Le bruit est lun des risques professionnels les plus courants. Aux Etats-Unis par exemple, plus de 9 millions de travailleurs sont exposés à des niveaux quotidiens moyens pondérés A de 85 décibels (abréviation 85 dB(A)). Ces niveaux de bruit représentent un danger potentiel pour leur audition et risquent de produire dautres effets indésirables. On estime à 5,2 millions le nombre de travailleurs exposés à des niveaux de bruit supérieurs à 85 dB(A) dans les industries manufacturières et les services généraux, ce qui représente environ 35% du nombre total de travailleurs des industries manufacturières des Etats-Unis.
Les niveaux sonores dangereux sont très faciles à repérer et, dans la grande majorité des cas, il est technologiquement possible de lutter contre le bruit excessif en appliquant les techniques disponibles, en modifiant la conception de léquipement ou des procédés ou en transformant a posteriori des machines bruyantes. Mais bien trop souvent, rien nest fait. Cette inertie sexplique par plusieurs raisons. Tout dabord, bien que de nombreuses solutions de lutte contre le bruit soient très peu coûteuses, dautres peuvent savérer très onéreuses, en particulier lorsque lobjectif vise un abaissement des nuisances sonores à des niveaux de 85 ou 80 dB(A).
Labsence de programmes de lutte contre le bruit et de programmes de conservation de laudition sexplique avant tout par le fait que, malheureusement, le bruit est souvent accepté comme un «mal nécessaire», lié à lactivité industrielle et qui fait partie du métier. Le bruit dangereux ne provoque ni hémorragie, ni fracture, ni lésion bizarre et, si les travailleurs parviennent à supporter les premiers jours ou semaines dexposition, ils ont souvent limpression quils «se sont habitués» au bruit. En fait, ce qui est plus probable, cest quils ont commencé à subir une perte auditive temporaire qui perturbe leur sensibilité auditive pendant leur journée de travail et disparaît souvent pendant la nuit. Ainsi, laugmentation de la perte auditive induite par le bruit est insidieuse dans la mesure où elle progresse au fil des mois et des années jusquà atteindre le stade du handicap sans que, bien souvent, le sujet ne sen rende compte.
Une autre raison importante expliquant pourquoi les dangers du bruit ne sont pas toujours reconnus vient de limage associée à la déficience auditive qui en résulte. Comme Raymond Hétu la démontré si clairement dans son article intitulé: «La réadaptation et la perte auditive due au bruit» figurant au chapitre no 17 «Le handicap et le travail» de la présente Encyclopédie , les sujets atteints de déficit auditif sont souvent perçus comme des personnes vieillissantes, aux capacités mentales ralenties et généralement incompétentes; de peur dêtre montrés du doigt, les sujets exposés à un risque auditif répugnent à admettre leur déficience ou un risque datteinte. Cette situation est regrettable, car les pertes auditives induites par le bruit deviennent permanentes et, lorsquelles sajoutent à la déficience naturelle liée à lâge, elles risquent de conduire à la dépression et à lisolement dans la seconde moitié de la vie. Cest avant le début de la perte auditive quil faut prendre des mesures préventives.
Comme nous lavons mentionné ci-dessus, le bruit est particulièrement fréquent dans les industries manufacturières. Aux Etats-Unis, selon les estimations du ministère du Travail, 19,3% des travailleurs des industries manufacturières et des services généraux sont exposés à des niveaux de bruit quotidiens de 90 dB(A) et plus, 34,4% subissent des niveaux supérieurs à 85 dB(A) et 53,1% des niveaux de plus de 80 dB(A). Ces estimations devraient être assez représentatives du pourcentage de travailleurs exposés à des niveaux de bruit dangereux dans les autres pays. Ces niveaux sont probablement plus élevés dans les pays moins développés, où les mesures de prévention technique ne sont pas aussi répandues, et un peu plus bas dans les pays dotés de programmes plus sévères de lutte contre le bruit, comme les pays scandinaves et lAllemagne.
De nombreux travailleurs à travers le monde sont soumis à des expositions très dangereuses qui dépassent largement 85 ou 90 dB(A). Aux Etats-Unis, par exemple, le ministère du Travail a estimé que près de 500 000 travailleurs sont exposés à des niveaux de bruit quotidiens de 100 dB(A) et plus, et que plus de 800 000 travailleurs sont soumis à des niveaux de 95 à 100 dB(A) dans les seules industries manufacturières.
La figure 47.1 présente les industries manufacturières les plus bruyantes des Etats-Unis par ordre décroissant en fonction du pourcentage de travailleurs exposés à plus de 90 dB(A) et fournit des estimations relatives au nombre de travailleurs exposés au bruit par branche.
Les autres articles du présent chapitre devraient permettre au lecteur de constater que les effets de la plupart des types de bruit sur laudition sont bien connus. Les critères concernant les effets dun bruit stable, fluctuant ou discontinu ont été définis depuis plus de trente ans et restent encore valables aujourdhui pour lessentiel. Il nen est pas de même pour le bruit impulsionnel. A des niveaux relativement bas, il ne semble pas plus nocif, voire peut-être moins, que le bruit continu, à énergie sonore égale. Mais à des niveaux sonores élevés, le bruit impulsionnel paraît plus préjudiciable, en particulier en cas de dépassement dun niveau critique ou, plus exactement, dune exposition critique. Il convient de mener dautres recherches pour définir plus exactement lallure de la courbe dommages/risque.
Un autre domaine quil convient déclaircir est leffet nocif du bruit, aussi bien sur laudition que sur létat général, en association avec dautres agents. Bien que les effets combinés du bruit et de médicaments ototoxiques soient assez bien connus, la combinaison du bruit et des produits chimiques industriels devient de plus en plus préoccupante. Les solvants et certains autres agents semblent avoir un effet neurotoxique accru lorsquils sont associés à des niveaux sonores élevés.
Dans le monde entier, ce sont les travailleurs exposés au bruit dans les industries manufacturières et les militaires qui font lobjet de la plus grande attention. Mais les industries minières, le bâtiment et les travaux publics, lagriculture et les transports comptent aussi un grand nombre de travailleurs exposés à des niveaux sonores dangereux comme le montre la figure 47.1. Il convient dévaluer les besoins spécifiques de ces professions et détendre à ces travailleurs les mesures de lutte contre le bruit et les autres aspects des programmes de conservation de laudition. Malheureusement, la mise en place de programmes de ce type ne constitue pas une garantie de prévention de la perte auditive ni des autres effets nocifs du bruit. Il existe bien des méthodes normalisées dévaluation de lefficacité des programmes de conservation de laudition, mais elles peuvent être lourdes et ne sont pas souvent utilisées. Il convient donc de développer des méthodes dévaluation simples, utilisables aussi bien dans les petites que dans les grandes entreprises ou dans celles qui ne disposent que de faibles moyens.
Comme nous lavons mentionné, les techniques permettant de résoudre la plupart des problèmes liés au bruit existent, mais un large fossé sépare encore la technologie disponible de son application. Il convient de mettre au point des méthodes capables de fournir à ceux qui en ont besoin des informations sur toutes les solutions de lutte contre le bruit. Linformation relative à la lutte contre les expositions sonores devrait être informatisée et mise à la disposition des utilisateurs non seulement dans les pays en développement, mais aussi dans les pays industriels.
Dans certains pays, on tend actuellement à sintéresser de plus en plus à lexposition non professionnelle au bruit et à la part que celle-ci représente dans la perte auditive induite par le bruit. Au nombre de ces sources de bruit et de ces activités, on peut citer la chasse, le tir, les jouets bruyants et la musique de forte intensité. Cette démarche présente lavantage de mettre en lumière certaines sources datteinte auditive, potentiellement importantes, mais elle peut en fait avoir linconvénient de détourner lattention des graves problèmes liés au bruit en milieu de travail.
On observe une évolution rapide dans les pays de lUnion européenne où la normalisation en matière de bruit progresse à pas de géant et concerne à la fois des normes relatives à lémission de bruit par les machines et des normes en matière dexposition au bruit.
La normalisation névolue pas rapidement en Amérique du Nord, en particulier aux Etats-Unis, où les efforts de réglementation sont au point mort et où il est possible que lon se dirige vers une déréglementation. Les efforts visant à réglementer le bruit des nouveaux produits ont été abandonnés en 1982 avec la fermeture du Bureau de la lutte contre le bruit (Noise Office) de lAgence américaine de protection de lenvironnement (Environmental Protection Agency (EPA)); il se pourrait que les normes en matière de bruit dorigine professionnelle fassent les frais du climat de déréglementation qui règne actuellement au Congrès américain.
Les pays en développement semblent vouloir commencer à adopter et à réviser leurs normes relatives au bruit. La tendance pour ces normes est au conservatisme dans la mesure où elles évoluent vers une limite dexposition admissible de 85 dB(A) et vers un rapport déquivalence temps/intensité de 3 dB. Il reste à savoir dans quelle mesure ces normes sont effectivement appliquées, notamment dans les économies émergentes.
Certains pays en développement ont tendance à concentrer leurs efforts sur la maîtrise du bruit par des mesures de prévention technique ou dorganisation du travail plutôt quà entrer dans la complexité de la surveillance audiométrique, des moyens de protection de laudition, de la formation et de la tenue de dossiers. Cette approche paraît tout à fait judicieuse là où elle est applicable. La fourniture complémentaire de protections individuelles peut parfois savérer nécessaire afin de ramener les expositions à des niveaux non dangereux.
* Certaines parties de ce qui suit ont été adaptées de A.H. Suter: «Noise and the conservation of hearing», chap. 2, Hearing Conservation Manual (3e édition), Council for Accreditation in Occupational Hearing Conservation, Milwaukee, Wisconsin, Etats-Unis, 1993).
La perte auditive constitue certainement leffet néfaste le plus connu et probablement le plus grave du bruit, mais ce nest pas le seul. Au nombre des autres effets indésirables, on peut citer les acouphènes (sifflements et bourdonnements doreilles), la perturbation de la communication orale et la non-perception de signaux sonores de sécurité, la diminution des performances, la gêne et les effets extra-auditifs. Dans la majorité des cas, la protection de laudition des travailleurs devrait les mettre à labri de la plupart des autres effets. Tous ces aspects constituent un argument supplémentaire pour inciter les entreprises à mettre en uvre de bons programmes de lutte contre le bruit et de conservation de laudition.
Latteinte auditive induite par le bruit est très courante, mais elle demeure souvent sous-estimée parce que ses effets ne sont pas visibles et restent dans la plupart des cas indolores. On observe seulement une perte progressive de la communication avec la famille et les amis, et une perte de sensibilité aux sons de lenvironnement tels que le chant des oiseaux et la musique. Malheureusement, on croit généralement que laudition reste bonne tant quelle na pas disparu.
Cette perte peut être tellement progressive que lindividu ne se rend compte de ce qui est arrivé que lorsque son déficit auditif devient invalidant. Le premier signe est généralement que les autres semblent ne plus parler aussi distinctement quauparavant. La personne atteinte de déficit auditif va devoir demander aux autres de répéter; elle sera froissée par leur manque apparent de considération. Elle dira souvent aux membres de sa famille ou à ses amis: «Ne criez pas. Je vous entends, mais je ne comprends pas ce que vous dites».
Lorsque la perte auditive saggrave, la personne atteinte commence à éviter les situations de la vie sociale. Léglise, les réunions diverses, les événements sociaux et le théâtre commencent à perdre leur attrait; la personne atteinte va choisir de rester chez elle. Le volume sonore de la télévision devient une source de conflit au sein de la famille et les membres de lentourage sont parfois amenés à quitter la pièce parce que le sujet atteint ne veut pas baisser le son.
