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Chapitre 52 - Les terminaux à écran de visualisation

INTRODUCTION

Diane Berthelette

L’implantation des nouvelles technologies de l’information touche tous les secteurs d’activité, bien que leur taux de pénétration varie. Dans certains cas en effet, l’importance des ressources financières qui doivent être consacrées à l’automatisation de certains procédés de production peut être un frein à ce type d’innovation, et ce plus particulièrement dans les petites et moyennes entreprises et dans les pays en développement. Les ordinateurs permettent à la fois de recueillir, de stocker, de traiter et de diffuser en peu de temps une grande quantité d’informations. De plus, la mise en réseau des ordinateurs, en permettant un partage des ressources, est un moyen d’en optimiser les capacités (Young, 1993).

L’impact de l’automatisation sur la nature de l’emploi et sur les conditions de travail est important. Depuis le début des années quatre-vingt, les effets potentiels de l’informatisation sur la structuration des tâches et l’organisation du travail sont reconnus, ainsi que leurs conséquences sur les qualifications requises, la gestion des carrières et le stress ressenti par les employés de la production et les cadres. En ce qui concerne spécifiquement la sécurité et la santé au travail, les effets de l’automatisation peuvent être positifs ou négatifs. Dans certains cas, l’implantation d’ordinateurs a permis d’améliorer la qualité de l’environnement de travail, d’alléger la charge de travail et de rendre les tâches plus intéressantes. Dans d’autres cas, l’innovation technologique a contribué à augmenter le caractère répétitif des tâches et la charge de travail, à réduire les possibilités d’initiative et à favoriser l’isolement des travailleurs. De plus, il apparaît que plusieurs entreprises ont développé le travail posté afin de rentabiliser au maximum leurs investissements financiers (BIT, 1984).

A notre connaissance, en 1994, une seule publication dressait un bilan de la répartition des ordinateurs utilisés dans le monde, et présentait les résultats d’analyses rétrospectives et prospectives sur ce sujet: The Seventh Annual Computer Industry 1994-1995 Almanac (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994). Les chiffres publiés dans la dernière édition indiquent que le nombre d’ordinateurs augmente de manière exponentielle, et ce plus particulièrement depuis le début des années quatre-vingt. C’est à cette époque que l’ordinateur personnel s’est véritablement popularisé. Depuis 1987, le développement de nouveaux microprocesseurs (transistors intégrés aux micro-ordinateurs qui exécutent des opérations arithmétiques et logiques) a permis d’accroître considérablement la puissance de calcul des ordinateurs, mesurée en millions d’instructions par seconde (MIPS), la multipliant par 14. A la fin de 1993, leur puissance de calcul s’élevait à 357 millions de MIPS.

Malheureusement, les statistiques disponibles ne permettent pas d’évaluer l’importance relative du nombre d’ordinateurs installés dans les milieux de travail, comparativement à ceux qui sont utilisés à des fins personnelles. De plus, on ne dispose pas de statistiques pour certains secteurs d’activité. Les difficultés méthodologiques posées par la collecte de données valides et fiables sur le sujet expliquent sans doute ces lacunes. Cependant, les rapports des réunions tripartites du programme d’activités sectorielles du Bureau international du Travail (BIT) contiennent des informations pertinentes et exhaustives sur la nature et l’étendue de l’implantation des nouvelles technologies dans divers secteurs d’activité.

En 1986, le nombre d’ordinateurs utilisés dans le monde s’élevait à 66 millions. Trois ans plus tard, il dépassait 100 millions et on estimait alors qu’il atteindrait de 275 à 300 millions en 1997, et plus de 400 millions en l’an 2000. Selon les auteurs (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994), ces prévisions seraient valides dans l’hypothèse d’une large diffusion des ordinateurs multimédias, des autoroutes de l’information, et des technologies de reconnaissance vocale et de réalité virtuelle. De plus, ils estimaient que dans les dix années à venir, la plupart des téléviseurs seraient dotés d’un ordinateur personnel, afin de faciliter l’accès aux autoroutes électroniques.

Selon ces mêmes auteurs, le nombre d’ordinateurs pour 100 habitants s’élevait à 3,1 en 1993. Leurs données portent sur 43 pays répartis dans les cinq continents. Toutefois, les statistiques africaines concernent uniquement l’Afrique du Sud et, en Amérique centrale, seul le Mexique a fourni des chiffres. Les statistiques disponibles indiquent que le nombre d’ordinateurs pour 100 habitants varie de façon très importante entre les pays, soit de 0,07 à 28,7.

D’une manière générale, l’implantation de systèmes informatisés est faible dans les pays en développement (voir tableau 52.1), qui possèdent en moyenne moins d’un ordinateur pour 100 habitants (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994). Non seulement ces pays produisent peu d’ordinateurs et de logiciels, mais ils manquent généralement de ressources financières pour en importer. De plus, leurs systèmes téléphoniques et électriques souvent déficients font obstacle à l’utilisation d’ordinateurs. Par ailleurs, il existe peu de logiciels adaptés à leur réalité linguistique et culturelle. Enfin, la formation dans le domaine de l’informatique fait souvent défaut (Young, 1993). Dans les pays de l’ex-Union soviétique, le nombre d’ordinateurs a sensiblement augmenté depuis la fin de la guerre froide. En Russie par exemple, on estime qu’il est passé de 0,3 million en 1989 à 1,2 million en 1993.

Tableau 52.1 Répartition géographique des ordinateurs par région du monde

Région

 

Nombre d’ordinateurs pour 100 habitants

AMÉRIQUE DU NORD

Canada

Tableau 52.1.

8,8

Etats-Unis

Tableau 52.1.

28,7

AMÉRIQUE CENTRALE

Mexique

Tableau 52.1.

1,7

AMÉRIQUE DU SUD

Argentine

Tableau 52.1.

1,3

Brésil

Tableau 52.1.

0,6

Chili

Tableau 52.1.

2,6

Venezuela

Tableau 52.1.

1,9

EUROPE DE L’OUEST

Allemagne

Tableau 52.1.

12,8

Autriche

Tableau 52.1.

9,5

Belgique

Tableau 52.1.

11,7

Danemark

Tableau 52.1.

16,8

Espagne

Tableau 52.1.

7,9

Finlande

Tableau 52.1.

16,7

France

Tableau 52.1.

12,9

Grèce

Tableau 52.1.

2,3

Irlande

Tableau 52.1.

13,8

Italie

Tableau 52.1.

7,4

Norvège

Tableau 52.1.

17,3

Pays-Bas

Tableau 52.1.

13,6

Portugal

Tableau 52.1.

4,4

Royaume-Uni

Tableau 52.1.

16,2

Suède

Tableau 52.1.

15

Suisse

Tableau 52.1.

14

EUROPE DE L’EST

Hongrie

Tableau 52.1.

2,7

Pologne

Tableau 52.1.

1,7

République tchèque

Tableau 52.1.

2,2

Russie

Tableau 52.1.

0,78

Ukraine

Tableau 52.1.

0,2

OCÉANIE

Australie

Tableau 52.1.

19,2

Nouvelle-Zélande

Tableau 52.1.

14,7

AFRIQUE

Afrique du Sud

Tableau 52.1.

1

ASIE

Arabie saoudite

Tableau 52.1.

2,4

Chine

Tableau 52.1.

0,09

Inde

Tableau 52.1.

0,07

Indonésie

Tableau 52.1.

0,17

Israël

Tableau 52.1.

8,3

Japon

Tableau 52.1.

9,7

Philippines

Tableau 52.1.

0,4

République de Corée

Tableau 52.1.

3,7

Singapour

Tableau 52.1.

12,5

Taiwan, Chine

Tableau 52.1.

7,4

Thaïlande

Tableau 52.1.

0,9

Turquie

Tableau 52.1.

0,8

Moins de 1

Tableau 52.1.

1-5

Tableau 52.1.

6-10

Tableau 52.1.

11-15

Tableau 52.1.

16-20

Tableau 52.1.

21-30

Tableau 52.1.

Source: Juliussen et Petska-Julissen, 1994.

C’est dans les pays industriels que l’on observe la plus grande concentration d’ordinateurs, notamment en Amérique du Nord, en Australie, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni (Juliussen et Petska-Juliussen, 1994). C’est d’ailleurs principalement dans ces régions qu’ont été signalées les premières craintes manifestées par les opérateurs de terminaux à écran de visualisation (TEV) à l’égard des risques que l’utilisation de cette technologie peut comporter pour la santé, et que l’on a entrepris les premières recherches ayant pour but de mesurer la prévalence des atteintes à la santé et de recenser les facteurs de risque. Les problèmes de santé qui ont fait l’objet d’études peuvent être classés en cinq catégories. Les atteintes visuelles et oculaires, les troubles musculo-squelettiques, les affections cutanées et celles qui sont liées à la reproduction et le stress.

Les chercheurs n’ont pas tardé à comprendre que les problèmes de santé observés chez les opérateurs de TEV étaient fonction non seulement des caractéristiques des écrans et de l’aménagement des postes de travail, mais aussi de la nature et de la structure des tâches, de l’organisation du travail et du processus d’implantation de cette technologie dans l’entreprise (BIT, 1989). Par ailleurs, les résultats de plusieurs études indiquent que la prévalence des symptômes ressentis est plus forte chez les opératrices de TEV que chez les opérateurs. D’après des études récentes, les différences observées tiendraient moins à des facteurs biologiques qu’au fait que les femmes ont, en général, moins d’autonomie dans leur travail que leurs homologues masculins. Le stress qui en résulte serait associé aux symptômes qu’elles ressentent.

C’est dans le secteur tertiaire que se sont d’abord généralisés les TEV, où ils ont été utilisés essentiellement pour le travail de bureau et, plus particulièrement, pour les tâches de saisie de données et de traitement de texte. Il n’est donc pas étonnant que la majorité des études ait porté sur les employés de bureau. Dans les pays industriels toutefois, l’informatisation a gagné les secteurs primaire et secondaire. De plus, alors que l’utilisation des TEV était presque entièrement réservée aux employés de la production, on observe maintenant qu’elle touche tous les niveaux hiérarchiques des entreprises. Depuis quelques années, les chercheurs ont étendu leur champ d’investigation à une population d’utilisateurs plus large afin de combler le manque de connaissances scientifiques sur le sujet.

Le terminal à écran de visualisation équipe la plupart des postes de travail informatisés. Il est généralement doté d’outils tels qu’un clavier ou une souris qui permettent de transmettre des données et des instructions à l’ordinateur. Des logiciels traduisent les informations échangées entre l’opérateur et l’ordinateur. De plus, ils définissent le format sous lequel les informations apparaissent à l’écran. Pour évaluer les risques posés par le travail sur écran, il importe de connaître non seulement les caractéristiques des TEV, mais aussi celles des autres composantes de l’environnement de travail. En 1979, Çakir, Hart et Stewart publiaient le premier document exhaustif sur le sujet.

Il est utile de se représenter le matériel de travail des utilisateurs de TEV comme un ensemble d’éléments qui s’emboîtent les uns dans les autres et qui interagissent entre eux (IRSST, 1984). Il s’agit du terminal proprement dit, du poste de travail qui lui-même regroupe les outils de travail et l’ameublement de la pièce dans laquelle le poste se situe, et de l’éclairage. Le deuxième article du présent chapitre passe en revue les principales caractéristiques des postes de travail à écran et de leur éclairage. L’auteur y formule plusieurs recommandations de nature à optimiser les conditions de travail, compte tenu des caractéristiques des utilisateurs, ainsi que de la diversité des tâches et des modes d’organisation du travail. Il insiste à juste titre sur l’importance de choisir des équipements et un mobilier qui permettent une certaine souplesse. Cet aspect est d’autant plus important que l’évolution rapide des technologies et la concurrence internationale incitent constamment les entreprises à innover et les oblige à s’adapter aux changements qui en découlent.

Les six articles suivants sont consacrés aux problèmes de santé qui ont retenu l’attention des chercheurs à la suite des craintes exprimées par les opérateurs de TEV. Les auteurs y analysent les études scientifiques publiées à ce propos en faisant ressortir la portée et les limites des résultats de ces recherches. Ces études font appel à de nombreuses disciplines scientifiques dont l’épidémiologie, l’ergonomie, la médecine, l’ingénierie, la psychologie, la physique et la sociologie. Etant donné la complexité de ces problèmes et surtout leur caractère multifactoriel, les recherches ont souvent été conduites par des équipes multidisciplinaires. En outre, depuis les années quatre-vingt, des congrès internationaux sont régulièrement organisés sur des questions telles que l’interaction entre l’opérateur et la machine ou le travail à l’écran, qui visent à diffuser les résultats des recherches et à favoriser les échanges d’information entre les chercheurs et les concepteurs, les fabricants et les utilisateurs de TEV.

Le huitième article porte plus particulièrement sur les interactions humain-ordinateur. L’auteur y présente les principes et les méthodes sur lesquels se fondent le développement et l’évaluation des outils d’interface. Cet article devrait être utile non seulement aux personnes chargées de produire ces outils, mais également à quiconque s’interroge sur les critères qui doivent présider au choix de ces équipements.

Le neuvième et dernier article, enfin, passe en revue les normes ergonomiques internationales publiées depuis 1995, en ce qui concerne la conception et l’aménagement des postes de travail informatisés. Ces normes ont pour but d’éliminer les risques auxquels les opérateurs de TEV peuvent être exposés dans le cadre de leur travail. Elles contiennent de précieuses directives pour les fabricants des diverses composantes des TEV, pour les employeurs responsables de l’achat des équipements et de l’aménagement des postes et pour le personnel chargé de prendre des décisions en la matière. Ces normes peuvent aussi servir à l’analyse des postes de travail existants et des modifications à y apporter pour optimiser les conditions de travail des opérateurs.

LES CARACTÉRISTIQUES DES POSTES DE TRAVAIL AVEC TEV

Ahmet Çakir

La conception des postes de travail

Les postes de travail avec terminal à écran de visualisation

Les écrans de visualisation des images générées électroniquement (terminaux à écran de visualisation ou TEV) sont l’élément le plus caractéristique des équipements du travail informatisé aussi bien professionnel que privé. Un poste de travail peut ne comporter qu’un TEV et un dispositif de saisie (un clavier, normalement); toutefois, on peut aussi prévoir d’y ajouter divers autres équipements techniques dont plusieurs écrans, des périphériques entrée-sortie, etc. Jusqu’au début des années quatre-vingt, les opérateurs d’ordinateurs faisaient essentiellement de la saisie de données. Aujourd’hui, dans de nombreux pays industriels, ce type de tâche n’est plus exécuté que par un nombre relativement restreint d’utilisateurs. De plus en plus, les journalistes, les cadres et même les cadres supérieurs travaillent directement sur écran.

La plupart des équipements sont conçus pour un travail en position assise, mais dans certains cas la possibilité de travailler debout peut être préférable. Il est donc nécessaire d’établir quelques principes de base pour la conception de postes de travail simples ou complexes utilisables en position assise ou debout. Ces principes directeurs seront formulés ci-dessous, puis appliqués à quelques exemples de situations de travail types.

Principes directeurs pour la conception du poste de travail

La conception du lieu de travail et le choix du matériel devraient prendre en considération non seulement les besoins effectifs de l’utilisateur pour un travail donné et la variabilité de ses tâches pendant la durée de vie relativement longue du mobilier (15 ans ou plus), mais aussi les facteurs liés à l’entretien ou au changement du matériel. La partie 5 de la norme ISO 9241 (1992) pose quatre règles de base qui devraient présider à la conception du poste de travail:

Règle 1: polyvalence et souplesse. Un poste de travail doit permettre à l’utilisateur de réaliser toute une gamme de tâches de façon confortable et efficace. Cette règle prend en considération le fait que les tâches des utilisateurs peuvent varier fréquemment; il y a donc peu de chances que l’aménagement du lieu de travail puisse faire l’objet de directives d’application universelle.

Règle 2: adéquation. La conception d’un poste de travail et de ses composantes doit assurer une adéquation entre les besoins des différents utilisateurs et toute une gamme d’exigences des tâches. La notion d’adéquation s’entend comme le degré de correspondance entre ce que permettent les mobiliers et les matériels et les besoins d’un utilisateur déterminé pour qu’il puisse travailler de façon confortable, sans gêne visuelle ni posturale. S’il n’est pas destiné à un groupe précis d’utilisateurs (par exemple, à des opérateurs de salle de contrôle, d’origine européenne, de sexe masculin et de moins de 40 ans), le poste de travail doit pouvoir convenir à l’ensemble des travailleurs, y compris à ceux qui ont des besoins particuliers, comme les travailleurs handicapés. Or, la plupart des normes applicables au mobilier ou à la conception des lieux de travail ne prennent en considération que certaines catégories de la population active (à savoir les travailleurs en bonne santé se situant entre le 5e et le 95e centile, et âgés de 16 à 60 ans, comme dans le cas de la norme allemande DIN 33402 (1978, 1984a, 1984b, 1986, 1988)) et négligent ceux auxquels il faudrait accorder davantage d’attention. De plus, certaines normes de conception restent fondées sur la notion d’utilisateur «moyen», alors qu’il faudrait mettre l’accent sur l’adaptation à l’individu. En ce qui concerne le mobilier, l’adéquation nécessaire peut être obtenue en prévoyant des possibilités de réglage, en offrant des modèles en plusieurs tailles, ou même du «sur mesure». Cette adéquation est extrêmement importante pour la sécurité et la santé de l’utilisateur dans la mesure où les troubles musculo-squelettiques sont fréquents chez les personnes qui travaillent sur TEV et peuvent être graves.

Règle 3: changement de posture. Le poste de travail devrait être conçu de manière à encourager le mouvement, car un travail statique est source de fatigue et d’inconfort et peut engendrer des problèmes musculo-squelettiques chroniques. Une chaise permettant de bouger aisément le haut du corps, un espace suffisant pour poser et consulter des documents, des claviers dont on peut modifier la position au cours de la journée sont autant de moyens de faciliter le mouvement tout en travaillant sur TEV.

Règle 4: maintenabilité — adaptabilité. La conception du poste de travail devrait prendre en compte des facteurs tels que l’entretien, l’accessibilité et la possibilité d’adapter le lieu de travail en fonction de l’évolution des besoins, en veillant, par exemple, à ce que l’on puisse déplacer les équipements si la tâche à exécuter a changé. Jusqu’à présent, les études ergonomiques ne prêtent guère d’attention à ce type d’objectifs, car on tient pour acquis que les problèmes visés ont été résolus avant que les utilisateurs commencent à travailler à leur poste. En réalité, un poste de travail est un environnement en perpétuelle évolution et ceux de ces postes qui sont encombrés ou qui sont en partie ou totalement inadaptés à la tâche du moment le sont non pas en raison d’une mauvaise conception au départ, mais à cause des changements survenus ultérieurement.

L’application de ces règles

L’analyse des tâches. La conception du lieu de travail devrait être précédée d’une analyse des tâches dont on puisse tirer un certain nombre d’informations sur les tâches essentielles qui devront être exécutées au poste de travail et sur le matériel nécessaire à leur accomplissement. Cette analyse devrait permettre de déterminer la priorité à donner aux sources d’information (documents sur papier, données informatiques, dispositifs de saisie), leur fréquence d’usage et les limitations éventuelles (manque de place, par exemple). Elle devrait prendre en considération les tâches les plus importantes et leurs relations dans l’espace et dans le temps, les zones sur lesquelles l’utilisateur doit pouvoir porter le regard (combien d’objets visuels doit-il utiliser et donc regarder?), la position et l’usage des mains (écriture, dactylographie, pointage?).

Les recommandations générales pour la conception

La hauteur du plan de travail. Si l’on veut utiliser un plan de travail à hauteur fixe, l’espace minimum entre le sol et cette surface doit être plus grand que la somme de la hauteur poplitéale (c’est-à-dire la distance entre le sol et la face postérieure de l’articulation du genou) et de la hauteur de la cuisse (en position assise), à laquelle il faut ajouter l’épaisseur des chaussures (25 mm pour les hommes et 45 mm pour les femmes). Si le poste de travail est conçu pour un usage d’ordre général, on doit retenir la hauteur poplitéale et la hauteur entre la cuisse et le sol en prenant en compte le 95e centile de la population de sexe masculin. La hauteur de l’espace situé au-dessous du bureau sera donc de 690 mm pour la population d’Europe du Nord et les utilisateurs nord-américains d’origine européenne. En ce qui concerne les autres populations, on devra déterminer l’espace minimum requis selon les caractéristiques anthropométriques de la population considérée.

Si l’on détermine de cette façon la hauteur de l’espace requis pour les jambes, la partie supérieure des plans de travail sera trop haute pour une grande partie des utilisateurs visés et au moins 30% d’entre eux auront besoin d’un repose-pieds.

Si la hauteur des plans de travail est réglable, l’amplitude du réglage à prévoir peut être calculée à partir des mesures anthropométriques des utilisateurs de sexe féminin (les 5e ou 2,5e centiles pour la hauteur minimale) et de sexe masculin (les 95e ou 97,5e centiles pour la hauteur maximale). Un poste de travail ayant ces dimensions conviendra en général à une forte proportion de personnes sans aucun changement ou presque. Il résulte de ce calcul un réglage possible entre 600 mm et 800 mm pour les pays ayant une population d’utilisateurs d’origines ethniques diverses. L’application d’une échelle aussi étendue peut se heurter à des difficultés techniques; c’est pourquoi il est possible d’obtenir un meilleur résultat en combinant des dispositifs de réglage à des équipements de différentes tailles.

L’épaisseur minimale acceptable du plan de travail dépend des propriétés mécaniques du matériau dans lequel il est fabriqué. D’un point de vue technique, une épaisseur comprise entre 14 mm (pour le plastique renforcé ou le métal) et 30 mm (pour le bois) est envisageable.

La taille et la forme du plan de travail. La taille et la forme d’un plan de travail sont surtout déterminées par les tâches à accomplir et par l’équipement nécessaire pour les tâches à exécuter.

Pour la saisie de données, une surface rectangulaire de 800 mm par 1 200 mm fournira suffisamment de place pour disposer l’équipement (TEV, clavier, documents et porte-documents) de façon adéquate et pour modifier cette disposition selon les besoins personnels. Des tâches plus complexes peuvent requérir un espace supplémentaire. C’est pourquoi le plan de travail devrait avoir une surface de plus de 800 mm par 1 600 mm. Il devrait être assez profond pour y poser le TEV, ce qui signifie que les TEV à tube cathodique peuvent nécessiter une surface ayant jusqu’à 1 m de profondeur.

En principe, la disposition représentée à la figure 52.1 offre toute la souplesse voulue pour l’exécution de différentes tâches. Cependant, les postes de travail disposés de cette façon ne sont pas faciles à fabriquer. Aussi, la solution la plus proche de la disposition idéale est celle de la figure 52.2. Elle permet de placer un ou deux TEV, des dispositifs de saisie supplémentaires, etc. La superficie minimale du plan de travail doit être supérieure à 1,3 m2.

Figure 52.1 Aménagement d'un poste de travail adaptable aux besoins d'utilisateurs
ayant plusieurs tâches à exécuter

Figure 52.1

Figure 52.2 Aménagement d'un poste de travail adaptable

Figure 52.2

L’aménagement de l’espace de travail. La distribution spatiale de l’équipement au poste de travail devrait être définie après une analyse des tâches destinée à déterminer l’importance et la fréquence d’utilisation de chaque élément (voir tableau 52.2). L’écran le plus fréquemment utilisé devrait être situé dans la zone centrale du champ de vision (zone ombrée de la figure 52.3) et les dispositifs de commande les plus importants et les plus fréquemment utilisés (comme le clavier) devraient se trouver à l’intérieur de la zone d’atteinte proximale. Dans le poste de travail représenté sur la base de l’analyse des tâches (voir tableau 52.2), le clavier et la souris sont de loin les dispositifs de commande qui sont maniés le plus souvent. C’est pourquoi on devra leur donner la toute première priorité à l’intérieur de la zone d’atteinte proximale. Aux documents fréquemment consultés, mais qui ne demandent pas beaucoup de manipulation, on accordera une priorité en rapport avec leur importance (par exemple, ceux qui demandent des corrections à la main). La solution consistant à les placer à droite du clavier est incompatible avec un usage fréquent de la souris, qui, pour les droitiers, doit elle aussi être placée à droite du clavier. Vu qu’en principe le TEV ne nécessite pas de réglages fréquents, il peut être placé à droite ou à gauche par rapport au centre du champ de vision, ce qui permet de poser les documents sur une tablette derrière le clavier. C’est la solution «optimale», même si elle n’est pas parfaite.

Tableau 52.2 Fréquence d'utilisation et importance des différents éléments de l'équipement
pour une tâche donnée

Tableau52.2

Figure 52.3 Champ visuel de l'opérateur

Figure 52.3

Etant donné que de nombreux éléments de l’équipement ont des dimensions en rapport avec les parties correspondantes du corps humain, le fait d’en utiliser pour une seule tâche posera toujours certains problèmes. Cela peut aussi exiger plusieurs déplacements d’un élément du poste de travail à un autre, d’où l’importance d’une disposition du type de celle qui est présentée à la figure 52.1.

Au cours des vingt dernières années, grâce à la miniaturisation de leurs composants, les ordinateurs qui, à l’origine, exigeaient une pièce grande comme une salle de bal, tiennent aujourd’hui dans une boîte. Cependant, contrairement aux espoirs de nombreux praticiens qui pensaient que cette miniaturisation résoudrait la plupart des problèmes d’aménagement du poste de travail, la taille des TEV n’a cessé de grandir: en 1975, la taille la plus répandue pour les écrans était de 15 pouces; en 1995, on trouvait des appareils de 17 à 21 pouces, et les claviers actuels ne sont pas beaucoup plus petits que ceux conçus en 1973. C’est pourquoi il est plus que jamais important d’analyser minutieusement les tâches pour la conception des postes de travail complexes. De plus, bien qu’il existe aujourd’hui de nouveaux dispositifs de saisie, ils n’ont pas remplacé le clavier et nécessitent plus de place encore sur le plan de travail qui doit parfois être fortement agrandi, comme dans le cas des tablettes graphiques en format A3.

Par une gestion efficace de l’espace dans les limites du poste de travail, ainsi que dans celles du bureau où il est installé, il est possible de concevoir des postes de travail ergonomiquement acceptables et d’éviter ainsi divers problèmes de sécurité et de santé.

Gérer efficacement l’espace ne veut pas dire le réduire aux dépens de l’utilisabilité des dispositifs de saisie, et surtout de la vision. L’utilisation d’accessoires, tels qu’un retour ou un bras pour le moniteur fixé par un serre-joint à la table, peut être une bonne façon de gagner de la place sur le plan de travail; cependant, une telle solution peut avoir des effets négatifs sur la posture (bras surélevés) et la vision (ligne de vision déplacée au-dessus de la position de repos). Quand on cherche à réduire l’espace utilisé, il faut veiller à ce que l’utilisateur puisse garder non seulement une distance de vision adéquate (de 600 mm à 800 mm environ), mais aussi une ligne de vision optimale correspondant à un angle d’environ 35º par rapport au plan horizontal (20º pour la tête et 15º pour les yeux).

Les nouveaux concepts pour le mobilier. Autrefois, le mobilier de bureau était conçu en fonction de l’organisation hiérarchique des entreprises: de grands bureaux pour les cadres travaillant dans les locaux de «prestige» à une extrémité de l’échelle; à l’autre, du mobilier de plus petite taille pour les dactylos dans des bureaux dits «fonctionnels». Dans ses grandes lignes, cette conception de l’ameublement de bureau est restée la même pendant des décennies. La situation a été bouleversée avec l’arrivée des technologies de l’information, et un concept de mobilier entièrement nouveau est né, celui du mobilier modulaire.

