supplémentaire. Cest pourquoi le plan de travail devrait avoir une surface de plus de 800 mm par 1 600 mm. Il devrait être assez profond pour y poser le TEV, ce qui signifie que les TEV à tube cathodique peuvent nécessiter une surface ayant jusquà 1 m de profondeur.
En principe, la disposition représentée à la figure 52.1 offre toute la souplesse voulue pour lexécution de différentes tâches. Cependant, les postes de travail disposés de cette façon ne sont pas faciles à fabriquer. Aussi, la solution la plus proche de la disposition idéale est celle de la figure 52.2. Elle permet de placer un ou deux TEV, des dispositifs de saisie supplémentaires, etc. La superficie minimale du plan de travail doit être supérieure à 1,3 m2.
Laménagement de lespace de travail. La distribution spatiale de léquipement au poste de travail devrait être définie après une analyse des tâches destinée à déterminer limportance et la fréquence dutilisation de chaque élément (voir tableau 52.2). Lécran le plus fréquemment utilisé devrait être situé dans la zone centrale du champ de vision (zone ombrée de la figure 52.3) et les dispositifs de commande les plus importants et les plus fréquemment utilisés (comme le clavier) devraient se trouver à lintérieur de la zone datteinte proximale. Dans le poste de travail représenté sur la base de lanalyse des tâches (voir tableau 52.2), le clavier et la souris sont de loin les dispositifs de commande qui sont maniés le plus souvent. Cest pourquoi on devra leur donner la toute première priorité à lintérieur de la zone datteinte proximale. Aux documents fréquemment consultés, mais qui ne demandent pas beaucoup de manipulation, on accordera une priorité en rapport avec leur importance (par exemple, ceux qui demandent des corrections à la main). La solution consistant à les placer à droite du clavier est incompatible avec un usage fréquent de la souris, qui, pour les droitiers, doit elle aussi être placée à droite du clavier. Vu quen principe le TEV ne nécessite pas de réglages fréquents, il peut être placé à droite ou à gauche par rapport au centre du champ de vision, ce qui permet de poser les documents sur une tablette derrière le clavier. Cest la solution «optimale», même si elle nest pas parfaite.
Etant donné que de nombreux éléments de léquipement ont des dimensions en rapport avec les parties correspondantes du corps humain, le fait den utiliser pour une seule tâche posera toujours certains problèmes. Cela peut aussi exiger plusieurs déplacements dun élément du poste de travail à un autre, doù limportance dune disposition du type de celle qui est présentée à la figure 52.1.
Au cours des vingt dernières années, grâce à la miniaturisation de leurs composants, les ordinateurs qui, à lorigine, exigeaient une pièce grande comme une salle de bal, tiennent aujourdhui dans une boîte. Cependant, contrairement aux espoirs de nombreux praticiens qui pensaient que cette miniaturisation résoudrait la plupart des problèmes daménagement du poste de travail, la taille des TEV na cessé de grandir: en 1975, la taille la plus répandue pour les écrans était de 15 pouces; en 1995, on trouvait des appareils de 17 à 21 pouces, et les claviers actuels ne sont pas beaucoup plus petits que ceux conçus en 1973. Cest pourquoi il est plus que jamais important danalyser minutieusement les tâches pour la conception des postes de travail complexes. De plus, bien quil existe aujourdhui de nouveaux dispositifs de saisie, ils nont pas remplacé le clavier et nécessitent plus de place encore sur le plan de travail qui doit parfois être fortement agrandi, comme dans le cas des tablettes graphiques en format A3.
Par une gestion efficace de lespace dans les limites du poste de travail, ainsi que dans celles du bureau où il est installé, il est possible de concevoir des postes de travail ergonomiquement acceptables et déviter ainsi divers problèmes de sécurité et de santé.
Gérer efficacement lespace ne veut pas dire le réduire aux dépens de lutilisabilité des dispositifs de saisie, et surtout de la vision. Lutilisation daccessoires, tels quun retour ou un bras pour le moniteur fixé par un serre-joint à la table, peut être une bonne façon de gagner de la place sur le plan de travail; cependant, une telle solution peut avoir des effets négatifs sur la posture (bras surélevés) et la vision (ligne de vision déplacée au-dessus de la position de repos). Quand on cherche à réduire lespace utilisé, il faut veiller à ce que lutilisateur puisse garder non seulement une distance de vision adéquate (de 600 mm à 800 mm environ), mais aussi une ligne de vision optimale correspondant à un angle denviron 35º par rapport au plan horizontal (20º pour la tête et 15º pour les yeux).
Les nouveaux concepts pour le mobilier. Autrefois, le mobilier de bureau était conçu en fonction de lorganisation hiérarchique des entreprises: de grands bureaux pour les cadres travaillant dans les locaux de «prestige» à une extrémité de léchelle; à lautre, du mobilier de plus petite taille pour les dactylos dans des bureaux dits «fonctionnels». Dans ses grandes lignes, cette conception de lameublement de bureau est restée la même pendant des décennies. La situation a été bouleversée avec larrivée des technologies de linformation, et un concept de mobilier entièrement nouveau est né, celui du mobilier modulaire.
Le mobilier modulaire sest développé à partir du moment où lon sest rendu compte que le mobilier existant répondait difficilement aux nouveaux besoins créés par lévolution des équipements et de lorganisation du travail. Le mobilier daujourdhui se présente comme un jeu de mécano qui permet aux entreprises qui lutilisent daménager lespace de travail en fonction des besoins, quil sagisse dun poste simple avec TEV et clavier ou dun poste de travail complexe pouvant intégrer différents éléments déquipement et convenir, dans la mesure du possible, à plusieurs groupes dutilisateurs. Ce type de mobilier est conçu pour évoluer et offre des accès faciles pour le passage des câbles. Alors que la première génération de meubles modulaires ne faisait souvent quajouter à côté du bureau existant un bureau auxiliaire pour le TEV, la troisième génération actuelle rompt complètement avec le bureau traditionnel. Cette nouvelle approche apporte une grande souplesse à la conception des lieux de travail, qui nest limitée que par la place dont on dispose et par la capacité des entreprises de faire usage de cette souplesse.
Les rayonnements consistent en une émission ou un transfert dénergie radiante. Lémission dénergie radiante sous forme de lumière, qui est ce que lon recherche quand on utilise un TEV, peut saccompagner de sous-produits indésirables tels que chaleur, bruit, rayonnements infrarouges et ultraviolets, ondes radio, rayons X, pour nen citer que quelques-uns. Alors que certaines formes de rayonnements, comme la lumière visible, peuvent être bénéfiques aux humains, dautres émissions dénergie peuvent avoir des effets biologiques négatifs et même destructeurs, particulièrement lorsque leur intensité est élevée et la durée de lexposition longue. Il y a quelques décennies, des limites dexposition pour les différentes formes de rayonnements ont été adoptées afin de protéger les personnes. Cependant, certaines de ces limites sont remises en question aujourdhui et, pour ce qui concerne les champs magnétiques alternatifs de basse fréquence, aucune limite dexposition ne peut être donnée sur la base du niveau des rayonnements naturels.
Les TEV peuvent émettre des rayonnements électromagnétiques dont la fréquence est comprise entre quelques kHz et 109 Hz (ce quon appelle la bande des radiofréquences, dont la longueur donde varie de 30 cm à quelques kilomètres); cependant, lénergie totale émise dépend des caractéristiques du circuit. Néanmoins, dans la pratique, la force du champ électromagnétique est le plus souvent assez faible et confinée au voisinage immédiat de sa source. Lorsquon fait une étude comparative sur la force des champs de courant alternatif compris entre 20 Hz et 400 kHz, il apparaît que les TEV à tube cathodique émettent en général des rayonnements plus forts que les autres appareils.
Les rayonnements à hyperfréquences couvrent un spectre situé entre 3 x 108 Hz et 3 x 1011 Hz (longueurs donde de 100 cm à 1 mm). Les TEV némettent pas de rayonnements détectables à lintérieur de cette bande du spectre.
Les champs magnétiques émanant dun TEV proviennent de la même source que les champs de courant alternatif. Bien que les champs magnétiques ne soient pas des «rayonnements», on ne peut, dans la pratique, séparer les champs de courant alternatif et les champs magnétiques, les uns nallant pas sans les autres. Si les champs magnétiques sont traités à part, cest parce quon les soupçonne davoir des effets tératogènes (voir ci-après).
Bien que les champs induits par les TEV soient dintensité plus faible que ceux induits par certaines autres sources, comme les lignes à haute tension, les centrales électriques, les locomotives électriques, les fours des aciéries et les équipements de soudage, lexposition totale produite par les TEV peut être semblable dans la mesure où des individus peuvent travailler huit heures ou plus à proximité dun TEV, mais rarement autant à proximité de lignes à haute tension ou de moteurs électriques. Toutefois, la question du rapport entre champs électromagnétiques et cancer demeure un sujet de débat.
Les rayonnements optiques regroupent les rayons visibles (cest-à-dire la lumière) dont les longueurs donde varient de 380 nm (bleu) à 780 nm (rouge), et les fréquences voisines dans le spectre électromagnétique (linfrarouge, de 3 x 1011 Hz à 4 x 1014 Hz, avec des longueurs donde comprises entre 780 nm et 1 mm, et lultraviolet, de 8 x 1014 Hz à 3 x 1017 Hz). Les rayons visibles sont émis à des niveaux dintensité modérés, comparables à ceux des rayons réfléchis par les surfaces dune pièce (approximativement de 100 cd/m2). Pour leur part, les rayons ultraviolets sont soit absorbés par le verre qui entoure le tube (tubes cathodiques), soit inexistants (dans les autres technologies de visualisation). Les rayons ultraviolets, dans la mesure où il est possible de les détecter, sont émis à des niveaux bien inférieurs aux normes dexposition professionnelle recommandées; il en va de même des infrarouges.
Les tubes cathodiques sont réputés produire des rayons X, alors que dautres technologies, comme les écrans à cristaux liquides nen émettent pas. Les processus physiques à lorigine des émissions de ce type de rayonnements sont bien connus, outre que les tubes et les circuits sont conçus pour que les rayons quils dégagent restent bien au-dessous des limites dexposition professionnelle recommandées, voire au-dessous des niveaux détectables. Les rayons émis par une source ne peuvent être détectés que si leur niveau dépasse celui des rayons produits par le milieu environnant. Les rayons X et les autres rayons ionisants sont produits par le rayonnement cosmique et par les substances radioactives présentes dans le sol et dans les bâtiments. Quand il fonctionne normalement, un TEV német pas de rayons X en quantité supérieure au rayonnement naturel (50 nGy/h).
En Suède, lorganisation anciennement connue sous le nom de MPR (Statens Mät och Provråd), cest-à-dire le Conseil national de métrologie et de contrôle, et maintenant dénommée SWEDAC, a élaboré des recommandations pour évaluer les TEV. Un de ses objectifs principaux était de limiter tous les effets secondaires indésirables à des niveaux qui puissent être atteints par des moyens techniques raisonnables. Cette organisation va ainsi plus loin que lapproche classique qui consiste à limiter les expositions dangereuses à des niveaux pour lesquels la probabilité dun problème de sécurité et de santé semble être faible et acceptable.
Dans un premier temps, certaines recommandations du MPR ont eu leffet malvenu de réduire la qualité optique des écrans à tube cathodique. Aujourdhui, cependant, seul un très petit nombre de produits offrant une résolution extrêmement élevée risquent de saltérer lorsque le fabricant essaie de suivre les recommandations du MPR (devenu MPR-II). Ces recommandations imposent des limites pour lélectricité statique, pour les champs de courant alternatif et les champs magnétiques, des paramètres visuels, etc.
Le terme qualité décrit le degré dadéquation entre les attributs distinctifs dun objet et un but défini. Ainsi, la qualité dimage dun écran comprend toutes les propriétés de la représentation optique en ce qui concerne la perceptibilité des symboles en général et la visibilité ou la lisibilité des symboles alphanumériques. De ce fait, les notions doptique utilisées par les fabricants de tubes, comme la résolution ou la taille minimale dun point, constituent des critères de qualité élémentaires qui sont liés à la capacité dun appareil donné dafficher à lécran des lignes fines ou des petits caractères. De tels critères de qualité sont comparables à lépaisseur du crayon ou du pinceau pour une personne qui sapprête à écrire ou à peindre.
Certains des critères de qualité utilisés par les ergonomes correspondent à des propriétés optiques qui déterminent la visibilité (cest le cas du contraste) alors que dautres, comme la taille des caractères ou la largeur des traits, sont davantage liés à la typographie. De plus, certaines caractéristiques qui dépendent de la technologie employée, comme le papillotement des images, leur persistance, ou luniformité du contraste sur un écran donné, sont aussi prises en considération par les ergonomes (voir figure 52.4).
La typographie est lart de composer des «types», cest-à-dire non seulement de former des jeux de caractères, mais aussi den sélectionner et den établir le type. Ici, cest le premier sens du terme de «typographie» qui est utilisé.
La résolution. La résolution peut être définie comme le plus petit détail discernable ou mesurable dune présentation visuelle. Par exemple, la résolution dun écran à tube cathodique peut être exprimée par le nombre maximal de lignes qui peuvent être présentées dans un espace donné; cest la définition habituelle de la résolution des films photographiques. On peut aussi prendre en considération la taille du point le plus petit quun appareil peut afficher pour une luminance donnée (brillance). Plus ce point est petit, meilleur est lappareil. Ainsi, le nombre de points (éléments de limage aussi appelés pixels) par pouce (ppp) détermine la qualité de lappareil; par exemple un appareil de 72 ppp est de plus mauvaise qualité quun écran de 200 ppp.
En général, la résolution de la plupart des écrans dordinateur est bien inférieure à 100 ppp: quelques écrans graphiques peuvent atteindre 150 ppp, mais seulement avec une brillance limitée. Cela implique que si un contraste élevé est nécessaire, la résolution sera plus faible. Si on la compare avec la résolution des imprimés, qui est par exemple de 300 ou même 600 ppp pour les imprimantes laser, la qualité des TEV est inférieure (une image de 300 ppp contient neuf fois plus déléments dans le même espace quune image de 100 ppp).
La capacité dadressage. La capacité dadressage décrit le nombre de points dune zone donnée quun appareil est capable de désigner. La capacité dadressage, qui est très souvent confondue avec la résolution (parfois dune manière délibérée), est une spécification fournie par le fabricant: «800 × 600» signifie que la carte graphique peut donner accès à 800 points sur chacune des 600 lignes horizontales. Un tel écran ne peut présenter quun maximum de 40 lignes de texte puisquil est nécessaire davoir au moins 15 éléments dans le sens vertical pour écrire des chiffres, des lettres et dautres caractères en hauteur. Aujourdhui, les meilleurs écrans disponibles peuvent donner 1 600 × 1 200 points; cependant, la plupart des écrans utilisés dans les entreprises ne donnent que 800 × 600 points, voire moins.
Sur les appareils dits «à caractères» (cest-à-dire qui traitent des caractères), ladressage ne se fait pas par point de lécran, mais par zone de caractères. Dans la plupart de ces appareils, on compte à lécran 25 lignes qui comportent chacune 80 positions de caractère. Sur ces écrans, tous les symboles occupent le même espace quelle que soit leur largeur. Pour lusage industriel, le nombre minimal de pixels par zone est de 5 en largeur × 7 en hauteur. Chaque zone peut contenir une majuscule ou une minuscule, mais il est impossible dafficher les hampes descendantes des lettres «p», «q» et «g», et les signes placés au-dessus du «A» («Ä» ou «Á»). La zone de 7 × 9, devenue la «norme» depuis le milieu des années quatre-vingt, fournit une bien meilleure qualité. Pour obtenir une bonne visibilité et des formes de caractère raisonnablement correctes, il faut une zone dau moins 12 × 16 pixels.
Le papillotement et la vitesse de régénération. Les images sur écran à tube cathodique et sur dautres types de TEV ne sont pas permanentes comme les impressions sur papier. Si elles apparaissent stables, cest uniquement par lintervention dun mécanisme oculaire. Cependant, cela nest pas sans inconvénient, car lécran tend à papilloter si limage nest pas constamment régénérée. Ce papillotement, qui peut influencer à la fois le rendement et le confort de lutilisateur, doit impérativement être évité.
Le papillotement résulte de la variation du niveau de brillance perçu par lil. Limportance du scintillement dépend de différents facteurs tels que les caractéristiques du phosphore, la grandeur et la brillance de limage intermittente, etc. Des recherches récentes montrent que des fréquences de régénération supérieures à 90 Hz peuvent être nécessaires pour satisfaire 99% des utilisateurs, alors quà la suite de recherches plus anciennes, on a pensé que des fréquences bien inférieures à 50 Hz étaient satisfaisantes. En fonction de différentes caractéristiques de lécran, on peut parvenir à une image sans papillotement avec des fréquences de régénération situées entre 70 Hz et 90 Hz; un écran sur fond clair (à polarité positive) nécessite un minimum de 80 Hz pour être perçu comme stable.
Certains appareils modernes permettent de régler la fréquence de régénération; malheureusement, une fréquence de régénération élevée implique un affaiblissement de la résolution et de la capacité dadressage. Laptitude dun écran à présenter des images à haute «résolution» malgré des fréquences de régénération élevées se mesure à sa largeur de bande vidéo. Pour les écrans de grande qualité, la largeur de bande maximale dépasse 150 MHz, mais elle est inférieure à 40 MHz sur certains écrans.
Pour obtenir une image stable et à haute résolution avec des appareils à bande étroite, les fabricants utilisent une astuce empruntée à la télévision: la technique de lentrelacement. Dans ce cas, une ligne de lécran sur deux est renouvelée à une fréquence donnée. Cependant, le résultat nest pas satisfaisant lorsque des images statiques (texte et graphiques) sont à lécran et que la fréquence de régénération est inférieure à 2 × 45 Hz. Malheureusement, tenter de supprimer les effets gênants du papillotement peut induire dautres effets négatifs.
Le scintillement. Le scintillement apparent de limage est le résultat de linstabilité spatiale de ses éléments; un élément donné de limage change de position sur lécran après chaque régénération. La perception dun scintillement ne peut pas être séparée de celle du papillotement.
Le scintillement peut être provoqué par le TEV lui-même, mais il peut aussi être le résultat de linteraction avec un autre équipement du poste de travail, comme une imprimante ou dautres TEV, ou des appareils qui génèrent des champs magnétiques.
Le contraste. Le contraste, cest-à-dire le rapport entre la luminance dun objet donné et celle de son environnement, est le principal déterminant photométrique de la lisibilité dune image et de sa visibilité. Alors que la plupart des normes exigent un rapport minimal de 3 à 1 (caractères clairs sur fond foncé) ou de 1 à 3 (caractères foncés sur fond clair), le contraste optimal est en fait de 10 à 1. Dailleurs, les appareils de bonne qualité donnent de meilleurs résultats, même dans un environnement bien éclairé.
Le contraste des écrans «actifs» se détériore lorsque la lumière ambiante saccroît, alors que les écrans «passifs» (à cristaux liquides, par exemple) perdent du contraste dans une pièce mal éclairée. Un écran passif assorti dun éclairage en arrière-plan peut offrir partout une bonne image.
La netteté. La netteté dune image est une caractéristique bien connue, mais encore mal définie. De ce fait, il nexiste pas de méthode qui fasse lobjet dun consensus pour évaluer la netteté en tant que déterminant de la lisibilité et de la visibilité.
La visibilité et la lisibilité. La lisibilité dun texte désigne son aptitude à être appréhendé comme un ensemble dimages liées entre elles, alors que la visibilité désigne le degré de perception dun ou de plusieurs caractères. De ce fait, une bonne visibilité est en général une condition préalable à la lisibilité.
La visibilité des textes dépend de plusieurs facteurs: certains dentre eux ont été étudiés de manière exhaustive, tandis que dautres facteurs pertinents comme les formes des caractères restent à analyser. Lune des raisons de ce problème réside dans le fait que lil humain est un instrument très puissant et robuste et que, souvent, les instruments utilisés pour mesurer les taux de performance et derreur ne permettent pas de faire la distinction entre les différentes polices de caractères utilisées. Dès lors, dans une certaine mesure, la typographie reste encore un art plus quune science.
Les polices de caractères et la lisibilité. Une police de caractères est une famille de caractères, conçue pour optimiser la compréhension ou la qualité esthétique désirée, ou les deux à la fois, sur un support donné, comme du papier, un écran informatique ou de projection. Sil est vrai que le nombre de polices de caractères disponibles dépasse les 10 000, seules quelques dizaines dentre elles sont jugées «lisibles». Etant donné que la lisibilité et la visibilité dun caractère dépendent aussi de lexpérience du lecteur certains caractères sont devenus visibles parce quon les a utilisés pendant des décennies ou même des siècles sans changer leur forme , les mêmes caractères peuvent apparaître moins faciles à déchiffrer sur un écran que sur papier, tout simplement parce quils présentent un aspect inhabituel. Cependant, ce nest pas cela qui explique principalement la mauvaise visibilité des écrans.
En général, le choix des polices de caractères à lécran est restreint par des problèmes technologiques. Certaines technologies limitent considérablement ce choix. Cest le cas des écrans à cristaux liquides ou dautres écrans tramés et comportant un nombre réduit de points par image. Les meilleurs écrans à tube cathodique peuvent difficilement concurrencer limprimé (voir figure 52.5). Au cours des dernières années, les chercheurs ont observé que la lecture est environ 30% moins rapide et moins précise sur écran que sur papier; mais on ne peut déterminer avec certitude si cela est dû aux caractéristiques de lécran ou à dautres causes.
Les caractéristiques comportant des effets mesurables. Il est possible de mesurer les effets de certaines caractéristiques des représentations alphanumériques, comme la taille apparente des caractères, le rapport hauteur/largeur, le rapport largeur/grosseur, et lespacement entre les lignes, les mots et les caractères.
La grosseur apparente des caractères, mesurée en minutes darc, est optimale entre 20 et 22; cela correspond à une hauteur comprise approximativement entre 3 mm et 3,3 mm dans des conditions de vision normales pour un bureau. Des caractères plus petits, que lon doit regarder de plus près, peuvent provoquer une augmentation du nombre derreurs, une fatigue oculaire et un accroissement de la fatigue posturale. Il importe donc que les caractères du texte à lécran naient pas une grosseur apparente de moins de 16.
Cependant, certains graphiques doivent souvent être accompagnés dun texte en lettres plus petites. Pour éviter les erreurs, dune part, et un trop gros effort visuel chez lutilisateur, dautre part, il convient dafficher les parties du texte à modifier dans une fenêtre distincte pour en améliorer la lisibilité. Les caractères ayant une grosseur apparente de moins de 12 ne devraient pas être affichés à lécran pour lecture, mais remplacés par un bloc rectangulaire gris. De bons logiciels permettent aux utilisateurs de sélectionner la grosseur minimale réelle des caractères alphanumériques qui peuvent être affichés à lécran.
Le rapport optimal entre la hauteur et la largeur des caractères est denviron 1 à 0,8; la visibilité est réduite sil dépasse 1 à 0,5. Pour obtenir des imprimés déchiffrables comme pour travailler sur des écrans à tube cathodique, il faut un rapport denviron 10 à 1 entre la hauteur du caractère et lépaisseur du trait. Cependant, cette règle nest donnée quà titre indicatif; souvent, les caractères particulièrement esthétiques se composent de traits dont lépaisseur est différente (voir figure 52.5).