La presbyacousie, perte auditive qui accompagne naturellement le vieillissement, sajoute à la déficience auditive lorsque la personne atteinte de perte auditive induite par le bruit vieillit. Dans certains cas, lévolution de la perte atteint un stade tel que la personne ne peut plus communiquer avec son entourage quau prix de grandes difficultés et quelle se retrouve vraiment isolée. Même si un appareil auditif peut apporter une aide dans certains cas, la clarté de laudition naturelle ne sera jamais restaurée comme la vue peut lêtre avec des lunettes.
Latteinte auditive induite par le bruit est généralement considérée comme une maladie professionnelle plutôt que comme un accident du travail parce que son évolution est progressive. Il peut arriver exceptionnellement quun travailleur soit victime dune perte auditive immédiate et permanente à la suite de lexposition à un bruit soudain et très intense, tel quune explosion ou un procédé industriel très bruyant comme le rivetage sur acier. Dans ce cas, on considère parfois la perte auditive comme accidentelle; on lappelle alors «traumatisme sonore». Cependant, en règle générale, la capacité auditive décline lentement sur un grand nombre dannées. Le niveau de latteinte dépend du niveau de bruit, de la durée de lexposition et de la sensibilité individuelle du travailleur. Il nexiste malheureusement pas de traitement médical de la surdité professionnelle; seule reste la prévention.
Les effets du bruit sur laudition sont bien établis et les avis divergent peu au sujet de lénergie sonore dun bruit continu capable de provoquer un degré donné de perte auditive (ISO, 1990). Il nest pas contesté non plus que le bruit fluctuant provoque une perte auditive. Pourtant, des périodes de bruit interrompues par des périodes de calme permettent à loreille interne de récupérer dune perte auditive temporaire et peuvent donc être un peu moins dangereuses quun bruit stable. Cela vaut essentiellement pour les activités extérieures, mais pas pour le travail à lintérieur de locaux comme les usines où les périodes de calme suffisant sont rares (Suter, 1993).
Les bruits impulsionnels, tels que le bruit des armes à feu et demboutissage du métal, provoquent aussi des atteintes de laudition. Il semble bien que le danger des bruits impulsionnels soit plus grave que celui des autres types de bruit (Dunn et coll., 1991; Thiery et Meyer-Bisch, 1988), mais ce nest pas toujours le cas. Limportance de latteinte dépend essentiellement du niveau et de la durée de limpulsion; elle peut être plus grave en présence dun bruit de fond continu. Il paraît également prouvé que les sources de bruit impulsionnel contenant des hautes fréquences causent plus de lésions que celles qui émettent dans les basses fréquences (Hamernik, Ahroon et Hsueh, 1991; Price, 1983).
Au début, la perte auditive due au bruit est souvent temporaire. Au cours dune journée bruyante, loreille se fatigue et le travailleur présente une baisse auditive correspondant à un déplacement temporaire des seuils daudition (Temporary Threshold Shift (TTS)) appelée fatigue auditive. Entre la fin dun poste de travail et le début du suivant, loreille récupère en général une grande partie du déficit transitoire, mais souvent une partie de la perte subsiste. Après des jours, des mois et des années dexposition, le déficit transitoire devient permanent et une nouvelle fatigue auditive vient se surajouter à la perte devenue irréversible. Un bon programme de surveillance audiométrique essaiera didentifier ces déficits auditifs temporaires pour permettre dinstaurer des mesures préventives avant que la perte ne devienne permanente.
Selon les résultats dexpériences menées sur des animaux de laboratoire, il semble que plusieurs produits industriels soient toxiques pour le système nerveux et produisent une perte auditive, en particulier lorsquils sont associés au bruit (Fechter, 1989). Au nombre de ces agents toxiques figurent: 1) des métaux lourds comme des composés du plomb et le triméthylétain; 2) des solvants organiques comme le toluène, le xylène et le sulfure de carbone; et 3) un gaz asphyxiant, le monoxyde de carbone. Des recherches récentes menées sur des travailleurs de lindustrie (Morata, 1989; Morata et coll., 1991) suggèrent que certaines de ces substances (sulfure de carbone et toluène) peuvent accroître la nocivité du bruit. Il semble également que certains médicaments déjà ototoxiques soient capables daugmenter les effets nocifs du bruit (Boettcher et coll., 1987). On peut citer aussi certains antibiotiques et certains médicaments utilisés dans la chimiothérapie du cancer. Les responsables des programmes de conservation de laudition devraient être conscients que les travailleurs exposés à ces produits chimiques ou qui prennent ces médicaments risquent plus facilement dêtre atteints de perte auditive, notamment si, en plus, ils sont exposés au bruit.
Il est important de comprendre que le bruit dorigine professionnelle nest pas la seule cause de perte auditive induite par le bruit chez les travailleurs, mais que celle-ci peut aussi avoir pour origine des sources extérieures au lieu de travail. Ces sources de bruit produisent ce que lon appelle parfois la «socio-acousie» et leurs effets sur laudition sont impossibles à différencier de la perte auditive dorigine professionnelle. On peut seulement émettre des hypothèses à leur sujet en posant au travailleur des questions détaillées sur ses loisirs et ses autres activités bruyantes. Parmi les sources de bruits extraprofessionnelles, on peut citer les outils de travail du bois, les tronçonneuses, les cyclomoteurs sans silencieux, la musique de forte intensité et les armes à feu. Les tirs fréquents avec une arme de gros calibre (sans protection auditive individuelle) peuvent contribuer de manière importante à une perte auditive induite par le bruit, alors que la chasse occasionnelle avec des fusils de petit calibre est probablement sans effet.
Lexposition extraprofessionnelle au bruit et la socio-acousie qui en résulte prennent toute leur importance quand cette perte auditive vient sajouter à lexposition à une source de bruit en milieu de travail. Pour la bonne santé auditive globale des travailleurs, il faut leur conseiller de porter une protection individuelle adaptée lorsquils pratiquent des activités de loisirs bruyantes.
Les acouphènes accompagnent fréquemment aussi bien les déficits auditifs temporaires que permanents causés par le bruit, ainsi que dautres types de pertes auditives neurosensorielles. Souvent appelés «bourdonnements doreilles», les acouphènes peuvent être légers dans certains cas, mais aussi très graves dans dautres. Les victimes de ce type de trouble déclarent parfois quelles sont plus gênées par ces bourdonnements que par leur déficit auditif.
Les personnes atteintes dacouphènes les remarquent plus facilement dans un environnement calme, le soir, quand elles essaient de sendormir ou lors dun examen audiométrique dans une cabine insonorisée, par exemple. Cest là la preuve quil y a une irritation des cellules sensorielles de loreille interne. Il sagit souvent dun signe avant-coureur de la perte auditive induite par le bruit et donc dun important signal dalarme.
Il est évident que le bruit risque de gêner la communication orale et la perception des signaux acoustiques de sécurité ou de créer un «effet de masque». De nombreux procédés industriels peuvent très bien être mis en uvre avec un minimum de communication entre les travailleurs. Dautres métiers en revanche, comme ceux de pilote de ligne, de mécanicien de chemin de fer, etc. reposent fortement sur la communication orale. Certains de ces travailleurs utilisent des systèmes électroniques qui éliminent le bruit et amplifient la parole. Il existe maintenant des systèmes de communication sophistiqués dont certains sont munis de dispositifs qui suppriment les signaux acoustiques indésirables, de sorte que la communication peut se dérouler plus facilement.
Dans bon nombre de cas, les travailleurs doivent saccommoder de la situation en faisant des efforts pour comprendre les paroles dans le bruit, en forçant la voix ou en communiquant par gestes. Un effort excessif risque de provoquer chez certaines personnes un ou même plusieurs nodules ou dautres anomalies des cordes vocales qui peuvent nécessiter des soins médicaux.
On sait par expérience quà des niveaux de bruit supérieurs à 80 dB(A), il faut parler très fort et, quand le niveau dépasse 85 dB(A), il faut crier. Quand le niveau dépasse largement 95 dB(A), les interlocuteurs doivent se rapprocher très près pour pouvoir tout simplement communiquer. Des acousticiens ont mis au point des méthodes permettant de prédire le niveau de communication possible dans une situation industrielle donnée. Ces projections dépendent des caractéristiques acoustiques à la fois du bruit et de la parole (ou autres signaux sonores désirés), ainsi que de la distance entre les interlocuteurs.
Il est généralement admis que le bruit peut être préjudiciable à la sécurité, mais seul un petit nombre détudes ont été consacrées à ce problème (Moll van Charante et Mulder, 1990; Wilkins et Acton, 1982, par exemple). Par contre, nombreux sont les rapports signalant des cas de travailleurs dont les vêtements ou les mains ont été happés par une machine et qui ont été gravement blessés sans que leurs collègues de travail aient pu entendre leurs appels au secours. Pour pallier ce problème de communication en milieu bruyant, certains employeurs ont installé des avertisseurs visuels.
Autre problème dont les travailleurs exposés au bruit sont plus conscients que les professionnels de la conservation de laudition et de la santé au travail: les équipements de protection individuelle peuvent parfois gêner la perception de la parole et des signaux acoustiques de sécurité. Cest surtout le cas quand ceux qui portent ces protecteurs sont déjà atteints de perte auditive et que le niveau sonore tombe au-dessous de 90 dB(A) (Suter, 1992). Dans ce cas, il est tout à fait justifié que les travailleurs manifestent leur préoccupation quant au port dune protection individuelle. Il est important dy être attentif et de mettre en uvre des mesures techniques de lutte contre le bruit ou bien daméliorer le type de protection proposé, comme des protecteurs incorporés à un système de communication électronique, par exemple. La réponse en fréquence des protecteurs doreilles actuels est devenue en outre plus plate, plus «haute fidélité», ce qui devrait pouvoir améliorer la capacité quont les travailleurs de comprendre la parole et les signaux acoustiques de sécurité.
Les effets du bruit sur les performances professionnelles ont été étudiés en laboratoire et dans des conditions de travail réelles. Les résultats montrent que le bruit a généralement peu deffet sur lexécution dun travail répétitif, monotone, et quil peut même, dans certains cas, améliorer les performances professionnelles lorsque son niveau est bas ou modéré. Toutefois, des niveaux sonores élevés peuvent dégrader les performances professionnelles, en particulier lorsque la tâche est compliquée ou quelle implique de faire plusieurs choses à la fois. Le bruit fluctuant semble plus gênant que le bruit stable, notamment lorsquon ne peut ni prévoir ni contrôler les périodes de bruit. Certaines études montrent que les gens sont moins enclins à saider et quils ont plus tendance à manifester un comportement antisocial dans un environnement bruyant que dans un environnement calme (pour un examen détaillé des effets du bruit sur les performances professionnelles, voir Suter, 1992).
Bien que le terme «gêne» soit plus souvent rattaché aux problèmes de gêne sonore pour la collectivité, notamment à proximité des aéroports ou des circuits de course automobile, les travailleurs de lindustrie risquent eux aussi de se sentir gênés ou irrités par le bruit sur leur lieu de travail. Cette gêne peut être liée aux perturbations de la communication orale et des performances professionnelles décrites plus haut, mais aussi être due au fait que bien des personnes détestent le bruit. Cette aversion est parfois si forte que le travailleur cherchera à changer dentreprise, ce qui nest pas toujours facile. Après une période dadaptation, la plupart de ces personnes ne paraîtront plus aussi gênées, mais il nest pas exclu quelles se plaignent encore de fatigue, dirritabilité et dinsomnie. Ladaptation des jeunes travailleurs sera plus aisée si, dès le départ, ceux-ci sont convenablement équipés de protections individuelles avant de développer la moindre perte auditive. Il est intéressant de noter que des informations de ce type remontent parfois après la mise en place dans une entreprise dun programme de lutte contre le bruit et de conservation de laudition parce que les travailleurs prennent conscience du contraste entre la situation améliorée et les conditions antérieures.