Le mobilier modulaire s’est développé à partir du moment où l’on s’est rendu compte que le mobilier existant répondait difficilement aux nouveaux besoins créés par l’évolution des équipements et de l’organisation du travail. Le mobilier d’aujourd’hui se présente comme un jeu de mécano qui permet aux entreprises qui l’utilisent d’aménager l’espace de travail en fonction des besoins, qu’il s’agisse d’un poste simple avec TEV et clavier ou d’un poste de travail complexe pouvant intégrer différents éléments d’équipement et convenir, dans la mesure du possible, à plusieurs groupes d’utilisateurs. Ce type de mobilier est conçu pour évoluer et offre des accès faciles pour le passage des câbles. Alors que la première génération de meubles modulaires ne faisait souvent qu’ajouter à côté du bureau existant un bureau auxiliaire pour le TEV, la troisième génération actuelle rompt complètement avec le bureau traditionnel. Cette nouvelle approche apporte une grande souplesse à la conception des lieux de travail, qui n’est limitée que par la place dont on dispose et par la capacité des entreprises de faire usage de cette souplesse.

Les rayonnements

Les rayonnements émis par les TEV

Les rayonnements consistent en une émission ou un transfert d’énergie radiante. L’émission d’énergie radiante sous forme de lumière, qui est ce que l’on recherche quand on utilise un TEV, peut s’accompagner de sous-produits indésirables tels que chaleur, bruit, rayonnements infrarouges et ultraviolets, ondes radio, rayons X, pour n’en citer que quelques-uns. Alors que certaines formes de rayonnements, comme la lumière visible, peuvent être bénéfiques aux humains, d’autres émissions d’énergie peuvent avoir des effets biologiques négatifs et même destructeurs, particulièrement lorsque leur intensité est élevée et la durée de l’exposition longue. Il y a quelques décennies, des limites d’exposition pour les différentes formes de rayonnements ont été adoptées afin de protéger les personnes. Cependant, certaines de ces limites sont remises en question aujourd’hui et, pour ce qui concerne les champs magnétiques alternatifs de basse fréquence, aucune limite d’exposition ne peut être donnée sur la base du niveau des rayonnements naturels.

Les radiofréquences et les hyperfréquences émanant des TEV

Les TEV peuvent émettre des rayonnements électromagnétiques dont la fréquence est comprise entre quelques kHz et 109 Hz (ce qu’on appelle la bande des radiofréquences, dont la longueur d’onde varie de 30 cm à quelques kilomètres); cependant, l’énergie totale émise dépend des caractéristiques du circuit. Néanmoins, dans la pratique, la force du champ électromagnétique est le plus souvent assez faible et confinée au voisinage immédiat de sa source. Lorsqu’on fait une étude comparative sur la force des champs de courant alternatif compris entre 20 Hz et 400 kHz, il apparaît que les TEV à tube cathodique émettent en général des rayonnements plus forts que les autres appareils.

Les rayonnements à hyperfréquences couvrent un spectre situé entre 3 x 108 Hz et 3 x 1011 Hz (longueurs d’onde de 100 cm à 1 mm). Les TEV n’émettent pas de rayonnements détectables à l’intérieur de cette bande du spectre.

Les champs magnétiques

Les champs magnétiques émanant d’un TEV proviennent de la même source que les champs de courant alternatif. Bien que les champs magnétiques ne soient pas des «rayonnements», on ne peut, dans la pratique, séparer les champs de courant alternatif et les champs magnétiques, les uns n’allant pas sans les autres. Si les champs magnétiques sont traités à part, c’est parce qu’on les soupçonne d’avoir des effets tératogènes (voir ci-après).

Bien que les champs induits par les TEV soient d’intensité plus faible que ceux induits par certaines autres sources, comme les lignes à haute tension, les centrales électriques, les locomotives électriques, les fours des aciéries et les équipements de soudage, l’exposition totale produite par les TEV peut être semblable dans la mesure où des individus peuvent travailler huit heures ou plus à proximité d’un TEV, mais rarement autant à proximité de lignes à haute tension ou de moteurs électriques. Toutefois, la question du rapport entre champs électromagnétiques et cancer demeure un sujet de débat.

Les rayonnements optiques

Les rayonnements optiques regroupent les rayons visibles (c’est-à-dire la lumière) dont les longueurs d’onde varient de 380 nm (bleu) à 780 nm (rouge), et les fréquences voisines dans le spectre électromagnétique (l’infrarouge, de 3 x 1011 Hz à 4 x 1014 Hz, avec des longueurs d’onde comprises entre 780 nm et 1 mm, et l’ultraviolet, de 8 x 1014 Hz à 3 x 1017 Hz). Les rayons visibles sont émis à des niveaux d’intensité modérés, comparables à ceux des rayons réfléchis par les surfaces d’une pièce (approximativement de 100 cd/m2). Pour leur part, les rayons ultraviolets sont soit absorbés par le verre qui entoure le tube (tubes cathodiques), soit inexistants (dans les autres technologies de visualisation). Les rayons ultraviolets, dans la mesure où il est possible de les détecter, sont émis à des niveaux bien inférieurs aux normes d’exposition professionnelle recommandées; il en va de même des infrarouges.

Les rayons X

Les tubes cathodiques sont réputés produire des rayons X, alors que d’autres technologies, comme les écrans à cristaux liquides n’en émettent pas. Les processus physiques à l’origine des émissions de ce type de rayonnements sont bien connus, outre que les tubes et les circuits sont conçus pour que les rayons qu’ils dégagent restent bien au-dessous des limites d’exposition professionnelle recommandées, voire au-dessous des niveaux détectables. Les rayons émis par une source ne peuvent être détectés que si leur niveau dépasse celui des rayons produits par le milieu environnant. Les rayons X et les autres rayons ionisants sont produits par le rayonnement cosmique et par les substances radioactives présentes dans le sol et dans les bâtiments. Quand il fonctionne normalement, un TEV n’émet pas de rayons X en quantité supérieure au rayonnement naturel (50 nGy/h).

Les recommandations relatives aux radiations

En Suède, l’organisation anciennement connue sous le nom de MPR (Statens Mät och Provråd), c’est-à-dire le Conseil national de métrologie et de contrôle, et maintenant dénommée SWEDAC, a élaboré des recommandations pour évaluer les TEV. Un de ses objectifs principaux était de limiter tous les effets secondaires indésirables à des niveaux qui puissent être atteints par des moyens techniques raisonnables. Cette organisation va ainsi plus loin que l’approche classique qui consiste à limiter les expositions dangereuses à des niveaux pour lesquels la probabilité d’un problème de sécurité et de santé semble être faible et acceptable.

Dans un premier temps, certaines recommandations du MPR ont eu l’effet malvenu de réduire la qualité optique des écrans à tube cathodique. Aujourd’hui, cependant, seul un très petit nombre de produits offrant une résolution extrêmement élevée risquent de s’altérer lorsque le fabricant essaie de suivre les recommandations du MPR (devenu MPR-II). Ces recommandations imposent des limites pour l’électricité statique, pour les champs de courant alternatif et les champs magnétiques, des paramètres visuels, etc.

La qualité de l’image

Les définitions de la qualité de l’image

Le terme qualité décrit le degré d’adéquation entre les attributs distinctifs d’un objet et un but défini. Ainsi, la qualité d’image d’un écran comprend toutes les propriétés de la représentation optique en ce qui concerne la perceptibilité des symboles en général et la visibilité ou la lisibilité des symboles alphanumériques. De ce fait, les notions d’optique utilisées par les fabricants de tubes, comme la résolution ou la taille minimale d’un point, constituent des critères de qualité élémentaires qui sont liés à la capacité d’un appareil donné d’afficher à l’écran des lignes fines ou des petits caractères. De tels critères de qualité sont comparables à l’épaisseur du crayon ou du pinceau pour une personne qui s’apprête à écrire ou à peindre.

Certains des critères de qualité utilisés par les ergonomes correspondent à des propriétés optiques qui déterminent la visibilité (c’est le cas du contraste) alors que d’autres, comme la taille des caractères ou la largeur des traits, sont davantage liés à la typographie. De plus, certaines caractéristiques qui dépendent de la technologie employée, comme le papillotement des images, leur persistance, ou l’uniformité du contraste sur un écran donné, sont aussi prises en considération par les ergonomes (voir figure 52.4).

Figure 52.4 Critères d'évaluation de la qualité de l'image

Figure 52.4

La typographie est l’art de composer des «types», c’est-à-dire non seulement de former des jeux de caractères, mais aussi d’en sélectionner et d’en établir le type. Ici, c’est le premier sens du terme de «typographie» qui est utilisé.

Les caractéristiques fondamentales

La résolution. La résolution peut être définie comme le plus petit détail discernable ou mesurable d’une présentation visuelle. Par exemple, la résolution d’un écran à tube cathodique peut être exprimée par le nombre maximal de lignes qui peuvent être présentées dans un espace donné; c’est la définition habituelle de la résolution des films photographiques. On peut aussi prendre en considération la taille du point le plus petit qu’un appareil peut afficher pour une luminance donnée (brillance). Plus ce point est petit, meilleur est l’appareil. Ainsi, le nombre de points (éléments de l’image — aussi appelés pixels) par pouce (ppp) détermine la qualité de l’appareil; par exemple un appareil de 72 ppp est de plus mauvaise qualité qu’un écran de 200 ppp.

En général, la résolution de la plupart des écrans d’ordinateur est bien inférieure à 100 ppp: quelques écrans graphiques peuvent atteindre 150 ppp, mais seulement avec une brillance limitée. Cela implique que si un contraste élevé est nécessaire, la résolution sera plus faible. Si on la compare avec la résolution des imprimés, qui est par exemple de 300 ou même 600 ppp pour les imprimantes laser, la qualité des TEV est inférieure (une image de 300 ppp contient neuf fois plus d’éléments dans le même espace qu’une image de 100 ppp).

La capacité d’adressage. La capacité d’adressage décrit le nombre de points d’une zone donnée qu’un appareil est capable de désigner. La capacité d’adressage, qui est très souvent confondue avec la résolution (parfois d’une manière délibérée), est une spécification fournie par le fabricant: «800 × 600» signifie que la carte graphique peut donner accès à 800 points sur chacune des 600 lignes horizontales. Un tel écran ne peut présenter qu’un maximum de 40 lignes de texte puisqu’il est nécessaire d’avoir au moins 15 éléments dans le sens vertical pour écrire des chiffres, des lettres et d’autres caractères en hauteur. Aujourd’hui, les meilleurs écrans disponibles peuvent donner 1 600 × 1 200 points; cependant, la plupart des écrans utilisés dans les entreprises ne donnent que 800 × 600 points, voire moins.

Sur les appareils dits «à caractères» (c’est-à-dire qui traitent des caractères), l’adressage ne se fait pas par point de l’écran, mais par zone de caractères. Dans la plupart de ces appareils, on compte à l’écran 25 lignes qui comportent chacune 80 positions de caractère. Sur ces écrans, tous les symboles occupent le même espace quelle que soit leur largeur. Pour l’usage industriel, le nombre minimal de pixels par zone est de 5 en largeur × 7 en hauteur. Chaque zone peut contenir une majuscule ou une minuscule, mais il est impossible d’afficher les hampes descendantes des lettres «p», «q» et «g», et les signes placés au-dessus du «A» («Ä» ou «Á»). La zone de 7 × 9, devenue la «norme» depuis le milieu des années quatre-vingt, fournit une bien meilleure qualité. Pour obtenir une bonne visibilité et des formes de caractère raisonnablement correctes, il faut une zone d’au moins 12 × 16 pixels.

Le papillotement et la vitesse de régénération. Les images sur écran à tube cathodique et sur d’autres types de TEV ne sont pas permanentes comme les impressions sur papier. Si elles apparaissent stables, c’est uniquement par l’intervention d’un mécanisme oculaire. Cependant, cela n’est pas sans inconvénient, car l’écran tend à papilloter si l’image n’est pas constamment régénérée. Ce papillotement, qui peut influencer à la fois le rendement et le confort de l’utilisateur, doit impérativement être évité.

Le papillotement résulte de la variation du niveau de brillance perçu par l’œil. L’importance du scintillement dépend de différents facteurs tels que les caractéristiques du phosphore, la grandeur et la brillance de l’image intermittente, etc. Des recherches récentes montrent que des fréquences de régénération supérieures à 90 Hz peuvent être nécessaires pour satisfaire 99% des utilisateurs, alors qu’à la suite de recherches plus anciennes, on a pensé que des fréquences bien inférieures à 50 Hz étaient satisfaisantes. En fonction de différentes caractéristiques de l’écran, on peut parvenir à une image sans papillotement avec des fréquences de régénération situées entre 70 Hz et 90 Hz; un écran sur fond clair (à polarité positive) nécessite un minimum de 80 Hz pour être perçu comme stable.

Certains appareils modernes permettent de régler la fréquence de régénération; malheureusement, une fréquence de régénération élevée implique un affaiblissement de la résolution et de la capacité d’adressage. L’aptitude d’un écran à présenter des images à haute «résolution» malgré des fréquences de régénération élevées se mesure à sa largeur de bande vidéo. Pour les écrans de grande qualité, la largeur de bande maximale dépasse 150 MHz, mais elle est inférieure à 40 MHz sur certains écrans.

Pour obtenir une image stable et à haute résolution avec des appareils à bande étroite, les fabricants utilisent une astuce empruntée à la télévision: la technique de l’entrelacement. Dans ce cas, une ligne de l’écran sur deux est renouvelée à une fréquence donnée. Cependant, le résultat n’est pas satisfaisant lorsque des images statiques (texte et graphiques) sont à l’écran et que la fréquence de régénération est inférieure à 2 × 45 Hz. Malheureusement, tenter de supprimer les effets gênants du papillotement peut induire d’autres effets négatifs.

Le scintillement. Le scintillement apparent de l’image est le résultat de l’instabilité spatiale de ses éléments; un élément donné de l’image change de position sur l’écran après chaque régénération. La perception d’un scintillement ne peut pas être séparée de celle du papillotement.

Le scintillement peut être provoqué par le TEV lui-même, mais il peut aussi être le résultat de l’interaction avec un autre équipement du poste de travail, comme une imprimante ou d’autres TEV, ou des appareils qui génèrent des champs magnétiques.

Le contraste. Le contraste, c’est-à-dire le rapport entre la luminance d’un objet donné et celle de son environnement, est le principal déterminant photométrique de la lisibilité d’une image et de sa visibilité. Alors que la plupart des normes exigent un rapport minimal de 3 à 1 (caractères clairs sur fond foncé) ou de 1 à 3 (caractères foncés sur fond clair), le contraste optimal est en fait de 10 à 1. D’ailleurs, les appareils de bonne qualité donnent de meilleurs résultats, même dans un environnement bien éclairé.

Le contraste des écrans «actifs» se détériore lorsque la lumière ambiante s’accroît, alors que les écrans «passifs» (à cristaux liquides, par exemple) perdent du contraste dans une pièce mal éclairée. Un écran passif assorti d’un éclairage en arrière-plan peut offrir partout une bonne image.

La netteté. La netteté d’une image est une caractéristique bien connue, mais encore mal définie. De ce fait, il n’existe pas de méthode qui fasse l’objet d’un consensus pour évaluer la netteté en tant que déterminant de la lisibilité et de la visibilité.

Les caractéristiques typographiques

La visibilité et la lisibilité. La lisibilité d’un texte désigne son aptitude à être appréhendé comme un ensemble d’images liées entre elles, alors que la visibilité désigne le degré de perception d’un ou de plusieurs caractères. De ce fait, une bonne visibilité est en général une condition préalable à la lisibilité.

La visibilité des textes dépend de plusieurs facteurs: certains d’entre eux ont été étudiés de manière exhaustive, tandis que d’autres facteurs pertinents comme les formes des caractères restent à analyser. L’une des raisons de ce problème réside dans le fait que l’œil humain est un instrument très puissant et robuste et que, souvent, les instruments utilisés pour mesurer les taux de performance et d’erreur ne permettent pas de faire la distinction entre les différentes polices de caractères utilisées. Dès lors, dans une certaine mesure, la typographie reste encore un art plus qu’une science.

Les polices de caractères et la lisibilité. Une police de caractères est une famille de caractères, conçue pour optimiser la compréhension ou la qualité esthétique désirée, ou les deux à la fois, sur un support donné, comme du papier, un écran informatique ou de projection. S’il est vrai que le nombre de polices de caractères disponibles dépasse les 10 000, seules quelques dizaines d’entre elles sont jugées «lisibles». Etant donné que la lisibilité et la visibilité d’un caractère dépendent aussi de l’expérience du lecteur — certains caractères sont devenus visibles parce qu’on les a utilisés pendant des décennies ou même des siècles sans changer leur forme —, les mêmes caractères peuvent apparaître moins faciles à déchiffrer sur un écran que sur papier, tout simplement parce qu’ils présentent un aspect inhabituel. Cependant, ce n’est pas cela qui explique principalement la mauvaise visibilité des écrans.

En général, le choix des polices de caractères à l’écran est restreint par des problèmes technologiques. Certaines technologies limitent considérablement ce choix. C’est le cas des écrans à cristaux liquides ou d’autres écrans tramés et comportant un nombre réduit de points par image. Les meilleurs écrans à tube cathodique peuvent difficilement concurrencer l’imprimé (voir figure 52.5). Au cours des dernières années, les chercheurs ont observé que la lecture est environ 30% moins rapide et moins précise sur écran que sur papier; mais on ne peut déterminer avec certitude si cela est dû aux caractéristiques de l’écran ou à d’autres causes.

Figure 52.5 Aspects d'une lettre présentée sur des écrans de différentes résolutions
et sur papier (à l'extrême droite)

Figure 52.5

Les caractéristiques comportant des effets mesurables. Il est possible de mesurer les effets de certaines caractéristiques des représentations alphanumériques, comme la taille apparente des caractères, le rapport hauteur/largeur, le rapport largeur/grosseur, et l’espacement entre les lignes, les mots et les caractères.

La grosseur apparente des caractères, mesurée en minutes d’arc, est optimale entre 20’ et 22’; cela correspond à une hauteur comprise approximativement entre 3 mm et 3,3 mm dans des conditions de vision normales pour un bureau. Des caractères plus petits, que l’on doit regarder de plus près, peuvent provoquer une augmentation du nombre d’erreurs, une fatigue oculaire et un accroissement de la fatigue posturale. Il importe donc que les caractères du texte à l’écran n’aient pas une grosseur apparente de moins de 16’.

Cependant, certains graphiques doivent souvent être accompagnés d’un texte en lettres plus petites. Pour éviter les erreurs, d’une part, et un trop gros effort visuel chez l’utilisateur, d’autre part, il convient d’afficher les parties du texte à modifier dans une fenêtre distincte pour en améliorer la lisibilité. Les caractères ayant une grosseur apparente de moins de 12’ ne devraient pas être affichés à l’écran pour lecture, mais remplacés par un bloc rectangulaire gris. De bons logiciels permettent aux utilisateurs de sélectionner la grosseur minimale réelle des caractères alphanumériques qui peuvent être affichés à l’écran.

Le rapport optimal entre la hauteur et la largeur des caractères est d’environ 1 à 0,8; la visibilité est réduite s’il dépasse 1 à 0,5. Pour obtenir des imprimés déchiffrables comme pour travailler sur des écrans à tube cathodique, il faut un rapport d’environ 10 à 1 entre la hauteur du caractère et l’épaisseur du trait. Cependant, cette règle n’est donnée qu’à titre indicatif; souvent, les caractères particulièrement esthétiques se composent de traits dont l’épaisseur est différente (voir figure 52.5).

Il est très important de prévoir un espacement optimal entre les lignes, non seulement pour la lisibilité, mais aussi pour gagner de la place, lorsqu’on souhaite afficher une quantité d’informations donnée dans un espace limité. Le meilleur exemple à cet égard est celui des quotidiens, dont chaque page contient une énorme quantité d’informations, tout en restant lisible. L’espacement optimal entre les lignes est d’environ 20% de la hauteur mesurée entre les hampes descendantes d’une ligne et les hampes montantes de la ligne suivante; il est en gros égal à 100% de la hauteur comprise entre la base d’une ligne de texte et les hampes montantes de la ligne suivante. Si la longueur de la ligne est réduite, l’espace entre les lignes pourra également être réduit sans que cela en diminue la lisibilité.

L’espacement des caractères est invariable sur les écrans «à caractères», ce qui donne à ces derniers une lisibilité et une qualité esthétique inférieures à celles des écrans à espacement variable. Un espacement proportionnel, lié à la forme et à la largeur des caractères, est préférable. Cependant, peu d’écrans permettent de produire une qualité typographique comparable à celle de caractères d’imprimerie bien conçus. Pour ce faire on doit utiliser des programmes spécifiques.

L’éclairage ambiant

Les problèmes propres aux postes de travail avec TEV

Au cours des 90 dernières années de l’histoire industrielle, les théories sur l’éclairage de nos lieux de travail ont été dominées par l’idée selon laquelle l’accroissement de l’intensité lumineuse améliorerait l’acuité visuelle, réduirait la fatigue et le stress, et augmenterait le rendement. «Plus de lumière», ou plutôt «plus de lumière naturelle», tel était le slogan adopté par les habitants de Hambourg, en Allemagne, lorsqu’ils manifestèrent il y a plus de 60 ans pour obtenir des logements meilleurs et plus sains. Dans certains pays tels que le Danemark ou l’Allemagne, les travailleurs ont aujourd’hui le droit d’avoir un peu de lumière du jour à leur poste de travail. Il aura fallu l’avènement de l’informatique et la généralisation des TEV dans les bureaux pour que les employés se plaignent, pour la première fois, d’avoir trop de lumière à leur poste de travail et pour que les scientifiques s’y intéressent. Le débat fut attisé par le fait, aisément vérifiable, que la plupart des TEV étaient équipés d’un tube cathodique dont la surface de verre incurvée avait tendance à capter les reflets diffus. Ces appareils, parfois appelés «écrans actifs», perdent du contraste lorsque le niveau d’éclairage ambiant augmente. Or, il est difficile de modifier l’éclairage pour limiter les troubles visuels causés par ces effets, car la plupart des utilisateurs se servent aussi de sources d’information sur papier qui exigent généralement, pour une lecture confortable, un éclairage ambiant plus intense.

Le rôle de l’éclairage ambiant

L’éclairage ambiant qui entoure les postes de travail avec TEV remplit deux fonctions différentes. Premièrement, il éclaire l’espace de travail et le matériel utilisé comme le papier, les téléphones, etc. (effet primaire). Deuxièmement, il éclaire la pièce, rendant sa forme visible et donnant aux utilisateurs l’impression d’une clarté enveloppante (effet secondaire). Etant donné que la plupart des installations obéissent au principe d’un éclairage général, la même source de lumière remplit ces deux fonctions. Son effet primaire, qui est d’éclairer les objets passifs et de les rendre visibles ou lisibles, a commencé à être remis en question avec l’arrivée des écrans actifs, qui n’ont pas besoin de lumière ambiante pour être visibles. L’autre avantage, qui est d’éclairer la pièce, est réduit à jouer un rôle secondaire, dès lors que le TEV constitue la principale source d’information.

Le travail devant un TEV, qu’il ait un écran à tube cathodique (écran actif) ou à cristaux liquides (écran passif), peut être gêné par l’éclairage ambiant de différentes façons.

Les tubes cathodiques:
Les cristaux liquides (et autres écrans passifs):

La contrainte que ces problèmes imposent aux utilisateurs et l’altération de la visibilité ou de la lisibilité des objets présents sur un lieu de travail normal varient considérablement. Par exemple, le contraste des caractères alphanumériques est théoriquement moins bon sur un écran monochrome (à tube cathodique) mais, si son éclairage est dix fois supérieur à celui d’un environnement de travail normal, l’écran conservera un contraste suffisant pour que l’on puisse lire les caractères alphanumériques. D’autre part, la visibilité des images présentées sur l’écran couleur d’un système de conception assistée par ordinateur (CAO) diminue tellement que la plupart des utilisateurs préfèrent baisser ou même supprimer la lumière artificielle, et se passer de la lumière du jour.

Les solutions possibles

Modifier le niveau d’éclairement. Depuis 1974, de nombreuses études ont été réalisées d’où sont ressorties des recommandations visant à réduire le niveau d’éclairement aux postes de travail. Cependant, ces recommandations étaient surtout fondées sur des études effectuées avec des écrans peu satisfaisants. Les niveaux recommandés se situaient entre 100 lx et 1 000 lx alors que, dans les cas étudiés, le niveau est globalement bien inférieur aux normes actuellement fixées pour l’éclairage de bureau (par exemple, 200 lx ou encore de 300 à 500 lx).

Lorsqu’on se sert d’un écran à contraste positif dont la luminance est d’environ 100 cd/m2 avec un traitement antireflet efficace, l’utilisation d’un TEV ne limite pas le niveau acceptable d’éclairement, puisque les utilisateurs trouvent convenable un niveau d’éclairement de 1 500 lx, niveau pourtant très rarement atteint sur le lieu de travail.

Si le TEV possède des caractéristiques qui ne permettent pas de travailler confortablement avec un éclairage de bureau normal, comme cela peut être le cas lorsqu’on se sert d’un tube à mémoire, d’un lecteur de microfiches, d’un écran couleur, etc., les conditions visuelles peuvent être notablement améliorées par un double éclairage comprenant une lumière indirecte dans la pièce (effet secondaire) et une lumière directe sur le poste de travail. Ces deux sources doivent pouvoir être commandées par l’utilisateur.

Réduire les reflets sur l’écran. Il est difficile de réduire les reflets sur l’écran, dans la mesure où presque toutes les solutions qui améliorent les conditions visuelles peuvent nuire à d’autres caractéristiques importantes de l’écran. Certaines solutions, proposées depuis de nombreuses années, comme les filtres à mailles, éliminent les reflets des écrans, mais en réduisent la lisibilité. Les luminaires de faible luminance créent moins de reflets; néanmoins, les utilisateurs trouvent en général que ce type d’éclairage est plus mauvais que tous les autres systèmes.

Aussi faut-il faut user de prudence, quelle que soit la mesure employée, et commencer par analyser la cause réelle de gêne ou de désagrément (voir figure 52.6). On peut éviter les reflets de trois manières: en orientant l’écran en fonction des sources lumineuses, en choisissant un écran de qualité ou en y ajoutant un filtre, en créant une ambiance lumineuse appropriée. Les coûts de ces mesures de prévention ne sont pas du même ordre de grandeur; il n’en coûte rien de modifier l’orientation d’un écran de manière à éviter l’éblouissement dû aux reflets, mais cette solution n’est pas toujours applicable et, dans certains milieux de travail, on devra se munir d’un équipement approprié, ce qui revient plus cher. Les éclairagistes recommandent souvent de combattre les reflets par l’éclairage ambiant, mais il faut savoir qu’il s’agit de la méthode la plus coûteuse et qu’elle n’est pas nécessairement plus efficace.

Figure 52.6 Méthodes permettant de réduire les reflets à l'écran

Figure 52.6

Pour le moment, la voie la plus prometteuse est d’utiliser des écrans à contraste positif (écrans à fond clair) dont le verre a été traité contre les reflets. Il existe une solution encore plus efficace, celle des écrans plats présentant une surface presque mate et un fond clair; cependant, ce type d’écran n’est pas encore très répandu.

L’ajout d’un cache à l’écran représente la voie de dernier recours proposée par les ergonomes pour des milieux de travail pénibles comme les usines, les tours de contrôle dans les aéroports, ou les cabines des grutiers. Quand un cache est vraiment nécessaire, c’est probablement qu’il se pose des problèmes d’éclairage plus graves que de simples reflets sur l’écran.

S’agissant des luminaires, essentiellement deux solutions sont envisageables: premièrement réduire la luminance (qui correspond à la brillance apparente) d’une partie des luminaires et, deuxièmement, préférer un éclairage indirect à un éclairage direct. Il ressort des recherches en cours que la solution consistant à créer un éclairage indirect améliore sensiblement le confort des utilisateurs, réduit l’effort visuel, et est bien acceptée par les intéressés.

LES PROBLÈMES OCULAIRES ET VISUELS

Paule Rey et Jean-Jacques Meyer

Un grand nombre d’études ont été consacrées à la gêne visuelle chez les opérateurs de terminal à écran de visualisation (TEV), études dont les résultats sont fréquemment contradictoires. D’une enquête à l’autre, les écarts observés dans la prévalence des troubles vécus varient de pratiquement 0 à 80% ou davantage (Dainoff, 1982). Il ne faut pas trop s’étonner de telles différences, car elles reflètent la grande quantité de variables qui influencent les sensations de fatigue visuelle.