Il est très important de prévoir un espacement optimal entre les lignes, non seulement pour la lisibilité, mais aussi pour gagner de la place, lorsquon souhaite afficher une quantité dinformations donnée dans un espace limité. Le meilleur exemple à cet égard est celui des quotidiens, dont chaque page contient une énorme quantité dinformations, tout en restant lisible. Lespacement optimal entre les lignes est denviron 20% de la hauteur mesurée entre les hampes descendantes dune ligne et les hampes montantes de la ligne suivante; il est en gros égal à 100% de la hauteur comprise entre la base dune ligne de texte et les hampes montantes de la ligne suivante. Si la longueur de la ligne est réduite, lespace entre les lignes pourra également être réduit sans que cela en diminue la lisibilité.
Lespacement des caractères est invariable sur les écrans «à caractères», ce qui donne à ces derniers une lisibilité et une qualité esthétique inférieures à celles des écrans à espacement variable. Un espacement proportionnel, lié à la forme et à la largeur des caractères, est préférable. Cependant, peu décrans permettent de produire une qualité typographique comparable à celle de caractères dimprimerie bien conçus. Pour ce faire on doit utiliser des programmes spécifiques.
Au cours des 90 dernières années de lhistoire industrielle, les théories sur léclairage de nos lieux de travail ont été dominées par lidée selon laquelle laccroissement de lintensité lumineuse améliorerait lacuité visuelle, réduirait la fatigue et le stress, et augmenterait le rendement. «Plus de lumière», ou plutôt «plus de lumière naturelle», tel était le slogan adopté par les habitants de Hambourg, en Allemagne, lorsquils manifestèrent il y a plus de 60 ans pour obtenir des logements meilleurs et plus sains. Dans certains pays tels que le Danemark ou lAllemagne, les travailleurs ont aujourdhui le droit davoir un peu de lumière du jour à leur poste de travail. Il aura fallu lavènement de linformatique et la généralisation des TEV dans les bureaux pour que les employés se plaignent, pour la première fois, davoir trop de lumière à leur poste de travail et pour que les scientifiques sy intéressent. Le débat fut attisé par le fait, aisément vérifiable, que la plupart des TEV étaient équipés dun tube cathodique dont la surface de verre incurvée avait tendance à capter les reflets diffus. Ces appareils, parfois appelés «écrans actifs», perdent du contraste lorsque le niveau déclairage ambiant augmente. Or, il est difficile de modifier léclairage pour limiter les troubles visuels causés par ces effets, car la plupart des utilisateurs se servent aussi de sources dinformation sur papier qui exigent généralement, pour une lecture confortable, un éclairage ambiant plus intense.
Léclairage ambiant qui entoure les postes de travail avec TEV remplit deux fonctions différentes. Premièrement, il éclaire lespace de travail et le matériel utilisé comme le papier, les téléphones, etc. (effet primaire). Deuxièmement, il éclaire la pièce, rendant sa forme visible et donnant aux utilisateurs limpression dune clarté enveloppante (effet secondaire). Etant donné que la plupart des installations obéissent au principe dun éclairage général, la même source de lumière remplit ces deux fonctions. Son effet primaire, qui est déclairer les objets passifs et de les rendre visibles ou lisibles, a commencé à être remis en question avec larrivée des écrans actifs, qui nont pas besoin de lumière ambiante pour être visibles. Lautre avantage, qui est déclairer la pièce, est réduit à jouer un rôle secondaire, dès lors que le TEV constitue la principale source dinformation.
Le travail devant un TEV, quil ait un écran à tube cathodique (écran actif) ou à cristaux liquides (écran passif), peut être gêné par léclairage ambiant de différentes façons.
La contrainte que ces problèmes imposent aux utilisateurs et laltération de la visibilité ou de la lisibilité des objets présents sur un lieu de travail normal varient considérablement. Par exemple, le contraste des caractères alphanumériques est théoriquement moins bon sur un écran monochrome (à tube cathodique) mais, si son éclairage est dix fois supérieur à celui dun environnement de travail normal, lécran conservera un contraste suffisant pour que lon puisse lire les caractères alphanumériques. Dautre part, la visibilité des images présentées sur lécran couleur dun système de conception assistée par ordinateur (CAO) diminue tellement que la plupart des utilisateurs préfèrent baisser ou même supprimer la lumière artificielle, et se passer de la lumière du jour.
Modifier le niveau déclairement. Depuis 1974, de nombreuses études ont été réalisées doù sont ressorties des recommandations visant à réduire le niveau déclairement aux postes de travail. Cependant, ces recommandations étaient surtout fondées sur des études effectuées avec des écrans peu satisfaisants. Les niveaux recommandés se situaient entre 100 lx et 1 000 lx alors que, dans les cas étudiés, le niveau est globalement bien inférieur aux normes actuellement fixées pour léclairage de bureau (par exemple, 200 lx ou encore de 300 à 500 lx).
Lorsquon se sert dun écran à contraste positif dont la luminance est denviron 100 cd/m2 avec un traitement antireflet efficace, lutilisation dun TEV ne limite pas le niveau acceptable déclairement, puisque les utilisateurs trouvent convenable un niveau déclairement de 1 500 lx, niveau pourtant très rarement atteint sur le lieu de travail.
Si le TEV possède des caractéristiques qui ne permettent pas de travailler confortablement avec un éclairage de bureau normal, comme cela peut être le cas lorsquon se sert dun tube à mémoire, dun lecteur de microfiches, dun écran couleur, etc., les conditions visuelles peuvent être notablement améliorées par un double éclairage comprenant une lumière indirecte dans la pièce (effet secondaire) et une lumière directe sur le poste de travail. Ces deux sources doivent pouvoir être commandées par lutilisateur.
Réduire les reflets sur lécran. Il est difficile de réduire les reflets sur lécran, dans la mesure où presque toutes les solutions qui améliorent les conditions visuelles peuvent nuire à dautres caractéristiques importantes de lécran. Certaines solutions, proposées depuis de nombreuses années, comme les filtres à mailles, éliminent les reflets des écrans, mais en réduisent la lisibilité. Les luminaires de faible luminance créent moins de reflets; néanmoins, les utilisateurs trouvent en général que ce type déclairage est plus mauvais que tous les autres systèmes.
Aussi faut-il faut user de prudence, quelle que soit la mesure employée, et commencer par analyser la cause réelle de gêne ou de désagrément (voir figure 52.6). On peut éviter les reflets de trois manières: en orientant lécran en fonction des sources lumineuses, en choisissant un écran de qualité ou en y ajoutant un filtre, en créant une ambiance lumineuse appropriée. Les coûts de ces mesures de prévention ne sont pas du même ordre de grandeur; il nen coûte rien de modifier lorientation dun écran de manière à éviter léblouissement dû aux reflets, mais cette solution nest pas toujours applicable et, dans certains milieux de travail, on devra se munir dun équipement approprié, ce qui revient plus cher. Les éclairagistes recommandent souvent de combattre les reflets par léclairage ambiant, mais il faut savoir quil sagit de la méthode la plus coûteuse et quelle nest pas nécessairement plus efficace.
Pour le moment, la voie la plus prometteuse est dutiliser des écrans à contraste positif (écrans à fond clair) dont le verre a été traité contre les reflets. Il existe une solution encore plus efficace, celle des écrans plats présentant une surface presque mate et un fond clair; cependant, ce type décran nest pas encore très répandu.
Lajout dun cache à lécran représente la voie de dernier recours proposée par les ergonomes pour des milieux de travail pénibles comme les usines, les tours de contrôle dans les aéroports, ou les cabines des grutiers. Quand un cache est vraiment nécessaire, cest probablement quil se pose des problèmes déclairage plus graves que de simples reflets sur lécran.
Sagissant des luminaires, essentiellement deux solutions sont envisageables: premièrement réduire la luminance (qui correspond à la brillance apparente) dune partie des luminaires et, deuxièmement, préférer un éclairage indirect à un éclairage direct. Il ressort des recherches en cours que la solution consistant à créer un éclairage indirect améliore sensiblement le confort des utilisateurs, réduit leffort visuel, et est bien acceptée par les intéressés.
Un grand nombre détudes ont été consacrées à la gêne visuelle chez les opérateurs de terminal à écran de visualisation (TEV), études dont les résultats sont fréquemment contradictoires. Dune enquête à lautre, les écarts observés dans la prévalence des troubles vécus varient de pratiquement 0 à 80% ou davantage (Dainoff, 1982). Il ne faut pas trop sétonner de telles différences, car elles reflètent la grande quantité de variables qui influencent les sensations de fatigue visuelle.
En effet, pour être valables, les études épidémiologiques doivent prendre en compte plusieurs variables de la population, telles que le genre, lâge, les défauts dioptriques ou le port de verres correcteurs, ainsi que la situation socio-professionnelle. La nature de la tâche effectuée à lécran, les caractéristiques du poste de travail et lorganisation du travail jouent aussi un rôle important. De plus, ces variables sont souvent liées entre elles.
Pour déterminer le niveau dinconfort visuel à lécran, on recourt le plus souvent à des questionnaires. La prévalence des problèmes va alors dépendre du contenu des questions et de leur analyse statistique. Les questions appropriées concernent létendue des symptômes dasthénopie dont souffrent les opérateurs. Ces symptômes, qui témoignent dune fatigue accommodative et dune atteinte fonctionnelle, sont bien connus en ophtalmologie. Lasthénopie se caractérise par des yeux rouges qui piquent, qui brûlent, qui larmoient; elle peut saccompagner de diplopie et dune réduction du pouvoir accommodatif. On observe aussi parfois des maux de tête, en particulier dans la région frontale. Lacuité visuelle, quant à elle, apparaît rarement diminuée (il faut cependant que les mesures aient été prises avec un diamètre pupillaire constant).
Quand lenquête comporte des questions générales telles que «Vous sentez-vous bien à la fin de la journée?» ou «Vous est-il arrivé de connaître des troubles visuels en travaillant sur un terminal?», la prévalence de réponses positives peut être plus élevée que lorsquon recherche des signes précis dasthénopie.
Dautres symptômes peuvent être fortement associés à lasthénopie. On trouve fréquemment des douleurs dans la nuque, aux épaules et aux bras. Il y a à cela deux raisons: dune part, les muscles de la nuque sont très sollicités, puisquils contribuent à maintenir la distance de lecture entre lil et lécran; dautre part, le travail informatisé impliquant à la fois lusage dun écran et dun clavier, les épaules, les bras et les yeux fonctionnent simultanément et peuvent donc être soumis à des tensions comparables en rapport avec la tâche effectuée.
La plupart des études indiquent que les femmes sont plus touchées que les hommes. Dans une entreprise française, par exemple, 35,6% de femmes se sont plaintes de fatigue visuelle, contre seulement 21,8% dhommes (différence significative à p ≤ 0,05) (Dorard, 1988). Dans une autre étude (Sjögren et Elfström, 1990), on a remarqué que, si la différence entre les genres était importante (41% de fatigue visuelle chez les femmes et 24% chez les hommes), «lécart entre les personnes qui travaillaient de 5 à 8 heures par jour et celles qui travaillaient de 1 à 4 heures seulement est apparu encore plus net». Mais de telles différences ne sont pas nécessairement liées au genre, car les hommes et les femmes neffectuent que rarement la même tâche. Dans une grande firme dordinateurs, nous avons constaté que si les hommes et les femmes étaient attelés au même travail répétitif et monotone (travail de type «féminin»), on trouvait chez les deux sexes un même degré dinconfort visuel. Inversement, les femmes effectuant un travail de type «masculin» nont pas accusé davantage de fatigue visuelle que leurs collègues masculins. En général, les professionnels qui utilisent un écran dans leur travail se plaignent bien moins de fatigue visuelle que les opérateurs effectuant des tâches de basse qualification et à haut rendement comme la saisie ou le traitement de texte (Rey et Bousquet, 1989). Quelques résultats sont fournis au tableau 52.3.
Catégories |
Pourcentage de symptômes (%) |
Femmes ayant un poste de type «féminin» |
81 |
Hommes ayant un poste de type «féminin» |
75 |
Hommes ayant un poste de type «masculin» |
68 |
Femmes ayant un poste de type «masculin» |
65 |
Source: d’après Dorard, 1988; et Rey et Bousquet, 1989.
Cest dans le groupe des 40-50 ans que les plaintes de fatigue visuelle apparaissent habituellement les plus fréquentes, sans doute parce que cest à ces âges que la capacité daccommodation change rapidement. Cest pourquoi on accuse volontiers la presbytie (affaiblissement de la vue attribuable au vieillissement) dêtre le principal facteur de fatigue visuelle à lécran. Là encore, il existe une forte interdépendance entre le niveau de qualification atteint et lâge. On trouve habituellement davantage de femmes âgées parmi les opératrices de TEV peu qualifiées et davantage dopérateurs qualifiés chez les hommes jeunes. Cest pourquoi, avant de tirer des conclusions définitives quant aux effets du genre et de lâge sur la fatigue visuelle à lécran, il est indispensable de vérifier dabord si les groupes sont comparables, en particulier en ce qui concerne les tâches effectuées à lécran et le niveau de compétence quelles exigent.
Globalement, la moitié des opérateurs de TEV présentent un défaut oculaire pour lequel ils portent des verres correcteurs. On peut dire, en cela, que les opérateurs de TEV ne diffèrent pas de la population laborieuse en général. Par exemple, une enquête (Rubino, 1990) réalisée auprès dopérateurs italiens a révélé des proportions de 46% demmétropes et de 38% de myopes qui correspondent, grosso modo, à celles quindiquent dautres études suisses et françaises (Meyer et coll., 1990). La prévalence des défauts relevés dépend de la méthode dinvestigation choisie (Çakir, 1981).
Contrairement à une opinion assez répandue, la plupart des experts considèrent que la presbytie, en tant que telle, ninfluence pas de manière significative lincidence dune gêne visuelle persistante (asthénopie). Cest plutôt la qualité de la correction qui serait en cause. Pour les myopes, les opinions divergent. Tandis que Rubino ne remarque rien danormal, Meyer et coll. (1990) constatent que les opérateurs myopes ont tendance à se plaindre dune sous-correction pour la distance il-écran (habituellement 70 cm). Rubino émet aussi lhypothèse que ceux qui souffrent dun manque de coordination oculaire sont plus exposés à la fatigue visuelle devant un TEV.
Une observation intéressante émane dune étude française, comportant un examen ophtalmologique approfondi effectué chez 275 opérateurs de TEV et 65 témoins: il est apparu que 32% des personnes examinées auraient eu besoin dune correction. Dans la population étudiée, 68% des sujets étaient emmétropes (vision normale), 24% myopes et 8% hypermétropes (Boissin et coll., 1991). Ainsi, bien que nos pays industriels puissent, grâce aux moyens mis à leur disposition, fournir dexcellents soins oculaires, il semble que la correction optique chez les opérateurs sur écran soit encore trop souvent négligée ou inadéquate. Boissin a noté aussi que les cas de conjonctivite étaient plus nombreux chez les opérateurs de TEV (48%) que chez les témoins. La conjonctivite et une mauvaise vue allant de pair, on peut en déduire que la correction optique doit être améliorée.
Le diagnostic de la fatigue visuelle à lécran, son traitement et sa prévention nécessitent que lon tienne compte de tous les facteurs de risque évoqués ici et ailleurs dans ce chapitre. La faiblesse des mécanismes daccommodation et de convergence, la conjonctivite et le port de verres correcteurs mal adaptés à la distance représentent autant de causes de gêne et de fatigue visuelles chez lindividu. Mais la fatigue visuelle peut aussi être liée à laménagement du poste de travail et à lorganisation du travail. Un éclairage inadapté, la présence de reflets sur lécran, le scintillement de limage ou un excès de luminance contribuent à créer de linconfort, tout comme labsence de pause, quand on exécute une tâche monotone pendant de longues heures. La figure 52.7 illustre quelques-uns de ces points.
Plusieurs caractéristiques du poste de travail ont déjà été décrites dans ce chapitre.
La distance de vision la plus favorable au confort visuel, et qui laisse encore suffisamment de place au clavier, est de 65 cm environ. Néanmoins, daprès plusieurs spécialistes, dont Akabri et Konz (1991), «lidéal serait encore de se baser sur le pouvoir accommodatif de chaque individu pour aménager le poste de travail et non sur des moyennes». En ce qui concerne la dimension des caractères sur lécran, le bon sens voudrait que le plus grand soit le meilleur. En fait, la dimension des caractères augmentant habituellement avec celle de lécran, il faut rechercher un compromis entre la lisibilité des lettres et le nombre de mots et de phrases qui peuvent être présentés en une fois sur lécran. Le TEV devrait dailleurs être choisi pour faciliter la tâche de lopérateur et pour lui apporter le meilleur confort.
A laménagement du poste de travail et du TEV sajoute une autre exigence de base: celle de permettre à la vue de se reposer. Une telle nécessité simpose en particulier pour les tâches peu qualifiées où, par comparaison au travail qualifié, la liberté de mouvement est très limitée. La saisie et autres tâches du même genre sont habituellement assujetties à des contraintes de temps, parfois même à une surveillance électronique qui mesure très précisément le rendement de lopérateur. Dautres tâches interactives, comme linterrogation dune banque de données, obligent parfois lopérateur à attendre une réponse de lordinateur, et donc à ne pas quitter son poste.
Le papillotement est la variation dans le temps de la brillance des caractères à lécran; elle a été décrite plus haut en détail. Quand les caractères ne se régénèrent pas assez souvent, des opérateurs peuvent percevoir ce papillotement à lécran. Les plus jeunes en souffriront davantage, car la fréquence de fusion est chez eux plus élevée que chez les opérateurs âgés (Isensee et Bennett, 1983). Le papillotement croît avec la brillance et cest lune des raisons pour lesquelles les opérateurs nutilisent pas nécessairement tout léventail des luminosités offertes par leur appareil. De façon générale, une fréquence de régénération de 70 Hz ou plus devrait assurer un confort visuel suffisant à la majorité des opérateurs de TEV.
La sensibilité au papillotement augmente avec la brillance et avec le contraste entre la zone de papillotement et son pourtour. La grandeur de cette zone joue aussi un rôle, car plus elle est étendue, plus la région rétinienne stimulée augmente. Dautres variables interviennent, comme langle sous lequel le papillotement frappe la rétine ou lamplitude de la modulation de la lumière intermittente.
Les sujets les moins sensibles sont les sujets âgés, dont la cornée est moins transparente et la rétine moins excitable. Cest aussi vrai des gens malades. Tous ces résultats observés en laboratoire permettent de mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain. Par exemple, on a constaté que des opérateurs sont gênés par le papillotement de lécran quand ils lisent des documents imprimés posés sur leur table de travail (Isensee et Bennett, 1983); en outre lassociation du papillotement de lécran et de celui des tubes fluorescents est particulièrement désagréable.
Lil fonctionne le mieux quand le contraste entre sa cible et le fond qui encadre cette dernière est à sa valeur maximale, ce qui se produit par exemple dans le cas dune lettre imprimée en noir sur une feuille blanche. Cest encore mieux quand la périphérie du champ visuel est exposée à une lumière légèrement moins forte quau centre. Or, avec un TEV, cest malheureusement linverse qui prévaut. Cela explique en partie pourquoi tant dopérateurs cherchent à se protéger dun excès de lumière.
Un contraste excessif et des reflets parasites créés par les tubes fluorescents sur lécran sont autant de sources de gêne; dans létude de Läubli et coll. (1989), 40% des 499 opérateurs de TEV interrogés sen sont plaints.
Comme cétait le cas pour la distance de vision, une certaine liberté de mouvement permet de réduire ces risques liés à léclairage. Il importe que les opérateurs puissent régler les sources lumineuses en fonction de leur sensibilité oculaire.
Les tâches effectuées sous la pression du rendement, en particulier si elles demandent peu de qualifications et si elles sont monotones, saccompagnent souvent dune sensation de fatigue générale qui peut donner lieu à une gêne visuelle. Des expériences réalisées en laboratoire ont permis dobserver que linconfort visuel augmente avec le nombre daccommodations rendues nécessaires par la tâche à accomplir. Ce phénomène se produit davantage pendant la saisie de données ou le traitement de texte que lorsque lopérateur dialogue avec lordinateur. Les travaux exécutés assis et qui offrent peu de possibilités de mouvement rendent aussi plus difficile la récupération musculaire et contribuent à lapparition de troubles visuels.
Linconfort visuel nest quun aspect des problèmes physiques et mentaux associés à beaucoup demplois et qui sont traités ailleurs dans ce chapitre. On ne sétonnera donc pas de trouver une forte corrélation entre la fatigue visuelle et le degré de satisfaction au travail. Quant au travail de nuit, bien quencore peu pratiqué dans les bureaux, on en connaît encore mal les effets qui pourraient être complexes. On ne dispose que de peu de données à ce sujet, mais on peut sattendre que la capacité visuelle soit réduite; en revanche, il est plus facile de régler léclairage pour autant quon élimine le reflet des lampes fluorescentes sur les fenêtres plongées dans le noir.
Les opérateurs de TEV qui travaillent à domicile devraient veiller à se procurer un équipement informatique et un système déclairage qui leur évitent les désagréments rencontrés dans de nombreuses entreprises.
On ne peut dire que tel ou tel agent présente un risque particulier pour lil. Il semble que lasthénopie soit chez les opérateurs de TEV un phénomène passager, bien que certains chercheurs pensent quun déficit prolongé de laccommodation puisse se produire. Contrairement à beaucoup dautres problèmes de santé, le manque dadaptation visuelle au travail sur écran est habituellement très vite remarqué par le «patient», qui a plus tendance à consulter un médecin que les personnes exerçant un autre travail. La consultation conduit souvent à la prescription de verres correcteurs; malheureusement ces derniers ne sont pas forcément adaptés aux exigences du poste de travail, telles quelles ont été décrites ci-dessus. Il serait souhaitable que des ophtalmologues soient spécialement formés pour soccuper des personnes travaillant sur TEV. Un cours spécial a été ainsi proposé, à lEcole polytechnique fédérale de Zurich, justement dans ce but.
Il importe de tenir compte des facteurs suivants quand on a affaire à des opérateurs de TEV. Contrairement à ce qui se passe dans le cas du travail de bureau traditionnel, la distance entre lil et la cible, qui varie de 50 à 70 cm, ne peut être modifiée. Les verres prescrits devraient donc être choisis en conséquence. Les lunettes à double foyer ne conviennent pas, car lopérateur se fatigue à tendre le cou pour lire lécran. Les lunettes multifocales ou progressives sont meilleures, mais elles présentent linconvénient de limiter les mouvements oculaires les plus rapides et de créer une compensation par des mouvements de la tête qui ajoutent à la fatigue.
La correction oculaire devrait être aussi précise que possible et il devrait être tenu compte des défauts de vision les plus légers (en cas dastigmatisme, par exemple), ainsi que de la distance entre lil et lécran. Il est déconseillé de prescrire des lunettes teintées qui réduisent la luminosité au centre du champ visuel. Les lunettes partiellement teintées sont sans intérêt car, pendant son travail, lopérateur est amené sans cesse à diriger son regard dans toutes les directions. Lemployeur peut proposer des lunettes spéciales à ses employés, mais cela ne le dispense pas pour autant de prêter attention à leurs griefs parce que la gêne visuelle quils ressentent peut sexpliquer par lutilisation dun poste de travail et dun équipement peu ergonomiques.
Enfin, il faut noter que les opérateurs qui souffrent le plus dinconfort visuel à lécran sont ceux qui ont besoin de davantage de lumière pour voir de petits détails et qui, en même temps, sont facilement éblouis. Les sujets dont la vue a été mal corrigée auront ainsi tendance à se rapprocher de lécran pour y voir plus clair et, par là même, sexposeront davantage au papillotement de celui-ci.
