Il est indéniable que le séjour dans un bâtiment quil soit affecté à un usage professionnel ou au logement peut, dans certains cas, susciter une sensation de gêne et même provoquer des symptômes pouvant correspondre à la définition dune maladie. Le principal coupable doit être recherché parmi les contaminations de divers types présentes à lintérieur du bâtiment, et qui sont englobées dans le terme général de «mauvaise qualité de lair intérieur». Les effets néfastes de cette mauvaise qualité de lair dans des espaces clos affectent un nombre considérable de personnes, étant donné que les habitants des villes passent entre 58 et 78% de leur temps dans des espaces intérieurs plus ou moins contaminés. Le problème est encore aggravé du fait quavec la construction de bâtiments plus hermétiques pour des considérations de fabrication ou déconomie dénergie, on recycle latmosphère en utilisant une plus faible proportion dair extérieur. Il est généralement admis aujourdhui que les locaux nayant pas de ventilation naturelle présentent des risques de contamination.
On applique en général le terme dair intérieur aux espaces intérieurs non industriels tels que ceux que lon trouve dans les immeubles de bureaux, les établissements publics (écoles, hôpitaux, théâtres, restaurants, etc.) et les habitations privées. Les concentrations de contaminants dans lair intérieur de ces bâtiments sont généralement du même ordre que celles de lair extérieur, cest-à-dire beaucoup plus faibles que celles des locaux industriels qui font lobjet de normes relativement bien connues en matière dévaluation de la qualité de lair. Pourtant, nombreux sont les occupants dimmeubles qui se plaignent de la qualité de lair quils y respirent; il y avait donc lieu détudier la situation. On a commencé à sintéresser au problème de la qualité de lair intérieur dès la fin des années soixante, mais les premières études nont été publiées quune dizaine dannées plus tard.
Même si, logiquement, la qualité de lair dépend en fait de la présence de ses éléments constitutifs dans des proportions appropriées, cest en réalité lusager, lorsquil respire, qui en est le meilleur juge. En effet, nos sens perçoivent à la perfection lair inhalé, car nous sommes sensibles aux manifestations olfactives et aux effets irritants denviron un demi-million de substances chimiques. Aussi, lorsque lensemble des habitants dun immeuble se disent satisfaits de lair quils respirent, on considère que cet air est de bonne qualité; sils ne le sont pas, cest que la qualité de lair est mauvaise. Cela veut-il dire quil est possible de prévoir comment lair sera perçu? Certes, mais en partie seulement. La méthode sapplique de manière satisfaisante aux environnements industriels où les composés chimiques mis en uvre sont connus et où leurs concentrations atmosphériques sont mesurées et comparées à certaines limites dexposition. La situation est différente lorsquil sagit dimmeubles à usage non industriel où il peut y avoir des milliers de substances chimiques en suspension dans lair, mais à des concentrations extrêmement faibles, plusieurs milliers de fois inférieures parfois aux limites établies pour les environnements industriels. La plupart du temps, les informations dont on dispose sur la composition chimique de lair intérieur ne nous permettent pas de prévoir comment cet air sera perçu, car leffet cumulé de ces milliers de contaminants, conjugué avec la température et lhumidité ambiantes, peut produire une atmosphère qui sera perçue comme irritante, souillée ou viciée cest-à-dire de mauvaise qualité. De même, la connaissance de la composition précise dun aliment ne renseigne guère quant à son goût; une analyse chimique ne nous donnera pas la possibilité de dire si laliment aura bon ou mauvais goût. Aussi, lorsquun système de ventilation est étudié, il est rare quune analyse chimique exhaustive de la composition de lair intérieur soit entreprise.
On dit aussi parfois que ce sont les occupants du bâtiment qui sont la seule source de contamination de lair intérieur. Cela serait certainement vrai si nous avions affaire aux matériaux de construction, à lameublement et aux systèmes de ventilation que lon utilisait il y a une cinquantaine dannées et qui étaient essentiellement constitués de pierre, de brique, de bois et dacier. Mais il nen va plus de même avec les matériaux modernes qui sont source de contamination certains peu, dautre beaucoup et qui, ensemble, entraînent une dégradation de la qualité de lair intérieur.
Les effets dune mauvaise qualité de lair intérieur sur la santé peuvent se manifester par toute une série de symptômes, aigus ou chroniques, et déboucher sur des pathologies précises. La figure 44.1 en illustre les principales manifestations. Bien quune mauvaise qualité de lair soit rarement la cause dune pathologie établie, elle peut être à lorigine de malaises, de stress, dabsentéisme et dune baisse de la productivité (avec une hausse correspondante des coûts de production). Ces problèmes peuvent dégénérer rapidement en conflits entre les occupants, leurs employeurs ou les propriétaires de limmeuble incriminé.
En règle générale, il est difficile détablir avec précision dans quelle mesure la mauvaise qualité de lair peut être nocive, car on ne dispose pas dinformations suffisantes sur la relation existant entre lexposition et ses effets, tout au moins aux niveaux de concentration auxquels on trouve généralement les contaminants. Il faut donc utiliser les informations obtenues lors dexpositions à de fortes doses comme celles quon rencontre dans lindustrie et les extrapoler à des doses beaucoup plus faibles, ce qui implique une certaine marge derreur. En outre, pour de nombreux contaminants, les effets dune exposition de forte intensité sont bien connus, alors quon sait très peu de choses des expositions de longue durée à de faibles concentrations ou des expositions à des mélanges. Les notions dinnocuité, de nocivité et de niveau admissible qui prêtent déjà à confusion en toxicologie industrielle sont, dans ce cas, beaucoup plus difficiles encore à définir. Il existe peu détudes concluantes sur le sujet, quil sagisse détablissements publics et de bureaux ou de logements privés.
