On sest beaucoup intéressé, ces dernières années, aux effets biologiques et aux conséquences possibles pour la santé de faibles champs électriques et magnétiques. Des études ont été réalisées sur les champs magnétiques et leurs effets éventuels sur le cancer, la fonction de reproduction et les réactions neurocomportementales. Nous présentons, dans ce qui suit, un résumé des connaissances actuelles, ainsi quun aperçu des domaines quil reste encore à étudier et, en particulier, des différentes options possibles quant à la politique à adopter: non-intervention, «principe de précaution» ou interventions coûteuses.
Les études épidémiologiques sur la relation entre la leucémie infantile et lexposition résidentielle due aux lignes de transport délectricité semblent révéler une légère augmentation du risque. De plus, on signale un risque excédentaire de leucémie et de tumeurs au cerveau dans les professions ayant rapport avec lélectricité. De récentes études, basées sur des techniques améliorées dévaluation de lexposition, ont généralement confirmé quil pourrait y avoir une association. On ne comprend cependant pas encore assez bien le rôle des caractéristiques de lexposition (par exemple, fréquence du champ magnétique et exposition non continue) et on sait très peu de choses sur les éventuels facteurs parasites ou modificateurs. Par ailleurs, la plupart des études faites en milieu de travail ont mis en cause une forme particulière de la maladie, la leucémie myéloïde aiguë. Les quelques études oncologiques réalisées sur des animaux de laboratoire nont pas permis de mieux évaluer les risques et, malgré la multiplicité des études expérimentales sur les cellules, aucun mécanisme plausible et compréhensible na été présenté pour expliquer déventuels effets cancérogènes.
Les études épidémiologiques ont fait état de cas de grossesse à issue défavorable et de cancer infantile après une exposition de la mère ou du père à des champs magnétiques, avec une relation apparente entre lexposition paternelle et un effet génotoxique. Les efforts que dautres équipes de recherche ont déployés pour reproduire de tels résultats positifs nont cependant pas réussi. Les études épidémiologiques faites sur des opérateurs de terminaux à écran de visualisation, qui sont exposés aux champs électriques et magnétiques émis par leur écran, ont donné des résultats essentiellement négatifs et les études tératogéniques sur animaux de laboratoire exposés à des champs semblables à ceux des écrans de visualisation ont abouti à des résultats trop contradictoires pour quil soit possible den tirer des conclusions fiables.
Des études de provocation menées sur de jeunes volontaires tendent à montrer que lexposition à des champs électriques et magnétiques relativement faibles peut entraîner des changements physiologiques, comme un ralentissement du rythme cardiaque et des modifications de lélectroencéphalogramme (EEG). Le phénomène récemment invoqué dhypersensibilité à lélectricité semble être dû à de multiples facteurs et il nest même pas sûr que les champs soient en cause. On a signalé une vaste gamme de symptômes et de malaises, touchant principalement la peau et le système nerveux. La plupart des patients se plaignent deffets cutanés diffus au visage (bouffées de chaleur, rougeurs, fourmillements, douleurs et tensions). Les symptômes liés au système nerveux comprennent: migraine, étourdissements, fatigue et lipothymie, fourmillements aux extrémités, essoufflement, palpitations, sudations abondantes, dépression et troubles de la mémoire. On na cependant signalé aucun symptôme organique caractéristique dune maladie neurologique.
Les êtres humains sont exposés à des champs électriques et magnétiques en de nombreux endroits: à la maison, au travail, à lécole ou dans les moyens de transport électriques. Ces champs sont présents partout où se trouvent des fils ou des câbles sous tension, des moteurs électriques ou de léquipement électronique. Daprès les connaissances actuelles, un individu pourrait courir un risque accru sil est exposé pendant la journée de travail à un champ moyen dépassant 0,2 à 0,4 µT (microtesla). Des moyennes annuelles dexposition ont également été calculées pour ceux qui vivent à proximité de lignes de transport délectricité.
Beaucoup de personnes sont exposées, mais pendant de courtes périodes, à des champs dont lintensité dépasse ces niveaux, que ce soit à la maison (radiateurs électriques, rasoirs, sèche-cheveux et autres appareils électroménagers, ou courants parasites dus à des déséquilibres du système de mise à la terre dun immeuble), au travail (dans les industries et les bureaux où les travailleurs se trouvent à proximité déquipements électriques ou électroniques) ou pendant leurs déplacements en train ou par dautres moyens de transport électriques. Les conséquences de telles expositions intermittentes ne sont pas connues. Il y a dautres incertitudes au sujet de lexposition (importance de la fréquence des champs, autres facteurs modificateurs ou parasites, exposition totale jour-nuit), des effets (cohérence des résultats quant au type de cancer causé) et de la validité des études épidémiologiques, qui imposent une grande prudence lors de lévaluation des risques.
Des études scandinaves sur lexposition résidentielle indiquent un doublement du risque de leucémie au-dessus de 0,2 µT, niveau dexposition qui correspond aux valeurs typiques à une distance de 50 à 100 m dune ligne de transmission aérienne. On observe cependant peu de cas de leucémie infantile à proximité de lignes de transport électriques. Par conséquent, le risque est faible comparé aux autres risques environnementaux. On a calculé quil y a chaque année deux cas de leucémie chez des enfants vivant au-dessous ou à proximité de ces lignes. Un de ces deux cas, au plus, pourrait être attribuable au champ magnétique.
Lexposition professionnelle aux champs magnétiques est en général plus importante que lexposition résidentielle. En effet, le calcul du risque de leucémie et de tumeurs au cerveau donne des valeurs plus élevées dans le cas des travailleurs exposés que dans celui des enfants vivant à proximité de lignes de transmission. Daprès une étude suédoise du risque attribuable, les champs magnétiques pourraient causer chaque année une vingtaine de cas de leucémie et une vingtaine de cas de tumeurs au cerveau. Signalons, pour fins de comparaison, que 40 000 cas de cancer sont diagnostiqués tous les ans en Suède et que, daprès les calculs, 800 dentre eux auraient une origine professionnelle.
Il est évident que dautres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les résultats des études épidémiologiques réalisées jusquici. Dautres études épidémiologiques sont actuellement en cours un peu partout dans le monde, mais il reste à voir si elles combleront les lacunes des connaissances actuelles. En fait, nous ne savons pas quelles caractéristiques des champs ont un effet causal, si tant est quil en existe un. Nous devons donc examiner de plus près les mécanismes susceptibles dexpliquer les phénomènes constatés.
La littérature décrit un grand nombre détudes in vitro consacrées à la recherche de mécanismes possibles. On a proposé plusieurs modèles de promotion du cancer: changements dans le transfert dions de calcium à la surface des cellules et à travers la membrane cellulaire, rupture des communications cellulaires, modulation de la croissance des cellules, activation de séquences de gènes spécifiques par transcription modulée de lacide ribonucléique (ARN), diminution de la production de mélatonine épiphysaire, modulation de lactivité de lornithine-décarboxylase et dérèglement dorigine hormonale et immunitaire des mécanismes antitumoraux. Chacun de ces mécanismes a certaines caractéristiques pouvant expliquer les effets cancérogènes supposés des champs magnétiques. Toutefois, aucune des explications données néchappe aux incertitudes ou aux objections fondamentales.
Deux mécanismes susceptibles de favoriser le cancer méritent un examen particulier: la réduction des niveaux nocturnes de mélatonine induite par les champs magnétiques et la présence, récemment découverte, de cristaux de magnétite dans les tissus humains.
Les études sur animaux ont établi que la mélatonine, par son action sur les niveaux dhormones sexuelles en circulation, a indirectement des effets oncostatiques. Dautres études, également sur animaux, ont montré que les champs magnétiques entravent la production de mélatonine épiphysaire, ce qui suggère un mécanisme théorique pouvant expliquer, par exemple, laugmentation signalée de cas de cancer du sein associés à lexposition à de tels champs. Une autre explication du risque accru de cancer a récemment été proposée. On sait que la mélatonine est un capteur extrêmement puissant de radicaux hydroxyle, ce qui revient à dire quelle inhibe très sensiblement laction nocive des radicaux libres sur lADN. Si les niveaux de mélatonine sont réduits, sous leffet de champs magnétiques par exemple, lADN devient plus vulnérable aux attaques oxydantes. Cette théorie explique comment les champs magnétiques pourraient causer une hausse de la fréquence du cancer en réduisant la production de mélatonine.
Toutefois, les niveaux sanguins de mélatonine diminuent-ils vraiment chez les humains exposés à des champs magnétiques faibles? Certains faits le suggèrent, mais dautres recherches sont nécessaires pour le confirmer. On sait depuis quelques années que les oiseaux migrateurs arrivent à sorienter, durant leurs migrations saisonnières, grâce à la présence dans leurs cellules de cristaux de magnétite qui réagissent au champ magnétique terrestre. Comme nous lavons dit plus haut, il est maintenant établi que les cellules humaines contiennent des cristaux de magnétite en concentration suffisante pour réagir à de faibles champs magnétiques. Il importe donc de considérer le rôle de ces cristaux dans toute étude des mécanismes pouvant expliquer déventuels effets nocifs des champs électriques et magnétiques.
En résumé, il est clair que nous devons étudier davantage les mécanismes éventuels. Les épidémiologistes ont besoin de savoir quelles caractéristiques des champs électriques et magnétiques ils devraient prendre en compte dans leurs évaluations de lexposition. Dans la plupart des études épidémiologiques, on sest servi des valeurs efficace ou moyenne des champs (à une fréquence de 50 à 60 Hz). Certains chercheurs se sont également basés sur des mesures de lexposition cumulée. Dans une récente étude, il apparaissait que des champs de plus haute fréquence étaient liés à des risques. Enfin, des études sur animaux ont révélé que les champs transitoires ont également une importance. Pour les épidémiologistes, ce ne sont pas les effets qui posent des problèmes puisquil existe aujourdhui des registres des maladies dans la plupart des pays. La difficulté, pour eux, est de déterminer quelles caractéristiques significatives de lexposition sont à prendre en compte dans leurs études.
Les pouvoirs publics se fondent généralement sur différents systèmes de protection pour établir des règlements, des lignes directrices et des politiques. Le plus souvent, cest le système fondé sur les critères de santé quils choisissent: dans ce système, un effet dommageable précis correspond à un certain niveau dexposition, que lexposition soit chimique ou physique. Le deuxième système se base sur loptimisation dun risque connu et accepté, sans quil existe un seuil en deçà duquel le risque est absent. Les rayonnements ionisants constituent un exemple dexposition qui tombe dans cette catégorie. Un troisième système couvre les dangers ou risques pour lesquels on na pas établi avec certitude lexistence dune relation causale entre lexposition et leffet, mais qui suscitent des préoccupations générales. Ce dernier système de protection se fonde sur le principe de précaution , qui se résume ainsi: en labsence de certitude scientifique, il vaut mieux éviter toute exposition inutile future, sans pour autant engager de dépenses excessives. Cest dans cette perspective que la question de lexposition aux champs électriques et magnétiques a été abordée et que des stratégies systématiques ont été mises au point, pour concevoir, par exemple, des lignes de transport électrique, des lieux de travail et des appareils électroménagers qui minimisent lexposition.
Il est clair que le système fondé sur loptimisation ne peut pas sappliquer aux champs électriques et magnétiques simplement parce quils ne sont pas connus et acceptés comme risques. Toutefois, les deux autres systèmes mentionnés restent à lexamen actuellement.
Dans les recommandations internationales, les limites dexposition aux champs électriques et magnétiques sont supérieures de plusieurs ordres de grandeur aux valeurs que lon peut mesurer à proximité des lignes de transmission et dans les professions ayant rapport avec lélectricité. En 1990, lAssociation internationale pour la protection contre les rayonnements (International Radiation Protection Association (IRPA)) a publié le document Guidelines on Limits of Exposure to 50/60 Hz Electric and Magnetic Fields , qui a servi de base aux normes nationales de beaucoup de pays. Comme dimportantes nouvelles études avaient été réalisées par la suite, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP)) a fait paraître un additif en 1993, et des évaluations de risques conformes aux recommandations de lIRPA ont été effectuées en 1993, au Royaume-Uni.
Il ressort de ces documents que lon ne peut pas en toute rigueur se fonder sur les connaissances scientifiques actuelles pour imposer des limites dexposition de lordre du microtesla et que dautres études sont nécessaires pour confirmer lexistence de risques pour la santé. Les lignes directrices de lIRPA et de lICNIRP, se basant sur les effets des courants que les champs induisent dans le corps par rapport aux courants qui peuvent y circuler normalement (jusquà environ 10 mA/m2), recommandent de limiter lexposition des travailleurs aux champs magnétiques de 50/60 Hz à 0,5 mT pendant toute la journée et à 5 mT pendant de courtes périodes ne dépassant pas 2 heures. Elles recommandent en outre de limiter lexposition aux champs électriques respectivement à 10 et à 30 kV/m dans les mêmes conditions. Pour le public, les limites de 24 heures sont fixées à 0,1 mT et 5 kV/m.
Ces recommandations pour lexposition se fondent exclusivement sur les études établissant un rapport avec le cancer. Quant aux autres effets possibles sur la santé des champs électriques et magnétiques (par exemple, troubles de la fonction de reproduction et désordres neurocomportementaux), on considère en général que les résultats obtenus jusquici ne sont pas assez concluants et cohérents pour servir de base à des limites dexposition.
Il ny a pas réellement de différence entre le principe de précaution et le concept dabstention prudente qui est particulièrement associé aux champs électriques et magnétiques. Comme nous lavons dit plus haut, le principe de précaution consiste à éviter toute exposition inutile future, sans engager de dépenses excessives, tant que subsiste lincertitude scientifique au sujet des effets sur la santé. Ce concept a été adopté dans ce domaine en Suède, mais non dans les autres pays.
En Suède, cinq organismes publics (lInstitut suédois de protection contre les rayonnements, le Conseil national de la sécurité électrique, le Conseil national de la santé et de la protection sociale, le Conseil national de la sécurité et de lhygiène du travail et le Conseil national du logement, de la construction et de la planification) ont déclaré conjointement que «les connaissances accumulées jusquici justifient que lon prenne des mesures de réduction de lintensité des champs magnétiques et électriques». La politique adoptée consiste à éviter lexposition prolongée à des champs magnétiques élevés, sil est possible de le faire à un prix raisonnable. Avant dinstaller de nouveaux équipements ou de nouvelles lignes de transport délectricité pouvant exposer des personnes à des champs magnétiques élevés, il convient denvisager des solutions causant des expositions moindres, sans imposer dinterventions complexes ou coûteuses. Comme le mentionne lInstitut suédois de protection contre les rayonnements, il est en général possible de réduire les champs magnétiques, sans dépenses excessives, dans les cas où les niveaux dexposition dépassent dix fois les niveaux naturels. Si le niveau dexposition dû à des installations existantes ne dépasse pas dix fois le niveau naturel, il est préférable déviter une reconstruction coûteuse. Il va sans dire que le principe de précaution est critiqué par de nombreux experts de différents pays, particulièrement dans lindustrie de production de lénergie électrique.
Nous avons présenté dans cet article un résumé, fondé sur les connaissances actuelles, des effets sur la santé des champs électriques et magnétiques, ainsi quun aperçu des domaines quil reste nécessaire détudier. Sans recommander une politique particulière, nous avons proposé un certain nombre de systèmes facultatifs de protection. Il nous semble clair, daprès les données scientifiques accumulées jusquici, que lon ne peut pas imposer des limites dexposition de lordre du microtesla, et que, par conséquent, rien ne justifie de coûteuses interventions pour de tels niveaux. Quant à la décision dadopter ou non une stratégie de précaution, elle appartient aux pouvoirs publics et aux responsables de lhygiène du travail de chaque pays. Sils choisissent de ne pas le faire, cela implique de renoncer à toute restriction parce que les seuils basés sur les critères de santé sont nettement supérieurs aux niveaux dexposition courants du public et des travailleurs. De toute façon, si les opinions diffèrent aujourdhui au sujet des règlements, recommandations et politiques à adopter, les responsables des organismes de réglementation sentendent au moins sur un point: dautres recherches sont nécessaires si lon veut établir une base solide pour les interventions futures.
La lumière du soleil est la forme dénergie électromagnétique que nous connaissons le mieux. La fréquence de cette lumière (spectre visible) constitue la limite entre les rayonnements ionisants très actifs (rayons X, rayons cosmiques) de fréquence supérieure et les rayonnements non ionisants, beaucoup plus bénins, de fréquence inférieure. Les rayonnements non ionisants forment un spectre, que nous examinons dans ce chapitre. A lextrémité supérieure, juste au-dessous de la lumière visible, il y a le rayonnement infrarouge. Au-dessous, on trouve la large gamme des radiofréquences, qui comprend (par ordre descendant) les ondes hyperfréquences, les ondes de radiotéléphonie mobile, la télévision, la radio en modulation de fréquence et la radio en modulation damplitude, les ondes courtes utilisées pour le chauffage diélectrique et par induction et, à lextrémité inférieure, les champs à la fréquence du secteur. La figure 49.1 présente un schéma du spectre électromagnétique.
Tout comme la lumière visible et le son, les champs électromagnétiques sont présents partout dans notre environnement et dans lespace où nous vivons et travaillons. Et, comme lénergie acoustique à laquelle nous sommes exposés, la plupart de ces champs sont dorigine humaine, depuis les champs de faible intensité provenant des appareils électriques et des récepteurs de radio et de télévision dont nous nous servons tous les jours jusquaux champs intenses à usage médical auxquels on nous soumet à des fins bénéfiques (traitements de diathermie, par exemple). En général, lénergie de ces champs satténue rapidement avec la distance. Dans lenvironnement, les niveaux naturels de ces champs sont assez bas.
Les rayonnements non ionisants (RNI) recouvrent tous les rayonnements et champs du spectre électromagnétique qui ne possèdent pas assez dénergie photonique pour ioniser la matière. En effet, les RNI ne peuvent pas céder suffisamment dénergie à une molécule ou un atome pour en modifier la structure en lui enlevant un ou plusieurs électrons. La frontière entre les rayonnements ionisants et non ionisants est ordinairement fixée à une longueur donde denviron 100 nanomètres (ce qui correspond à 12,4 ev en énergie photonique).
Comme toute autre forme dénergie, les RNI ont le pouvoir dagir sur les systèmes biologiques, avec des effets qui peuvent être insignifiants, nocifs à différents degrés ou encore bénéfiques. Dans le cas des radiofréquences (RF) et des ondes hyperfréquences, le principal mécanisme dinteraction est leffet thermique, mais ce nest pas le cas dans la zone basse fréquence du spectre, où des champs de forte intensité peuvent induire des courants dangereux dans le corps. Toutefois, les mécanismes dinteraction des champs de faible intensité demeurent inconnus.
Au-dessous dune fréquence approximative de 300 MHz, les RNI sont définis par le champ électrique (E) et le champ magnétique (H) . E est exprimé en volts par mètre (V/m) et H, en ampères par mètre (A/m). Il sagit dans les deux cas de quantités vectorielles, cest-à-dire qui se caractérisent en chaque point par une amplitude, un sens et une direction. Dans la gamme des basses fréquences, le champ magnétique est souvent exprimé par la densité de flux (ou induction magnétique) B, dont lunité SI est le tesla (T). Pour mesurer les champs les plus courants dans lenvironnement, on préfère utiliser comme sous-unité le microtesla (µT). On trouve encore des documents dans lesquels la densité de flux est exprimée en gauss (G). La conversion entre les différentes unités se base sur les facteurs suivants (dans lair): 1 T = 104 G ou 0,1 µT = 1 mG et 1 A/m = 1,26 µT.
On peut trouver une abondante documentation sur les concepts, les quantités et la terminologie utilisés dans le domaine de la protection contre les RNI, y compris les radiofréquences (NCRP, 1981; Polk et Postow, 1986; OMS, 1993).