Les principes de prévention secondaire habituellement suivis en santé publique sappliquent aussi au milieu de travail. Le dépistage devrait donc viser les risques connus et il est particulièrement utile contre les maladies présentant une longue période de latence. Il importe quil se fasse avant toute manifestation dune maladie évitable, et seuls les tests présentant à la fois une forte sensibilité, une forte spécificité et ayant un haut pouvoir prédictif sont efficaces. Les résultats du dépistage peuvent servir à déterminer le degré dexposition de lindividu ou dun groupe dindividus.
Le travail sur écran nentraîne apparemment aucun risque grave pour les yeux et, aucun problème de vision ne pouvant être attribué à des rayonnements anormalement élevés, les spécialistes considèrent que lon ne saurait démontrer que le travail informatisé peut causer des maladies ou des lésions oculaires (OMS, 1989a). La fatigue oculaire et la gêne visuelle décelées chez certains opérateurs ne font pas partie des problèmes de santé qui conduisent généralement à une surveillance médicale dans le cadre dun programme de prévention secondaire.
Néanmoins, les opérateurs de TEV passent très souvent un examen de la vue avant embauche dans les Etats Membres de lOrganisation internationale du Travail (OIT), examen qui a laval aussi bien des syndicats que des employeurs (BIT, 1986). Dans de nombreux pays dont la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, un examen médical dembauche des opérateurs de TEV, qui comporte des tests visuels, a été également institué à la suite de lentrée en vigueur de la directive communautaire 90/270/CEE (1990) concernant les équipements à écran de visualisation.
Quand on se propose dinstaurer un programme de surveillance médicale pour opérateurs de TEV, il convient de sinterroger sur plusieurs points avant de décider du contenu du programme de dépistage et des modalités de lexamen:
La plupart des tests visuels dont dispose aujourdhui le médecin du travail présentent une mauvaise sensibilité et un pouvoir prédictif bas face à la gêne oculaire engendrée par le travail sur TEV (Rey et Bousquet, 1990). Les tables de Snellen, en particulier, ne permettent pas de mesurer lacuité visuelle des opérateurs ni de prévoir le degré de gêne quils risquent de connaître. En effet, ces optotypes se présentent sous la forme de lettres très nettes se détachant en foncé sur un fond bien éclairé, ce qui ressemble peu aux conditions de lecture habituelles sur écran. Faute de trouver dautres méthodes valables, les auteurs ont conçu un système de mesure qui se rapproche davantage des conditions de lisibilité et déclairage dun TEV (appareil C45) et dont les résultats sont meilleurs. Malheureusement, il demeure, pour le moment, un prototype de laboratoire. De toute manière, il faut se souvenir que le dépistage ne remplace pas un poste de travail bien aménagé ni une bonne organisation du travail.
Bien quils ne se montrent guère efficaces dans la lutte contre les symptômes de la fatigue visuelle, le dépistage systématique avec les méthodes existantes et les visites régulières chez lophtalmologue sont souvent intégrés aux programmes de santé au travail qui visent les opérateurs de TEV. Une solution moins coûteuse pourrait consister en une analyse ergonomique approfondie de la tâche et du poste de travail complet. Les personnes atteintes dune affection oculaire grave devraient éviter le plus possible tout travail intensif sur écran. Quand un opérateur se plaint que sa vue a été mal corrigée, une vérification simpose. On pourra aussi opter pour une solution ergonomique qui abaisse langle de lecture afin déviter une réduction de la fréquence du clignement et une extension du cou, tout en permettant à lopérateur de se reposer et de bouger. Lutilisation dun TEV moderne équipé dun clavier détachable placé sur un bras mobile facilite le réglage de la distance en fonction de la correction visuelle et réduit la fatigue oculaire.
Enfin, il arrive souvent que les mesures prises par lergonome pour diminuer les douleurs musculaires dans les bras, les épaules et le dos contribuent également à réduire la tension oculaire. De plus, la qualité de lair joue sur le confort visuel. Un air trop sec dessèche la cornée et nécessite une bonne humidification des locaux.
Dune manière générale, les variables physiques suivantes doivent faire lobjet dune analyse:
Parmi les variables organisationnelles auxquelles il faut songer pour améliorer le confort visuel, on mentionnera:
Le but des études expérimentales décrites ci-après, effectuées sur des animaux de laboratoire, est en partie de répondre à la question de savoir si lexposition à des champs magnétiques dextrême basse fréquence (ELF) également appelés champs dondes mégamétriques , à des intensités semblables à celles observées autour des terminaux à écran de visualisation (TEV), exerce sur les fonctions reproductrices des animaux une action qui peut présenter un risque équivalent pour lhumain.
Il est uniquement question dans le présent article détudes in vivo (études réalisées sur des animaux vivants) de la reproduction chez des mammifères exposés à des champs magnétiques de très basse fréquence (VLF) également appelés champs dondes myriamétriques dotés des fréquences appropriées, ce qui exclut donc les études des effets biologiques généraux des champs magnétiques VLF ou ELF. Ces études sur des animaux de laboratoire ne parviennent pas à démontrer de façon probante que des champs magnétiques tels que ceux que lon peut mesurer autour des TEV affectent la reproduction. De plus, comme le montrent les études expérimentales décrites en détail plus loin, les données animales ne nous indiquent pas clairement par quels mécanismes lutilisation dun TEV peut avoir un effet sur la reproduction humaine. Ces données ne font que pallier la quasi-inexistence des données relatives à une population humaine quant aux effets mesurables des TEV sur la reproduction.
Des champs magnétiques VLF semblables à ceux que lon observe autour des TEV ont été utilisés dans cinq études tératologiques, dont trois sur des souris et deux sur des rats. Les résultats de ces études sont résumés au tableau 52.4. Une seule étude (Tribukait, Cekan et Paulsson, 1987) a révélé une augmentation du nombre de ftus présentant des malformations externes. Stuchly et coll. (1988), puis Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993) ont observé une augmentation notable du nombre de ftus présentant des anomalies du squelette, mais seulement lorsque le ftus (et non la portée) était utilisé comme unité dobservation. Létude menée par Wiley et coll. (1992) na pas permis de démontrer la présence dune relation entre la résorption du placenta ou dautres problèmes de grossesse et lexposition aux champs magnétiques. La résorption placentaire chez lanimal correspond à un avortement spontané chez la femme. Enfin, Frölén, Svedenstål et Paulsson (1993) ont effectué cinq expériences, toutes à des jours différents. Parmi les quatre premiers sous-groupes expérimentaux (expériences commencées le premier jour et le cinquième jour), on a observé une augmentation significative du nombre de résorptions placentaires chez les femelles exposées. Aucun effet semblable na été constaté lors de lexpérience menée le septième jour et qui est illustrée à la figure 52.8.
Etude |
Sujet1 |
Exposition aux champs magnétiques |
Résultats4 |
||
Fréquence |
Amplitude2 |
Durée3 |
|||
Tribukait, Cekan et Paulsson (1987) |
76 portées de souris (C3H) |
20 kHz |
1 µT, 15 µT |
Exposition jusqu’au 14e jour de la gestation |
Augmentation significative du nombre de malformations externes; uniquement si le ftus est pris comme unité d’observation et uniquement dans la première moitié de l’expérience ; pas de différence en ce qui concerne la résorption ou la mort du ftus. |
Stuchly et coll. (1988) |
20 portées de rats (SD) |
18 kHz |
5,7 µT, 23 µT, 66 µT |
Exposition pendant toute la durée de la gestation |
Augmentation significative du nombre de malformations mineures du squelette; uniqueme nt si le ftus est pris comme unité d’observation; diminution des concentrations de globules rouges; pas de différence pour les résorptions ni pour d’autres types de malformations. |
Wiley et coll. (1992) |
144 portées de souris (CD-1) |
20 kHz |
3,6 µT, 17 µT, 200 µT |
Exposition pendant toute la durée de la gestation |
Pas de différence pour les anomalies observées (malformation, résorption, etc.). |
Frölén, Svedenstål et Paulsson (1993) |
Au total, 707 portées de souris (CBA/S) |
20 kHz |
15 µT |
Début à divers stades de la gestation dans le cadre de différentes expériences secondaires |
Augmentation significative du nombre de résorptions; uniquement en cas d’exposition commencée entre le 1er et le 5e jour; pas de différence pour les malformations. |
Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993) |
72 portées de rats (Wistar) |
20 kHz |
15 µT; |
Exposition jusqu’au 12e jour de la gestation |
Augmentation significative du nombre de malformations mineures du squelette; uniquement si le ftus est pris comme unité d’observation; pas de différence pour les résorptions, ni pour d’autres types de malformations. |
1 Nombre total de portées dans la catégorie d’exposition maximale.2 Amplitude de crête à crête.3 Exposition variant de 7 à 24 heures/jour entre les différentes expériences.4 On entend par «différence» l’écart résultant d’une comparaison statistique entre animaux exposés et non exposés, et par «augmentation» l’écart résultant d’une comparaison entre le groupe soumis à la plus forte exposition et le groupe non exposé.
Voici comment les chercheurs ont interprété leurs résultats. Stuchly et coll. ont expliqué que les anomalies constatées nétaient pas inhabituelles et ils ont attribué ce résultat «aux bruits apparaissant immanquablement au cours de toute évaluation tératologique». Cependant, Huuskonen, Juutilainen et Komulainen, qui avaient obtenu des résultats semblables à ceux de Stuchly et coll., en ont donné une interprétation moins négative et y ont vu plutôt le signe dun effet réel. Mais eux aussi ont fait état, dans leur rapport, danomalies «légères et probablement sans conséquence sur le développement des ftus». Sinterrogeant sur la présence deffets dans le cas des premières expositions, mais non à lissue des expositions ultérieures, Frölén, Svedenstål et Paulsson ont émis lhypothèse deffets précoces sur la reproduction, avant que luf fécondé ne soit implanté dans lutérus.
En plus des conséquences sur la reproduction, une diminution des globules blancs et rouges a pu être notée dans le groupe le plus exposé lors de lexpérience réalisée par Stuchly et coll. (le nombre de ces globules na pas été analysé dans les autres études). Les auteurs ont pensé que cette diminution pouvait constituer un effet mineur dune exposition à des champs magnétiques et ont également noté que les variations du nombre de globules sinscrivaient «dans un ordre de grandeur normal». Labsence de données histologiques, ainsi que labsence de conséquences sur les cellules de la moelle osseuse ont rendu difficile linterprétation de ces résultats.
Les résultats présentés ici concordent rarement. Comme lont fait remarquer Frölén, Svedenstål et Paulsson, «on ne peut probablement tirer aucune conclusion qualitative quant à une extrapolation aux humains des résultats obtenus chez les animaux testés». Examinons une partie du raisonnement suivi pour aboutir à une telle affirmation.
Globalement, on ne peut dire que les résultats obtenus par Tribukait soient concluants, et ce pour deux raisons. Premièrement, lexpérience na produit deffets positifs que lorsque le ftus était pris comme unité dobservation pour les analyses statistiques, alors que les données elles-mêmes ont bel et bien indiqué la présence dun effet spécifique sur la portée. Deuxièmement, les résultats diffèrent entre la première et la seconde partie de létude, ce qui signifie que les résultats positifs résultent peut-être de variations aléatoires ou de facteurs impondérables ayant pu jouer pendant lexpérience.
Les études épidémiologiques portant sur des malformations précises nont révélé aucune augmentation du nombre de malformations du squelette chez les enfants nés de femmes travaillant sur TEV et exposées par conséquent à des champs magnétiques VLF. Pour toutes ces raisons (analyses statistiques fondées sur le ftus, anomalies probablement non liées à la santé des sujets et absence de concordance avec les études épidémiologiques), la découverte de malformations squelettiques mineures ne suffit pas pour affirmer formellement quil existe un danger pour la santé des personnes.
Wiley et coll. (1992) nont pas observé deffet de résorption du placenta contrairement à Frölén, Svedenstål et Paulsson. Une des raisons avancées pour expliquer cette divergence est que les souris employées provenaient de souches différentes et que leffet constaté était peut-être propre à la souche utilisée par Frölén, Svedenstål et Paulsson. En plus de leffet attribué à la différence de souches, il est à noter que les deux femelles exposées à des champs magnétiques de 17 µT et les femelles du groupe témoin de létude menée par Wiley présentaient des fréquences de résorption semblables à celles des femelles exposées dans les séries correspondantes chez Frölén, alors que la plupart des groupes non exposés dans lexpérience de Frölén présentaient des fréquences bien moins élevées (voir figure 52.8). Selon lune des hypothèses avancées, les souris de Wiley ont peut-être été plus stressées à cause des manipulations subies pendant la période de trois heures sans exposition. Si cette hypothèse se vérifie, leffet des champs magnétiques a pu être «masqué» par lanxiété des animaux. Bien quil soit difficile de léliminer totalement à la lumière des données fournies, une telle théorie semble quelque peu fantaisiste. De plus, quand on a augmenté lexposition au champ magnétique, celle-ci aurait dû avoir un effet «visible» qui laurait emporté sur cet effet de stress. Or cela ne ressort pas des données de Wiley.
Contrairement à létude menée par Frölén, celle de Wiley fait état dune surveillance de lenvironnement et dune rotation des cages ayant pour but déliminer les impondérables susceptibles de varier dans la pièce même, comme cest le cas des champs magnétiques eux-mêmes. On sait mieux comment on a évité certains biais dans létude de Wiley. On peut pourtant imaginer que certains facteurs non randomisés expliquent une partie des résultats. On doit constater aussi que labsence deffet observé chez les séries du septième jour de lexpérience Frölén est due non pas à une diminution chez les groupes exposés, mais à une augmentation chez le groupe témoin. Ainsi, il sera probablement utile dexaminer les variations relevées dans le groupe témoin quand on se penchera sur les écarts constatés entre les deux études.
Plusieurs études ont été menées, principalement sur des rongeurs, avec des champs magnétiques de 50 à 80 Hz. Les détails de six de ces études sont exposés au tableau 52.5. Dautres études ont été effectuées avec des champs ELF, mais leurs résultats nont été publiés dans aucune revue scientifique et ne sont généralement disponibles que sous forme de résumés de conférences. En général, leurs auteurs concluent à lexistence «deffets aléatoires», «ne remarquent aucune différence», etc. Une étude a cependant révélé un nombre réduit danomalies externes chez des souris CD-1 exposées à un champ de 20 µT de 50 Hz, mais leurs auteurs ont avancé que cela pouvait être attribuable à un problème de sélection. Quelques études ont été effectuées sur des espèces autres que les rongeurs (sur des singes rhésus et sur des vaches), études qui nont pas non plus permis de conclure à la présence deffets nocifs.
Etude |
Sujets1 |
Exposition aux champs magnétiques |
Résultats |
|||
|
|
Fréquence |
Amplitude |
Description |
Durée d’exposition |
|
Rivas et Rius (1985) |
25 souris suisses |
50 Hz |
83 µT, 2,3 mT |
Onde pulsée, durée d’impulsion 5 ms |
Avant et pendant la gestation et la croissance des rejetons; total 120 jours |
Pas de différences significatives à la naissance pour tous les paramètres mesurés; diminution du poids corporel chez les mâles adultes. |
Zecca, Ferrario et Dal Conte (1985) |
10 rats SD |
50 Hz |
5,8 mT |
|
Du 6e au 15e jour de la gestation, 3 h/jour |
Pas de différences significatives. |
Tribukait, Cekan et Paulsson (1987) |
35 souris C3H |
50 Hz |
1 µT, 15 µT(crête) |
Onde carrée, durée 0,5 ms |
Du jour 0 au14e jour de la gestation, 24 h/jour |
Pas de différences significatives. |
Salzinger et coll. (1990) |
41 rejetons de rats SD. Rejetons mâles seulement |
60 Hz |
100 µT (valeur efficace). En outre, exposition à un champ électrique |
Polarisation circulaire homogène |
Du jour 0 au 22e jour de la gestation et le 8e jour après la naissance, 20 h/jour |
Augmentation moindre du nombrede réponses obtenues chez les sujets au cours de l’entraînement commencé à 90 jours d’âge. |
McGivern, Sokol et Adey (1990) |
11 rejetons de rats SD. Rejetons mâles seulement |
15 Hz |
800 µT (crête) |
Onde carrée, durée 0,3 ms |
Du 15e au 20e jour de la gestation, 2 × 15 min/jour |
Atténuation du comportement de marquage du territoire par les urines à 120 jours d’âge. |
Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993) |
72 rats Wistar |
50 Hz |
12,6 µT (valeur efficace) |
Sinusoïdale |
Du jour 0 au 12e jour de la gestation, 24 h/jour |
Augmentation du nombre de ftus/portée. Malformations mineures du squelette. |
1 Nombre d’animaux (mères) dans la catégorie de plus forte exposition, sauf mention contraire.
Comme le montre le tableau 52.5, léventail des résultats obtenus est large. Ces études sont plus délicates à résumer parce que les conditions dexposition et les points étudiés, entre autres facteurs, varient beaucoup. Le ftus (ou le rejeton vivant sélectionné) a servi dunité danalyse dans la plupart des cas. Globalement, il est clair que ces études ne font état daucun effet tératogène flagrant attribuable à une exposition à un champ magnétique pendant la grossesse. Comme on la signalé précédemment, les «anomalies mineures du squelette» ne semblent pas constituer un risque réel pour lêtre humain. Les résultats des études de comportement réalisées par Salzinger et coll. (1990) et par McGivern, Sokol et Adey (1990) sont certes intéressants, mais on ne peut en déduire que le travail devant un TEV présente des risques pour la santé des humains, que lon considère la procédure suivie (utilisation du ftus et, pour ce qui concerne létude de McGivern, utilisation dune fréquence différente) ou les effets observés.
Salzinger et McGivern ont observé, trois ou quatre mois après la naissance, un retard du développement comportemental chez la progéniture des femelles exposées. Il savère que ces études ont utilisé les rejetons des portées comme unité danalyse, méthode contestable si lon suppose que leffet observé est lié à une exposition de la mère. Salzinger a également exposé les rejetons durant les huit premiers jours suivant la naissance, de sorte que son étude ne sest pas limitée à une recherche sur les risques pour la reproduction. Un nombre restreint de portées a été utilisé dans les deux études. De plus, on ne peut considérer que les résultats concordent entre ces études, vu que lexposition a énormément varié de lune à lautre, comme lillustre le tableau 52.5.
En plus de ces altérations de comportement chez les animaux exposés, McGivern a noté un accroissement du poids de certains organes génitaux chez le mâle prostate, vésicules séminales et épididyme (qui font toutes partie du système de reproduction mâle). Les auteurs se sont demandé si cela pouvait être lié à laugmentation du niveau de certaines enzymes dans la prostate, car ils ont remarqué quune exposition à un champ magnétique a des effets sur certaines enzymes présentes dans la prostate à une fréquence de 60 Hz.
Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993) ont noté une augmentation du nombre de ftus par portée (10,4 ftus dans le groupe exposé à 50 Hz et 9 ftus dans le groupe témoin). Les auteurs, qui navaient rien observé de comparable dans dautres études, ont minimisé limportance de ces résultats en concluant à un «phénomène fortuit davantage quà un effet réel des champs magnétiques». En 1985, Rivas et Rius ont abouti à des résultats différents et observé un nombre de naissances vivantes par portée légèrement plus faible chez les groupes exposés que chez les groupes non exposés, différence non statistiquement significative. Pour les autres volets de leurs analyses, ils ont utilisé à la fois le ftus et la portée comme unités danalyse. Une augmentation du nombre de malformations squelettiques mineures apparaît uniquement lorsque le ftus est pris comme unité danalyse.
Malgré le peu de données positives et convaincantes quelles apportent sur les effets des champs magnétiques chez lhumain ou chez lanimal, certaines études méritent dêtre reconduites. Il faudra cependant essayer de réduire les écarts entre les niveaux dexposition, les méthodes danalyse statistiques et utiliser des animaux de même souche.
De façon générale, les études expérimentales menées avec des champs magnétiques de 20 kHz donnent des résultats assez variés. Quand on sen est strictement tenu à des analyses sur les portées et à vérifier les hypothèses statistiques, aucun effet na été constaté chez le rat (bien que des résultats similaires non significatifs aient été observés dans les deux études). Chez les souris, les résultats sont variés, et il na été possible den tirer aucune interprétation cohérente à ce jour. La situation est quelque peu différente pour les champs magnétiques de 50 Hz. Les études épidémiologiques accomplies avec cette fréquence sont rares et lune dentre elles a conclu à lexistence dun risque davortement spontané. A lopposé, les études portant sur des animaux de laboratoire nont pas donné de résultats comparables. Globalement, daprès les résultats recueillis, on ne peut dire que les champs magnétiques à ultra basse fréquence produits par les TEV ont une incidence sur lissue des grossesses. Pris ensemble, ces résultats ne permettent donc pas détablir que les champs magnétiques VLF ou ELF émis par les TEV ont un effet sur la reproduction.
Unités dobservationPour faire une évaluation statistique détudes portant sur des mammifères, il faut prendre en compte au moins un aspect du mécanisme (mécanisme dailleurs souvent inconnu). Si lexposition affecte la mère et indirectement les ftus de la portée , cest létat de la portée dans son ensemble qui doit être retenu comme unité dobservation (leffet que lon veut observer et mesurer), étant donné que les résultats constatés chez chaque rejeton de la portée ne sont pas isolés. Si, par contre, on pose lhypothèse que lexposition agit directement et de façon indépendante sur chacun des ftus de la portée, il est justifié dutiliser le ftus comme unité dévaluation statistique. La pratique veut quon prenne la portée comme unité dobservation à moins que la preuve existe que les effets de lexposition dun ftus sont indépendants de ses effets sur les autres ftus de la portée. |
La question des effets possibles des terminaux à écran de visualisation (TEV) sur la reproduction remonte à larrivée massive de ces équipements dans le monde du travail au cours des années soixante-dix. Les craintes quant à leur impact sur la grossesse sont nées dagrégats de cas davortements spontanés ou de malformations congénitales relevés chez des femmes enceintes travaillant sur TEV (Blackwell et Chang, 1988). Bien quil ait été établi que ces agrégats de cas étaient simplement le fruit du hasard, compte tenu de lutilisation généralisée des écrans dans les entreprises modernes (Bergqvist, 1987), des études épidémiologiques ont été entreprises pour approfondir la question.
On peut affirmer, sur la base des études publiées recensées ici, quen règle générale le travail sur TEV ne semble pas être associé à un risque excessif de problèmes de grossesse. Cependant, cette conclusion générale sapplique aux terminaux que les femmes utilisent habituellement dans les bureaux. Sil savérait que, pour une raison technique, un petit nombre de ces écrans produisent des champs magnétiques intenses, cette conclusion générale sur la sécurité ne pourrait pas sappliquer à cette situation particulière, car il est peu probable que les études publiées aient pu détecter statistiquement un tel effet. Pour quelles puissent se prêter à des conclusions généralisables sur la sécurité des écrans, il est indispensable que les prochaines études effectuées sur le risque de grossesses anormales associé aux écrans comportent des mesures plus fines sur lexposition.