On dispose de toute une série de normes de qualité de lair extérieur auxquelles on se réfère pour protéger lensemble de la population. Elles ont été établies en mesurant les effets nocifs pour la santé résultant dune exposition aux contaminants en suspension dans lair. Ces normes sont donc utiles en tant que directives générales, pour savoir si la qualité de lair intérieur est acceptable, au même titre que celles que propose lOrganisation mondiale de la santé (OMS). Les critères techniques tels que les valeurs limites dexposition de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, et les limites réglementaires établies pour les environnements industriels dans différents pays, sont valables pour des travailleurs adultes et pour des durées dexposition bien déterminées. Elles ne sont donc pas directement applicables à lensemble de la population. La Société américaine des ingénieurs en chauffage, réfrigération et climatisation (American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE)), aux Etats-Unis, a élaboré une série de normes et de recommandations qui sont largement utilisées pour lévaluation de la qualité de lair intérieur.
Un autre élément à prendre en considération pour lévaluation de la qualité de lair intérieur est son odeur, car lodeur est souvent le paramètre décisif de cette évaluation. Le mélange dune certaine odeur avec leffet légèrement irritant dun composant de lair intérieur peut nous amener à utiliser les termes de «frais» et «pur» ou de «vicié» et «pollué» pour caractériser lair intérieur. Lodeur joue donc un rôle très important lorsquil sagit de définir la qualité de lair intérieur. Alors quobjectivement les odeurs sont fonction de la présence de composés en quantités supérieures aux seuils des limites olfactives, elles sont souvent évaluées dun point de vue strictement subjectif. Il ne faut pas oublier que lodeur que lon perçoit peut être le résultat dun mélange de senteurs provenant de nombreux composés différents, et que la température et lhumidité peuvent en altérer les caractéristiques. Du point de vue de la perception, quatre caractéristiques permettent de définir et de mesurer les odeurs: lintensité, la qualité, la tolérabilité et le seuil. Sagissant de lair intérieur, il est très difficile cependant de «mesurer» les odeurs dun point de vue chimique. Cest la raison pour laquelle on a tendance à éliminer les «mauvaises» odeurs et à utiliser, pour les remplacer, celles quon considère comme «bonnes» afin de conférer à lair une qualité agréable. Il est rare quon parvienne à masquer les mauvaises odeurs par des bonnes; les odeurs de qualités très différentes peuvent en effet être décelées séparément, alors que leur mélange peut avoir des résultats inattendus.
On considère quil existe dans un bâtiment le syndrome dit «des bâtiments malsains» lorsque plus de 20% de ses occupants se plaignent de la qualité de lair ou quils présentent certains symptômes particuliers. Ce syndrome se manifeste par divers problèmes physiques et écologiques liés aux environnements intérieurs non industriels. En voici quelques exemples: les personnes affectées se plaignent de certains symptômes assimilables à un rhume ou à des affections respiratoires banales; le bâtiment en question est économe en énergie, il est de conception moderne et construit ou récemment rénové en utilisant de nouveaux matériaux; ses occupants nont pas la possibilité de modifier la température, lhumidité et léclairage de leur lieu de travail. Les causes les plus communes du syndrome du bâtiment malsain sont: une ventilation inadéquate, faute dun entretien suffisant; une mauvaise distribution et un apport insuffisant dair frais (entre 50 et 52% des cas); une contamination venant de lintérieur, notamment des machines de bureau, de la fumée de tabac et des produits dentretien (17 à 19%); une contamination venant de lextérieur, par suite dune mauvaise disposition des prises dair et des bouches de ventilation (11%); une contamination microbiologique venant de leau qui stagne dans les conduits du système de ventilation, les humidificateurs et les tours aéro-réfrigérantes (5%); la présence de formaldéhyde et dautres composants organiques émis par limmeuble et les matériaux de décoration (3 à 4%). Dans la majorité des cas, la ventilation est donc citée comme un facteur aggravant.
Dautres pathologies, moins fréquentes mais souvent plus graves, sont liées aux bâtiments et associées à des signes cliniques précis et à des résultats de laboratoires sans équivoque. Cest le cas, par exemple, de la pneumopathie dhypersensibilité, de la fièvre des humidificateurs, de la maladie des légionnaires et de la fièvre de Pontiac. Les chercheurs saccordent à reconnaître que ces pathologies devraient être considérées indépendamment du syndrome des bâtiments malsains.
Des études ont été menées en vue détablir aussi bien les causes des problèmes de qualité de lair que les solutions qui pourraient leur être apportées. Des progrès notables ont été réalisés, ces dernières années, dans la connaissance des contaminants présents dans lair intérieur et des facteurs qui contribuent à laltérer, mais beaucoup reste à faire. Les études menées au cours des vingt dernières années ont montré que la quantité des contaminants présents dans de nombreux environnements intérieurs est bien supérieure à ce que lon prévoyait et que, en outre, beaucoup de ces contaminants nont rien à voir avec ceux de lair extérieur. Ces constatations vont à lencontre de lidée selon laquelle les environnements intérieurs où lon ne produit rien seraient relativement peu contaminés et quils seraient, au pire, assimilables à lenvironnement extérieur. On sait aujourdhui que des contaminants tels que le radon et le formaldéhyde nexistent pratiquement que dans les environnements intérieurs.
La qualité de lair intérieur, notamment dans les locaux dhabitation, est aujourdhui une question de santé publique, au même titre que le contrôle de la qualité de lair extérieur ou des autres expositions sur le lieu de travail. Même si, comme on la déjà noté, un citadin passe entre 58 et 78% de son temps à lintérieur, il nest pas inutile de rappeler que ce sont les personnes les plus vulnérables, telles que les personnes âgées, les enfants en bas âge et les malades, qui y passent le plus de temps. La question sest surtout posée, à partir de 1973 environ, date à laquelle, en raison de la crise du pétrole, on sest efforcé déconomiser lénergie en réduisant le plus possible lentrée de lair dans les espaces clos, de façon à réduire le coût du chauffage et de la climatisation des immeubles. Même si les problèmes de qualité de lair intérieur ne sont pas tous à mettre sur le compte de ces mesures déconomie dénergie, il est vrai que cest à partir du moment où cette politique a été mise en uvre que les plaintes concernant la qualité de lair intérieur ont commencé à augmenter et que les vrais problèmes sont apparus.