En effet, pour être valables, les études épidémiologiques doivent prendre en compte plusieurs variables de la population, telles que le genre, l’âge, les défauts dioptriques ou le port de verres correcteurs, ainsi que la situation socio-professionnelle. La nature de la tâche effectuée à l’écran, les caractéristiques du poste de travail et l’organisation du travail jouent aussi un rôle important. De plus, ces variables sont souvent liées entre elles.

Pour déterminer le niveau d’inconfort visuel à l’écran, on recourt le plus souvent à des questionnaires. La prévalence des problèmes va alors dépendre du contenu des questions et de leur analyse statistique. Les questions appropriées concernent l’étendue des symptômes d’asthénopie dont souffrent les opérateurs. Ces symptômes, qui témoignent d’une fatigue accommodative et d’une atteinte fonctionnelle, sont bien connus en ophtalmologie. L’asthénopie se caractérise par des yeux rouges qui piquent, qui brûlent, qui larmoient; elle peut s’accompagner de diplopie et d’une réduction du pouvoir accommodatif. On observe aussi parfois des maux de tête, en particulier dans la région frontale. L’acuité visuelle, quant à elle, apparaît rarement diminuée (il faut cependant que les mesures aient été prises avec un diamètre pupillaire constant).

Quand l’enquête comporte des questions générales telles que «Vous sentez-vous bien à la fin de la journée?» ou «Vous est-il arrivé de connaître des troubles visuels en travaillant sur un terminal?», la prévalence de réponses positives peut être plus élevée que lorsqu’on recherche des signes précis d’asthénopie.

D’autres symptômes peuvent être fortement associés à l’asthénopie. On trouve fréquemment des douleurs dans la nuque, aux épaules et aux bras. Il y a à cela deux raisons: d’une part, les muscles de la nuque sont très sollicités, puisqu’ils contribuent à maintenir la distance de lecture entre l’œil et l’écran; d’autre part, le travail informatisé impliquant à la fois l’usage d’un écran et d’un clavier, les épaules, les bras et les yeux fonctionnent simultanément et peuvent donc être soumis à des tensions comparables en rapport avec la tâche effectuée.

Les caractéristiques des opérateurs et la gêne visuelle

Les effets du genre et de l’âge

La plupart des études indiquent que les femmes sont plus touchées que les hommes. Dans une entreprise française, par exemple, 35,6% de femmes se sont plaintes de fatigue visuelle, contre seulement 21,8% d’hommes (différence significative à p ≤ 0,05) (Dorard, 1988). Dans une autre étude (Sjögren et Elfström, 1990), on a remarqué que, si la différence entre les genres était importante (41% de fatigue visuelle chez les femmes et 24% chez les hommes), «l’écart entre les personnes qui travaillaient de 5 à 8 heures par jour et celles qui travaillaient de 1 à 4 heures seulement est apparu encore plus net». Mais de telles différences ne sont pas nécessairement liées au genre, car les hommes et les femmes n’effectuent que rarement la même tâche. Dans une grande firme d’ordinateurs, nous avons constaté que si les hommes et les femmes étaient attelés au même travail répétitif et monotone (travail de type «féminin»), on trouvait chez les deux sexes un même degré d’inconfort visuel. Inversement, les femmes effectuant un travail de type «masculin» n’ont pas accusé davantage de fatigue visuelle que leurs collègues masculins. En général, les professionnels qui utilisent un écran dans leur travail se plaignent bien moins de fatigue visuelle que les opérateurs effectuant des tâches de basse qualification et à haut rendement comme la saisie ou le traitement de texte (Rey et Bousquet, 1989). Quelques résultats sont fournis au tableau 52.3.

Tableau 52.3 Prévalence des symptômes oculaires chez 196 opérateurs de TEV, répartis
en quatre catégories

Catégories

Pourcentage de symptômes (%)

Femmes ayant un poste de type «féminin»

81

Hommes ayant un poste de type «féminin»

75

Hommes ayant un poste de type «masculin»

68

Femmes ayant un poste de type «masculin»

65

Source: d’après Dorard, 1988; et Rey et Bousquet, 1989.

C’est dans le groupe des 40-50 ans que les plaintes de fatigue visuelle apparaissent habituellement les plus fréquentes, sans doute parce que c’est à ces âges que la capacité d’accommodation change rapidement. C’est pourquoi on accuse volontiers la presbytie (affaiblissement de la vue attribuable au vieillissement) d’être le principal facteur de fatigue visuelle à l’écran. Là encore, il existe une forte interdépendance entre le niveau de qualification atteint et l’âge. On trouve habituellement davantage de femmes âgées parmi les opératrices de TEV peu qualifiées et davantage d’opérateurs qualifiés chez les hommes jeunes. C’est pourquoi, avant de tirer des conclusions définitives quant aux effets du genre et de l’âge sur la fatigue visuelle à l’écran, il est indispensable de vérifier d’abord si les groupes sont comparables, en particulier en ce qui concerne les tâches effectuées à l’écran et le niveau de compétence qu’elles exigent.

Les défauts de la vision et les corrections

Globalement, la moitié des opérateurs de TEV présentent un défaut oculaire pour lequel ils portent des verres correcteurs. On peut dire, en cela, que les opérateurs de TEV ne diffèrent pas de la population laborieuse en général. Par exemple, une enquête (Rubino, 1990) réalisée auprès d’opérateurs italiens a révélé des proportions de 46% d’emmétropes et de 38% de myopes qui correspondent, grosso modo, à celles qu’indiquent d’autres études suisses et françaises (Meyer et coll., 1990). La prévalence des défauts relevés dépend de la méthode d’investigation choisie (Çakir, 1981).

Contrairement à une opinion assez répandue, la plupart des experts considèrent que la presbytie, en tant que telle, n’influence pas de manière significative l’incidence d’une gêne visuelle persistante (asthénopie). C’est plutôt la qualité de la correction qui serait en cause. Pour les myopes, les opinions divergent. Tandis que Rubino ne remarque rien d’anormal, Meyer et coll. (1990) constatent que les opérateurs myopes ont tendance à se plaindre d’une sous-correction pour la distance œil-écran (habituellement 70 cm). Rubino émet aussi l’hypothèse que ceux qui souffrent d’un manque de coordination oculaire sont plus exposés à la fatigue visuelle devant un TEV.

Une observation intéressante émane d’une étude française, comportant un examen ophtalmologique approfondi effectué chez 275 opérateurs de TEV et 65 témoins: il est apparu que 32% des personnes examinées auraient eu besoin d’une correction. Dans la population étudiée, 68% des sujets étaient emmétropes (vision normale), 24% myopes et 8% hypermétropes (Boissin et coll., 1991). Ainsi, bien que nos pays industriels puissent, grâce aux moyens mis à leur disposition, fournir d’excellents soins oculaires, il semble que la correction optique chez les opérateurs sur écran soit encore trop souvent négligée ou inadéquate. Boissin a noté aussi que les cas de conjonctivite étaient plus nombreux chez les opérateurs de TEV (48%) que chez les témoins. La conjonctivite et une mauvaise vue allant de pair, on peut en déduire que la correction optique doit être améliorée.

Les variables physiques et organisationnelles qui affectent le confort visuel

Le diagnostic de la fatigue visuelle à l’écran, son traitement et sa prévention nécessitent que l’on tienne compte de tous les facteurs de risque évoqués ici et ailleurs dans ce chapitre. La faiblesse des mécanismes d’accommodation et de convergence, la conjonctivite et le port de verres correcteurs mal adaptés à la distance représentent autant de causes de gêne et de fatigue visuelles chez l’individu. Mais la fatigue visuelle peut aussi être liée à l’aménagement du poste de travail et à l’organisation du travail. Un éclairage inadapté, la présence de reflets sur l’écran, le scintillement de l’image ou un excès de luminance contribuent à créer de l’inconfort, tout comme l’absence de pause, quand on exécute une tâche monotone pendant de longues heures. La figure 52.7 illustre quelques-uns de ces points.

Figure 52.7 Facteurs contribuant à augmenter la fatigue visuelle chez les personnes
travaillant sur écran

Figure 52.7

Plusieurs caractéristiques du poste de travail ont déjà été décrites dans ce chapitre.

La distance de vision la plus favorable au confort visuel, et qui laisse encore suffisamment de place au clavier, est de 65 cm environ. Néanmoins, d’après plusieurs spécialistes, dont Akabri et Konz (1991), «l’idéal serait encore de se baser sur le pouvoir accommodatif de chaque individu pour aménager le poste de travail et non sur des moyennes». En ce qui concerne la dimension des caractères sur l’écran, le bon sens voudrait que le plus grand soit le meilleur. En fait, la dimension des caractères augmentant habituellement avec celle de l’écran, il faut rechercher un compromis entre la lisibilité des lettres et le nombre de mots et de phrases qui peuvent être présentés en une fois sur l’écran. Le TEV devrait d’ailleurs être choisi pour faciliter la tâche de l’opérateur et pour lui apporter le meilleur confort.

A l’aménagement du poste de travail et du TEV s’ajoute une autre exigence de base: celle de permettre à la vue de se reposer. Une telle nécessité s’impose en particulier pour les tâches peu qualifiées où, par comparaison au travail qualifié, la liberté de mouvement est très limitée. La saisie et autres tâches du même genre sont habituellement assujetties à des contraintes de temps, parfois même à une surveillance électronique qui mesure très précisément le rendement de l’opérateur. D’autres tâches interactives, comme l’interrogation d’une banque de données, obligent parfois l’opérateur à attendre une réponse de l’ordinateur, et donc à ne pas quitter son poste.

Le papillotement

Le papillotement est la variation dans le temps de la brillance des caractères à l’écran; elle a été décrite plus haut en détail. Quand les caractères ne se régénèrent pas assez souvent, des opérateurs peuvent percevoir ce papillotement à l’écran. Les plus jeunes en souffriront davantage, car la fréquence de fusion est chez eux plus élevée que chez les opérateurs âgés (Isensee et Bennett, 1983). Le papillotement croît avec la brillance et c’est l’une des raisons pour lesquelles les opérateurs n’utilisent pas nécessairement tout l’éventail des luminosités offertes par leur appareil. De façon générale, une fréquence de régénération de 70 Hz ou plus devrait assurer un confort visuel suffisant à la majorité des opérateurs de TEV.

La sensibilité au papillotement augmente avec la brillance et avec le contraste entre la zone de papillotement et son pourtour. La grandeur de cette zone joue aussi un rôle, car plus elle est étendue, plus la région rétinienne stimulée augmente. D’autres variables interviennent, comme l’angle sous lequel le papillotement frappe la rétine ou l’amplitude de la modulation de la lumière intermittente.

Les sujets les moins sensibles sont les sujets âgés, dont la cornée est moins transparente et la rétine moins excitable. C’est aussi vrai des gens malades. Tous ces résultats observés en laboratoire permettent de mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain. Par exemple, on a constaté que des opérateurs sont gênés par le papillotement de l’écran quand ils lisent des documents imprimés posés sur leur table de travail (Isensee et Bennett, 1983); en outre l’association du papillotement de l’écran et de celui des tubes fluorescents est particulièrement désagréable.

L’éclairage

L’œil fonctionne le mieux quand le contraste entre sa cible et le fond qui encadre cette dernière est à sa valeur maximale, ce qui se produit par exemple dans le cas d’une lettre imprimée en noir sur une feuille blanche. C’est encore mieux quand la périphérie du champ visuel est exposée à une lumière légèrement moins forte qu’au centre. Or, avec un TEV, c’est malheureusement l’inverse qui prévaut. Cela explique en partie pourquoi tant d’opérateurs cherchent à se protéger d’un excès de lumière.

Un contraste excessif et des reflets parasites créés par les tubes fluorescents sur l’écran sont autant de sources de gêne; dans l’étude de Läubli et coll. (1989), 40% des 499 opérateurs de TEV interrogés s’en sont plaints.

Comme c’était le cas pour la distance de vision, une certaine liberté de mouvement permet de réduire ces risques liés à l’éclairage. Il importe que les opérateurs puissent régler les sources lumineuses en fonction de leur sensibilité oculaire.

La nature de la tâche

Les tâches effectuées sous la pression du rendement, en particulier si elles demandent peu de qualifications et si elles sont monotones, s’accompagnent souvent d’une sensation de fatigue générale qui peut donner lieu à une gêne visuelle. Des expériences réalisées en laboratoire ont permis d’observer que l’inconfort visuel augmente avec le nombre d’accommodations rendues nécessaires par la tâche à accomplir. Ce phénomène se produit davantage pendant la saisie de données ou le traitement de texte que lorsque l’opérateur dialogue avec l’ordinateur. Les travaux exécutés assis et qui offrent peu de possibilités de mouvement rendent aussi plus difficile la récupération musculaire et contribuent à l’apparition de troubles visuels.

L’organisation du travail

L’inconfort visuel n’est qu’un aspect des problèmes physiques et mentaux associés à beaucoup d’emplois et qui sont traités ailleurs dans ce chapitre. On ne s’étonnera donc pas de trouver une forte corrélation entre la fatigue visuelle et le degré de satisfaction au travail. Quant au travail de nuit, bien qu’encore peu pratiqué dans les bureaux, on en connaît encore mal les effets qui pourraient être complexes. On ne dispose que de peu de données à ce sujet, mais on peut s’attendre que la capacité visuelle soit réduite; en revanche, il est plus facile de régler l’éclairage pour autant qu’on élimine le reflet des lampes fluorescentes sur les fenêtres plongées dans le noir.

Les opérateurs de TEV qui travaillent à domicile devraient veiller à se procurer un équipement informatique et un système d’éclairage qui leur évitent les désagréments rencontrés dans de nombreuses entreprises.

La surveillance médicale

On ne peut dire que tel ou tel agent présente un risque particulier pour l’œil. Il semble que l’asthénopie soit chez les opérateurs de TEV un phénomène passager, bien que certains chercheurs pensent qu’un déficit prolongé de l’accommodation puisse se produire. Contrairement à beaucoup d’autres problèmes de santé, le manque d’adaptation visuelle au travail sur écran est habituellement très vite remarqué par le «patient», qui a plus tendance à consulter un médecin que les personnes exerçant un autre travail. La consultation conduit souvent à la prescription de verres correcteurs; malheureusement ces derniers ne sont pas forcément adaptés aux exigences du poste de travail, telles qu’elles ont été décrites ci-dessus. Il serait souhaitable que des ophtalmologues soient spécialement formés pour s’occuper des personnes travaillant sur TEV. Un cours spécial a été ainsi proposé, à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, justement dans ce but.

Il importe de tenir compte des facteurs suivants quand on a affaire à des opérateurs de TEV. Contrairement à ce qui se passe dans le cas du travail de bureau traditionnel, la distance entre l’œil et la cible, qui varie de 50 à 70 cm, ne peut être modifiée. Les verres prescrits devraient donc être choisis en conséquence. Les lunettes à double foyer ne conviennent pas, car l’opérateur se fatigue à tendre le cou pour lire l’écran. Les lunettes multifocales ou progressives sont meilleures, mais elles présentent l’inconvénient de limiter les mouvements oculaires les plus rapides et de créer une compensation par des mouvements de la tête qui ajoutent à la fatigue.

La correction oculaire devrait être aussi précise que possible et il devrait être tenu compte des défauts de vision les plus légers (en cas d’astigmatisme, par exemple), ainsi que de la distance entre l’œil et l’écran. Il est déconseillé de prescrire des lunettes teintées qui réduisent la luminosité au centre du champ visuel. Les lunettes partiellement teintées sont sans intérêt car, pendant son travail, l’opérateur est amené sans cesse à diriger son regard dans toutes les directions. L’employeur peut proposer des lunettes spéciales à ses employés, mais cela ne le dispense pas pour autant de prêter attention à leurs griefs parce que la gêne visuelle qu’ils ressentent peut s’expliquer par l’utilisation d’un poste de travail et d’un équipement peu ergonomiques.

Enfin, il faut noter que les opérateurs qui souffrent le plus d’inconfort visuel à l’écran sont ceux qui ont besoin de davantage de lumière pour voir de petits détails et qui, en même temps, sont facilement éblouis. Les sujets dont la vue a été mal corrigée auront ainsi tendance à se rapprocher de l’écran pour y voir plus clair et, par là même, s’exposeront davantage au papillotement de celui-ci.

Le dépistage et la prévention secondaire

Les principes de prévention secondaire habituellement suivis en santé publique s’appliquent aussi au milieu de travail. Le dépistage devrait donc viser les risques connus et il est particulièrement utile contre les maladies présentant une longue période de latence. Il importe qu’il se fasse avant toute manifestation d’une maladie évitable, et seuls les tests présentant à la fois une forte sensibilité, une forte spécificité et ayant un haut pouvoir prédictif sont efficaces. Les résultats du dépistage peuvent servir à déterminer le degré d’exposition de l’individu ou d’un groupe d’individus.

Le travail sur écran n’entraîne apparemment aucun risque grave pour les yeux et, aucun problème de vision ne pouvant être attribué à des rayonnements anormalement élevés, les spécialistes considèrent que l’on ne saurait démontrer que le travail informatisé peut causer des maladies ou des lésions oculaires (OMS, 1989a). La fatigue oculaire et la gêne visuelle décelées chez certains opérateurs ne font pas partie des problèmes de santé qui conduisent généralement à une surveillance médicale dans le cadre d’un programme de prévention secondaire.

Néanmoins, les opérateurs de TEV passent très souvent un examen de la vue avant embauche dans les Etats Membres de l’Organisation internationale du Travail (OIT), examen qui a l’aval aussi bien des syndicats que des employeurs (BIT, 1986). Dans de nombreux pays dont la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, un examen médical d’embauche des opérateurs de TEV, qui comporte des tests visuels, a été également institué à la suite de l’entrée en vigueur de la directive communautaire 90/270/CEE (1990) concernant les équipements à écran de visualisation.

Quand on se propose d’instaurer un programme de surveillance médicale pour opérateurs de TEV, il convient de s’interroger sur plusieurs points avant de décider du contenu du programme de dépistage et des modalités de l’examen:

La plupart des tests visuels dont dispose aujourd’hui le médecin du travail présentent une mauvaise sensibilité et un pouvoir prédictif bas face à la gêne oculaire engendrée par le travail sur TEV (Rey et Bousquet, 1990). Les tables de Snellen, en particulier, ne permettent pas de mesurer l’acuité visuelle des opérateurs ni de prévoir le degré de gêne qu’ils risquent de connaître. En effet, ces optotypes se présentent sous la forme de lettres très nettes se détachant en foncé sur un fond bien éclairé, ce qui ressemble peu aux conditions de lecture habituelles sur écran. Faute de trouver d’autres méthodes valables, les auteurs ont conçu un système de mesure qui se rapproche davantage des conditions de lisibilité et d’éclairage d’un TEV (appareil C45) et dont les résultats sont meilleurs. Malheureusement, il demeure, pour le moment, un prototype de laboratoire. De toute manière, il faut se souvenir que le dépistage ne remplace pas un poste de travail bien aménagé ni une bonne organisation du travail.

Les solutions ergonomiques destinées à réduire la gêne visuelle

Bien qu’ils ne se montrent guère efficaces dans la lutte contre les symptômes de la fatigue visuelle, le dépistage systématique avec les méthodes existantes et les visites régulières chez l’ophtalmologue sont souvent intégrés aux programmes de santé au travail qui visent les opérateurs de TEV. Une solution moins coûteuse pourrait consister en une analyse ergonomique approfondie de la tâche et du poste de travail complet. Les personnes atteintes d’une affection oculaire grave devraient éviter le plus possible tout travail intensif sur écran. Quand un opérateur se plaint que sa vue a été mal corrigée, une vérification s’impose. On pourra aussi opter pour une solution ergonomique qui abaisse l’angle de lecture afin d’éviter une réduction de la fréquence du clignement et une extension du cou, tout en permettant à l’opérateur de se reposer et de bouger. L’utilisation d’un TEV moderne équipé d’un clavier détachable placé sur un bras mobile facilite le réglage de la distance en fonction de la correction visuelle et réduit la fatigue oculaire.

Enfin, il arrive souvent que les mesures prises par l’ergonome pour diminuer les douleurs musculaires dans les bras, les épaules et le dos contribuent également à réduire la tension oculaire. De plus, la qualité de l’air joue sur le confort visuel. Un air trop sec dessèche la cornée et nécessite une bonne humidification des locaux.

D’une manière générale, les variables physiques suivantes doivent faire l’objet d’une analyse:

Parmi les variables organisationnelles auxquelles il faut songer pour améliorer le confort visuel, on mentionnera:

LES RISQUES POUR LA REPRODUCTION: DONNÉES EXPÉRIMENTALES

Ulf Bergqvist

Le but des études expérimentales décrites ci-après, effectuées sur des animaux de laboratoire, est en partie de répondre à la question de savoir si l’exposition à des champs magnétiques d’extrême basse fréquence (ELF) — également appelés champs d’ondes mégamétriques —, à des intensités semblables à celles observées autour des terminaux à écran de visualisation (TEV), exerce sur les fonctions reproductrices des animaux une action qui peut présenter un risque équivalent pour l’humain.

Il est uniquement question dans le présent article d’études in vivo (études réalisées sur des animaux vivants) de la reproduction chez des mammifères exposés à des champs magnétiques de très basse fréquence (VLF) — également appelés champs d’ondes myriamétriques — dotés des fréquences appropriées, ce qui exclut donc les études des effets biologiques généraux des champs magnétiques VLF ou ELF. Ces études sur des animaux de laboratoire ne parviennent pas à démontrer de façon probante que des champs magnétiques tels que ceux que l’on peut mesurer autour des TEV affectent la reproduction. De plus, comme le montrent les études expérimentales décrites en détail plus loin, les données animales ne nous indiquent pas clairement par quels mécanismes l’utilisation d’un TEV peut avoir un effet sur la reproduction humaine. Ces données ne font que pallier la quasi-inexistence des données relatives à une population humaine quant aux effets mesurables des TEV sur la reproduction.

Etude des effets des champs magnétiques VLF sur la reproduction des rongeurs

Des champs magnétiques VLF semblables à ceux que l’on observe autour des TEV ont été utilisés dans cinq études tératologiques, dont trois sur des souris et deux sur des rats. Les résultats de ces études sont résumés au tableau 52.4. Une seule étude (Tribukait, Cekan et Paulsson, 1987) a révélé une augmentation du nombre de fœtus présentant des malformations externes. Stuchly et coll. (1988), puis Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993) ont observé une augmentation notable du nombre de fœtus présentant des anomalies du squelette, mais seulement lorsque le fœtus (et non la portée) était utilisé comme unité d’observation. L’étude menée par Wiley et coll. (1992) n’a pas permis de démontrer la présence d’une relation entre la résorption du placenta ou d’autres problèmes de grossesse et l’exposition aux champs magnétiques. La résorption placentaire chez l’animal correspond à un avortement spontané chez la femme. Enfin, Frölén, Svedenstål et Paulsson (1993) ont effectué cinq expériences, toutes à des jours différents. Parmi les quatre premiers sous-groupes expérimentaux (expériences commencées le premier jour et le cinquième jour), on a observé une augmentation significative du nombre de résorptions placentaires chez les femelles exposées. Aucun effet semblable n’a été constaté lors de l’expérience menée le septième jour et qui est illustrée à la figure 52.8.

Tableau 52.4 Etudes tératologiques sur des rats ou des souris exposés à des champs
magnétiques en dents de scie de 18-20 kHz

Etude

Sujet1

Exposition aux champs magnétiques

Résultats4

   

Fréquence

Amplitude2

Durée3

 

Tribukait, Cekan et Paulsson (1987)

76 portées de souris (C3H)

20 kHz

1 µT, 15 µT

Exposition jusqu’au 14e jour de la gestation

Augmentation significative du nombre de malformations externes; uniquement si le fœtus est pris comme unité d’observation et uniquement dans la première moitié de l’expérience ; pas de différence en ce qui concerne la résorption ou la mort du fœtus.

Stuchly et coll. (1988)

20 portées de rats (SD)

18 kHz

5,7 µT, 23 µT, 66 µT

Exposition pendant toute la durée de la gestation

Augmentation significative du nombre de malformations mineures du squelette; uniqueme nt si le fœtus est pris comme unité d’observation; diminution des concentrations de globules rouges; pas de différence pour les résorptions ni pour d’autres types de malformations.

Wiley et coll. (1992)

144 portées de souris (CD-1)

20 kHz

3,6 µT, 17 µT, 200 µT

Exposition pendant toute la durée de la gestation

Pas de différence pour les anomalies observées (malformation, résorption, etc.).

Frölén, Svedenstål et Paulsson (1993)

Au total, 707 portées de souris (CBA/S)

20 kHz

15 µT

Début à divers stades de la gestation dans le cadre de différentes expériences secondaires

Augmentation significative du nombre de résorptions; uniquement en cas d’exposition commencée entre le 1er et le 5e jour; pas de différence pour les malformations.

Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993)

72 portées de rats (Wistar)

20 kHz

15 µT;

Exposition jusqu’au 12e jour de la gestation

Augmentation significative du nombre de malformations mineures du squelette; uniquement si le fœtus est pris comme unité d’observation; pas de différence pour les résorptions, ni pour d’autres types de malformations.

1 Nombre total de portées dans la catégorie d’exposition maximale.2 Amplitude de crête à crête.3 Exposition variant de 7 à 24 heures/jour entre les différentes expériences.4 On entend par «différence» l’écart résultant d’une comparaison statistique entre animaux exposés et non exposés, et par «augmentation» l’écart résultant d’une comparaison entre le groupe soumis à la plus forte exposition et le groupe non exposé.

Figure 52.8 Pourcentage de souris femelles ayant présenté une résorption
placentaire après exposition

Figure 52.8

Voici comment les chercheurs ont interprété leurs résultats. Stuchly et coll. ont expliqué que les anomalies constatées n’étaient pas inhabituelles et ils ont attribué ce résultat «aux bruits apparaissant immanquablement au cours de toute évaluation tératologique». Cependant, Huuskonen, Juutilainen et Komulainen, qui avaient obtenu des résultats semblables à ceux de Stuchly et coll., en ont donné une interprétation moins négative et y ont vu plutôt le signe d’un effet réel. Mais eux aussi ont fait état, dans leur rapport, d’anomalies «légères et probablement sans conséquence sur le développement des fœtus». S’interrogeant sur la présence d’effets dans le cas des premières expositions, mais non à l’issue des expositions ultérieures, Frölén, Svedenstål et Paulsson ont émis l’hypothèse d’effets précoces sur la reproduction, avant que l’œuf fécondé ne soit implanté dans l’utérus.

En plus des conséquences sur la reproduction, une diminution des globules blancs et rouges a pu être notée dans le groupe le plus exposé lors de l’expérience réalisée par Stuchly et coll. (le nombre de ces globules n’a pas été analysé dans les autres études). Les auteurs ont pensé que cette diminution pouvait constituer un effet mineur d’une exposition à des champs magnétiques et ont également noté que les variations du nombre de globules s’inscrivaient «dans un ordre de grandeur normal». L’absence de données histologiques, ainsi que l’absence de conséquences sur les cellules de la moelle osseuse ont rendu difficile l’interprétation de ces résultats.

Interprétation et comparaison des études

Les résultats présentés ici concordent rarement. Comme l’ont fait remarquer Frölén, Svedenstål et Paulsson, «on ne peut probablement tirer aucune conclusion qualitative quant à une extrapolation aux humains des résultats obtenus chez les animaux testés». Examinons une partie du raisonnement suivi pour aboutir à une telle affirmation.

Globalement, on ne peut dire que les résultats obtenus par Tribukait soient concluants, et ce pour deux raisons. Premièrement, l’expérience n’a produit d’effets positifs que lorsque le fœtus était pris comme unité d’observation pour les analyses statistiques, alors que les données elles-mêmes ont bel et bien indiqué la présence d’un effet spécifique sur la portée. Deuxièmement, les résultats diffèrent entre la première et la seconde partie de l’étude, ce qui signifie que les résultats positifs résultent peut-être de variations aléatoires ou de facteurs impondérables ayant pu jouer pendant l’expérience.