Agent de stress biologique, le bruit peut influer sur lensemble du système physiologique. Il agit de la même manière que les autres agents de stress en déclenchant une réponse de lorganisme qui peut être nocive à long terme et provoquer des troubles connus sous le nom de «maladies du stress». Dans les temps anciens, face au danger, le corps répondait par toute une série de modifications biologiques pour se préparer à la fuite ou au combat. Il apparaît que ces modifications persistent en cas dexposition à un bruit intense, même si la personne peut sembler «adaptée» au bruit.
La plupart de ces effets paraissent transitoires, mais il a été montré chez des animaux de laboratoire quen cas dexposition continue, certains deviennent chroniques. Plusieurs études sur des travailleurs de lindustrie vont dans le même sens, alors que dautres ne montrent pas deffets significatifs (Rehm, 1983; van Dijk, 1990). Les effets cardio-vasculaires sont probablement les plus importants, avec une élévation de la pression sanguine ou une modification de paramètres biologiques. Un nombre substantiel détudes sur lanimal montrent une élévation chronique de la pression sanguine résultant dune exposition à des bruits de lordre de 85 à 90 dB(A) et qui ne revient pas à son niveau antérieur après cessation de lexposition (Peterson, Augenstein et Tanis, 1978; Peterson et coll., 1981, 1983).
Des études des paramètres sanguins ont montré une élévation des niveaux des catécholamines épinéphrine et norépinéphrine due à lexposition au bruit (Rehm, 1983), tandis quune série dexpériences effectuées par des chercheurs allemands a établi une relation entre lexposition au bruit et le métabolisme du magnésium chez lhumain et chez lanimal (Ising et Kruppa, 1993). On pense actuellement que, par le biais de laversion au bruit, les effets extra-auditifs du bruit sont très probablement dorigine psychologique, ce qui rend très difficile lobtention dune relation dose-effet. Pour avoir une information plus complète sur ce problème, voir Ising et Kruppa, 1993.
Comme les effets extra-auditifs du bruit passent par le système auditif, cest-à-dire quil est nécessaire dentendre le bruit pour que les effets nocifs apparaissent, une protection individuelle convenablement adaptée devrait réduire le risque dapparition de ces effets de la même manière que pour la perte auditive.
Dans le cadre de la prévention des effets nocifs du bruit sur les travailleurs, il convient daccorder le plus grand soin au choix de linstrumentation, des méthodes de mesurage et des procédures dévaluation de lexposition des travailleurs. Il est important de déterminer correctement les différents types dexposition au bruit (stable, fluctuant et impulsionnel), de faire la distinction entre des environnements bruyants présentant des spectres de fréquence différents, mais aussi dexaminer des situations de travail très diverses, comme les ateliers destampage, les locaux abritant des compresseurs dair, les procédés de soudage par ultrasons, etc. Le mesurage du bruit dans les locaux professionnels a pour principaux objectifs: 1) didentifier les travailleurs surexposés et de quantifier leurs niveaux dexposition; et 2) dévaluer les besoins à la fois en termes de mesures techniques de réduction du bruit et dautres types de moyens pour maîtriser les niveaux sonores. Elle permet également dapprécier lefficacité des moyens spécifiques de lutte contre le bruit et de déterminer le niveau de bruit de fond dans les cabines audiométriques.
Les appareils de mesure du bruit comprennent les sonomètres, les dosimètres et le matériel auxiliaire. Linstrument de base est le sonomètre; il sagit dun appareil électronique composé dun microphone, dun amplificateur, de divers filtres, dun dispositif délévation au carré, dun moyenneur exponentiel et dun dispositif daffichage étalonné en décibels (dB). Les sonomètres sont classés selon leur précision, du plus précis (classe 0) au moins précis (classe 3). Les sonomètres de classe 0 sont généralement employés en laboratoire; ceux de classe 1 sont utilisés pour les autres mesures de précision du niveau sonore, tandis que les instruments de classe 2 conviennent pour tous les usages courants, les sonomètres de contrôle (de classe 3) nétant pas recommandés pour une utilisation industrielle. Les figures 47.2 et 47.3 présentent des exemples de sonomètres.
Les sonomètres sont aussi munis de filtres de pondération en fréquence incorporés qui laissent passer la plupart des fréquences et en arrêtent dautres. Le filtre le plus couramment utilisé est le filtre de pondération A, conçu pour simuler la courbe de réponse de loreille humaine à des niveaux découte modérés. Les sonomètres offrent également plusieurs types de réponses: la réponse «lente» avec une constante de temps de 1 seconde, la réponse «rapide» avec une constante de temps de 0,125 seconde et la réponse «impulsion» qui présente une réponse de 35 millisecondes pour la partie ascendante et de 1 500 millisecondes pour la partie descendante du signal.
Les normes nationales et internationales comme celles de lOrganisation internationale de normalisation (ISO), de la Commission électrotechnique internationale (CEI) et de lInstitut américain de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)) fournissent des spécifications relatives aux sonomètres. Les normes CEI 60651 (1979) et CEI 60804 (1985) concernent les sonomètres de classe 0, 1 et 2 à filtres de pondération A, B et C, et les constantes de temps «lente», «rapide» et «impulsion». La norme ANSI S1.4-1983 (1983), modifiée par la norme ANSI S1.4A-1985 (1985), contient également des spécifications relatives aux sonomètres.
Afin de faciliter une analyse acoustique plus détaillée, des jeux de filtres danalyse par bandes doctave et de tiers doctave peuvent être ajoutés ou incorporés aux sonomètres modernes. A lheure actuelle, les sonomètres sont de plus en plus petits et faciles à utiliser, alors que leurs possibilités de mesure augmentent.
Pour mesurer des expositions non stables au bruit, comme celles qui se produisent dans un environnement de bruit intermittent ou impulsionnel, il est plus commode dutiliser un sonomètre intégrateur. Ces appareils peuvent mesurer simultanément des niveaux de bruit équivalents, des niveaux de crête et des niveaux maximaux, et calculer, saisir et mémoriser automatiquement plusieurs valeurs. L«exposimètre» de bruit est une forme de sonomètre intégrateur susceptible dêtre porté dans la poche de la chemise ou fixé au vêtement du travailleur. Les données quil fournit peuvent être transférées sur ordinateur puis imprimées.
Il est important de sassurer que les appareils de mesure du bruit sont toujours correctement étalonnés. Il faut donc vérifier létalonnage de linstrument par des méthodes acoustiques avant et après chaque utilisation quotidienne, mais aussi effectuer des contrôles électroniques à intervalles appropriés.
La méthode de mesurage du bruit à appliquer dépend du but visé, à savoir lévaluation des éléments suivants:
Cest la méthode qui demande le moins de temps et déquipement. Les niveaux sonores dune zone de travail sont mesurés à laide dun sonomètre avec un nombre limité de points de mesure. Bien que lenvironnement acoustique ne soit pas analysé en détail, les facteurs temporels doivent être notés, notamment pour savoir si le bruit est continu ou fluctuant et pour connaître la durée dexposition des travailleurs. On utilise généralement le filtre A dans la méthode de contrôle, mais lorsque la composante basse fréquence est prédominante, le filtre C ou la réponse linéaire conviennent mieux.
Dans cette méthode, des mesurages qui utilisent des filtres par bandes doctave ou de tiers doctave viennent compléter les mesurages de niveaux sonores pondérés A ou effectués avec dautres filtres de pondération. Le nombre des points de mesure et les gammes de fréquence sont choisis en fonction des objectifs du mesurage. Les facteurs temporels doivent également être notés. Cette méthode est utile pour apprécier la gêne de la communication orale en calculant les niveaux dinterférence avec la parole, pour mettre en place des mesures techniques de réduction du bruit et pour estimer les effets auditifs et non auditifs du bruit.
Cette méthode est nécessaire dans les situations complexes, quand le problème de bruit doit être décrit de façon très précise. Les mesures globales du niveau sonore sont complétées par des mesures par bandes doctave ou de tiers doctave et les données chronologiques sont enregistrées à des intervalles de temps choisis en fonction de la durée et des fluctuations du bruit. Il peut, par exemple, savérer nécessaire de mesurer les niveaux sonores de crête dimpulsions à laide du dispositif «crête» de linstrument, ou les niveaux dinfrasons ou dultrasons, ce qui nécessite des capacités de mesurage en fréquence spéciales, des micros directionnels, etc.
Lorsquon utilise la méthode de laboratoire, il y a lieu de sassurer que la gamme dynamique de linstrument est suffisamment étendue pour éviter une «saturation» lors du mesurage dimpulsions et que la réponse en fréquence est assez large pour mesurer des infrasons ou des ultrasons. Linstrument doit pouvoir, avec des microphones suffisamment petits, prendre des mesures à des fréquences allant de 2 Hz pour les infrasons jusquà 16 kHz au moins pour les ultrasons.
Les profanes en mesurage acoustique pourront suivre utilement les étapes de la procédure ci-après fondée sur le «bon sens»:
Si les mesurages sont effectués à lextérieur, il convient de noter les données météorologiques pertinentes telles que vent, température et humidité, si elles sont considérées comme importantes. Pour les mesurages à lextérieur, et même pour certains mesurages à lintérieur, il faut toujours utiliser une boule pare-vent. Les instructions du fabricant devraient toujours être suivies afin déviter linfluence de facteurs tels que le vent, lhumidité, la poussière et les champs électriques et magnétiques qui risquent daffecter la lecture.
Il existe essentiellement deux procédures pour mesurer le bruit sur le lieu de travail:
Pour évaluer le risque de perte auditive résultant dexpositions spécifiques au bruit, le lecteur devrait consulter la norme internationale ISO 1999 (1990) dont lannexe D fournit un exemple dévaluation de ce risque.
Les expositions au bruit devraient être mesurées au voisinage de loreille de la personne et, pour évaluer le risque associé à lexposition des travailleurs, il ne faut pas déduire laffaiblissement apporté par les protections individuelles, car il est largement prouvé que latténuation apportée par les protecteurs tels quils sont portés pendant le travail est souvent inférieure à la moitié de la valeur estimée par le fabricant. En effet, les données du fabricant sont obtenues dans des conditions de laboratoire et, en général, sur le terrain, ces appareils ne sont ni si bien adaptés, ni portés aussi efficacement. Il nexiste à lheure actuelle aucune norme internationale pour estimer laffaiblissement apporté par les protections individuelles sur le terrain, mais une méthode empirique ayant fait ses preuves consiste à diviser par deux les valeurs de laboratoire.
Dans certains cas, notamment lors de tâches difficiles ou demandant de la concentration, il peut être important de réduire le stress ou la fatigue liés à lexposition au bruit en adoptant des mesures de réduction du niveau sonore. Cette constatation se vérifie même pour des niveaux de bruit modérés (moins de 85 dB(A)), lorsque le risque de perte auditive est faible mais que le bruit est source de gêne ou de fatigue. Dans ces cas, il peut être utile de procéder à une évaluation de lintensité sonore à laide de la norme ISO 532 (1975).
La gêne de la communication orale peut être estimée à laide de la norme ISO 2204 (1979) remplacée par ISO 12001 (1996) en utilisant l«indice articulatoire» ou, plus simplement, en mesurant les niveaux sonores dans les bandes doctave centrées sur 500, 1 000 et 2 000 Hz, ce qui donne le «niveau dinterférence avec la parole».