Un autre sujet qui mérite attention est la présence, dans lair des locaux intérieurs, de micro-organismes qui peuvent provoquer des allergies et des infections. Il ne faut pas oublier que les micro-organismes sont une composante normale et essentielle de lécosystème. Il est normal de trouver des bactéries saprophytes et des champignons qui se nourrissent aux dépens de matières organiques mortes, dans la terre ou dans latmosphère, mais parfois aussi dans lair des locaux intérieurs. Les problèmes de contamination biologique dans les environnements intérieurs ont fait récemment lobjet dune grande attention.
La maladie des légionnaires, qui sest déclarée pour la première fois en 1976, est le cas le plus connu de maladie provoquée par un micro-organisme de cette nature. Dautres agents infectieux, tels que les virus susceptibles de causer de très graves maladies respiratoires, peuvent être présents dans les environnements intérieurs, en particulier lorsque le taux doccupation y est élevé et que lair est recyclé. En fait, on ne sait pas très bien dans quelle mesure les micro-organismes ou leurs composants sont impliqués dans les maladies liées à la qualité de lair des immeubles. Quelques protocoles de recherche ont été établis pour démontrer et analyser la présence de ces agents microbiens, mais ils sont peu nombreux et linterprétation des résultats obtenus est parfois sujette à caution.
La qualité de lair intérieur dun local dépend de toute une série de variables parmi lesquelles on peut citer la qualité de lair extérieur; la conception des systèmes de ventilation et de climatisation, leur fonctionnement et leur état dentretien; le découpage interne de limmeuble; lexistence de sources intérieures de contamination et leur importance (voir figure 44.2). On peut, pour simplifier, dire que les défauts les plus courants sont le résultat dune combinaison entre une ventilation inadaptée, une contamination venant de lintérieur et une contamination venant de lextérieur.
En ce qui concerne le premier de ces problèmes, les causes dune ventilation inadéquate peuvent être un apport insuffisant dair frais, dû à un recyclage trop important de lair intérieur ou à un débit dair frais trop faible; une mauvaise répartition ou une orientation défectueuse des bouches dadmission de lair extérieur; une mauvaise distribution de lair dans les locaux et, par conséquent, un mélange incomplet de cet air, ce qui peut donner lieu à une stratification, à la non-ventilation de certaines zones; à des différences de pression imprévues, qui peuvent créer des courants dair indésirables et des variations incessantes des caractéristiques thermohygrométriques perceptibles lorsquon se déplace; une filtration de lair déficiente par suite dun entretien insuffisant ou dune mauvaise conception du système de filtration défaut particulièrement grave lorsque lair extérieur est de mauvaise qualité ou que lair intérieur est recyclé à un rythme soutenu.
La contamination intérieure a plusieurs origines: les occupants eux-mêmes; les matériaux de construction (sils sont inadaptés ou présentent des défauts techniques); les travaux effectués à lintérieur du bâtiment; lutilisation abusive ou inappropriée de certains produits (pesticides, désinfectants, produits de nettoyage et dentretien); les gaz de combustion (cigarette, cuisines, cafétérias, laboratoires); la contamination accumulée dans des espaces mal ventilés qui se diffuse dans les zones voisines et les pollue à leur tour. Il ne faut pas oublier que les substances qui sont émises dans latmosphère intérieure ont beaucoup moins de chances de sy diluer que celles produites à lextérieur du fait de la très grande différence des volumes dair. En ce qui concerne la contamination biologique, elle provient le plus souvent de la présence deau stagnante, de matériaux imprégnés deau, des systèmes dévacuation et autres, et dun mauvais entretien des humidificateurs et des tours aéro-réfrigérantes.
Enfin, la contamination venant de lextérieur entre aussi en ligne de compte. Pour ce qui est des activités humaines, on peut mentionner trois sources principales: les combustions liées aux sources fixes (centrales thermiques); les combustions provenant de sources mobiles (véhicules); et les procédés industriels. Les cinq contaminants principaux émis par ces sources sont le monoxyde de carbone, les oxydes de soufre, les oxydes dazote, les composés organiques volatils (y compris les hydrocarbures), les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les matières particulaires. Les moteurs à combustion interne sont la source principale de production de monoxyde de carbone et dhydrocarbures et également une source importante de production doxydes dazote. La combustion provenant de sources fixes est surtout responsable des oxydes dazote. Les procédés industriels et les sources stationnaires de combustion génèrent plus de la moitié de la pollution particulaire émise par les activités humaines, tandis que les procédés industriels peuvent être une source de composés organiques volatils. Il existe aussi des contaminants produits naturellement puis véhiculés dans lair, tels que les particules de poussière volcanique, le sel (terrestre ou marin), les spores et les micro-organismes. La composition de lair extérieur varie dun endroit à un autre, en fonction de la nature des sources de contamination qui peuvent se trouver alentour et de la direction des vents dominants. En labsence de source de contamination, on trouvera toujours dans un air extérieur «propre» du dioxyde de carbone (320 ppm), de lozone (0,02 ppm), du monoxyde de carbone (0,12 ppm), du monoxyde dazote (0,003 ppm) et du dioxyde dazote (0,001 ppm). Les concentrations de ces substances seront évidemment plus élevées dans lair des agglomérations urbaines.
En dehors des contaminants provenant de lextérieur, il peut arriver que lair contaminé provenant du bâtiment lui-même soit évacué à lextérieur puis réintroduit par les prises dair du système de climatisation. Il peut aussi se faire que ces contaminants se soient infiltrés de lextérieur dans les fondations (ce peut être le cas du radon, de vapeurs dessence, deffluves des collecteurs dégouts, dengrais, dinsecticides ou de désinfectants). Il a été démontré que lorsque la concentration dun contaminant présent dans lair extérieur augmente, sa concentration dans lair intérieur augmente également, mais plus lentement, et que celle-ci diminue lorsque la concentration diminue à lextérieur. On peut en déduire que tout édifice exerce un effet de protection contre les contaminants extérieurs. Néanmoins, lenvironnement intérieur nest évidemment pas le reflet fidèle des conditions extérieures.