Le mot rayonnement désigne simplement une énergie transmise par des ondes. Les ondes électromagnétiques sont des ondes dénergie électrique et magnétique, un mouvement ondulatoire étant défini comme la propagation dune perturbation dans un milieu physique. Un changement du champ électrique est accompagné dun changement du champ magnétique et vice versa. Ces phénomènes ont été décrits en 1865 par J.C. Maxwell dans quatre équations connues aujourdhui sous le nom de formules de Maxwell.
Les ondes électromagnétiques se caractérisent par un ensemble de paramètres comprenant la fréquence (f) , la longueur donde (l), lintensité de champ électrique, lintensité de champ magnétique, la polarisation électrique (P) (direction du champ E), la vitesse de propagation (c) et le vecteur de Poynting (S) . La figure 49.2 illustre la propagation dune onde électromagnétique dans lespace. La fréquence est définie par le nombre de cycles complets décrits par le champ électrique ou magnétique en un point donné en une seconde. Elle est exprimée en hertz (Hz). La longueur donde est la distance entre deux crêtes ou deux creux consécutifs. La fréquence, la longueur donde et la vitesse de propagation (v) sont liées par la formule:
La vitesse de propagation dune onde électromagnétique dans lespace est égale à la vitesse de la lumière. Dans un milieu, elle dépend des propriétés électriques du milieu, qui sont définies par sa permittivité (ε) et sa perméabilité (µ). La permittivité mesure linteraction du milieu avec le champ électrique et la perméabilité, son interaction avec le champ magnétique. Les substances biologiques ont une permittivité très différente de celle du vide, qui dépend de la longueur donde (surtout dans la gamme des radiofréquences) et du type de tissu. Cependant, la perméabilité des substances biologiques est égale à celle du vide.
Dans le cas dune onde plane (voir figure 49.2), le champ électrique est perpendiculaire au champ magnétique et la direction de propagation est normale aux plans formés des deux champs.
Pour une onde plane, le rapport constant de la valeur du champ électrique et de la valeur du champ magnétique est connu sous le nom dimpédance caractéristique (Z):
Dans le vide, Z = 120 π ~ 377 Ω. Dans les autres cas, Z dépend de la permittivité et de la perméabilité du milieu que londe traverse.
Le transfert dénergie est décrit par le vecteur de Poynting, qui représente la valeur et la direction de la densité de flux électromagnétique:
Dans le cas dune onde de propagation, lintégrale de S sur une surface représente la puissance instantanée transmise à travers la surface (densité dénergie). La longueur du vecteur de Poynting est exprimée en watts par mètre carré (W/m2) (on trouve dans certains documents lunité mW/cm2 qui, convertie en unités SI, vaut 10 W/m2). Pour une onde plane, elle est liée aux valeurs du champ électrique et du champ magnétique par la formule:
et
Les conditions dexposition que lon rencontre en pratique ne peuvent pas toutes être représentées par des ondes planes. Cest en particulier le cas à proximité des sources de rayonnement RF. Le champ électromagnétique rayonné par une antenne peut être subdivisé en deux régions: le champ proche et le champ lointain, la limite entre les deux étant ordinairement placée à:
où a est la plus grande dimension de lantenne.
En champ proche, lexposition doit être caractérisée tant par le champ électrique que par le champ magnétique. En champ lointain, un seul des deux champs suffit parce quils sont liés par les équations précédentes incluant E et H. En pratique, le cas du champ proche est souvent réalisé aux fréquences inférieures à 300 MHz.
Lexposition aux champs RF est compliquée davantage par linteraction des ondes électromagnétiques avec les objets qui se trouvent sur leur parcours. En général, lorsquune onde électromagnétique rencontre un objet, une partie de lénergie incidente est réfléchie, une autre partie est absorbée et le reste est transmis. La répartition de lénergie entre les trois parties dépend de la fréquence et de la polarisation du champ, ainsi que des propriétés électriques et de la forme de lobjet. La superposition des ondes incidente et réfléchie peut donner lieu à des ondes stationnaires et à une répartition spatiale irrégulière du champ. Des ondes stationnaires se forment souvent aux alentours des objets métalliques parce quils provoquent une réflexion totale de londe incidente.
Comme linteraction des champs RF avec les systèmes biologiques dépend dun grand nombre de caractéristiques différentes du champ et que les champs quon trouve en pratique sont complexes, il importe de considérer les facteurs suivants lorsquon décrit lexposition à des champs RF:
Pour une exposition à des champs magnétiques basse fréquence, on ne sait pas encore si cest lintensité du champ ou la densité de flux qui est le seul facteur déterminant. Il se peut que dautres facteurs entrent en ligne de compte, comme la durée de lexposition et la vitesse de variation du champ.
Lexpression champ électromagnétique , telle quelle est utilisée dans les médias et la presse de vulgarisation, se rapporte dordinaire aux champs électriques et magnétiques situés à lextrémité basse fréquence du spectre, mais on lemploie aussi dans un sens beaucoup plus large pour lappliquer à lensemble du spectre électromagnétique. Il y a lieu de noter que, dans la gamme des basses fréquences, les champs E et B ne sont pas couplés ou liés de la même façon quils le sont dans la gamme des hautes fréquences et quil convient donc, dans ce cas, de considérer séparément le champ électrique et le champ magnétique plutôt que de les regrouper sous lappellation «champ électromagnétique».
Les rayons ultraviolets (UV) sont un type de rayonnement optique dont la longueur donde est plus courte que celle de la lumière visible et dont les photons (particules de rayonnement) ont une plus grande énergie. Ils sont présents dans la lumière solaire et dans la plupart des sources de lumière; ils sont également émis par de nombreuses sources utilisées dans lindustrie, les sciences et la médecine. Les travailleurs de maintes professions peuvent y être exposés. Dans certains cas, lorsque la lumière ambiante est faible, des sources très intenses en ultraviolet proche (lumière noire) sont visibles, mais les UV sont dordinaire invisibles: on ne peut les détecter que parce quils rendent certaines substances fluorescentes.
Comme la lumière, qui peut se décomposer en donnant les couleurs de larc-en-ciel, les UV se subdivisent en composantes désignées par UV-A, UV-B et UV-C. Les longueurs dondes de la lumière et des UV sont généralement exprimées en nanomètres (nm), 1 nm étant égal à un milliardième de mètre (109 m). Les UV-C solaires (UV de très courte longueur donde) sont absorbés par latmosphère et natteignent donc pas la surface de la terre. On peut produire des UV-C à laide de sources artificielles, com-me les lampes germicides, qui émettent la plus grande partie de leur énergie à une longueur donde unique (254 nm) extrêmement efficace pour tuer les bactéries et les virus sur les surfaces et dans lair.
Les UV-B sont la composante des ultraviolets qui est la plus dommageable biologiquement pour la peau et les yeux. Même si lénergie des UV-B solaires est en grande partie absorbée par latmosphère, la partie du rayonnement qui atteint la terre cause les coups de soleil et dautres effets biologiques plus graves. Les ultraviolets à grande longueur donde, appelés UV-A, sont également présents dans la lumière de la plupart des lampes. Ils forment lessentiel des UV solaires qui atteignent la terre. Les UV-A peuvent pénétrer profondément dans les tissus, mais ils ne présentent pas autant de risques sur le plan biologique que les UV-B, parce que lénergie de chacun de leurs photons est sensiblement inférieure à celle des photons UV-B et UV-C.
Les personnes qui travaillent à lextérieur sont les plus exposées aux rayons ultraviolets. Lénergie du rayonnement solaire est fortement atténuée par la couche dozone qui entoure la terre, limitant les UV aux longueurs donde supérieures à 290-295 nm. Lénergie beaucoup plus dangereuse des UV-B dépend dans une large mesure de linclinaison des rayons incidents et varie donc avec la saison et lheure du jour (Sliney, 1986, 1987; OMS, 1994).
Parmi les sources artificielles dUV, il importe de signaler les suivantes:
Soudage industriel à larc . Lénergie rayonnante de larc de soudage constitue la plus importante source potentielle dexposition. Les niveaux dUV aux alentours de larc sont extrêmement élevés: ils peuvent produire des lésions oculaires et cutanées aiguës après trois à dix minutes dexposition à une distance de quelques mètres. La protection des yeux et de la peau est donc obligatoire.
Lampes UV industrielles. Beaucoup de procédés industriels et commerciaux, comme le séchage ou la cuisson photochimique des encres, des peintures et des plastiques, font appel à des lampes qui émettent fortement dans la gamme des ultraviolets. Même si la probabilité dune exposition nocive est faible, par suite de la protection utilisée, on ne peut exclure le risque dune exposition accidentelle.
Lampes à lumière noire . Les lampes à lumière noire sont des ampoules spécialisées qui émettent surtout dans la gamme des UV et qui servent dans diverses applications: essais non destructifs à laide de poudres fluorescentes, authentification de billets de banque et de documents et production deffets spéciaux en publicité et dans les discothèques. Ces lampes ne présentent pas de risques significatifs pour les humains (sauf dans certains cas de photosensibilisation de la peau).
Traitements médicaux . Les lampes à ultraviolets sont utilisées en médecine à différentes fins diagnostiques et thérapeutiques. Les sources dUV-A servent ordinairement dans les applications diagnostiques. Lexposition des patients varie beaucoup avec le genre de traitement. Les lampes UV utilisées en dermatologie nécessitent une manipulation très soigneuse par le personnel médical.
Lampes germicides . Dans la bande de 250-265 nm, les UV sont très efficaces comme moyen de stérilisation et de désinfection, parce que ces longueurs donde correspondent à un maximum dans le spectre dabsorption de lADN. On se sert souvent, comme source dultraviolets, de tubes à décharge basse pression à vapeur de mercure, dont lénergie rayonnée se situe à plus de 90% à 254 nm. Ces tubes sont souvent appelés «lampes germicides», «lampes bactéricides» ou simplement «lampes UV-C». Les lampes germicides sont également utilisées dans les hôpitaux pour combattre les infections dorigine tuberculeuse et, à lintérieur des cabines de sécurité microbiologique, pour neutraliser les micro-organismes en suspension dans lair ou déposés sur des surfaces. Une installation correcte de ces lampes est essentielle, de même quune bonne protection des yeux.
Salons de bronzage . Ces salons sont équipés de lits spéciaux éclairés par des lampes émettant principalement dans la gamme des UV-A, mais aussi, dans une certaine mesure, dans la gamme des UV-B. La fréquentation régulière de tels établissements peut faire augmenter de façon non négligeable la dose annuelle dultraviolets reçue par la peau. De plus, il arrive souvent que le personnel de ces salons soit également exposé à de faibles niveaux de rayonnement. La protection des yeux à laide de lunettes ordinaires de soleil ou de lunettes à coques devrait être obligatoire pour les clients et, selon la disposition des lieux, les membres du personnel eux-mêmes pourraient avoir besoin dune protection oculaire.
Eclairage général . Des tubes fluorescents sont couramment installés dans les lieux de travail et les logements depuis des années. Ces tubes émettent de petites quantités dUV, dont la contribution à lexposition annuelle ne dépasse cependant pas quelques centièmes. Les lampes à incandescence à halogène sont aussi dun usage de plus en plus courant à la maison et au travail, où elles servent à différentes fins déclairage et de présentation. Les lampes à halogène non protégées peuvent émettre suffisamment dUV pour causer des lésions aiguës à courte distance. Toutefois, elles ne présentent aucun danger une fois munies de filtres en verre.
Lérythème, ou coup de soleil, se caractérise par une rougeur de la peau qui se manifeste dans les quatre à huit heures suivant lexposition aux ultraviolets, puis disparaît progressivement après quelques jours. Un grave érythème peut entraîner la formation dampoules et une desquamation. Les UV-B et les UV-C sont environ mille fois plus puissants que les UV-A à cet égard (Parrish, Jaenicke et Anderson, 1982), mais lérythème provoqué par les UV-B à grande longueur donde (295 à 315 nm) est le plus grave et le plus persistant (Hausser, 1928), par suite dune pénétration plus profonde dans lépiderme. Il semble que la peau soit la plus sensible aux alentours de 295 nm (Luckiesh, Holladay et Taylor, 1930; Coblentz, Stair et Hogue, 1931), la sensibilité étant bien moindre (environ 0,07) à partir de 315 nm (McKinlay et Diffey, 1987).
A une longueur donde de 295 nm, la dose dérythème (dose de rayonnement nécessaire pour produire rougeur et pigmentation, souvent désignée en français par le sigle HED) mentionnée dans les études les plus récentes va de 6 à 30 mJ/cm2 pour une peau non bronzée légèrement pigmentée (Everett, Olsen et Sayer, 1965; Freeman et coll., 1966; Berger, Urbach et Davies, 1968). A 254 nm, la HED varie considérablement avec le temps écoulé après lexposition et le niveau dexposition antérieur de la peau, mais elle est en général de lordre de 20 mJ/cm2 et peut atteindre 0,1 J/cm2. La pigmentation et le bronzage de la peau, et surtout lépaississement de la couche cornée, peuvent augmenter la HED dun ordre de grandeur.
Les spécialistes de la santé au travail constatent souvent chez les travailleurs photosensibilisés les effets nocifs de lexposition professionnelle aux UV. La photosensibilisation aux UV découle de lutilisation de certains médicaments ou de lapplication topique de certains produits (parfums, lotions hydratantes, etc.). Les réactions aux agents photosensibilisants résultent tant de la photo-allergie (réaction allergique de la peau) que de la phototoxicité (irritation de la peau) après lexposition aux UV dorigine solaire ou industrielle (les réactions de photosensibilisation sont également courantes en cas dutilisation de matériel de bronzage). La photosensibilisation de la peau peut être due à des crèmes ou à des pommades, à des médicaments pris par voie buccale ou par injection ou encore à lutilisation dinhalateurs sur prescription médicale (voir figure 49.3). Le médecin qui prescrit un médicament pouvant avoir des effets photosensibilisants devrait toujours avertir le patient pour que celui-ci prenne les précautions nécessaires. Toutefois, il arrive souvent que le médecin conseille seulement déviter le soleil, sans mentionner les sources de rayonnement UV (parce que le public est rarement exposé à ces sources).
Lexposition chronique au soleil et surtout aux UV-B accélère le vieillissement de lépiderme et accroît le risque de cancer de la peau (Fitzpatrick et coll., 1974; Forbes et Davies, 1982; Urbach, 1969; Passchier et Bosnjakovic, 1987). Plusieurs études épidémiologiques ont établi que lincidence du cancer de la peau présente une forte corrélation avec la latitude, laltitude et la nébulosité, facteurs qui, eux-mêmes, sont en corrélation avec lexposition aux UV (Scotto, Fears et Gori, 1980; OMS, 1993).
On na pas encore défini de relation quantitative exacte dose-effet permettant de prévoir le développement de cancers de la peau chez les humains, mais on sait que les individus à peau claire, en particulier dascendance celte, sont davantage prédisposés que les autres à ce type de cancer. Il faut noter, néanmoins, que lexposition nécessaire pour produire des tumeurs de la peau chez les animaux peut être suffisamment étalée dans le temps pour ne pas causer dérythème et que lefficacité relative (par rapport à la crête de 302 nm) signalée dans ces études varie de la même façon que pour le coup de soleil (Cole, Forbes et Davies, 1986; Sterenborg et van der Leun, 1987).
La photokératite et la photoconjonctivite sont des réactions inflammatoires aiguës dues aux UV-B et aux UV-C, qui se manifestent quelques heures après une exposition excessive et disparaissent normalement un ou deux jours plus tard.
Même sil est peu probable quune source lumineuse puisse causer des brûlures à la rétine, lexposition à des sources riches en lumière bleue peut provoquer des dommages photochimiques, susceptibles de causer des réductions temporaires ou permanentes de lacuité visuelle. Toutefois, la réaction normale daversion à la lumière vive devrait prévenir cet effet, sauf si une personne fait un effort délibéré pour fixer la source. La contribution des UV aux lésions rétiniennes est généralement très faible, parce que labsorption des ultraviolets par le cristallin limite lexposition de la rétine.
Lexposition professionnelle aux UV pendant des dizaines dannées peut contribuer à la formation de cataractes et à lapparition dautres effets dégénératifs non reliés à lil, comme le vieillissement de lépiderme et le cancer de la peau associés à lexposition au soleil. Lexposition chronique au rayonnement infrarouge peut également accroître le risque de cataracte, mais avec une faible probabilité, compte tenu de la possibilité de se protéger les yeux.
Les ultraviolets actiniques (UV-B et UV-C) sont fortement ab-sorbés par la cornée et la conjonctive. La surexposition de ces tissus cause la kératoconjonctivite, couramment appelée «conjonctivite du soudeur» ou «ophtalmie des neiges». Pitts a décrit le spectre daction biologique et lévolution de la photokératite dans la cornée de lhumain, du lapin et du singe (Pitts, 1974). La période de latence varie en raison inverse de la gravité de lexposition (1 heure et demie à 24 heures, mais ordinairement entre 6 et 12 heures), le malaise disparaissant dhabitude dans les 48 heures. La conjonctivite apparaît alors; elle peut être accompagnée dérythème de la peau du visage, autour des paupières. Lexposition aux UV, bien entendu, provoque rarement des lésions oculaires permanentes. Pitts et Tredici (1971) ont publié les seuils dexposition pouvant provoquer la photokératite chez les humains, à intervalles de 10 nm entre 220 et 310 nm. La cornée serait la plus sensible à 270 nm, ce qui est très nettement différent du maximum pour la peau. On peut supposer que le rayonnement à 270 nm est biologiquement plus actif par suite de labsence dune couche cornée pouvant atténuer la dose reçue par le tissu épithélial de la cornée aux longueurs donde plus courtes. Selon ces études, le spectre daction biologique ne variait pas autant que dans le cas de lérythème, se situant entre 4 et 14 mJ/cm2 à 270 nm. Le seuil correspondant à 308 nm était denviron 100 mJ/cm2.
Des expositions répétées de lil à des niveaux potentiellement dangereux dUV naugmentent pas le pouvoir protecteur du tissu affecté (la cornée) comme le fait lexposition de la peau (pigmentation et épaississement de la couche cornée). Ringvold et ses collaborateurs ont étudié les propriétés dabsorption des UV par la cornée (Ringvold, 1980a) et lhumeur aqueuse (Ringvold, 1980b), ainsi que les effets des UV-B sur lépithélium cornéen (Ringvold, 1983), le stroma cornéen (Ringvold et Davanger, 1985) et lendothélium cornéen (Ringvold, Davanger et Olsen, 1982; Olsen et Ringvold, 1982). Leurs études au microscope électronique ont montré que le tissu cornéen possède de remarquables propriétés de régénération. Bien quil y ait eu manifestement des dommages importants dans toutes ces couches, apparaissant initialement dans les membranes cellulaires, la reconstitution morphologique était complète au bout dune semaine. La destruction de kératocytes était évidente dans le stroma, mais la reconstitution de lendothélium était prononcée, en dépit du fait que les cellules endothéliales ne se régénèrent pas normalement rapidement. Cullen et ses collaborateurs (1984) ont étudié les lésions endothéliales qui subsistaient à la suite dune exposition persistante aux UV. Riley et ses collaborateurs (1987) ont également étudié lendothélium cornéen après exposition aux UV-B et ont conclu que des atteintes ponctuelles même graves étaient peu susceptibles davoir des effets différés; toutefois, ils ont aussi abouti à la conclusion quune exposition chronique pouvait accélérer les changements de lendothélium correspondant au vieillissement de la cornée.
Les longueurs donde supérieures à 295 nm peuvent traverser la cornée et sont presque complètement absorbées par le cristallin. Pitts, Cullen et Hacker (1977b) ont établi que les lapins pouvaient développer des cataractes à des longueurs donde comprises entre 295 et 320 nm. Les seuils dexposition produisant une opacité temporaire se situaient entre 0,15 et 12,6 J/cm2, selon la longueur donde, le seuil minimal se trouvant à 300 nm. Lopacité ne devenait permanente quà des niveaux dexposition supérieurs. Le cristallin ne semblait pas affecté entre 325 et 395 nm, même à des niveaux dexposition allant de 28 à 162 J/cm2 (Pitts, Cullen et Hacker, 1977a; Zuclich et Connolly, 1976). Ces études établissent clairement, comme on pouvait sy attendre, le danger particulier de lintervalle spectral situé entre 300 et 315 nm, dans lequel les photons ont une bonne pénétration et possèdent suffisamment dénergie pour causer des dommages photochimiques.