Le choix des critères dexposition au bruit dépend du but recherché: prévention de la perte auditive ou prévention du stress et de la fatigue. Les expositions maximales admissibles en termes de niveau de bruit moyen quotidien varient selon les pays de 80 à 85, voire jusquà 90 dB(A), avec des rapports déquivalence de 3, 4, ou 5 dB(A). Dans certains pays comme la Russie, les niveaux de bruit admissibles sont fixés entre 50 et 80 dB(A) selon le type de travail effectué et en tenant compte de la charge de travail mental et physique. Les niveaux autorisés pour le travail informatique ou pour lexécution dun travail de bureau astreignant se situent par exemple entre 50 et 60 dB(A). Pour plus dinformation sur les critères dexposition, voir larticle «Les normes et la réglementation» dans le présent chapitre.
En théorie, le moyen le plus efficace de maîtriser le bruit consiste tout dabord à éviter lentrée de la source de bruit dans lusine, et ce, par la mise en place dun véritable programme «Achetez silencieux» visant à doter le lieu de travail de matériels conçus pour émettre peu de bruit. Afin de mener à bien ce type de programme, il convient de rédiger un cahier des charges décrivant clairement les spécifications destinées à limiter les émissions sonores des nouveaux équipements industriels, des nouvelles installations et des nouveaux procédés pour tenir compte des risques liés au bruit. Un programme de bonne qualité intègre également la surveillance et la maintenance.
Une fois que léquipement est installé et que lon a mis en évidence le bruit excessif en mesurant les niveaux sonores, le problème de la réduction du bruit devient plus compliqué. On dispose cependant de moyens techniques applicables a posteriori à léquipement en place. De plus, pour chaque problème, il existe généralement plus dune solution pour réduire le bruit. Il est donc important pour la personne chargée de gérer le programme de lutte contre le bruit de déterminer, pour chaque situation, quel est le moyen le mieux adapté et le plus économique pour réduire le niveau sonore.
Lemploi de spécifications écrites décrivant les conditions requises pour linstallation, lutilisation et lacceptation dun équipement est aujourdhui pratique courante. Dans le domaine de la lutte contre le bruit, la meilleure solution qui soffre au concepteur consiste à influer sur la sélection, lachat et lagencement de tout nouvel équipement. La mise en uvre dun programme «Achetez silencieux», bien défini et bien géré, a des chances de savérer un moyen efficace de lutte contre le bruit en imposant des spécifications à lachat.
Cest en Europe que lon aborde le plus résolument la lutte contre le bruit dès le stade de létude des installations et de la sélection des équipements. En 1985, les douze Etats membres de la Communauté européenne (CE) à présent lUnion européenne (UE) ont choisi dadopter des directives «Nouvelle approche» visant globalement une grande variété de matériels et de machines plutôt que détablir des normes spécifiques pour chaque type de matériel. A la fin de lannée 1994, trois directives «Nouvelle approche» spécifiant les exigences en matière de bruit avaient été publiées. Ces directives sont les suivantes:
La première directive citée ci-dessus (89/392/CEE), communément appelée directive machines, impose aux fabricants de considérer la lutte contre le bruit comme une partie essentielle de la sécurité de la machine. Ces mesures visent avant tout à ce que les machines ou équipements destinés à être vendus dans lUE soient conformes aux prescriptions essentielles en matière de bruit. En conséquence, depuis la fin des années quatre-vingt, les fabricants désireux de vendre sur le marché européen ont fait porter une partie importante de leurs efforts sur la conception de matériels peu bruyants.
Le degré de réussite des entreprises extérieures à lUE qui essaient de mettre en uvre volontairement un programme «Achetez silencieux» dépend en grande partie du moment où la hiérarchie sengage dans cette voie et de sa motivation. La première étape du programme consiste à fixer des critères de niveaux de bruit acceptables pour la construction dune nouvelle usine, pour lextension dune unité existante ou lachat de nouveaux équipements. Pour que le programme soit efficace, les limites sonores spécifiées doivent être considérées comme une condition absolue à la fois par lacheteur et par le vendeur. Lorsquun produit ne répond pas aux autres paramètres définissant les caractéristiques de léquipement tels que la taille, le débit, la pression, lélévation de température admissible et autres, il est considéré comme inacceptable par la direction de lentreprise. Cest avec la même intransigeance quil convient de considérer les niveaux de bruit si lon veut mener à bien un programme «Achetez silencieux».
En ce qui concerne le moment de prise en compte le plus opportun évoqué plus haut, la probabilité de réussite sera dautant plus grande que les problèmes de bruit auront été pris en considération à un stade plus précoce du processus détude dun projet ou de lachat déquipements. Dans bien des cas, le concepteur dune usine ou lacheteur dun équipement aura le choix entre plusieurs types déquipements: la connaissance des caractéristiques sonores liées aux différentes solutions leur permettra de retenir les moins bruyants.
En plus du choix de léquipement, il est essentiel, dès le stade de létude, de se préoccuper de son implantation à lintérieur de lusine. Il est beaucoup plus facile de déplacer une machine sur le papier à létape de la phase détude dun projet que de la déménager physiquement par la suite, surtout après son entrée en production. Une règle simple consiste à regrouper les machines, les procédés et les zones de travail de niveau sonore équivalent, et de séparer les zones spécialement bruyantes des zones plus calmes par des espaces tampons de niveaux de bruit intermédiaires.
Létablissement de critères validés et ayant valeur de prescription en matière de bruit doit être le fruit dune coopération de tous les personnels de lentreprise affectés aux services dingénierie, des affaires juridiques, des achats, dhygiène du travail et de lenvironnement. Les services dhygiène du travail, de sécurité et du personnel peuvent, par exemple, définir le niveau sonore souhaité de léquipement ou encore procéder à des mesurages du bruit pour qualifier léquipement. Les ingénieurs de lentreprise rédigent ensuite les spécifications dachat et sélectionnent les types déquipements peu bruyants. Le responsable des achats va généralement suivre la bonne exécution des contrats avec lappui des représentants du service juridique. Limplication de tous ces intervenants doit commencer dès le lancement du projet et se poursuivre dans le cadre des demandes de financement, de la planification, de létude, des appels doffres, de linstallation et de la mise en service.
Même si le cahier des charges est très complet et concis, il na de valeur que si la responsabilité en matière de conformité incombe au fournisseur ou au fabricant. Les termes des contrats doivent définir clairement les moyens de prouver la conformité. Il convient de consulter et de suivre les procédures de lentreprise en ce qui concerne les garanties. Il peut être souhaitable dinclure des clauses de pénalité en cas de non-conformité. Le plus important pour la mise en uvre de cette stratégie est que lacheteur sengage à vérifier que les conditions sont remplies. Les compromis sur les spécifications sonores en échange de concessions sur les coûts, la date de livraison, les performances ou autres devraient être lexception et non la règle.
Aux Etats-Unis, lInstitut américain de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)) a publié la norme ANSI S12.16 (1992) qui constitue un guide utile pour la rédaction dun cahier des charges interne en matière de bruit dans lentreprise. Cette norme fournit en outre des orientations afin dobtenir des données sur les niveaux sonores auprès des fabricants déquipement. Ces données peuvent ensuite être utilisées par le concepteur dune usine pour planifier limplantation des équipements. Du fait de la grande diversité des matériels visés par la norme, il nexiste pas de protocole unique de mesurage des niveaux sonores. La norme contient donc des informations de référence sur les méthodes appropriées pour mesurer le bruit dun bon nombre déquipements fixes. Ces procédures de mesurage ont été établies par chaque organisation commerciale ou professionnelle responsable aux Etats-Unis dun type ou dune classe particulière déquipements.
Avant de pouvoir décider de la conduite à tenir, il est nécessaire didentifier lorigine du bruit. A cette fin, il est utile de comprendre comment le bruit est généré. Le bruit est créé en majeure partie par des impacts mécaniques, par des écoulements dair ou de fluides à haute vitesse, par les vibrations des surfaces dune machine et, assez souvent, par le produit lui-même pendant sa fabrication. En ce qui concerne ce dernier point, cest souvent dans des industries telles que la métallurgie, la fabrication du verre, les industries alimentaires, lindustrie minière, etc., que linteraction entre le produit et les machines génère lénergie sonore.
Lun des aspects les plus difficiles de la réduction des niveaux sonores réside dans lidentification des véritables sources de bruit. Un local industriel contient généralement un grand nombre de machines fonctionnant simultanément, ce qui complique lidentification de lorigine du bruit. Cela est particulièrement vrai lorsquon utilise un sonomètre standard pour évaluer lenvironnement sonore. Le sonomètre mesure généralement, à un emplacement donné, un niveau de pression acoustique qui résulte très probablement de plusieurs sources de bruit. Il appartient donc au responsable des mesurages demployer une approche systématique qui permette de distinguer les différentes sources et leurs parts respectives dans le niveau sonore global. Les techniques de mesurage ci-après peuvent être utiles pour identifier lorigine ou les sources de bruit:
Lune des méthodes les plus efficaces pour localiser une source de bruit consiste à mesurer son spectre de fréquence. Une fois les données mesurées, la représentation des résultats sous forme graphique permet de visualiser les caractéristiques de la source. Pour la plupart des problèmes de réduction du bruit, les mesurages peuvent être effectués avec des filtres danalyse par octave (1/1) ou par tiers (1/3) doctave utilisés avec le sonomètre. Les mesures par bandes de tiers doctave présentent lavantage de fournir des informations plus détaillées sur les émissions dune machine. La figure 47.4 représente une comparaison entre des mesures par octave et par tiers doctave effectuées près dune pompe à neuf pistons. Comme le montre la figure, les données par bandes de tiers doctave identifient nettement la fréquence de pompage et bon nombre de ses harmoniques. Si lon ne retient que des données par bandes doctave, représentées graphiquement par une valeur pour chaque fréquence centrale comme le montre la courbe en gras de la figure 47.4, il devient plus difficile de savoir ce qui se passe à lintérieur de la pompe. Dans lexemple fourni par la figure, les données danalyse par octave ne fournissent en tout et pour tout que 9 points entre 25 et 10 000 hertz (Hz). En revanche, en mesurant par tiers doctave, on obtient un total de 25 points dans cette gamme de fréquences. Il est clair que les données danalyse par tiers doctave fournissent des résultats plus utiles pour identifier la cause originelle dun bruit. Or, cette information est essentielle si lobjectif est de maîtriser le bruit à la source. Si lon cherche seulement à traiter la voie de propagation des ondes, les données danalyse par octave sont suffisantes pour sélectionner les produits et les matériels présentant les caractéristiques acoustiques recherchées.
La figure 47.5 présente une comparaison entre le spectre par bandes de tiers doctave mesuré à 1 m environ de la tuyauterie dun compresseur frigorifique et le bruit de fond mesuré à 8 m environ (tenir compte des observations mentionnées dans la note). Cet endroit est le lieu de passage des employés qui traversent habituellement le local. La plupart du temps, la salle des compresseurs nest pas occupée par les travailleurs. La seule exception concerne les moments où le personnel de maintenance répare ou révise dautres équipements dans le local. En plus du compresseur, plusieurs autres grosses machines fonctionnent dans cette zone. Pour permettre lidentification des sources primaires de bruit, plusieurs spectres de fréquence ont été mesurés à proximité de chaque machine. Chaque spectre a ensuite été comparé à celui de la position de référence sur le lieu de passage; seul celui de la tuyauterie du compresseur présentait une allure similaire. On peut en conclure que cest cette source primaire de bruit qui détermine le niveau mesuré sur le lieu de passage des travailleurs. Comme le montre la figure 47.5, en utilisant les données de fréquence mesurées près de léquipement et en comparant la courbe de chaque source avec les données relevées aux postes de travail ou en dautres points dintérêt, il est souvent possible didentifier clairement les sources de bruit dominantes.