Les contaminants présents dans lair intérieur se diluent dans lair extérieur qui pénètre dans le bâtiment et laccompagnent lorsquil est rejeté à lextérieur. Lorsque la concentration dun contaminant dans lair intérieur est inférieure à celle que lon trouve à lextérieur, les échanges entre lextérieur et lintérieur ont pour effet de réduire la concentration de ce contaminant dans lair intérieur. Si, par contre, un contaminant a sa source à lextérieur, ces échanges auront pour résultat daugmenter sa concentration à lintérieur.
Les modèles déquilibre des quantités de contaminants présentes dans lair intérieur sont basés sur le calcul de leur accumulation, exprimée en unités de masse par unité de temps, en faisant la différence entre la quantité de contaminants qui entre, plus celle qui est générée à lintérieur, et la quantité de contaminants qui ressort, plus celle qui est éliminée par dautres moyens. Si lon connaît les valeurs de chacun des facteurs de léquation, la concentration intérieure pourra être évaluée pour un grand nombre de situations. Cette méthode permet de comparer les différentes solutions quil est possible dapporter à un problème de contamination intérieure.
Les bâtiments où les taux déchange avec lair extérieur sont faibles sont classés dans la catégorie des bâtiments étanches ou à bonne économie dénergie. Léconomie dénergie provient du fait que si la quantité dair froid qui pénètre dans limmeuble en hiver est réduite, lénergie nécessaire pour amener cet air à la température ambiante sera réduite elle aussi. Inversement, lorsquil fait chaud dehors, il faudra moins dénergie pour rafraîchir lair intérieur. Si un bâtiment nest pas équipé dun système de chauffage ou de climatisation, il sera ventilé naturellement par louverture des portes et des fenêtres. Même si les fenêtres sont fermées, les différences de pression entre lintérieur et lextérieur résultant du vent et du gradient thermique forcent lair à pénétrer par les crevasses, les fissures, les joints des portes et des fenêtres, les cheminées et les autres ouvertures, donnant lieu à ce que lon appelle une ventilation par infiltration.
La ventilation dun bâtiment se mesure en renouvellements par heure. Un renouvellement par heure signifie quen une heure, un volume dair égal au volume du bâtiment y pénètre de lextérieur; durant le même temps, un volume égal dair intérieur est évacué vers lextérieur. En labsence de ventilation mécanique, il est difficile de déterminer cette valeur, mais on considère quelle se situe entre 0,2 et 2,0 renouvellements par heure. Toutes choses étant égales par ailleurs, la concentration des contaminants générés à lintérieur sera plus faible dans des bâtiments à fort taux de renouvellement, sans que lon puisse affirmer quun taux de renouvellement élevé suffise à garantir la qualité de lair intérieur. Sauf dans les zones à forte pollution atmosphérique, les bâtiments plus ouverts auront une plus faible concentration de contaminants dans lair intérieur que ceux qui sont conçus pour être clos. Les bâtiments plus ouverts ont évidemment une moins bonne rentabilité énergétique. Le conflit entre économie dénergie et qualité de lair a une grande importance.
Une grande partie des actions visant à diminuer les coûts de lénergie affectent la qualité de lair intérieur dans une plus ou moins large mesure. Pour améliorer lisolation et létanchéité, on fait appel à des matériaux qui peuvent être sources de contamination intérieure et on réduit la vitesse de lair circulant à lintérieur. De même, le fait de compléter danciens systèmes de chauffage central souvent inefficaces par des sources dappoint qui chauffent ou consument lair intérieur est une autre source de contamination intérieure.
Les contaminants intérieurs les plus courants (à lexception de ceux qui viennent de lextérieur) sont les métaux, lamiante, les autres matériaux fibreux, le formaldéhyde, lozone, les pesticides et les composés organiques en général, le radon, les poussières domestiques et les aérosols biologiques. A ces contaminants sont souvent associés toutes sortes de micro-organismes tels que les champignons, les bactéries, les virus et les protozoaires. Les champignons et les bactéries saprophytes sont relativement bien connus, probablement parce quon dispose des techniques nécessaires pour les mesurer dans lair. Il nen est pas de même dagents tels que les virus, les rickettsies, les chlamydiae, les protozoaires et de nombreux champignons et bactéries pathogènes pour lesquels on ne dispose actuellement daucun moyen de les mettre en évidence et de les dénombrer. Parmi les agents infectieux, il y a lieu de mentionner en particulier Legionella pneumophila , Mycobacterium avium, Coxiella burnetii, Histoplasma capsulatum et, parmi les allergènes, Cladosporium , Penicillium et Cytophaga .
Jusquà présent, lexpérience a montré que les techniques classiques de lhygiène industrielle, du chauffage, de la ventilation et de la climatisation ne donnent pas toujours de bons résultats en ce qui concerne les obstacles toujours plus nombreux que pose lévaluation de la qualité de lair intérieur, encore quune connaissance de ces techniques ait pu permettre de traiter de manière approximative et relativement économique certaines des difficultés rencontrées. Résoudre un problème dair intérieur exige souvent, en plus dun ou de plusieurs experts en chauffage, en ventilation, en climatisation et en hygiène industrielle, des spécialistes en traitement de la qualité de lair intérieur, en chimie analytique, en toxicologie, en médecine environnementale, en microbiologie ainsi quen épidémiologie et en psychologie.
Lorsquon procède à une étude de la qualité de lair intérieur, le protocole et les méthodes de prélèvement et danalyse utilisés sont fonction des objectifs fixés; dans certains cas, en effet, on fait appel à des procédures pouvant apporter une réponse rapide, alors que, dans dautres cas, on sintéressera à des valeurs globales. La durée du programme dépendra du temps nécessaire pour obtenir des échantillons représentatifs, mais également de la saison et des conditions météorologiques. Si le but de létude est dévaluer les effets de lexposition, il faudra prélever non seulement des échantillons recueillis pendant une courte et une longue durée pour lévaluation des pics, mais aussi des échantillons personnels pour lévaluation de lexposition directe des individus.