Taylor et ses collaborateurs (1988) ont fourni des preuves épidémiologiques du rôle que les UV-B solaires jouent dans létiologie de la cataracte sénile, mais nont pas trouvé de corrélation entre la cataracte et lexposition aux UV-A. Lhypothèse selon laquelle les UV-A peuvent causer la cataracte, souvent admise auparavant à cause de la forte absorption des UV-A par le cristallin, na été confirmée ni par les études expérimentales en laboratoire ni par les études épidémiologiques. A partir de données expérimentales montrant que les seuils dexposition pouvant provoquer la photokératite sont inférieurs à ceux de la cataracte, on peut conclure que lexposition quotidienne à des niveaux inférieurs à ces seuils devrait être considérée comme dangereuse pour le cristallin. Même si lon supposait que la cornée soit exposée à un niveau presque équivalent au seuil de la photokératite, la dose quotidienne dUV reçue par le cristallin à 308 nm peut être estimée à moins de 120 mJ/cm2 après 12 heures à lextérieur (Sliney, 1987). En fait, lexposition quotidienne moyenne devrait en pratique être inférieure à la moitié de cette valeur.
Ham et ses collaborateurs (1982) ont déterminé le spectre daction biologique de la photorétinite provoquée par les UV dans la bande de 320 à 400 nm. Ils ont montré que les seuils, qui étaient de 20 à 30 J/cm2 à 440 nm dans le spectre visible, tombaient à près de 5 J/cm2 dans une bande de 10 nm centrée sur 325 nm. Le spectre daction biologique croissait uniformément à mesure que la longueur donde baissait. Il faudrait donc conclure que des niveaux très inférieurs à 5 J/cm2 à 308 nm pourraient produire des lésions rétiniennes, qui napparaîtraient cependant que 24 à 48 heures après lexposition. Comme il nexiste aucune donnée publiée sur les seuils dexposition pouvant provoquer des lésions rétiniennes au-dessous de 325 nm, on peut supposer que le spectre daction correspondant aux dommages photochimiques subis par les tissus de la cornée et du cristallin sapplique en gros à la rétine, ce qui permet de fixer le seuil des lésions aux alentours de 0,1 J/cm2.
Les effets mutagènes et cancérogènes des UV sur la peau étant clairement établis, lextrême rareté des cancers de la cornée et de la conjonctive est tout à fait remarquable. Il ne semble y avoir aucune preuve scientifique liant lexposition aux UV à des cancers quelconques de la cornée ou de la conjonctive chez les humains (contrairement au cas des bovins). On pourrait attribuer ce phénomène à lexistence dun système immunitaire très efficace dans lil humain, étant donné que certains travailleurs dextérieur sont aussi exposés aux UV que le bétail. Cette conclusion est confirmée par le fait que des personnes souffrant dune déficience immunitaire, comme lépithéliomatose pigmentaire, développent fréquemment des tumeurs de la cornée et de la conjonctive (Stenson, 1982).
Des limites dexposition professionnelle aux UV ont été établies; elles comprennent une courbe de spectre daction englobant les seuils deffets aigus tirés des études de lérythème et de la kératoconjonctivite (Sliney, 1972; IRPA, 1989). Cette courbe ne diffère pas sensiblement des données collectives sur les seuils, compte tenu des erreurs de mesure et des fluctuations des réactions individuelles, et se situe bien en deçà des seuils cataractogènes des UV-B.
La limite dexposition est la plus basse à 270 nm (0,003 J/cm2). A 308 nm, par exemple, elle est de 0,12 J/cm2 (ACGIH, 1995; IRPA, 1988b). Que lexposition totale résulte dun petit nombre dexpositions dune certaine intensité pendant la journée, dune seule exposition très brève ou dune exposition constante pendant huit heures à quelques microwatts par cm2, le risque biologique est le même, la limite ci-dessus sappliquant à une pleine journée de travail.
Lexposition professionnelle aux UV devrait être réduite au minimum possible. Dans le cas des sources artificielles, il faudrait donner la priorité aux moyens techniques (filtrage, écrans, revêtements). Les mesures organisationnelles de prévention, comme la restriction de laccès, peuvent réduire les exigences de protection personnelle.
Les travailleurs dextérieur (travailleurs agricoles, manuvres, travailleurs du bâtiment, pêcheurs, etc.) peuvent minimiser les risques dexposition aux UV solaires en portant des vêtements faits dun tissu à trame serrée et surtout un chapeau à larges bords protégeant le visage et le cou. Ils peuvent également appliquer un écran solaire sur la peau exposée. Ces travailleurs devraient avoir accès à un lieu ombragé et disposer de toutes les mesures de protection nécessaires mentionnées ci-dessus.
Dans lindustrie, de nombreuses sources dUV peuvent causer des lésions oculaires aiguës en très peu de temps. Il existe de nombreuses formes de protecteurs oculaires assurant différents degrés de protection, selon lutilisation prévue. Les protecteurs à usage industriel comprennent les masques de soudage (qui protègent en outre les yeux contre la lumière visible trop vive et les infrarouges, et le visage contre les étincelles et les éclats), les protecteurs faciaux, les lunettes à coques et les lunettes antiultraviolets. Dune façon générale, les protecteurs oculaires à usage industriel devraient être bien adaptés à la morphologie du visage, de manière à ne pas laisser de fentes par lesquelles les UV pourraient directement atteindre lil, et être solidement construits pour prévenir les blessures.
Le choix des protecteurs oculaires dépend des facteurs suivants:
En cas dexposition industrielle, on peut évaluer le risque pour les yeux en mesurant lintensité des sources et en les comparant aux limites recommandées (Duchêne, Lakey et Repacholi, 1991).
Etant donné que les effets biologiques dépendent fortement de la longueur donde, la principale caractéristique de toute source dUV est sa distribution spectrale de puissance ou déclairement énergétique, que lon mesure à laide dun spectroradiomètre, appareil constitué par une optique dentrée, un monochromateur, un détecteur dUV et un dispositif de lecture. Il est à noter que le spectroradiomètre nest pas dun usage courant en santé au travail.
Dans beaucoup de cas pratiques, on se sert dun appareil de mesure à large bande pour déterminer les durées dexposition ne présentant pas de risque. A des fins de sécurité, la réponse spectrale peut être adaptée à la fonction de risque spectral utilisée dans les directives dexposition de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) et de lAssociation internationale pour la protection contre les radiations (International Radiation Protection Association (IRPA)). En labsence dappareils de mesure adéquats, on peut commettre de graves erreurs dans lévaluation des risques. Il existe également des dosimètres personnels UV (par exemple, les dosimètres à film de polysulfone), mais ils sont surtout utilisés pour la recherche sur la sécurité du travail plutôt que dans des études dévaluation de risques.
Lexposition aux UV provoque constamment des dommages moléculaires dans des composants cellulaires essentiels, mais ces dommages déclenchent des mécanismes naturels de régénération des tissus cutanés et oculaires affectés. Les lésions biologiques aiguës napparaissent que lorsque ces mécanismes sont surchargés (Smith, 1988). Compte tenu de toutes ces raisons, les spécialistes de la sécurité et de la santé au travail poursuivent leurs efforts pour minimiser lexposition professionnelle aux ultraviolets.
Les infrarouges constituent la partie du spectre des rayonnements non ionisants située entre les ondes micrométriques et la lumière visible. Ils font partie de notre environnement naturel et nous sommes tous exposés à de petites quantités dinfrarouges dans presque tous les aspects de la vie quotidienne, aussi bien à lintérieur que durant les activités de loisir au soleil. Toutefois, des expositions dune très forte intensité peuvent résulter de certains procédés techniques employés au travail.
De nombreux procédés industriels comprennent une phase de traitement thermique de différents types de matériaux. Les sources de chaleur utilisées, ainsi que les matériaux chauffés proprement dits émettent en général des IR dune intensité telle que beaucoup de travailleurs courent un risque dexposition.
Les infrarouges (IR) ont des longueurs donde comprises entre 780 nm et 1 mm. Conformément à la classification de la Commission internationale de léclairage (CIE), cette bande est répartie entre les IR-A (de 780 nm à 1,4 µm), les IR-B (de 1,4 µm à 3 µm) et les IR-C (de 3 µm à 1 mm). Cette subdivision suit dune façon approximative les caractéristiques dabsorption des IR dans les tissus qui dépendent de la longueur donde et les différents effets biologiques résultants.
Lintensité et la distribution temporelle et spatiale des IR sont exprimées à laide de différentes quantités et unités radiométriques. Pour tenir compte des propriétés optiques et physiologiques de lil, on fait dhabitude la distinction entre les petites sources «ponctuelles» et les sources «étendues», le critère de distinction étant la valeur en radians de langle α, mesuré au niveau de lil, que sous-tend la source. Cet angle peut être exprimé sous forme dun quotient, la dimension DL de la source lumineuse divisée par la distance r qui la sépare de lobservateur. Les sources étendues sont celles qui sous-tendent, au niveau de lil, un angle supérieur à αmin (ordinairement, 11 milliradians). Pour toute source étendue, il y a une distance dobservation à laquelle α est égal à αmin; aux distances supérieures, la source étendue peut être assimilée à une source ponctuelle. Dans le domaine de la protection contre le rayonnement optique, les quantités les plus importantes relatives aux sources étendues sont la luminance énergétique (L, exprimée en Wm2sr1) et la luminance énergétique intégrée dans le temps (Lp, en Jm2sr1), qui définit la «brillance» de la source. Dans le domaine de lévaluation des risques pour la santé, les quantités les plus courantes relatives aux sources ponctuelles et aux sources situées à une distance telle que α < αmin sont léclairement énergétique (E, en Wm2), qui correspond au concept de débit de dose dexposition, et lexposition énergétique (H, en Jm2), qui correspond à celui de dose dexposition.
Dans certaines bandes du spectre, les effets biologiques dépendent beaucoup de la longueur donde. Cela impose de recourir à dautres quantités spectroradiométriques (par exemple, la luminance énergétique spectrale, Lλ, qui est exprimée en Wm2sr1 nm1) pour pondérer les valeurs démission physique de la source en fonction du spectre daction lié à leffet biologique.
Différentes sources naturelles et artificielles produisent des IR. Leur émission spectrale peut être concentrée sur une longueur donde unique (laser) ou être répartie sur une plage importante de longueurs donde.
En général, les mécanismes générateurs de rayonnements optiques sont les suivants:
Lémission des sources les plus couramment utilisées dans de nombreux procédés industriels est dorigine thermique. On peut lexprimer dune façon approximative à laide des lois physiques régissant le rayonnement dun corps noir si lon connaît la température absolue de la source. La densité de puissance globale (M, en Wm2) rayonnée par un corps noir (voir figure 49.4) est donnée par la loi de Stefan-Boltzmann:
Elle est proportionnelle à la puissance quatre de la température du corps rayonnant (T, en K). La luminance énergétique spectrale est exprimée par la loi fondamentale du rayonnement de Planck:
c = vitesse de la lumière
h = constante de Planck
k = constante de Stefan-Boltzmann
et la longueur donde correspondant à lémission maximale (λmax) est, daprès la loi du déplacement de Wien, donnée par la formule:
De nombreux lasers employés dans lindustrie et en médecine émettent un rayonnement infrarouge très intense. De manière générale, les lasers se distinguent dautres sources de rayonnement par certaines caractéristiques pouvant influer sur les risques reliés à lexposition, comme la durée très courte des impulsions ou léclairement énergétique extrêmement élevé. Cest pourquoi on examinera le rayonnement laser dans une autre partie du présent chapitre.
Nombre de procédés industriels font appel à des sources qui émettent un important rayonnement dans le visible et linfrarouge, et présentent de ce fait un risque dexposition pour un grand nombre de travailleurs: boulangers, souffleurs de verre, opérateurs de fours de séchage, fondeurs, forgerons, affineurs, sapeurs-pompiers. A côté des lampes, il existe de nombreuses autres sources de ce type de rayonnement comme les flammes, chalumeaux, bassins de métal en fusion, pièces de métal incandescentes que lon trouve dans les fonderies, les aciéries et dans beaucoup détablissements de lindustrie lourde. Le tableau 49.1 présente quelques exemples de sources de rayonnement infrarouge et de leurs applications.
Source |
Application ou population exposée |
Exposition |
Lumière solaire |
Travailleurs d’extérieur, agriculteurs, travailleurs du bâtiment, marins, public |
500 Wm–2 |
Lampes à incandescence |
Population et travailleurs en général |
105-106 Wm–2sr–1 |
Lampes à incandescence à halogène |
(Voir lampes à incandescence) |
50-200 Wm–2 (à 50 cm) |
Diodes électroluminescentes (par exemple, à l’arséniure de gallium) |
Jouets, électronique grand public, transmission de données, etc. |
105 Wm–2sr–1 |
Lampes au xénon |
Projecteurs, simulateurs solaires, projecteurs mobiles |
107 Wm–2sr–1 |
Fusion de l’acier |
Opérateurs de fours sidérurgiques, travailleurs des aciéries |
105 Wm–2sr–1 |
Batteries de lampes à infrarouges |
Chauffage et séchage industriels |
103 à 8 × 103 Wm–2 |
Lampes à infrarouges pour hôpitaux |
Couveuses |
100-300 Wm–2 |
En général, les rayonnements optiques ne pénètrent pas très profondément dans les tissus biologiques. Par conséquent, les principaux tissus affectés sont ceux de la peau et des yeux. Dans la plupart des situations dexposition, le principal mécanisme dinteraction des IR est de nature thermique. Seules les impulsions très courtes que peuvent produire les lasers, que nous nexaminons pas ici, peuvent également donner lieu à des effets thermomécaniques. En général, les IR ne provoquent pas dionisation ni de rupture des liaisons chimiques parce que lénergie des particules, inférieure à environ 1,6 eV, est trop faible pour cela. Pour la même raison, les réactions photochimiques ne deviennent importantes quaux longueurs donde plus courtes du visible et de lultraviolet. Les différents effets des IR sur la santé découlent principalement des propriétés optiques des tissus dépendant de la longueur donde, comme labsorption spectrale des tissus oculaires (voir figure 49.5).
En général, lil est bien adapté pour se prémunir des rayonnements optiques naturels. De plus, il est physiologiquement protégé contre les sources de lumière trop vives, comme le soleil et les lampes à haute intensité, par une réaction daversion qui limite la durée dexposition à une fraction de seconde (environ 0,25 s).
Les IR-A affectent surtout la rétine, à cause de la transparence du milieu oculaire. Lorsquon regarde directement une source ponctuelle ou un rayon laser, les propriétés de focalisation de lil dans la région des IR-A rendent la rétine beaucoup plus vulnérable que nimporte quelle autre partie du corps. Pour les durées dexpositions brèves, on considère que léchauffement de liris provoqué par labsorption de rayonnement dans le visible ou le proche infrarouge joue un rôle dans le développement dopacités cristalliniennes.
Aux longueurs donde croissantes à partir denviron 1 µm, labsorption du rayonnement par les tissus oculaires augmente. On considère donc que labsorption des IR-A tant par le cristallin que par liris pigmenté joue un rôle dans la formation dopacités cristalliniennes. Les lésions du cristallin sont attribuées aux longueurs donde inférieures à 3 mm (IR-A et IR-B). Lhumeur aqueuse et le cristallin deviennent particulièrement absorbants au-delà de 1,4 µm.
Dans la région des IR-B et des IR-C, les tissus oculaires sopacifient à cause de labsorption du rayonnement par leau quils contiennent, notamment dans la cornée et lhumeur aqueuse. Au-delà de 1,9 µm, cest en pratique la cornée qui absorbe tout le rayonnement. Labsorption par la cornée des IR à grande longueur donde peut échauffer lil par conduction thermique. Du fait de la régénération rapide des cellules superficielles de la cornée, les lésions qui se limitent à la couche cornéenne extérieure sont le plus souvent temporaires. Dans la bande des IR-C, lexposition peut causer sur la cornée des brûlures semblables à celles de la peau. Toutefois, de telles brûlures sont rares grâce à la réaction daversion déclenchée par la douleur ressentie.
Les IR ne pénètrent pas très profondément dans la peau. Par conséquent, un rayonnement IR de très forte intensité peut produire des effets thermiques localisés plus ou moins prononcés et même de graves brûlures. Ces effets dépendent des propriétés optiques de la peau, comme la profondeur de pénétration, qui est fonction de la longueur donde (voir figure 49.6). Aux grandes longueurs donde notamment, une forte exposition peut provoquer un échauffement local intense et des brûlures. Les seuils de ces effets dépendent du temps, à cause de la nature des processus de transfert thermique dans la peau. Ainsi, une irradiation de 10 kWm2 peut causer une sensation de douleur dans les 5 secondes, tandis quune exposition à 2 kWm2 ne produirait pas le même effet en moins de 50 secondes environ.
Si lexposition sétend sur de très longues périodes, même à des intensités très inférieures au seuil de la douleur, la charge thermique imposée à lorganisme peut être importante, surtout si le rayonnement est réparti sur tout le corps (par exemple, à proximité dune coulée dacier), et provoquer alors un déséquilibre du système naturel de thermorégulation. Le seuil de tolérance à une telle exposition dépend de différents facteurs tant individuels quenvironnementaux, comme la capacité du système de thermorégulation, létat du métabolisme pendant lexposition ou encore les conditions ambiantes de température, dhumidité et de circulation dair (vitesse du vent). En labsence de travail physique, une exposition maximale de 300 Wm2 peut être tolérée sur une période de 8 heures, dans certaines conditions environnementales, mais cette valeur baisse à environ 140 Wm2 en cas de travail physique intense.
Les effets biologiques qui dépendent de la longueur donde et de la durée dexposition ne sont considérés comme intolérables quen cas de dépassement de certains seuils dintensité ou de dose. Pour protéger les travailleurs et le public de telles conditions dexposition, différentes organisations internationales comme lOrganisation mondiale de la santé (OMS), le Bureau international du Travail (BIT), le Comité international des rayonnements non ionisants de lAssociation internationale pour la protection contre les radiations (International Non-Ionizing Radiation Committee of the International Radiation Protection Association (INIRC/ IRPA)) ou son émanation, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP)), et la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) ont proposé des limites dexposition aux IR produits par les sources optiques tant cohérentes quincohérentes. La plupart des projets nationaux et internationaux de directives limitant lexposition humaine aux infrarouges sont fondés ou tout simplement calqués sur les valeurs limites dexposition (VLE) publiées par lACGIH (1993). Ces limites sont largement reconnues et fréquemment utilisées en milieu de travail. Basées sur les connaissances scientifiques actuelles, elles sont destinées à prévenir les lésions dorigine thermique de la rétine et de la cornée et déventuels effets à long terme sur le cristallin.
La version 1994 des VLE de lACGIH (1994) fixe les limites dexposition ci-après.
Longueur d’onde (nm) |
Rλ |
Longueur d’onde (nm) |
Rλ |
400 |
1,0 |
460 |
8,0 |
405 |
2,0 |
465 |
7,0 |
410 |
4,0 |
470 |
6,2 |
415 |
8,0 |
475 |
5,5 |
420 |
9,0 |
480 |
4,5 |
425 |
9,5 |
485 |
4,0 |
430 |
9,8 |
490 |
2,2 |
435 |
10,0 |
495 |
1,6 |
440 |
10,0 |
500-700 |
1,0 |
445 |
9,7 |
700-1 050 |
10(700-λ/500) |
450 |
9,4 |
1 050-1 400 |
0,2 |
455 |
9,0 |
Source: ACGIH, 1996.