Les études épidémiologiques portant sur des malformations précises n’ont révélé aucune augmentation du nombre de malformations du squelette chez les enfants nés de femmes travaillant sur TEV et exposées par conséquent à des champs magnétiques VLF. Pour toutes ces raisons (analyses statistiques fondées sur le fœtus, anomalies probablement non liées à la santé des sujets et absence de concordance avec les études épidémiologiques), la découverte de malformations squelettiques mineures ne suffit pas pour affirmer formellement qu’il existe un danger pour la santé des personnes.

Wiley et coll. (1992) n’ont pas observé d’effet de résorption du placenta contrairement à Frölén, Svedenstål et Paulsson. Une des raisons avancées pour expliquer cette divergence est que les souris employées provenaient de souches différentes et que l’effet constaté était peut-être propre à la souche utilisée par Frölén, Svedenstål et Paulsson. En plus de l’effet attribué à la différence de souches, il est à noter que les deux femelles exposées à des champs magnétiques de 17 µT et les femelles du groupe témoin de l’étude menée par Wiley présentaient des fréquences de résorption semblables à celles des femelles exposées dans les séries correspondantes chez Frölén, alors que la plupart des groupes non exposés dans l’expérience de Frölén présentaient des fréquences bien moins élevées (voir figure 52.8). Selon l’une des hypothèses avancées, les souris de Wiley ont peut-être été plus stressées à cause des manipulations subies pendant la période de trois heures sans exposition. Si cette hypothèse se vérifie, l’effet des champs magnétiques a pu être «masqué» par l’anxiété des animaux. Bien qu’il soit difficile de l’éliminer totalement à la lumière des données fournies, une telle théorie semble quelque peu fantaisiste. De plus, quand on a augmenté l’exposition au champ magnétique, celle-ci aurait dû avoir un effet «visible» qui l’aurait emporté sur cet effet de stress. Or cela ne ressort pas des données de Wiley.

Contrairement à l’étude menée par Frölén, celle de Wiley fait état d’une surveillance de l’environnement et d’une rotation des cages ayant pour but d’éliminer les impondérables susceptibles de varier dans la pièce même, comme c’est le cas des champs magnétiques eux-mêmes. On sait mieux comment on a évité certains biais dans l’étude de Wiley. On peut pourtant imaginer que certains facteurs non randomisés expliquent une partie des résultats. On doit constater aussi que l’absence d’effet observé chez les séries du septième jour de l’expérience Frölén est due non pas à une diminution chez les groupes exposés, mais à une augmentation chez le groupe témoin. Ainsi, il sera probablement utile d’examiner les variations relevées dans le groupe témoin quand on se penchera sur les écarts constatés entre les deux études.

Etude des effets d’une exposition à des champs magnétiques ELF sur la reproduction des rongeurs

Plusieurs études ont été menées, principalement sur des rongeurs, avec des champs magnétiques de 50 à 80 Hz. Les détails de six de ces études sont exposés au tableau 52.5. D’autres études ont été effectuées avec des champs ELF, mais leurs résultats n’ont été publiés dans aucune revue scientifique et ne sont généralement disponibles que sous forme de résumés de conférences. En général, leurs auteurs concluent à l’existence «d’effets aléatoires», «ne remarquent aucune différence», etc. Une étude a cependant révélé un nombre réduit d’anomalies externes chez des souris CD-1 exposées à un champ de 20 µT de 50 Hz, mais leurs auteurs ont avancé que cela pouvait être attribuable à un problème de sélection. Quelques études ont été effectuées sur des espèces autres que les rongeurs (sur des singes rhésus et sur des vaches), études qui n’ont pas non plus permis de conclure à la présence d’effets nocifs.

Tableau 52.5 Etudes tératologiques sur des rats ou des souris exposés à des champs
magnétiques à ondes sinusoïdales ou carrées pulsées de 15-60 Hz

Etude

Sujets1

Exposition aux champs magnétiques

Résultats

 

 

Fréquence

Amplitude

Description

Durée d’exposition

 

Rivas et Rius (1985)

25 souris suisses

50 Hz

83 µT, 2,3 mT

Onde pulsée, durée d’impulsion 5 ms

Avant et pendant la gestation et la croissance des rejetons; total 120 jours

Pas de différences significatives à la naissance pour tous les paramètres mesurés; diminution du poids corporel chez les mâles adultes.

Zecca, Ferrario et Dal Conte (1985)

10 rats SD

50 Hz

5,8 mT

 

Du 6e au 15e jour de la gestation, 3 h/jour

Pas de différences significatives.

Tribukait, Cekan et Paulsson (1987)

35 souris C3H

50 Hz

1 µT, 15 µT(crête)

Onde carrée, durée 0,5 ms

Du jour 0 au14e jour de la gestation, 24 h/jour

Pas de différences significatives.

Salzinger et coll. (1990)

41 rejetons de rats SD. Rejetons mâles seulement

60 Hz

100 µT (valeur efficace). En outre, exposition à un champ électrique

Polarisation circulaire homogène

Du jour 0 au 22e jour de la gestation et le 8e jour après la naissance, 20 h/jour

Augmentation moindre du nombrede réponses obtenues chez les sujets au cours de l’entraînement commencé à 90 jours d’âge.

McGivern, Sokol et Adey (1990)

11 rejetons de rats SD. Rejetons mâles seulement

15 Hz

800 µT (crête)

Onde carrée, durée 0,3 ms

Du 15e au 20e jour de la gestation, 2 × 15 min/jour

Atténuation du comportement de marquage du territoire par les urines à 120 jours d’âge.
Augmentation du poids de certains organes.

Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993)

72 rats Wistar

50 Hz

12,6 µT (valeur efficace)

Sinusoïdale

Du jour 0 au 12e jour de la gestation, 24 h/jour

Augmentation du nombre de fœtus/portée. Malformations mineures du squelette.

1 Nombre d’animaux (mères) dans la catégorie de plus forte exposition, sauf mention contraire.

Comme le montre le tableau 52.5, l’éventail des résultats obtenus est large. Ces études sont plus délicates à résumer parce que les conditions d’exposition et les points étudiés, entre autres facteurs, varient beaucoup. Le fœtus (ou le rejeton vivant sélectionné) a servi d’unité d’analyse dans la plupart des cas. Globalement, il est clair que ces études ne font état d’aucun effet tératogène flagrant attribuable à une exposition à un champ magnétique pendant la grossesse. Comme on l’a signalé précédemment, les «anomalies mineures du squelette» ne semblent pas constituer un risque réel pour l’être humain. Les résultats des études de comportement réalisées par Salzinger et coll. (1990) et par McGivern, Sokol et Adey (1990) sont certes intéressants, mais on ne peut en déduire que le travail devant un TEV présente des risques pour la santé des humains, que l’on considère la procédure suivie (utilisation du fœtus et, pour ce qui concerne l’étude de McGivern, utilisation d’une fréquence différente) ou les effets observés.

Résumé d’études particulières

Salzinger et McGivern ont observé, trois ou quatre mois après la naissance, un retard du développement comportemental chez la progéniture des femelles exposées. Il s’avère que ces études ont utilisé les rejetons des portées comme unité d’analyse, méthode contestable si l’on suppose que l’effet observé est lié à une exposition de la mère. Salzinger a également exposé les rejetons durant les huit premiers jours suivant la naissance, de sorte que son étude ne s’est pas limitée à une recherche sur les risques pour la reproduction. Un nombre restreint de portées a été utilisé dans les deux études. De plus, on ne peut considérer que les résultats concordent entre ces études, vu que l’exposition a énormément varié de l’une à l’autre, comme l’illustre le tableau 52.5.

En plus de ces altérations de comportement chez les animaux exposés, McGivern a noté un accroissement du poids de certains organes génitaux chez le mâle — prostate, vésicules séminales et épididyme (qui font toutes partie du système de reproduction mâle). Les auteurs se sont demandé si cela pouvait être lié à l’augmentation du niveau de certaines enzymes dans la prostate, car ils ont remarqué qu’une exposition à un champ magnétique a des effets sur certaines enzymes présentes dans la prostate à une fréquence de 60 Hz.

Huuskonen, Juutilainen et Komulainen (1993) ont noté une augmentation du nombre de fœtus par portée (10,4 fœtus dans le groupe exposé à 50 Hz et 9 fœtus dans le groupe témoin). Les auteurs, qui n’avaient rien observé de comparable dans d’autres études, ont minimisé l’importance de ces résultats en concluant à un «phénomène fortuit davantage qu’à un effet réel des champs magnétiques». En 1985, Rivas et Rius ont abouti à des résultats différents et observé un nombre de naissances vivantes par portée légèrement plus faible chez les groupes exposés que chez les groupes non exposés, différence non statistiquement significative. Pour les autres volets de leurs analyses, ils ont utilisé à la fois le fœtus et la portée comme unités d’analyse. Une augmentation du nombre de malformations squelettiques mineures apparaît uniquement lorsque le fœtus est pris comme unité d’analyse.

Recommandations et récapitulation

Malgré le peu de données positives et convaincantes qu’elles apportent sur les effets des champs magnétiques chez l’humain ou chez l’animal, certaines études méritent d’être reconduites. Il faudra cependant essayer de réduire les écarts entre les niveaux d’exposition, les méthodes d’analyse statistiques et utiliser des animaux de même souche.

De façon générale, les études expérimentales menées avec des champs magnétiques de 20 kHz donnent des résultats assez variés. Quand on s’en est strictement tenu à des analyses sur les portées et à vérifier les hypothèses statistiques, aucun effet n’a été constaté chez le rat (bien que des résultats similaires non significatifs aient été observés dans les deux études). Chez les souris, les résultats sont variés, et il n’a été possible d’en tirer aucune interprétation cohérente à ce jour. La situation est quelque peu différente pour les champs magnétiques de 50 Hz. Les études épidémiologiques accomplies avec cette fréquence sont rares et l’une d’entre elles a conclu à l’existence d’un risque d’avortement spontané. A l’opposé, les études portant sur des animaux de laboratoire n’ont pas donné de résultats comparables. Globalement, d’après les résultats recueillis, on ne peut dire que les champs magnétiques à ultra basse fréquence produits par les TEV ont une incidence sur l’issue des grossesses. Pris ensemble, ces résultats ne permettent donc pas d’établir que les champs magnétiques VLF ou ELF émis par les TEV ont un effet sur la reproduction.

Note technique

Unités d’observation

Pour faire une évaluation statistique d’études portant sur des mammifères, il faut prendre en compte au moins un aspect du mécanisme (mécanisme d’ailleurs souvent inconnu). Si l’exposition affecte la mère — et indirectement les fœtus de la portée —, c’est l’état de la portée dans son ensemble qui doit être retenu comme unité d’observation (l’effet que l’on veut observer et mesurer), étant donné que les résultats constatés chez chaque rejeton de la portée ne sont pas isolés. Si, par contre, on pose l’hypothèse que l’exposition agit directement et de façon indépendante sur chacun des fœtus de la portée, il est justifié d’utiliser le fœtus comme unité d’évaluation statistique. La pratique veut qu’on prenne la portée comme unité d’observation à moins que la preuve existe que les effets de l’exposition d’un fœtus sont indépendants de ses effets sur les autres fœtus de la portée.

LES EFFETS SUR LA FONCTION DE REPRODUCTION: ÉTUDES SUR L’ÊTRE HUMAIN

Claire Infante-Rivard

La question des effets possibles des terminaux à écran de visualisation (TEV) sur la reproduction remonte à l’arrivée massive de ces équipements dans le monde du travail au cours des années soixante-dix. Les craintes quant à leur impact sur la grossesse sont nées d’agrégats de cas d’avortements spontanés ou de malformations congénitales relevés chez des femmes enceintes travaillant sur TEV (Blackwell et Chang, 1988). Bien qu’il ait été établi que ces agrégats de cas étaient simplement le fruit du hasard, compte tenu de l’utilisation généralisée des écrans dans les entreprises modernes (Bergqvist, 1987), des études épidémiologiques ont été entreprises pour approfondir la question.

On peut affirmer, sur la base des études publiées recensées ici, qu’en règle générale le travail sur TEV ne semble pas être associé à un risque excessif de problèmes de grossesse. Cependant, cette conclusion générale s’applique aux terminaux que les femmes utilisent habituellement dans les bureaux. S’il s’avérait que, pour une raison technique, un petit nombre de ces écrans produisent des champs magnétiques intenses, cette conclusion générale sur la sécurité ne pourrait pas s’appliquer à cette situation particulière, car il est peu probable que les études publiées aient pu détecter statistiquement un tel effet. Pour qu’elles puissent se prêter à des conclusions généralisables sur la sécurité des écrans, il est indispensable que les prochaines études effectuées sur le risque de grossesses anormales associé aux écrans comportent des mesures plus fines sur l’exposition.

Les problèmes de reproduction les plus fréquemment étudiés ont été:

Tableau 52.6 L'utilisation d'un TEV en tant que facteur de risque d'issue défavorable
de la grossesse

Objectifs

 

Méthodes

 

Résultats

Etude

Issue de la grossesse

Type d’étude

Cas

Témoins

Détermination de l’exposition

OR/RR (IC à 95%)

Conclusion

Kurppa et coll. (1987)

Malformation congénitale

Cas- témoins

1 475

1 475, même âge, même date d’accouchement

Intitulé des postes, entretiens individuels

235 cas,
255 témoins,
0,9 (0,6-1,2)

Pas d’indication d’augmentation du risque chez les femmes ayant déclaré une exposition à un TEV ou chez celles dont l’intitulé du poste laissait supposer une telle exposition.

Ericson et Källén (1986)

Avortement spontané
Mort du nourrisson
Malformations
Très faible poids à la naissance

Etude de cas

412

22

62
26

1 032, âge similaire et même registre

Intitulé des postes

1,2 (0,6-2,3)
(s’applique au résultat groupé)

L’utilisation d’un TEV a eu des effets non statistiquement significatifs.

Westerholm et Ericson (1987)

Enfant mort-né
Faible poids à la naissance
Mortalité prénatale
Malformations

Cohorte

7


13

43

4 117

Intitulé des postes

1,1 (0,8-1,4)
NM(NS)
NM(NS)
1,9 (0,9-3,8)

Aucun risque excessif n’a été trouvé quelle que soit l’issue de la grossesse étudiée.

Bjerkedalet Egenaes (1987)

Enfant mort-né
Mort dans la 1re semaine
Mort prénatale
Faible poids à la naissance
Très faible poids à la naissance
Accouchement avant terme
Naissance multiple
Malformations

Cohorte

17
8

25
46

10


97

16

71

1 820

Registres de l’emploi

NM(NS)
NM(NS)
NM(NS)
NM(NS)
NM(NS)
NM(NS)
NM(NS)
NM(NS)

Selon les conclusions de l’étude, rien n’indiquait que l’installation de TEV dans le centre avait amené une quelconque augmentation du taux des issues défavorables de la grossesse.

Goldhaber, Polen et Hiatt (1988)

Avortement spontané
Malformations

Cas- témoins

460

137

1 123, 20% de toutes les naissances normales, même région, même époque

Questionnaire postal

1,8 (1,2-2,8)
1,4 (0,7-2,9)

Risque statistiquement accru d’avortement spontané après exposition à un TEV. Pas de risque excessif pour les malformations congénitales associées à l’exposition à un TEV.

McDonald et coll. (1988)

Avortement spontané
Enfant mort-né
Malformations
Faible poids à la naissance

Cohorte

776

25
158
228

 

Entretiens individuels

1,19 (1,09-1,38) grossesses en cours/0,97 grossesses précédentes
0,82 grossesses en cours/0,71 grossesses précédentes
0,94 grossesses en cours/1,12 (89-1,43) grossesses précédentes 1,10

Aucune augmentation du risque n’a été constatée chez les femmes exposées à un TEV.

Nurminen et Kurppa (1988)

Avortement imminent
Gestation <40 semaines
Faible poids à la naissance
Poids placentaire
Hypertension

Cohorte

239

96

57

NM

NM

 

Entretiens individuels

0,9
écran: 30,5%,
non: 43,8%
écran: 25,4%,
non: 23,6%
autres comparaisons
(NM)

Les ratios des taux bruts et corrigés n’ont pas mis en évidence d’effets statistiquement significatifs pour le travail sur TEV.

Bryant et Love (1989)

Avortement spontané

Cas- témoins

344

647, hôpital, âge, dernière période menstruelle et parité identiques

Entretiens individuels

1,14 (p = 0,47) prénatal
0,80 (p = 0,2) postnatal

L’utilisation de TEV était similaire entre les cas et les témoins prénatals comme entre les cas et les témoins post-natals.

Windham et coll. (1990)

Avortement spontané
Faible poids à la naissance
Retard dans la croissance intra-utérine

Cas- témoins

626

64

68

1 308, âge et dernière période menstruelle identiques

Entretiens téléphoniques

1,2 (0,88-1,6)
1,4 (0,75-2,5)
1,6 (0,92-2,9)

Les OR bruts pour les avortements spontanés étaient les suivants: pour moins de 20 h d’écran par semaine: 1,2; IC à 95% 0,88-1,6; pour un minimum de 20 h par semaine: 1,3; IC à 95% 0,87-1,5. Les risques d’un faible poids de naissance et d’un retard de croissance intra-utérine ne sont pas significativement accrus.

Brandt et Nielsen (1990)

Malformation congénitale

Cas- témoins

421

1 365, 9,2% de toutes les grossesses, même registre

Questionnaire postal

0,96 (0,76-1,20)

L’utilisation d’un TEV durant la grossesse n’a pas été associée à un risque de malformations congénitales.

Nielsen et Brandt (1990)

Avortement spontané

Cas- témoins

1 371

1 699, 9,2% de toutes les grossesses, même registre

Questionnaire postal

0,94 (0,77-1,14)

Pas de risque statistiquement significatif d’avortement spontané en cas d’exposition à un TEV.

Tikkanen et Heinonen (1991)

Malformations
cardio-vasculaires

Cas- témoins

573

1 055, accouchement à l’hôpital à la même époque

Entretiens individuels

Cas 6,0%, témoins 5,0%

Pas d’association statistiquement significative entre l’exposition à un TEV et les malformations cardio-vasculaires.

Schnorr et coll. (1991)

Avortement spontané

Cohorte

136

746

Registres de l’entreprise, mesures du champ magnétique

0,93 (0,63-1,38)

Pas d’excès de risque pour les femmes ayant utilisé un TEV pendant le premier trimestre de leur grossesse et pas d’effet dose-réponse manifeste par rapport à la durée hebdomadaire de travail sur écran.

Brandt et Nielsen (1992)

Temps écoulé jusqu’à la grossesse

Cohorte

   

Questionnaire postal

1,61 (1,09-2,38)

Plus de 13 mois avant la grossesse, augmentation du risque relatif pour le groupe travaillant au moins 21 h sur écran par semaine.

Nielsen et Brandt (1992)

Faible poids à la naissance
Naissance avant terme
Enfant petit pour l’âge de gestation
Mortalité infantile

Cohorte

434

443

749


160

 

Questionnaire postal

0,88 (0,67-1,66)
1,11 (0,87-1,47)
0,99 (0,62-1,94)
NM(NS)

On n’a pas observé d’augmentation du risque chez les femmes exposées aux écrans.

Roman et coll. (1992)

Avortement spontané

Cas- témoins

150

297, nullipares à l’hôpital

Entretiens individuels

0,9 (0,6-1,4)

Pas de relation avec le temps passé devant l’écran.

Lindbohm et coll. (1992)

Avortement spontané

Cas- témoins

191

394, registres médicaux

Registres de l’emploi, mesures du champ magnétique

1,1 (0,7-1,6),
3,4 (1,4-8,6)

La comparaison entre les travailleuses exposées à des champs magnétiques de forte intensité et celles exposées à des intensités non décelables a donné un OR de 3,4 (IC à 95% 1,4-8,6).

Bramwell et Davidson (1994)

Avortement spontané
Fécondabilité

Cohorte

26

Questionnaire postal

NM(NS)

Pas de relation observée entre l’utilisation d’un TEV et les issues défavorables de la grossesse.

OR = odds ratio (rapport des cotes). IC = intervalle de confiance. RR = risque relatif. NM = valeur non mentionnée. NS = non statistiquement significatif.

Discussion

Au terme des évaluations faites sur les agrégats de cas de troubles de la grossesse et l’utilisation des TEV, on a conclu que ces problèmes étaient fort probablement dus au hasard (Bergqvist, 1987). En outre, les résultats des quelques études épidémiologiques réalisées pour vérifier la relation entre l’utilisation des écrans et les problèmes de grossesse n’ont pas fait apparaître, dans l’ensemble, d’accroissement statistiquement significatif du risque.

Sur les dix études consacrées aux avortements spontanés dont il est question ici, seules deux ont révélé un accroissement statistiquement significatif du risque couru par exposition aux TEV (Goldhaber, Polen et Hiatt, 1988; Lindbohm et coll., 1992). Aucune des huit études sur les malformations congénitales n’a révélé d’augmentation du risque en rapport avec une exposition à des TEV. Une des huit études portant sur les autres problèmes de grossesse a permis d’observer la présence d’une association statistiquement significative entre la fécondabilité (voir définition plus haut) et l’utilisation d’un TEV (Brandt et Nielsen, 1992).

Bien qu’il n’y ait pas de différences majeures entre les trois études dont les résultats sont positifs et celles dont les résultats sont négatifs, il se peut que les améliorations apportées au mode d’évaluation de l’exposition aient augmenté les probabilités d’observer un risque significatif. Sans être exclusivement le cas des études ayant donné des résultats positifs, ces trois études avaient divisé les opératrices selon leurs niveaux d’exposition. S’il y a un facteur inhérent à l’utilisation des TEV qui prédispose une femme à des problèmes de grossesse, la dose reçue peut influer sur l’issue de la grossesse. En outre, les résultats des études de Lindbohm et coll. (1992) et Schnorr et coll. (1991) semblent indiquer que seule une petite proportion des écrans peut être la cause d’une augmentation du risque d’avortement spontané chez les utilisatrices. Si tel est le cas, l’impossibilité d’identifier ces écrans faussera les résultats et pourrait conduire à sous-estimer le risque d’avortement spontané chez les femmes travaillant sur des TEV.

D’autres hypothèses ont été avancées sur les facteurs pouvant constituer un risque de problèmes de grossesse chez les femmes qui travaillent sur écran, tels que le stress et les contraintes ergonomiques (McDonald et coll., 1988; Brandt et Nielsen, 1992). Beaucoup d’études n’ayant pas permis de vérifier ces facteurs de confusion, on peut douter de la validité des résultats.

Il est certes plausible, biologiquement parlant, qu’une exposition à des doses élevées de champs magnétiques à ultra basse fréquence devant certains TEV entraîne un risque accru de grossesse anormale (Bergqvist, 1987), mais seules deux études ont comporté des mesures à ce sujet (Schnorr et coll., 1991; Lindbohm et coll., 1992). Il existe des champs magnétiques à ultra basse fréquence partout où l’électricité est utilisée. Leur action éventuelle sur la grossesse ne pourrait être détectée que s’ils variaient dans le temps ou dans l’espace. Bien que les TEV contribuent à augmenter les champs magnétiques présents dans les milieux de travail, on estime que seul un faible pourcentage de ces appareils ont une forte influence sur les champs magnétiques relevés au travail (Lindbohm et coll., 1992). On pense qu’une fraction seulement des femmes travaillant devant un écran sont exposées à des rayonnements magnétiques plus élevés que ceux normalement rencontrés dans les milieux de travail (Lindbohm et coll., 1992). Le manque de précision des mesures, qui vient de ce que tous les utilisateurs d’écran sont comptés comme des gens «exposés», affaiblit l’aptitude d’une étude à détecter les effets que les champs magnétiques des écrans peuvent avoir sur l’issue de la grossesse.

Dans certaines études, les femmes sans activité professionnelle représentaient une forte proportion des groupes témoins auxquels étaient comparées les femmes travaillant sur écran. Dans ces comparaisons, les modalités de sélection ont pu influencer les résultats (Infante-Rivard et coll., 1993); par exemple, les femmes souffrant de graves problèmes de santé ont quitté la population active, ce qui a pour conséquence que la population étudiée compte davantage de femmes en bonne santé qui ont plus de chances de mener normalement leur grossesse à terme (c’est l’effet du travailleur sain). A l’opposé, on peut s’attendre à un effet que l’on pourrait appeler «effet du travailleur malade», en ce sens que les femmes qui attendent un enfant sont susceptibles d’abandonner leur travail durant la grossesse, alors que celles qui ont connu une fausse couche peuvent retourner à leur poste. Ce biais de sélection, pour être évalué dans son ampleur, nécessite que l’on procède à des analyses séparées sur les femmes exerçant une activité professionnelle ou sur les femmes inactives au moment de l’étude.

Synthèse des études sur l’issue de grossesses

Lors d’une étude cas-témoins sur les facteurs environnementaux et professionnels propices aux malformations congénitales (Kurppa et coll., 1987), 1 475 cas ont été recensés à partir du registre finlandais des malformations congénitales pour la période comprise entre 1976 et 1982 (voir tableau 52.6). Une mère dont l’accouchement avait précédé immédiatement l’apparition d’un cas, et qui vivait dans le même secteur, a été prise comme sujet témoin pour ce cas. L’exposition aux terminaux à écran de visualisation (TEV) durant le premier trimestre de la grossesse a été établie par des entretiens individuels menés à la clinique lors d’une visite postnatale ou à la maison. Pour déterminer si les intéressées avaient probablement ou manifestement utilisé un écran, des hygiénistes du travail (qui ignoraient l’issue des grossesses) se sont fiés à l’intitulé des postes de travail et aux réponses à des questions non dirigées destinées à reconstituer une journée de travail ordinaire. L’étude n’a pas permis de conclure à une aggravation du risque, ni chez les femmes qui avaient signalé une exposition à un TEV (rapport des cotes: OR = 0,9; IC à 95% 0,6 – 1,2), ni chez celles dont l’intitulé du poste laissait supposer une telle exposition (235 cas/255 témoins).

Une cohorte de femmes suédoises appartenant à trois groupes professionnels a été constituée en faisant le lien entre le recensement des professions et le registre médical des naissances en 1980 et 1981 (Ericson et Källén, 1986). Une étude de cas a été faite dans cette cohorte portant sur 412 femmes hospitalisées en raison d’un avortement spontané et 110 autres pour d’autres problèmes (mort périnatale, malformations congénitales et poids de naissance inférieur à 1 500 g). Les témoins étaient 1 032 femmes d’âge comparable, dont le bébé ne présentait aucune de ces caractéristiques, et choisies dans le même registre. A l’aide des OR bruts, une relation exposition-réponse a été établie entre l’exposition aux TEV (heures hebdomadaires estimatives divisées en tranches de cinq heures) et l’issue des grossesses (excepté l’avortement spontané). Une fois prise en compte la consommation de tabac et le stress, les effets de l’utilisation de TEV sur la grossesse sont apparus non significatifs.

Une étude de cohorte, centrée sur un des trois groupes professionnels recensés à partir d’une étude précédente d’Ericson, a été faite sur 4 117 employées de la sécurité sociale en Suède (Westerholm et Ericson, 1987). Les proportions d’avortements spontanés en milieu hospitalier, d’insuffisances pondérales à la naissance, de décès périnatals et de malformations congénitales relevés dans cette cohorte ont été comparées aux taux constatés dans la population en général. La cohorte a été divisée selon le degré d’exposition en cinq groupes définis par des représentants des syndicats et de l’employeur. Aucune valeur anormale n’a été mise en évidence, quelle que soit l’issue de la grossesse. Le risque relatif global d’un avortement spontané, rapporté à l’âge de la mère, était de 1,1 (IC à 95% 0,8 – 1,4).