Pour certains contaminants, on dispose de méthodes validées dutilisation courante, mais la plupart du temps ce nest pas le cas. En effet, pour de nombreux contaminants intérieurs, les techniques de mesurage des concentrations sont généralement celles utilisées en hygiène industrielle; or, comme les concentrations qui présentent un intérêt dans lair intérieur sont beaucoup plus faibles que celles que lon trouve dans les environnements industriels, ces méthodes sont rarement adaptées. Comme pour le mesurage de la contamination atmosphérique, elles opèrent avec des marges de concentrations similaires, mais ne sont applicables quà un nombre limité de contaminants et sont difficiles à utiliser à lintérieur. Si lon songeait, par exemple, à utiliser un échantillonneur à grand débit pour des matières particulaires, il serait trop bruyant et risquerait de modifier la qualité de lair intérieur étudié.
La détermination des contaminants contenus dans lair intérieur se fait généralement à laide danalyseurs en continu, déchantillonneurs actifs longue durée, déchantillonneurs passifs longue durée, par des prélèvements directs et par des échantillonneurs personnels. Il existe actuellement des techniques adéquates pour le mesurage des concentrations de formaldéhyde, des oxydes de carbone et dazote, des composés organiques volatils et du radon, notamment. Les contaminants biologiques sont mesurés par des techniques de sédimentation en boîtes de Petri ou, plus souvent, par des appareils actifs qui font impacter lair sur des géloses contenant des nutriments qui sont ensuite mises en culture. La quantité de micro-organismes présents est exprimée en unités formant colonie par m3.
Lorsquon cherche à analyser un problème de qualité de lair intérieur, il est dusage détablir à lavance une stratégie consistant en une approximation par phases successives. Une première phase dinvestigation initiale peut être réalisée en faisant appel à des techniques dhygiène industrielle. Elle sera conçue pour que le chercheur nait pas besoin dêtre un spécialiste en qualité de lair intérieur. On procédera tout dabord à une inspection générale du bâtiment et on en vérifiera ses installations, notamment en ce qui concerne la régulation et le bon fonctionnement du chauffage, de la ventilation et de la climatisation. Il est important, à cet égard, de voir si les occupants ont la possibilité de modifier les conditions de leur environnement. Si le bâtiment nest pas équipé dun système de ventilation mécanique, il y aura lieu détudier le degré defficacité de la ventilation naturelle existante. Si, après révision et le cas échéant après adaptation , les conditions de fonctionnement des systèmes de ventilation savèrent conformes à la réglementation et que, malgré tout, les gens continuent à se plaindre, il faudra procéder à un contrôle technique général pour déterminer la nature et la gravité du problème. Cette première investigation devrait aussi permettre de déterminer si le problème peut être résolu au niveau de limmeuble uniquement, ou sil faut faire appel à des spécialistes en hygiène ou en toute autre discipline.
Si le problème nest ni déterminé ni résolu au cours de cette première phase, dautres étapes dinvestigation plus poussées seront envisagées sur la base des anomalies décelées au cours de la première étape. Il pourra sagir, par exemple, détudier plus en détail le chauffage, la ventilation et la climatisation du bâtiment, de procéder à une évaluation plus poussée des matériaux susceptibles démettre des gaz ou de produire des particules, deffectuer une analyse chimique détaillée de lair ambiant intérieur ou encore dentreprendre une évaluation médicale ou épidémiologique permettant de détecter les signes dune éventuelle pathologie.
En ce qui concerne les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, il conviendra de contrôler les équipements de réfrigération pour sassurer quil ne sy développe aucun micro-organisme et quil ne reste pas deau stagnante dans les bacs de condensats. Les caissons de ventilation seront contrôlés eux aussi afin de voir sils fonctionnent correctement; les systèmes daspiration et dextraction de lair seront examinés en différents points pour vérifier leur étanchéité. Lintérieur dun nombre représentatif de conduits dair sera inspecté pour sassurer quils ne contiennent pas de micro-organismes; cette dernière considération est particulièrement importante lorsquon utilise des humidificateurs. Tous ces éléments requièrent lapplication de protocoles très minutieux de maintenance, dexploitation et dinspection afin dempêcher que ne se développent des micro-organismes susceptibles de se propager dans lensemble du système de climatisation.
Les méthodes permettant daméliorer la qualité de lair intérieur consistent en général à éliminer la source de contamination; à lisoler ou à la ventiler séparément; à la séparer des personnes quelle risquerait daffecter; à procéder à un nettoyage complet du bâtiment; à vérifier et à améliorer les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation. Cela peut impliquer toutes sortes dinterventions, allant de quelques modifications ponctuelles à une nouvelle conception des installations. Ces opérations ont souvent un caractère répétitif, et il faut donc recommencer létude plusieurs fois, en employant chaque fois des techniques plus sophistiquées. On trouvera plus loin une description plus détaillée de ces techniques dinvestigation et de contrôle.
Il convient de souligner, pour conclure, que même après les investigations les plus minutieuses il pourra savérer parfois impossible détablir une relation claire entre les caractéristiques et la composition de lair intérieur, dune part, et la santé et le confort des occupants du bâtiment faisant lobjet de létude, dautre part. Ce nest que par une conception rationnelle de la ventilation dun bâtiment et une étude judicieuse de son occupation et de son compartimentage que lon peut espérer obtenir une qualité de lair intérieur qui satisfasse la majorité de ses occupants.
Les contaminants chimiques de lair intérieur peuvent se manifester sous forme de gaz et de vapeurs (inorganiques et organiques), daérosols et de matières particulaires. Sils sont présents dans un bâtiment, cest quils sont venus du dehors ou quils ont été produits à lintérieur. Le fait quils proviennent de lextérieur ou de lintérieur dépend de leur nature et peut varier dans le temps.