On dispose de techniques et dappareils radio métriques permettant danalyser le risque des rayonnements optiques pour la peau et les yeux. Il est en général très utile, pour caractériser une source lumineuse courante, den mesurer la luminance énergétique. Par contre, léclairement énergétique et lexposition énergétique conviennent mieux pour définir les conditions dangereuses dexposition à des sources optiques. Lévaluation des sources à large bande est plus complexe que celle des sources à longueur donde unique ou à bande très étroite, parce quil faut tenir compte des caractéristiques spectrales et de la dimension de la source. Le spectre de certaines lampes peut comprendre à la fois des émissions réparties sur un grand intervalle de longueurs donde et quelques raies représentant des longueurs donde uniques. Lomission de lénergie contenue dans ces raies peut occasionner de sérieuses erreurs dans la représentation dun tel spectre.
Dans lévaluation du risque pour la santé, lexposition doit être mesurée à travers une ouverture de la taille prescrite dans les normes. En général, une ouverture de 1 mm est la plus petite que lon puisse utiliser en pratique. Toutefois, les longueurs donde supérieures à 0,1 mm posent des difficultés dans ce cas par suite des importants effets de diffraction causés par louverture. Dans cette bande, une fenêtre de 1 cm2 (cercle de 11 mm de diamètre) est acceptée parce que les points chauds sont plus étendus dans cet intervalle quaux longueurs donde plus courtes. Pour lévaluation des risques rétiniens, la taille de la fenêtre se base sur le diamètre moyen dune pupille, ce qui correspond à 7 mm.
Habituellement, les mesures effectuées dans le domaine optique sont très complexes. Si elles sont faites par des personnes nayant pas la formation nécessaire, elles peuvent mener à des conclusions erronées. On trouvera un résumé détaillé des méthodes de mesure dans Sliney et Wolbarsht (1980).
La méthode de protection courante la plus efficace contre le rayonnement optique consiste à envelopper complètement la source et à fermer toutes les voies que le rayonnement de fuite peut emprunter. Grâce à cette méthode, il devrait être facile de respecter les limites dexposition dans la plupart des cas. Si ce nest pas possible, il faut envisager la protection individuelle. Par exemple, on peut recourir aux moyens courants de protection des yeux (lunettes à coques, visières ou vêtements protecteurs). Si les conditions de travail ne permettent pas de prendre ces mesures, il peut être nécessaire de recourir à des mesures organisationnelles de prévention ou encore de limiter laccès aux sources très intenses. Dans certains cas, il faudra même songer, pour protéger les travailleurs, à réduire soit la puissance de la source, soit la période de travail (pauses destinées à combattre la contrainte thermique), soit les deux.
En général, le rayonnement infrarouge provenant des sources les plus courantes, comme les lampes, et de la plupart des applications industrielles est inoffensif pour les travailleurs. Sur certains lieux de travail, cependant, les IR peuvent constituer un risque pour la santé, compte tenu surtout de la multiplication rapide des lampes spécialisées et des procédés à haute température utilisés dans lindustrie, les sciences et la médecine. Si lexposition est assez importante, on ne peut pas exclure la possibilité deffets préjudiciables (principalement aux yeux, mais aussi à la peau). De ce fait, il faut sattendre à ce que lélaboration de normes dexposition mondialement reconnues prenne de plus en plus dampleur. Pour protéger les travailleurs dune exposition excessive, des mesures de protection comme lemploi décrans (adaptés à la vision) ou de vêtements protecteurs devraient être obligatoires.
Le principal effet biologique attribué aux IR est la cataracte (cataracte des verriers ou des fondeurs). En cas dexposition de longue durée, même à des niveaux relativement bas, lorganisme est soumis à la contrainte thermique. Dans ces conditions, dautres facteurs doivent être pris en considération, comme la température du corps, la déperdition thermique due à la sudation et les facteurs environnementaux.
Des guides pratiques ont été mis au point dans différents pays industriels pour renseigner et former les travailleurs. On en trouve un relevé complet dans Sliney et Wolbarsht (1980).
La lumière et lénergie rayonnante infrarouge sont deux formes de rayonnement optique qui, avec le rayonnement ultraviolet, forment le spectre optique. Dans ce spectre, les différentes longueurs donde peuvent avoir des effets biologiques très divers. Cest pour cette raison que lon peut être amené à subdiviser encore le spectre optique.
Le mot lumière devrait être réservé aux longueurs donde dénergie rayonnante comprises entre 400 et 760 nm, qui suscitent une réaction visuelle au niveau de la rétine (CIE, 1987). La lumière est la principale composante du rayonnement émis par les lampes déclairage, les écrans de visualisation et une vaste gamme de sources déclairage. Bien que léclairage soit indispensable pour la vision, certaines sources de lumière peuvent provoquer des réactions physiologiques indésirables, comme des éblouissements gênants ou inconfortables, des papillotements et dautres formes de stress oculaire si les tâches ne sont pas organisées dune manière satisfaisante du point de vue ergonomique. Lémission dune lumière intense résultant de certains procédés industriels, comme le soudage à larc, peut avoir en outre des effets dangereux.
Le rayonnement infrarouge (longueurs donde allant de 760 nm à 1 mm), communément appelé rayonnement thermique ou chaleur radiante , est émis par nimporte quel objet porté à haute température (moteur chaud, bain de métal en fusion et autres sources dans les fonderies, surface ayant subi un traitement thermique, lampe à incandescence, système de chauffage par rayonnement, etc.). Beaucoup dautres appareils électriques émettent également des infrarouges: moteurs électriques, génératrices, transformateurs et différents équipements électroniques.
Le rayonnement infrarouge contribue à la contrainte thermique. Une température et une humidité ambiantes élevées peuvent, en labsence dune circulation dair suffisante, sajouter à la chaleur rayonnante pour engendrer une contrainte thermique potentiellement dommageable. Même dans un environnement à température modérée, lexposition à des sources de chaleur rayonnante mal contrôlées peut être une cause dinconfort, ce qui est un inconvénient ergonomique.
La réaction daversion de lil face à une lumière intense et la réaction à la douleur quune forte chaleur rayonnante provoque sur la peau limitent les risques professionnels que le rayonnement visible et infrarouge fait courir aux yeux et à la peau. Lil est bien armé pour se protéger des lésions aiguës que peut causer le rayonnement optique du soleil (cest-à-dire énergie rayonnante UV, visible et IR). Grâce à la réaction daversion, il échappe en général aux effets de sources intenses telles que les lampes à arc et les arcs de soudage, car la durée dexposition est très courte et de lordre dune fraction de seconde (environ 0,2 s). Toutefois, les sources riches en infrarouges qui némettent pas en même temps un fort stimulus visuel peuvent être dangereuses pour le cristallin, en cas dexposition de longue durée. Il est également possible de fixer délibérément le soleil, un arc électrique ou un champ couvert de neige, avec risque de perte de vision temporaire (et parfois permanente). De plus, dans un milieu industriel où les travailleurs sont exposés à des lumières intenses apparaissant en bas du champ de vision, les mécanismes de protection de lil sont moins efficaces. Dans ces cas, il est très important de prendre certaines précautions.
Les sources intenses de lumière et dinfrarouges présentent au moins cinq risques distincts pour les yeux et la peau, quil importe de bien comprendre pour pouvoir choisir les mesures de protection adéquates. A part les risques que pose le rayonnement ultraviolet émis par certaines sources intenses de lumière, il faudrait tenir compte des risques suivants (Sliney et Wolbarsht, 1980; OMS, 1982):
Les lésions thermiques aiguës mentionnées aux points 1 et 4 ci-dessus proviennent en général dexpositions de très courte durée que devraient prévenir les protecteurs oculaires. Par contre, les lésions photochimiques du type de celles mentionnées au point 2 peuvent résulter de faibles débits de dose étalés sur toute une journée de travail. Le produit du débit de dose par la durée de lexposition donne toujours la dose (cest la valeur de la dose qui détermine le degré de risque photochimique). Comme pour tout autre mécanisme de lésion photochimique, il importe de tenir compte du spectre daction, qui décrit la contribution relative des différentes longueurs donde à leffet biologique. Par exemple, dans le cas des lésions rétiniennes dorigine photochimique, le spectre daction révèle un effet maximum à environ 440 nm (Ham, 1989). Contrairement aux effets thermiques qui se produisent à nimporte quelle longueur donde, la plupart des effets photochimiques sont limités à une bande spectrale très étroite. Par conséquent, les protecteurs oculaires conçus pour ces effets précis nont à arrêter quune petite bande spectrale. Cependant, en pratique, ils doivent filtrer plus dune bande spectrale pour protéger ceux qui les portent contre le rayonnement dune source à large bande.
Dans le domaine du rayonnement optique, les plus grands risques professionnels découlent de lexposition de certains travailleurs aux rayons du soleil. Le spectre solaire va de la limite en ultraviolet (environ 290 à 295 nm) traversant la couche dozone stratosphérique à au moins 5 000 nm (5 µm) en infrarouge. En été, lénergie du rayonnement solaire peut atteindre 1 kW/m2, ce qui peut causer une contrainte thermique, selon la température et lhumidité ambiantes.
Les sources artificielles les plus importantes dexposition humaine au rayonnement optiques sont passées en revue ci-après.
La répartition énergétique spectrale est la plus importante caractéristique dune source optique. Elle est mesurée à laide dun spectroradiomètre, appareil constitué par un dispositif optique dentrée, un monochromateur et un photodétecteur.
Dans de nombreux cas pratiques, on se sert dun radiomètre optique à large bande pour sélectionner une région spectrale donnée. Dans le cas de léclairage visible et à des fins de sécurité, la réponse spectrale de lappareil est conçue pour suivre une réponse spectrale biologique. Par exemple, les luxmètres sont conçus pour se conformer à la réaction photopique (visuelle) de lil. Normalement, à part la détection des ultraviolets, les spécialistes de la sécurité et de la santé au travail ne soccupent pas couramment du mesurage et de lanalyse des risques associés aux sources de lumière intense et dinfrarouges, qui sont souvent trop complexes. Toutefois, grâce à la normalisation croissante des catégories de sécurité des lampes, les utilisateurs nont plus à effectuer des mesures pour déterminer les risques éventuels.
En se fondant sur les paramètres optiques de lil humain et la luminance énergétique dune source de lumière, il est possible de calculer léclairement énergétique (débit de dose) au niveau de la rétine. Lexposition des structures antérieures de lil aux infrarouges peut également revêtir une certaine importance, sans compter que la position relative de la source et le degré douverture des paupières peuvent influer considérablement sur le calcul de la dose dexposition oculaire. En cas dexposition aux ultraviolets et à la lumière visible de courte longueur donde, la répartition spectrale de la source est également importante.
Plusieurs groupes nationaux et internationaux ont recommandé des limites dexposition professionnelle au rayonnement optique (ACGIH, 1992, 1994; Sliney, 1992). La plupart de ces limites portent sur les ultraviolets et le rayonnement laser, mais lACGIH, organisme américain bien connu dans le domaine de la santé au travail, a également recommandé des limites pour le rayonnement visible. LACGIH donne aux valeurs limites dexposition quelle révise et publie tous les ans le nom de TLV (Threshold Limit Values) (ACGIH, 1992, 1995). Les TLV sont surtout fondées sur les données relatives aux lésions oculaires provenant détudes sur les animaux, ainsi que sur les données de lésions rétiniennes causées chez des humains par la lumière solaire et les arcs de soudage. Les TLV sont en outre basées sur lhypothèse que lexposition environnementale à la lumière visible naturelle nest normalement pas dangereuse pour lil, sauf dans des environnements très inhabituels (champ couvert de neige ou désert) ou lorsquune personne fixe délibérément le soleil.
Une évaluation complète des risques nécessite des mesures complexes de léclairement énergétique spectral et de la luminance énergétique de la source et impose parfois de recourir à des appareils très spécialisés et de faire des calculs compliqués. Par conséquent, une telle évaluation est rarement effectuée sur place par des hygiénistes et des ingénieurs en sécurité du travail. En pratique, le port de protecteurs oculaires est imposé par des règlements de sécurité dans les milieux de travail dangereux. La recherche a permis dévaluer une vaste gamme darcs, de lasers et de sources de chaleur et de recommander en conséquence des normes générales de sécurité, pratiques et faciles à appliquer.
Lexposition professionnelle au rayonnement visible et infrarouge est rarement dangereuse et souvent bénéfique. Toutefois, certaines sources émettent un rayonnement visible intense, mais, comme cette situation déclenche la réaction naturelle daversion de lil, les chances de surexposition accidentelle sont assez faibles. Par contre, lexposition accidentelle est possible, et même probable, dans le cas des sources artificielles émettant seulement dans linfrarouge proche. Certaines mesures permettent de minimiser lexposition inutile du personnel au rayonnement infrarouge, au nombre desquelles il faut citer une conception technique adéquate du système optique utilisé, le port de lunettes ou décrans transparents appropriés, la limitation de laccès aux seules personnes qui doivent être là et une information suffisante pour que les travailleurs soient conscients des risques que peuvent présenter les sources intenses de rayonnement visible et infrarouge. Le personnel dentretien chargé de remplacer les lampes à arc doit avoir une formation adéquate pour éviter toute exposition dangereuse. Il est inadmissible que des travailleurs soient atteints dérythème cutané ou de photokératite. Si une telle éventualité se produit, il faudra examiner les méthodes de travail et prendre les mesures nécessaires pour réduire les cas de surexposition. Le rayonnement optique, par contre, ne fait courir aucun risque particulier aux travailleuses enceintes en ce qui concerne leur enfant.
Les travaux de mise au point de lunettes de soudage et de protecteurs oculaires nécessaires à dautres travaux dans lesquels lopérateur est soumis à des sources industrielles de rayonnement optique (par exemple, travail en fonderie, fabrication de lacier et du verre) ont commencé au début du XXe siècle avec la mise au point du verre de Crooke. Les normes de protection oculaire élaborées par la suite se sont conformées au principe général selon lequel les rayonnements infrarouge et ultraviolet, nétant pas nécessaires pour voir, devraient être arrêtés dans toute la mesure permise par les verres existants.
Dans les années soixante-dix, les normes empiriques du matériel de protection oculaire ont fait lobjet dessais qui ont montré quelles comportaient dimportantes marges de sécurité dans le cas du rayonnement infrarouge et ultraviolet, compte tenu des limites dexposition professionnelle en vigueur, mais que la protection offerte contre la lumière bleue était à peine suffisante. Certaines prescriptions des normes ont donc été réajustées.
Des lampes spécialisées à ultraviolets servent dans lindustrie pour la détection de la fluorescence et la photopolymérisation des encres, des résines plastiques, des polymères dentaires, etc. Même si les sources dUV-A posent ordinairement peu de risques, elles peuvent soit émettre de petites quantités dUV-B dangereux, soit causer des éblouissements très gênants (par effet de fluorescence dans le cristallin). On peut se procurer sans difficulté des filtres ultraviolets à très haut facteur datténuation, en verre ou en plastique, qui protègent dans tout le spectre ultraviolet. Une légère teinte jaunâtre est parfois décelable lorsque la protection va jusquà 400 nm. Il est extrêmement important que les lunettes de ce genre (de même que les lunettes solaires industrielles) protègent le champ de vision périphérique. Des modèles enveloppants ou à écrans latéraux sont nécessaires pour prévenir la focalisation des rayons obliques sur la région nasale équatoriale du cristallin où se développe fréquemment la cataracte corticale.
Presque toutes les lentilles en verre et en plastique arrêtent les ultraviolets au-dessous de 300 nm et les infrarouges au-dessus de 3 000 nm (3 µm). Les lunettes de sécurité ordinaires à lentilles transparentes résistant aux chocs assurent en général une bonne protection contre quelques sources de rayonnement laser et optique (les lentilles transparentes en polycarbonate arrêtent efficacement les longueurs donde supérieures à 3 µm). Toutefois, des absorbants (oxydes métalliques dans le verre ou teintures organiques dans les plastiques) doivent être ajoutés pour arrêter les UV allant jusquà 380 à 400 nm et les infrarouges de 780 nm à 3 µm. Selon le matériau, cela peut être facile ou nécessiter un traitement très difficile et coûteux et dune stabilité parfois variable. Les filtres conformes à la norme ANSI Z87.1 (1999b) de lAmerican National Standards Institute (ANSI) (Institut américain de normalisation) doivent posséder les facteurs datténuation appropriés dans chacune des bandes spectrales critiques.
Les sapeurs-pompiers peuvent être exposés à dintenses rayonnements infrarouges qui imposent souvent de les équiper de filtres IR, en complément des dispositifs essentiels qui leur protègent la tête et le visage. Dans ce cas, la protection contre les chocs est également importante.
Les lunettes et les masques conçus pour protéger les yeux contre le rayonnement infrarouge ont en général une légère teinte verdâtre, quoiquune teinte plus sombre puisse également protéger contre linconfort dû à un rayonnement visible intense. Ces protecteurs oculaires ne devraient pas être confondus avec les lunettes à verres bleus utilisées par les travailleurs des aciéries et des fonderies pour vérifier visuellement la température du métal en fusion. Les lunettes bleues nassurent aucune protection et ne devraient donc être portées que brièvement.
On peut donner au verre des propriétés filtrantes lui permettant darrêter les infrarouges et les ultraviolets au moyen dadditifs tels que loxyde de fer, mais le degré datténuation dans la bande strictement visible détermine le numéro déchelon , expression logarithmique de latténuation. Normalement, un numéro déchelon de 3 à 4 est utilisé dans le cas du soudage au chalumeau (qui nécessite le port de lunettes à coques) et un numéro déchelon de 10 à 14 dans le cas du soudage à larc et du soudage au plasma (qui nécessitent le port dun casque). En pratique, si le soudeur peut regarder larc sans inconfort, ses lunettes lui assurent probablement une protection adéquate contre les risques présents. Les responsables, les aides-soudeurs et les autres personnes qui se tiennent dans la zone de travail peuvent avoir besoin de filtres à numéro déchelon relativement bas (3 à 4) pour se protéger de la photokératite («conjonctivite du soudeur»). Ces dernières années, un nouveau type de protection, le verre filtrant à opacité variable, a fait son apparition. Quel que soit le type du filtre, celui-ci doit être conforme aux normes ANSI Z87.1 (1999b) et Z49.1 (1999a) pour filtres de soudage fixes à numéro déchelon élevé (Buhr, Sutter et The Health Council of the Netherlands, 1989; CIE, 1987).
Lécran filtrant de soudage auto-obscurcissant, dont le numéro déchelon augmente avec lintensité du rayonnement optique incident, représente un important progrès, qui permet de produire régulièrement des soudures de grande qualité de manière plus commode et ergonomique. Sans ce filtre, les soudeurs doivent relever puis abaisser le masque ou le filtre chaque fois quils établissent ou interrompent larc; une fois le masque baissé, ils travaillent en aveugle jusquà lamorçage de larc. De plus, de nombreux soudeurs relèvent et abaissent le masque par un mouvement sec du cou et de la tête, ce qui finit par causer des raideurs ou même des lésions du cou. Pour éviter ces inconvénients, certains soudeurs amorcent larc avec le masque en position relevée, ce qui les expose au risque de la photokératite. Dans des conditions normales déclairage, un soudeur portant un casque muni dun verre auto-obscurcissant peut voir assez clairement avec le masque en position baissée pour accomplir diverses tâches, par exemple, aligner les pièces à souder, positionner soigneusement son équipement et amorcer larc. Dans les modèles de masques les plus courants, des capteurs de lumière détectent léclair de larc au moment même où il apparaît et commandent quasi instantanément une unité électronique qui fait passer la couleur dun filtre à cristal liquide dune nuance claire à une nuance foncée présélectionnée, ce qui élimine la manuvre malcommode et dangereuse du masque à numéro déchelon fixe.
On sest souvent posé la question de savoir si les filtres auto-obscurcissants pouvaient comporter des risques cachés. Par exemple, les images rémanentes que perçoivent les soudeurs peuvent-elles affecter la vision dune façon permanente? Les nouveaux filtres offrent-ils un degré de protection équivalent ou supérieur à celui des verres filtrants classiques? Même sil est possible de répondre par laffirmative à la seconde question, il faut comprendre que les masques auto-obscurcissants ne sont pas tous équivalents. La vitesse de réaction, le poids et les degrés dobscurcissement obtenus sous un éclairage donné peuvent varier dun modèle à lautre, de même que la sensibilité à la température, les fluctuations du numéro déchelon avec le vieillissement de la pile dalimentation, le «numéro déchelon au repos» et dautres facteurs techniques. Les nouvelles normes en voie délaboration tiendront compte de ces considérations.