Quand le niveau sonore est fluctuant, ce qui est le cas des machines à fonctionnement cyclique, il est utile de mesurer le niveau sonore global pondéré A en fonction du temps. Avec cette procédure, il est important dobserver et de consigner chronologiquement tous les événements qui surviennent. La figure 47.6 représente le niveau sonore mesuré au poste de travail de lopérateur pendant un cycle complet de la machine, en loccurrence une machine demballage dont le cycle dure 95 secondes environ. Comme le montre la figure, le niveau sonore maximal de 96,2 dB(A) survient pendant léchappement dair comprimé, soit 33 secondes après le début du cycle de la machine. Les autres événements importants sont aussi repérés sur la figure, ce qui permet didentifier la source et la part relative de chaque activité dans un cycle demballage complet.
Sur les sites industriels comprenant de multiples lignes de fabrication comportant les mêmes équipements, il est intéressant de faire leffort de comparer les données spectrales respectives des équipements similaires. La figure 47.7 illustre cette comparaison pour deux lignes de fabrication analogues, fabriquant toutes deux le même produit et fonctionnant à la même vitesse. Dans le cadre du procédé, un appareil pneumatique découpe un trou de 12,7 mm durant la phase finale de fabrication. La figure montre que le niveau sonore de la ligne no 1 est supérieur de 5 dB(A) à celui de la ligne no 2. De plus, il existe dans le spectre de la ligne no 1 une fréquence fondamentale et de nombreuses harmoniques qui napparaissent pas dans celui de la ligne no 2. Il est donc nécessaire de rechercher la cause de ces disparités. Des différences significatives révèlent souvent un besoin de maintenance, ce qui était le cas pour le mécanisme final de poinçonnage de la ligne no 2. Ce problème particulier nécessitera toutefois des mesures de réduction du bruit supplémentaires puisque, globalement, le niveau de la ligne no 1 reste relativement élevé. Cependant, le but de cette technique de surveillance est de détecter les problèmes de bruit qui peuvent exister entre des machines et des procédés similaires auxquels on peut facilement remédier par une maintenance efficace et certains réglages.
Comme cela a déjà été indiqué, le niveau de pression sonore fourni par un sonomètre est la résultante des énergies acoustiques émanant dune ou de plusieurs sources de bruit. Dans des conditions de mesure optimales, il vaudrait mieux mesurer chaque machine quand toutes les autres sont à larrêt. Bien que ce soit lidéal, il est rarement possible darrêter une usine pour pouvoir isoler une source particulière. Afin de contourner cette difficulté, il est souvent efficace dappliquer à certaines sources de bruit des mesures temporaires qui permettront dobtenir une brève accalmie relative pendant laquelle on pourra mesurer une autre source. Certains moyens peuvent permettre de réduire le bruit temporairement: les encoffrements en contreplaqué, les revêtements antibruit, les silencieux et les écrans. Leur emploi permanent risque de créer des problèmes à long terme, tels quaccumulation de chaleur, entraves à laccès de lopérateur ou à la circulation du produit, ou pertes de charge coûteuses dues à un silencieux mal choisi. Toutefois, en permettant disoler certains éléments, ces moyens peuvent constituer une mesure efficace de réduction du bruit à court terme.
Une autre méthode permettant disoler une machine ou un élément particulier consiste à mettre en marche puis à arrêter différents équipements ou sections dune ligne de fabrication. Pour mener à bien ce type danalyse diagnostique, la ligne de fabrication doit pouvoir fonctionner pendant que la machine concernée est arrêtée. Ensuite, pour que cette méthode soit valable, il est essentiel que le processus de fabrication ne soit perturbé en aucune façon, sinon la mesure effectuée risque bien de ne pas être représentative du niveau sonore dans des conditions normales. Enfin, toutes les données validées peuvent être classées suivant le niveau global en dB(A), ce qui permet de choisir les équipements auxquels des mesures techniques de réduction du bruit devraient être appliquées en priorité.
Une fois que la cause ou la source du bruit est identifiée et que lon sait comment le bruit se propage vers les zones où des personnes travaillent, il convient de déterminer quels sont les moyens de réduction du niveau sonore dont on dispose. La démarche standard appliquée dans le cadre de la maîtrise de la quasi-totalité des risques pour la santé consiste à examiner les différentes solutions techniques applicables au niveau de la source, de la propagation et de la réception. Dans certains cas, il suffira dagir sur lun de ces éléments. Dans dautres cependant, il pourra savérer nécessaire de traiter plusieurs éléments pour obtenir un environnement sonore acceptable.
La première étape de la lutte contre le bruit devrait consister à essayer un traitement à la source. En effet, on sattaque ainsi à la racine du problème, alors que laction sur la propagation sonore au moyen décrans et dencoffrements ne traite que les symptômes. En cas de sources multiples dans une même machine et quand lobjectif est de traiter la source, il est nécessaire détudier élément par élément les mécanismes générateurs de bruit.
En ce qui concerne le bruit excessif produit par des chocs mécaniques, les solutions à étudier peuvent inclure des méthodes visant à réduire la force appliquée, à diminuer la distance entre les composants, à équilibrer les masses en rotation et à installer des éléments antivibratiles. Pour ce qui est du bruit provenant découlements de fluides à grande vitesse, la principale modification consiste à réduire la vélocité du fluide, à condition que cela soit possible. On peut parfois diminuer la vitesse en augmentant la section du conduit en question. Il faut aussi éliminer les obstacles dans les conduits afin dobtenir un écoulement laminaire, ce qui aura pour conséquence de réduire les variations de pression et les turbulences dans le fluide transporté. Enfin, linstallation dun silencieux convenablement dimensionné peut permettre dabaisser très sensiblement le niveau sonore global. Il convient de consulter le fabricant de silencieux pour sélectionner le dispositif approprié en fonction des paramètres et des contraintes de fonctionnement fixées par lacheteur.
Quand les surfaces vibrantes dune machine servent de caisse de résonance à des sources de bruits aériens, on peut envisager plusieurs solutions techniques qui consistent à réduire la force qppliquée à lorigine du bruit, à subdiviser les grandes surfaces en sections plus petites, à perforer la surface ou à augmenter sa rigidité ou sa masse, ou encore à interposer des matériaux amortissants ou des éléments antivibratiles. En ce qui concerne lutilisation disolants antivibratiles et de matériaux amortissants, il convient de consulter le fabricant du produit pour quil aide à sélectionner les matériaux et les procédures dinstallation. Enfin, dans beaucoup de situations, cest le produit en cours de fabrication qui peut être lui-même une source importante de rayonnement sonore aérien. Dans ce cas, il est important de chercher des moyens pour immobiliser ou mieux maintenir le produit pendant sa fabrication. Une autre solution consiste à réduire la force dimpact entre la machine et le produit, entre les parties du produit lui-même ou entre les produits eux-mêmes.
La transformation du procédé ou de la machine et, donc, la modification de la source du bruit savèrent souvent irréalisables. Dans certains cas, il peut même arriver quil soit pratiquement impossible didentifier la source du bruit. Lorsquune de ces situations se présente, le recours à des mesures techniques pour traiter le bruit au cours de sa propagation peut contribuer efficacement à réduire le niveau sonore global. Les deux mesures essentielles de réduction du bruit au cours de sa transmission sont les encoffrements acoustiques et les écrans antibruit.
On trouve actuellement sur le marché des encoffrements acoustiques très performants. De nombreux fabricants proposent des encoffrements tout prêts ou sur mesure. Il est nécessaire que lacheteur fournisse des informations sur le niveau sonore global actuel (et, si possible, des données spectrales), les dimensions de la machine, lobjectif de réduction du bruit à atteindre, le cas échéant les impératifs daccès des personnes et de circulation du produit, ainsi que sur toute autre contrainte de fonctionnement. Ces informations permettront ensuite au fournisseur de sélectionner un produit standard ou de fabriquer un encoffrement sur mesure afin de satisfaire les besoins du client.
Dans bien des cas, il peut savérer plus économique de concevoir et de construire un encoffrement ad hoc que dacheter un modèle du commerce. Létude de lencoffrement doit prendre en compte de nombreux facteurs pour quil donne satisfaction à la fois du point de vue acoustique et de la production. Voici quelques principes directeurs en matière de conception dencoffrements:
Dimensions de lencoffrement. Il nexiste pas dimpératifs pour définir les dimensions dun encoffrement. La meilleure règle à suivre est «plus cest grand, mieux cest». Il est essentiel de prévoir un espace libre suffisant pour permettre à la machine deffectuer tous les mouvements prévus sans entrer en contact avec lencoffrement.
Parois. La réduction sonore apportée par un encoffrement dépend des matériaux utilisés pour la fabrication des parois et de la qualité de létanchéité au montage. Le choix des matériaux pour les parois dun encoffrement peut être déterminé à laide des méthodes empiriques suivantes (Moreland, 1979):
TL étant la perte par transmission que doit donner la paroi ou le panneau et NR la réduction sonore souhaitée pour atteindre lobjectif daffaiblissement.
Joints détanchéité. Pour une efficacité maximale, tous les joints de lencoffrement doivent être parfaitement ajustés. Les ouvertures pour le passage des tuyaux, des câbles électriques et autres doivent être colmatées avec du mastic souple, des joints au silicone par exemple.
Absorption interne. Pour absorber et dissiper lénergie acoustique, la surface interne de lenceinte devrait être recouverte dun matériau absorbant, sélectionné en fonction du spectre de fréquence de la source. Les caractéristiques indiquées par le fabricant fournissent la base pour choisir le matériau adapté à la source de bruit. Il est important que les facteurs dabsorption correspondent aux fréquences de la source pour lesquelles les niveaux de pression acoustique sont les plus élevés. Le vendeur ou le fabricant du produit peut aussi aider à sélectionner le matériau le plus efficace en tenant compte du spectre de fréquence de la source.
Isolation de lencoffrement. Il est important que la structure de lencoffrement soit séparée ou isolée de léquipement afin que les vibrations mécaniques ne lui soient pas transmises. Quand des parties de la machine, telles que des tuyauteries, entrent en contact avec lencoffrement, il convient dinstaller un dispositif antivibratile au point de contact pour court-circuiter toute voie de transmission potentielle. Enfin, si la machine provoque des vibrations du sol, la base de lencoffrement devrait aussi être traitée avec un matériau assurant une isolation antivibratile.
Circulation des produits. Comme cest le cas pour la plupart des installations de production, le produit doit pouvoir entrer et sortir de lencoffrement. Lutilisation de goulottes ou de tunnels traités acoustiquement peut permettre le passage du produit tout en apportant une absorption acoustique. Afin de réduire les fuites acoustiques, il est recommandé que la longueur de tous les passages corresponde à trois fois la largeur intérieure de la plus grande dimension douverture du tunnel ou de la goulotte.
Accès des personnes. Des portes et des fenêtres peuvent être installées afin de permettre un accès physique et visuel à la machine. Il est essentiel que toutes les fenêtres aient au moins les mêmes propriétés de perte par transmission que les parois de lencoffrement. De plus, toutes les portes daccès doivent fermer hermétiquement. Afin déviter que linstallation puisse fonctionner quand les portes sont ouvertes, il est recommandé dinstaller un système de sécurité qui nautorise le fonctionnement que lorsque les portes sont hermétiquement fermées.
Ventilation de lencoffrement . Dans bon nombre de cas, la chaleur va saccumuler de façon excessive dans lenceinte. Pour assurer son refroidissement, il convient dinstaller un ventilateur dun débit de 18 à 21 m3/min et de le raccorder au conduit dévacuation. Enfin, les conduits dentrée et dévacuation devraient être garnis de matériau absorbant.