Les problèmes de reproduction les plus fréquemment étudiés ont été:
Objectifs |
Méthodes |
Résultats |
|||||
Etude |
Issue de la grossesse |
Type d’étude |
Cas |
Témoins |
Détermination de l’exposition |
OR/RR (IC à 95%) |
Conclusion |
Kurppa et coll. (1987) |
Malformation congénitale |
Cas- témoins |
1 475 |
1 475, même âge, même date d’accouchement |
Intitulé des postes, entretiens individuels |
235 cas, |
Pas d’indication d’augmentation du risque chez les femmes ayant déclaré une exposition à un TEV ou chez celles dont l’intitulé du poste laissait supposer une telle exposition. |
Ericson et Källén (1986) |
Avortement spontané |
Etude de cas |
412 |
1 032, âge similaire et même registre |
Intitulé des postes |
1,2 (0,6-2,3) |
L’utilisation d’un TEV a eu des effets non statistiquement significatifs. |
Westerholm et Ericson (1987) |
Enfant mort-né |
Cohorte |
7 |
4 117 |
Intitulé des postes |
1,1 (0,8-1,4) |
Aucun risque excessif n’a été trouvé quelle que soit l’issue de la grossesse étudiée. |
Bjerkedalet Egenaes (1987) |
Enfant mort-né |
Cohorte |
17 |
1 820 |
Registres de l’emploi |
NM(NS) |
Selon les conclusions de l’étude, rien n’indiquait que l’installation de TEV dans le centre avait amené une quelconque augmentation du taux des issues défavorables de la grossesse. |
Goldhaber, Polen et Hiatt (1988) |
Avortement spontané |
Cas- témoins |
460 |
1 123, 20% de toutes les naissances normales, même région, même époque |
Questionnaire postal |
1,8 (1,2-2,8) |
Risque statistiquement accru d’avortement spontané après exposition à un TEV. Pas de risque excessif pour les malformations congénitales associées à l’exposition à un TEV. |
McDonald et coll. (1988) |
Avortement spontané |
Cohorte |
776 |
Entretiens individuels |
1,19 (1,09-1,38) grossesses en cours/0,97 grossesses précédentes |
Aucune augmentation du risque n’a été constatée chez les femmes exposées à un TEV. |
|
Nurminen et Kurppa (1988) |
Avortement imminent |
Cohorte |
239 |
Entretiens individuels |
0,9 |
Les ratios des taux bruts et corrigés n’ont pas mis en évidence d’effets statistiquement significatifs pour le travail sur TEV. |
|
Bryant et Love (1989) |
Avortement spontané |
Cas- témoins |
344 |
647, hôpital, âge, dernière période menstruelle et parité identiques |
Entretiens individuels |
1,14 (p = 0,47) prénatal |
L’utilisation de TEV était similaire entre les cas et les témoins prénatals comme entre les cas et les témoins post-natals. |
Windham et coll. (1990) |
Avortement spontané |
Cas- témoins |
626 |
1 308, âge et dernière période menstruelle identiques |
Entretiens téléphoniques |
1,2 (0,88-1,6) |
Les OR bruts pour les avortements spontanés étaient les suivants: pour moins de 20 h d’écran par semaine: 1,2; IC à 95% 0,88-1,6; pour un minimum de 20 h par semaine: 1,3; IC à 95% 0,87-1,5. Les risques d’un faible poids de naissance et d’un retard de croissance intra-utérine ne sont pas significativement accrus. |
Brandt et Nielsen (1990) |
Malformation congénitale |
Cas- témoins |
421 |
1 365, 9,2% de toutes les grossesses, même registre |
Questionnaire postal |
0,96 (0,76-1,20) |
L’utilisation d’un TEV durant la grossesse n’a pas été associée à un risque de malformations congénitales. |
Nielsen et Brandt (1990) |
Avortement spontané |
Cas- témoins |
1 371 |
1 699, 9,2% de toutes les grossesses, même registre |
Questionnaire postal |
0,94 (0,77-1,14) |
Pas de risque statistiquement significatif d’avortement spontané en cas d’exposition à un TEV. |
Tikkanen et Heinonen (1991) |
Malformations |
Cas- témoins |
573 |
1 055, accouchement à l’hôpital à la même époque |
Entretiens individuels |
Cas 6,0%, témoins 5,0% |
Pas d’association statistiquement significative entre l’exposition à un TEV et les malformations cardio-vasculaires. |
Schnorr et coll. (1991) |
Avortement spontané |
Cohorte |
136 |
746 |
Registres de l’entreprise, mesures du champ magnétique |
0,93 (0,63-1,38) |
Pas d’excès de risque pour les femmes ayant utilisé un TEV pendant le premier trimestre de leur grossesse et pas d’effet dose-réponse manifeste par rapport à la durée hebdomadaire de travail sur écran. |
Brandt et Nielsen (1992) |
Temps écoulé jusqu’à la grossesse |
Cohorte |
Questionnaire postal |
1,61 (1,09-2,38) |
Plus de 13 mois avant la grossesse, augmentation du risque relatif pour le groupe travaillant au moins 21 h sur écran par semaine. |
||
Nielsen et Brandt (1992) |
Faible poids à la naissance |
Cohorte |
434 |
Questionnaire postal |
0,88 (0,67-1,66) |
On n’a pas observé d’augmentation du risque chez les femmes exposées aux écrans. |
|
Roman et coll. (1992) |
Avortement spontané |
Cas- témoins |
150 |
297, nullipares à l’hôpital |
Entretiens individuels |
0,9 (0,6-1,4) |
Pas de relation avec le temps passé devant l’écran. |
Lindbohm et coll. (1992) |
Avortement spontané |
Cas- témoins |
191 |
394, registres médicaux |
Registres de l’emploi, mesures du champ magnétique |
1,1 (0,7-1,6), |
La comparaison entre les travailleuses exposées à des champs magnétiques de forte intensité et celles exposées à des intensités non décelables a donné un OR de 3,4 (IC à 95% 1,4-8,6). |
Bramwell et Davidson (1994) |
Avortement spontané |
Cohorte |
26 |
|
Questionnaire postal |
NM(NS) |
Pas de relation observée entre l’utilisation d’un TEV et les issues défavorables de la grossesse. |
OR = odds ratio (rapport des cotes). IC = intervalle de confiance. RR = risque relatif. NM = valeur non mentionnée. NS = non statistiquement significatif.
Au terme des évaluations faites sur les agrégats de cas de troubles de la grossesse et lutilisation des TEV, on a conclu que ces problèmes étaient fort probablement dus au hasard (Bergqvist, 1987). En outre, les résultats des quelques études épidémiologiques réalisées pour vérifier la relation entre lutilisation des écrans et les problèmes de grossesse nont pas fait apparaître, dans lensemble, daccroissement statistiquement significatif du risque.
Sur les dix études consacrées aux avortements spontanés dont il est question ici, seules deux ont révélé un accroissement statistiquement significatif du risque couru par exposition aux TEV (Goldhaber, Polen et Hiatt, 1988; Lindbohm et coll., 1992). Aucune des huit études sur les malformations congénitales na révélé daugmentation du risque en rapport avec une exposition à des TEV. Une des huit études portant sur les autres problèmes de grossesse a permis dobserver la présence dune association statistiquement significative entre la fécondabilité (voir définition plus haut) et lutilisation dun TEV (Brandt et Nielsen, 1992).
Bien quil ny ait pas de différences majeures entre les trois études dont les résultats sont positifs et celles dont les résultats sont négatifs, il se peut que les améliorations apportées au mode dévaluation de lexposition aient augmenté les probabilités dobserver un risque significatif. Sans être exclusivement le cas des études ayant donné des résultats positifs, ces trois études avaient divisé les opératrices selon leurs niveaux dexposition. Sil y a un facteur inhérent à lutilisation des TEV qui prédispose une femme à des problèmes de grossesse, la dose reçue peut influer sur lissue de la grossesse. En outre, les résultats des études de Lindbohm et coll. (1992) et Schnorr et coll. (1991) semblent indiquer que seule une petite proportion des écrans peut être la cause dune augmentation du risque davortement spontané chez les utilisatrices. Si tel est le cas, limpossibilité didentifier ces écrans faussera les résultats et pourrait conduire à sous-estimer le risque davortement spontané chez les femmes travaillant sur des TEV.
Dautres hypothèses ont été avancées sur les facteurs pouvant constituer un risque de problèmes de grossesse chez les femmes qui travaillent sur écran, tels que le stress et les contraintes ergonomiques (McDonald et coll., 1988; Brandt et Nielsen, 1992). Beaucoup détudes nayant pas permis de vérifier ces facteurs de confusion, on peut douter de la validité des résultats.
Il est certes plausible, biologiquement parlant, quune exposition à des doses élevées de champs magnétiques à ultra basse fréquence devant certains TEV entraîne un risque accru de grossesse anormale (Bergqvist, 1987), mais seules deux études ont comporté des mesures à ce sujet (Schnorr et coll., 1991; Lindbohm et coll., 1992). Il existe des champs magnétiques à ultra basse fréquence partout où lélectricité est utilisée. Leur action éventuelle sur la grossesse ne pourrait être détectée que sils variaient dans le temps ou dans lespace. Bien que les TEV contribuent à augmenter les champs magnétiques présents dans les milieux de travail, on estime que seul un faible pourcentage de ces appareils ont une forte influence sur les champs magnétiques relevés au travail (Lindbohm et coll., 1992). On pense quune fraction seulement des femmes travaillant devant un écran sont exposées à des rayonnements magnétiques plus élevés que ceux normalement rencontrés dans les milieux de travail (Lindbohm et coll., 1992). Le manque de précision des mesures, qui vient de ce que tous les utilisateurs décran sont comptés comme des gens «exposés», affaiblit laptitude dune étude à détecter les effets que les champs magnétiques des écrans peuvent avoir sur lissue de la grossesse.
Dans certaines études, les femmes sans activité professionnelle représentaient une forte proportion des groupes témoins auxquels étaient comparées les femmes travaillant sur écran. Dans ces comparaisons, les modalités de sélection ont pu influencer les résultats (Infante-Rivard et coll., 1993); par exemple, les femmes souffrant de graves problèmes de santé ont quitté la population active, ce qui a pour conséquence que la population étudiée compte davantage de femmes en bonne santé qui ont plus de chances de mener normalement leur grossesse à terme (cest leffet du travailleur sain). A lopposé, on peut sattendre à un effet que lon pourrait appeler «effet du travailleur malade», en ce sens que les femmes qui attendent un enfant sont susceptibles dabandonner leur travail durant la grossesse, alors que celles qui ont connu une fausse couche peuvent retourner à leur poste. Ce biais de sélection, pour être évalué dans son ampleur, nécessite que lon procède à des analyses séparées sur les femmes exerçant une activité professionnelle ou sur les femmes inactives au moment de létude.
Lors dune étude cas-témoins sur les facteurs environnementaux et professionnels propices aux malformations congénitales (Kurppa et coll., 1987), 1 475 cas ont été recensés à partir du registre finlandais des malformations congénitales pour la période comprise entre 1976 et 1982 (voir tableau 52.6). Une mère dont laccouchement avait précédé immédiatement lapparition dun cas, et qui vivait dans le même secteur, a été prise comme sujet témoin pour ce cas. Lexposition aux terminaux à écran de visualisation (TEV) durant le premier trimestre de la grossesse a été établie par des entretiens individuels menés à la clinique lors dune visite postnatale ou à la maison. Pour déterminer si les intéressées avaient probablement ou manifestement utilisé un écran, des hygiénistes du travail (qui ignoraient lissue des grossesses) se sont fiés à lintitulé des postes de travail et aux réponses à des questions non dirigées destinées à reconstituer une journée de travail ordinaire. Létude na pas permis de conclure à une aggravation du risque, ni chez les femmes qui avaient signalé une exposition à un TEV (rapport des cotes: OR = 0,9; IC à 95% 0,6 1,2), ni chez celles dont lintitulé du poste laissait supposer une telle exposition (235 cas/255 témoins). Une cohorte de femmes suédoises appartenant à trois groupes professionnels a été constituée en faisant le lien entre le recensement des professions et le registre médical des naissances en 1980 et 1981 (Ericson et Källén, 1986). Une étude de cas a été faite dans cette cohorte portant sur 412 femmes hospitalisées en raison dun avortement spontané et 110 autres pour dautres problèmes (mort périnatale, malformations congénitales et poids de naissance inférieur à 1 500 g). Les témoins étaient 1 032 femmes dâge comparable, dont le bébé ne présentait aucune de ces caractéristiques, et choisies dans le même registre. A laide des OR bruts, une relation exposition-réponse a été établie entre lexposition aux TEV (heures hebdomadaires estimatives divisées en tranches de cinq heures) et lissue des grossesses (excepté lavortement spontané). Une fois prise en compte la consommation de tabac et le stress, les effets de lutilisation de TEV sur la grossesse sont apparus non significatifs. Une étude de cohorte, centrée sur un des trois groupes professionnels recensés à partir dune étude précédente dEricson, a été faite sur 4 117 employées de la sécurité sociale en Suède (Westerholm et Ericson, 1987). Les proportions davortements spontanés en milieu hospitalier, dinsuffisances pondérales à la naissance, de décès périnatals et de malformations congénitales relevés dans cette cohorte ont été comparées aux taux constatés dans la population en général. La cohorte a été divisée selon le degré dexposition en cinq groupes définis par des représentants des syndicats et de lemployeur. Aucune valeur anormale na été mise en évidence, quelle que soit lissue de la grossesse. Le risque relatif global dun avortement spontané, rapporté à lâge de la mère, était de 1,1 (IC à 95% 0,8 1,4). Une étude de cohorte portant sur 1 820 naissances a été menée auprès des femmes ayant travaillé au centre de chèques postaux norvégien entre 1967 et 1984 (Bjerkedal et Egenaes, 1987). La proportion denfants mort-nés ou denfants morts dans la première semaine de morts périnatales, denfants ayant un poids faible ou très faible, de naissances prématurées, de naissances multiples et de malformations congénitales a été calculé pour les grossesses survenues durant leur période de travail au centre (990 grossesses) et celles survenues avant et après (830 grossesses). Le taux dissues défavorables des grossesses a également été calculé pour trois périodes de six ans, 1967-1972, 1973-1978 et 1979-1984. Les premiers TEV sont apparus en 1972 et leur emploi sest généralisé vers 1980. Selon les conclusions de létude, rien ne prouvait que larrivée des TEV dans le centre ait conduit à une quelconque augmentation du nombre des grossesses à évolution anormale. Une cohorte de 9 564 grossesses a été constituée sur la base des registres danalyses durine effectuées chez des femmes enceintes admises dans trois cliniques californiennes en 1981-1982 (Goldhaber, Polen et Hiatt, 1988). Les intéressées devaient avoir adhéré à un régime dassurance maladie de la Californie du Nord pour leur prise en compte dans létude. Lissue de laccouchement a pu être connue pour toutes les grossesses, sauf pour 391 dentre elles. Dans cette cohorte, 460 des 556 femmes ayant fait un avortement spontané (moins de 28 semaines), 137 des 156 patientes ayant déclaré une anomalie congénitale et 986 des 1 123 sujets témoins (correspondant à une naissance normale sur cinq dans la cohorte initiale) ont répondu à un questionnaire postal rétrospectif sur une éventuelle exposition à des produits toxiques, notamment des pesticides et sur lusage dun TEV pendant la grossesse. Les OR calculés pour les femmes ayant utilisé un écran durant le premier trimestre de la grossesse pendant plus de 20 heures par semaine, après correction pour 11 variables dont âge, fausses couches ou malformations congénitales lors de précédentes grossesses, consommation de tabac et dalcool étaient de 1,8 (IC à 95% 1,2 2,8) pour lavortement spontané et de 1,4 (IC à 95% 0,7 2,9) pour les malformations congénitales, comparativement aux femmes actives qui navaient pas utilisé de TEV. Lors dune étude menée dans 11 services de gynécologie obstétrique de la région de Montréal sur une période de deux ans (1982-1984), 56 012 femmes qui avaient accouché (51 855) ou suivaient un traitement pour avortement spontané (4 127) ont été interrogées sur leur situation professionnelle, personnelle et sociale (McDonald et coll., 1988). Ces femmes ont également fourni des renseignements sur 48 637 grossesses précédentes. Les problèmes rencontrés (avortements spontanés, enfants mort-nés, malformations congénitales et faible poids à la naissance) ont été notés pour la dernière grossesse et les grossesses précédentes. Le ratio taux observés/taux attendus a été calculé par groupe demploi pour les dernières grossesses et les grossesses précédentes. Les taux escomptés pour chaque groupe demploi étaient basés sur lissue des grossesses dans lensemble de léchantillon, et corrigés selon huit variables, dont lâge et la consommation de tabac et dalcool. Aucune augmentation du risque na été observée chez les femmes exposées à un TEV. Une étude de cohorte auprès de 1 475 femmes a consisté à comparer les taux établis pour les risques davortement, la durée de gestation, le poids de naissance, le poids placentaire et lhypertension provoquée par la grossesse entre les femmes travaillant sur TEV et les autres (Nurminen et Kurppa, 1988). La cohorte regroupait tous les sujets non recensés lors dune précédente étude cas-témoins concernant les malformations congénitales. Les informations sur les facteurs de risque ont été recueillies au moyen dentretiens individuels. Il nest ressorti des taux bruts et corrigés aucun effet statistiquement significatif qui soit attribuable au travail sur écran. Une étude cas-témoins portant sur 344 cas davortement spontané survenus dans trois hôpitaux de Calgary au Canada a été menée en 1984-1985 (Bryant et Love, 1989). Les chercheurs ont sélectionné deux groupes témoins (314 sujets en période prénatale et 333 en période du post-partum) parmi les femmes ayant accouché ou susceptibles daccoucher dans les hôpitaux en question. Pour faire correspondre les témoins à un cas, les chercheurs se sont basés sur lâge à la dernière période menstruelle, le nombre denfants déjà mis au monde et lhôpital prévu pour laccouchement. Pour savoir si un TEV était ou avait été utilisé à la maison et au travail, avant et durant la grossesse, on a procédé à des entretiens menés soit dans les hôpitaux pour les témoins en période postnatale et les femmes ayant eu un avortement spontané, soit à la maison, au travail ou au bureau des chercheurs pour les témoins en période prénatale. Il a été tenu compte des variables socio-économiques et obstétricales. Lemploi qui était fait des TEV était comparable entre les cas et les témoins en période prénatale (OR = 1,14; p = 0,47) ou postnatale (OR = 0,80; p = 0,2). Une étude cas-témoins a été réalisée dans un comté de la Californie sur 628 femmes ayant eu un avortement spontané, identifiées au travers de spécimens pathologiques et dont la dernière période menstruelle remontait à 1986, et sur 1 308 témoins ayant eu des enfants nés vivants (Windham et coll., 1990). Les témoins ont été choisis au hasard, dans un rapport de 2 pour 1, parmi des femmes comparables par la date de la dernière période menstruelle et le lieu de lhospitalisation. Les activités durant les 20 premières semaines de la grossesse ont été répertoriées au moyen dentretiens téléphoniques. On a également demandé aux participantes si elles sétaient servies dun TEV au travail pendant cette période. Il est apparu que les OR bruts entre le nombre davortements spontanés et la durée dutilisation dun écran, quelle soit inférieure à 20 heures par semaine (1,2; IC à 95% 0,88 1,6) ou au moins égale à 20 heures par semaine (1,3; IC à 95% 0,87 1,5), variait peu une fois corrigé en fonction de variables comme la catégorie demploi, lâge à la maternité, les fausses couches antérieures, ainsi que la consommation dalcool et de tabac. Une analyse effectuée ultérieurement auprès des femmes du groupe témoin a montré que les risques de faible poids à la naissance et de retard de croissance intra-utérine nétaient pas significativement supérieurs. Une étude cas-témoins a été menée dans le cadre dune recherche portant sur 24 352 grossesses survenues entre 1982 et 1985 chez 214 108 employées de bureau et de commerce au Danemark (Brandt et Nielsen, 1990). Les cas étudiés soit 421 femmes probantes sur les 661 qui avaient donné naissance à des enfants atteints dune malformation congénitale et qui avaient travaillé pendant leur grossesse ont été comparés aux 1 365 sujets qui avaient répondu sur les 2 252 femmes sélectionnées au hasard parmi celles ayant exercé une activité professionnelle. Des informations ont été obtenues sur les grossesses et leur issue, ainsi que sur lemploi occupé, en réunissant trois bases de données. Pour recueillir des renseignements sur lutilisation dun TEV (oui/non/heures par semaine) et sur des facteurs professionnels et personnels tels que le stress, lexposition à des solvants, le mode de vie et les qualités ergonomiques, on a expédié un questionnaire par la poste. Cette étude na pas permis de conclure que lutilisation dun TEV durant la grossesse augmente les risques de malformations congénitales. Les chercheurs ci-dessus ont utilisé les mêmes données que leur étude précédente sur les anomalies congénitales (Brandt et Nielsen, 1990) pour comparer 1 371 des 2 248 femmes ayant vécu un avortement spontané à lhôpital avec 1 699 sujets sélectionnés au hasard (Nielsen et Brandt, 1990). Cette étude a été menée auprès demployées de commerce et de bureau, mais toutes nétaient pas en poste au moment de leur grossesse. Pour déterminer dans quelle mesure les deux groupes se comparaient, on a pris lOR entre le degré dutilisation dun TEV chez les femmes ayant eu un avortement spontané et le degré dutilisation dun TEV dans la population échantillonnée (représentant toutes les grossesses, y compris celles qui sétaient terminées par un avortement spontané). LOR, après correction dans le cas dune exposition à un TEV et dun avortement spontané, sest établi à 0,94 (IC à 95% 0,77 1,14). Une étude cas-témoins a été menée auprès de 573 femmes ayant donné naissance à des enfants souffrant de malformations cardio-vasculaires entre 1982 et 1984 (Tikkanen et Heinonen, 1991). Les cas ont été recensés à partir du registre finlandais des malformations congénitales. Le groupe témoin était composé de 1 055 femmes, sélectionnées au hasard parmi les femmes qui avaient accouché à lhôpital durant la même période. La fréquence dutilisation des TEV («jamais», «régulièrement» ou «occasionnellement») a été établie lors dentretiens menés trois mois après laccouchement. Aucune relation statistiquement significative na été observée entre le fait dutiliser un écran, à la maison ou au travail, et lapparition de malformations cardio-vasculaires. Une étude de cohorte a été réalisée auprès de 730 femmes mariées ayant déclaré avoir été enceintes entre 1983 et 1986 (Schnorr et coll., 1991). Ces femmes étaient employées soit aux renseignements téléphoniques, soit comme standardistes générales dans deux sociétés de téléphone desservant huit Etats du sud-est des Etats-Unis; seules les opératrices des renseignements utilisaient un TEV dans leur travail; le degré dexposition aux écrans a été déterminé daprès les archives des entreprises; les cas davortement spontané (perte du ftus à 28 semaines de gestation ou avant) ont été recensés par entretien téléphonique; les certificats de naissance ont ensuite servi à comparer les réponses données aux résultats effectifs des grossesses et, lorsque cétait possible, les médecins ont été consultés; lintensité des champs électriques et magnétiques émis à des fréquences très basses et extrêmement basses a été mesurée à laide dun échantillon de postes de travail; les postes de travail dotés dun écran produisaient des champs plus intenses que ceux sans écran. Aucun risque excessif na été observé pour les femmes qui avaient utilisé un TEV durant le premier trimestre de leur grossesse (OR 0,93; IC à 95% 0,63 1,38), et les chercheurs nont constaté aucun effet dose-réponse manifeste lorsquils ont pris en compte la durée hebdomadaire dutilisation dun TEV. Au Danemark, une cohorte de 1 365 employées de commerce et de bureau qui avaient une activité salariée au moment de leur grossesse et qui avaient été recensées daprès une étude précédente (Brandt et Nielsen, 1990; Nielsen et Brandt, 1990) a servi à étudier les taux de «fécondabilité» par rapport à lutilisation dun TEV (Brandt et Nielsen, 1992). La «fécondabilité» définie comme étant le temps écoulé entre larrêt du traitement contraceptif et le moment de la conception, a été mesurée à laide dun questionnaire envoyé par la poste. Cette étude a montré quun allongement du délai dattente jusquà la grossesse était relativement plus à craindre chez les femmes travaillant au moins 21 heures par semaine sur écran (risque relatif 1,61; IC à 95% 1,09 2,38). Une autre cohorte de 1 699 employées de commerce et de bureau, constituée de femmes qui avaient travaillé et dautres qui navaient pas travaillé pendant leur grossesse, recensées au cours de létude citée au paragraphe précédent, a été utilisée pour étudier le faible poids à la naissance (434 cas), la naissance avant terme (443 cas), la petite taille pour lâge de gestation (749 cas) et la mortalité infantile (160 cas), en rapport avec lutilisation dun TEV (Nielsen et Brandt, 1992). Létude na fait ressortir aucune augmentation de ces types de risques chez les femmes ayant travaillé sur écran. Lors dune étude cas-témoins, des chercheurs ont interrogé, entre 1987 et 1989, 150 femmes nullipares ayant eu un avortement spontané cliniquement diagnostiqué et 297 femmes nullipares en activité professionnelle qui étaient suivies dans un hôpital de Reading (Angleterre) pour des soins prénatals (Roman et coll., 1992). Les entretiens ont eu lieu individuellement au moment de la première visite prénatale pour les témoins et trois semaines après lavortement pour les femmes ayant fait une fausse couche. Lorsquune femme avait mentionné quelle travaillait sur TEV, on a calculé le temps dexposition en heures par semaine et la date de la première exposition. Dautres facteurs tels que le nombre dheures supplémentaires, lactivité physique au travail, le stress et le confort physique au travail, lâge, la consommation dalcool et le nombre de fausses couches antérieures ont aussi été vérifiés. Chez les femmes travaillant sur un écran, lOR pour lavortement spontané sest établi à 0,9 (IC à 95% 0,6 1,4), et aucune corrélation nest apparue avec la durée dutilisation du TEV. Les corrections apportées compte tenu dautres facteurs comme lâge de la mère, la consommation de tabac et dalcool et les avortements spontanés antérieurs nont pas modifié les résultats. A la suite dune étude effectuée sur les employées de banque et de bureau de trois sociétés de Finlande, 191 cas davortement spontané en milieu hospitalier et 394 témoins (enfants nés vivants) ont été répertoriés à partir des registres médicaux finlandais portant sur les années 1975 à 1985 (Lindbohm et coll., 1992). Pour savoir si elles utilisaient un TEV, on sest fié à leurs réponses et aux informations fournies par les employeurs. Lintensité des champs magnétiques a été évaluée rétrospectivement à laide dun montage en laboratoire réalisé avec un échantillon des écrans utilisés dans les sociétés en question. LOR pour lavortement spontané et le travail sur écran était de 1,1 (IC à 95% 0,7 1,6). Après avoir réparti les opératrices en plusieurs groupes selon lintensité des champs magnétiques produits par les écrans, les chercheurs ont abouti à un OR de 3,4 (IC à 95% 1,4 8,6) chez les employées qui avaient utilisé un écran produisant un champ magnétique très intense dans la bande des fréquences extrêmement basses (0,9 mT), comparativement à celles qui avaient employé un écran émettant un champ dune intensité inférieure aux limites de détection (0,4 mT). Cet OR ne changeait que légèrement une fois corrigé en fonction des caractéristiques ergonomiques du poste et de leffort mental requis. Quand ils ont fait une comparaison entre les opératrices exposées à des champs magnétiques intenses et les opératrices ne travaillant pas sur écran, les chercheurs ont constaté que lOR nétait plus significatif. Une étude sur les problèmes de grossesse et la fertilité a été menée auprès de femmes fonctionnaires travaillant pour le fisc britannique (Bramwell et Davidson, 1994). Au total, 3 711 des 7 819 questionnaires envoyés par la poste dans la première phase de létude ont été retournés. Ce premier questionnaire a permis de déterminer si les sujets interrogés se servaient dun TEV. Le degré dexposition a été établi en nombre dheures hebdomadaires dutilisation pendant la grossesse. Un an après, un second questionnaire a été envoyé pour évaluer lincidence des problèmes de grossesse chez ces femmes; 2 022 des premières participantes ont répondu. Les variables de confusion auxquelles on peut penser sont, entre autres, le déroulement de la grossesse, les facteurs ergonomiques, le stress au travail et la consommation de café, dalcool, de tabac et de tranquillisants. Létude na pas permis détablir de rapport entre le degré dexposition évalué un an plus tôt et lincidence des issues défavorables de la grossesse. |
Les opérateurs de TEV se plaignent fréquemment de douleurs musculo-squelettiques au niveau de la nuque, des épaules et des membres supérieurs. Ils ne sont pas les seuls à souffrir de ces troubles qui sont également signalés par dautres salariés dont les tâches sont répétitives ou impliquent de maintenir le corps dans la même position (effort statique). Les tâches requérant lusage de la force physique sont souvent associées, elles aussi, à des problèmes musculo-squelettiques, mais en général elles nentrent pas en ligne de compte dans les problèmes de sécurité et de santé des opérateurs de TEV.