Comme tous les modèles assurent une atténuation suffisante, la vitesse de réaction est la plus importante caractéristique que spécifient les fabricants de masques auto-obscurcissants. Les masques actuels ont des vitesses allant de 0,1 s à moins de 0,1 ms. Buhr, Sutter et The Health Council of the Netherlands (1989) ont défini un moyen de spécifier le temps maximal de réaction, mais leur formule dépend des caractéristiques du processus dassombrissement. La vitesse du filtre est essentielle parce quelle donne la meilleure indication de la quantité extrêmement importante (mais indéfinie) de lumière qui pénètre dans lil au moment de lamorçage de larc, par comparaison à un filtre fixe ayant le même numéro déchelon. Si une trop grande quantité de lumière pénètre dans lil chaque fois quun arc est amorcé pendant la journée de travail, la dose dénergie lumineuse accumulée engendre un effet dadaptation transitoire, une «fatigue oculaire» et dautres problèmes (leffet dadaptation transitoire est la sensation visuelle causée par des changements brusques du niveau de léclairage ambiant; il peut se manifester par une sensation dinconfort et déblouissement et une perte temporaire de la vision détaillée). Les produits actuels dotés de vitesses de réaction de lordre de 10 millisecondes assurent une bonne protection contre la photorétinite. Toutefois, les vitesses de réaction les plus rapides de lordre de 0,1 ms ont en outre lavantage de réduire les effets dadaptation transitoire (Eriksen, 1985; Sliney, 1992).
A défaut de longs essais en laboratoire, le soudeur dispose de moyens de contrôle simples. Il peut, par exemple, regarder une page imprimée en petits caractères à travers un certain nombre de masques auto-obscurcissants, pour avoir une idée de la qualité optique de chacun. Ensuite, il peut établir un arc en lobservant à travers chaque filtre quil envisage dacheter. On peut heureusement partir du principe que sil peut regarder sans inconfort, le filtre ne transmet probablement aucun rayonnement dangereux. Lefficacité du filtrage des ultraviolets et des infrarouges peut être vérifiée dans la fiche technique du fabricant, qui indiquera si les bandes indésirables sont effectivement arrêtées. Quelques essais successifs damorçage dun arc devraient également permettre au soudeur de déterminer si ladaptation transitoire lui occasionnera de linconfort. Bien sûr, un essai dune journée serait préférable.
Le numéro déchelon au repos ou par défaut (en cas de décharge de la pile dalimentation) dun filtre auto-obscurcissant devrait assurer une protection à 100% des yeux du soudeur pendant au moins une ou plusieurs secondes. Certains fabricants ont adopté un numéro élevé comme position par défaut, tandis que dautres utilisent pour cela un numéro intermédiaire entre le clair et le foncé. Dans les deux cas, le facteur de transmission du filtre au repos devrait être sensiblement inférieur au facteur de transmission correspondant à lécran clair afin déviter les risques pour la rétine. De toute façon, le dispositif devrait indiquer clairement à lutilisateur sil est hors fonction ou défectueux. Ainsi, le soudeur saura toujours davance à quoi sen tenir avant de commencer à souder. Dautres caractéristiques, comme la durée de la pile dalimentation ou le fonctionnement dans des conditions extrêmes de température, peuvent être importantes pour certains utilisateurs.
Même si les spécifications techniques peuvent paraître un peu complexes pour les dispositifs devant protéger les yeux contre les sources de rayonnement optique, il existe des normes de sécurité qui prescrivent des numéros déchelon assurant une bonne marge de sécurité à lutilisateur.
Le laser est un dispositif qui produit un rayonnement électromagnétique cohérent dans le spectre optique, allant de lultraviolet extrême à linfrarouge lointain (bande sous-millimétrique). Le mot laser est en fait le sigle de lexpression anglaise Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation (lumière amplifiée par émission stimulée de rayonnements). Même si leffet laser a été théoriquement prédit par Albert Einstein en 1916, le premier laser fonctionnel na été présenté quen 1960. Ces dernières années, les lasers sont sortis des laboratoires de recherche pour envahir tous les milieux de travail industrie, hôpitaux, bureaux, chantiers de construction et même les foyers domestiques. Dans de nombreuses applications, telles que les lecteurs de vidéodisques et les systèmes de communications à fibre optique, lénergie rayonnante du laser est enfermée dans une enveloppe ou un boîtier, ne faisant courir aucun risque à lutilisateur, qui nest souvent même pas conscient de la présence du laser dans le produit quil a devant lui. Toutefois, lénergie rayonnante des lasers est accessible dans certaines applications médicales, industrielles ou de recherche et peut donc constituer un risque pour les yeux et la peau.
Comme leffet laser peut produire un faisceau très collimaté de rayonnement optique (cest-à-dire, de lénergie rayonnante dans les régions de lultraviolet, du visible ou de linfrarouge), un laser peut être dangereux à une distance considérable, contrairement à la plupart des autres sources de risques professionnels. Cest probablement cette caractéristique, plus que toute autre, qui a amené surtout les travailleurs et les experts de la sécurité et de la santé au travail à émettre des mises en gardes. Pourtant, les lasers peuvent être utilisés en toute sécurité si les précautions nécessaires sont prises. Des normes sur la sécurité des lasers sont appliquées dans le monde entier et la plupart sont «harmonisées» les unes avec les autres (ANSI, 1993; CEI, 1993). Toutes les normes se basent sur un système de classification par risque qui répartit les appareils à laser entre quatre grandes catégories, selon la puissance ou lénergie de sortie du laser et sa capacité à causer des dommages. On applique ensuite des mesures de sécurité correspondant à la classe de risque (Cleuet et coll., 1980; Duchêne, Lakey et Repacholi, 1991).
Les lasers fonctionnent à des longueurs donde discrètes et, même si la plupart sont monochromatiques (cest-à-dire némettent quà une seule longueur donde ou une seule couleur), il nest pas inhabituel quun laser émette plusieurs longueurs donde discrètes. Ainsi, le laser à argon produit plusieurs raies différentes dans lultraviolet proche et le spectre visible, quoiquil soit généralement conçu pour produire seulement une raie (longueur donde) verte à 514,5 nm ou une raie bleue à 488 nm. Lorsquon examine les risques possibles pour la santé, il est toujours essentiel détablir la ou les longueurs donde de sortie.
Tous les lasers comportent trois éléments de base:
En dehors des laboratoires de recherche, la plupart des appareils à laser à usage pratique ont également un système de transmission (fibre optique ou bras articulé avec des miroirs) pouvant amener le faisceau à un point de travail, ainsi que des lentilles de focalisation destinées à concentrer le faisceau, par exemple sur la pièce à souder. Dans un laser, lénergie de la lampe de pompage porte des atomes ou des molécules à un état excité. Dans cet état, un photon («particule» dénergie lumineuse) incident peut stimuler latome ou la molécule, lamenant à émettre un second photon de la même énergie (longueur donde), qui se déplace en phase (rayonnement cohérent) et dans la même direction que le photon incident. Ce phénomène cause donc une amplification de la lumière par un facteur deux. Une fois répété en cascade, il produit un faisceau de lumière qui se reflète de nombreuses fois entre les miroirs de la cavité résonante. Comme lun des miroirs est semi-transparent, une partie de lénergie lumineuse quitte la cavité résonante sous la forme dun rayon laser. En pratique, les deux miroirs parallèles sont souvent concaves pour stabiliser la résonance, mais le principe de base sapplique à tous les lasers.
On a construit en laboratoire des lasers fonctionnant à des milliers de longueurs donde différentes (chacune produite par un milieux actif différent). Toutefois, une vingtaine de longueurs donde seulement ont fait lobjet dune mise au point industrielle et sont couramment utilisées. Actuellement, les lignes directrices et normes sur la sécurité des lasers publiées couvrent en pratique toutes les longueurs donde du spectre optique et peuvent donc sappliquer tant aux lasers connus quà ceux qui seront mis au point à lavenir.
Les normes de sécurité actuellement appliquées dans le monde répartissent les appareils à laser entre quatre grandes classes numérotées de 1 à 4. Les lasers de la classe 1 ne peuvent pas émettre de rayonnement dangereux et ne constituent donc pas un risque pour la santé. Ceux des classes 2 à 4 présentent des risques croissants pour les yeux et la peau. Des mesures de sécurité particulières sont prescrites pour chaque classe de laser. Bien entendu, les mesures les plus strictes sappliquent aux classes les plus élevées.
On considère que les lasers de la classe 1 sont sans danger pour les yeux et présentent un risque nul. La plupart des lasers complètement enfermés (tels que ceux des lecteurs de disques compacts) appartiennent à cette classe, pour laquelle aucune mesure de sécurité nest prescrite.
La classe 2 regroupe les lasers à lumière visible de très faible puissance qui ne seraient pas dangereux, même si la totalité du faisceau pénétrait dans lil et était concentrée sur la rétine. La réaction naturelle daversion que déclenchent les sources de lumière intense protège lil contre les lésions rétiniennes, pourvu que lénergie incidente ne soit pas assez importante pour endommager la rétine durant le temps de réaction de lil. Cette réaction comprend le réflexe palpébral ou réflexe de clignotement (qui dure de 0,16 à 0,18 s) ainsi quune rotation de lil et un mouvement de la tête qui se produisent lorsque lil est exposé à une lumière intense. Les normes de sécurité actuelles se basent, par mesure de prudence, sur un temps de réaction de 0,25 s. Ainsi, les lasers de la classe 2 ont une puissance de sortie maximale de 1 milliwatt (mW) qui correspond à la limite dexposition admissible pour 0,25 s. Les appareils de la classe 2 comprennent, par exemple, les pointeurs à laser et quelques lasers dalignement.
Dans le cadre de certaines normes de sécurité, il existe également un sous-groupe de la classe 2, la «classe 2A». Les lasers de la classe 2A peuvent être regardés sans danger pendant une période maximale de 1 000 s (16,7 min). La plupart des lecteurs à laser utilisés aux points de vente (caisses de supermarché, par exemple) et des scanners dinventaire appartiennent à la classe 2A.
Les lasers de la classe 3 peuvent être dangereux pour les yeux parce que la réaction daversion nest pas assez rapide pour limiter lexposition de la rétine à un niveau sans danger pour une courte durée. Ils risquent également dendommager dautres parties de lil (comme la cornée et le cristallin). Lexposition occasionnelle ne présente normalement pas de risques pour la peau. La classe 3 comprend beaucoup de lasers de recherche et de télémètres militaires à laser.
Un sous-groupe spécial de la classe 3 porte la désignation «classe 3A» (le reste de la classe 3 étant désigné «classe 3B»). Les lasers de la classe 3A ont une puissance de sortie comprise entre une et cinq fois les limites dexposition accessibles (LEA) des classes 1 ou 2, mais un éclairement énergétique de sortie ne dépassant pas la limite dexposition professionnelle applicable de la classe inférieure. Beaucoup de lasers dalignement et dinstruments topographiques se classent dans cette catégorie.
Les lasers de la classe 4 peuvent présenter un risque dincendie, de lésions cutanées ou de réflexion diffuse. Ils comprennent presque tous les lasers chirurgicaux et les lasers dusinage servant au soudage et au découpage qui ne sont pas placés dans une enveloppe fermée, ainsi que tous les lasers dont la puissance moyenne de sortie dépasse 0,5 W. Si un laser haute puissance de classe 3 ou 4 est placé dans un boîtier totalement fermé de sorte quaucune énergie rayonnante dangereuse ne soit émise à lextérieur, lappareil qui le contient peut sinscrire dans la classe 1. Dans ce cas, le laser intérieur est dit laser incorporé .
La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP, 1996a)) a publié des lignes directrices relatives aux limites dexposition humaine au rayonnement laser, qui sont périodiquement mises à jour. Des limites dexposition représentatives figurent dans le tableau 49.3 pour un certain nombre de lasers typiques. Presque tous les faisceaux laser dépassent les limites dexposition admissibles. Cest pourquoi, en pratique, les limites dexposition ne sont pas normalement prises comme base pour définir les mesures de sécurité. On sappuie plutôt sur la classification des lasers, qui est elle-même fondée sur les limites dexposition appliquées dans des conditions représentatives.
Type de laser |
Principales longueurs d’onde |
Limite d’exposition |
Fluorure d’argon |
193 nm |
3,0 mJ/cm2 pendant 8 heures |
Chlorure de xénon |
308 nm |
40 mJ/cm2 pendant 8 heures |
Argon ionisé |
488, 514,5 nm |
3,2 mW/cm2 pendant 0,1 s |
Vapeur de cuivre |
510, 578 nm |
2,5 mW/cm2 pendant 0,25 s |
Hélium-néon |
632,8 nm |
1,8 mW/cm2 pendant 10 s |
Vapeur d’or |
628 nm |
1,0 mW/cm2 pendant 10 s |
Krypton ionisé |
568, 647 nm |
1,0 mW/cm2 pendant 10 s |
Néodyme-YAG |
1 064 nm |
5,0 µJ/cm2 pendant 1 ns à 50 µs |
Gaz carbonique |
10-6 µm |
100 mW/cm2 pendant 10 s |
Monoxyde de carbone |
~5 µm |
Jusqu’à 8 heures, zone limitée |
Toutes les normes et recommandations comportent des EMP (expositions maximales permises) correspondant à d’autres longueurs d’onde et périodes d’exposition.
Note: pour exprimer les EMP en mJ/cm2, il suffit de multiplier les mW/cm2 par le temps d’exposition en secondes. Par exemple, l’EMP du laser à l’hélium-néon ou à l’argon à 0,1 s est de 0,32 mJ/cm2.
Source: ANSI, 1993; ACGIH, 1995; Duchene, Lakey et Repacholi, 1991.
De nombreux pays ont publié des normes de sécurité pour les lasers, dont la plupart sont harmonisées avec la norme internationale CEI 60825-1 (1993) de la Commission électrotechnique internationale (CEI). Cette norme sadresse aux fabricants, mais fournit aussi des informations limitées sur la sécurité aux utilisateurs. Tous les appareils commerciaux à laser doivent porter une étiquette indiquant leur classe et, dans le cas des classes 2 à 4, une étiquette particulière de mise en garde correspondant à la classe.
Le système de classification des lasers facilite considérablement la détermination des mesures de sécurité à prendre. Les normes et codes de bonne pratique établis à des fins de sécurité imposent par principe des mesures restrictives de plus en plus sévères en fonction du niveau de classement.
En pratique, il est toujours préférable de placer le laser et son faisceau dans un boîtier complètement fermé de façon quaucun rayonnement potentiellement dangereux ne soit émis à lextérieur. Toutefois, cette condition est souvent impossible à réaliser, et il faut alors donner aux travailleurs une formation adéquate sur lutilisation du matériel et les mesures de limitation des risques.
A part la règle évidente consistant à ne pas pointer un faisceau laser dans les yeux dune personne, aucune mesure de contrôle nest imposée dans le cas des appareils à laser de la classe 2. Par contre, les appareils des classes supérieures doivent évidemment faire lobjet de mesures de sécurité.
Sil est impossible denvelopper totalement un laser de classe 3 ou 4, le confinement du faisceau (à lintérieur dun tube, par exemple) et lutilisation de chicanes et de capots optiques peuvent, dans la plupart des cas, virtuellement exclure le risque dune exposition oculaire dangereuse.
Lorsquon ne peut pas placer un laser de classe 3 ou 4 dans une enveloppe de confinement, on doit établir une zone contrôlée daccès restreint et prescrire le port obligatoire de lunettes protectrices dans toute la zone nominale de danger (ZND) du faisceau laser. Bien que dans la plupart des laboratoires de recherche utilisant des faisceaux laser collimatés la ZND sétende à toute la zone contrôlée, la ZND pourrait en fait être détendue très limitée dans le cas des applications à faisceau focalisé et ne concerner quune partie du local du laser.
Pour prévenir un usage non prévu et potentiellement dangereux de la part de tiers non autorisés, la commande par clé qui équipe tous les appareils à laser commercialisés devrait être systématiquement utilisée.
Sil est possible à des tiers non autorisés daccéder à lappareil, la clé devrait être gardée dans un endroit sûr lorsque le laser nest pas utilisé.
Des précautions particulières sont nécessaires lors du réglage et de la mise en marche initiale du laser, car cest à ce moment-là que le risque de lésions oculaires graves est le plus grand. Les travailleurs chargés de ces opérations devraient recevoir une formation spéciale sur les pratiques de sécurité.
Sur la base des limites dexposition professionnelle, on a mis au point des lunettes de protection laser ayant la densité optique (qui est une fonction logarithmique du facteur datténuation) nécessaire pour des lasers donnés, compte tenu de la longueur donde et de la durée de lexposition. Il existe des normes européennes spécifiques pour la protection des yeux contre le rayonnement laser; dautres normes ont été édictées aux Etats-Unis (ANSI Z136.1 (1993) et ANSI Z136.3 (1996)).
Les enquêtes menées à la suite daccidents provoqués par des lasers, tant dans des laboratoires quen milieu industriel, mettent souvent en évidence un facteur commun: le manque de formation. La formation à la sécurité en matière de laser devrait être à la fois adéquate et suffisante compte tenu des opérations laser au voisinage desquelles chaque employé est appelé à travailler. Elle devrait correspondre au type de laser utilisé et aux fonctions auxquelles le travailleur est affecté.
La surveillance médicale des travailleurs appelés à utiliser des lasers ou travaillant à proximité varie dun pays à lautre, selon la réglementation locale. Il y a quelque temps, lorsque les lasers étaient confinés aux laboratoires de recherche et quon ne connaissait pas bien leurs effets biologiques, il était courant de soumettre périodiquement chaque travailleur exposé à un examen ophtalmologique complet avec photographie du fond de lil (rétine). Toutefois, cette pratique a été remise en question au début des années soixante-dix parce que les conclusions cliniques étaient presque toujours négatives et quil était devenu évident que ces examens ne révélaient que les lésions aiguës, qui, de toute façon, étaient perceptibles subjectivement. Cest pour cette raison quau cours de sa réunion de 1975 à Don Leaghreigh, en Irlande, le groupe de travail de lOMS sur les lasers a recommandé labandon des programmes de surveillance par examen au profit dun contrôle de la fonction visuelle elle-même. Depuis, la plupart des groupes nationaux de santé au travail ont constamment réduit les exigences en matière dexamen médical. Aujourdhui, les examens ophtalmologiques complets ne sont universellement exigés quen cas de lésion oculaire ou si lon soupçonne une surexposition. Par contre, un examen de la vue est généralement obligatoire avant le recrutement. Certains pays prescrivent aussi des examens supplémentaires.
Contrairement à ce qui se passe pour dautres rayonnements, il nest généralement pas nécessaire deffectuer des mesures pour surveiller le niveau de rayonnement laser en milieu de travail. Par suite des caractéristiques très localisées du faisceau de la plupart des lasers, du peu de probabilité dun changement de trajectoire et de la complexité et du prix des radiomètres laser, les normes de sécurité actuelles se fondent sur la classe de risques plutôt que sur la mesure et la surveillance du rayonnement en milieu de travail. Les fabricants, par contre, doivent mesurer le rayonnement pour vérifier la conformité de leurs appareils aux normes de sécurité applicables et les affecter à une classe. De fait, cest notamment à cause de la grande difficulté deffectuer des mesures pour lévaluation des risques que lon a, à lorigine, envisagé détablir un système de classification de risque pour les lasers.
Relativement rare en milieu de travail il y a quelques années, le laser est aujourdhui omniprésent, comme le sont les programmes de sécurité laser. La clé dune utilisation non dangereuse des appareils est en premier lieu de confiner, pour autant que cela soit possible, lénergie rayonnante du laser; à défaut, il faudra établir des mesures de contrôle adéquates et donner la formation nécessaire à tous les membres exposés du personnel.