Une étude de cohorte portant sur 1 820 naissances a été menée auprès des femmes ayant travaillé au centre de chèques postaux norvégien entre 1967 et 1984 (Bjerkedal et Egenaes, 1987). La proportion d’enfants mort-nés ou d’enfants morts dans la première semaine de morts périnatales, d’enfants ayant un poids faible ou très faible, de naissances prématurées, de naissances multiples et de malformations congénitales a été calculé pour les grossesses survenues durant leur période de travail au centre (990 grossesses) et celles survenues avant et après (830 grossesses). Le taux d’issues défavorables des grossesses a également été calculé pour trois périodes de six ans, 1967-1972, 1973-1978 et 1979-1984. Les premiers TEV sont apparus en 1972 et leur emploi s’est généralisé vers 1980. Selon les conclusions de l’étude, rien ne prouvait que l’arrivée des TEV dans le centre ait conduit à une quelconque augmentation du nombre des grossesses à évolution anormale.

Une cohorte de 9 564 grossesses a été constituée sur la base des registres d’analyses d’urine effectuées chez des femmes enceintes admises dans trois cliniques californiennes en 1981-1982 (Goldhaber, Polen et Hiatt, 1988). Les intéressées devaient avoir adhéré à un régime d’assurance maladie de la Californie du Nord pour leur prise en compte dans l’étude. L’issue de l’accouchement a pu être connue pour toutes les grossesses, sauf pour 391 d’entre elles. Dans cette cohorte, 460 des 556 femmes ayant fait un avortement spontané (moins de 28 semaines), 137 des 156 patientes ayant déclaré une anomalie congénitale et 986 des 1 123 sujets témoins (correspondant à une naissance normale sur cinq dans la cohorte initiale) ont répondu à un questionnaire postal rétrospectif sur une éventuelle exposition à des produits toxiques, notamment des pesticides et sur l’usage d’un TEV pendant la grossesse. Les OR calculés pour les femmes ayant utilisé un écran durant le premier trimestre de la grossesse pendant plus de 20 heures par semaine, après correction pour 11 variables — dont âge, fausses couches ou malformations congénitales lors de précédentes grossesses, consommation de tabac et d’alcool — étaient de 1,8 (IC à 95% 1,2 – 2,8) pour l’avortement spontané et de 1,4 (IC à 95% 0,7 – 2,9) pour les malformations congénitales, comparativement aux femmes actives qui n’avaient pas utilisé de TEV.

Lors d’une étude menée dans 11 services de gynécologie obstétrique de la région de Montréal sur une période de deux ans (1982-1984), 56 012 femmes qui avaient accouché (51 855) ou suivaient un traitement pour avortement spontané (4 127) ont été interrogées sur leur situation professionnelle, personnelle et sociale (McDonald et coll., 1988). Ces femmes ont également fourni des renseignements sur 48 637 grossesses précédentes. Les problèmes rencontrés (avortements spontanés, enfants mort-nés, malformations congénitales et faible poids à la naissance) ont été notés pour la dernière grossesse et les grossesses précédentes. Le ratio taux observés/taux attendus a été calculé par groupe d’emploi pour les dernières grossesses et les grossesses précédentes. Les taux escomptés pour chaque groupe d’emploi étaient basés sur l’issue des grossesses dans l’ensemble de l’échantillon, et corrigés selon huit variables, dont l’âge et la consommation de tabac et d’alcool. Aucune augmentation du risque n’a été observée chez les femmes exposées à un TEV.

Une étude de cohorte auprès de 1 475 femmes a consisté à comparer les taux établis pour les risques d’avortement, la durée de gestation, le poids de naissance, le poids placentaire et l’hypertension provoquée par la grossesse entre les femmes travaillant sur TEV et les autres (Nurminen et Kurppa, 1988). La cohorte regroupait tous les sujets non recensés lors d’une précédente étude cas-témoins concernant les malformations congénitales. Les informations sur les facteurs de risque ont été recueillies au moyen d’entretiens individuels. Il n’est ressorti des taux bruts et corrigés aucun effet statistiquement significatif qui soit attribuable au travail sur écran.

Une étude cas-témoins portant sur 344 cas d’avortement spontané survenus dans trois hôpitaux de Calgary au Canada a été menée en 1984-1985 (Bryant et Love, 1989). Les chercheurs ont sélectionné deux groupes témoins (314 sujets en période prénatale et 333 en période du post-partum) parmi les femmes ayant accouché ou susceptibles d’accoucher dans les hôpitaux en question. Pour faire correspondre les témoins à un cas, les chercheurs se sont basés sur l’âge à la dernière période menstruelle, le nombre d’enfants déjà mis au monde et l’hôpital prévu pour l’accouchement. Pour savoir si un TEV était ou avait été utilisé à la maison et au travail, avant et durant la grossesse, on a procédé à des entretiens menés soit dans les hôpitaux pour les témoins en période postnatale et les femmes ayant eu un avortement spontané, soit à la maison, au travail ou au bureau des chercheurs pour les témoins en période prénatale. Il a été tenu compte des variables socio-économiques et obstétricales. L’emploi qui était fait des TEV était comparable entre les cas et les témoins en période prénatale (OR = 1,14; p = 0,47) ou postnatale (OR = 0,80; p = 0,2).

Une étude cas-témoins a été réalisée dans un comté de la Californie sur 628 femmes ayant eu un avortement spontané, identifiées au travers de spécimens pathologiques et dont la dernière période menstruelle remontait à 1986, et sur 1 308 témoins ayant eu des enfants nés vivants (Windham et coll., 1990). Les témoins ont été choisis au hasard, dans un rapport de 2 pour 1, parmi des femmes comparables par la date de la dernière période menstruelle et le lieu de l’hospitalisation. Les activités durant les 20 premières semaines de la grossesse ont été répertoriées au moyen d’entretiens téléphoniques. On a également demandé aux participantes si elles s’étaient servies d’un TEV au travail pendant cette période. Il est apparu que les OR bruts entre le nombre d’avortements spontanés et la durée d’utilisation d’un écran, qu’elle soit inférieure à 20 heures par semaine (1,2; IC à 95% 0,88 – 1,6) ou au moins égale à 20 heures par semaine (1,3; IC à 95% 0,87 – 1,5), variait peu une fois corrigé en fonction de variables comme la catégorie d’emploi, l’âge à la maternité, les fausses couches antérieures, ainsi que la consommation d’alcool et de tabac. Une analyse effectuée ultérieurement auprès des femmes du groupe témoin a montré que les risques de faible poids à la naissance et de retard de croissance intra-utérine n’étaient pas significativement supérieurs.

Une étude cas-témoins a été menée dans le cadre d’une recherche portant sur 24 352 grossesses survenues entre 1982 et 1985 chez 214 108 employées de bureau et de commerce au Danemark (Brandt et Nielsen, 1990). Les cas étudiés — soit 421 femmes probantes sur les 661 qui avaient donné naissance à des enfants atteints d’une malformation congénitale et qui avaient travaillé pendant leur grossesse — ont été comparés aux 1 365 sujets qui avaient répondu sur les 2 252 femmes sélectionnées au hasard parmi celles ayant exercé une activité professionnelle. Des informations ont été obtenues sur les grossesses et leur issue, ainsi que sur l’emploi occupé, en réunissant trois bases de données. Pour recueillir des renseignements sur l’utilisation d’un TEV (oui/non/heures par semaine) et sur des facteurs professionnels et personnels tels que le stress, l’exposition à des solvants, le mode de vie et les qualités ergonomiques, on a expédié un questionnaire par la poste. Cette étude n’a pas permis de conclure que l’utilisation d’un TEV durant la grossesse augmente les risques de malformations congénitales.

Les chercheurs ci-dessus ont utilisé les mêmes données que leur étude précédente sur les anomalies congénitales (Brandt et Nielsen, 1990) pour comparer 1 371 des 2 248 femmes ayant vécu un avortement spontané à l’hôpital avec 1 699 sujets sélectionnés au hasard (Nielsen et Brandt, 1990). Cette étude a été menée auprès d’employées de commerce et de bureau, mais toutes n’étaient pas en poste au moment de leur grossesse. Pour déterminer dans quelle mesure les deux groupes se comparaient, on a pris l’OR entre le degré d’utilisation d’un TEV chez les femmes ayant eu un avortement spontané et le degré d’utilisation d’un TEV dans la population échantillonnée (représentant toutes les grossesses, y compris celles qui s’étaient terminées par un avortement spontané). L’OR, après correction dans le cas d’une exposition à un TEV et d’un avortement spontané, s’est établi à 0,94 (IC à 95% 0,77 – 1,14).

Une étude cas-témoins a été menée auprès de 573 femmes ayant donné naissance à des enfants souffrant de malformations cardio-vasculaires entre 1982 et 1984 (Tikkanen et Heinonen, 1991). Les cas ont été recensés à partir du registre finlandais des malformations congénitales. Le groupe témoin était composé de 1 055 femmes, sélectionnées au hasard parmi les femmes qui avaient accouché à l’hôpital durant la même période. La fréquence d’utilisation des TEV («jamais», «régulièrement» ou «occasionnellement») a été établie lors d’entretiens menés trois mois après l’accouchement. Aucune relation statistiquement significative n’a été observée entre le fait d’utiliser un écran, à la maison ou au travail, et l’apparition de malformations cardio-vasculaires.

Une étude de cohorte a été réalisée auprès de 730 femmes mariées ayant déclaré avoir été enceintes entre 1983 et 1986 (Schnorr et coll., 1991). Ces femmes étaient employées soit aux renseignements téléphoniques, soit comme standardistes générales dans deux sociétés de téléphone desservant huit Etats du sud-est des Etats-Unis; seules les opératrices des renseignements utilisaient un TEV dans leur travail; le degré d’exposition aux écrans a été déterminé d’après les archives des entreprises; les cas d’avortement spontané (perte du fœtus à 28 semaines de gestation ou avant) ont été recensés par entretien téléphonique; les certificats de naissance ont ensuite servi à comparer les réponses données aux résultats effectifs des grossesses et, lorsque c’était possible, les médecins ont été consultés; l’intensité des champs électriques et magnétiques émis à des fréquences très basses et extrêmement basses a été mesurée à l’aide d’un échantillon de postes de travail; les postes de travail dotés d’un écran produisaient des champs plus intenses que ceux sans écran. Aucun risque excessif n’a été observé pour les femmes qui avaient utilisé un TEV durant le premier trimestre de leur grossesse (OR 0,93; IC à 95% 0,63 – 1,38), et les chercheurs n’ont constaté aucun effet dose-réponse manifeste lorsqu’ils ont pris en compte la durée hebdomadaire d’utilisation d’un TEV.

Au Danemark, une cohorte de 1 365 employées de commerce et de bureau qui avaient une activité salariée au moment de leur grossesse et qui avaient été recensées d’après une étude précédente (Brandt et Nielsen, 1990; Nielsen et Brandt, 1990) a servi à étudier les taux de «fécondabilité» par rapport à l’utilisation d’un TEV (Brandt et Nielsen, 1992). La «fécondabilité» définie comme étant le temps écoulé entre l’arrêt du traitement contraceptif et le moment de la conception, a été mesurée à l’aide d’un questionnaire envoyé par la poste. Cette étude a montré qu’un allongement du délai d’attente jusqu’à la grossesse était relativement plus à craindre chez les femmes travaillant au moins 21 heures par semaine sur écran (risque relatif 1,61; IC à 95% 1,09 – 2,38).

Une autre cohorte de 1 699 employées de commerce et de bureau, constituée de femmes qui avaient travaillé et d’autres qui n’avaient pas travaillé pendant leur grossesse, recensées au cours de l’étude citée au paragraphe précédent, a été utilisée pour étudier le faible poids à la naissance (434 cas), la naissance avant terme (443 cas), la petite taille pour l’âge de gestation (749 cas) et la mortalité infantile (160 cas), en rapport avec l’utilisation d’un TEV (Nielsen et Brandt, 1992). L’étude n’a fait ressortir aucune augmentation de ces types de risques chez les femmes ayant travaillé sur écran.

Lors d’une étude cas-témoins, des chercheurs ont interrogé, entre 1987 et 1989, 150 femmes nullipares ayant eu un avortement spontané cliniquement diagnostiqué et 297 femmes nullipares en activité professionnelle qui étaient suivies dans un hôpital de Reading (Angleterre) pour des soins prénatals (Roman et coll., 1992). Les entretiens ont eu lieu individuellement au moment de la première visite prénatale pour les témoins et trois semaines après l’avortement pour les femmes ayant fait une fausse couche. Lorsqu’une femme avait mentionné qu’elle travaillait sur TEV, on a calculé le temps d’exposition en heures par semaine et la date de la première exposition. D’autres facteurs tels que le nombre d’heures supplémentaires, l’activité physique au travail, le stress et le confort physique au travail, l’âge, la consommation d’alcool et le nombre de fausses couches antérieures ont aussi été vérifiés. Chez les femmes travaillant sur un écran, l’OR pour l’avortement spontané s’est établi à 0,9 (IC à 95% 0,6 – 1,4), et aucune corrélation n’est apparue avec la durée d’utilisation du TEV. Les corrections apportées compte tenu d’autres facteurs comme l’âge de la mère, la consommation de tabac et d’alcool et les avortements spontanés antérieurs n’ont pas modifié les résultats.

A la suite d’une étude effectuée sur les employées de banque et de bureau de trois sociétés de Finlande, 191 cas d’avortement spontané en milieu hospitalier et 394 témoins (enfants nés vivants) ont été répertoriés à partir des registres médicaux finlandais portant sur les années 1975 à 1985 (Lindbohm et coll., 1992). Pour savoir si elles utilisaient un TEV, on s’est fié à leurs réponses et aux informations fournies par les employeurs. L’intensité des champs magnétiques a été évaluée rétrospectivement à l’aide d’un montage en laboratoire réalisé avec un échantillon des écrans utilisés dans les sociétés en question. L’OR pour l’avortement spontané et le travail sur écran était de 1,1 (IC à 95% 0,7 – 1,6). Après avoir réparti les opératrices en plusieurs groupes selon l’intensité des champs magnétiques produits par les écrans, les chercheurs ont abouti à un OR de 3,4 (IC à 95% 1,4 – 8,6) chez les employées qui avaient utilisé un écran produisant un champ magnétique très intense dans la bande des fréquences extrêmement basses (0,9 mT), comparativement à celles qui avaient employé un écran émettant un champ d’une intensité inférieure aux limites de détection (0,4 mT). Cet OR ne changeait que légèrement une fois corrigé en fonction des caractéristiques ergonomiques du poste et de l’effort mental requis. Quand ils ont fait une comparaison entre les opératrices exposées à des champs magnétiques intenses et les opératrices ne travaillant pas sur écran, les chercheurs ont constaté que l’OR n’était plus significatif.

Une étude sur les problèmes de grossesse et la fertilité a été menée auprès de femmes fonctionnaires travaillant pour le fisc britannique (Bramwell et Davidson, 1994). Au total, 3 711 des 7 819 questionnaires envoyés par la poste dans la première phase de l’étude ont été retournés. Ce premier questionnaire a permis de déterminer si les sujets interrogés se servaient d’un TEV. Le degré d’exposition a été établi en nombre d’heures hebdomadaires d’utilisation pendant la grossesse. Un an après, un second questionnaire a été envoyé pour évaluer l’incidence des problèmes de grossesse chez ces femmes; 2 022 des premières participantes ont répondu. Les variables de confusion auxquelles on peut penser sont, entre autres, le déroulement de la grossesse, les facteurs ergonomiques, le stress au travail et la consommation de café, d’alcool, de tabac et de tranquillisants. L’étude n’a pas permis d’établir de rapport entre le degré d’exposition évalué un an plus tôt et l’incidence des issues défavorables de la grossesse.

LES TROUBLES MUSCULO-SQUELETTIQUES

Gabriele Bammer

Introduction

Les opérateurs de TEV se plaignent fréquemment de douleurs musculo-squelettiques au niveau de la nuque, des épaules et des membres supérieurs. Ils ne sont pas les seuls à souffrir de ces troubles qui sont également signalés par d’autres salariés dont les tâches sont répétitives ou impliquent de maintenir le corps dans la même position (effort statique). Les tâches requérant l’usage de la force physique sont souvent associées, elles aussi, à des problèmes musculo-squelettiques, mais en général elles n’entrent pas en ligne de compte dans les problèmes de sécurité et de santé des opérateurs de TEV.

Chez les employés de bureau, dont le travail est le plus souvent sédentaire et comporte peu d’efforts physiques, l’arrivée des TEV sur les lieux de travail a suscité un regain d’intérêt pour les problèmes musculo-squelettiques liés à ce type de travail. Effectivement, le nombre de problèmes déclarés en Australie au milieu des années quatre-vingt a augmenté dans des proportions quasi épidémiques ainsi que, mais dans une moindre mesure, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni au début des années quatre-vingt-dix, ouvrant un débat sur la question de savoir si ces symptômes étaient bien d’origine physiologique et sur leur relation avec le travail.

En général, les analystes qui contestent l’origine physiologique des problèmes musculo-squelettiques associés au travail sur TEV (ou autre) mettent en avant l’un des quatre arguments suivants: soit les employés simulent leur mal; soit ils sont inconsciemment motivés par la perspective de profits annexes (indemnités pour lésions professionnelles, par exemple), ou par les avantages psychologiques que comporte le fait d’être malade, avantages connus sous les termes de «névrose de compensation»; soit ils somatisent un conflit psychologique non résolu ou un déséquilibre émotif sous forme de troubles dits «de conversion»; soit enfin, la fatigue, au demeurant normale, est démesurément exagérée sous la pression d’un mécanisme social qui la catalogue comme étant un problème de santé — c’est le mécanisme dit d’«iatrogenèse sociale». Un examen rigoureux des preuves à l’appui de ces explications montre que ces dernières ne sont pas aussi solides que les arguments avancés pour attribuer une origine physiologique à ces troubles (Bammer et Martin, 1988). Toutefois, même si les preuves de l’origine physiologique de ces troubles sont de plus en plus nombreuses, on ne comprend pas encore très bien la nature exacte de ces plaintes (Quintner et Elvey, 1991; Cohen et coll., 1992; Fry, 1993; Helme, LeVasseur et Gibson, 1992).

La prévalence des symptômes

Il existe un grand nombre d’études sur la prévalence des troubles musculo-squelettiques chez les opérateurs de TEV, qui pour la plupart ont été menées dans des pays occidentaux industriels. Ces problèmes suscitent également un intérêt croissant dans les pays d’Asie et d’Amérique du Sud à industrialisation rapide. La façon dont sont décrits les troubles musculo-squelettiques et les types d’étude dont ils font l’objet varient énormément selon les pays. La plupart de ces études se sont fondées sur les symptômes dont font état les travailleurs au lieu de prendre pour base les résultats d’examens médicaux. Pour plus de clarté, on peut les diviser en trois groupes: celles qui ont examiné ce que l’on pourrait appeler les troubles composites; celles qui ont considéré les troubles spécifiques; et celles qui se sont penchées sur les problèmes touchant une seule ou plusieurs parties du corps.

Les troubles composites

On entend par troubles composites un ensemble de troubles pouvant inclure douleur, perte des forces ou troubles sensoriels, et ce en divers points de la partie supérieure du corps. Ces troubles sont traités comme un tout, désigné par les termes de «lésions dues à des efforts répétitifs» (repetitive strain injuries, ou RSI), en Australie et au Royaume-Uni, de «troubles traumatiques cumulatifs» ou traumatismes d’hypersollicitation (cumulative trauma disorders, ou CTD) aux Etats-Unis et d’«affections cervico-brachiales professionnelles» ou syndrome de tension musculaire du cou (occupational cervicobrachial disorders, ou OCD) au Japon. Un recensement, publié en 1990 (Bammer, 1990), des troubles observés chez des employés de bureau (75% des études concernaient des employés de bureau utilisant un TEV) montre que les problèmes composites avaient fait l’objet de 70 études et que 25 d’entre elles faisaient état d’une fréquence variant entre 10 et 29% des travailleurs. Aux deux extrémités du spectre, trois études n’avaient décelé aucun trouble tandis que, selon trois autres chercheurs, c’étaient 80% des employés qui souffraient de troubles musculo-squelettiques. La moitié des études reconnaissaient aussi l’existence de troubles graves ou fréquents dont la prévalence variait de 10 à 19% dans 19 d’entre elles. Une étude ne faisait mention d’aucun trouble alors que, selon une autre, des troubles survenaient chez 59% des sujets. Les prévalences les plus élevées étaient constatées en Australie et au Japon.

Les troubles spécifiques

Les troubles spécifiques sont des atteintes qui sont relativement bien définies, telles que l’épicondylite ou syndrome du canal carpien. Ils ont été moins souvent étudiés et semblent moins fréquents. Sur 43 études concernant ces problèmes, 20 estiment leur prévalence entre 0,2 et 4%. Cinq ne font état d’aucun trouble de ce type et une en a détecté chez 40 à 49% des travailleurs.

Les troubles affectant certaines parties du corps

Le troisième groupe d’études se concentre sur certaines parties précises du corps comme la nuque ou les poignets. Les cervicalgies, qui sont les troubles les plus fréquents, ont fait l’objet de 72 recherches. Quinze d’entre elles révèlent qu’elles touchent entre 40 et 49% des travailleurs. Trois autres indiquent qu’elles concernent 5 à 9% des travailleurs et, d’après une de ces études, leur prévalence atteindrait plus de 80%. Un peu moins de la moitié des études ont porté sur des troubles graves dont la prévalence variait entre 5 et 39%. Cette fréquence particulièrement élevée des douleurs cervicales a été observée dans divers pays dont l’Allemagne, l’Australie, les Etats-Unis, la Finlande, la France, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède et la Suisse. En revanche, le syndrome du canal carpien n’a fait l’objet que de 18 études, dont 7 ont permis de constater une prévalence variant entre 10 et 19%. Une étude indique que 0,5 à 4% des travailleurs en souffrent, alors que pour une autre, la prévalence s’établit entre 40 et 49%.

Les causes

On admet généralement que le travail sur TEV implique souvent une multiplication des mouvements répétitifs et une augmentation de l’effort statique du fait de l’accroissement du travail au clavier et (par rapport aux anciennes machines à écrire) de la diminution du nombre des tâches autres que le travail de frappe proprement dit (changer le papier, attendre le retour du chariot ou appliquer du ruban ou du liquide correcteur). La nécessité de fixer un écran peut également augmenter l’effort statique; une mauvaise disposition de l’écran, du clavier ou des touches peut impliquer des postures qui favorisent l’apparition de troubles. Il est prouvé également que l’installation de TEV peut être associée à des réductions d’effectifs et à une augmentation de la charge de travail. Elle peut également modifier certains paramètres psychosociaux du travail, tels que les rapports sociaux et hiérarchiques, les responsabilités des travailleurs et leurs perspectives de carrière et la charge mentale demandée par la tâche. Dans certains cas, l’informatisation et les changements qu’elle a produits ont été favorables aux employés de bureau. Mais ailleurs, elle a entraîné une diminution de l’autonomie et provoqué l’isolement, la déqualification et la dégradation des perspectives de carrière, l’ambiguïté des rôles et le stress. Sans oublier qu’elle a permis la surveillance électronique du personnel (voir Bammer, 1987; OMS, 1989b). La relation entre certains de ces changements psychosociaux et les problèmes musculo-squelettiques est évoquée ci-dessous. Il semble également que l’avènement des TEV ait favorisé en Australie l’émergence d’une prise de conscience sociale tendant à reconnaître l’importance de ces problèmes.

Leurs causes peuvent par conséquent être examinées au niveau de l’individu, du lieu de travail et de la société. Au niveau de l’individu, les causes possibles de ces troubles peuvent être réparties en trois catégories: les facteurs non liés au travail; les facteurs biomécaniques; et les facteurs organisationnels (voir tableau 52.7). Si on a eu recours à différents protocoles pour étudier ces causes, les résultats dans leur ensemble s’alignent sur ceux obtenus lors d’études empiriques de terrain effectuées à l’aide d’analyses multivariées (Bammer, 1990). Les résultats de ces études sont résumés dans les tableaux 52.7 et 52.8. Des études plus récentes confirment également ces résultats généraux (Bammer et Martin, 1992).

Tableau 52.7 Résumé des études empiriques de terrain ayant utilisé des analyses
multivariées pour déterminer les causes des problèmes musculo-squelettiques
chez les employés de bureau

Référence

Nombre/% d’utilisateurs de TEV

Facteurs

   

Non liés au travail

Bio-mécaniques

Liés à l’organisation du travail

Blignault (1985)

146/90%

x

x

o

South Australian Health Commission Epidemiology Branch (1984)

456/81%

o

o

o

Ryan, Mullerworth et Pimble (1984)

52/100%

o

o

o

Ryan et Bampton (1988)

143

     

Ellinger et coll. (1982)

280

o

o

o

Pot, Padmos et Brouwers (1987)

222/100%

non étudiés

o

o

Sauter et coll. (1983)

251/74%

x

o

o

Stellman et coll. (1987a)

1 032/42%

non étudiés

o

o

x = absence de facteurs. o = existence de facteurs.

Source: d’après Bammer, 1990.

Tableau 52.8 Résumé des études sur l'importance de facteurs censés causer des
problèmes musculo-squelettiques chez les employés de bureau

Pays1

Nombre/
% d’utili-
sateurs
de TEV

Facteurs non liés au travail

Biomécaniques

Liés à l’organisation du travail

 

 

Age

Prédis-
position
biologique

Névrose

Angles
des
articula-
tions

Mobilier Equipe-
ment Objet

Mobilier Equipe-
ment Sujet

Travail visuel

Facteurs visuels person-
nels

Ancien-
neté

Pression

Auto-
nomie

Solidarité entre col-
lègues

Diversité

Agence-
ment
du clavier

Alle-
magne

280

o

o

 

 

j

ø

+

 

o

s

x

 

x

o

Australie

146/
90%

ø

 

ø

 

ø

 

 

 

ø

o

x

x

x

ø

Australie

456/
81%

x

o

 

 

+

 

 

 

ø

o

 

 

x

o

Australie

52/ 143/ 100%

Δ

 

 

+

+

 

 

 

o

o

 

x

 

o

Etats-Unis

251/
74%

ø

 

 

 

ø

+

 

+

 

o

x

 

(ø)

x

Etats-Unis

1 032/
42%

 

 

 

 

ø

+

+

 

 

o

x

 

x

 

Pays-Bas

222/
100%

 

 

 

+

+

 

ø

ø

 

o

 

x

(ø)

o

o = association positive, statistiquement significative. x = association négative, statistiquement significative. + = association statistiquement significative, sens de la relation non précisé. ø = association non statistiquement significative. (ø) = pas de variation du facteur dans cette étude. Δ = le plus jeune et le plus âgé présentaient davantage de symptômes.

Une case vide indique que le facteur n’a pas été pris en compte dans l’étude.

1 Correspond aux références du tableau 52.7.

Source: d’après Bammer, 1990.

Les facteurs non liés au travail

On possède très peu d’éléments permettant de dire que certains facteurs non liés au travail sont une cause importante des troubles musculo-squelettiques, encore que plusieurs études indiquent que les personnes souffrant déjà d’une lésion à l’endroit considéré ou dans une autre partie du corps seront sans doute plus susceptibles que d’autres de connaître des problèmes. Rien ne permet de mettre en cause l’âge des individus et la seule étude qui ait été effectuée sur les troubles de la personnalité conclut que l’âge est sans incidence.

Les facteurs biomécaniques

Les analyses multivariées permettent de mettre en évidence l’importance de certaines propriétés du travail préalablement définies. Certaines de ces caractéristiques dites biomécaniques sont ainsi mises en évidence: c’est le cas des conditions de travail exigeant d’utiliser les articulations en trop forte flexion ou extension. D’autres caractéristiques ont des effets moins clairs: par exemple, l’agencement du mobilier et ses qualités jugées par des spécialistes et par le personnel; les conditions de visibilité comme les reflets sur l’écran; une gêne visuelle comme le port de lunettes; l’ancienneté dans le poste; le fait d’appartenir à une classe d’employés peu qualifiés (voir tableau 52.8).

Les facteurs organisationnels

Un certain nombre de facteurs relevant de l’organisation du travail sont clairement associés à des problèmes musculo-squelettiques; ils sont examinés plus longuement dans une autre partie de ce chapitre. Ce sont, par exemple, un travail très astreignant, le manque d’autonomie; l’absence de solidarité entre collègues soit qu’ils n’aient pas la possibilité d’apporter leur aide dans les moments de difficulté, soit qu’ils s’y refusent, et, enfin, la monotonie des tâches.