Chez les employés de bureau, dont le travail est le plus souvent sédentaire et comporte peu defforts physiques, larrivée des TEV sur les lieux de travail a suscité un regain dintérêt pour les problèmes musculo-squelettiques liés à ce type de travail. Effectivement, le nombre de problèmes déclarés en Australie au milieu des années quatre-vingt a augmenté dans des proportions quasi épidémiques ainsi que, mais dans une moindre mesure, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni au début des années quatre-vingt-dix, ouvrant un débat sur la question de savoir si ces symptômes étaient bien dorigine physiologique et sur leur relation avec le travail.
En général, les analystes qui contestent lorigine physiologique des problèmes musculo-squelettiques associés au travail sur TEV (ou autre) mettent en avant lun des quatre arguments suivants: soit les employés simulent leur mal; soit ils sont inconsciemment motivés par la perspective de profits annexes (indemnités pour lésions professionnelles, par exemple), ou par les avantages psychologiques que comporte le fait dêtre malade, avantages connus sous les termes de «névrose de compensation»; soit ils somatisent un conflit psychologique non résolu ou un déséquilibre émotif sous forme de troubles dits «de conversion»; soit enfin, la fatigue, au demeurant normale, est démesurément exagérée sous la pression dun mécanisme social qui la catalogue comme étant un problème de santé cest le mécanisme dit d«iatrogenèse sociale». Un examen rigoureux des preuves à lappui de ces explications montre que ces dernières ne sont pas aussi solides que les arguments avancés pour attribuer une origine physiologique à ces troubles (Bammer et Martin, 1988). Toutefois, même si les preuves de lorigine physiologique de ces troubles sont de plus en plus nombreuses, on ne comprend pas encore très bien la nature exacte de ces plaintes (Quintner et Elvey, 1991; Cohen et coll., 1992; Fry, 1993; Helme, LeVasseur et Gibson, 1992).
Il existe un grand nombre détudes sur la prévalence des troubles musculo-squelettiques chez les opérateurs de TEV, qui pour la plupart ont été menées dans des pays occidentaux industriels. Ces problèmes suscitent également un intérêt croissant dans les pays dAsie et dAmérique du Sud à industrialisation rapide. La façon dont sont décrits les troubles musculo-squelettiques et les types détude dont ils font lobjet varient énormément selon les pays. La plupart de ces études se sont fondées sur les symptômes dont font état les travailleurs au lieu de prendre pour base les résultats dexamens médicaux. Pour plus de clarté, on peut les diviser en trois groupes: celles qui ont examiné ce que lon pourrait appeler les troubles composites; celles qui ont considéré les troubles spécifiques; et celles qui se sont penchées sur les problèmes touchant une seule ou plusieurs parties du corps.
On entend par troubles composites un ensemble de troubles pouvant inclure douleur, perte des forces ou troubles sensoriels, et ce en divers points de la partie supérieure du corps. Ces troubles sont traités comme un tout, désigné par les termes de «lésions dues à des efforts répétitifs» (repetitive strain injuries, ou RSI), en Australie et au Royaume-Uni, de «troubles traumatiques cumulatifs» ou traumatismes dhypersollicitation (cumulative trauma disorders, ou CTD) aux Etats-Unis et d«affections cervico-brachiales professionnelles» ou syndrome de tension musculaire du cou (occupational cervicobrachial disorders, ou OCD) au Japon. Un recensement, publié en 1990 (Bammer, 1990), des troubles observés chez des employés de bureau (75% des études concernaient des employés de bureau utilisant un TEV) montre que les problèmes composites avaient fait lobjet de 70 études et que 25 dentre elles faisaient état dune fréquence variant entre 10 et 29% des travailleurs. Aux deux extrémités du spectre, trois études navaient décelé aucun trouble tandis que, selon trois autres chercheurs, cétaient 80% des employés qui souffraient de troubles musculo-squelettiques. La moitié des études reconnaissaient aussi lexistence de troubles graves ou fréquents dont la prévalence variait de 10 à 19% dans 19 dentre elles. Une étude ne faisait mention daucun trouble alors que, selon une autre, des troubles survenaient chez 59% des sujets. Les prévalences les plus élevées étaient constatées en Australie et au Japon.
Les troubles spécifiques sont des atteintes qui sont relativement bien définies, telles que lépicondylite ou syndrome du canal carpien. Ils ont été moins souvent étudiés et semblent moins fréquents. Sur 43 études concernant ces problèmes, 20 estiment leur prévalence entre 0,2 et 4%. Cinq ne font état daucun trouble de ce type et une en a détecté chez 40 à 49% des travailleurs.
Le troisième groupe détudes se concentre sur certaines parties précises du corps comme la nuque ou les poignets. Les cervicalgies, qui sont les troubles les plus fréquents, ont fait lobjet de 72 recherches. Quinze dentre elles révèlent quelles touchent entre 40 et 49% des travailleurs. Trois autres indiquent quelles concernent 5 à 9% des travailleurs et, daprès une de ces études, leur prévalence atteindrait plus de 80%. Un peu moins de la moitié des études ont porté sur des troubles graves dont la prévalence variait entre 5 et 39%. Cette fréquence particulièrement élevée des douleurs cervicales a été observée dans divers pays dont lAllemagne, lAustralie, les Etats-Unis, la Finlande, la France, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède et la Suisse. En revanche, le syndrome du canal carpien na fait lobjet que de 18 études, dont 7 ont permis de constater une prévalence variant entre 10 et 19%. Une étude indique que 0,5 à 4% des travailleurs en souffrent, alors que pour une autre, la prévalence sétablit entre 40 et 49%.
On admet généralement que le travail sur TEV implique souvent une multiplication des mouvements répétitifs et une augmentation de leffort statique du fait de laccroissement du travail au clavier et (par rapport aux anciennes machines à écrire) de la diminution du nombre des tâches autres que le travail de frappe proprement dit (changer le papier, attendre le retour du chariot ou appliquer du ruban ou du liquide correcteur). La nécessité de fixer un écran peut également augmenter leffort statique; une mauvaise disposition de lécran, du clavier ou des touches peut impliquer des postures qui favorisent lapparition de troubles. Il est prouvé également que linstallation de TEV peut être associée à des réductions deffectifs et à une augmentation de la charge de travail. Elle peut également modifier certains paramètres psychosociaux du travail, tels que les rapports sociaux et hiérarchiques, les responsabilités des travailleurs et leurs perspectives de carrière et la charge mentale demandée par la tâche. Dans certains cas, linformatisation et les changements quelle a produits ont été favorables aux employés de bureau. Mais ailleurs, elle a entraîné une diminution de lautonomie et provoqué lisolement, la déqualification et la dégradation des perspectives de carrière, lambiguïté des rôles et le stress. Sans oublier quelle a permis la surveillance électronique du personnel (voir Bammer, 1987; OMS, 1989b). La relation entre certains de ces changements psychosociaux et les problèmes musculo-squelettiques est évoquée ci-dessous. Il semble également que lavènement des TEV ait favorisé en Australie lémergence dune prise de conscience sociale tendant à reconnaître limportance de ces problèmes.
Leurs causes peuvent par conséquent être examinées au niveau de lindividu, du lieu de travail et de la société. Au niveau de lindividu, les causes possibles de ces troubles peuvent être réparties en trois catégories: les facteurs non liés au travail; les facteurs biomécaniques; et les facteurs organisationnels (voir tableau 52.7). Si on a eu recours à différents protocoles pour étudier ces causes, les résultats dans leur ensemble salignent sur ceux obtenus lors détudes empiriques de terrain effectuées à laide danalyses multivariées (Bammer, 1990). Les résultats de ces études sont résumés dans les tableaux 52.7 et 52.8. Des études plus récentes confirment également ces résultats généraux (Bammer et Martin, 1992).
Référence |
Nombre/% d’utilisateurs de TEV |
Facteurs |
||
Non liés au travail |
Bio-mécaniques |
Liés à l’organisation du travail |
||
Blignault (1985) |
146/90% |
x |
x |
o |
South Australian Health Commission Epidemiology Branch (1984) |
456/81% |
o |
o |
o |
Ryan, Mullerworth et Pimble (1984) |
52/100% |
o |
o |
o |
Ryan et Bampton (1988) |
143 |
|||
Ellinger et coll. (1982) |
280 |
o |
o |
o |
Pot, Padmos et Brouwers (1987) |
222/100% |
non étudiés |
o |
o |
Sauter et coll. (1983) |
251/74% |
x |
o |
o |
Stellman et coll. (1987a) |
1 032/42% |
non étudiés |
o |
o |
x = absence de facteurs. o = existence de facteurs.
Source: d’après Bammer, 1990.
Pays1 |
Nombre/ |
Facteurs non liés au travail |
Biomécaniques |
Liés à l’organisation du travail |
|||||||||||
|
|
Age |
Prédis- |
Névrose |
Angles |
Mobilier Equipe- |
Mobilier Equipe- |
Travail visuel |
Facteurs visuels person- |
Ancien- |
Pression |
Auto- |
Solidarité entre col- |
Diversité |
Agence- |
Alle- |
280 |
o |
o |
|
|
j |
ø |
+ |
|
o |
s |
x |
|
x |
o |
Australie |
146/ |
ø |
|
ø |
|
ø |
|
|
|
ø |
o |
x |
x |
x |
ø |
Australie |
456/ |
x |
o |
|
|
+ |
|
|
|
ø |
o |
|
|
x |
o |
Australie |
52/ 143/ 100% |
Δ |
|
|
+ |
+ |
|
|
|
o |
o |
|
x |
|
o |
Etats-Unis |
251/ |
ø |
|
|
|
ø |
+ |
|
+ |
|
o |
x |
|
(ø) |
x |
Etats-Unis |
1 032/ |
|
|
|
|
ø |
+ |
+ |
|
|
o |
x |
|
x |
|
Pays-Bas |
222/ |
|
|
|
+ |
+ |
|
ø |
ø |
|
o |
|
x |
(ø) |
o |
o = association positive, statistiquement significative. x = association négative, statistiquement significative. + = association statistiquement significative, sens de la relation non précisé. ø = association non statistiquement significative. (ø) = pas de variation du facteur dans cette étude. Δ = le plus jeune et le plus âgé présentaient davantage de symptômes.
Une case vide indique que le facteur n’a pas été pris en compte dans l’étude.
1 Correspond aux références du tableau 52.7.
Source: d’après Bammer, 1990.
On possède très peu déléments permettant de dire que certains facteurs non liés au travail sont une cause importante des troubles musculo-squelettiques, encore que plusieurs études indiquent que les personnes souffrant déjà dune lésion à lendroit considéré ou dans une autre partie du corps seront sans doute plus susceptibles que dautres de connaître des problèmes. Rien ne permet de mettre en cause lâge des individus et la seule étude qui ait été effectuée sur les troubles de la personnalité conclut que lâge est sans incidence.
Les analyses multivariées permettent de mettre en évidence limportance de certaines propriétés du travail préalablement définies. Certaines de ces caractéristiques dites biomécaniques sont ainsi mises en évidence: cest le cas des conditions de travail exigeant dutiliser les articulations en trop forte flexion ou extension. Dautres caractéristiques ont des effets moins clairs: par exemple, lagencement du mobilier et ses qualités jugées par des spécialistes et par le personnel; les conditions de visibilité comme les reflets sur lécran; une gêne visuelle comme le port de lunettes; lancienneté dans le poste; le fait dappartenir à une classe demployés peu qualifiés (voir tableau 52.8).
Un certain nombre de facteurs relevant de lorganisation du travail sont clairement associés à des problèmes musculo-squelettiques; ils sont examinés plus longuement dans une autre partie de ce chapitre. Ce sont, par exemple, un travail très astreignant, le manque dautonomie; labsence de solidarité entre collègues soit quils naient pas la possibilité dapporter leur aide dans les moments de difficulté, soit quils sy refusent, et, enfin, la monotonie des tâches.
Le seul facteur étudié et pour lequel les résultats sont variables est le nombre dheures passées au clavier (voir tableau 52.8). Dans lensemble, on peut voir que les causes individuelles des troubles musculo-squelettiques sont multiples. Elles incluent à lévidence des facteurs liés au travail et, plus particulièrement, à lorganisation du travail, mais aussi des facteurs biomécaniques. Limportance de tel ou tel facteur peut varier dun lieu de travail à lautre, ou dune personne à lautre, en fonction de leurs caractéristiques propres. Ainsi, le fait déquiper tous les postes de repose-poignet risque de ne guère améliorer les choses si par ailleurs les tâches restent monotones et effectuées sous pression. Ou encore tel employé dont les tâches sont bien définies et relativement variées pourra quand même connaître des problèmes si lorientation de lécran de son TEV le force à travailler dans une position incommode.
Lexemple de lAustralie, où lon a enregistré, à la fin des années quatre-vingt, une diminution de la fréquence des problèmes musculo-squelettiques, est instructif quant à la façon dont on peut traiter les causes de ces troubles. Bien quelle nait pas fait lobjet dune évaluation et détudes détaillées, cette diminution est à mettre sur le compte de plusieurs facteurs. Lun dentre eux est linstallation généralisée aux postes de travail de meubles et déquipements «ergonomiques». Par ailleurs, les pratiques de travail ont été améliorées grâce à une plus grande polyvalence des employés et à une restructuration de leurs postes pour réduire la pression quils subissent, augmenter leur autonomie et diversifier leurs tâches. Ces changements sont souvent allés de pair avec une politique dégalité des chances à lembauche et de démocratie dans lentreprise. On a aussi mis en uvre des stratégies de prévention et dintervention précoce. Il semble, en revanche, que certaines entreprises ont recours de plus en plus souvent à des employés sous contrat à durée déterminée pour les tâches de saisie des données. Le risque est que les troubles de santé, lorsquils surviennent, ne puissent être imputés à tel ou tel employeur et doivent être assumés par le seul salarié. De plus, la controverse entourant ces troubles a pris une telle intensité quelle a fini par les stigmatiser, si bien que de nombreux employés, quand ils en ressentent les symptômes, sont peu enclins à en faire état et à réclamer une indemnisation. Le débat sest envenimé à la suite de divers procès largement médiatisés, perdus par des travailleurs qui avaient intenté une action contre leur employeur. La diminution des crédits alloués à la recherche, larrêt de la publication de statistiques sur lincidence et la prévalence de ces troubles de santé, ainsi que des travaux de recherche à leur sujet, auxquels sajoute une forte diminution de lattention que les médias accordent au problème, ont contribué à propager lidée quil avait disparu.
Les troubles musculo-squelettiques liés au travail sont un problème majeur dans le monde entier. Leur coût pour les particuliers et la société est énorme. Il nexiste pas de critères reconnus à un niveau international pour évaluer ces troubles et le besoin dun système de classification international se fait dautant plus sentir. Il faudrait également mettre laccent sur les mesures de prévention et dintervention précoce et cela pour tous les facteurs en cause. Lergonomie devrait être enseignée à tous les niveaux, depuis lécole primaire jusquà luniversité et des directives et des lois sont à élaborer qui établissent des prescriptions minimales. Leur application implique un engagement de la part des employeurs et une participation active des travailleurs (Hagberg, Kilbom et Kolare, 1993).
Bien que les cas enregistrés de personnes souffrant de troubles graves et chroniques soient très nombreux, il ne semble pas quil y ait beaucoup de traitements qui soient efficaces. On sait également peu de choses sur les moyens de réinsertion des salariés qui en souffrent. Cest dire limportance capitale que revêtent la prévention et les stratégies dintervention précoce pour lutter contre les problèmes musculo-squelettiques liés au travail.
Les premiers cas daffections cutanées chez des personnes travaillant sur terminal à écran de visualisation (TEV) ou à proximité ont été signalés en Norvège dès 1981. Quelques cas ont aussi été signalés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Japon. La Suède, en revanche, en a constaté un grand nombre et le débat public concernant les effets dune exposition aux TEV sur la santé sest intensifié lorsquune affection cutanée déclarée par un employé travaillant sur TEV eut été reconnue comme maladie professionnelle par ladministration nationale de la sécurité sociale suédoise à la fin de 1985. Le droit à réparation ainsi accordé à ce travailleur a entraîné une augmentation marquée du nombre daffections cutanées suspectées dêtre liées au travail devant un TEV. Au Département de dermatologie du travail de lhôpital Karolinska, à Stockholm, on est passé de 7 cas déclarés entre 1979 et 1985 à 100 nouveaux patients entre novembre 1985 et mai 1986.
Malgré le nombre relativement élevé de personnes qui ont sollicité des soins médicaux pour ce quelles croyaient être des affections cutanées dues au travail sur TEV, rien ne permet de conclure que ce sont les TEV eux-mêmes qui sont à lorigine de ces affections. Lapparition daffections de la peau chez des personnes travaillant sur ce type déquipement semble coïncider ou avoir éventuellement un rapport avec dautres facteurs en jeu sur le lieu de travail. Cette conclusion simpose dautant plus quand on observe que laccroissement de lincidence daffections cutanées déclarées par des employés suédois travaillant sur TEV nest pas constaté dans les autres pays où ce sujet suscite dailleurs dans les médias un débat moins nourri. Dautre part, des données scientifiques provenant détudes de provocation , au cours desquelles des patients ont été volontairement exposés à des champs électromagnétiques émanant de TEV afin de déterminer si une affection cutanée pourrait en résulter, nont apporté aucun élément tendant à prouver lexistence dun mécanisme daltération de la peau en rapport avec la présence de champs magnétiques autour des TEV.
En revanche, il est possible que le stress lié au travail soit un facteur important qui explique les affections de la peau attribuées aux TEV. On en a pour preuve, notamment, les résultats détudes longitudinales sur les lésions cutanées dans le travail informatisé; on a constaté que, parmi les employés porteurs de ces lésions, un plus grand nombre (que chez ceux qui nen présentaient pas) étaient soumis, dans leur travail, à des conditions de surcharge professionnelle. De plus, on a trouvé une corrélation positive entre les quantités dhormones réagissant au stress (testostérone, prolactine et thyroxine) et la fréquence des atteintes cutanées, pendant le travail, mais pas durant les jours de repos. Cest ainsi que les rougeurs faciales attribuées à lécran pourraient en réalité provenir dune augmentation de la thyroxine (augmentation due au stress), hormone qui a notamment pour effet de dilater les vaisseaux sanguins (Berg et coll., 1992).