Les ondes radiofréquences (RF) et les ondes hyperfréquences ont de nombreuses applications dans lindustrie, le commerce, la médecine et la recherche ainsi que dans les foyers. Ces ondes, dont la fréquence est comprise entre 3 et 3 × 108 kHz (300 GHz), sont utilisées dans des domaines bien connus: radio, télévision, télécommunications (téléphone interurbain, radiotéléphone mobile, radiocommunications), radar, chauffage diélectrique, chauffage par induction, alimentations à commutation et écrans dordinateur.
Le rayonnement RF haute puissance est une source dénergie thermique qui présente tous les effets connus du chauffage sur les systèmes biologiques: brûlures, changements temporaires et permanents des fonctions de reproduction, cataracte et décès. Dans la vaste bande des ondes RF, on ne peut se fier à la perception cutanée de la chaleur et à la sensation de brûlure comme moyens de détection. En effet, les capteurs thermiques du corps humain étant situés dans la peau, ils ne réagissent pas de manière sensible au chauffage profond que les champs électromagnétiques RF produisent dans le corps. Des limites dexposition sont donc nécessaires pour protéger contre les effets nocifs des champs dondes RF.
Un matériau conducteur soumis à un intense champ magnétique alternatif séchauffe sous leffet des courants de Foucauld . Le chauffage par induction sert à forger, à recuire, à braser et à souder. Les fréquences de travail vont de 50 ou 60 Hz à plusieurs MHz. Comme les bobines qui engendrent les champs magnétiques sont souvent petites, le risque dune forte surexposition de tout le corps est faible; toutefois, lexposition des mains peut être importante.
Lénergie des ondes RF dune fréquence de 3 à 50 MHz (notamment à 13,56, 27,12 et 40,68 MHz) est utilisée dans lindustrie pour différentes opérations de chauffage. Les applications comprennent le soudage et le formage des plastiques, le séchage des colles, le traitement des tissus et des textiles, le travail du bois et la fabrication de produits aussi divers que les bâches, les piscines, les matelas à eau, les chaussures et les étuis pour chèques de voyage.
Daprès la documentation (Mild, 1980; IEEE, 1990a, 1990b, 1991), il arrive souvent dans lindustrie que les champs de fuite électriques et magnétiques soient très élevés à proximité des appareils à ondes RF. Or, leur exploitation est souvent assurée par des femmes en âge de procréer (entre 18 à 40 ans). Les champs de fuite sont souvent de grande étendue dans certains milieux de travail, ce qui entraîne une exposition du corps entier chez les opérateurs. Pour beaucoup dentre eux, les niveaux dexposition aux champs électriques et magnétiques dépassent toutes les recommandations de sécurité existantes concernant le rayonnement RF.
Etant donné limportance des doses qui peuvent être reçues à proximité de ces appareils, leurs champs de fuite doivent être surveillés. Une surveillance périodique du rayonnement est donc indispensable pour déterminer sil existe un problème dexposition.
Les opérateurs de télécommunications et de radars ne sont exposés, la plupart du temps, quà des champs de faible intensité. Toutefois, ceux qui doivent monter dans les tours de radio et de télévision peuvent être soumis à des champs intenses, ce qui impose des précautions. Lexposition peut également être élevée à proximité des armoires démetteurs lorsque les dispositifs de verrouillage ont été mis hors fonction et que les portes sont ouvertes.
La diathermie par ondes courtes a été lune des premières applications médicales de lénergie des ondes RF. Dhabitude, on se sert à cette fin délectrodes non protégées pouvant donner lieu à des champs parasites élevés.
Depuis quelques années, des champs RF sont utilisés en même temps que les champs magnétiques statiques en matière dimagerie par résonance magnétique (IRM). Comme lénergie RF utilisée est faible et que le champ est presque entièrement contenu dans lenceinte réservée au patient, lexposition des opérateurs est négligeable.
Le débit dabsorption spécifique (DAS, mesuré en watts par kilogramme de poids corporel) est couramment utilisé comme quantité dosimétrique de base pour définir les limites dexposition. Le DAS dun corps biologique dépend de paramètres dexposition tels que la fréquence, lintensité et la polarisation du rayonnement, la position du corps par rapport à la source, les surfaces réfléchissantes, ainsi que la taille, la forme et les propriétés électriques du corps. De plus, la répartition spatiale du DAS dans le corps est très irrégulière, ce qui entraîne un chauffage profond non uniforme pouvant engendrer des gradients internes de température; aux fréquences supérieures à 10 GHz, par exemple, lénergie est localisée près de la surface du corps. En fonction de la fréquence, le DAS maximal, pour un sujet moyen, se situe aux alentours de 70 MHz, mais il baisse à environ 30 MHz si le sujet est en contact avec une prise de terre RF. Dans des conditions extrêmes de température et dhumidité, un DAS corps entier de 1 à 4 W/kg à 70 MHz peut causer en une heure une élévation denviron 2 °C de la température centrale chez des sujets en bonne santé.
Le mécanisme dinteraction du chauffage RF a fait lobjet détudes approfondies. Des effets thermiques ont été observés à moins de 1 W/kg, mais aucun seuil de température correspondant na en général été mis en évidence. La relation temps-température doit être prise en considération dans lévaluation des effets biologiques.
On a également observé des effets biologiques dans des conditions où le mécanisme de chauffage par ondes RF était faible ou absent. Ces effets mettaient souvent en cause des champs RF modulés à des longueurs donde millimétriques. Diverses hypothèses ont été proposées, mais elles nont pas encore abouti à des informations utiles pouvant servir de base à la fixation des limites dexposition pour les humains. Il est nécessaire de mieux comprendre les mécanismes fondamentaux dinteraction, car il est difficile, en pratique, détudier chaque champ RF pour en déterminer les interactions caractéristiques biophysiques et biologiques.
Des études menées chez lhumain et chez lanimal ont révélé que les champs RF, comme on la déjà dit, peuvent avoir des effets biologiques préjudiciables par suite de léchauffement excessif des tissus internes. Etant donné que les capteurs thermiques du corps, situés dans la peau, ne sont pas sensibles au chauffage profond du corps, les travailleurs peuvent, sans le savoir, absorber des quantités assez importantes dénergie RF. Des études ont montré que des personnes exposées à des champs RF provenant dappareils radar, dappareils de chauffage et de collage par ondes RF et de tours de radio et de télévision navaient perçu une sensation déchauffement quaprès avoir été exposées pendant un certain temps.
Il nexiste pas vraiment dindices permettant de croire que les champs RF peuvent induire des cancers chez les humains. Une étude a cependant émis lhypothèse quils pourraient favoriser lapparition de cancers chez les animaux (Szmigielski et coll., 1988). Les études épidémiologiques portant sur le personnel exposé à des champs RF sont rares et, le plus souvent, dune portée limitée (Silverman, 1990; NCRP, 1986; OMS, 1981). Plusieurs enquêtes ont été effectuées dans lex-Union soviétique et dans des pays dEurope de lEst (Roberts et Michaelson, 1985) sur des travailleurs soumis à une exposition professionnelle, mais elles nont pas abouti à des résultats concluants quant aux effets sur la santé.
Des études épidémiologiques et dévaluation portant sur des opérateurs européens de machines à sceller par ondes RF (Kolmodin-Hedman et coll., 1988; Bini et coll., 1986) signalent les problèmes particuliers suivants:
Lutilisation croissante de radiotéléphones personnels a multiplié le nombre des stations de base, qui sont souvent situées dans des zones accessibles au public. Toutefois, lexposition de celui-ci, du fait de ces stations, est faible. Quils soient analogiques ou numériques, les radiotéléphones fonctionnent en général à des fréquences proches de 900 MHz ou de 1,8 GHz. Les combinés consistent en petits émetteurs radio de faible puissance que lon tient contre loreille et le visage lors de leur utilisation. En fonctionnement, une partie de la puissance rayonnée par lantenne est donc absorbée par la tête. Des mesures et des calculs effectués sur des maquettes ont abouti à des DAS de lordre de quelques W/kg (ICNIRP, 1996b). Lopinion publique sinquiète des incidences possibles sur la santé de ces champs électromagnétiques, ce qui explique que plusieurs programmes de recherche soient consacrés à cette question (McKinley et coll., rapport non publié). Différentes études épidémiologiques actuellement en cours ont pour but de rechercher un rapport entre lusage des radiotéléphones mobiles et le cancer du cerveau. Jusquici, une seule étude est parue sur le sujet (Repacholi et coll., 1997); elle portait sur des souris transgéniques qui ont été exposées une heure par jour pendant 18 mois à un signal semblable à celui que lon utilise dans les communications mobiles numériques. A la fin de lexpérience, 43 des 101 souris exposées avaient des lymphomes, à comparer à 22 sur 100 dans le groupe témoin. Laugmentation était statistiquement significative ( p > 0,001). Il nest pas facile dinterpréter ces résultats dune façon qui permette de les extrapoler aux humains, et dautres recherches seront nécessaires dans ce domaine.
Plusieurs organismes et gouvernements ont publié des normes et des recommandations destinées à éviter une exposition excessive aux champs dondes RF. Grandolfo et Mild (1989) ont effectué une étude bibliographique des normes de sécurité mondiales, mais notre examen ici se limitera aux recommandations de lAssociation internationale pour la protection contre les radiations (International Radiation Protection Association (IRPA, 1988b) et à la norme C 95.1 de lInstitut des ingénieurs électriciens et électroniciens (Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE, 1991)).
LIRPA (1988b) fournit des explications complètes sur la raison dêtre des limites dexposition aux champs RF. En bref, les recommandations de lIRPA se fondent sur un DAS limite de base de 4 W/kg, au-delà duquel on considère que les chances deffets préjudiciables pour la santé augmentent par suite de labsorption dénergie RF. Aucun effet nuisible dû à une exposition aiguë na été observé en deçà de ce niveau. En se fixant une marge de sécurité de 10 pour tenir compte des conséquences possibles dune exposition à long terme, lIRPA a adopté 0,4 W/kg comme niveau de base pour le calcul de limites dexposition professionnelle. Un facteur de sécurité supplémentaire de 5 est pris en compte dans le calcul des limites relatives au public.
Les limites dexposition calculées pour lintensité du champ électrique (E, en V/m), lintensité du champ magnétique (H, en A/m) et la densité de puissance (en W/m2) sont présentées dans la figure 49.7. Les valeurs se basent sur la moyenne quadratique des champs E et H pour une période de 6 minutes. Il est recommandé que lexposition de crête ne dépasse pas les moyennes de plus de 100 fois. En outre, le courant entre le corps et la terre ne devrait pas excéder 200 mA.
La norme C 95.1 établie en 1991 par lIEEE fixe la valeur limite dexposition professionnelle (en milieu contrôlé) à 0,4 W/kg pour le DAS moyen pour tout le corps et à 8 W/kg pour le DAS de crête pour un gramme de tissu quelconque pendant 6 minutes ou plus. Les valeurs correspondantes dexposition pour le grand public (en milieu non contrôlé) sont de 0,08 W/kg dans le cas de lensemble du corps, avec un DAS de crête de 1,6 W/kg. Le courant entre le corps et la terre ne devrait pas dépasser 100 mA en milieu professionnel et 45 mA en milieu non contrôlé (voir la documentation IEEE, 1991 pour de plus de détails). Les limites déduites sont présentées dans la figure 49.8.
Les lecteurs intéressés trouveront dautres renseignements sur les champs dondes RF et les micro-ondes dans plusieurs ouvrages, notamment Elder et coll., 1991; Greene, 1992; Polk et Postow, 1986.
Les champs électriques et magnétiques à basse fréquence (BF) couvrent lintervalle de fréquence 0 Hz-30 kHz. Dans le présent article, nous désignons par «ondes mégamétriques» lintervalle compris entre 0 et 300 Hz et par «ondes myriamétriques» lintervalle compris entre 300 Hz et 30 kHz. Dans ces bandes, la longueur donde varie entre linfini (∞) et 10 km. Par conséquent, le champ électrique et le champ magnétique agissent en pratique indépendamment lun de lautre et doivent être traités séparément. Le champ électrique (E) est mesuré en volts par mètre (V/m), le champ magnétique (H) en ampères par mètre (A/m) et la densité de flux magnétique (B) en teslas (T).
Un débat très animé au sujet des effets possibles de ces ondes sur la santé a été lancé à propos des travailleurs qui emploient des matériels fonctionnant dans cette gamme de fréquences. La fréquence qui est de loin la plus courante, cest-à-dire celle de 50/60 Hz, est utilisée pour la génération, la distribution et la consommation du courant électrique. La crainte que lexposition à des champs magnétiques de 50 ou 60 Hz soit liée à une incidence accrue de cancer a été alimentée autant par les articles des médias et des informations douteuses répandues à ce sujet que par le débat scientifique qui se poursuit (Repacholi, 1990; NRC, 1996).
Lobjet du présent article est de présenter un aperçu des sujets suivants:
On trouvera ci-après des descriptions sommaires destinées à renseigner les travailleurs sur le type et lintensité des champs dus aux principales sources dondes mégamétriques et myriamétriques, ainsi que sur les effets biologiques, les conséquences possibles pour la santé et les limites actuelles dexposition. On trouvera également un aperçu des précautions et des mesures de sécurité recommandées. En ce qui concerne les terminaux à écran de visualisation, utilisés par de nombreux travailleurs, ils ne sont évoqués que très sommairement, car ils font lobjet du chapitre no 52 «Les terminaux à écran de visualisation» de la présente Encyclopédie .
Une grande partie des renseignements présentés ici figurent sous une forme plus détaillée, dans un certain nombre de documents (OMS, 1984, 1987, 1991, 1993; IRPA, 1990; BIT, 1993a; NRPB, 1992, 1993; IEEE, 1991; Greene, 1992; NRC, 1996).
Les niveaux dexposition professionnelle varient considérablement et dépendent dans une large mesure de lapplication en cause. Le tableau 49.4 présente un résumé des applications caractéristiques utilisant des fréquences dans la bande de 0 à 30 kHz.
Fréquence |
Longueur d’onde (km) |
Applications caractéristiques |
16,67, 50, 60 Hz |
18 000-5 000 |
Production, transmission et utilisation du courant électrique, procédés électrolytiques, chauffage par induction, fours à arc et fours-poches, soudage, transport, etc., toute utilisation de l’énergie électrique à des fins industrielles, commerciales, médicales ou de recherche |
0,3-3 kHz |
1 000-100 |
Modulation des ondes de radiodiffusion, applications médicales, fours électriques, chauffage par induction, trempe, brasage, fusion, affinage |
3-30 kHz |
100-10 |
Communications à très grande portée, radionavigation, modulation des ondes de radiodiffusion, applications médicales, chauffage par induction, trempe, brasage, fusion, affinage, terminaux à écran de visualisation |
Les champs électriques et magnétiques de sources artificielles à 50/60 Hz sont principalement liés à la production et à la distribution de lénergie électrique, ainsi quà lutilisation dappareils électriques. Nombre de ces appareils fonctionnent à la fréquence du secteur, cest-à-dire 50 Hz dans la plupart des pays et 60 Hz en Amérique du Nord. Certaines lignes de chemin de fer électriques sont en outre alimentées en courant à la fréquence de 16,67 Hz.
Les lignes de transmission et les sous-stations à haute tension (HT) engendrent les champs électriques les plus puissants auxquels les travailleurs puissent être régulièrement exposés. La hauteur des conducteurs, la configuration géométrique de la ligne, la distance horizontale entre la ligne et les travailleurs, ainsi que la tension du courant transporté constituent de loin les facteurs les plus importants lorsquon considère lintensité maximale du champ électrique au niveau du sol. A des distances horizontales denviron le double de la hauteur de la ligne, le champ électrique est quasi inversement proportionnel à la distance (Zaffanella et Deno, 1978). A lintérieur des bâtiments voisins des lignes de transmission HT, le champ électrique est ordinairement atténué, par rapport à un champ non perturbé, dun facteur denviron 100 000, selon la configuration du bâtiment et la nature des matériaux de la charpente.
Les champs magnétiques dus aux lignes de transmission aériennes sont dhabitude relativement faibles, par comparaison avec les applications industrielles utilisant des courants élevés. Les employés des services publics délectricité qui travaillent dans des sous-stations ou entretiennent des lignes de transmission sous tension forment un groupe particulier exposé à des champs magnétiques intenses (5 mT, voire plus dans certains cas). En labsence de matériaux ferromagnétiques, les lignes du champ magnétique forment des cercles concentriques autour du conducteur. La géométrie de celui-ci mise à part, la densité maximale du flux magnétique ne dépend que de lintensité du courant. Au-dessous dune ligne de transmission à haute tension, le champ magnétique est surtout orienté perpendiculairement à laxe de la ligne. Au niveau du sol, la densité de flux atteint son maximum sous le conducteur central ou sous les conducteurs extérieurs, selon la relation de phase qui existe entre les conducteurs. Dans le cas dune ligne de transmission aérienne classique à double circuit de 500 kV, la densité maximale du flux magnétique au niveau du sol est denviron 35 µT par kiloampère de courant transporté (Bernhardt et Matthes, 1992). Des densités de flux magnétique atteignant 0,05 mT sont courantes dans les lieux de travail proches de lignes aériennes, dans les sous-stations et dans les centrales électriques fonctionnant à 16,67, 50 ou 60 Hz (Krause, 1986).
Lexposition professionnelle aux champs magnétiques est essentiellement associée au travail à proximité déquipements industriels alimentés en courants élevés: soudage, fusion sous laitier, chauffage (fours, appareils de chauffage à induction) et brassage.
Des relevés portant sur les appareils de chauffage à induction utilisés dans lindustrie ont été effectués au Canada (Stuchly et Lécuyer, 1985), en Pologne (Aniolczyk, 1981), en Australie (Repacholi, données non publiées) et en Suède (Lövsund, Oberg et Nilsson, 1982). Ils ont révélé quaux endroits où se tiennent les opérateurs, la densité de flux magnétique peut se situer entre 0,7 µT et 6 mT, selon la fréquence utilisée et la distance entre lopérateur et la machine. Dans leur étude des champs magnétiques engendrés par le matériel industriel de soudage et de fabrication de lacier électrique, Lövsund, Oberg et Nilsson (1982) ont constaté que les machines à souder par points (50 Hz, 15 à 106 kA) et les fours-poches (50 Hz, 13 à 15 kA) produisaient des champs atteignant 10 mT à 1 m. En Australie, on a pu mesurer, dans une installation de chauffage par induction fonctionnant entre 50 Hz et 10 kHz, des champs de 2,5 mT (fours à induction de 50 Hz) aux endroits où se tiennent les opérateurs. De plus, les champs maximaux mesurés autour des inducteurs de chauffage fonctionnant à dautres fréquences atteignaient 130 µT à 1,8 kHz, 25 µT à 2,8 kHz et plus de 130 µT à 9,8 kHz.
Comme les bobines produisant ces champs magnétiques sont souvent de dimensions réduites, il y a rarement forte exposition de tout le corps, mais plutôt exposition locale se limitant principalement aux mains. La densité de flux magnétique au niveau des mains de lopérateur peut atteindre 25 mT (Lövsund et Mild, 1978; Stuchly et Lécuyer, 1985). Dans la plupart des cas, cependant, elle demeure inférieure à 1 mT. Pour ce qui est du champ électrique à proximité des inducteurs de chauffage, il est habituellement faible.
Les travailleurs de lindustrie électrochimique sont exposés à des champs électriques et magnétiques intenses produits par les fours électriques et dautres équipements parcourus par des courants élevés. Des densités de flux atteignant 50 mT, en effet, ont été mesurées à proximité de fours à induction et de cuves délectrolyse industrielles.