Le seul facteur étudié et pour lequel les résultats sont variables est le nombre d’heures passées au clavier (voir tableau 52.8). Dans l’ensemble, on peut voir que les causes individuelles des troubles musculo-squelettiques sont multiples. Elles incluent à l’évidence des facteurs liés au travail et, plus particulièrement, à l’organisation du travail, mais aussi des facteurs biomécaniques. L’importance de tel ou tel facteur peut varier d’un lieu de travail à l’autre, ou d’une personne à l’autre, en fonction de leurs caractéristiques propres. Ainsi, le fait d’équiper tous les postes de repose-poignet risque de ne guère améliorer les choses si par ailleurs les tâches restent monotones et effectuées sous pression. Ou encore tel employé dont les tâches sont bien définies et relativement variées pourra quand même connaître des problèmes si l’orientation de l’écran de son TEV le force à travailler dans une position incommode.

L’exemple de l’Australie, où l’on a enregistré, à la fin des années quatre-vingt, une diminution de la fréquence des problèmes musculo-squelettiques, est instructif quant à la façon dont on peut traiter les causes de ces troubles. Bien qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une évaluation et d’études détaillées, cette diminution est à mettre sur le compte de plusieurs facteurs. L’un d’entre eux est l’installation généralisée aux postes de travail de meubles et d’équipements «ergonomiques». Par ailleurs, les pratiques de travail ont été améliorées grâce à une plus grande polyvalence des employés et à une restructuration de leurs postes pour réduire la pression qu’ils subissent, augmenter leur autonomie et diversifier leurs tâches. Ces changements sont souvent allés de pair avec une politique d’égalité des chances à l’embauche et de démocratie dans l’entreprise. On a aussi mis en œuvre des stratégies de prévention et d’intervention précoce. Il semble, en revanche, que certaines entreprises ont recours de plus en plus souvent à des employés sous contrat à durée déterminée pour les tâches de saisie des données. Le risque est que les troubles de santé, lorsqu’ils surviennent, ne puissent être imputés à tel ou tel employeur et doivent être assumés par le seul salarié. De plus, la controverse entourant ces troubles a pris une telle intensité qu’elle a fini par les stigmatiser, si bien que de nombreux employés, quand ils en ressentent les symptômes, sont peu enclins à en faire état et à réclamer une indemnisation. Le débat s’est envenimé à la suite de divers procès largement médiatisés, perdus par des travailleurs qui avaient intenté une action contre leur employeur. La diminution des crédits alloués à la recherche, l’arrêt de la publication de statistiques sur l’incidence et la prévalence de ces troubles de santé, ainsi que des travaux de recherche à leur sujet, auxquels s’ajoute une forte diminution de l’attention que les médias accordent au problème, ont contribué à propager l’idée qu’il avait disparu.

Conclusion

Les troubles musculo-squelettiques liés au travail sont un problème majeur dans le monde entier. Leur coût pour les particuliers et la société est énorme. Il n’existe pas de critères reconnus à un niveau international pour évaluer ces troubles et le besoin d’un système de classification international se fait d’autant plus sentir. Il faudrait également mettre l’accent sur les mesures de prévention et d’intervention précoce et cela pour tous les facteurs en cause. L’ergonomie devrait être enseignée à tous les niveaux, depuis l’école primaire jusqu’à l’université et des directives et des lois sont à élaborer qui établissent des prescriptions minimales. Leur application implique un engagement de la part des employeurs et une participation active des travailleurs (Hagberg, Kilbom et Kolare, 1993).

Bien que les cas enregistrés de personnes souffrant de troubles graves et chroniques soient très nombreux, il ne semble pas qu’il y ait beaucoup de traitements qui soient efficaces. On sait également peu de choses sur les moyens de réinsertion des salariés qui en souffrent. C’est dire l’importance capitale que revêtent la prévention et les stratégies d’intervention précoce pour lutter contre les problèmes musculo-squelettiques liés au travail.

LES AFFECTIONS CUTANÉES

Mats Berg et Sture Lidén

Les premiers cas d’affections cutanées chez des personnes travaillant sur terminal à écran de visualisation (TEV) ou à proximité ont été signalés en Norvège dès 1981. Quelques cas ont aussi été signalés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Japon. La Suède, en revanche, en a constaté un grand nombre et le débat public concernant les effets d’une exposition aux TEV sur la santé s’est intensifié lorsqu’une affection cutanée déclarée par un employé travaillant sur TEV eut été reconnue comme maladie professionnelle par l’administration nationale de la sécurité sociale suédoise à la fin de 1985. Le droit à réparation ainsi accordé à ce travailleur a entraîné une augmentation marquée du nombre d’affections cutanées suspectées d’être liées au travail devant un TEV. Au Département de dermatologie du travail de l’hôpital Karolinska, à Stockholm, on est passé de 7 cas déclarés entre 1979 et 1985 à 100 nouveaux patients entre novembre 1985 et mai 1986.

Malgré le nombre relativement élevé de personnes qui ont sollicité des soins médicaux pour ce qu’elles croyaient être des affections cutanées dues au travail sur TEV, rien ne permet de conclure que ce sont les TEV eux-mêmes qui sont à l’origine de ces affections. L’apparition d’affections de la peau chez des personnes travaillant sur ce type d’équipement semble coïncider ou avoir éventuellement un rapport avec d’autres facteurs en jeu sur le lieu de travail. Cette conclusion s’impose d’autant plus quand on observe que l’accroissement de l’incidence d’affections cutanées déclarées par des employés suédois travaillant sur TEV n’est pas constaté dans les autres pays où ce sujet suscite d’ailleurs dans les médias un débat moins nourri. D’autre part, des données scientifiques provenant d’études de provocation , au cours desquelles des patients ont été volontairement exposés à des champs électromagnétiques émanant de TEV afin de déterminer si une affection cutanée pourrait en résulter, n’ont apporté aucun élément tendant à prouver l’existence d’un mécanisme d’altération de la peau en rapport avec la présence de champs magnétiques autour des TEV.

En revanche, il est possible que le stress lié au travail soit un facteur important qui explique les affections de la peau attribuées aux TEV. On en a pour preuve, notamment, les résultats d’études longitudinales sur les lésions cutanées dans le travail informatisé; on a constaté que, parmi les employés porteurs de ces lésions, un plus grand nombre (que chez ceux qui n’en présentaient pas) étaient soumis, dans leur travail, à des conditions de surcharge professionnelle. De plus, on a trouvé une corrélation positive entre les quantités d’hormones réagissant au stress (testostérone, prolactine et thyroxine) et la fréquence des atteintes cutanées, pendant le travail, mais pas durant les jours de repos. C’est ainsi que les rougeurs faciales attribuées à l’écran pourraient en réalité provenir d’une augmentation de la thyroxine (augmentation due au stress), hormone qui a notamment pour effet de dilater les vaisseaux sanguins (Berg et coll., 1992).

Etudes de cas: affections cutanées et terminaux à écran de visualisation

Suède: 450 patients qui avaient été adressés aux chercheurs par un médecin traitant ont été examinés pour des affections cutanées qu’ils attribuaient au travail sur écran. Seules des dermatoses faciales communes ont été observées et aucun patient ne présentait de dermatose spécifique susceptible d’avoir un lien avec le travail sur écran. La plupart des patients pensaient avoir des symptômes prononcés, mais les lésions cutanées qu’ils présentaient ne revêtaient en fait aucun caractère de gravité selon les définitions médicales standards. De plus, la plupart des patients ont signalé que leur état s’était ensuite amélioré sans thérapie médicamenteuse bien qu’ils aient continué à travailler sur TEV. Beaucoup de ces patients souffraient d’allergies de contact diagnostiquées qui expliquaient leurs symptômes cutanés. Des études épidémiologiques ont consisté à comparer, pour un état de la peau semblable, des patients qui travaillaient sur écran à une population témoin non exposée, études qui n’ont fait apparaître aucune relation entre l’état de la peau et le travail sur TEV. Enfin, une étude de provocation n’a pas permis d’établir de lien entre les symptômes des patients et les champs électrostatiques ou magnétiques émis par les écrans (Wahlberg et Lidén, 1988; Berg, 1988; Lidén, 1990; Berg, Hedblad et Erhardt, 1990; Swanbeck et Bleeker, 1989). A la différence de quelques études épidémiologiques antérieures qui n’avaient pas été concluantes (Murray et coll., 1981; Frank, 1983; Lidén et Wahlberg, 1985), une étude épidémiologique à grande échelle (Berg, Lidén et Axelson, 1990; Berg, 1989) portant sur 3 745 employés de bureau sélectionnés au hasard, dont 809 avaient été examinés par un médecin, a révélé que les personnes travaillant sur écran étaient beaucoup plus portées à signaler des problèmes de peau qu’une population témoin d’employés de bureau non exposée, mais que ces personnes, après examen, ne présentaient en fait pas plus de signes visibles ni d’affections cutanées.

Pays de Galles: à l’issue d’une étude réalisée à l’aide d’un questionnaire, aucune différence n’a été observée entre les problèmes de peau signalés par des opérateurs de TEV et ceux d’une population témoin (Carmichael et Roberts, 1992).

Singapour: les problèmes de peau signalés par une population témoin d’enseignants se sont avérés beaucoup plus nombreux que ceux dont se plaignaient les utilisateurs de TEV (Koh et coll., 1991).

LES ASPECTS PSYCHOSOCIAUX DU TRAVAIL SUR TEV

Michael J. Smith et Pascale Carayon

Introduction

Les ordinateurs apportent aux entreprises de l’efficacité, de la compétitivité et la capacité d’exécuter des processus de travail qui seraient impossibles sans leur aide. Des domaines aussi différents que la conduite des processus de fabrication, la gestion des stocks et des dossiers, la commande de systèmes complexes ou le travail de bureau ont bénéficié de l’automatisation. Sans une infrastructure de poids, un bon fonctionnement du système informatique est impossible. Outre une transformation de l’architecture et des installations électriques rendue nécessaire par la mise en place des nouvelles machines, l’informatisation exige une modification des connaissances et des compétences du personnel, ainsi que l’application de nouvelles méthodes de gestion du travail. Dans ce type d’emploi, les exigences peuvent différer radicalement de celles d’emplois plus traditionnels. Les tâches automatisées sont souvent plus sédentaires, peuvent requérir un effort de réflexion et de concentration plus important, mais une dépense physique d’énergie moindre. Les exigences de production peuvent être élevées, la pression permanente et le pouvoir décisionnel réduit.

Les avantages économiques d’un usage professionnel de l’informatique ont occulté les problèmes de sécurité et de santé et les problèmes sociaux qu’il peut créer chez les travailleurs: perte d’emploi, lésions dues à une hypersollicitation, intensification du stress mental, etc. La transition entre les formes de travail traditionnelles et l’informatisation a été difficile dans beaucoup de cas, et a provoqué des troubles psychosociaux et socio-techniques non négligeables chez les salariés.

Les problèmes psychosociaux spécifiques aux TEV

Depuis l’entrée de l’ordinateur dans les lieux de travail, plusieurs études ont souligné l’existence de transformations importantes dans les processus de travail, les relations sociales, le style de gestion, la nature et le contenu des tâches à effectuer (Bradley, 1983, 1989; Bikson, 1987; Westlander, 1989; Westlander et Åberg, 1992; Johansson et Aronsson, 1984; Stellman et coll., 1987b; Smith et coll., 1981, 1992a). Au cours des années quatre-vingt, les processus d’informatisation ont souvent résulté de décisions venues d’en haut, sans que le personnel ait été consulté sur les nouvelles technologies ou les nouvelles structures de travail. En conséquence, de nombreux problèmes de relations professionnelles et de santé physique et mentale ont fait leur apparition.

Les experts ont des opinions divergentes sur les modifications apportées au travail de bureau; certains affirment que la technologie informatique améliore la qualité du travail et accroît la productivité (Strassmann, 1985), alors que d’autres comparent les ordinateurs aux premières formes de travail industrialisé comme les chaînes de montage, estimant qu’ils entraînent eux aussi une dégradation des conditions de travail et une intensification du stress (Moshowitz, 1986; Zuboff, 1988). Nous pensons que la technologie des TEV influe sur le travail de différentes manières, mais que la technologie n’est qu’un élément d’un système plus large comprenant l’individu, les tâches qu’il doit accomplir, l’environnement et les facteurs organisationnels.

La conceptualisation du poste de travail informatisé

Divers facteurs professionnels agissent simultanément sur l’utilisateur de TEV. Nous avons proposé, pour concevoir le poste de travail, un modèle détaillé illustrant différents éléments des conditions de travail qui peuvent interagir et s’accumuler, provoquant ainsi du stress (Smith et Carayon-Sainfort, 1989). La figure 52.9 illustre le cadre conceptuel imaginé pour rendre compte des diverses composantes d’un système de travail susceptibles d’exercer une astreinte mentale et de provoquer du stress chez le personnel. L’individu, avec les caractéristiques physiques, les perceptions, la personnalité et le comportement qui lui sont propres, se situe au centre du modèle. Il se sert de technologies pour exécuter des tâches spécifiques. La nature de ces technologies détermine dans une large mesure le rendement du travailleur, ainsi que les compétences et les connaissances nécessaires à une utilisation efficace de ces technologies. Les difficultés présentées par la tâche ont également une influence sur les compétences et les connaissances requises. Les tâches à exécuter comme les technologies déterminent le contenu du poste ainsi que les qualités mentales et physiques exigées. Le modèle montre également que ces tâches et ces technologies se situent dans un cadre professionnel plus général comprenant l’environnement physique et social. L’environnement général peut influencer le confort, l’état psychologique et les attitudes de l’individu. Enfin, la structure organisationnelle du travail agit sur l’engagement individuel et sur les interactions entre les membres du personnel, dans leur nature et leur importance, ainsi que sur les niveaux d’autonomie. Les caractéristiques de l’organisation se répercutent à la fois sur les modes d’encadrement et sur les normes de rendement.

Figure 52.9 Modélisation des conditions de travail et de leur incidence sur l'individu

Figure 52.9

Ce modèle aide à expliquer les liens existant entre les exigences professionnelles, les charges psychologiques et physiques du poste et les problèmes de santé qui en résultent. Il représente un système dont les éléments peuvent agir les uns sur les autres et se combinent pour influencer non seulement la manière dont le travail est accompli, mais aussi la capacité qu’il a de répondre aux besoins et d’atteindre les objectifs des individus et de l’entreprise. Nous expliquons ci-après comment ce modèle peut être appliqué aux conditions de travail sur TEV.

L’environnement de travail

On sait que l’environnement matériel peut être une source de stress au bureau et dans d’autres milieux de travail. La qualité générale de l’air et l’état des locaux, par exemple, peuvent favoriser le syndrome des bâtiments malsains et d’autres effets du stress (Stellmann et coll., 1985; Hedge, Erickson et Rubin, 1992). Le bruit, qui constitue aussi une source de stress bien connue dans le milieu ambiant, peut provoquer une certaine excitation, accroître la tension artérielle et mettre de mauvaise humeur (Cohen et Wheinstein, 1981). Enfin, les perturbations sensorielles causées par l’environnement rendent plus difficile l’accomplissement des tâches et augmentent le niveau de stress et d’émotivité (Smith et coll., 1981; Sauter et coll., 1983).

L’évolution des tâches

Depuis l’avènement de l’informatique, les exigences concernant le rendement s’accentuent. Une pression accrue s’exerce sur le personnel parce qu’on attend de lui un rendement toujours plus élevé. L’existence d’une charge de travail excessive et une trop grande pression constituent une importante source de stress chez les utilisateurs d’ordinateurs (Smith et coll., 1981; Piotrkowski, Cohen et Corey, 1992; Sainfort, 1990). Les qualifications exigées évoluent avec l’utilisation accrue de l’ordinateur. Par exemple, les exigences à remplir sur le plan cognitif peuvent contribuer à augmenter le stress chez les utilisateurs de TEV (Frese, 1987). Ce sont là autant de facteurs qui influent sur les exigences d’emploi.

D’autres aspects, positifs ceux-là, sont néanmoins présents, puisque les ordinateurs sont capables d’exécuter des tâches simples et répétitives, naguère exécutées manuellement. Il est ainsi possible de réduire l’aspect répétitif du travail et de lui donner plus de substance et de sens. Toutefois, cela n’est pas vrai pour tous les cas de figure, puisque beaucoup de nouvelles fonctions informatiques, comme la saisie de données, sont répétitives et ennuyeuses. Contrairement à d’autres technologies, l’informatique permet également d’avoir une information en retour sur le travail effectué (Kalimo et Leppanen, 1985), ce qui réduit les risques de malentendus.

A certains égards, l’informatisation est accusée d’entraîner une perte d’autonomie, dont on sait qu’elle est une source importante de stress chez les employés de bureau. L’incertitude quant à la durée des problèmes informatiques qui surviennent (selon que l’ordinateur ralentit ou s’arrête de fonctionner) peut elle aussi être source de tension (Johansson et Aronsson, 1984; Carayon-Sainfort, 1992). Ces problèmes informatiques peuvent se révéler particulièrement stressants si les employés (comme les préposés aux réservations des compagnies aériennes) dépendent fortement de l’ordinateur pour accomplir leur travail.

La technologie

Le type de technologie utilisé détermine souvent l’aptitude de l’utilisateur à effectuer certaines tâches ainsi que l’intensité de l’astreinte physiologique et psychologique qui lui est imposée. Une intensification du stress et des atteintes à la santé physique peut survenir lorsque la charge de travail produite par l’utilisation d’une technologie est trop importante ou au contraire trop faible (Smith et coll., 1981; Johansson et Aronsson, 1984; Ostberg et Nilsson, 1985). L’évolution rapide de la technologie oblige les travailleurs à constamment adapter leurs connaissances et leurs compétences pour rester efficaces. De plus, les compétences actuelles peuvent être rapidement dépassées. L’obsolescence technologique peut être due à une déqualification du poste ou à un appauvrissement du contenu des tâches, ou encore à une inadaptation des qualifications et de la formation. Les travailleurs qui ne possèdent ni le temps ni les ressources nécessaires pour suivre les derniers développements technologiques peuvent voir dans ceux-ci une menace et un risque pour leur emploi. La crainte des travailleurs de ne pas avoir les compétences requises pour utiliser les nouveaux outils est l’une des principales retombées négatives de la technologie, ce que la formation peut évidemment aider à atténuer. Une autre conséquence de l’application des nouvelles technologies est la peur des salariés de perdre leur emploi à cause du gain de productivité qu’apportent ces nouvelles technologies (Ostberg et Nilsson, 1985; Smith, Carayon et Miezio, 1987).

Enfin, des périodes intensives, répétitives et prolongées de travail devant l’écran peuvent également accroître les tensions physiques (Stammerjohn, Smith et Cohen, 1981; Sauter et coll., 1983; Smith et coll., 1992b) et peuvent être la cause de gênes et de troubles visuels et musculo-squelettiques, décrits ailleurs dans ce chapitre.

Les facteurs organisationnels

Le cadre organisationnel du travail peut avoir une influence sur le stress et la santé du personnel. Lorsque la technologie nécessite de nouvelles compétences, la manière dont on la présente aux travailleurs et le soutien organisationnel qu’on leur fournit (formation, temps d’adaptation) ont un rapport avec le stress ou les troubles émotionnels ressentis (Smith, Carayon et Miezio, 1987). Les perspectives de développement ou d’avancement dans un emploi agissent également sur le stress (Smith et coll., 1981). L’incertitude ressentie devant leur avenir professionnel est une source très importante de stress chez les utilisateurs d’ordinateurs (Sauter et coll., 1983; Carayon, 1993a), de même que la perspective de perdre leur emploi (Smith et coll., 1981; Kasl, 1978).

Des études ont démontré que des facteurs liés à l’organisation du temps de travail, tels que le travail posté et les heures supplémentaires, ont des effets négatifs sur la santé mentale et physique (Monk et Tepas, 1985; Breslow et Buell, 1960). Les entreprises qui souhaitent ou qui doivent utiliser continuellement leurs ordinateurs recourent de plus en plus au travail posté. Des heures supplémentaires sont souvent nécessaires pour assurer l’exécution du travail, notamment quand une panne ou un mauvais fonctionnement des ordinateurs entraîne des retards.

L’informatique procure à l’entreprise la capacité de contrôler électroniquement et de façon continuelle le rendement de ses salariés, ce qui peut rendre leur travail stressant en accroissant, par exemple, la pression qu’ils subissent (voir l’encadré «La surveillance électronique du rendement des opérateurs»). Dans les entreprises où le travail fait l’objet d’une surveillance électronique de ce genre, les relations entre les salariés et la direction peuvent devenir plus tendues et le sentiment d’impuissance risque d’augmenter.

La surveillance électronique du rendement des opérateurs

L’emploi de moyens électroniques pour surveiller le rendement du personnel s’est beaucoup développé avec la généralisation d’ordinateurs personnels qui permettent à ce travail de surveillance de s’effectuer avec rapidité et facilité. La surveillance électronique fournit des informations qui peuvent être mises à profit par les employeurs pour mieux gérer leurs ressources technologiques et humaines. La surveillance électronique permet en effet de repérer en temps réel les goulets d’étranglement, les retards de production et les employés dont le rendement est inférieur à la moyenne (ou à la norme). Les nouvelles techniques de communication électronique permettent de suivre le fonctionnement des différents éléments d’un système de communication et de savoir exactement ce qui a été saisi par tel ou tel opérateur. Des éléments du travail tels que les données entrées dans les terminaux informatiques, les conversations téléphoniques et les messages transmis par courrier électronique peuvent être vérifiés par surveillance électronique.

La surveillance électronique renforce le contrôle de la direction sur les employés et peut conduire à des modes de gestion organisationnelle stressogènes. Voilà qui pose des problèmes importants comme le degré de précision du système de surveillance et la façon dont il tient compte de la contribution des employés au succès de l’entreprise, les ingérences dans la vie privée des travailleurs, le fait de confier le contrôle des tâches à une machine et non à l’employé lui-même, ou les incidences de modes de gestion qui consistent à utiliser les informations fournies par un système de surveillance pour diriger le comportement des employés dans leur travail (Smith et Amick, 1989; Amick et Smith, 1992; Carayon, 1993b). La surveillance peut amener une augmentation de la productivité, mais elle peut également engendrer du stress, de l’absentéisme, un taux de roulement élevé dans le personnel et des sabotages. Quand la surveillance électronique est couplée à des systèmes incitatifs pour augmenter la productivité, le stress lié au travail peut également s’accroître (OTA, 1987; Smith et coll., 1992a). En outre, une surveillance de ce type amène à se poser des questions sur la protection de la vie privée des travailleurs (BIT, 1991) et plusieurs pays ont interdit l’emploi des systèmes de surveillance quand elle porte sur le rendement individuel.

La surveillance électronique oblige fondamentalement à décomposer les tâches en activités que l’on puisse aisément quantifier et mesurer. Cela conduit en général à réduire le contenu des postes en éliminant les tâches complexes et qui demandent un effort de réflexion, au profit des tâches répétitives. Cette approche repose sur une conception des choses que l’on peut rapprocher d’un principe de base de la «gestion scientifique du travail» (Taylor, 1911) qui réclame une «simplification» du travail.

Dans une entreprise, par exemple, une fonction de surveillance a été ajoutée à un nouveau système téléphonique installé pour les opérateurs chargés du service à la clientèle. Le système de surveillance servait à répartir les appels des clients, à les chronométrer et permettait aux supérieurs hiérarchiques d’écouter les conversations téléphoniques des employés. Pour justifier ce système, on a invoqué la nécessité de planifier les flux de travail afin de déterminer les périodes de pointe et de savoir quand il faudrait faire appel à des opérateurs supplémentaires. Mais, au lieu d’utiliser le système de surveillance uniquement à cette fin, la direction s’est également servie des données pour fixer des normes de rendement (nombre de secondes par intervention) et prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des employés ayant un rendement «inférieur à la moyenne». Ce système de surveillance électronique n’a fait qu’ajouter de la pression sur les employés soucieux de faire mieux que la moyenne par crainte de sanctions. Des recherches ont montré qu’une telle pression ne contribue pas à un bon rendement et peut au contraire nuire à la santé (Cooper et Marshall, 1976; Smith, 1987). En fait, il a été constaté que le système de surveillance décrit avait eu pour effet d’augmenter le stress des employés et d’abaisser la qualité de leur travail (Smith et coll., 1992a).

La surveillance électronique peut avoir une incidence sur l’image et l’estime que le travailleur a de lui. Il arrive qu’elle renforce son amour propre quand il reçoit des compliments. Le fait que la direction ait vu dans l’employé un élément de valeur pour l’entreprise constitue aussi un des bons côtés possibles de la surveillance. Cependant, ces deux effets peuvent être perçus différemment par les employés, en particulier s’ils ont fait l’objet d’une sanction ou d’un blâme pour cause de rendement insuffisant. La crainte d’une évaluation négative peut engendrer de l’anxiété et porter atteinte à l’estime et à l’image de soi. De fait, la surveillance électronique peut produire une dégradation des conditions de travail: cadence de travail imposée, manque de responsabilisation de l’employé, diminution de la diversité et de la clarté des tâches, amenuisement de l’entraide de la part des collègues, réduction du soutien hiérarchique, crainte de perdre son emploi, travail devenu routinier et manque d’autonomie professionnelle (Amick et Smith, 1992; Carayon, 1993b).

Michael J. Smith

L’avènement des TEV a modifié les relations sociales au travail. On a observé que l’isolement social est l’une des principales sources de stress chez les employés travaillant sur ordinateur (Lindström, 1991; Yang et Carayon, 1995). Le temps qu’ils passent à l’ordinateur est en effet utilisé aux dépens du temps qu’ils pourraient consacrer aux relations sociales ou à s’entraider. Le besoin d’un soutien de la part des supérieurs et des collègues est un fait cité dans beaucoup d’études (House, 1981). L’apport d’un soutien social peut atténuer les retombées d’autres sources de stress. Autrement dit, le soutien apporté par les collègues, les supérieurs ou les informaticiens est important pour ceux des employés qui ont des difficultés à faire fonctionner leur ordinateur mais, paradoxalement, l’informatisation du milieu de travail a tendance à réduire les possibilités qui existent de fournir ce type de soutien.

L’individu

Plusieurs facteurs individuels déterminent les effets physiques et psychologiques décrits plus haut, à savoir la personnalité, l’état de santé, les compétences et aptitudes, la condition physique, l’expérience, la formation, la motivation, les objectifs et les besoins (Levi, 1972).

Comment améliorer les caractéristiques psychosociales du travail sur TEV

La première mesure à prendre pour rendre le travail sur TEV moins stressant consiste à identifier les aspects de l’organisation du travail et des tâches qui peuvent causer des problèmes psychosociaux, puis à les modifier, tout en se souvenant que le stress lié aux TEV est rarement dû à certains éléments isolés de l’organisation du travail ou des tâches, mais qu’il tient plutôt à une mauvaise conception générale du travail. Aussi, pour réduire, voire éliminer, le stress dû au travail, convient-il d’adopter des solutions globales et de traiter simultanément les nombreux facteurs dus à une conception inadéquate du travail. Des solutions qui ne porteraient que sur un ou deux de ces facteurs ne permettraient pas de résoudre les problèmes relevés (voir figure 52.10).

Figure 52.10 Mesures permettant de réduire l'isolement et le stress

Figure 52.10

Améliorer la conception des tâches, c’est d’abord faire en sorte que les salariés se sentent soutenus. Un tel sentiment contribue à la fois à augmenter leur motivation, à les rassurer et à réduire le stress ressenti (House, 1981). On commencera donc par élaborer une déclaration de politique générale mettant en lumière l’importance du personnel au sein de l’entreprise et précisant les mesures prévues pour créer un climat de travail encourageant. L’une des meilleures mesures pour apporter ce soutien aux travailleurs est de former les cadres moyens et supérieurs à cette fin. Ainsi formés, ceux-ci peuvent jouer un rôle d’«amortisseur» et éviter aux travailleurs des causes de stress inutiles dues au mode d’organisation ou à la technologie.