Voici les principaux polluants chimiques quon trouve le plus souvent dans lair des locaux intérieurs:
Catégorie |
Description |
Abréviation |
Plage d’ébullition (ºC) |
Méthodes de prélèvement habituellement utilisées dans des études sur site |
1 |
Composés organiques très volatils (gazeux) |
COTV |
< 0 à 50-100 |
Prélèvements par lots, adsorption sur charbon |
2 |
Composés organiques volatils |
COV |
de 50-100 à 240-260 |
Adsorption sur Tenax, noir de carbone moléculaire ou charbon |
3 |
Composés organiques semi-volatils |
COSV |
de 240-260 à 380-400 |
Adsorption sur mousse de polyuréthane ou XAD-2 |
4 |
Composés organiques liés à une matière particulaire, organique ou non |
COP |
380 |
Filtres |
Une caractéristique importante des contaminants de lair des locaux intérieurs est que leurs concentrations varient à la fois dans lespace et dans le temps dans des proportions plus grandes quà lextérieur. Cela tient à ce que les sources de contaminants sont très nombreuses, que certaines dentre elles sont intermittentes et quil en existe plusieurs réservoirs.
Les concentrations des contaminants qui proviennent dune combustion sont sujettes à de très grandes variations dans le temps, et elles sont intermittentes. Les dégagements épisodiques de composés organiques volatils dus à des activités humaines, telles que la peinture, sont aussi sujets à de grands écarts de concentration dans le temps. Dautres, comme les émissions de formaldéhyde provenant de composés à base de bois, peuvent varier en fonction de la température et de lhumidité dans le bâtiment, mais ils sont continus. Lémission des composés chimiques organiques provenant dautres matériaux dépend peut-être moins de la température et de lhumidité, mais leur concentration dans lair intérieur sera fortement influencée par la ventilation.
Pour ce qui est des variations dans lespace, elles sont généralement moins prononcées que les variations dans le temps. A lintérieur dun bâtiment, il peut y avoir de grandes différences selon quil existe ou non des sources localisées: les photocopieuses dans un bureau, par exemple, ou les cuisinières à gaz dans les cuisines dun restaurant, ou encore la fumée de tabac dans les zones réservées aux fumeurs.
Les niveaux élevés de polluants générés par une combustion, notamment le dioxyde dazote et le monoxyde de carbone, proviennent en général dappareils à combustion non ou mal ventilés ou mal entretenus, ou encore de la fumée de tabac. Les appareils de chauffage non ventilés fonctionnant au mazout ou au gaz émettent des quantités non négligeables de CO, de CO2, de NOx et de SO2, ainsi que des particules et du formaldéhyde. Les cuisinières et les fours à gaz libèrent eux aussi ce genre de composés directement dans lair intérieur. Dans des conditions normales de fonctionnement, les appareils de chauffage à gaz à tirage direct et les chauffe-eau correctement ventilés ne devraient pas émettre de composés de combustion. En revanche, des échappements de gaz de combustion et des refoulements dair peuvent se produire lorsque les appareils sont défectueux et que la pièce est dépressurisée par des systèmes dévacuation concurrents et dans certaines conditions météorologiques.
La contamination de lair intérieur provoquée par la fumée de tabac résulte dun flux de fumée secondaire et dun flux de fumée principal exhalé, que lon désigne habituellement sous les termes de fumée de tabac ambiante (FTA). La fumée de tabac contient plusieurs milliers de composants différents dans des proportions qui dépendent du type de la cigarette fumée et des conditions dans lesquelles la fumée est produite. Les principaux composés chimiques de la fumée de tabac sont la nicotine, les nitrosamines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, le CO, le CO2, le NOx, lacroléine, le formaldéhyde et le cyanure dhydrogène.
Les matériaux auxquels on a accordé le plus dattention, en tant que sources de pollution intérieure, sont les panneaux de bois aggloméré qui contiennent une résine urée-formol (UF) et les matériaux disolation pour parois qui contiennent eux aussi de lurée-formol. Le formaldéhyde émis par ces composés est la cause des concentrations élevées de cette substance dans les bâtiments, et il est à lorigine de bien des plaintes formulées contre la mauvaise qualité de lair intérieur dans les pays développés, en particulier à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt. Le tableau 44.2 énumère quelques matériaux qui libèrent du formaldéhyde dans les bâtiments. On constate que ceux qui ont les taux démission les plus élevés sont les panneaux de bois aggloméré et les isolants à base durée-formol, tous deux utilisés très souvent dans la construction. Ces panneaux sont fabriqués à partir de fines particules de bois (environ 1 mm) mélangées à des résines urée-formol (6 à 8% de leur poids), puis pressées pour constituer des panneaux. Il sont très employés dans les planchers, les cloisons murales, les rayonnages et les meubles par éléments. Les placages de bois dur sont collés à la résine et généralement réservés aux parties décoratives des murs et des meubles. Les panneaux de fibres de densité moyenne contiennent des particules de bois plus fines que celles qui sont utilisées pour les panneaux dagglomérés, et ils sont eux aussi collés avec de la résine urée-formol; on les utilise de préférence dans les meubles. Dans tous ces produits, la principale source de formaldéhyde est le formaldéhyde résiduel qui reste pris dans la résine, par suite dun excès durée lors de la fabrication de cette résine. Le produit dégage davantage de formaldéhyde quand il est frais, et sa teneur en formaldéhyde diminue ensuite plus ou moins vite selon lépaisseur du produit, le pouvoir démission initial, la présence dautres sources de formaldéhyde, le climat local et les habitudes des occupants des locaux. La diminution peut atteindre plus de 50% pendant les huit ou neuf premiers mois, pour baisser ensuite beaucoup plus lentement. Une émission secondaire peut se produire par hydrolyse de la résine urée-formol, ce qui augmentera les taux démission en période de forte chaleur et de forte humidité. Les fabricants ont toutefois réussi à développer des matériaux à faible taux démission en diminuant le rapport entre lurée et le formaldéhyde (en le ramenant à 1 pour 1, par exemple) dans la production de la résine et en utilisant des piégeurs de formaldé-hyde. Sous la pression de la réglementation et des consommateurs, ces produits sont largement utilisés dans certains pays.