Lutilisation des unités daffichage et des terminaux à écran de visualisation augmente à un rythme accéléré. Les travailleurs qui ont à sen servir ont exprimé des craintes au sujet des effets possibles des rayonnements de faible niveau quils émettent. Des champs magnétiques (à des fréquences de 15 à 125 kHz) atteignant 0,69 A/m (0,9 µT) ont été mesurés dans les conditions les plus défavorables à proximité de la surface de lécran (Bureau of Radiological Health, 1981). Ce résultat a été confirmé par de nombreuses enquêtes (Roy et coll., 1984; Repacholi, 1985; IRPA, 1988a). Des organismes nationaux et des spécialistes ont procédé à des examens approfondis des mesures et des enquêtes réalisées en ce qui concerne les terminaux à écran de visualisation; ils ont abouti à la conclusion que ces appareils némettent aucun rayonnement pouvant altérer la santé (Repacholi, 1985; IRPA, 1988a; BIT, 1993b). Il nest pas jugé nécessaire de mesurer périodiquement le rayonnement parce que, même dans les conditions les plus défavorables ou en cas de défectuosité du matériel, le niveau des émissions reste très inférieur aux limites fixées dans toutes les normes nationales ou internationales (IRPA, 1988a).
On trouvera un examen complet des émissions ainsi quun résumé de la littérature scientifique, des normes et des recommandations applicables dans le document du Bureau international du Travail (BIT, 1993b).
Des études ont été faites sur le traitement de personnes souffrant de fractures lentes à guérir au moyen de champs magnétiques pulsés (Bassett, Mitchell et Gaston, 1982; Mitbreit et Manyachin, 1984). Lutilisation de tels champs pour favoriser la cicatrisation et la régénération des tissus fait actuellement lobjet détudes.
Différents dispositifs produisant des champs magnétiques pulsés servent à stimuler la croissance des os. Un appareil caractéristique de ce type produit une densité moyenne de flux magnétique denviron 0,3 mT, avec une intensité de crête denviron 2,5 mT, et induit dans les os des champs électriques de crête de lordre de 0,075 à 0,175 V/m (Bassett, Pawluk et Pilla, 1974). Près de la surface du membre exposé, le dispositif produit une densité de flux magnétique de crête de lordre de 1,0 mT, qui induit dans les tissus des courants dionisation dune densité de 10 à 100 mA/m2 (1 à 10 µA/cm2).
Avant de mesurer les champs mégamétriques ou myriamétriques, il importe dobtenir autant de renseignements que possible sur les caractéristiques de la source et la situation dexposition. Ces renseignements sont nécessaires pour estimer lordre de grandeur des champs à mesurer et choisir en conséquence les appareils de mesure (Tell, 1983).
Les renseignements concernant la source devraient comprendre ce qui suit:
Les renseignements au sujet de la situation dexposition devraient comprendre ce qui suit:
Les résultats de relevés effectués en milieu de travail sont résumés dans le tableau 49.5.
Source |
Densité de flux magnétique (mT) |
Distance (m) |
Terminaux à écran de visualisation |
Jusqu’à 2,8 × 10–4 |
0,3 |
Lignes haute tension |
Jusqu’à 0,4 |
Sous la ligne |
Centrales électriques |
Jusqu’à 0,27 |
1 |
Arcs de soudage (0-50 Hz) |
0,1-5,8 |
0-0,8 |
Appareils de chauffage à induction (50 Hz-10 kHz) |
|
|
Fours-poches à 50 Hz |
0,2-8 |
0,5-1 |
Fours à arc à 50 Hz |
Jusqu’à 1 |
2 |
Agitateurs à induction à 10 Hz |
0,2-0,3 |
2 |
Soudage sous laitier à 50 Hz |
0,5-1,7 |
0,2-0,9 |
Matériel thérapeutique |
1-16 |
1 |
Sources: Allen, 1991; Bernhardt, 1988a; Krause, 1986; Lövsund, Oberg et Nilsson, 1982; Repacholi, données non publiées; Stuchly, 1986; Stuchly et Lécuyer, 1985, 1989.
Un appareil de mesure du champ électrique ou magnétique se compose essentiellement de trois parties: une sonde, des conducteurs et le boîtier de mesure. Pour effectuer des mesures correctes, les appareils de mesure devraient avoir les caractéristiques énumérées ci-après:
On procède ordinairement à des relevés pour déterminer si les champs présents sur le lieu de travail restent au-dessous des limites fixées dans les normes nationales. La personne qui prend les mesures doit donc très bien connaître ces normes.
Tous les endroits occupés par des opérateurs et accessibles au personnel doivent être compris dans un relevé. Lopérateur de léquipement mis à lépreuve et le responsable du relevé devraient se tenir aussi loin que possible de la zone dessai. Tous les objets normalement présents, qui pourraient refléter ou absorber de lénergie, doivent rester en place. Le responsable du relevé devrait se protéger contre le risque de brûlure et de choc par ondes RF, surtout à proximité de systèmes basse fréquence à forte puissance.
Les seuls mécanismes établis dinteraction entre les champs mégamétriques ou myriamétriques et les systèmes biologiques sont passés en revue ci-après:
Parmi les interactions énumérées ci-dessus, les deux premières sont des exemples de couplage direct entre des personnes et des champs dondes mégamétriques ou myriamétriques. Les quatre dernières, par contre, sont des exemples de mécanismes de couplage indirect parce quelles ne peuvent se produire que si lorganisme exposé se trouve à proximité dun autre corps soumis au champ (autres êtres humains, animaux ou objets tels que voitures, clôtures, etc.).
Même si des hypothèses ont été émises sur lexistence dautres mécanismes dinteraction entre les tissus biologiques et les champs dondes mégamétriques ou myriamétriques et que quelques faits semblent les appuyer (OMS, 1993; NRPB, 1993; NRC, 1996), il na jamais été possible détablir que ces mécanismes pouvaient avoir des effets nocifs.
Les indices recueillis jusquici donnent à penser que la plupart des effets prouvés de lexposition à des champs électriques et magnétiques de fréquence comprise entre 0 et 30 kHz résultent de réactions aiguës à des charges superficielles et à des courants induits. Les personnes exposées peuvent percevoir les fluctuations de la charge superficielle induite sur leur corps par les champs électriques dondes mégamétriques (mais non par les champs magnétiques). Ces variations peuvent être gênantes si elles sont assez intenses. Les effets produits par des courants traversant le corps humain (seuils de perception, de relâchement et de contraction tétanique) sont résumés dans le tableau 49.6.
Effets |
Sujets |
Seuil d’intensité du courant (mA) |
||||
50 et 60 Hz |
300 Hz |
1000 Hz |
10 kHz |
30 kHz |
||
Perception |
Hommes |
1,1 |
1,3 |
2,2 |
15 |
50 |
Choc; seuil de retrait |
Hommes |
9 |
11,7 |
16,2 |
55 |
126 |
Tétanisation thoracique; choc électrique grave |
Hommes |
23 |
30 |
41 |
94 |
320 |
Source: Bernhardt, 1988b.
On a réussi à stimuler des cellules nerveuses et musculaires humaines au moyen de courants induits par exposition à des champs magnétiques de plusieurs mT, à des fréquences comprises entre 1 et 1,5 kHz. Le seuil estimé de la densité du courant se situait au-dessus de 1 A/m2. Des effets de papillotement visuel peuvent être provoqués par lexposition de lil à des champs magnétiques même à des niveaux de lordre de 5 à 10 mT (à 20 Hz) ou par application directe de courants électriques sur la tête. Ces réactions, ainsi que les résultats détudes neurophysiologiques semblent indiquer que certaines fonctions subtiles du système nerveux central, comme le raisonnement ou la mémoire, pourraient être affectées par des densités de courant supérieures à 10 mA/m2 (NRPB, 1993). Il est probable que les seuils restent constants jusquà environ 1 kHz, et sélèvent ensuite avec la fréquence.
Plusieurs études in vitro (OMS, 1993; NRPB, 1993) ont signalé des changements du métabolisme (modification de lactivité enzymatique et du métabolisme des protéines et toxicité réduite des lymphocytes) dans différentes lignées cellulaires exposées à des champs électriques dondes mégamétriques et myriamétriques, ainsi quà des courants directement appliqués aux cultures cellulaires. La plupart des effets ont été notés à des densités de courant comprises entre 10 et 1 000 mA/m2, mais ces réactions ne sont pas très clairement définies (Sienkiewicz, Saunder et Kowalczuk, 1991). Il y a toutefois lieu de noter que les densités de courant endogènes engendrées par lactivité électrique des nerfs et des muscles peuvent couramment sélever à 1 mA/m2 et même atteindre 10 mA/m2 dans le cur. A ces densités, le courant ne perturbe pas le système nerveux, les muscles et les autres tissus. On peut éviter les effets biologiques en maintenant le courant induit à moins de 10 mA/m2 jusquà des fréquences denviron 1 kHz.
Il y a plusieurs autres mécanismes possibles dinteraction biologique qui pourraient avoir de multiples incidences sur la santé et sur lesquels nos connaissances sont limitées. Mentionnons notamment les suivants: changement possible des niveaux nocturnes de mélatonine dans lépiphyse et perturbation des rythmes circadiens induits chez les animaux par lexposition à des champs électriques et magnétiques dondes mégamétriques, et effets possibles des champs magnétiques mégamétriques sur les processus de développement et de cancérogenèse. De plus, il semble que lon ait détecté des réactions biologiques à des champs électriques et magnétiques très faibles, ce qui se manifesterait par une altération de la mobilité des ions calcium dans le tissu cérébral, la modification des profils de décharge neuronale et la modification du comportement opérant. On a également signalé lexistence de «fenêtres» damplitude et de fréquence qui remettent en cause lhypothèse conventionnelle selon laquelle lintensité de la réaction croît avec la dose. Ces effets ne sont pas assez bien établis pour servir de base à la définition de limites dexposition pour les humains, mais justifient des études plus poussées (Sienkiewicz, Saunder et Kowalczuk, 1991; OMS, 1993; NRC, 1996).
Le tableau 49.7 présente les densités de courant induites correspondant à divers effets biologiques chez les humains.
Effet |
Densité de courant (mA/m2 ) |
Stimulation directe des nerfs et des muscles |
1 000-10 000 |
Altération de l’activité du système nerveux central |
100-1 000 |
Modifications de la fonction rétinienne |
10-100 |
Densité de courant endogène |
1-10 |
Source: Sienkiewicz, Saunder et Kowalczuk, 1991.
La quasi-totalité des normes fixant des limites dans lintervalle de fréquence compris entre 0 et 30 kHz se fondent sur la nécessité de maintenir les champs et les courants électriques induits à des niveaux non dangereux. Habituellement, les densités de courant induites sont limitées à moins de 10 mA/m2. Le tableau 49.8 présente un résumé des limites actuelles dexposition professionnelle.
Pays/Référence |
Intervalle de fréquence |
Champ électrique (V/m) |
Champ magnétique (A/m) |
Normes internationales (IRPA, 1990) |
50/60 Hz |
10 000 |
398 |
Etats-Unis (IEEE, 1991) |
3-30 kHz |
614 |
163 |
Etats-Unis (ACGIH, 1993) |
1-100 Hz |
25 000 |
60/f |
Allemagne (1996) |
50/60 Hz |
10 000 |
1 600 |
Royaume-Uni (NRPB, 1993) |
1-24 Hz |
25 000 |
64 000/f |
Lexposition professionnelle à proximité des lignes de transmission à haute tension dépend de lendroit où se tient le travailleur, selon quil est au niveau du sol ou à la hauteur des conducteurs sur des lignes sous tension. Dans ce dernier cas, il peut porter des vêtements protecteurs pour réduire lintensité du champ électrique et la densité du courant induit dans son corps à des valeurs proches de celles quil aurait à subir sil travaillait au sol. Par contre, les vêtements protecteurs ne réduisent pas lintensité du champ magnétique.
Il importe dattribuer clairement la responsabilité de la protection des travailleurs et du public contre déventuels effets nocifs de lexposition aux champs électriques et magnétiques dondes mégamétriques et myriamétriques. Il est recommandé à cet effet que les autorités compétentes prennent les mesures suivantes:
Lenvironnement naturel et le cadre de vie de lêtre humain produisent des champs électriques et magnétiques de diverses intensités qui sexercent partout, en plein air, au bureau, au foyer et à lusine. Deux importantes questions se posent à cet égard: 1) lexposition à ces champs peut-elle nuire à la santé; et 2) quelles valeurs faut-il donner à des limites dexposition se voulant «sans danger»?
Il est question dans cet article des champs électriques et magnétiques statiques. On y passe en revue les études effectuées sur les travailleurs de différentes branches et sur des animaux, études qui nont pas réussi à démontrer lexistence deffets biologiques bien caractérisés aux niveaux dexposition rencontrés en pratique. Néanmoins, les efforts déployés par un certain nombre dorganisations internationales pour établir des lignes directrices destinées à protéger les travailleurs et la population contre des niveaux dexposition potentiellement dangereux sont aussi évoqués.
Lorsquune tension ou une intensité électriques sont appliquées à un objet tel quun conducteur, celui-ci acquiert une charge qui exerce des forces sur les autres charges se trouvant à proximité. On distingue deux genres de forces: celle que produisent des charges électriques statiques, que lon appelle force électrostatique , et celle qui ne se manifeste que lorsque des charges sont en mouvement (par exemple, quant un courant électrique circule dans un conducteur), que lon appelle force magnétique . Les physiciens et les mathématiciens ont créé le concept de champ pour décrire lexistence et la distribution spatiale de ces forces. On parle donc de champs de forces ou, tout simplement, de champs électriques et magnétiques.
Ladjectif statique décrit une situation dans laquelle toutes les charges sont fixes dans lespace, ou se déplacent dun mouvement régulier, produisant des charges et des densités de courant qui sont constantes dans le temps. Si les charges sont fixes, nous aurons un champ électrique dont lintensité en un point quelconque de lespace dépend de la valeur et de la disposition géométrique de toutes les charges. Dans le cas dun courant électrique constant circulant dans un circuit, nous aurons à la fois un champ électrique et un champ magnétique constants dans le temps (champs statiques), puisque la densité de charge en tout point du circuit demeure invariable.
Electricité et magnétisme sont deux phénomènes distincts tant que les charges et le courant sont statiques; dans de telles conditions, il nexiste aucune relation entre le champ électrique et le champ magnétique et lon peut les traiter séparément (contrairement à ce qui se produit si les champs varient dans le temps). Les champs électriques et magnétiques statiques sont clairement caractérisés par des intensités constantes et indépendantes du temps, correspondant à la limite de fréquence nulle des ondes dextrêmement basse fréquence.
Un champ électrique statique est produit par un corps portant des charges électriques. De même, des charges électriques sont induites à la surface dun objet placé dans un champ électrique statique. Par conséquent, le champ électrique à la surface dun objet, comme sur une pointe, peut être plus intense que le champ électrique non perturbé qui aurait existé en labsence de lobjet. Le champ à lintérieur de lobjet peut être très petit ou nul. Un champ électrique exerce une force sur des objets portant une charge; il peut, par exemple, hérisser les poils du corps, ce qui est parfois perceptible.
En moyenne, la terre porte une charge superficielle négative, tandis que la haute atmosphère est chargée positivement. Le champ électrique statique résultant, près de la surface de la terre, a une intensité denviron 130 V/m. Ce champ diminue avec laltitude, passant à environ 100 V/m à 100 m, à 45 V/m à 1 km et à moins de 1 V/m à 20 km. Toutefois, les valeurs effectives varient considérablement, selon le profil local de température et dhumidité et la présence de contaminants ionisés. Au-dessous de formations orageuses et même à lapproche de telles formations, dimportantes variations de champ se produisent au niveau du sol parce que la partie inférieure dun nuage est en général négative, tandis que la masse supérieure est positive. De plus, il existe une différence de potentiel entre le nuage et le sol. Au fur et à mesure de lapproche du nuage, le champ au sol commence parfois par augmenter pour sinverser ensuite, le sol acquérant une charge positive. Dans ce processus, on peut observer des champs de 100 V/m à 3 kV/m même en labsence déclairs locaux. Les inversions de champ peuvent se produire très rapidement, parfois en une minute et des intensités de champ élevées peuvent persister pendant toute la durée de lorage. Comme les formations orageuses, les nuages ordinaires contiennent des charges électriques et peuvent donc modifier dans une forte mesure le champ électrique au sol. De plus, le champ peut doubler comparativement à sa valeur par beau temps en présence de brouillard, de pluie ou de grandes et de petites zones ionisées dorigine naturelle. Même par temps parfait, le champ électrique fluctue au cours du cycle journalier. Ces variations diurnes sont probablement dues à des changements assez réguliers de lionisation locale, à des fluctuations de la température et de lhumidité et aux changements correspondants de la conductivité électrique de latmosphère à proximité du sol, ainsi quau transfert cinétique des charges sous leffet des mouvements locaux de lair.
Les valeurs typiques des champs électrostatiques dorigine humaine se situent entre 1 et 20 kV/m dans les bureaux et dans les logements. On trouve souvent des champs de cet ordre au voisinage dappareils à haute tension comme les téléviseurs et les terminaux à écran de visualisation. Ils peuvent également être engendrés par frottement. Les lignes de transmission à courant continu, qui constituent un moyen économique de distribution de lélectricité sur de grandes distances, engendrent aussi des champs électriques et magnétiques.
Les champs électriques statiques sont dune utilisation courante dans différentes branches: produits chimiques, textiles, aéronautique, papier, caoutchouc et transports.
Les études expérimentales nont abouti à aucun résultat permettant de conclure que les champs électriques statiques peuvent nuire à la santé humaine. Les quelques rares études effectuées sur des animaux ne semblent pas non plus avoir confirmé la thèse de lexistence deffets sur les gènes, sur la croissance de tumeurs ou sur les systèmes endocrinien ou cardio-vasculaire (le tableau 49.9 présente un résumé des résultats des études effectuées sur des animaux).
Paramètres biologiques |
Effets signalés |
Conditions d’exposition |
Hématologie et immunologie |
Changements des fractions albumineuse et globulinique des protéines sériques chez le rat |
Exposition continue à des champs de 2,8 à 19,7 kV/m entre 22 et 52 jours d’âge |
Système nerveux |
Modifications significatives de l’électroencéphalogramme chez le rat. Toutefois, aucun indice clair de réponse cohérente |
Exposition à des champs électriques atteignant 10 kV/m |
Comportement |
Des études sérieuses récemment réalisées ne signalent aucun effet sur le comportement des rongeurs |
Exposition à des champs atteignant 12 kV/m |
Reproduction et développement |
Pas de différences significatives dans le nombre total de descendants, ni dans le pourcentage de survivants chez la souris |
Exposition à 340 kV/m, 22 h/jour, avant, pendant et après la gestation |
Par ailleurs, aucune étude in vitro na été réalisée pour évaluer les effets de lexposition de cellules à des champs électriques statiques.
Des calculs théoriques permettent de penser quun champ électrique statique induit une charge à la périphérie du corps dune personne exposée que celle-ci peut percevoir en cas de décharge par lintermédiaire dun objet mis à la terre. Sous leffet dun potentiel assez élevé, lair sionise et peut conduire un courant électrique, par exemple, entre un objet chargé et une personne en contact avec la terre. La tension de claquage dépend dun certain nombre de facteurs, dont la forme de lobjet chargé et les conditions atmosphériques. Les valeurs typiques des champs électriques correspondants se situent entre 500 et 1 200 kV/m.
Selon des rapports provenant de quelques pays, des opérateurs de terminaux à écran de visualisation auraient souffert de troubles cutanés, mais la relation précise entre ces troubles et le travail sur ce type de matériel napparaît pas clairement. On a émis lhypothèse que les champs électriques statiques pouvaient avoir causé ces troubles. Il est également possible que la charge électrostatique de lopérateur ait joué un rôle. Toutefois, les données de recherche disponibles nous imposent de considérer comme hypothétique toute relation entre les champs électrostatiques et des troubles cutanés.
Le mesurage de lintensité dun champ électrique statique peut se ramener au mesurage des tensions ou des charges électriques. On trouve dans le commerce différents voltmètres électrostatiques permettant deffectuer, sans contact matériel, des mesurages précis de champs électrostatiques et dautres sources à haute impédance. Certains appareils recourent à un hacheur électrostatique pour réduire la dérive et à une rétroaction négative pour améliorer la précision et réduire la sensibilité à lécart entre la sonde et la surface. Dans certains cas, lélectrode électrostatique «regarde» la surface étudiée par une petite ouverture ménagée à la base de la sonde. Le signal alternatif haché induit sur cette sonde est proportionnel à la différence de potentiel entre la surface et la sonde. Des adaptateurs à gradient sont utilisés comme accessoires des voltmètres électrostatiques, leur permettant alors de mesurer lintensité du champ électrostatique et de donner une lecture directe en volts par mètre décart entre la surface étudiée et la plaque mise à la terre de ladaptateur.