Suède: 450 patients qui avaient été adressés aux chercheurs par un médecin traitant ont été examinés pour des affections cutanées quils attribuaient au travail sur écran. Seules des dermatoses faciales communes ont été observées et aucun patient ne présentait de dermatose spécifique susceptible davoir un lien avec le travail sur écran. La plupart des patients pensaient avoir des symptômes prononcés, mais les lésions cutanées quils présentaient ne revêtaient en fait aucun caractère de gravité selon les définitions médicales standards. De plus, la plupart des patients ont signalé que leur état sétait ensuite amélioré sans thérapie médicamenteuse bien quils aient continué à travailler sur TEV. Beaucoup de ces patients souffraient dallergies de contact diagnostiquées qui expliquaient leurs symptômes cutanés. Des études épidémiologiques ont consisté à comparer, pour un état de la peau semblable, des patients qui travaillaient sur écran à une population témoin non exposée, études qui nont fait apparaître aucune relation entre létat de la peau et le travail sur TEV. Enfin, une étude de provocation na pas permis détablir de lien entre les symptômes des patients et les champs électrostatiques ou magnétiques émis par les écrans (Wahlberg et Lidén, 1988; Berg, 1988; Lidén, 1990; Berg, Hedblad et Erhardt, 1990; Swanbeck et Bleeker, 1989). A la différence de quelques études épidémiologiques antérieures qui navaient pas été concluantes (Murray et coll., 1981; Frank, 1983; Lidén et Wahlberg, 1985), une étude épidémiologique à grande échelle (Berg, Lidén et Axelson, 1990; Berg, 1989) portant sur 3 745 employés de bureau sélectionnés au hasard, dont 809 avaient été examinés par un médecin, a révélé que les personnes travaillant sur écran étaient beaucoup plus portées à signaler des problèmes de peau quune population témoin demployés de bureau non exposée, mais que ces personnes, après examen, ne présentaient en fait pas plus de signes visibles ni daffections cutanées. Pays de Galles: à lissue dune étude réalisée à laide dun questionnaire, aucune différence na été observée entre les problèmes de peau signalés par des opérateurs de TEV et ceux dune population témoin (Carmichael et Roberts, 1992). Singapour: les problèmes de peau signalés par une population témoin denseignants se sont avérés beaucoup plus nombreux que ceux dont se plaignaient les utilisateurs de TEV (Koh et coll., 1991). |
Les ordinateurs apportent aux entreprises de lefficacité, de la compétitivité et la capacité dexécuter des processus de travail qui seraient impossibles sans leur aide. Des domaines aussi différents que la conduite des processus de fabrication, la gestion des stocks et des dossiers, la commande de systèmes complexes ou le travail de bureau ont bénéficié de lautomatisation. Sans une infrastructure de poids, un bon fonctionnement du système informatique est impossible. Outre une transformation de larchitecture et des installations électriques rendue nécessaire par la mise en place des nouvelles machines, linformatisation exige une modification des connaissances et des compétences du personnel, ainsi que lapplication de nouvelles méthodes de gestion du travail. Dans ce type demploi, les exigences peuvent différer radicalement de celles demplois plus traditionnels. Les tâches automatisées sont souvent plus sédentaires, peuvent requérir un effort de réflexion et de concentration plus important, mais une dépense physique dénergie moindre. Les exigences de production peuvent être élevées, la pression permanente et le pouvoir décisionnel réduit.
Les avantages économiques dun usage professionnel de linformatique ont occulté les problèmes de sécurité et de santé et les problèmes sociaux quil peut créer chez les travailleurs: perte demploi, lésions dues à une hypersollicitation, intensification du stress mental, etc. La transition entre les formes de travail traditionnelles et linformatisation a été difficile dans beaucoup de cas, et a provoqué des troubles psychosociaux et socio-techniques non négligeables chez les salariés.
Depuis lentrée de lordinateur dans les lieux de travail, plusieurs études ont souligné lexistence de transformations importantes dans les processus de travail, les relations sociales, le style de gestion, la nature et le contenu des tâches à effectuer (Bradley, 1983, 1989; Bikson, 1987; Westlander, 1989; Westlander et Åberg, 1992; Johansson et Aronsson, 1984; Stellman et coll., 1987b; Smith et coll., 1981, 1992a). Au cours des années quatre-vingt, les processus dinformatisation ont souvent résulté de décisions venues den haut, sans que le personnel ait été consulté sur les nouvelles technologies ou les nouvelles structures de travail. En conséquence, de nombreux problèmes de relations professionnelles et de santé physique et mentale ont fait leur apparition.
Les experts ont des opinions divergentes sur les modifications apportées au travail de bureau; certains affirment que la technologie informatique améliore la qualité du travail et accroît la productivité (Strassmann, 1985), alors que dautres comparent les ordinateurs aux premières formes de travail industrialisé comme les chaînes de montage, estimant quils entraînent eux aussi une dégradation des conditions de travail et une intensification du stress (Moshowitz, 1986; Zuboff, 1988). Nous pensons que la technologie des TEV influe sur le travail de différentes manières, mais que la technologie nest quun élément dun système plus large comprenant lindividu, les tâches quil doit accomplir, lenvironnement et les facteurs organisationnels.
Divers facteurs professionnels agissent simultanément sur lutilisateur de TEV. Nous avons proposé, pour concevoir le poste de travail, un modèle détaillé illustrant différents éléments des conditions de travail qui peuvent interagir et saccumuler, provoquant ainsi du stress (Smith et Carayon-Sainfort, 1989). La figure 52.9 illustre le cadre conceptuel imaginé pour rendre compte des diverses composantes dun système de travail susceptibles dexercer une astreinte mentale et de provoquer du stress chez le personnel. Lindividu, avec les caractéristiques physiques, les perceptions, la personnalité et le comportement qui lui sont propres, se situe au centre du modèle. Il se sert de technologies pour exécuter des tâches spécifiques. La nature de ces technologies détermine dans une large mesure le rendement du travailleur, ainsi que les compétences et les connaissances nécessaires à une utilisation efficace de ces technologies. Les difficultés présentées par la tâche ont également une influence sur les compétences et les connaissances requises. Les tâches à exécuter comme les technologies déterminent le contenu du poste ainsi que les qualités mentales et physiques exigées. Le modèle montre également que ces tâches et ces technologies se situent dans un cadre professionnel plus général comprenant lenvironnement physique et social. Lenvironnement général peut influencer le confort, létat psychologique et les attitudes de lindividu. Enfin, la structure organisationnelle du travail agit sur lengagement individuel et sur les interactions entre les membres du personnel, dans leur nature et leur importance, ainsi que sur les niveaux dautonomie. Les caractéristiques de lorganisation se répercutent à la fois sur les modes dencadrement et sur les normes de rendement.
Ce modèle aide à expliquer les liens existant entre les exigences professionnelles, les charges psychologiques et physiques du poste et les problèmes de santé qui en résultent. Il représente un système dont les éléments peuvent agir les uns sur les autres et se combinent pour influencer non seulement la manière dont le travail est accompli, mais aussi la capacité quil a de répondre aux besoins et datteindre les objectifs des individus et de lentreprise. Nous expliquons ci-après comment ce modèle peut être appliqué aux conditions de travail sur TEV.
On sait que lenvironnement matériel peut être une source de stress au bureau et dans dautres milieux de travail. La qualité générale de lair et létat des locaux, par exemple, peuvent favoriser le syndrome des bâtiments malsains et dautres effets du stress (Stellmann et coll., 1985; Hedge, Erickson et Rubin, 1992). Le bruit, qui constitue aussi une source de stress bien connue dans le milieu ambiant, peut provoquer une certaine excitation, accroître la tension artérielle et mettre de mauvaise humeur (Cohen et Wheinstein, 1981). Enfin, les perturbations sensorielles causées par lenvironnement rendent plus difficile laccomplissement des tâches et augmentent le niveau de stress et démotivité (Smith et coll., 1981; Sauter et coll., 1983).
Depuis lavènement de linformatique, les exigences concernant le rendement saccentuent. Une pression accrue sexerce sur le personnel parce quon attend de lui un rendement toujours plus élevé. Lexistence dune charge de travail excessive et une trop grande pression constituent une importante source de stress chez les utilisateurs dordinateurs (Smith et coll., 1981; Piotrkowski, Cohen et Corey, 1992; Sainfort, 1990). Les qualifications exigées évoluent avec lutilisation accrue de lordinateur. Par exemple, les exigences à remplir sur le plan cognitif peuvent contribuer à augmenter le stress chez les utilisateurs de TEV (Frese, 1987). Ce sont là autant de facteurs qui influent sur les exigences demploi.
Dautres aspects, positifs ceux-là, sont néanmoins présents, puisque les ordinateurs sont capables dexécuter des tâches simples et répétitives, naguère exécutées manuellement. Il est ainsi possible de réduire laspect répétitif du travail et de lui donner plus de substance et de sens. Toutefois, cela nest pas vrai pour tous les cas de figure, puisque beaucoup de nouvelles fonctions informatiques, comme la saisie de données, sont répétitives et ennuyeuses. Contrairement à dautres technologies, linformatique permet également davoir une information en retour sur le travail effectué (Kalimo et Leppanen, 1985), ce qui réduit les risques de malentendus.
A certains égards, linformatisation est accusée dentraîner une perte dautonomie, dont on sait quelle est une source importante de stress chez les employés de bureau. Lincertitude quant à la durée des problèmes informatiques qui surviennent (selon que lordinateur ralentit ou sarrête de fonctionner) peut elle aussi être source de tension (Johansson et Aronsson, 1984; Carayon-Sainfort, 1992). Ces problèmes informatiques peuvent se révéler particulièrement stressants si les employés (comme les préposés aux réservations des compagnies aériennes) dépendent fortement de lordinateur pour accomplir leur travail.
Le type de technologie utilisé détermine souvent laptitude de lutilisateur à effectuer certaines tâches ainsi que lintensité de lastreinte physiologique et psychologique qui lui est imposée. Une intensification du stress et des atteintes à la santé physique peut survenir lorsque la charge de travail produite par lutilisation dune technologie est trop importante ou au contraire trop faible (Smith et coll., 1981; Johansson et Aronsson, 1984; Ostberg et Nilsson, 1985). Lévolution rapide de la technologie oblige les travailleurs à constamment adapter leurs connaissances et leurs compétences pour rester efficaces. De plus, les compétences actuelles peuvent être rapidement dépassées. Lobsolescence technologique peut être due à une déqualification du poste ou à un appauvrissement du contenu des tâches, ou encore à une inadaptation des qualifications et de la formation. Les travailleurs qui ne possèdent ni le temps ni les ressources nécessaires pour suivre les derniers développements technologiques peuvent voir dans ceux-ci une menace et un risque pour leur emploi. La crainte des travailleurs de ne pas avoir les compétences requises pour utiliser les nouveaux outils est lune des principales retombées négatives de la technologie, ce que la formation peut évidemment aider à atténuer. Une autre conséquence de lapplication des nouvelles technologies est la peur des salariés de perdre leur emploi à cause du gain de productivité quapportent ces nouvelles technologies (Ostberg et Nilsson, 1985; Smith, Carayon et Miezio, 1987).
Enfin, des périodes intensives, répétitives et prolongées de travail devant lécran peuvent également accroître les tensions physiques (Stammerjohn, Smith et Cohen, 1981; Sauter et coll., 1983; Smith et coll., 1992b) et peuvent être la cause de gênes et de troubles visuels et musculo-squelettiques, décrits ailleurs dans ce chapitre.
Le cadre organisationnel du travail peut avoir une influence sur le stress et la santé du personnel. Lorsque la technologie nécessite de nouvelles compétences, la manière dont on la présente aux travailleurs et le soutien organisationnel quon leur fournit (formation, temps dadaptation) ont un rapport avec le stress ou les troubles émotionnels ressentis (Smith, Carayon et Miezio, 1987). Les perspectives de développement ou davancement dans un emploi agissent également sur le stress (Smith et coll., 1981). Lincertitude ressentie devant leur avenir professionnel est une source très importante de stress chez les utilisateurs dordinateurs (Sauter et coll., 1983; Carayon, 1993a), de même que la perspective de perdre leur emploi (Smith et coll., 1981; Kasl, 1978).
Des études ont démontré que des facteurs liés à lorganisation du temps de travail, tels que le travail posté et les heures supplémentaires, ont des effets négatifs sur la santé mentale et physique (Monk et Tepas, 1985; Breslow et Buell, 1960). Les entreprises qui souhaitent ou qui doivent utiliser continuellement leurs ordinateurs recourent de plus en plus au travail posté. Des heures supplémentaires sont souvent nécessaires pour assurer lexécution du travail, notamment quand une panne ou un mauvais fonctionnement des ordinateurs entraîne des retards.
Linformatique procure à lentreprise la capacité de contrôler électroniquement et de façon continuelle le rendement de ses salariés, ce qui peut rendre leur travail stressant en accroissant, par exemple, la pression quils subissent (voir lencadré «La surveillance électronique du rendement des opérateurs»). Dans les entreprises où le travail fait lobjet dune surveillance électronique de ce genre, les relations entre les salariés et la direction peuvent devenir plus tendues et le sentiment dimpuissance risque daugmenter.
Lemploi de moyens électroniques pour surveiller le rendement du personnel sest beaucoup développé avec la généralisation dordinateurs personnels qui permettent à ce travail de surveillance de seffectuer avec rapidité et facilité. La surveillance électronique fournit des informations qui peuvent être mises à profit par les employeurs pour mieux gérer leurs ressources technologiques et humaines. La surveillance électronique permet en effet de repérer en temps réel les goulets détranglement, les retards de production et les employés dont le rendement est inférieur à la moyenne (ou à la norme). Les nouvelles techniques de communication électronique permettent de suivre le fonctionnement des différents éléments dun système de communication et de savoir exactement ce qui a été saisi par tel ou tel opérateur. Des éléments du travail tels que les données entrées dans les terminaux informatiques, les conversations téléphoniques et les messages transmis par courrier électronique peuvent être vérifiés par surveillance électronique. La surveillance électronique renforce le contrôle de la direction sur les employés et peut conduire à des modes de gestion organisationnelle stressogènes. Voilà qui pose des problèmes importants comme le degré de précision du système de surveillance et la façon dont il tient compte de la contribution des employés au succès de lentreprise, les ingérences dans la vie privée des travailleurs, le fait de confier le contrôle des tâches à une machine et non à lemployé lui-même, ou les incidences de modes de gestion qui consistent à utiliser les informations fournies par un système de surveillance pour diriger le comportement des employés dans leur travail (Smith et Amick, 1989; Amick et Smith, 1992; Carayon, 1993b). La surveillance peut amener une augmentation de la productivité, mais elle peut également engendrer du stress, de labsentéisme, un taux de roulement élevé dans le personnel et des sabotages. Quand la surveillance électronique est couplée à des systèmes incitatifs pour augmenter la productivité, le stress lié au travail peut également saccroître (OTA, 1987; Smith et coll., 1992a). En outre, une surveillance de ce type amène à se poser des questions sur la protection de la vie privée des travailleurs (BIT, 1991) et plusieurs pays ont interdit lemploi des systèmes de surveillance quand elle porte sur le rendement individuel. La surveillance électronique oblige fondamentalement à décomposer les tâches en activités que lon puisse aisément quantifier et mesurer. Cela conduit en général à réduire le contenu des postes en éliminant les tâches complexes et qui demandent un effort de réflexion, au profit des tâches répétitives. Cette approche repose sur une conception des choses que lon peut rapprocher dun principe de base de la «gestion scientifique du travail» (Taylor, 1911) qui réclame une «simplification» du travail. Dans une entreprise, par exemple, une fonction de surveillance a été ajoutée à un nouveau système téléphonique installé pour les opérateurs chargés du service à la clientèle. Le système de surveillance servait à répartir les appels des clients, à les chronométrer et permettait aux supérieurs hiérarchiques découter les conversations téléphoniques des employés. Pour justifier ce système, on a invoqué la nécessité de planifier les flux de travail afin de déterminer les périodes de pointe et de savoir quand il faudrait faire appel à des opérateurs supplémentaires. Mais, au lieu dutiliser le système de surveillance uniquement à cette fin, la direction sest également servie des données pour fixer des normes de rendement (nombre de secondes par intervention) et prendre des mesures disciplinaires à lencontre des employés ayant un rendement «inférieur à la moyenne». Ce système de surveillance électronique na fait quajouter de la pression sur les employés soucieux de faire mieux que la moyenne par crainte de sanctions. Des recherches ont montré quune telle pression ne contribue pas à un bon rendement et peut au contraire nuire à la santé (Cooper et Marshall, 1976; Smith, 1987). En fait, il a été constaté que le système de surveillance décrit avait eu pour effet daugmenter le stress des employés et dabaisser la qualité de leur travail (Smith et coll., 1992a). La surveillance électronique peut avoir une incidence sur limage et lestime que le travailleur a de lui. Il arrive quelle renforce son amour propre quand il reçoit des compliments. Le fait que la direction ait vu dans lemployé un élément de valeur pour lentreprise constitue aussi un des bons côtés possibles de la surveillance. Cependant, ces deux effets peuvent être perçus différemment par les employés, en particulier sils ont fait lobjet dune sanction ou dun blâme pour cause de rendement insuffisant. La crainte dune évaluation négative peut engendrer de lanxiété et porter atteinte à lestime et à limage de soi. De fait, la surveillance électronique peut produire une dégradation des conditions de travail: cadence de travail imposée, manque de responsabilisation de lemployé, diminution de la diversité et de la clarté des tâches, amenuisement de lentraide de la part des collègues, réduction du soutien hiérarchique, crainte de perdre son emploi, travail devenu routinier et manque dautonomie professionnelle (Amick et Smith, 1992; Carayon, 1993b). Michael J. Smith |
Lavènement des TEV a modifié les relations sociales au travail. On a observé que lisolement social est lune des principales sources de stress chez les employés travaillant sur ordinateur (Lindström, 1991; Yang et Carayon, 1995). Le temps quils passent à lordinateur est en effet utilisé aux dépens du temps quils pourraient consacrer aux relations sociales ou à sentraider. Le besoin dun soutien de la part des supérieurs et des collègues est un fait cité dans beaucoup détudes (House, 1981). Lapport dun soutien social peut atténuer les retombées dautres sources de stress. Autrement dit, le soutien apporté par les collègues, les supérieurs ou les informaticiens est important pour ceux des employés qui ont des difficultés à faire fonctionner leur ordinateur mais, paradoxalement, linformatisation du milieu de travail a tendance à réduire les possibilités qui existent de fournir ce type de soutien.
Plusieurs facteurs individuels déterminent les effets physiques et psychologiques décrits plus haut, à savoir la personnalité, létat de santé, les compétences et aptitudes, la condition physique, lexpérience, la formation, la motivation, les objectifs et les besoins (Levi, 1972).
La première mesure à prendre pour rendre le travail sur TEV moins stressant consiste à identifier les aspects de lorganisation du travail et des tâches qui peuvent causer des problèmes psychosociaux, puis à les modifier, tout en se souvenant que le stress lié aux TEV est rarement dû à certains éléments isolés de lorganisation du travail ou des tâches, mais quil tient plutôt à une mauvaise conception générale du travail. Aussi, pour réduire, voire éliminer, le stress dû au travail, convient-il dadopter des solutions globales et de traiter simultanément les nombreux facteurs dus à une conception inadéquate du travail. Des solutions qui ne porteraient que sur un ou deux de ces facteurs ne permettraient pas de résoudre les problèmes relevés (voir figure 52.10).
Améliorer la conception des tâches, cest dabord faire en sorte que les salariés se sentent soutenus. Un tel sentiment contribue à la fois à augmenter leur motivation, à les rassurer et à réduire le stress ressenti (House, 1981). On commencera donc par élaborer une déclaration de politique générale mettant en lumière limportance du personnel au sein de lentreprise et précisant les mesures prévues pour créer un climat de travail encourageant. Lune des meilleures mesures pour apporter ce soutien aux travailleurs est de former les cadres moyens et supérieurs à cette fin. Ainsi formés, ceux-ci peuvent jouer un rôle d«amortisseur» et éviter aux travailleurs des causes de stress inutiles dues au mode dorganisation ou à la technologie.
On sait depuis longtemps que la teneur des tâches à accomplir est un facteur déterminant de la motivation et de la productivité des salariés (Herzberg, 1974; Hackman et Oldham, 1976). Plus récemment, la relation existant entre le contenu du poste et le stress quil implique a été clarifiée (Cooper et Marshall, 1976; Smith, 1987). Trois des principaux éléments qui déterminent le contenu du poste et qui ont une importance particulière pour le travail sur TEV sont la complexité des fonctions, la compétence de lemployé et les perspectives de carrière. A certains égards, ils ont tous un rapport avec le climat de motivation nécessaire à la satisfaction des employés et à leur développement psychologique, à savoir un climat propice à lamélioration de leurs capacités intellectuelles et de leurs qualifications, à leur valorisation personnelle et à la reconnaissance par leurs pairs de leur compétence professionnelle.
Le meilleur moyen daméliorer le contenu du poste est délever le niveau de compétence quil demande, ce qui signifie, la plupart du temps, accroître létendue et enrichir le contenu de chacune des tâches quil implique (Herzberg, 1974). En élargissant létendue des tâches, on augmente la palette des compétences nécessaires pour faire du bon travail, ainsi que le nombre de décisions prises par le travailleur au moment de définir lordre de ces tâches et leur nature. Cette élévation du niveau de compétence rehausse lopinion que lemployé peut avoir de lui-même et de sa valeur pour lentreprise, et influe positivement sur limage quont de lui ses collègues.
Laccroissement de la complexité des tâches, cest-à-dire laugmentation de la part de réflexion et de prise de décisions dans le travail, constitue létape suivante et logique du processus. On peut y parvenir en regroupant des tâches simples en séries dactivités complémentaires ou en y ajoutant des tâches intellectuelles exigeant un savoir supplémentaire et des compétences informatiques. Avec linformatisation, notamment, les qualifications nécessaires à laccomplissement des nouvelles tâches dépassent en général le savoir et les compétences des employés appelés à les effectuer. Il faut donc les former en conséquence pour quils puissent exécuter correctement les tâches en question. Une telle formation est doublement avantageuse puisquelle améliore non seulement les connaissances et les compétences de lemployé, donc son rendement, mais contribue également à améliorer son degré de confiance en soi et damour-propre. Elle prouve aussi aux employés que lemployeur souhaite investir dans lamélioration de leurs compétences, ce qui les conduit à penser que leur emploi est stable et quils ont un avenir dans lentreprise.
Le degré dautonomie dont jouit lemployé est dune grande importance psychosociale (Karasek et coll., 1981; Sauter, Cooper et Hurrell, 1989). Pour lessentiel, cette autonomie peut se définir par les réponses aux questions «quoi, comment et quand?». Tout dépend en effet de la nature des tâches à remplir, de la coordination nécessaire entre collègues, des méthodes dexécution utilisées et du calendrier arrêté. Lautonomie peut senvisager à plusieurs niveaux: celui de la tâche à effectuer, de lunité de travail, et de lentreprise (Sainfort, 1991; Gardell, 1971). Au niveau de la tâche, on peut laisser lemployé libre de choisir ses méthodes et procédures dexécution. Au niveau de lunité de travail, tel groupe demployés peut gérer par lui-même diverses tâches liées entre elles et sentendre sur la répartition des tâches, leur programmation, leur coordination et les normes de production à respecter pour atteindre les objectifs de lentreprise. Au niveau global de lentreprise, les employés peuvent participer à des activités structurées qui renseignent la direction sur ce que pense le personnel ou sur les moyens à utiliser pour améliorer la qualité. Quand le niveau dautonomie est limité, mieux vaut en introduire une certaine dose au niveau de la tâche, puis développer la structure organisationnelle, dans la mesure du possible (Gardell, 1971).