Protection des matériaux absorbants. Afin déviter tout encrassement du revêtement absorbant, il convient de le recouvrir dun écran antiprojections en matériau très léger, tel quun film plastique. La couche absorbante devrait être maintenue par du métal déployé, de la tôle perforée ou un grillage présentant au moins 25% de surface ouverte.
Un autre moyen de traiter la voie de transmission du bruit consiste à utiliser un écran acoustique pour isoler le récepteur (travailleur exposé) du bruit direct. Un écran acoustique est constitué dun matériau à faible coefficient de transmission, tel quune cloison en dur ou un mur monté entre la source du bruit et le récepteur. Comme lécran empêche la propagation en ligne directe, les ondes sonores ne peuvent atteindre le récepteur que par réverbération sur différentes surfaces du local et par diffraction sur les bords de lécran. Le niveau global de bruit à lemplacement de lopérateur sen trouve donc abaissé.
Lefficacité dun écran est fonction, dune part, de son emplacement par rapport à la source du bruit ou aux récepteurs et, dautre part, de ses dimensions. Afin dobtenir une réduction maximale du bruit, lécran devrait être placé le plus près possible de la source ou du récepteur. De plus, il devrait être aussi haut et aussi large que possible. Pour faire obstacle à la propagation du son, il faut utiliser un matériau de haute densité. Enfin, lécran ne devrait comporter ni ouvertures ni fentes qui risqueraient de réduire notablement son efficacité. Sil est nécessaire dinstaller une fenêtre pour accéder visuellement à léquipement, il est important que son coefficient de transmission du son soit au moins équivalent à celui du matériau de lécran.
La dernière possibilité pour réduire lexposition au bruit des travailleurs consiste à traiter lespace ou la zone où ils travaillent. Cette solution est surtout valable pour les activités de contrôle de produits ou les cabines de commande des machines, où les déplacements des travailleurs sont circonscrits à une zone relativement limitée. Dans ce cas, il est possible dinstaller une cabine ou un local insonorisés pour isoler les travailleurs et les mettre à labri de niveaux sonores excessifs. Lexposition quotidienne au bruit sera diminuée dans la mesure où une partie importante du temps de travail est passée dans la cabine. Pour la construction de ces cabines, il convient de consulter les recommandations précédentes concernant la conception dencoffrements.
En conclusion, la mise en uvre dun programme «Achetez silencieux» efficace doit être létape initiale de tout processus de lutte contre le bruit. Cette approche a pour but déviter lachat ou linstallation dun équipement risquant de créer un problème de nuisance sonore. Toutefois, dans le cas où des niveaux de bruit excessifs existent déjà, il est nécessaire de procéder à une évaluation systématique de lenvironnement sonore afin de trouver la solution technique la plus pratique, applicable à chaque source de bruit. Pour établir la priorité et lurgence relatives des interventions destinées à lutter contre le bruit, il convient danalyser lexposition des travailleurs, loccupation de lespace et les niveaux sonores dans lensemble de la zone. Autre aspect important du résultat recherché, les dépenses engagées doivent bien évidemment permettre dobtenir une réduction maximale du bruit auquel est exposé le travailleur tout en lui assurant le niveau de protection le plus élevé.
* Les auteurs remercient le ministère du Travail de la Caroline du Nord de les avoir autorisés à utiliser les données rassemblées aux fins de la rédaction d'un guide sur la conservation de l'audition.
Lobjectif premier des programmes de conservation de laudition en milieu de travail est de prévenir la perte auditive due aux expositions professionnelles au bruit (Royster et Royster, 1989, 1990). Toutefois, la personne responsable du bon fonctionnement du programme, qualifiée ci-après de «personne clé», devrait faire appel au bon sens pour modifier les pratiques en vue de les adapter à la situation locale dans le but datteindre lobjectif recherché: la protection des travailleurs contre des expositions dangereuses au bruit. Un objectif secondaire de ces programmes devrait également être déduquer et de motiver les gens de manière à les amener aussi à se protéger contre les expositions dangereuses non professionnelles au bruit et à transmettre leur savoir en matière de conservation de laudition à leur entourage.
La figure 47.8 représente la répartition de plus de 10 000 échantillons dexposition au bruit provenant de quatre sources dans deux pays, dont un certain nombre de sites industriels, miniers et militaires. Les échantillons concernent des valeurs moyennes sur 8 heures sur la base de rapports déquivalence de 3, 4 et 5 dB. Ces données montrent que près de 90% des expositions au bruit exprimées en niveau équivalent quotidien sont inférieures ou égales à 95 dB(A) et que seules 10% dentre elles dépassent 95 dB(A).
Il en ressort, en supposant que ces données soient valables pour la plupart des pays et des populations, que pour une vaste majorité des salariés exposés au bruit, il suffit dune protection de seulement 10 dB(A) pour maîtriser le risque. Quand cette protection doit être obtenue par le port de protecteurs individuels, les responsables de la santé au travail devraient prendre le temps dadapter à chaque individu un dispositif confortable, pratique dans son environnement, qui tienne compte de ses besoins auditifs (capacité dentendre les signaux de sécurité, la parole, etc.). Ces protecteurs individuels devraient constituer une vraie barrière acoustique lorsquils sont portés tous les jours en situation réelle.
Cet article présente un résumé des bonnes pratiques de conservation de laudition qui sont reprises dans la liste présentée à la figure 47.9.
La prévention de la perte auditive dorigine professionnelle bénéficie au travailleur en préservant ses capacités auditives, essentielles pour une bonne qualité de vie: communication avec les autres, capacité dapprécier la musique, perception des signaux de sécurité et bien plus encore. Le programme de conservation de laudition apporte en outre un avantage en termes de dépistage, puisque les pertes auditives dorigine non professionnelle et les maladies de loreille susceptibles dêtre traitées sont souvent détectées à loccasion des audiogrammes annuels. La réduction de lexposition au bruit diminue également le stress et la fatigue potentiels engendrés par le bruit.
Lemployeur bénéficie lui aussi directement de la mise en uvre dun programme efficace de préservation de laudition chez les travailleurs, car ils restent ainsi plus productifs et plus opérationnels si leurs capacités de communication ne sont pas altérées. Enfin, un bon programme de conservation de laudition peut contribuer à réduire le nombre daccidents et à améliorer les performances.
On se reportera à la liste de la figure 47.9 pour les détails de chaque phase. Léquipe chargée du programme peut comprendre divers personnels responsables des différentes phases.
Les sonomètres ou les exposimètres individuels sont utilisés pour mesurer les niveaux sonores sur le lieu de travail et estimer lexposition des travailleurs au bruit afin de déterminer sil est nécessaire de mettre en place un programme de conservation de laudition; si tel est le cas, les données recueillies serviront à définir des programmes appropriés pour protéger les travailleurs (Royster, Berger et Royster, 1986). Les résultats de létude indiqueront quels sont les travailleurs (par service ou type demploi) qui feront partie du programme, les zones où le port de protecteurs sera obligatoire et les équipements de protection individuelle qui sont indiqués. Il est nécessaire de disposer déchantillons de conditions représentatives de la production pour classer les expositions par tranches (inférieure à 85 dB(A), de 85 à 89, de 90 à 94, de 95 à 99 dB(A), etc.). Le mesurage des niveaux sonores pondérés A pendant lenquête générale sur le bruit permet souvent de localiser les sources de bruit dominantes dans les zones de lusine pour lesquelles létude de moyens techniques permettra ensuite de réduire notablement lexposition des travailleurs.
Les mesures de réduction du bruit peuvent ramener lexposition des travailleurs à un niveau non dangereux et éviter ainsi de faire appel à un programme de protection de laudition. Les mesures de nature technique (voir «Les mesures techniques de lutte contre le bruit» dans le présent chapitre) impliquent dagir sur la source du bruit (montage de silencieux sur les conduits déchappement dair, par exemple), sur sa propagation (encoffrement des machines) ou sur le récepteur (construction dune cabine autour du poste de travail du salarié). Il est souvent nécessaire de prendre en considération lavis du travailleur pour concevoir ces modifications afin de sassurer que celles-ci sont pratiques et quelles ne vont pas le gêner dans lexécution de ses tâches. Il est évident que les expositions dangereuses dun travailleur au bruit doivent être réduites ou éliminées au moyen de mesures de nature technique chaque fois que cela est possible et réalisable.
Les mesures organisationnelles de lutte contre le bruit comprennent le remplacement de machines anciennes par de nouveaux modèles moins bruyants, lapplication de programmes de maintenance des machines permettant labaissement du niveau sonore et la modification de la répartition des temps passés au poste de travail du salarié afin de réduire les doses de bruit en limitant la durée dexposition chaque fois que cela est possible et techniquement réalisable. Lintervention au stade de létude et de la conception en vue dobtenir des niveaux sonores non dangereux à loccasion de la mise en service de nouvelles unités de production constitue une mesure efficace qui peut aussi dispenser de recourir à un programme de conservation de laudition.
Les membres de léquipe chargée du programme de conservation de laudition et les travailleurs ne participeront activement au programme que sils comprennent quels en sont le but et les avantages directs quils vont en retirer, et sils sont persuadés que leur emploi implique le respect des consignes dhygiène et de sécurité de lentreprise. Sans formation sérieuse visant à motiver les actions individuelles, le programme de conservation de laudition sera un échec (Royster et Royster, 1986). Les thèmes à aborder devraient porter entre autres sur les objectifs et les avantages du programme de conservation de laudition, les méthodes danalyses sonométriques et leurs résultats, lemploi et la maintenance des moyens techniques de lutte contre le bruit, les dangers de lexposition extraprofessionnelle au bruit, le processus daltération de laudition par le bruit, les conséquences de la perte auditive sur la vie quotidienne, la sélection et ladaptation des protecteurs et limportance de leur port systématique, le rôle des examens audiométriques dans le dépistage des modifications de laudition de façon à signaler la nécessité dune protection plus importante, et la politique de lemployeur en matière de programme de conservation de laudition. Dans lidéal, ces sujets peuvent être expliqués aux travailleurs par petits groupes lors de réunions sur la sécurité, en laissant suffisamment de temps aux participants pour poser des questions. Pour être efficace, léducation devrait être un processus continu et ne pas se limiter à une présentation annuelle: le personnel du programme devrait saisir chaque jour loccasion de rappeler les moyens de conserver une bonne audition.
Lemployeur fournit des protecteurs auditifs individuels (bouchons doreilles, casques antibruit ou semi-inserts) aux travailleurs qui devraient les porter tant que les niveaux sonores sur le lieu de travail restent dangereux. Comme de nombreuses machines industrielles ne sont pas équipées de moyens de prévention technique, les protecteurs individuels sont actuellement la meilleure solution pour prévenir la perte auditive due au bruit. Comme il a déjà été indiqué, un affaiblissement de seulement 10 dB suffit pour protéger convenablement la plupart des travailleurs exposés au bruit. Le large choix de protecteurs actuellement disponibles permet dobtenir facilement une bonne protection (Royster 1985; Royster et Royster, 1986) si ces dispositifs sont adaptés individuellement à chaque travailleur pour offrir une isolation acoustique en même temps quun confort acceptable et si lon apprend au travailleur à les porter convenablement pour assurer lisolation acoustique et systématiquement chaque fois quil y a risque.