Il nexiste pas actuellement de données fiables pouvant servir de base à la définition de limites dexposition aux champs électriques statiques. En principe, il serait possible de déduire une limite dexposition de la tension minimale de claquage dans lair; toutefois, le champ qui sexerce sur une personne placée dans un champ électrique statique varie avec lorientation et la forme du corps, ce quon doit prendre en compte lorsquon cherche à définir une limite appropriée.
Aux Etats-Unis, la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) a recommandé des valeurs limites dexposition sous la forme de TLV (1995). Ces TLV représentent lintensité maximale du champ électrique statique auquel pratiquement tous les travailleurs peuvent être exposés sans protection, de façon répétée, en milieu de travail, sans risque deffets nocifs. Selon lACGIH, lexposition professionnelle à des champs électriques statiques ne devrait pas dépasser 25 kV/m. Cette valeur devrait servir de guide pour contrôler lexposition et, compte tenu de la sensibilité individuelle, ne devrait pas être considérée comme fixant une ligne de démarcation claire entre des niveaux sûrs et des niveaux dangereux (cette limite correspond à lintensité du champ dans lair, à lécart de surfaces conductrices pouvant engendrer des risques notables par décharges, par étincelles et par courants de contact, et sapplique à une exposition tant partielle que totale du corps). Il faudrait prendre soin déliminer tous les objets non mis à la masse ou de les raccorder à une prise de terre ou encore de porter des gants isolants en les manipulant. De manière générale la prudence dicte de recourir à des équipements ou dispositifs de protection (vêtements, gants, matériaux isolants, etc.) dans tous les champs dune intensité supérieure à 15 kV/m.
Selon lACGIH, les connaissances actuelles relatives aux réactions humaines et aux effets biologiques possibles des champs électriques statiques ne permettent pas de fixer des TLV fiables sous forme de moyennes pondérées dans le temps. A défaut de renseignements précis provenant du fabricant relatifs à la compatibilité électromagnétique, il est recommandé de maintenir à 1 kV/m ou moins lexposition des patients portant des stimulateurs cardiaques ou dautres dispositifs électroniques à usage médical.
Daprès une norme DIN allemande, lexposition professionnelle aux champs électriques statiques ne devrait pas dépasser 40 kV/m. Une limite de 60 kV/m est autorisée pendant de courtes périodes (jusquà 2 h par jour).
Au Royaume-Uni, le National Radiological Protection Board (NRPB, 1993) a publié en 1993 un avis au sujet des restrictions à imposer à lexposition des personnes à des champs et à des rayonnements électromagnétiques, y compris les champs électriques et magnétiques statiques. Le document du NRPB fournit des niveaux dinvestigation auxquels on doit comparer les valeurs mesurées des champs pour déterminer sil y a ou non conformité avec les limites de base. Si le champ auquel une personne est exposée dépasse le niveau dinvestigation applicable, on doit vérifier la conformité aux limites de base. Les facteurs à considérer lors dune telle vérification comprennent, par exemple, lefficacité du couplage entre la personne et le champ, la distribution spatiale du champ dans lespace occupé par la personne et la durée de lexposition.
Daprès le NRPB, il nest pas possible de recommander des limites de base destinées à éviter les effets directs de lexposition à des champs électriques statiques. Le NRPB définit plutôt des valeurs ayant pour objet de prévenir les effets gênants dune perception directe de la charge électrique superficielle et les effets indirects tels que les chocs électriques. Pour la plupart des individus, il ny a pas de perception gênante de la charge électrique superficielle agissant directement sur le corps dans des champs statiques inférieurs à environ 25 kV/m, chiffre identique à celui que recommande lACGIH. Pour éviter les étincelles (effets indirects) qui sont une cause de stress, le NRPB recommande que les courants continus par contact soient limités à moins de 2 mA. Quant aux chocs électriques produits par des sources à faible impédance, on peut les éviter en se conformant aux consignes de sécurité électrique établies pour le matériel en cause.
Le corps est relativement «transparent» aux champs magnétiques statiques, qui réagissent directement avec les matériaux magnétiquement anisotropes (dont les propriétés ont des valeurs différentes lorsquelles sont mesurées selon différents axes) et les charges en mouvement.
Le champ magnétique naturel est la somme du champ interne dû à la terre agissant comme un aimant permanent, et dun champ externe produit dans lenvironnement par des facteurs tels que lactivité solaire et les conditions atmosphériques. Le premier est dû aux courants qui circulent dans lécorce terrestre. Son intensité varie sensiblement avec le lieu; sa valeur moyenne va de 28 A/m environ à léquateur (ce qui correspond à une densité de flux magnétique denviron 35 mT dans un milieu non magnétique comme lair) à 56 A/m au-dessus des pôles géomagnétiques (près de 70 mT dans lair).
Lintensité des champs magnétiques artificiels dépasse celle des champs naturels de plusieurs ordres de grandeur. Les sources artificielles de champs magnétiques statiques comprennent tous les dispositifs ayant des circuits à courant continu, ce qui englobe de nombreux appareils électroménagers et matériels industriels.
Dans les lignes de transport délectricité à courant continu, les champs magnétiques statiques sont produits par les charges en mouvement (cest-à-dire par le courant électrique) dans les conducteurs. Dans le cas dune ligne aérienne, la densité du flux magnétique au niveau du sol est denviron 20 mT pour une ligne à ± 500 kV. Dans le cas dune ligne de transmission souterraine enfouie à 1,4 m de profondeur et portant un courant maximum denviron 1 kA, la densité maximale du flux magnétique est inférieure à 10 mT au niveau du sol.
Les principales technologies utilisant des champs magnétiques statiques importants sont énumérées dans le tableau 49.10 qui indique les niveaux dexposition correspondants.
Dispositifs et procédés |
Niveaux d’exposition |
Technologies énergétiques |
|
Réacteurs à fusion thermonucléaire |
Champs périphériques atteignant 50 mT dans les zones accessibles au personnel |
Systèmes magnétohydrodynamiques |
Environ 10 mT à 50 m; 100 µT seulement à plus de 250 m |
Systèmes de stockage d’énergie à aimants supraconducteurs |
Champs périphériques atteignant 50 mT en des endroits accessibles aux opérateurs |
Génératrices et lignes de transmission à supraconducteurs |
Champs périphériques fixés à moins de 100 mT |
Installations de recherche |
|
Chambres à bulles |
Durant les changements de pellicule, champ d’environ 0,4-0,5 T au niveau des pieds et d’environ 50 mT au niveau de la tête |
Spectromètres à supraconducteurs |
Près de 1 T en des endroits accessibles aux opérateurs |
Accélérateurs de particules |
Le personnel est rarement exposé, l’accès aux zones à rayonnement intense étant interdit, sauf pendant les périodes de maintenance |
Installations de séparation isotopique |
Expositions de courte durée à des champs atteignant 50 mT |
Industrie |
|
Production de l’aluminium |
Intensités atteignant 100 mT en des endroits accessibles aux opérateurs |
Procédés électrolytiques |
Intensités moyenne et maximale atteignant respectivement 10 et 50 mT |
Production d’aimants |
2-5 mT aux mains des travailleurs et 300-500 µT au niveau du thorax et de la tête |
Médecine |
|
Imagerie et spectroscopie par résonance magnétique nucléaire |
Sans écran, un aimant de 1 T produit environ 0,5 mT à 10 m et un aimant de 2 T le même champ à 13 m |
Les résultats dexpériences sur des animaux de laboratoire révèlent que des champs magnétiques statiques allant jusquà 2 T nont aucun effet notable sur les nombreux facteurs de développement, de comportement ou physiologiques pris en compte. Des études effectuées sur des souris nont pas non plus révélé deffets nocifs sur des ftus exposés à des champs magnétiques atteignant 1 T.
En théorie, un puissant champ magnétique pourrait freiner la circulation du sang et provoquer une hausse de la tension sanguine. A 5 T, la circulation devrait en principe baisser au maximum de quelques points en pourcentage; aucune baisse cependant na été observée en pratique chez des sujets soumis à 1,5 T.
Certaines études effectuées sur des sujets soccupant de la fabrication daimants permanents font état de symptômes subjectifs et de perturbations fonctionnelles: irritabilité, fatigue, maux de tête, perte dappétit, bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque), tachycardie (accélération du rythme cardiaque), hypotension, altérations de lélectroencéphalogramme, démangeaisons, sensations de brûlure et engourdissements. Toutefois, labsence danalyse ou dévaluation statistique de lincidence des risques physiques ou chimiques dans le milieu de travail réduit sensiblement la validité de ces observations et en rend lévaluation difficile. Quoique ces études ne soient pas concluantes, on peut en tirer une conclusion, à savoir que sil y a effectivement des effets à long terme, ils sont très subtils, car aucun effet cumulatif important na été signalé. Des personnes exposées à une densité de flux magnétique de 4 T auraient éprouvé les effets sensoriels associés au mouvement dans un champ magnétique: étourdissements, nausées, goût métallique dans la bouche et sensation de «vertige magnétique» en bougeant les yeux ou la tête. Toutefois, deux enquêtes épidémiologiques portant sur létat de santé général des travailleurs chroniquement soumis à des champs magnétiques statiques nont révélé aucun effet notable sur la santé. Des chercheurs ont examiné les données médicales de 320 travailleurs dusines où il existait de grands bassins délectrolyse servant à des procédés de séparation chimique et où lon pouvait mesurer une induction statique moyenne de 7,6 mT, avec un maximum à 14,6 mT. Par rapport au groupe témoin de 186 travailleurs, le groupe exposé présentait de légères modifications dans la numération des globules blancs, qui restait cependant dans lintervalle normal. Aucun des changements transitoires observés en ce qui concerne la tension ou dautres paramètres sanguins na été considéré comme indiquant un effet préjudiciable notable associé à lexposition au champ magnétique. Dans une autre étude, on a évalué la prévalence de la maladie parmi 792 travailleurs exposés à des champs magnétiques statiques en milieu de travail. Le groupe témoin comptait 792 travailleurs non exposés présentant les mêmes caractéristiques dâge, de race et de situation socio-économique que le groupe principal. Lexposition au champ magnétique allait de 0,5 mT pendant de longues périodes à 2 T pendant plusieurs heures. On na pas observé de variation statistiquement significative dans la prévalence de 19 catégories de maladies entre le groupe exposé et le groupe témoin. Il ny avait pas non plus de différence de prévalence chez un sous-groupe de 198 personnes exposées à 0,3 T ou plus pendant des périodes dau moins une heure par rapport au reste de la population exposée, ni par rapport aux membres correspondants du groupe témoin.
Dans un rapport traitant des travailleurs de lindustrie de laluminium, on a fait état dun taux élevé de décès par leucémie. Bien que létude épidémiologique ait semblé indiquer un risque accru de cancer pour les personnes directement employées à la production daluminium dans laquelle les travailleurs sont exposés à des champs magnétiques statiques puissants , il nexiste à lheure actuelle aucune indication claire quant à la nature des facteurs cancérogènes rencontrés dans le milieu de travail. La réduction de laluminium produit différents composés (goudron, brais volatilisés, vapeurs de fluorure, oxydes de soufre et gaz carbonique), dont certains sont plus plausibles que les champs magnétiques comme agents cancérogènes.
En France, une étude concernant des travailleurs de laluminium a par contre montré que les décès par cancer et la mortalité générale parmi les travailleurs ne présentaient pas de différences significatives par rapport à lensemble de la population française de sexe masculin (Mur et coll., 1987).
Une autre étude a également abouti à des résultats négatifs. Elle portait sur des travailleurs dune usine où des courants continus de 100 kA utilisés pour produire du chlore par électrolyse engendraient des densités de flux magnétique statique comprises entre 4 et 29 mT aux endroits où se tenaient les travailleurs. Sur une période 25 ans, les taux observés et les taux attendus de cancer parmi les sujets de létude ne présentaient pas de différences significatives.
Au cours des trente dernières années, le mesurage des champs magnétiques a considérablement évolué, les progrès techniques réalisés ayant permis de mettre au point de nouvelles méthodes de mesure et daméliorer les anciennes.
Les deux types de sondes les plus courants sont la bobine blindée et la sonde à effet Hall, qui constituent lélément de base de la plupart des appareils de mesure du champ magnétique. Récemment, des dispositifs à semi-conducteurs, comme les transistors bipolaires et les transistors à effet de champ, ont été proposés comme capteurs de champ magnétique. Ils offrent certains avantages par rapport aux sondes à effet Hall: plus grande sensibilité, meilleure résolution spatiale et plus grande largeur de bande.
Le principe de la technique de mesurage par résonance magnétique nucléaire (RMN) consiste à déterminer la fréquence de résonance dun spécimen dans le champ magnétique à mesurer. Il sagit dune mesure absolue qui peut être effectuée avec une très grande précision. Lintervalle de mesure va denviron 10 mT à 10 T, sans limites définies. Dans les mesures de champ basées sur la méthode de la résonance magnétique protonique, on peut facilement obtenir une précision de lordre de 104 à laide dun appareil simple et atteindre une précision de 106 en prenant beaucoup de précautions et en utilisant un équipement perfectionné. La faiblesse inhérente de la RMN réside dans le fait quelle est limitée aux champs à faible gradient et quelle ne donne aucune information sur la direction du champ.
Récemment, plusieurs dosimètres individuels permettant de surveiller lexposition à des champs magnétiques statiques ont été mis au point.
Les mesures de protection applicables à lutilisation industrielle et scientifique des champs magnétiques peuvent être des dispositions sappliquant à la conception du matériel, des mesures imposant une distance déloignement et des mesures organisationnelles de prévention. Une autre catégorie de mesures de prévention dordre général, le port dun équipement de protection individuelle (par exemple, vêtements et casques spéciaux), ne sapplique pas dans le cas des champs magnétiques. La protection contre les risques liés à lincompatibilité électromagnétique en ce qui concerne le matériel électronique médical ou durgence et les implants chirurgicaux et dentaires devrait encore faire lobjet de recherches. Les forces mécaniques qui sexercent sur des implants et des objets libres ferromagnétiques (contenant du fer) dans les installations où règnent des champs magnétiques intenses imposent de prendre des précautions pour se prémunir contre les risques pour la sécurité et la santé.
Les techniques destinées à minimiser lexposition à des champs magnétiques intenses au voisinage des grandes installations industrielles et de recherche relèvent de quatre catégories:
La mesure la plus courante pour limiter lexposition du personnel à proximité des installations mettant en uvre des aimants importants consiste à mettre en place des zones à accès contrôlé et des signaux de mise en garde. Les mesures organisationnelles de ce genre sont généralement préférables à la solution du blindage magnétique, qui peut être extrêmement coûteuse. Cependant, les objets libres constitués de matériaux ferromagnétiques et paramagnétiques (faits de tout matériau pouvant saimanter) peuvent se transformer en dangereux projectiles sils sont soumis à dintenses gradients de champ magnétique. On ne peut prévenir ce risque quen éliminant de la zone les objets métalliques non fixés, y compris ceux portés par le personnel qui sy trouve. Les objets tels que ciseaux, limes à ongles, tournevis et scalpels devraient être interdits dans le voisinage immédiat.
Les premières recommandations relatives aux champs magnétiques statiques ont été élaborées sous forme de guide non officiel dans lex-Union soviétique. Fondées sur des recherches cliniques, ces recommandations proposaient de limiter lintensité du champ magnétique statique en milieu de travail à 8 kA/m (10 mT).
Aux Etats-Unis, lACGIH a publié des valeurs limites dexposition (TLV) aux champs magnétiques statiques que la plupart des travailleurs pouvaient supporter de façon répétée, jour après jour, sans effets nocifs pour leur santé. Comme dans le cas des champs électriques, ces valeurs devaient servir de guide pour le contrôle de lexposition aux champs magnétiques statiques, mais ne devaient pas être considérées comme établissant une ligne de démarcation nette entre les niveaux non dangereux et les niveaux dangereux. Daprès lACGIH, lexposition professionnelle courante ne devrait pas dépasser 60 mT, comme moyenne sur tout le corps, ou 600 mT aux extrémités, sur une base quotidienne pondérée dans le temps. Une densité de flux de 2 T est à considérer comme valeur plafond. Il ne faut pas perdre de vue non plus que les forces mécaniques exercées sur les outils et les implants médicaux en matières ferromagnétiques constituent un risque pour la sécurité.
En 1994, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP)) (1994) a publié des lignes directrices établissant une distinction entre les limites dexposition des travailleurs et du public aux champs magnétiques statiques. Les limites recommandées sont résumées dans le tableau 49.11. Aux densités de flux magnétique dépassant 3 mT, des précautions sont recommandées contre le danger de projection dobjets métalliques sous leffet du champ magnétique. Une intensité de 1 mT, par contre, peut perturber le fonctionnement des montres analogiques, des cartes de crédit, des bandes magnétiques et des disques informatiques, mais ne constitue pas un risque pour lindividu.
Type d’exposition |
Densité de flux magnétique |
Professionnelle |
|
Journée de travail complète (moyenne pondérée) |
200 mT |
Limite maximale |
2 T |
Bras et jambes |
5 T |
Grand public |
|
Exposition continue |
40 mT |
On peut autoriser laccès occasionnel du public à des installations spéciales où les densités de flux magnétique dépassent 40 mT, dans des conditions strictement contrôlées, pour autant que la limite dexposition professionnelle applicable ne soit pas dépassée.
Les limites dexposition de lICNIRP ont été fixées en fonction dun champ homogène. Dans le cas des champs non homogènes (cest-à-dire présentant des variations internes), la densité moyenne de flux magnétique doit être mesurée sur une surface de 100 cm2.
Daprès un document du NRPB, limposition de restrictions sur lexposition aiguë à des champs de moins de 2 T permettrait déviter des réactions sensibles telles que les vertiges ou nausées et les effets négatifs sur la santé résultant de larythmie cardiaque ou dun affaiblissement des facultés intellectuelles. Malgré le manque relatif de résultats concluants provenant détudes de populations exposées quant aux effets possibles à long terme des champs intenses, le NRPB considère quil est préférable de limiter à moins de 200 mT (soit un dixième de la limite destinée à prévenir les réactions aiguës) lexposition à long terme pondérée sur une période de 24 heures. Ces valeurs sont très semblables à celles que recommande lICNIRP, mais légèrement supérieures aux TLV de lACGIH.
Les personnes ayant des stimulateurs cardiaques, dautres implants avec circuit électronique ou des implants de matériaux ferromagnétiques pourraient ne pas être correctement protégées par les limites mentionnées ici. La majorité des stimulateurs cardiaques, cependant, ne devraient pas être sensibles à des champs dune intensité inférieure à 0,5 mT. Les personnes portant certains implants ferromagnétiques ou dispositifs à circuit électronique (autres que des stimulateurs cardiaques) pourraient être affectées par des champs dépassant quelques mT.
Il existe dautres recommandations sur les limites dexposition professionnelle. Trois dentre elles sont en vigueur dans des laboratoires de physique des hautes énergies: Centre de laccélérateur linéaire de Stanford (Stanford Linear Accelerator Center), Laboratoire national Lawrence Livermore, Californie (Lauwrence Livermore National Laboratory, California) et le Laboratoire européen pour la physique des particules de lOrganisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), Genève, à quoi il faut ajouter les recommandations provisoires appliquées par le ministère américain de lEnergie (Department of Energy (DOE)).
En Allemagne, daprès une norme DIN, lexposition professionnelle à des champs magnétiques statiques ne devrait pas dépasser 60 kA/m (environ 75 mT). Si seules les extrémités sont exposées, cette limite est fixée à 600 kA/m, et des intensités de champ atteignant 150 kA/m sont autorisées pour de courtes périodes dexposition du corps entier (jusquà 5 min/h).