Etant donné que le but de lautomatisation est daméliorer la productivité sur le plan quantitatif et qualitatif, lun des résultats logiques de linformatisation est laccroissement de la charge de travail. Beaucoup dentreprises pensent quun tel accroissement est nécessaire pour rentabiliser linvestissement associé à cette automatisation. Toutefois, il est difficile détablir la charge de travail adéquate. Des ingénieurs industriels ont conçu des moyens scientifiques pour déterminer les méthodes et les charges de travail adéquates (critères de rendement). Ces méthodes, utilisées avec succès depuis des dizaines dannées dans les entreprises manufacturières, même après linstallation dordinateurs, peuvent difficilement sappliquer au travail de bureau. Lutilisation dinstruments scientifiques, comme ceux décrits par Kanawaty (1979) et Salvendy (1982), pour calculer la charge de travail des opérateurs de TEV devrait devenir prioritaire dans toutes les entreprises, car elle permet détablir des normes de production et des critères de rendement raisonnables, en plus de mettre les employés à labri dexigences de travail excessives et daider à obtenir des produits de qualité.
Le niveau de concentration élevé quexige le travail sur ordinateur peut avoir pour effet de restreindre les relations sociales pendant les heures de travail, et de favoriser lisolement des employés. Pour contrer ce phénomène, il conviendrait de donner aux opérateurs, quand ils ne travaillent pas sur ordinateur ou quand ils font une pause, des occasions davoir des contacts avec leurs collègues. Ainsi, les tâches qui ne sont pas effectuées sur ordinateur et qui ne requièrent pas une concentration particulière pourraient être organisées de manière que les employés travaillent suffisamment près les uns des autres et puissent ainsi bavarder entre eux. Ce type de socialisation apporte un soutien dont on sait quil contribue sensiblement à réduire les effets négatifs du stress sur la santé mentale et des problèmes de santé physique comme les maladies cardio-vasculaires (House, 1981). Dautre part, la socialisation réduit bien sûr lisolement et favorise léquilibre mental.
Lexistence de conditions ergonomiques satisfaisantes, sans laquelle les utilisateurs de TEV peuvent également connaître des problèmes psychosociaux, constitue donc un facteur essentiel quil faut prendre en compte au moment de définir lensemble des tâches. Elles sont abordées plus en détail dans dautres articles de ce chapitre, ainsi quailleurs dans cette Encyclopédie .
Comme il nexiste pas de travail «parfait» ni de lieu de travail «parfait», qui ne crée aucun stress psychosocial ou physique, il est souvent nécessaire de procéder à des compromis quand on désire améliorer le lieu de travail. La redéfinition des processus oblige généralement à faire la part des choses entre des conditions de travail optimales et la nécessité davoir une productivité acceptable. Il faut donc trouver le meilleur équilibre possible entre les avantages pour la santé de lemployé et sa productivité. Malheureusement, les facteurs de troubles psychosociaux et, donc, de stress sont si nombreux et si étroitement liés quagir sur un seul peut rester sans effet tant que lon naura pas aussi agi sur les autres. Globalement, cet équilibre doit être recherché pour le système tout entier, et comporter en outre un mécanisme compensateur.
Equilibrer le système, cest partir du principe quun lieu de travail, un processus ou un emploi représente plus que la somme des composantes du système. Linteraction entre ces diverses composantes est productrice de résultats plus importants (ou moins importants) que ceux que produirait leur simple somme; elle détermine le potentiel qua le système de donner des résultats satisfaisants. Pour améliorer les conditions de travail, il importe donc de prendre en compte le système de travail au complet. Telle entreprise qui ne prêtera attention quaux aspects technologiques du système finira par créer un déséquilibre parce quelle aura négligé les facteurs personnels et psychosociaux. On pourra sinspirer du modèle de système présenté à la figure 52.9 pour définir et comprendre les liens existant entre les qualifications requises, les facteurs qui interviennent dans la conception du poste et le stress qui doit être atténué.
La suppression de tous les facteurs psychosociaux producteurs de stress étant pratiquement impossible, que ce soit pour des raisons financières ou à cause de certains aspects inhérents aux tâches à accomplir, on doit faire appel à des techniques déquilibrage par compensation. Ces techniques visent à réduire le stress psychologique en améliorant certains éléments du travail de manière à compenser les effets des éléments que lon ne peut modifier. Cinq éléments déterminants du système de travail fonctionnent de concert pour fournir les ressources qui permettent de réaliser les objectifs de lindividu et de lentreprise par un équilibrage compensateur: ce sont la charge de travail sous ses aspects physiques, les cycles de travail, le contenu du poste, les responsabilités et la socialisation. Nous savons que ces éléments peuvent avoir des effets négatifs, en engendrant notamment du stress, mais ils présentent également des aspects positifs pouvant faire contrepoids. Par exemple, lincapacité dutiliser une nouvelle technologie peut être contrebalancée par une formation des travailleurs. Le manque dintérêt quoffre un travail répétitif et ennuyeux peut être compensé par une structure dencadrement qui encourage la participation et la responsabilisation des travailleurs, et par un enrichissement des tâches qui apporte de la variété. Les conditions de travail des opérateurs de TEV peuvent être améliorées sur le plan social par un rééquilibrage des fonctions qui sont une source potentielle de stress, et par une prise en compte de tous les éléments du travail ainsi que de leur propension à augmenter ou à réduire le stress. La structure de lentreprise elle-même peut être adaptée pour laisser place à des emplois enrichis, et pour apporter le soutien approprié à lindividu. Une augmentation des effectifs, une hausse des niveaux de responsabilité partagée ou un accroissement des ressources financières consacrées au bien-être du personnel constituent dautres solutions envisageables.
Létude des interactions humain-ordinateur a pour objectif fondamental la réalisation dinterfaces de qualité pour les systèmes informatiques.
Linterface peut être définie comme lensemble des parties matérielles et logicielles dun système permettant à une personne dutiliser ce système et dêtre informée de son état de fonctionnement. Les parties matérielles incluent les dispositifs dentrée de données et de pointage (par exemple, clavier, souris), les dispositifs de présentation de linformation (par exemple, écrans, haut-parleurs), les manuels et la documentation technique. Les parties logicielles incluent les commandes et les menus, les icônes, les fenêtres, les retours dinformation, les moyens de navigation, les messages, etc. Les parties matérielles et logicielles de linterface peuvent être très étroitement liées, au point dêtre indissociables (on pensera, par exemple, aux touches de fonction du clavier). Linterface englobe tout ce que lutilisateur perçoit, comprend et manipule lorsquil dialogue avec lordinateur (Moran, 1981). Elle est donc cruciale pour la qualité de la relation entre lhumain et la machine.
Les recherches sur les interfaces ont pour objet daméliorer lutilité, laccessibilité, la performance, la sécurité et lutilisabilité (convivialité) des systèmes informatiques. Lutilité se définit par rapport à la tâche et signifie que le système possède des fonctions qui permettent aux utilisateurs deffectuer leur tâche (par exemple, rédaction, dessin, calcul, programmation). Laccessibilité se définit comme la capacité qua une interface de permettre à plusieurs catégories dutilisateurs notamment aux personnes handicapées, à celles qui travaillent dans des régions éloignées, qui se déplacent constamment, ou dont les deux mains sont mobilisées par le travail dutiliser le système dans le cadre de leurs activités. La performance, considérée ici du point de vue humain et non pas technique, désigne laptitude dun système à améliorer lefficacité de lutilisateur (par exemple, grâce à des macrofonctions, des raccourcis dans les menus, des outils logiciels intelligents). La sécurité désigne la capacité qua linterface de permettre aux utilisateurs de travailler sans risque daccidents ou de pertes mettant en cause des humains, du matériel, des données ou lenvironnement. Enfin, lutilisabilité se définit comme la facilité dapprentissage et dutilisation du système pour lutilisateur. Par extension, elle inclut aussi lutilité et la performance telles quelles sont définies ci-dessus.
Les interfaces humain-ordinateur ont connu un développement fulgurant depuis linvention des systèmes dexploitation en temps partagé en 1963 et, surtout, depuis lavènement de la micro-informatique en 1978 (pour un historique, voir Gaines et Shaw, 1986). Ce développement a été poussé principalement par trois facteurs agissant de façon simultanée.
Premièrement, lévolution très rapide de la technologie informatique, fruit des progrès réalisés dans les domaines de lélectrotechnique, de la physique et de linformatique, a joué un rôle déterminant dans le développement des interfaces. Elle a engendré des ordinateurs de plus en plus puissants et rapides, dotés de grandes capacités de mémoire, décrans graphiques à haute résolution et de dispositifs de pointage plus naturels (par exemple, la souris, la boule roulante) permettant des manipulations directes. Cette technologie a aussi rendu possible lavènement de la micro-informatique. Elle a produit des interfaces en mode caractère dans les années soixante-soixante-dix, des interfaces graphiques à la fin des années soixante-dix, puis, dès le milieu des années quatre-vingt, des interfaces multimédias et hypermédias exploitant un environnement virtuel ou adjointes à un système de reconnaissance des données (par exemple, de la voix, des caractères manuscrits, des gestes). Dimportantes activités de recherche-développement se poursuivent depuis quelques années sur ces divers sujets (Waterworth et Chignel, 1989; Rheingold, 1991). Cette évolution technologique sest accompagnée de la mise au point doutils logiciels plus perfectionnés pour la création dinterfaces (par exemple, systèmes de fenêtrage, bibliothèques dobjets graphiques, systèmes de prototypage), outils qui réduisent grandement les délais de fabrication dinterfaces.
Deuxièmement, les utilisateurs des systèmes informatiques jouent un rôle majeur dans le développement de bonnes interfaces, et ce pour trois raisons principales. Dune part, les utilisateurs actuels ne sont souvent ni des ingénieurs ni des scientifiques, contrairement à ceux des premiers ordinateurs, de sorte quils exigent des systèmes faciles à apprendre et à utiliser. Dautre part, leur population est extrêmement variée par rapport à lâge, au sexe, à la langue, à la culture, à la formation, à lexpérience, aux compétences, aux motivations, et aux centres dintérêt. Les interfaces doivent donc être plus souples et mieux adaptées à la diversité de leurs besoins et de leurs attentes. Enfin, les utilisateurs uvrent dans divers domaines dactivité et exécutent un très large éventail de tâches. Par conséquent, les concepteurs doivent sans cesse réévaluer la qualité de leurs interfaces.
Enfin, la concurrence très vive observée sur le marché et le durcissement des exigences en matière de sécurité favorisent aussi le développement de meilleures interfaces. Ces préoccupations émanent de deux groupes de population dont les intérêts sont complémentaires: dune part, les fabricants de logiciels, qui cherchent à réduire leurs coûts tout en donnant à leurs produits des caractéristiques qui leur soient propres afin de les rendre plus attrayants sur le marché et, dautre part, ceux qui utilisent ces logiciels pour offrir des produits ou des services compétitifs à leurs clients. Pour les uns comme pour les autres, des interfaces de qualité présentent de nombreux avantages:
Des interfaces de qualité peuvent nettement contribuer à améliorer la productivité des utilisateurs et la qualité de leur travail et à réduire les coûts de formation. Mais, pour cela, il faut que la conception et lévaluation des interfaces soient fondées sur des principes ergonomiques et des règles pratiques qui se présentent sous la forme de lignes directrices, de normes édictées par les grands fabricants de systèmes ou de normes internationales. Il sest constitué au fil des ans un imposant corpus de principes et de lignes directrices ergonomiques se rapportant à la conception des interfaces (Scapin, 1986; Smith et Mosier, 1986; Marshall, Nelson et Gardiner, 1987; Brown, 1988). On y trouve tout ce quil faut savoir sur les interfaces en mode caractère et des interfaces graphiques, ainsi que différents critères dévaluation. Il représente une source dinformation très précieuse pour la conception et lévaluation des interfaces, même si son utilisation pose certains problèmes dans la pratique (par exemple, terminologie imprécise, insuffisance des données sur les conditions dutilisation, présentation difficile à suivre).
Les grands fabricants de systèmes informatiques se sont eux-mêmes dotés de lignes directrices et de normes pour la conception des interfaces. Elles sont regroupées dans les ouvrages suivants:
Ces lignes directrices visent à faciliter la mise au point dinterfaces en assurant un minimum duniformité et de cohérence entre les interfaces utilisées sur une même plate-forme informatique. Précises, détaillées et souvent très complètes, elles présentent lavantage dêtre connues, faciles daccès et abondamment suivies sur le terrain. Elles représentent de facto les normes de conception utilisées par les concepteurs et sont, à ce titre, indispensables.
Enfin, les normes de lOrganisation internationale de normalisation (ISO) constituent aussi une source de références très précieuse pour la conception et lévaluation des interfaces. Elles ont essentiellement pour but dassurer une certaine uniformité entre les interfaces, indépendamment des plates-formes informatiques utilisées et des domaines dapplication. Elles ont été élaborées en association avec les organisations nationales de normalisation, au terme de nombreux échanges entre des chercheurs, des concepteurs et des fabricants. La principale norme ISO qui sapplique à la conception des interfaces est la norme ISO 9241 (1992), qui traite des caractéristiques ergonomiques des terminaux à écran de visualisation. Elle comprend 17 parties. A titre dexemple, les parties 14, 15, 16 et 17 portent sur quatre formes de dialogue entre lhumain et lordinateur, à savoir les menus, les langages de commande, la manipulation directe et le remplissage des formulaires. Les normes ISO doivent avoir priorité sur les autres lignes directrices et principes de conception. Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons les principes qui doivent guider la conception des interfaces.
Gould et Lewis (1985) ont proposé quatre principes de conception en se concentrant sur les besoins de lutilisateur dun terminal à écran de visualisation:
Ces principes sont expliqués en détail dans létude de Gould (1988). Très pertinents lors de leur première parution, en 1985, ils le demeurent encore aujourdhui parce quon est toujours incapable de prévoir ce que donnera une interface sans la faire évaluer par les utilisateurs. Ils sont au cur des cycles délaboration centrés sur lutilisateur proposés par plusieurs auteurs (Gould, 1988; Mantei et Teorey, 1989; Mayhew, 1992; Nielsen, 1992; Robert et Fiset, 1991).
Dans la suite du texte, nous analysons cinq étapes du cycle délaboration qui savèrent déterminantes pour la qualité des interfaces.
Lanalyse ergonomique des tâches constitue lun des axes fondamentaux de la conception des interfaces. Elle consiste essentiellement à cerner la nature des responsabilités et des activités de lutilisateur, ce qui permet de concevoir des interfaces compatibles avec les caractéristiques des tâches à exécuter. Chaque tâche revêt deux aspects:
Lécart inévitable qui existe entre les deux est dû au fait que la tâche théorique ne tient pas compte des variations et des imprévus du travail, et que les utilisateurs se représentent mentalement leur travail de différentes façons. Une analyse de la tâche théorique ne permet pas, à elle seule, de bien comprendre leurs activités.
Lanalyse des activités porte sur des points tels que les objectifs de la personne au travail, la nature des opérations effectuées, leur organisation temporelle (en ordre successif ou en parallèle), leur fréquence, les modes opératoires mis en jeu, les décisions, les sources de difficulté, les erreurs et les modes de correction. Cette analyse renseigne sur les différentes opérations effectuées au cours de la tâche (détecter, rechercher, lire, comparer, juger, décider, estimer, anticiper), sur les objets manipulés (par exemple, dans le contrôle de processus: température, pression, débit, volume) et sur les relations entre les opérations et les objets. Le contexte dans lequel la tâche est exécutée influe sur ces relations. De telles données sont indispensables pour définir et structurer les fonctions du futur système.
Lanalyse de la tâche comporte au moins trois étapes, soit la collecte, la compilation et lanalyse des données. Elle peut être effectuée avant, pendant ou après linformatisation de la tâche. Dans chaque cas, elle donne des repères essentiels pour la conception et lévaluation de linterface. Elle vise toujours la tâche réelle; cependant elle peut aussi porter sur les tâches futures dans le cadre dune simulation ou de lessai dun prototype. Quand elle a lieu avant informatisation, elle porte sur les «tâches externes», cest-à-dire sur les tâches extérieures à lordinateur (Moran, 1983), telles quelles sont effectuées avec les outils de travail habituels. Cette analyse est utile même si la tâche est appelée à subir des modifications majeures avec linformatique, car elle permet de connaître la nature et la logique de la tâche, les procédures de travail, la terminologie, les opérations accomplies et les objets de la tâche, les outils de travail et les sources de difficulté. Elle apporte ainsi les données nécessaires à loptimisation et linformatisation de la tâche.
Pendant linformatisation, lanalyse porte sur les «tâches internes», telles quelles sont exécutées et représentées par le système informatique. La collecte des données se fait à laide dun prototype du système. Elle porte sur les mêmes points que précédemment, mais vus dans la perspective dune informatisation.
Après linformatisation, lanalyse porte aussi sur les tâches internes, mais elle se fait cette fois avec le système informatique définitif. Elle sert souvent à évaluer les interfaces existantes ou à en concevoir de nouvelles.
Lanalyse hiérarchisée des tâches est une méthode couramment utilisée en ergonomie cognitive, qui se révèle très utile dans un grand nombre de domaines, y compris pour concevoir des interfaces (Shepherd, 1989). Elle consiste à décomposer la tâche en plusieurs sous-tâches dont chacune peut être décomposée à son tour en une ou plusieurs autres sous-tâches jusquà ce que lon ait atteint un niveau de décomposition satisfaisant. Quand linformation est recueillie directement auprès de lutilisateur (selon quon linterroge ou quil pense tout haut), cette décomposition hiérarchisée peut donner une idée de la façon dont il se représente la tâche. Les résultats de lanalyse peuvent être représentés sous forme darbre ou de tableau, chaque formule ayant ses avantages et ses inconvénients.
Lautre axe clé de la conception des interfaces est lanalyse des caractéristiques des utilisateurs. Elle peut porter sur lâge, le sexe, la langue et la culture, la formation, les connaissances techniques ou informatiques, les compétences, la motivation, etc. Leurs variations sont à lorigine des différences observées à lintérieur des groupes dutilisateurs et entre eux. Un des principes de base à respecter au moment de concevoir des interfaces est donc de considérer que lutilisateur moyen nexiste pas. Il vaut mieux chercher à définir les différents groupes dutilisateurs concernés et à connaître leurs caractéristiques. Il est souhaitable que des représentants de chaque groupe participent à la conception et à lévaluation des interfaces.
Dautre part, certaines caractéristiques des utilisateurs nous sont aussi révélées par la psychologie, lergonomie ou les sciences cognitives, comme la perception, la mémoire, la représentation mentale, la prise de décisions, et les moyens dapprentissage (Wickens, 1992). Il est clair que la seule façon de créer des interfaces véritablement adaptées est de prendre en compte les effets de ces variations sur les capacités, les limites et les modes de fonctionnement des utilisateurs.
Jusquà maintenant, les études ergonomiques concernant les interfaces ont presque exclusivement porté sur les capacités sensorielles, cognitives et motrices des utilisateurs, aux dépens des dimensions affective, sociale et comportementale, même si lon observe une réelle ouverture de ce côté depuis quelques années (pour une étude de lêtre humain en tant que système intégré de traitement de linformation, voir Rasmussen (1986); on trouvera aussi chez Thimbleby (1990) et Mayhew (1992) une analyse des points importants à considérer chez les utilisateurs lors de la conception des interfaces). Les paragraphes qui suivent présentent cinq grandes caractéristiques des utilisateurs dont il est important de tenir compte à cet égard.
Les utilisateurs se construisent un modèle mental de leur système, modèle qui correspond à la façon dont ils perçoivent et comprennent ce système. Par conséquent, il varie en fonction de leur niveau de connaissance et dexpérience (Hutchins, 1989). Pour minimiser le temps dapprentissage et faciliter lutilisation dun système, il faut faire en sorte que le modèle sur lequel le système a été conçu ressemble à la représentation mentale que sen fait lutilisateur. Il est à noter cependant que les deux modèles ne sont jamais identiques. Un modèle mental se caractérise par le fait dêtre personnel (Rich, 1983), incomplet, inégal dune partie à lautre du système, éventuellement erroné sur certains points et en constante évolution. Il joue un rôle mineur dans les tâches de routine, mais un rôle capital dans les tâches inhabituelles et dans le diagnostic des problèmes (Young, 1981). Sans un bon modèle mental, ces derniers types de tâches poseront des difficultés à lutilisateur. Pour les concepteurs dinterfaces, il sagit de créer des systèmes dont les interactions avec lutilisateur amènent ce dernier à se construire un modèle mental proche du modèle conceptuel des systèmes.
Les utilisateurs apprennent beaucoup par analogie (Rumelhart et Norman, 1983). Cest dire que lutilisation danalogies ou de métaphores appropriées dans linterface facilitera lapprentissage en optimisant le transfert de savoir à partir de situations ou de systèmes déjà connus. Des analogies ou des métaphores sont employées pour de nombreux éléments de linterface, tels que les noms de commandes et de menus, les symboles, les icônes, les codes (forme, couleur), les messages, etc. Lorsquelles sont utilisées intelligemment, elles peuvent grandement contribuer à rendre les interfaces plus naturelles et plus transparentes pour les utilisateurs. Par contre, lorsquelles ne sont pas pertinentes, elles peuvent nuire aux utilisateurs (Halasz et Moran, 1982). Les deux métaphores utilisées jusquà maintenant dans les interfaces graphiques sont celle du pupitre et, de façon beaucoup plus restreinte, celle de la pièce.
Les utilisateurs préfèrent généralement apprendre une nouvelle application informatique en lutilisant directement, plutôt quen lisant un manuel ou en suivant des cours. Ils préfèrent lapprentissage par laction qui sollicite leurs facultés cognitives. Toutefois, ce mode dapprentissage présente certains inconvénients (Carroll et Rosson, 1988; Robert, 1989). Il requiert une interface compatible, transparente, cohérente, souple et insensible aux défaillances, outre des fonctions dans linterface qui sont déterminantes pour lutilisabilité, comme le retour dinformation, les systèmes daide à lutilisateur et à la navigation, ou le traitement des erreurs (dans ce contexte, les «erreurs» sont des opérations que lutilisateur désire annuler). Une bonne interface apporte une certaine autonomie à lutilisateur au cours de lexploration.
Les connaissances des utilisateurs augmentent avec lexpérience, mais tendent aussi à plafonner rapidement. Cela implique quil faut créer des interfaces souples et capables de répondre simultanément aux besoins dutilisateurs ayant différents niveaux de connaissances. Lidéal serait quelles puissent sadapter au contexte et fournir une aide personnalisée à lutilisateur. Cest notamment ce que peut faire le système EdCoach, conçu par Desmarais et coll. (1993). Un classement des utilisateurs dans les catégories «débutant», «niveau intermédiaire» et «expert» ne convient pas pour la création dinterfaces, car il est trop rigide et ne tient pas compte des différences entre les individus. La technologie informatique permet maintenant de répondre aux besoins de différents types dutilisateurs. Elle en est cependant encore au stade de la recherche et non des applications commerciales (Egan, 1988). Lengouement actuel pour les systèmes daide à lexécution laisse présager un fort développement de ces systèmes au cours des années à venir.