On sait depuis longtemps que la teneur des tâches à accomplir est un facteur déterminant de la motivation et de la productivité des salariés (Herzberg, 1974; Hackman et Oldham, 1976). Plus récemment, la relation existant entre le contenu du poste et le stress qu’il implique a été clarifiée (Cooper et Marshall, 1976; Smith, 1987). Trois des principaux éléments qui déterminent le contenu du poste et qui ont une importance particulière pour le travail sur TEV sont la complexité des fonctions, la compétence de l’employé et les perspectives de carrière. A certains égards, ils ont tous un rapport avec le climat de motivation nécessaire à la satisfaction des employés et à leur développement psychologique, à savoir un climat propice à l’amélioration de leurs capacités intellectuelles et de leurs qualifications, à leur valorisation personnelle et à la reconnaissance par leurs pairs de leur compétence professionnelle.

Le meilleur moyen d’améliorer le contenu du poste est d’élever le niveau de compétence qu’il demande, ce qui signifie, la plupart du temps, accroître l’étendue et enrichir le contenu de chacune des tâches qu’il implique (Herzberg, 1974). En élargissant l’étendue des tâches, on augmente la palette des compétences nécessaires pour faire du bon travail, ainsi que le nombre de décisions prises par le travailleur au moment de définir l’ordre de ces tâches et leur nature. Cette élévation du niveau de compétence rehausse l’opinion que l’employé peut avoir de lui-même et de sa valeur pour l’entreprise, et influe positivement sur l’image qu’ont de lui ses collègues.

L’accroissement de la complexité des tâches, c’est-à-dire l’augmentation de la part de réflexion et de prise de décisions dans le travail, constitue l’étape suivante et logique du processus. On peut y parvenir en regroupant des tâches simples en séries d’activités complémentaires ou en y ajoutant des tâches intellectuelles exigeant un savoir supplémentaire et des compétences informatiques. Avec l’informatisation, notamment, les qualifications nécessaires à l’accomplissement des nouvelles tâches dépassent en général le savoir et les compétences des employés appelés à les effectuer. Il faut donc les former en conséquence pour qu’ils puissent exécuter correctement les tâches en question. Une telle formation est doublement avantageuse puisqu’elle améliore non seulement les connaissances et les compétences de l’employé, donc son rendement, mais contribue également à améliorer son degré de confiance en soi et d’amour-propre. Elle prouve aussi aux employés que l’employeur souhaite investir dans l’amélioration de leurs compétences, ce qui les conduit à penser que leur emploi est stable et qu’ils ont un avenir dans l’entreprise.

Le degré d’autonomie dont jouit l’employé est d’une grande importance psychosociale (Karasek et coll., 1981; Sauter, Cooper et Hurrell, 1989). Pour l’essentiel, cette autonomie peut se définir par les réponses aux questions «quoi, comment et quand?». Tout dépend en effet de la nature des tâches à remplir, de la coordination nécessaire entre collègues, des méthodes d’exécution utilisées et du calendrier arrêté. L’autonomie peut s’envisager à plusieurs niveaux: celui de la tâche à effectuer, de l’unité de travail, et de l’entreprise (Sainfort, 1991; Gardell, 1971). Au niveau de la tâche, on peut laisser l’employé libre de choisir ses méthodes et procédures d’exécution. Au niveau de l’unité de travail, tel groupe d’employés peut gérer par lui-même diverses tâches liées entre elles et s’entendre sur la répartition des tâches, leur programmation, leur coordination et les normes de production à respecter pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Au niveau global de l’entreprise, les employés peuvent participer à des activités structurées qui renseignent la direction sur ce que pense le personnel ou sur les moyens à utiliser pour améliorer la qualité. Quand le niveau d’autonomie est limité, mieux vaut en introduire une certaine dose au niveau de la tâche, puis développer la structure organisationnelle, dans la mesure du possible (Gardell, 1971).

Etant donné que le but de l’automatisation est d’améliorer la productivité sur le plan quantitatif et qualitatif, l’un des résultats logiques de l’informatisation est l’accroissement de la charge de travail. Beaucoup d’entreprises pensent qu’un tel accroissement est nécessaire pour rentabiliser l’investissement associé à cette automatisation. Toutefois, il est difficile d’établir la charge de travail adéquate. Des ingénieurs industriels ont conçu des moyens scientifiques pour déterminer les méthodes et les charges de travail adéquates (critères de rendement). Ces méthodes, utilisées avec succès depuis des dizaines d’années dans les entreprises manufacturières, même après l’installation d’ordinateurs, peuvent difficilement s’appliquer au travail de bureau. L’utilisation d’instruments scientifiques, comme ceux décrits par Kanawaty (1979) et Salvendy (1982), pour calculer la charge de travail des opérateurs de TEV devrait devenir prioritaire dans toutes les entreprises, car elle permet d’établir des normes de production et des critères de rendement raisonnables, en plus de mettre les employés à l’abri d’exigences de travail excessives et d’aider à obtenir des produits de qualité.

Le niveau de concentration élevé qu’exige le travail sur ordinateur peut avoir pour effet de restreindre les relations sociales pendant les heures de travail, et de favoriser l’isolement des employés. Pour contrer ce phénomène, il conviendrait de donner aux opérateurs, quand ils ne travaillent pas sur ordinateur ou quand ils font une pause, des occasions d’avoir des contacts avec leurs collègues. Ainsi, les tâches qui ne sont pas effectuées sur ordinateur et qui ne requièrent pas une concentration particulière pourraient être organisées de manière que les employés travaillent suffisamment près les uns des autres et puissent ainsi bavarder entre eux. Ce type de socialisation apporte un soutien dont on sait qu’il contribue sensiblement à réduire les effets négatifs du stress sur la santé mentale et des problèmes de santé physique comme les maladies cardio-vasculaires (House, 1981). D’autre part, la socialisation réduit bien sûr l’isolement et favorise l’équilibre mental.

L’existence de conditions ergonomiques satisfaisantes, sans laquelle les utilisateurs de TEV peuvent également connaître des problèmes psychosociaux, constitue donc un facteur essentiel qu’il faut prendre en compte au moment de définir l’ensemble des tâches. Elles sont abordées plus en détail dans d’autres articles de ce chapitre, ainsi qu’ailleurs dans cette Encyclopédie .

A la recherche d’un équilibre

Comme il n’existe pas de travail «parfait» ni de lieu de travail «parfait», qui ne crée aucun stress psychosocial ou physique, il est souvent nécessaire de procéder à des compromis quand on désire améliorer le lieu de travail. La redéfinition des processus oblige généralement à faire la part des choses entre des conditions de travail optimales et la nécessité d’avoir une productivité acceptable. Il faut donc trouver le meilleur équilibre possible entre les avantages pour la santé de l’employé et sa productivité. Malheureusement, les facteurs de troubles psychosociaux et, donc, de stress sont si nombreux et si étroitement liés qu’agir sur un seul peut rester sans effet tant que l’on n’aura pas aussi agi sur les autres. Globalement, cet équilibre doit être recherché pour le système tout entier, et comporter en outre un mécanisme compensateur.

Equilibrer le système, c’est partir du principe qu’un lieu de travail, un processus ou un emploi représente plus que la somme des composantes du système. L’interaction entre ces diverses composantes est productrice de résultats plus importants (ou moins importants) que ceux que produirait leur simple somme; elle détermine le potentiel qu’a le système de donner des résultats satisfaisants. Pour améliorer les conditions de travail, il importe donc de prendre en compte le système de travail au complet. Telle entreprise qui ne prêtera attention qu’aux aspects technologiques du système finira par créer un déséquilibre parce qu’elle aura négligé les facteurs personnels et psychosociaux. On pourra s’inspirer du modèle de système présenté à la figure 52.9 pour définir et comprendre les liens existant entre les qualifications requises, les facteurs qui interviennent dans la conception du poste et le stress qui doit être atténué.

La suppression de tous les facteurs psychosociaux producteurs de stress étant pratiquement impossible, que ce soit pour des raisons financières ou à cause de certains aspects inhérents aux tâches à accomplir, on doit faire appel à des techniques d’équilibrage par compensation. Ces techniques visent à réduire le stress psychologique en améliorant certains éléments du travail de manière à compenser les effets des éléments que l’on ne peut modifier. Cinq éléments déterminants du système de travail fonctionnent de concert pour fournir les ressources qui permettent de réaliser les objectifs de l’individu et de l’entreprise par un équilibrage compensateur: ce sont la charge de travail sous ses aspects physiques, les cycles de travail, le contenu du poste, les responsabilités et la socialisation. Nous savons que ces éléments peuvent avoir des effets négatifs, en engendrant notamment du stress, mais ils présentent également des aspects positifs pouvant faire contrepoids. Par exemple, l’incapacité d’utiliser une nouvelle technologie peut être contrebalancée par une formation des travailleurs. Le manque d’intérêt qu’offre un travail répétitif et ennuyeux peut être compensé par une structure d’encadrement qui encourage la participation et la responsabilisation des travailleurs, et par un enrichissement des tâches qui apporte de la variété. Les conditions de travail des opérateurs de TEV peuvent être améliorées sur le plan social par un rééquilibrage des fonctions qui sont une source potentielle de stress, et par une prise en compte de tous les éléments du travail ainsi que de leur propension à augmenter ou à réduire le stress. La structure de l’entreprise elle-même peut être adaptée pour laisser place à des emplois enrichis, et pour apporter le soutien approprié à l’individu. Une augmentation des effectifs, une hausse des niveaux de responsabilité partagée ou un accroissement des ressources financières consacrées au bien-être du personnel constituent d’autres solutions envisageables.

L’ERGONOMIE DES INTERACTIONS HUMAIN-ORDINATEUR

Jean-Marc Robert

Introduction

L’étude des interactions humain-ordinateur a pour objectif fondamental la réalisation d’interfaces de qualité pour les systèmes informatiques.

L’interface peut être définie comme l’ensemble des parties matérielles et logicielles d’un système permettant à une personne d’utiliser ce système et d’être informée de son état de fonctionnement. Les parties matérielles incluent les dispositifs d’entrée de données et de pointage (par exemple, clavier, souris), les dispositifs de présentation de l’information (par exemple, écrans, haut-parleurs), les manuels et la documentation technique. Les parties logicielles incluent les commandes et les menus, les icônes, les fenêtres, les retours d’information, les moyens de navigation, les messages, etc. Les parties matérielles et logicielles de l’interface peuvent être très étroitement liées, au point d’être indissociables (on pensera, par exemple, aux touches de fonction du clavier). L’interface englobe tout ce que l’utilisateur perçoit, comprend et manipule lorsqu’il dialogue avec l’ordinateur (Moran, 1981). Elle est donc cruciale pour la qualité de la relation entre l’humain et la machine.

Les recherches sur les interfaces ont pour objet d’améliorer l’utilité, l’accessibilité, la performance, la sécurité et l’utilisabilité (convivialité) des systèmes informatiques. L’utilité se définit par rapport à la tâche et signifie que le système possède des fonctions qui permettent aux utilisateurs d’effectuer leur tâche (par exemple, rédaction, dessin, calcul, programmation). L’accessibilité se définit comme la capacité qu’a une interface de permettre à plusieurs catégories d’utilisateurs — notamment aux personnes handicapées, à celles qui travaillent dans des régions éloignées, qui se déplacent constamment, ou dont les deux mains sont mobilisées par le travail — d’utiliser le système dans le cadre de leurs activités. La performance, considérée ici du point de vue humain et non pas technique, désigne l’aptitude d’un système à améliorer l’efficacité de l’utilisateur (par exemple, grâce à des macrofonctions, des raccourcis dans les menus, des outils logiciels intelligents). La sécurité désigne la capacité qu’a l’interface de permettre aux utilisateurs de travailler sans risque d’accidents ou de pertes mettant en cause des humains, du matériel, des données ou l’environnement. Enfin, l’utilisabilité se définit comme la facilité d’apprentissage et d’utilisation du système pour l’utilisateur. Par extension, elle inclut aussi l’utilité et la performance telles qu’elles sont définies ci-dessus.

Les facteurs en jeu dans la réalisation d’une interface

Les interfaces humain-ordinateur ont connu un développement fulgurant depuis l’invention des systèmes d’exploitation en temps partagé en 1963 et, surtout, depuis l’avènement de la micro-informatique en 1978 (pour un historique, voir Gaines et Shaw, 1986). Ce développement a été poussé principalement par trois facteurs agissant de façon simultanée.

Premièrement, l’évolution très rapide de la technologie informatique, fruit des progrès réalisés dans les domaines de l’électrotechnique, de la physique et de l’informatique, a joué un rôle déterminant dans le développement des interfaces. Elle a engendré des ordinateurs de plus en plus puissants et rapides, dotés de grandes capacités de mémoire, d’écrans graphiques à haute résolution et de dispositifs de pointage plus naturels (par exemple, la souris, la boule roulante) permettant des manipulations directes. Cette technologie a aussi rendu possible l’avènement de la micro-informatique. Elle a produit des interfaces en mode caractère dans les années soixante-soixante-dix, des interfaces graphiques à la fin des années soixante-dix, puis, dès le milieu des années quatre-vingt, des interfaces multimédias et hypermédias exploitant un environnement virtuel ou adjointes à un système de reconnaissance des données (par exemple, de la voix, des caractères manuscrits, des gestes). D’importantes activités de recherche-développement se poursuivent depuis quelques années sur ces divers sujets (Waterworth et Chignel, 1989; Rheingold, 1991). Cette évolution technologique s’est accompagnée de la mise au point d’outils logiciels plus perfectionnés pour la création d’interfaces (par exemple, systèmes de fenêtrage, bibliothèques d’objets graphiques, systèmes de prototypage), outils qui réduisent grandement les délais de fabrication d’interfaces.

Deuxièmement, les utilisateurs des systèmes informatiques jouent un rôle majeur dans le développement de bonnes interfaces, et ce pour trois raisons principales. D’une part, les utilisateurs actuels ne sont souvent ni des ingénieurs ni des scientifiques, contrairement à ceux des premiers ordinateurs, de sorte qu’ils exigent des systèmes faciles à apprendre et à utiliser. D’autre part, leur population est extrêmement variée par rapport à l’âge, au sexe, à la langue, à la culture, à la formation, à l’expérience, aux compétences, aux motivations, et aux centres d’intérêt. Les interfaces doivent donc être plus souples et mieux adaptées à la diversité de leurs besoins et de leurs attentes. Enfin, les utilisateurs œuvrent dans divers domaines d’activité et exécutent un très large éventail de tâches. Par conséquent, les concepteurs doivent sans cesse réévaluer la qualité de leurs interfaces.

Enfin, la concurrence très vive observée sur le marché et le durcissement des exigences en matière de sécurité favorisent aussi le développement de meilleures interfaces. Ces préoccupations émanent de deux groupes de population dont les intérêts sont complémentaires: d’une part, les fabricants de logiciels, qui cherchent à réduire leurs coûts tout en donnant à leurs produits des caractéristiques qui leur soient propres afin de les rendre plus attrayants sur le marché et, d’autre part, ceux qui utilisent ces logiciels pour offrir des produits ou des services compétitifs à leurs clients. Pour les uns comme pour les autres, des interfaces de qualité présentent de nombreux avantages:

Pour les fabricants:

Pour les utilisateurs:

Des interfaces de qualité peuvent nettement contribuer à améliorer la productivité des utilisateurs et la qualité de leur travail et à réduire les coûts de formation. Mais, pour cela, il faut que la conception et l’évaluation des interfaces soient fondées sur des principes ergonomiques et des règles pratiques qui se présentent sous la forme de lignes directrices, de normes édictées par les grands fabricants de systèmes ou de normes internationales. Il s’est constitué au fil des ans un imposant corpus de principes et de lignes directrices ergonomiques se rapportant à la conception des interfaces (Scapin, 1986; Smith et Mosier, 1986; Marshall, Nelson et Gardiner, 1987; Brown, 1988). On y trouve tout ce qu’il faut savoir sur les interfaces en mode caractère et des interfaces graphiques, ainsi que différents critères d’évaluation. Il représente une source d’information très précieuse pour la conception et l’évaluation des interfaces, même si son utilisation pose certains problèmes dans la pratique (par exemple, terminologie imprécise, insuffisance des données sur les conditions d’utilisation, présentation difficile à suivre).

Les grands fabricants de systèmes informatiques se sont eux-mêmes dotés de lignes directrices et de normes pour la conception des interfaces. Elles sont regroupées dans les ouvrages suivants:

Ces lignes directrices visent à faciliter la mise au point d’interfaces en assurant un minimum d’uniformité et de cohérence entre les interfaces utilisées sur une même plate-forme informatique. Précises, détaillées et souvent très complètes, elles présentent l’avantage d’être connues, faciles d’accès et abondamment suivies sur le terrain. Elles représentent de facto les normes de conception utilisées par les concepteurs et sont, à ce titre, indispensables.

Enfin, les normes de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) constituent aussi une source de références très précieuse pour la conception et l’évaluation des interfaces. Elles ont essentiellement pour but d’assurer une certaine uniformité entre les interfaces, indépendamment des plates-formes informatiques utilisées et des domaines d’application. Elles ont été élaborées en association avec les organisations nationales de normalisation, au terme de nombreux échanges entre des chercheurs, des concepteurs et des fabricants. La principale norme ISO qui s’applique à la conception des interfaces est la norme ISO 9241 (1992), qui traite des caractéristiques ergonomiques des terminaux à écran de visualisation. Elle comprend 17 parties. A titre d’exemple, les parties 14, 15, 16 et 17 portent sur quatre formes de dialogue entre l’humain et l’ordinateur, à savoir les menus, les langages de commande, la manipulation directe et le remplissage des formulaires. Les normes ISO doivent avoir priorité sur les autres lignes directrices et principes de conception. Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons les principes qui doivent guider la conception des interfaces.

L’utilisateur d’abord

Gould et Lewis (1985) ont proposé quatre principes de conception en se concentrant sur les besoins de l’utilisateur d’un terminal à écran de visualisation:

  1. Attention immédiate et continue aux utilisateurs. Avoir un contact direct avec les utilisateurs pour mieux comprendre leurs caractéristiques et la nature de leurs tâches.
  2. Conception intégrée. Toutes les conditions nécessaires à l’utilisabilité (interface, manuel, système d’aide, etc.) sont créées en parallèle et sont gérées d’une manière centralisée.
  3. Evaluation immédiate et continue par les utilisateurs. Au tout début de l’étape de conception, les utilisateurs procèdent à des simulations sur l’interface ou son prototype. Les performances et les réactions font l’objet d’une évaluation quantitative et qualitative.
  4. Conception itérative. Le système est modifié en fonction des résultats de l’évaluation, et le cycle d’évaluation se répète.

Ces principes sont expliqués en détail dans l’étude de Gould (1988). Très pertinents lors de leur première parution, en 1985, ils le demeurent encore aujourd’hui parce qu’on est toujours incapable de prévoir ce que donnera une interface sans la faire évaluer par les utilisateurs. Ils sont au cœur des cycles d’élaboration centrés sur l’utilisateur proposés par plusieurs auteurs (Gould, 1988; Mantei et Teorey, 1989; Mayhew, 1992; Nielsen, 1992; Robert et Fiset, 1991).

Dans la suite du texte, nous analysons cinq étapes du cycle d’élaboration qui s’avèrent déterminantes pour la qualité des interfaces.

L’analyse des tâches

L’analyse ergonomique des tâches constitue l’un des axes fondamentaux de la conception des interfaces. Elle consiste essentiellement à cerner la nature des responsabilités et des activités de l’utilisateur, ce qui permet de concevoir des interfaces compatibles avec les caractéristiques des tâches à exécuter. Chaque tâche revêt deux aspects:

  1. La tâche théorique , selon la définition que l’entreprise en a donnée et qui comprend objectifs, procédures, critères de qualité, normes et outils à utiliser.
  2. La tâche réelle ou l’activité effective, qui découle des décisions prises et des comportements adoptés par l’utilisateur pour exécuter la tâche théorique.

L’écart inévitable qui existe entre les deux est dû au fait que la tâche théorique ne tient pas compte des variations et des imprévus du travail, et que les utilisateurs se représentent mentalement leur travail de différentes façons. Une analyse de la tâche théorique ne permet pas, à elle seule, de bien comprendre leurs activités.

L’analyse des activités porte sur des points tels que les objectifs de la personne au travail, la nature des opérations effectuées, leur organisation temporelle (en ordre successif ou en parallèle), leur fréquence, les modes opératoires mis en jeu, les décisions, les sources de difficulté, les erreurs et les modes de correction. Cette analyse renseigne sur les différentes opérations effectuées au cours de la tâche (détecter, rechercher, lire, comparer, juger, décider, estimer, anticiper), sur les objets manipulés (par exemple, dans le contrôle de processus: température, pression, débit, volume) et sur les relations entre les opérations et les objets. Le contexte dans lequel la tâche est exécutée influe sur ces relations. De telles données sont indispensables pour définir et structurer les fonctions du futur système.

L’analyse de la tâche comporte au moins trois étapes, soit la collecte, la compilation et l’analyse des données. Elle peut être effectuée avant, pendant ou après l’informatisation de la tâche. Dans chaque cas, elle donne des repères essentiels pour la conception et l’évaluation de l’interface. Elle vise toujours la tâche réelle; cependant elle peut aussi porter sur les tâches futures dans le cadre d’une simulation ou de l’essai d’un prototype. Quand elle a lieu avant informatisation, elle porte sur les «tâches externes», c’est-à-dire sur les tâches extérieures à l’ordinateur (Moran, 1983), telles qu’elles sont effectuées avec les outils de travail habituels. Cette analyse est utile même si la tâche est appelée à subir des modifications majeures avec l’informatique, car elle permet de connaître la nature et la logique de la tâche, les procédures de travail, la terminologie, les opérations accomplies et les objets de la tâche, les outils de travail et les sources de difficulté. Elle apporte ainsi les données nécessaires à l’optimisation et l’informatisation de la tâche.

Pendant l’informatisation, l’analyse porte sur les «tâches internes», telles qu’elles sont exécutées et représentées par le système informatique. La collecte des données se fait à l’aide d’un prototype du système. Elle porte sur les mêmes points que précédemment, mais vus dans la perspective d’une informatisation.

Après l’informatisation, l’analyse porte aussi sur les tâches internes, mais elle se fait cette fois avec le système informatique définitif. Elle sert souvent à évaluer les interfaces existantes ou à en concevoir de nouvelles.

L’analyse hiérarchisée des tâches est une méthode couramment utilisée en ergonomie cognitive, qui se révèle très utile dans un grand nombre de domaines, y compris pour concevoir des interfaces (Shepherd, 1989). Elle consiste à décomposer la tâche en plusieurs sous-tâches dont chacune peut être décomposée à son tour en une ou plusieurs autres sous-tâches jusqu’à ce que l’on ait atteint un niveau de décomposition satisfaisant. Quand l’information est recueillie directement auprès de l’utilisateur (selon qu’on l’interroge ou qu’il pense tout haut), cette décomposition hiérarchisée peut donner une idée de la façon dont il se représente la tâche. Les résultats de l’analyse peuvent être représentés sous forme d’arbre ou de tableau, chaque formule ayant ses avantages et ses inconvénients.

L’analyse des caractéristiques des utilisateurs

L’autre axe clé de la conception des interfaces est l’analyse des caractéristiques des utilisateurs. Elle peut porter sur l’âge, le sexe, la langue et la culture, la formation, les connaissances techniques ou informatiques, les compétences, la motivation, etc. Leurs variations sont à l’origine des différences observées à l’intérieur des groupes d’utilisateurs et entre eux. Un des principes de base à respecter au moment de concevoir des interfaces est donc de considérer que l’utilisateur moyen n’existe pas. Il vaut mieux chercher à définir les différents groupes d’utilisateurs concernés et à connaître leurs caractéristiques. Il est souhaitable que des représentants de chaque groupe participent à la conception et à l’évaluation des interfaces.

D’autre part, certaines caractéristiques des utilisateurs nous sont aussi révélées par la psychologie, l’ergonomie ou les sciences cognitives, comme la perception, la mémoire, la représentation mentale, la prise de décisions, et les moyens d’apprentissage (Wickens, 1992). Il est clair que la seule façon de créer des interfaces véritablement adaptées est de prendre en compte les effets de ces variations sur les capacités, les limites et les modes de fonctionnement des utilisateurs.

Jusqu’à maintenant, les études ergonomiques concernant les interfaces ont presque exclusivement porté sur les capacités sensorielles, cognitives et motrices des utilisateurs, aux dépens des dimensions affective, sociale et comportementale, même si l’on observe une réelle ouverture de ce côté depuis quelques années (pour une étude de l’être humain en tant que système intégré de traitement de l’information, voir Rasmussen (1986); on trouvera aussi chez Thimbleby (1990) et Mayhew (1992) une analyse des points importants à considérer chez les utilisateurs lors de la conception des interfaces). Les paragraphes qui suivent présentent cinq grandes caractéristiques des utilisateurs dont il est important de tenir compte à cet égard.

Les représentations mentales

Les utilisateurs se construisent un modèle mental de leur système, modèle qui correspond à la façon dont ils perçoivent et comprennent ce système. Par conséquent, il varie en fonction de leur niveau de connaissance et d’expérience (Hutchins, 1989). Pour minimiser le temps d’apprentissage et faciliter l’utilisation d’un système, il faut faire en sorte que le modèle sur lequel le système a été conçu ressemble à la représentation mentale que s’en fait l’utilisateur. Il est à noter cependant que les deux modèles ne sont jamais identiques. Un modèle mental se caractérise par le fait d’être personnel (Rich, 1983), incomplet, inégal d’une partie à l’autre du système, éventuellement erroné sur certains points et en constante évolution. Il joue un rôle mineur dans les tâches de routine, mais un rôle capital dans les tâches inhabituelles et dans le diagnostic des problèmes (Young, 1981). Sans un bon modèle mental, ces derniers types de tâches poseront des difficultés à l’utilisateur. Pour les concepteurs d’interfaces, il s’agit de créer des systèmes dont les interactions avec l’utilisateur amènent ce dernier à se construire un modèle mental proche du modèle conceptuel des systèmes.

L’apprentissage

Les utilisateurs apprennent beaucoup par analogie (Rumelhart et Norman, 1983). C’est dire que l’utilisation d’analogies ou de métaphores appropriées dans l’interface facilitera l’apprentissage en optimisant le transfert de savoir à partir de situations ou de systèmes déjà connus. Des analogies ou des métaphores sont employées pour de nombreux éléments de l’interface, tels que les noms de commandes et de menus, les symboles, les icônes, les codes (forme, couleur), les messages, etc. Lorsqu’elles sont utilisées intelligemment, elles peuvent grandement contribuer à rendre les interfaces plus naturelles et plus transparentes pour les utilisateurs. Par contre, lorsqu’elles ne sont pas pertinentes, elles peuvent nuire aux utilisateurs (Halasz et Moran, 1982). Les deux métaphores utilisées jusqu’à maintenant dans les interfaces graphiques sont celle du pupitre et, de façon beaucoup plus restreinte, celle de la pièce.

Les utilisateurs préfèrent généralement apprendre une nouvelle application informatique en l’utilisant directement, plutôt qu’en lisant un manuel ou en suivant des cours. Ils préfèrent l’apprentissage par l’action qui sollicite leurs facultés cognitives. Toutefois, ce mode d’apprentissage présente certains inconvénients (Carroll et Rosson, 1988; Robert, 1989). Il requiert une interface compatible, transparente, cohérente, souple et insensible aux défaillances, outre des fonctions dans l’interface qui sont déterminantes pour l’utilisabilité, comme le retour d’information, les systèmes d’aide à l’utilisateur et à la navigation, ou le traitement des erreurs (dans ce contexte, les «erreurs» sont des opérations que l’utilisateur désire annuler). Une bonne interface apporte une certaine autonomie à l’utilisateur au cours de l’exploration.