Chaque personne exposée devrait être soumise à un examen auditif de base, suivi de contrôles annuels, pour surveiller létat de son audition et dépister toute évolution. On utilise à cette fin un audiomètre dans une cabine suffisamment insonorisée pour déterminer les seuils daudition du travailleur à 500 Hz, 1, 2, 3, 4, 6 et 8 kHz. Si le programme de conservation de laudition est efficace, les résultats de lexamen audiométrique ne feront pas apparaître daltération de louïe significative induite par le bruit au travail. Si lon constate des modifications suspectes de laudition, le technicien audiométriste et laudiologiste ou encore le médecin qui examine le dossier peuvent conseiller au travailleur de se montrer plus attentif au port de ses protecteurs, évaluer sil a besoin de protections mieux adaptées et linciter à faire preuve dune plus grande prudence pour protéger son audition au travail et à lextérieur. On peut parfois déceler des atteintes auditives dues à des causes non professionnelles, comme le tir ou lexposition au bruit dans le cadre des loisirs ou encore à des affections de loreille. La surveillance audiométrique nest utile que si un contrôle régulier de la qualité des procédures de test est effectué et si les résultats sont utilisés pour déclencher le suivi des personnes présentant une atteinte auditive significative (Royster, 1985).
Le type de dossiers quil faut établir et la durée de leur conservation varient dun pays à lautre. Dans les pays où les problèmes de contentieux et de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont importants, les dossiers devraient être conservés plus longtemps que ne lexige la réglementation du travail, car ils sont souvent utilisés à des fins juridiques. La constitution de dossiers a pour but de consigner les informations sur la façon dont le salarié a été protégé du bruit (Royster et Royster 1989, 1990). Il est important que figurent, dans ces dossiers, les procédures de contrôle du bruit et leurs résultats, les résultats détalonnage des audiomètres, les actions qui ont été entreprises à la suite du dépistage des atteintes auditives du travailleur et toute la documentation sur ladaptation et la formation au port de protecteurs de laudition. Les dossiers devraient inclure le nom des personnes ayant effectué les tâches prévues par le programme ainsi que les résultats.
Des programmes bien organisés présentent en commun les caractéristiques suivantes et encouragent une «culture de la sécurité» à légard de tous les programmes de sécurité (lunettes de protection, casques, gestes et postures, etc.).
Pour harmoniser efficacement les cinq phases du programme de conservation de laudition, il est essentiel de les regrouper sous la responsabilité dune même personne qui en assure la coordination (Royster et Royster, 1989, 1990). Dans les petites entreprises où une seule personne est susceptible de prendre en charge tous les aspects du programme, la coordination ne pose généralement pas de problème. En revanche, dans les entreprises plus grandes, différentes catégories de personnels interviennent dans le programme: le personnel de sécurité, le personnel médical, les ingénieurs, les responsables de lhygiène industrielle, les responsables du magasin doutillage, les responsables de la production, etc. Quand des personnels de diverses disciplines sont chargés des différents aspects du programme, il devient très difficile de coordonner leurs efforts à moins quune «personne clé» ne soit en mesure de superviser lensemble. Le choix de cette personne est primordial pour la réussite du programme. Lune des principales qualités requises chez la personne clé est un intérêt réel pour le programme de conservation de laudition dans lentreprise.
La personne clé est toujours disponible et sintéresse vraiment aux commentaires ou aux plaintes susceptibles de contribuer à améliorer le programme. Elle nadopte pas une attitude distante et ne reste pas dans son bureau à soccuper du programme sur le papier, mais elle passe du temps dans les zones de production ou dans tout lieu dactivité des travailleurs afin dagir avec eux et de chercher les moyens déviter ou de résoudre les problèmes.
Les principaux membres de léquipe devraient se réunir régulièrement pour sentretenir de lavancement du programme et vérifier que toutes les missions sont assurées. Une fois que les personnes chargées des différentes tâches ont compris comment, par leur propre rôle, elles contribuent au résultat global du programme, elles coopèrent mieux à la prévention. La personne clé peut réussir à susciter cette communication et cette coopération actives si la direction lui délègue lautorité nécessaire pour prendre les décisions relatives au programme et lui donne les moyens financiers indispensables pour que les décisions prises puissent être suivies deffet. La réussite du programme dépend de tous, depuis le patron jusquau dernier stagiaire embauché; le rôle de chacun est important. Celui de la direction consiste essentiellement à soutenir le programme de conservation de laudition et à le mettre en uvre dans le cadre du programme global dhygiène et de sécurité de lentreprise. Les cadres et les agents de maîtrise ont un rôle plus direct: ils participent à lexécution des cinq phases. Le rôle des travailleurs est de participer activement au programme et de ne pas hésiter à faire des propositions en vue den améliorer le fonctionnement. Toutefois, pour obtenir la participation des travailleurs, la direction et léquipe du programme doivent se montrer attentives à leurs observations et leur apporter de véritables réponses.
Limportance des politiques de protection individuelle dans le succès dun programme de conservation de laudition est soulignée par deux caractéristiques defficacité: le respect strict du port des protecteurs (lobligation doit être effectivement remplie et ne pas rester lettre morte) et la mise à disposition de protecteurs efficaces destinés aux utilisateurs. Ces protecteurs devraient être suffisamment pratiques et confortables pour être portés systématiquement par les travailleurs en leur apportant un affaiblissement suffisant sans gêner la communication par surprotection.
Si la portée des décisions locales en matière de protection de laudition est restreinte par des politiques arrêtées au siège de la société, la personne clé peut avoir besoin de laide de sa direction pour obtenir des dérogations à la réglementation interne ou externe afin de répondre aux besoins locaux. Elle doit également exercer un contrôle étroit sur les prestations confiées à des consultants extérieurs, des sous-traitants ou des fonctionnaires (à loccasion des contrôles de bruit ou des audiogrammes). En cas de recours à des sous-traitants, il est plus difficile dintégrer leurs services de manière cohérente dans le programme général, mais il est essentiel de le faire. Si le personnel de lentreprise néglige de tirer parti des informations fournies par les sous-traitants, les éléments sous-traités du programme perdent de leur efficacité. Lexpérience montre clairement quil est très difficile de mettre en place et de faire fonctionner efficacement un programme de conservation de laudition dépendant essentiellement dintervenants extérieurs.
A linverse, la liste ci-après énumère quelques causes courantes dinefficacité dun programme de conservation de laudition:
Les données audiométriques relatives à la population exposée au bruit montrent si le programme réussit à prévenir la perte auditive dorigine professionnelle. Avec le temps, le niveau de perte auditive des travailleurs exposés au bruit ne devrait pas dépasser le niveau observé chez des témoins nexerçant pas un métier bruyant. Des procédés danalyse des bases de données audiométriques faisant appel à la variabilité des valeurs du seuil daudition dune année sur lautre ont été développés afin de déterminer très tôt si un programme est efficace (Royster et Royster, 1986; ANSI, 1991).
Dans le domaine du bruit dorigine professionnelle, les termes réglementation , normes et législation sont souvent employés de manière interchangeable, même si, techniquement, ils ont des significations légèrement différentes. Une norme est un ensemble codifié de règles ou de directives, assez proche dune réglementation, mais qui peut être élaboré sous les auspices dun groupe consensuel comme lOrganisation internationale de normalisation (ISO). La législation est composée de lois adoptées par les autorités législatives ou par les institutions de ladministration locale.
Un grand nombre de normes nationales sont appelées législation. Certains organes officiels emploient aussi bien les termes normes que réglementation. Le Conseil des Communautés européennes (CCE) publie des Directives . Tous les membres de la Communauté européenne ont dû harmoniser avant 1990 leurs normes en matière de bruit (réglementation ou législation) avec la directive CEE de 1986 concernant lexposition au bruit dorigine professionnelle (CCE, 1986). Cela signifie que les normes et les réglementations en matière de bruit dans les pays membres doivent être au moins aussi strictes que la directive CEE. Aux Etats-Unis, une réglementation est un règlement ou un décret pris par une autorité gouvernementale qui présente généralement un caractère plus formel que normatif.
Certains pays disposent dun code de bonne pratique , document qui est un peu moins formel. La norme nationale australienne en matière dexposition professionnelle au bruit se compose, par exemple, de deux brefs paragraphes fixant des règles obligatoires, suivis dun code de bonne pratique de 35 pages qui fournit des orientations pratiques sur la façon dont la norme doit être mise en uvre. Les codes de bonne pratique nont généralement pas la force légale dune réglementation ou dune loi.
On utilise parfois le terme recommandation qui est plus proche dune directive que dune règle impérative et qui na pas de caractère obligatoire. Dans le présent article, le terme norme sera utilisé de façon générique pour désigner les normes en matière de bruit à tous les degrés de formalisation.
Lune des normes en matière de bruit le plus largement employée est la norme ISO 1999 (1990). Cette norme internationale constitue la révision dune version antérieure moins détaillée; elle peut être utilisée pour prévoir quantitativement la perte auditive susceptible de survenir dans les différents centiles de la population exposée à diverses fréquences audiométriques en fonction du niveau et de la durée de lexposition, de lâge et du sexe.
LISO est actuellement très active dans le domaine des normes acoustiques. Son Comité technique TC43, «Acoustique», travaille sur une norme visant à évaluer lefficacité des programmes de conservation de laudition. Selon von Gierke (1993), le Sous-Comité 1 (SC1) du TC43 compte 21 groupes de travail dont certains étudient plus de trois normes. Le TC43/SC1 a publié 58 normes relatives au bruit; 63 autres sont en cours de révision ou en préparation (von Gierke, 1993).
Lexpression critères dommages-risque désigne le risque de perte auditive à différents niveaux de bruit. De nombreux facteurs interviennent dans lélaboration de ces critères et viennent sajouter aux données décrivant le niveau de perte auditive résultant dun certain niveau dexposition au bruit. Ils concernent à la fois les aspects techniques et dautres plus fondamentaux.
Un certain nombre de questions se posent qui sont de bons exemples des problèmes de fond: quelle proportion de la population exposée au bruit devrait être protégée et à quel niveau la perte auditive constitue-t-elle un risque acceptable? Doit-on protéger même les membres les plus sensibles de la population exposée contre toute perte auditive? Ou bien doit-on assurer une protection uniquement contre un handicap auditif susceptible douvrir droit à réparation? Cela revient à poser la question du choix de la formule de calcul de lindice de perte auditive à employer. En la matière, les divers organismes gouvernementaux ont pris des options très différentes.
Au départ, les décisions prises en matière de réglementation permettaient de considérer des pertes auditives importantes com-me un risque acceptable. La définition la plus couramment utilisée était un niveau de seuil auditif moyen (ou «limite basse») de 25 dB ou plus aux fréquences audiométriques de 500, 1 000 et 2 000 Hz. Depuis, les définitions de «déficit auditif» ou de «handicap auditif» sont devenues plus restrictives, divers pays ou groupes de consensus préconisant des définitions différentes. Aux Etats-Unis par exemple, certains organismes gouvernementaux utilisent actuellement 25 dB à 1 000, 2 000 et 3 000 Hz. Dautres définitions prennent en compte une limite basse de 20 ou de 25 dB à 1 000, 2 000 et 4 000 Hz ou incluent une gamme de fréquences plus large.
En général, plus les définitions comportent de fréquences élevées et de «limites» ou seuils daudition bas, plus lacceptabilité du risque devient restrictive: un pourcentage plus élevé de la population exposée sera considéré comme à risque à un niveau de bruit donné. Pour éviter tout risque de perte auditive induite par une exposition au bruit, même chez les membres les plus sensibles de la population exposée, la limite dexposition admissible devrait être de 75 dB(A). En fait, la directive CEE a instauré un niveau équivalent (Leq) de 75 dB(A) comme niveau auquel le risque est négligeable; cest cette valeur qui a également été fixée comme objectif pour les usines de production suédoises (Kihlman, 1993).