Enfin, il faut voir que les utilisateurs font des erreurs, indépendamment de leur niveau de compétence et de la qualité de leur système. Une étude allemande réalisée par Brodbeck et coll. (1993) révèle que les cols blancs qui travaillent sur ordinateur consacrent au moins 10% de leur temps à traiter des erreurs. Lune des causes derreurs tient au fait que les utilisateurs ont plus tendance à «guérir» quà «prévenir» (Reed, 1982). Ils préfèrent agir rapidement au risque de faire des erreurs et de devoir les corriger par la suite, plutôt que de travailler plus lentement pour éviter den commettre. Il est capital den tenir compte quand on met au point des interfaces humain-ordinateur. En outre, le système devra être insensible aux défaillances et intégrer de bonnes fonctions de traitement des erreurs (Lewis et Norman, 1986).
Lanalyse des besoins est explicitement prévue dans le cycle de développement proposé par Robert et Fiset (1991); elle correspond à lanalyse fonctionnelle chez Nielsen et elle est intégrée à dautres étapes (analyse des tâches, des caractéristiques des utilisateurs ou des exigences posées) chez dautres auteurs. Elle consiste à définir, analyser et organiser tous les besoins que le système informatique peut satisfaire. Elle permet de savoir quelles fonctions ajouter au système. Lanalyse des tâches et celle des caractéristiques des utilisateurs, expliquées plus haut, devraient aider à cerner une bonne partie des besoins, mais elles peuvent se révéler insuffisantes pour définir les besoins nouveaux découlant de lapplication de nouvelles technologies ou de nouveaux règlements (sur la sécurité, par exemple). Lanalyse des besoins vient combler cette lacune.
Lanalyse des besoins procède de la même façon que lanalyse fonctionnelle des produits. Elle requiert la participation de personnes intéressées par le produit et complémentaires les unes des autres de par leur formation, leur métier ou leur expérience professionnelle. Ce groupe peut comprendre de futurs utilisateurs du système, des contremaîtres, des experts du domaine et, selon le cas, des spécialistes de la formation, de lorganisation du travail et de la sécurité. Par ailleurs, on pourra examiner la documentation scientifique et technique touchant le domaine dapplication visé afin de connaître létat actuel des connaissances. On peut aussi vérifier les systèmes concurrents utilisés dans des domaines comparables ou connexes. Les différents besoins qui découlent de ces analyses sont ensuite classés, pondérés et présentés sous une forme exploitable pendant tout le cycle délaboration.
Le prototypage fait le plus souvent partie du cycle délaboration dune interface. Il consiste à construire un premier modèle (ou prototype) de linterface, sur papier ou support informatique. Plusieurs ouvrages présentent les caractéristiques du prototypage dans le domaine des interactions humain-ordinateur (Wilson et Rosenberg, 1988; Hartson et Smith, 1991; Preece et coll., 1994).
Le prototypage est une opération pratiquement inévitable pour deux principales raisons:
Le prototypage présente plusieurs avantages pour léquipe de développement. Un prototype permet dintégrer et de visualiser les éléments de linterface dès le début du processus de conception, de repérer rapidement des problèmes précis, de définir un cadre de discussion concret et commun pour léquipe de développement et pour les rencontres avec les clients, et dillustrer de manière simple les différentes solutions possibles pour des besoins de comparaison et pour procéder à des évaluations internes de linterface. Le principal avantage est cependant de permettre aux utilisateurs dévaluer le projet.
La construction de prototypes est possible grâce à plusieurs outils informatiques actuellement offerts sur le marché. Ceux-ci sont à la fois peu coûteux, très puissants et disponibles sur différentes plates-formes informatiques, y compris sur micro-ordinateur: Visual Basic et Visual C++ (™Microsoft Corporation), UIM/X (™Visual Edge Software), HyperCard (™Apple Computer Co.), SVT (™SVT Soft Inc.). Facilement accessibles et relativement faciles à apprendre, ils sont de plus en plus répandus chez les concepteurs et les évaluateurs de systèmes.
Lajout dune étape consacrée au prototypage a modifié en profondeur le processus délaboration des interfaces. Sa rapidité et sa souplesse dexécution sont telles que les concepteurs ont maintenant tendance à réduire les analyses préliminaires (des tâches, des caractéristiques des utilisateurs et des besoins) et à compenser ce vide analytique par un allongement des cycles dévaluation. Ils partent du principe que les problèmes ressortent nécessairement des tests dutilisabilité et quil est plus économique de prolonger la phase dévaluation que de passer plus de temps aux analyses préliminaires.
Lévaluation auprès des utilisateurs savère un moyen indispensable et efficace daméliorer lutilité et lutilisabilité des interfaces (Nielsen, 1993). Elle se fait sous forme électronique dans la grande majorité des cas, mais un prototype sur papier est aussi parfois utilisé. Cest une opération itérative qui sinscrit dans un cycle dévaluation et de modification du prototype jusquà ce que linterface soit jugée satisfaisante. Plusieurs séances dévaluation peuvent être nécessaires. Lévaluation peut se dérouler dans le milieu de travail des utilisateurs ou dans un laboratoire spécialisé (Nielsen, 1994).
Dautres méthodes ne requièrent pas la participation des utilisateurs; elles peuvent venir en complément dune évaluation effectuée par les utilisateurs (Karat, 1988; Nielsen, 1993, Nielsen et Mack, 1994). Lune de ces méthodes, passablement répandue, consiste à appliquer des critères comme la compatibilité, la cohérence, la clarté visuelle, la précision des commandes, la souplesse dutilisation, leffort mental exigé, la qualité du retour dinformation, la qualité des systèmes daide et de traitement des erreurs. Pour une définition détaillée de ces critères, voir Bastien et Scapin (1993); ils constituent aussi la base dun questionnaire dévaluation ergonomique des interfaces (Shneiderman, 1987; Ravden et Johnson, 1989).
Une fois lévaluation terminée, il faut trouver des solutions aux problèmes répertoriés, sentendre sur des modifications, les mettre en uvre, et décider sil y a lieu de créer un nouveau prototype.
Cet article sur la réalisation dune interface a mis en lumière les principaux enjeux et les grandes orientations actuelles que lon observe dans le domaine des interactions humain-ordinateur. Il en ressort: a) que les analyses des tâches, des caractéristiques des utilisateurs et des besoins jouent un rôle fondamental dans la compréhension des besoins à satisfaire et, par conséquent, des fonctions que linterface doit posséder; et b) que le prototypage et une évaluation par les utilisateurs sont indispensables pour connaître le degré dutilisabilité des interfaces. On sait énormément de choses sur les interactions entre lhumain et lordinateur, savoir qui se traduit par divers principes, lignes directrices et normes de conception. Pourtant, il est actuellement impossible de construire une bonne interface du premier coup. Cela constitue un enjeu majeur pour les années à venir. Il est impératif détablir des liens plus explicites, directs et formels entre létape danalyse (des tâches, des caractéristiques des utilisateurs, des besoins, du contexte) et létape de conception. Il faudra aussi trouver des moyens dappliquer dune façon plus directe et plus simple, au moment de concevoir une interface, les connaissances que lon possède actuellement en matière dergonomie.
Les normes ergonomiques peuvent revêtir de nombreuses formes: règlements promulgués au niveau national, directives et normes instituées par des organismes internationaux, etc. Elles contribuent dans une large mesure à améliorer lutilisabilité des systèmes. Lexistence de normes de conception et de critères de performance apporte aux gestionnaires lassurance que les systèmes quils achètent pourront être utilisés de façon rentable et efficiente, confortable et sans danger. Elle fournit également aux utilisateurs des repères leur permettant dévaluer leurs propres conditions de travail. Lauteur sest concentré sur la norme ergonomique 9241 (1992) émise par lOrganisation internationale de normalisation (ISO), car elle énonce des critères importants et reconnus partout dans le monde qui touchent à la conception et au choix des équipements et systèmes de visualisation sur écran. Pour faire son travail, lISO sen remet à divers comités techniques. Lun dentre eux, le Comité technique TC 159/SC 4 (Ergonomie de linteraction homme/système), est responsable des normes ergonomiques applicables aux interactions entre lêtre humain et les systèmes produits par les nouvelles technologies. Il se compose de représentants des organismes de normalisation nationaux des pays membres; pendant leurs réunions, les délégations nationales sont amenées à discuter et à voter sur diverses résolutions et divers documents techniques. Le travail technique de fond est réparti entre huit groupes de travail qui sen divisent létude selon la liste des éléments énumérés à la figure 52.11. Cest à ce sous-comité, auquel appartient lauteur, que lon doit la norme ISO 9241 (1992).
Le travail de lISO revêt une grande importance sur le plan international. Les principaux fabricants de TEV prêtent beaucoup dattention aux directives de lISO. Ce sont pour la plupart des entreprises internationales. Si lon se place du point de vue de ces entreprises, il est évident que les solutions les meilleures et les plus efficaces apportées aux problèmes posés par la conception des lieux de travail sont celles qui résultent dun accord international. De nombreuses institutions régionales, comme le Comité européen de normalisation (CEN), ont adopté les normes ISO partout où elles semblaient appropriées. LAccord de Vienne, signé par lISO et le CEN, est linstrument officiel garantissant une collaboration effective entre les deux organismes. Différentes parties de la norme ISO 9241, approuvées et publiées en tant que normes internationales, sont adoptées à titre de normes européennes et sont alors intégrées au texte EN 29241. Etant donné que les normes CEN supplantent les normes nationales de lUnion européenne (EU) et celles des Etats membres de lAssociation européenne de libre-échange (AELE), les normes de lISO prennent de plus en plus de poids en Europe, ce qui, à son tour, met plus que jamais cette organisation dans lobligation de produire des normes et des directives de qualité sur les TEV.
On peut élaborer des normes soit en fonction des produits, soit en fonction de la performance à réaliser par lutilisateur. Ainsi, plutôt que de prescrire telle ou telle caractéristique pour un produit et dexiger, par exemple pour les caractères, une hauteur dont on croit quelle les rendra visibles à lécran, certains bureaux de normalisation préfèrent élaborer des procédures qui permettent dévaluer directement des attributs particuliers comme la visibilité. La norme consiste alors à définir le niveau de performance attendu de léquipement et non la façon dont ce niveau est obtenu. Les paramètres de performance pouvant être mesurés incluent la précision, la rapidité et le confort.
Les normes de ce type présentent plusieurs avantages, car elles sont:
Toutefois, elles ne sont pas sans inconvénients. En effet, elles ne peuvent être complètes ou scientifiquement valables dans tous les cas. Elles constituent néanmoins laboutissement de compromis raisonnables dont lapprobation par toutes les parties intéressées demande, certes, beaucoup de temps.
La norme ergonomique de base concernant les TEV, ISO 9241, nous renseigne sur les aspects ergonomiques des produits et sur les façons dévaluer les propriétés ergonomiques dun système. Tout renvoi à la norme ISO 9241 sapplique aussi à la norme EN 29241. Certaines rubriques fournissent quelques indications générales à considérer au moment de concevoir un équipement, un logiciel et les tâches à effectuer. Dautres parties contiennent des règles générales de conception et des exigences plus précises en relation avec les technologies du moment, le but étant daider les concepteurs. En plus détablir des spécifications pour les produits, la norme ISO 9241 souligne la nécessité de définir les facteurs qui influencent la performance de lutilisateur, en précisant comment évaluer cette performance afin de pouvoir juger si le système est approprié au contexte dans lequel il servira.
La norme ISO 9241 a été créée en vue dune application à des tâches et à un cadre de bureau. Cela signifie que, dans dautres environnements plus spécialisés, il peut être nécessaire de prévoir certaines dérogations à la norme. Dans de nombreux cas, cette adaptation de la norme générale donne de meilleurs résultats que de fixer ou dessayer «à laveugle» une norme isolée spécifique à une situation précise. En fait, lun des problèmes que posent les normes ergonomiques concernant les TEV est que la technologie évolue à un rythme que les organes de normalisation ne peuvent suivre. Ainsi, il arrive quun nouvel équipement ne respecte pas exactement les prescriptions dune norme parce quil apporte une solution radicalement différente de ce que lon avait prévu à lorigine lorsque la norme a été écrite. Par exemple, les premières normes réglementant la qualité des caractères affichés à lécran supposaient une matrice de construction simple pour ce qui est du nombre de points de séparation. Aussi, des polices de caractères plus récentes et plus lisibles seraient-elles en contravention par rapport à cette norme dorigine puisque, de par leur conception même, elles nauraient pas le nombre de points imposé entre les caractères.
A moins que les normes ne soient spécifiées en termes de performance à atteindre, les utilisateurs des normes ergonomiques doivent être prêts à accepter que les fournisseurs puissent en respecter les exigences en démontrant que leur solution permet dobtenir une performance équivalente, voire supérieure, dans la poursuite du même objectif.
Le fait dutiliser la norme ISO 9241 au moment de définir les caractéristiques des TEV et den faire lachat rend clairement les gestionnaires responsables des questions liées à lergonomie des écrans et contribue à ce que ces questions soient prises en compte aussi bien par lacheteur que par le fournisseur. Par conséquent, la norme est un élément utile de la stratégie suivie par tout employeur soucieux de protéger la sécurité et la santé des utilisateurs décran et den améliorer la productivité.
La partie 1 de la norme ISO 9241: Introduction générale , expose les principes qui sous-tendent les différentes parties de la norme. On y explique ce quest lapproche fondée sur la performance de lutilisateur et on y trouve des indications sur la manière dutiliser la norme et de rendre compte de la conformité des équipements à ses différentes parties.
La partie 2 de la norme ISO 9241: Guide général concernant les exigences des tâches , sert dindication aux personnes responsables de la planification du travail sur TEV en ce qui concerne la conception des postes et de chaque tâche. Ces indications sont destinées à améliorer lefficacité et le bien-être des utilisateurs en appliquant les connaissances que lon possède en matière dergonomie à la conception des tâches à effectuer sur TEV. Il y est également question des objectifs et des caractéristiques de lopération de conception des tâches (voir figure 52.12). Enfin, on y explique comment répertorier et définir les exigences des tâches au sein de chaque entreprise et comment en tenir compte dans la conception et limplantation de son système de production.
La partie 3 de la norme ISO 9241 (EN 29241): Exigences relatives aux écrans de visualisation , établit les caractéristiques ergonomiques que les écrans doivent présenter pour être lus dans de bonnes conditions de confort, de sécurité et defficacité et permettre lexécution des tâches bureaucratiques. Bien quelle vise précisément les écrans utilisés pour un travail de bureau, les indications quelle contient valent pour la plupart des applications qui demandent des écrans tout usage. Un essai de performance est proposé qui, une fois approuvé, pourra servir de base au contrôle des performances et deviendra un moyen supplémentaire de garantir la conformité des TEV à la norme.
La partie 7 de la norme ISO 9241: Exigences daffichage concernant les réflexions , se veut un guide pour faciliter lévaluation des reflets renvoyés par les écrans de visualisation, y compris par ceux dont la surface a été traitée. Elle sadresse aux fabricants décrans soucieux de ce que les traitements antireflet ne nuisent pas à la qualité de limage.
La partie 8 de la norme ISO 9241: Exigences relatives aux couleurs affichées , traite des conditions que doivent remplir les écrans qui produisent des images couleur, conditions beaucoup plus nombreuses que les règles générales établies pour les écrans monochromes et énoncées dans la troisième partie.
La partie 4 de la norme ISO 9241: Exigences relatives aux claviers , prévoit que le clavier doit être inclinable, séparé de lécran et dun emploi facile, qui ne fatigue pas les bras ni les mains. Elle indique également quelles caractéristiques ergonomiques le clavier alphanumérique doit présenter pour lexécution des tâches bureaucratiques dans de bonnes conditions de confort, de sécurité et defficacité. Encore une fois, bien quelle vise précisément le travail de bureau, elle vaut pour la plupart des applications nécessitant des claviers alphanumériques tout usage. Enfin, cette norme inclut des spécifications de conception et une méthode alternative dessai de conformité.
La partie 9 de la norme ISO 9241: Exigences relatives aux dispositifs dentrée autres que les claviers , établit des exigences ergonomiques pour des dispositifs comme la souris et autres outils de pointage pouvant être utilisés avec un TEV. Un test de performance est également inclus.
La partie 5 de la norme ISO 9241: Aménagement du poste de travail et exigences relatives aux postures , vise à alléger le travail à lécran et à encourager lutilisateur à adopter une posture de travail confortable et saine. Les conditions à remplir pour cela y sont énoncées. Elles concernent notamment:
On y décrit les caractéristiques du lieu de travail qui favorisent ladoption de postures saines et confortables, et on y trouve des directives de conception des matériels.
La partie 6 de la norme ISO 9241: Guide général relatif à lenvironnement de travail , établit les exigences ergonomiques auxquelles doit satisfaire lenvironnement de travail des utilisateurs de TEV sur le plan visuel, acoustique et thermique. Elle a pour objet de créer un environnement propice à une utilisation efficace du TEV et permettant à lopérateur de travailler dans des conditions de sécurité et de confort.
On y trouve une description des caractéristiques de lenvironnement de travail qui influent sur lefficacité et le confort de lutilisateur, et des lignes directrices pour la conception des TEV. Même lorsquil leur est possible dagir dans des limites strictes sur leur environnement de travail, les jugements que portent les utilisateurs sur la qualité de cet environnement varient, en partie en raison des préférences de chacun, mais aussi parce que telle tâche peut exiger un environnement tout à fait différent. Les utilisateurs qui restent assis devant leur TEV pendant des périodes prolongées, par exemple, sont plus sensibles aux courants dair que les personnes dont les fonctions les obligent à se déplacer dans leur bureau et qui ne travaillent à leur terminal que par intermittence.
Le travail sur TEV réduit souvent les possibilités quont les individus de se déplacer à lintérieur de leur bureau. Aussi, est-il très souhaitable que chacun ait un droit de regard sur lenvironnement de travail. Une grande attention doit être portée aux espaces de travail pour ne pas imposer à la majorité des utilisateurs un environnement inhabituel qui peut avoir la préférence de quelques-uns.
La partie 10 de la norme ISO 9241: Principes de dialogue , fait état des principes ergonomiques qui doivent prévaloir au moment de la conception des dialogues entre lêtre humain et un système informatique. Ils se résument comme suit:
Ces principes sont étayés par plusieurs scénarios qui en illustrent la priorité et limportance relatives dans la pratique. Ces dispositions ont pour origine la partie 8 de la norme allemande DIN 66234 (1988): Principes dune conception ergonomique des dialogues pour les postes de travail équipés dun terminal à écran de visualisation.
La partie 11 de la norme ISO 9241: Lignes directrices relatives à lutilisabilité , apporte une aide aux personnes chargées détablir ou dévaluer les conditions dutilisation en inscrivant les principaux facteurs et paramètres en jeu dans un cadre uniforme et reconnu de tous. Ce cadre peut servir de base à la définition des conditions ergonomiques à remplir. Il contient des descriptions du contexte dutilisation, des évaluations à effectuer ainsi que des critères à prendre en compte pour juger le degré dutilisabilité du système.
La partie 12 de la norme ISO 9241: Présentation de linformation , renseigne sur les aspects ergonomiques propres à la représentation et à la présentation visuelle de linformation. Elle donne des indications sur la façon de représenter des informations complexes, sur la présentation et la conception des écrans, et sur lutilisation des fenêtres. Elle constitue un résumé utile de labondant corpus de directives et de recommandations qui existent sur le sujet. Elle a la forme de lignes directrices qui nexigent lexécution daucun test formel de conformité.
La partie 13 de la norme ISO 9241: Guidage de lutilisateur , propose en fait aux fabricants des recommandations concernant le guidage des utilisateurs. Il sagit notamment de la documentation, des écrans daide, des systèmes de gestion des erreurs et des autres aides que fournissent de nombreux logiciels. Pour évaluer lutilisabilité dun produit dans la pratique, les utilisateurs réels auront avantage à prendre en compte les informations et les directives données par le fournisseur sous la forme de manuels, dexercices pratiques, etc., ainsi que les caractéristiques particulières du produit en question.
La partie 14 de la norme ISO 9241: Dialogues de type menu , fournit une aide pour la conception des systèmes pilotés par menu. Elle vaut aussi bien pour les menus avec texte que pour les menus déroulants et les menus fugitifs des systèmes graphiques. Elle contient un grand nombre de directives élaborées à partir de publications et dautres recherches sur le même sujet. Face à lextrême variété et à la complexité des systèmes pilotés par menu, cette partie de la norme prévoit une forme de «conformité conditionnelle». Chaque directive est assortie de critères qui aident à déterminer si elle est applicable au système en question. Quand cest le cas, dautres critères permettent détablir si le système remplit ou non ces conditions.
La partie 15 de la norme ISO 9241: Dialogues de type langage de commande , apporte une aide pour la conception des dialogues de commande avec texte. Les dialogues se présentent dans ces encadrés bien connus qui apparaissent à lécran pour poser des questions à lutilisateur de TEV, comme dans le cas dune demande de recherche. Le logiciel crée un «dialogue» dans lequel lutilisateur doit fournir le terme à trouver ainsi que toute autre indication utile sur ce terme, telle que la casse ou le format.
La partie 16 de la norme ISO 9241: Dialogues de type manipulation directe , traite de la conception des dialogues de manipulation directe et des techniques de dialogue du type «tel écran, tel écrit», quils soient proposés seuls ou associés à dautres techniques de dialogue. La règle de conformité conditionnelle prévue à la partie 14 pourrait aussi sappliquer à ce type dinteraction.
La partie 17 de la norme ISO 9241: Dialogues de type remplissage de formulaires , en est encore à ses tout premiers stades délaboration.
La directive relative aux écrans de visualisation sinscrit dans une série de directives couvrant divers aspects de la sécurité et de la santé. Ces directives font partie du programme de lUnion européenne (EU) pour la promotion de la sécurité et de la santé dans le marché unique. La directive de base ou directive-cadre 89/ 391/CEE (CCE, 1989) définit les principes généraux de la politique suivie par la Communauté en matière de sécurité et de santé. Ces principes communs comprennent la prévention du risque, chaque fois que possible, par suppression de la cause du risque et lencouragement à des mesures de protection collectives plutôt quindividuelles. Lorsque le risque est inévitable, il doit être convenablement évalué par des personnes qualifiées pour ce faire, et des mesures doivent être prises qui soient en rapport avec son importance. Sil ressort de lévaluation que le niveau de risque est faible, par exemple, des mesures simples pourront parfaitement convenir. En revanche, lorsquil existe un risque important, des mesures strictes sont à prendre. La directive elle-même impose des obligations aux seuls Etats membres, et non aux employeurs ni aux fabricants à titre individuel. Elle exige des Etats membres quils transposent ces obligations en lois, règlements et textes administratifs nationaux appropriés, en vertu desquels les employeurs seront tenus dassurer un minimum de protection à la sécurité et à la santé des utilisateurs décrans de visualisation. Les principales obligations des employeurs sont les suivantes:
La directive relative aux écrans de visualisation a davantage pour objet de définir les modalités dutilisation des postes de travail que dexpliquer comment les produits doivent être conçus. Les obligations énoncées sadressent donc aux employeurs et non aux fabricants de postes de travail. Cependant, beaucoup demployeurs attendent de leurs fournisseurs quils leur donnent des assurances sur la «conformité» de leurs produits. En pratique, cela ne signifie pas grand-chose, vu que la directive ne prévoit quun nombre restreint de règles de conception, au demeurant relativement simples. Ces règles, données dans lannexe (non présentée ici), concernent les dimensions et le pouvoir réfléchissant du plan de travail, la capacité de réglage du siège, la dissociation du clavier et la netteté de limage affichée. |