Les connaissances évolutives

Les connaissances des utilisateurs augmentent avec l’expérience, mais tendent aussi à plafonner rapidement. Cela implique qu’il faut créer des interfaces souples et capables de répondre simultanément aux besoins d’utilisateurs ayant différents niveaux de connaissances. L’idéal serait qu’elles puissent s’adapter au contexte et fournir une aide personnalisée à l’utilisateur. C’est notamment ce que peut faire le système EdCoach, conçu par Desmarais et coll. (1993). Un classement des utilisateurs dans les catégories «débutant», «niveau intermédiaire» et «expert» ne convient pas pour la création d’interfaces, car il est trop rigide et ne tient pas compte des différences entre les individus. La technologie informatique permet maintenant de répondre aux besoins de différents types d’utilisateurs. Elle en est cependant encore au stade de la recherche et non des applications commerciales (Egan, 1988). L’engouement actuel pour les systèmes d’aide à l’exécution laisse présager un fort développement de ces systèmes au cours des années à venir.

Les erreurs inévitables

Enfin, il faut voir que les utilisateurs font des erreurs, indépendamment de leur niveau de compétence et de la qualité de leur système. Une étude allemande réalisée par Brodbeck et coll. (1993) révèle que les cols blancs qui travaillent sur ordinateur consacrent au moins 10% de leur temps à traiter des erreurs. L’une des causes d’erreurs tient au fait que les utilisateurs ont plus tendance à «guérir» qu’à «prévenir» (Reed, 1982). Ils préfèrent agir rapidement au risque de faire des erreurs et de devoir les corriger par la suite, plutôt que de travailler plus lentement pour éviter d’en commettre. Il est capital d’en tenir compte quand on met au point des interfaces humain-ordinateur. En outre, le système devra être insensible aux défaillances et intégrer de bonnes fonctions de traitement des erreurs (Lewis et Norman, 1986).

L’analyse des besoins

L’analyse des besoins est explicitement prévue dans le cycle de développement proposé par Robert et Fiset (1991); elle correspond à l’analyse fonctionnelle chez Nielsen et elle est intégrée à d’autres étapes (analyse des tâches, des caractéristiques des utilisateurs ou des exigences posées) chez d’autres auteurs. Elle consiste à définir, analyser et organiser tous les besoins que le système informatique peut satisfaire. Elle permet de savoir quelles fonctions ajouter au système. L’analyse des tâches et celle des caractéristiques des utilisateurs, expliquées plus haut, devraient aider à cerner une bonne partie des besoins, mais elles peuvent se révéler insuffisantes pour définir les besoins nouveaux découlant de l’application de nouvelles technologies ou de nouveaux règlements (sur la sécurité, par exemple). L’analyse des besoins vient combler cette lacune.

L’analyse des besoins procède de la même façon que l’analyse fonctionnelle des produits. Elle requiert la participation de personnes intéressées par le produit et complémentaires les unes des autres de par leur formation, leur métier ou leur expérience professionnelle. Ce groupe peut comprendre de futurs utilisateurs du système, des contremaîtres, des experts du domaine et, selon le cas, des spécialistes de la formation, de l’organisation du travail et de la sécurité. Par ailleurs, on pourra examiner la documentation scientifique et technique touchant le domaine d’application visé afin de connaître l’état actuel des connaissances. On peut aussi vérifier les systèmes concurrents utilisés dans des domaines comparables ou connexes. Les différents besoins qui découlent de ces analyses sont ensuite classés, pondérés et présentés sous une forme exploitable pendant tout le cycle d’élaboration.

Le prototypage

Le prototypage fait le plus souvent partie du cycle d’élaboration d’une interface. Il consiste à construire un premier modèle (ou prototype) de l’interface, sur papier ou support informatique. Plusieurs ouvrages présentent les caractéristiques du prototypage dans le domaine des interactions humain-ordinateur (Wilson et Rosenberg, 1988; Hartson et Smith, 1991; Preece et coll., 1994).

Le prototypage est une opération pratiquement inévitable pour deux principales raisons:

  1. Les utilisateurs peuvent difficilement évaluer une interface à partir des spécifications fonctionnelles; l’interface décrite est alors trop éloignée de l’interface réelle et son évaluation trop abstraite. Un prototype est utile, car il permet de voir et d’utiliser l’interface et d’en juger directement l’utilité et l’utilisabilité.
  2. Il est quasiment impossible de construire une bonne interface du premier coup. Il est nécessaire de la tester auprès des utilisateurs et de la modifier, souvent à plusieurs reprises. Un moyen de pallier ce problème consiste à réaliser rapidement un prototype sur papier ou interactif de l’interface que l’on teste, modifie ou élimine avant d’en construire un nouveau jusqu’à l’obtention d’une interface satisfaisante. Cela revient beaucoup moins cher que de travailler sur une interface réelle.

Le prototypage présente plusieurs avantages pour l’équipe de développement. Un prototype permet d’intégrer et de visualiser les éléments de l’interface dès le début du processus de conception, de repérer rapidement des problèmes précis, de définir un cadre de discussion concret et commun pour l’équipe de développement et pour les rencontres avec les clients, et d’illustrer de manière simple les différentes solutions possibles pour des besoins de comparaison et pour procéder à des évaluations internes de l’interface. Le principal avantage est cependant de permettre aux utilisateurs d’évaluer le projet.

La construction de prototypes est possible grâce à plusieurs outils informatiques actuellement offerts sur le marché. Ceux-ci sont à la fois peu coûteux, très puissants et disponibles sur différentes plates-formes informatiques, y compris sur micro-ordinateur: Visual Basic et Visual C++ (™Microsoft Corporation), UIM/X (™Visual Edge Software), HyperCard (™Apple Computer Co.), SVT (™SVT Soft Inc.). Facilement accessibles et relativement faciles à apprendre, ils sont de plus en plus répandus chez les concepteurs et les évaluateurs de systèmes.

L’ajout d’une étape consacrée au prototypage a modifié en profondeur le processus d’élaboration des interfaces. Sa rapidité et sa souplesse d’exécution sont telles que les concepteurs ont maintenant tendance à réduire les analyses préliminaires (des tâches, des caractéristiques des utilisateurs et des besoins) et à compenser ce vide analytique par un allongement des cycles d’évaluation. Ils partent du principe que les problèmes ressortent nécessairement des tests d’utilisabilité et qu’il est plus économique de prolonger la phase d’évaluation que de passer plus de temps aux analyses préliminaires.

L’évaluation des interfaces

L’évaluation auprès des utilisateurs s’avère un moyen indispensable et efficace d’améliorer l’utilité et l’utilisabilité des interfaces (Nielsen, 1993). Elle se fait sous forme électronique dans la grande majorité des cas, mais un prototype sur papier est aussi parfois utilisé. C’est une opération itérative qui s’inscrit dans un cycle d’évaluation et de modification du prototype jusqu’à ce que l’interface soit jugée satisfaisante. Plusieurs séances d’évaluation peuvent être nécessaires. L’évaluation peut se dérouler dans le milieu de travail des utilisateurs ou dans un laboratoire spécialisé (Nielsen, 1994).

D’autres méthodes ne requièrent pas la participation des utilisateurs; elles peuvent venir en complément d’une évaluation effectuée par les utilisateurs (Karat, 1988; Nielsen, 1993, Nielsen et Mack, 1994). L’une de ces méthodes, passablement répandue, consiste à appliquer des critères comme la compatibilité, la cohérence, la clarté visuelle, la précision des commandes, la souplesse d’utilisation, l’effort mental exigé, la qualité du retour d’information, la qualité des systèmes d’aide et de traitement des erreurs. Pour une définition détaillée de ces critères, voir Bastien et Scapin (1993); ils constituent aussi la base d’un questionnaire d’évaluation ergonomique des interfaces (Shneiderman, 1987; Ravden et Johnson, 1989).

Une fois l’évaluation terminée, il faut trouver des solutions aux problèmes répertoriés, s’entendre sur des modifications, les mettre en œuvre, et décider s’il y a lieu de créer un nouveau prototype.

Conclusion

Cet article sur la réalisation d’une interface a mis en lumière les principaux enjeux et les grandes orientations actuelles que l’on observe dans le domaine des interactions humain-ordinateur. Il en ressort: a) que les analyses des tâches, des caractéristiques des utilisateurs et des besoins jouent un rôle fondamental dans la compréhension des besoins à satisfaire et, par conséquent, des fonctions que l’interface doit posséder; et b) que le prototypage et une évaluation par les utilisateurs sont indispensables pour connaître le degré d’utilisabilité des interfaces. On sait énormément de choses sur les interactions entre l’humain et l’ordinateur, savoir qui se traduit par divers principes, lignes directrices et normes de conception. Pourtant, il est actuellement impossible de construire une bonne interface du premier coup. Cela constitue un enjeu majeur pour les années à venir. Il est impératif d’établir des liens plus explicites, directs et formels entre l’étape d’analyse (des tâches, des caractéristiques des utilisateurs, des besoins, du contexte) et l’étape de conception. Il faudra aussi trouver des moyens d’appliquer d’une façon plus directe et plus simple, au moment de concevoir une interface, les connaissances que l’on possède actuellement en matière d’ergonomie.

LES NORMES ERGONOMIQUES

Tom F.M. Stewart

Introduction

Les normes ergonomiques peuvent revêtir de nombreuses formes: règlements promulgués au niveau national, directives et normes instituées par des organismes internationaux, etc. Elles contribuent dans une large mesure à améliorer l’utilisabilité des systèmes. L’existence de normes de conception et de critères de performance apporte aux gestionnaires l’assurance que les systèmes qu’ils achètent pourront être utilisés de façon rentable et efficiente, confortable et sans danger. Elle fournit également aux utilisateurs des repères leur permettant d’évaluer leurs propres conditions de travail. L’auteur s’est concentré sur la norme ergonomique 9241 (1992) émise par l’Organisation internationale de normalisation (ISO), car elle énonce des critères importants et reconnus partout dans le monde qui touchent à la conception et au choix des équipements et systèmes de visualisation sur écran. Pour faire son travail, l’ISO s’en remet à divers comités techniques. L’un d’entre eux, le Comité technique TC 159/SC 4 (Ergonomie de l’interaction homme/système), est responsable des normes ergonomiques applicables aux interactions entre l’être humain et les systèmes produits par les nouvelles technologies. Il se compose de représentants des organismes de normalisation nationaux des pays membres; pendant leurs réunions, les délégations nationales sont amenées à discuter et à voter sur diverses résolutions et divers documents techniques. Le travail technique de fond est réparti entre huit groupes de travail qui s’en divisent l’étude selon la liste des éléments énumérés à la figure 52.11. C’est à ce sous-comité, auquel appartient l’auteur, que l’on doit la norme ISO 9241 (1992).

Figure 52.11 Groupes de travail techniques de Comité technique TC 159/SC 4
«Ergonomie de l'interaction homme/ système» (ISO 9241, 1929): cinq groupes
de travail ont subdivisé les «parties» de la norme comme ci-après.
L'illustration montre la correspondance entre les parties de la norme et les différents
éléments du poste de travail auxquels elles se rapportent

Figure 52.11

Le travail de l’ISO revêt une grande importance sur le plan international. Les principaux fabricants de TEV prêtent beaucoup d’attention aux directives de l’ISO. Ce sont pour la plupart des entreprises internationales. Si l’on se place du point de vue de ces entreprises, il est évident que les solutions les meilleures et les plus efficaces apportées aux problèmes posés par la conception des lieux de travail sont celles qui résultent d’un accord international. De nombreuses institutions régionales, comme le Comité européen de normalisation (CEN), ont adopté les normes ISO partout où elles semblaient appropriées. L’Accord de Vienne, signé par l’ISO et le CEN, est l’instrument officiel garantissant une collaboration effective entre les deux organismes. Différentes parties de la norme ISO 9241, approuvées et publiées en tant que normes internationales, sont adoptées à titre de normes européennes et sont alors intégrées au texte EN 29241. Etant donné que les normes CEN supplantent les normes nationales de l’Union européenne (EU) et celles des Etats membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), les normes de l’ISO prennent de plus en plus de poids en Europe, ce qui, à son tour, met plus que jamais cette organisation dans l’obligation de produire des normes et des directives de qualité sur les TEV.

Les normes fondées sur la performance de l’utilisateur

On peut élaborer des normes soit en fonction des produits, soit en fonction de la performance à réaliser par l’utilisateur. Ainsi, plutôt que de prescrire telle ou telle caractéristique pour un produit et d’exiger, par exemple pour les caractères, une hauteur dont on croit qu’elle les rendra visibles à l’écran, certains bureaux de normalisation préfèrent élaborer des procédures qui permettent d’évaluer directement des attributs particuliers comme la visibilité. La norme consiste alors à définir le niveau de performance attendu de l’équipement et non la façon dont ce niveau est obtenu. Les paramètres de performance pouvant être mesurés incluent la précision, la rapidité et le confort.

Les normes de ce type présentent plusieurs avantages, car elles sont:

Toutefois, elles ne sont pas sans inconvénients. En effet, elles ne peuvent être complètes ou scientifiquement valables dans tous les cas. Elles constituent néanmoins l’aboutissement de compromis raisonnables dont l’approbation par toutes les parties intéressées demande, certes, beaucoup de temps.

La portée et l’utilisation de la norme ISO 9241

La norme ergonomique de base concernant les TEV, ISO 9241, nous renseigne sur les aspects ergonomiques des produits et sur les façons d’évaluer les propriétés ergonomiques d’un système. Tout renvoi à la norme ISO 9241 s’applique aussi à la norme EN 29241. Certaines rubriques fournissent quelques indications générales à considérer au moment de concevoir un équipement, un logiciel et les tâches à effectuer. D’autres parties contiennent des règles générales de conception et des exigences plus précises en relation avec les technologies du moment, le but étant d’aider les concepteurs. En plus d’établir des spécifications pour les produits, la norme ISO 9241 souligne la nécessité de définir les facteurs qui influencent la performance de l’utilisateur, en précisant comment évaluer cette performance afin de pouvoir juger si le système est approprié au contexte dans lequel il servira.

La norme ISO 9241 a été créée en vue d’une application à des tâches et à un cadre de bureau. Cela signifie que, dans d’autres environnements plus spécialisés, il peut être nécessaire de prévoir certaines dérogations à la norme. Dans de nombreux cas, cette adaptation de la norme générale donne de meilleurs résultats que de fixer ou d’essayer «à l’aveugle» une norme isolée spécifique à une situation précise. En fait, l’un des problèmes que posent les normes ergonomiques concernant les TEV est que la technologie évolue à un rythme que les organes de normalisation ne peuvent suivre. Ainsi, il arrive qu’un nouvel équipement ne respecte pas exactement les prescriptions d’une norme parce qu’il apporte une solution radicalement différente de ce que l’on avait prévu à l’origine lorsque la norme a été écrite. Par exemple, les premières normes réglementant la qualité des caractères affichés à l’écran supposaient une matrice de construction simple pour ce qui est du nombre de points de séparation. Aussi, des polices de caractères plus récentes et plus lisibles seraient-elles en contravention par rapport à cette norme d’origine puisque, de par leur conception même, elles n’auraient pas le nombre de points imposé entre les caractères.

A moins que les normes ne soient spécifiées en termes de performance à atteindre, les utilisateurs des normes ergonomiques doivent être prêts à accepter que les fournisseurs puissent en respecter les exigences en démontrant que leur solution permet d’obtenir une performance équivalente, voire supérieure, dans la poursuite du même objectif.

Le fait d’utiliser la norme ISO 9241 au moment de définir les caractéristiques des TEV et d’en faire l’achat rend clairement les gestionnaires responsables des questions liées à l’ergonomie des écrans et contribue à ce que ces questions soient prises en compte aussi bien par l’acheteur que par le fournisseur. Par conséquent, la norme est un élément utile de la stratégie suivie par tout employeur soucieux de protéger la sécurité et la santé des utilisateurs d’écran et d’en améliorer la productivité.

Les problèmes généraux

La partie 1 de la norme ISO 9241: Introduction générale , expose les principes qui sous-tendent les différentes parties de la norme. On y explique ce qu’est l’approche fondée sur la performance de l’utilisateur et on y trouve des indications sur la manière d’utiliser la norme et de rendre compte de la conformité des équipements à ses différentes parties.

La partie 2 de la norme ISO 9241: Guide général concernant les exigences des tâches , sert d’indication aux personnes responsables de la planification du travail sur TEV en ce qui concerne la conception des postes et de chaque tâche. Ces indications sont destinées à améliorer l’efficacité et le bien-être des utilisateurs en appliquant les connaissances que l’on possède en matière d’ergonomie à la conception des tâches à effectuer sur TEV. Il y est également question des objectifs et des caractéristiques de l’opération de conception des tâches (voir figure 52.12). Enfin, on y explique comment répertorier et définir les exigences des tâches au sein de chaque entreprise et comment en tenir compte dans la conception et l’implantation de son système de production.

Figure 52.12 Indications générales concernant les exigences des tâches

Figure 52.12

L’ergonomie du matériel et du cadre de travail

L’écran de visualisation

La partie 3 de la norme ISO 9241 (EN 29241): Exigences relatives aux écrans de visualisation , établit les caractéristiques ergonomiques que les écrans doivent présenter pour être lus dans de bonnes conditions de confort, de sécurité et d’efficacité et permettre l’exécution des tâches bureaucratiques. Bien qu’elle vise précisément les écrans utilisés pour un travail de bureau, les indications qu’elle contient valent pour la plupart des applications qui demandent des écrans tout usage. Un essai de performance est proposé qui, une fois approuvé, pourra servir de base au contrôle des performances et deviendra un moyen supplémentaire de garantir la conformité des TEV à la norme.

La partie 7 de la norme ISO 9241: Exigences d’affichage concernant les réflexions , se veut un guide pour faciliter l’évaluation des reflets renvoyés par les écrans de visualisation, y compris par ceux dont la surface a été traitée. Elle s’adresse aux fabricants d’écrans soucieux de ce que les traitements antireflet ne nuisent pas à la qualité de l’image.

La partie 8 de la norme ISO 9241: Exigences relatives aux couleurs affichées , traite des conditions que doivent remplir les écrans qui produisent des images couleur, conditions beaucoup plus nombreuses que les règles générales établies pour les écrans monochromes et énoncées dans la troisième partie.

Le clavier et les autres périphériques d’entrée

La partie 4 de la norme ISO 9241: Exigences relatives aux claviers , prévoit que le clavier doit être inclinable, séparé de l’écran et d’un emploi facile, qui ne fatigue pas les bras ni les mains. Elle indique également quelles caractéristiques ergonomiques le clavier alphanumérique doit présenter pour l’exécution des tâches bureaucratiques dans de bonnes conditions de confort, de sécurité et d’efficacité. Encore une fois, bien qu’elle vise précisément le travail de bureau, elle vaut pour la plupart des applications nécessitant des claviers alphanumériques tout usage. Enfin, cette norme inclut des spécifications de conception et une méthode alternative d’essai de conformité.

La partie 9 de la norme ISO 9241: Exigences relatives aux dispositifs d’entrée autres que les claviers , établit des exigences ergonomiques pour des dispositifs comme la souris et autres outils de pointage pouvant être utilisés avec un TEV. Un test de performance est également inclus.

Les postes de travail

La partie 5 de la norme ISO 9241: Aménagement du poste de travail et exigences relatives aux postures , vise à alléger le travail à l’écran et à encourager l’utilisateur à adopter une posture de travail confortable et saine. Les conditions à remplir pour cela y sont énoncées. Elles concernent notamment:

On y décrit les caractéristiques du lieu de travail qui favorisent l’adoption de postures saines et confortables, et on y trouve des directives de conception des matériels.

Le cadre de travail

La partie 6 de la norme ISO 9241: Guide général relatif à l’environnement de travail , établit les exigences ergonomiques auxquelles doit satisfaire l’environnement de travail des utilisateurs de TEV sur le plan visuel, acoustique et thermique. Elle a pour objet de créer un environnement propice à une utilisation efficace du TEV et permettant à l’opérateur de travailler dans des conditions de sécurité et de confort.

On y trouve une description des caractéristiques de l’environnement de travail qui influent sur l’efficacité et le confort de l’utilisateur, et des lignes directrices pour la conception des TEV. Même lorsqu’il leur est possible d’agir dans des limites strictes sur leur environnement de travail, les jugements que portent les utilisateurs sur la qualité de cet environnement varient, en partie en raison des préférences de chacun, mais aussi parce que telle tâche peut exiger un environnement tout à fait différent. Les utilisateurs qui restent assis devant leur TEV pendant des périodes prolongées, par exemple, sont plus sensibles aux courants d’air que les personnes dont les fonctions les obligent à se déplacer dans leur bureau et qui ne travaillent à leur terminal que par intermittence.

Le travail sur TEV réduit souvent les possibilités qu’ont les individus de se déplacer à l’intérieur de leur bureau. Aussi, est-il très souhaitable que chacun ait un droit de regard sur l’environnement de travail. Une grande attention doit être portée aux espaces de travail pour ne pas imposer à la majorité des utilisateurs un environnement inhabituel qui peut avoir la préférence de quelques-uns.

L’ergonomie des logiciels et la conception des dialogues

La partie 10 de la norme ISO 9241: Principes de dialogue , fait état des principes ergonomiques qui doivent prévaloir au moment de la conception des dialogues entre l’être humain et un système informatique. Ils se résument comme suit:

Ces principes sont étayés par plusieurs scénarios qui en illustrent la priorité et l’importance relatives dans la pratique. Ces dispositions ont pour origine la partie 8 de la norme allemande DIN 66234 (1988): Principes d’une conception ergonomique des dialogues pour les postes de travail équipés d’un terminal à écran de visualisation.

La partie 11 de la norme ISO 9241: Lignes directrices relatives à l’utilisabilité , apporte une aide aux personnes chargées d’établir ou d’évaluer les conditions d’utilisation en inscrivant les principaux facteurs et paramètres en jeu dans un cadre uniforme et reconnu de tous. Ce cadre peut servir de base à la définition des conditions ergonomiques à remplir. Il contient des descriptions du contexte d’utilisation, des évaluations à effectuer ainsi que des critères à prendre en compte pour juger le degré d’utilisabilité du système.

La partie 12 de la norme ISO 9241: Présentation de l’information , renseigne sur les aspects ergonomiques propres à la représentation et à la présentation visuelle de l’information. Elle donne des indications sur la façon de représenter des informations complexes, sur la présentation et la conception des écrans, et sur l’utilisation des fenêtres. Elle constitue un résumé utile de l’abondant corpus de directives et de recommandations qui existent sur le sujet. Elle a la forme de lignes directrices qui n’exigent l’exécution d’aucun test formel de conformité.

La partie 13 de la norme ISO 9241: Guidage de l’utilisateur , propose en fait aux fabricants des recommandations concernant le guidage des utilisateurs. Il s’agit notamment de la documentation, des écrans d’aide, des systèmes de gestion des erreurs et des autres aides que fournissent de nombreux logiciels. Pour évaluer l’utilisabilité d’un produit dans la pratique, les utilisateurs réels auront avantage à prendre en compte les informations et les directives données par le fournisseur sous la forme de manuels, d’exercices pratiques, etc., ainsi que les caractéristiques particulières du produit en question.

La partie 14 de la norme ISO 9241: Dialogues de type menu , fournit une aide pour la conception des systèmes pilotés par menu. Elle vaut aussi bien pour les menus avec texte que pour les menus déroulants et les menus fugitifs des systèmes graphiques. Elle contient un grand nombre de directives élaborées à partir de publications et d’autres recherches sur le même sujet. Face à l’extrême variété et à la complexité des systèmes pilotés par menu, cette partie de la norme prévoit une forme de «conformité conditionnelle». Chaque directive est assortie de critères qui aident à déterminer si elle est applicable au système en question. Quand c’est le cas, d’autres critères permettent d’établir si le système remplit ou non ces conditions.

La partie 15 de la norme ISO 9241: Dialogues de type langage de commande , apporte une aide pour la conception des dialogues de commande avec texte. Les dialogues se présentent dans ces encadrés bien connus qui apparaissent à l’écran pour poser des questions à l’utilisateur de TEV, comme dans le cas d’une demande de recherche. Le logiciel crée un «dialogue» dans lequel l’utilisateur doit fournir le terme à trouver ainsi que toute autre indication utile sur ce terme, telle que la casse ou le format.

La partie 16 de la norme ISO 9241: Dialogues de type manipulation directe , traite de la conception des dialogues de manipulation directe et des techniques de dialogue du type «tel écran, tel écrit», qu’ils soient proposés seuls ou associés à d’autres techniques de dialogue. La règle de conformité conditionnelle prévue à la partie 14 pourrait aussi s’appliquer à ce type d’interaction.

La partie 17 de la norme ISO 9241: Dialogues de type remplissage de formulaires , en est encore à ses tout premiers stades d’élaboration.

Etude de cas: la directive européenne 90/270(CCE) concernant les équipements à
écran de visualisation (CCE, 1990)

La directive relative aux écrans de visualisation s’inscrit dans une série de directives couvrant divers aspects de la sécurité et de la santé. Ces directives font partie du programme de l’Union européenne (EU) pour la promotion de la sécurité et de la santé dans le marché unique. La directive de base ou directive-cadre 89/ 391/CEE (CCE, 1989) définit les principes généraux de la politique suivie par la Communauté en matière de sécurité et de santé. Ces principes communs comprennent la prévention du risque, chaque fois que possible, par suppression de la cause du risque et l’encouragement à des mesures de protection collectives plutôt qu’individuelles.

Lorsque le risque est inévitable, il doit être convenablement évalué par des personnes qualifiées pour ce faire, et des mesures doivent être prises qui soient en rapport avec son importance. S’il ressort de l’évaluation que le niveau de risque est faible, par exemple, des mesures simples pourront parfaitement convenir. En revanche, lorsqu’il existe un risque important, des mesures strictes sont à prendre. La directive elle-même impose des obligations aux seuls Etats membres, et non aux employeurs ni aux fabricants à titre individuel. Elle exige des Etats membres qu’ils transposent ces obligations en lois, règlements et textes administratifs nationaux appropriés, en vertu desquels les employeurs seront tenus d’assurer un minimum de protection à la sécurité et à la santé des utilisateurs d’écrans de visualisation.

Les principales obligations des employeurs sont les suivantes:

  • Faire une analyse des risques engendrés par l’utilisation de postes de travail à écran et intervenir pour éliminer les risques constatés.
  • S’assurer que tous les postes de travail («dont la première mise en service est postérieure au 1er janvier 1993») répondent aux exigences ergonomiques minimales énoncées en annexe à la directive. Pour les postes de travail existants, un délai supplémentaire de quatre années est accordé à condition que leur utilisation n’entraîne pas de risque pour leurs opérateurs.
  • Informer les utilisateurs des résultats des évaluations, des actions engagées par l’employeur et des droits que la directive leur confère.
  • Planifier le travail sur écran de façon que les employés puissent faire une pause ou changer d’activité à intervalles réguliers.
  • Faire passer un examen ophtalmologique aux employés avant qu’ils utilisent un écran, à intervalles réguliers et s’ils ont des problèmes de vue. Si l’examen révèle que des lunettes s’imposent et que des lunettes ordinaires ne peuvent pas être utilisées, des lunettes spéciales doivent être fournies.
  • Fournir aux employés des renseignements appropriés sur les problèmes de sécurité et de santé avant qu’ils utilisent un écran de visualisation ou chaque fois que des modifications importantes sont apportées à leur poste de travail.

La directive relative aux écrans de visualisation a davantage pour objet de définir les modalités d’utilisation des postes de travail que d’expliquer comment les produits doivent être conçus. Les obligations énoncées s’adressent donc aux employeurs et non aux fabricants de postes de travail. Cependant, beaucoup d’employeurs attendent de leurs fournisseurs qu’ils leur donnent des assurances sur la «conformité» de leurs produits. En pratique, cela ne signifie pas grand-chose, vu que la directive ne prévoit qu’un nombre restreint de règles de conception, au demeurant relativement simples. Ces règles, données dans l’annexe (non présentée ici), concernent les dimensions et le pouvoir réfléchissant du plan de travail, la capacité de réglage du siège, la dissociation du clavier et la netteté de l’image affichée.

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