Taux d’émission de formaldéhyde |
|
Panneau de fibres de densité moyenne |
17 600-55 000 |
Panneau de contreplaqué en bois dur |
1 500-34 000 |
Panneau de particules |
2 000-25 000 |
Isolants en mousse d’urée-formol |
1 200-19 200 |
Contreplaqué de bois tendre |
240-720 |
Papier, carton |
260-680 |
Fibre de verre |
400-470 |
Vêtements |
35-570 |
Plancher résilient |
< 240 |
Moquette |
0-65 |
Tissus d’ameublement |
0-7 |
Les matériaux de construction et dameublement sont à lorigine de toutes sortes démissions dautres composés organiques volatils, ce qui a suscité une inquiétude croissante durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Lémission peut consister en un mélange complexe de plusieurs composants dont quelques-uns prédominent généralement. Sur 42 matériaux de construction étudiés, on a détecté 62 sortes de produits chimiques différents. Ces produits étaient, pour la plupart, des hydrocarbures aromatiques et aliphatiques, ainsi que leurs dérivés oxygénés et des terpènes. Les composants responsables des plus fortes concentrations à létat déquilibre étaient, par ordre décroissant, le toluène, le m-xylène, le terpène, le n-butylacétate, le n-butanol, le n-hexane, le p-xylène, léthoxyéthylacétate, le n-heptane et lo-xylène. Du fait de la complexité de ces émissions, elles ont, de même que leurs concentrations dans lair, souvent été assimilées à des composés organiques volatils totaux (COVT). Le tableau 44.3 donne des exemples de taux démission de COVT pour quelques matériaux de construction. On voit quil y a de grandes différences dans leurs taux démission; en dautres termes, si lon dispose des données nécessaires, on peut, dès le stade de la conception du bâtiment, choisir des matériaux propres à réduire ainsi au minimum la libération de COV dans les bâtiments neufs.
Type de matériau |
Concentrations |
Taux d’émission |
Papiers muraux |
||
Vinyle et papier |
0,95 |
0,04 |
Vinyle et fibre de verre |
7,18 |
0,30 |
Papiers peints |
0,74 |
0,03 |
Revêtements muraux |
||
Hessian |
0,09 |
0,005 |
PCVa |
2,43 |
0,10 |
Textile |
39,60 |
1,60 |
Textile |
1,98 |
0,08 |
Revêtements de sols |
||
Linoléum |
5,19 |
0,22 |
Fibre synthétique |
1,62 |
0,12 |
Caoutchouc |
28,40 |
1,40 |
Plastique tendre |
3,84 |
0,59 |
PCV homogène |
54,80 |
2,30 |
Peintures |
||
Latex acrylique |
2,00 |
0,43 |
Vernis époxy clair |
5,45 |
1,30 |
Vernis polyuréthane, à deux composants |
28,90 |
4,70 |
Vernis durci à l’acide |
3,50 |
0,83 |
a PCV: (polychlorure de vinyle).
Les produits destinés à la conservation du bois sont sources démissions de pentachlorophénol et de lindane dans lair et dans la poussière à lintérieur des bâtiments. On les emploie surtout pour protéger le bois exposé à lextérieur, ainsi que dans les biocides utilisés pour traiter des pourritures sèches et lutter contre les insectes.
Le nombre des produits alimentaires et des produits de ménage saccroît constamment, et leurs émissions chimiques dépendent de lusage qui en est fait. Les produits qui risquent de provoquer des concentrations intérieures de COV sont les aérosols, les produits de nettoyage, les solvants, les adhésifs et les peintures. Le tableau 44.4 énumère les principaux constituants chimiques de certains produits de consommation courante.
Source |
Composé |
Taux d’émission |
Agents nettoyants et pesticides |
Chloroforme |
15 µg/m2/h |
Antimites |
p-Dichlorobenzène |
14 000 µg/m2/h |
Nettoyage à sec des vêtements |
Tétrachloroéthylène |
0,5-1 mg/m2/h |
Cire liquide pour sols |
COVT (triméthylpentène et isomères dodécane) |
96 g/m2/h |
Cirage pour le cuir |
COVT (pinène et 2-méthyl-1-propanol) |
3,3 g/m2/h |
Détergents |
COVT (limonène, pinène et myrcène) |
240 mg/m2/h |
Emissions humaines |
Acétone |
50,7 mg/jour |
Papier pour photocopie |
Formaldéhyde |
0,4 µg/feuille |
Humidificateur à injection de vapeur |
Diéthylaminoéthanol, cyclohexylamine |
|
Machine à copies humides |
2,2,4-Triméthylheptane |
|
Solvants ménagers |
Toluène, éthylbenzène |
|
Décapants pour peintures |
Dichlorométhane, méthanol |
|
Décapants pour peintures |
Dichlorométhane, toluène, propane |
|
Protection des tissus |
1,1,1-Trichloroéthane, propane, distillats de pétrole |
|
Peintures latex |
2-Propanol, butanone, éthylbenzène, toluène |
|
Assainisseurs |
Nonane, décane, éthylheptane, limonène |
|
Eau de douche |
Chloroforme, trichloroéthylène |
|
Dautres COV ont été associés à certaines sources. Le chloroforme arrive surtout dans lair intérieur par leau du robinet, lorsquelle coule ou quelle chauffe. Les machines à photocopier à procédés liquides libèrent des isodécanes dans lair. Les insecticides utilisés pour lutter contre les blattes, les termites, les puces, les mouches, les fourmis et les acariens semploient le plus souvent sous forme de sprays, de brumisateurs, de poudres, de bandelettes ou dappâts imprégnés ainsi que de colliers pour animaux domestiques. Ces produits contiennent du diazinon, du paradicholorobenzène, du pentachlorophénol, du chlordane, du malathion, du naphtalène et de laldrine.
Les autres sources de contamination sont les occupants des locaux (dioxyde de carbone et odeurs), les machines de bureaux (COV et ozone), les moisissures (COV, ammoniac et dioxyde de carbone), les sols contaminés (méthane, COV), les purificateurs dair électroniques et les générateurs dions négatifs (ozone).