Dans lensemble, lidée qui prévaut dans ce domaine, cest que lon peut accepter que des travailleurs exposés au bruit subissent une certaine perte auditive, mais à condition que celle-ci ne soit pas trop élevée. Il nexiste pas pour le moment de consensus sur le sens du mot «trop». Selon toute probabilité, la plupart des pays vont élaborer des normes et des réglementations pour essayer de maintenir le risque au niveau le plus bas tout en tenant compte de la faisabilité technique et économique, mais sans parvenir à sentendre sur des points tels que les fréquences, les limites des indices ou le pourcentage de population à protéger.
On peut présenter les critères de perte auditive induite par le bruit de deux façons: le déplacement permanent du seuil induit par le bruit (NIPTS) ou lindice de risque de perte auditive. Le premier est la perte auditive permanente résiduelle dans une population après déduction du déplacement des seuils daudition que lon observerait «normalement», en raison de causes autres que le bruit dorigine professionnelle. Lindice de risque de perte auditive est le pourcentage dune population qui présente un certain niveau de déficit auditif induit par le bruit après déduction du pourcentage dune population similaire non exposée professionnellement au bruit. On appelle quelquefois ce concept le risque en excès . Malheureusement, les deux méthodes présentent des inconvénients.
Employé seul, le déplacement du seuil ne permet que difficilement de dresser un bilan des effets du bruit sur laudition. Les données sont généralement présentées dans un grand tableau indiquant les NIPTS ou pertes auditives pour chaque fréquence audiométrique en fonction du niveau sonore subi, des années dexposition et du centile de population. Le concept dindice de risque est plus séduisant, car il utilise un simple pourcentage apparemment facile à comprendre. Or, cet indice peut varier énormément en fonction de plusieurs facteurs, en particulier la limite de lindicateur de perte auditive et les fréquences utilisées pour définir le déficit auditif (ou handicap).
Avec les deux méthodes, il faut sassurer que les populations exposées et non exposées sont soigneusement appariées sur des facteurs tels que lâge et lexposition extraprofessionnelle au bruit.
Le tableau 47.1 présente quelques caractéristiques des normes en matière dexposition au bruit dans plusieurs pays. La plupart des informations étaient à jour au moment de la parution de la version anglaise de cet ouvrage, mais certaines normes ont pu être révisées récemment. Il est donc conseillé de consulter la version la plus récente des normes nationales.
Pays, année |
PEL moyenne/ |
Coefficient d’équivalence, dB(A)b |
Niveau maximal (valeur efficace) |
Mesures de prévention technique dB(A)c |
Test audio-métrique dB(A)c |
Allemagne1, 2, 1990 |
85 |
3 |
140 dB crête |
90 |
85 |
Argentine |
90 |
3 |
110 dB(A) |
||
Australie3, 1993 |
85 |
3 |
140 dB crête |
85 |
85 |
Brésil, 1992 |
85 |
5 |
115 dB(A) |
85 |
|
Canada4, 1990 |
87 |
3 |
87 |
84 |
|
Chili |
85 |
5 |
115 dB(A) |
||
Chine5, 1985 |
70-90 |
3 |
115 dB(A) |
||
Conseil des Communautés européennes (CCE)1, 6, 1986 |
|
|
|
|
|
Espagne, 1989 |
85 |
3 |
140 dB crête |
90 |
80 |
Etats-Unis7, 1983 |
90 |
5 |
115 dB(A) |
90 |
85 |
Finlande, 1982 |
85 |
3 |
85 |
||
France, 1990 |
85 |
3 |
135 dB crête |
85 |
|
Hongrie |
85 |
3 |
125 dB(A) |
90 |
|
Inde8, 1989 |
90 |
115 dB(A) |
|||
Israël, 1984 |
85 |
5 |
115 dBA |
||
Italie, 1990 |
85 |
3 |
140 dB crête |
90 |
85 |
Norvège9, 1982 |
85 |
3 |
110 dBA |
80 |
|
Nouvelle-Zélande10, 1981 |
85 |
3 |
115 dB(A) |
||
Pays-Bas11, 1987 |
80 |
3 |
140 dB crête |
85 |
|
Royaume-Uni, 1989 |
85 |
3 |
140 dB crête |
90 |
85 |
Suède, 1992 |
85 |
3 |
115 dB(A) |
85 |
85 |
Uruguay |
90 |
3 |
110 dB(A) |
a PEL: niveau maximal admissible; b coefficient d’équivalence. Parfois appelé taux de doublement ou rapport d’équivalence temps/intensité, il désigne le déplacement du niveau de pression acoustique (en dB) admis chaque fois que le temps d’exposition est divisé par deux ou doublé; c comme pour le PEL, les niveaux limites au-dessus desquels des mesures de prévention technique doivent être prises et des contrôles audiométriques doivent être effectués sont en principe des niveaux moyens .
Sources: Arenas, 1995; Gunn, non daté; Embleton, 1994; BIT, 1994. Les normes publiées par les différents pays ont en outre été consultées.
1 Le Conseil des Communautés européennes (CCE, 1986) et lAllemagne (UVV «Lärm»), déclarent quil nest pas possible de fixer de limite précise pour éliminer les dangers pour laudition et des autres risques pour la santé induits par le bruit. Lemployeur est donc tenu de réduire le bruit au niveau le plus bas raisonnablement possible, compte tenu de létat des techniques et des possibilités datténuation existantes. Dautres Etats membres de la Communauté européenne ont adopté cette même ligne de conduite. 2 LAllemagne applique aussi une norme de 55 dB(A) pour les tâches intellectuellement astreignantes et de 70 dB(A) pour les travaux de bureau mécanisés. 3 Les niveaux limites pour engager des mesures techniques de réduction, des examens audiométriques ainsi que dautres éléments du programme de protection de laudition sont définis dans un code de bonne pratique. 4 Au Canada, la règle varie dune province à lautre: le Nouveau-Brunswick, lOntario et le Québec utilisent 90 dB(A) avec un coefficient déquivalence de 5 dB; lAlberta, la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve appliquent comme limite 85 dB(A) avec un coefficient déquivalence de 5 dB; et la Colombie-Britannique emploie 90 dB(A) avec un coefficient déquivalence de 3 dB. Toutes les provinces imposent une prévention technique à partir du niveau maximal admissible. Le Manitoba rend obligatoires certaines mesures de protection de laudition au-dessus de 80 dB(A), le port de protecteurs individuels et une formation sur demande au-dessus de 85 dB(A), ainsi quune prévention technique au-dessus de 90 dB(A). 5 La Chine impose des niveaux différents selon les activités: 70 dB(A), par exemple, pour les chaînes dassemblage de précision, les ateliers de fabrication et les salles dordinateurs; 75 dB(A) pour les salles de service, de surveillance et les toilettes; 85 dB(A) pour les nouveaux ateliers et 90 dB(A) pour les ateliers existants. 6 Les pays de la Communauté européenne ont été invités à appliquer des normes au moins conformes à la directive CEE avant le 1er janvier 1990. 7 Ce sont les niveaux de la norme OSHA qui concerne les travailleurs de lindustrie et des métiers maritimes. Les services de larmée américaine imposent des normes un peu plus strictes. Larmée de lair américaine (US Air Force ) et larmée américaine (US Army) appliquent toutes deux un niveau maximal admissible de 85 dB(A) et un coefficient déquivalence de 3 dB. 8 Recommandation. 9 La Norvège impose un niveau maximal admissible de 55 dB(A) pour les travaux exigeant une grande concentration, de 70 dB(A) pour les travaux nécessitant une communication orale ou une grande précision et beaucoup dattention, et de 85 dB(A) pour les autres locaux de travail bruyants. Les limites recommandées sont inférieures de 10 dB. Les travailleurs exposés à des niveaux de bruit supérieurs à 85 dB(A) doivent porter des protecteurs individuels de laudition. 10 La Nouvelle-Zélande impose un maximum de 82 dB(A) pour une exposition de 16 heures. Le port de casques auditifs est obligatoire quand le niveau de bruit est supérieur à 115 dB(A). 11 La législation contre le bruit des Pays-Bas rend obligatoire la prévention technique à 85 dB(A), sauf si ce nest pas «raisonnable». Des protecteurs individuels doivent être fournis au-dessus de 80 dB(A) et les travailleurs ont obligation de les porter lorsque le niveau est supérieur à 90 dB(A). |
Le tableau 47.1 montre clairement la tendance de la plupart des pays à utiliser une limite dexposition admissible de 85 dB(A), alors que près de la moitié des normes fixent encore à 90 dB(A) la limite pour rendre obligatoires lapplication de mesures techniques, comme lautorise la directive CEE. La grande majorité des pays du tableau 47.1 ont adopté un rapport déquivalence de 3 dB, à lexception dIsraël, du Brésil et du Chili, qui utilisent tous la règle des 5 dB avec 85 dB(A) comme niveau limite. Lautre exception notable concerne les Etats-Unis (dans le secteur civil), bien que larmée américaine (US Army) et larmée de lair américaine (US Air Force) aient adopté la règle des 3 dB.
Outre des obligations destinées à protéger les travailleurs contre la perte auditive, plusieurs pays ont établi des dispositions visant à prévenir dautres effets indésirables du bruit. Cest ainsi que certains dentre eux ont introduit dans leur réglementation la nécessité dassurer la protection contre les effets extra-auditifs du bruit. La directive CEE et la norme allemande reconnaissent que le bruit en milieu de travail entraîne un risque pour la sécurité et la santé des travailleurs qui dépasse la perte auditive, mais que les connaissances scientifiques actuelles relatives aux effets extra-auditifs ne permettent pas de fixer avec précision des niveaux non dangereux.
La norme norvégienne prévoit que les niveaux de bruit ne doivent pas dépasser 70 dB(A) dans les lieux de travail où la communication orale est nécessaire. La norme allemande recommande un abaissement du bruit pour la prévention des risques daccident et la Norvège comme lAllemagne imposent un niveau de bruit maximal de 55 dB(A) afin daméliorer la concentration et déviter le stress pendant lexécution de travaux intellectuels.
Certains pays se sont dotés de normes spécifiques en matière de bruit selon le poste de travail. La Finlande et les Etats-Unis disposent, par exemple, de normes acoustiques pour les cabines des véhicules à moteur; lAllemagne et le Japon prescrivent des niveaux sonores pour les bureaux. Dans dautres pays, le bruit figure au nombre des multiples autres risques inhérents à une activité industrielle particulière. Dautres normes concernent des types spécifiques déquipements ou de machines tels que les compresseurs, les tronçonneuses et le matériel de construction.
De plus, certains pays ou instances internationales ont publié des normes spécifiques pour les protecteurs individuels (directive CEE, Norvège et Pays-Bas) et pour les programmes de conservation de laudition (comme lEspagne, les Etats-Unis, la France, la Norvège et la Suède).
Certains pays font appel à des approches novatrices pour sattaquer au problème du bruit dorigine professionnelle. Les Pays-Bas, par exemple, ont une norme spécifique pour la construction de nouveaux lieux de travail, tandis que lAustralie et la Norvège fournissent des informations aux employeurs pour quils donnent aux fabricants des instructions en vue dobtenir un équipement moins bruyant.
Il existe peu dinformations sur le degré dapplication effective de ces normes et réglementations. Plusieurs dentre elles spécifient que les employeurs «devraient» prendre certaines mesures (en ce qui concerne par exemple les guides de bonne pratique ou les recommandations), alors que la plupart indiquent que les employeurs «doivent» le faire. Les normes dans ce dernier cas sont de nature plus contraignante, mais on constate entre les divers pays de grandes disparités dans leur capacité et leur désir de les faire appliquer. Même dans un pays donné, la volonté de mise en uvre effective des normes visant à réduire le bruit en milieu de travail peut varier considérablement selon le gouvernement en place.