Le tableau 44.5 indique les rapports intérieur/extérieur les plus fréquents pour les principaux polluants de lair intérieur, ainsi que les concentrations moyennes mesurées dans lair extérieur dans les zones urbaines du Royaume-Uni. Le dioxyde de soufre contenu dans lair intérieur provient généralement du dehors et de sources à la fois naturelles et anthropogènes. La combustion des combustibles fossiles contenant du soufre et la fusion des minerais sulfurés sont les principales sources de dioxyde de soufre dans la troposphère. Les niveaux de fond sont très faibles (de lordre de 1 ppb), mais dans les zones urbaines les concentrations maximales horaires peuvent aller de 0,1 à 0,5 ppm. Le dioxyde de soufre peut pénétrer dans un bâtiment par lair que brasse la ventilation et sinfiltrer par de petites fissures dans lossature de lédifice. Tout dépend de létanchéité du bâtiment, vis-à-vis de lair, des conditions météorologiques et de la température des locaux. Une fois à lintérieur, lair se mélange et se dilue. Le dioxyde de soufre qui entre en contact avec le bâtiment et lameublement est adsorbé, ce qui peut réduire significativement sa concentration intérieure par rapport à lextérieur, en particulier lorsque les niveaux extérieurs de dioxyde de soufre sont élevés.
Substance/ groupe de substances |
Rapport des concentrations intérieures/extérieures |
Concentrations urbaines typiques |
Dioxyde de soufre |
~0,5 |
10-20 ppb |
Dioxyde d’azote |
≤ 5-12 (sources intérieures) |
10-45 ppb |
Ozone |
0,1-0,3 |
15-60 ppb |
Dioxyde de carbone |
1-10 |
350 ppm |
Monoxyde de carbone |
≤ 5-11 (sources intérieures) |
0,2-10 ppm |
Formaldéhyde |
≤ 10 |
0,003 mg/m3 |
Autres composés |
1-50 |
|
Particules en suspension |
0,5-1 (sans FTA)a |
50-150 µg/m3 |
a FTA: fumée de tabac ambiante.
Les oxydes dazote sont des produits de combustion; leurs sources principales sont les gaz déchappement, les centrales électriques thermiques et les chauffages domestiques. Le monoxyde dazote (NO) est relativement peu toxique, mais il peut être oxydé par le dioxyde dazote (NO2), surtout pendant les périodes de pollution photochimique. Les concentrations de fond du dioxyde dazote sont denviron 1 ppb, mais elles peuvent atteindre 0,5 ppm dans les zones urbaines. Lair extérieur est la principale source de dioxyde dazote dans les bâtiments, sauf dans ceux qui sont équipés dappareils à combustion non raccordés à une prise dair. Comme pour le dioxyde de soufre, son adsorption par les surfaces internes en réduit la concentration intérieure par rapport à celle de lextérieur.
Lozone est produit dans la troposphère par les réactions photochimiques qui ont lieu dans les atmosphères polluées, en fonction de lintensité de la lumière solaire et de la concentration des oxydes dazote, des hydrocarbures réactifs et du monoxyde de carbone. Dans les campagnes, les concentrations de fond de lozone sont de 10 à 20 ppb, alors quelles peuvent dépasser 120 ppb dans les zones urbaines pendant les mois dété. Dans les bâtiments, les concentrations internes sont sensiblement plus faibles à cause des réactions avec les surfaces intérieures et faute de sources puissantes.
On estime que, dans lhémisphère Nord, le monoxyde de carbone résultant des activités humaines représente 30% de la totalité du monoxyde de carbone présent dans latmosphère. Ses niveaux de fond sont denviron 0,19 ppm. Dans les zones urbaines, les concentrations pendant la journée sont fonction de lutilisation des véhicules à moteur et peuvent atteindre des pointes horaires allant de 3 ppm à 50 et 60 ppm. Cest une substance relativement peu réactive, qui nest donc pas appauvrie par réaction ou adsorption par les surfaces intérieures. Les sources intérieures telles que les appareils à combustion qui ne sont pas raccordés à une prise dair sajoutent donc au niveau de fond venant de lair extérieur.
Le rapport concentration intérieure/concentration extérieure est propre à chaque composé organique et peut varier dans le temps. Pour les composés venant surtout de sources intérieures, tels que le formaldéhyde, ce sont les concentrations intérieures qui dominent généralement. Pour le formaldéhyde, les concentrations extérieures sont normalement inférieures à 0,005 mg/m3, et les concentrations intérieures dix fois plus élevées que les valeurs extérieures. Dautres composés, tels que le benzène, proviennent surtout de sources extérieures, en particulier des véhicules à essence. Les sources intérieures démission de benzène sont notamment la fumée de tabac ambiante qui, au Royaume-Uni, génère dans les bâtiments des concentrations moyennes 1,3 fois supérieures à celles de lextérieur. Lenvironnement intérieur ne paraît pas capable dabsorber une quantité significative de benzène et il ne constitue donc pas une protection contre celui qui vient du dehors.
Les concentrations de monoxyde de carbone que lon trouve à lintérieur des bâtiments se situent généralement entre 1 et 5 ppm. Le tableau 44.6 résume les observations faites dans le cadre de 25 études. Ces concentrations sont plus fortes en présence de fumée de tabac ambiante (FTA), mais elles dépassent rarement 15 ppm.
Site |
Valeurs de NOx (ppb) |
Valeurs moyennes de CO (ppm) |
Bureaux |
||
Tabagisme |
42-51 |
1,0-2,8 |
Autres lieux de travail |
||
Tabagisme |
NDa-82 |
1,4-4,2 |
Transports |
||
Tabagisme |
150-330 |
1,6-33 |
Restaurants et cafétérias |
||
Tabagisme |
5-120 |
1,2-9,9 |
Bars |
||
Tabagisme |
195 |
3-17 |
a ND: non détecté.
Les concentrations de dioxyde dazote à lintérieur des bâtiments sont généralement comprises entre 29 et 46 ppb. Lorsquil sy trouve des sources telles que des fours à gaz, ces concentrations peuvent être passablement plus élevées, et la fumée de tabac peut avoir un effet quantifiable (voir tableau 44.6).
De nombreux COV sont présents à lintérieur des bâtiments, à des concentrations qui sont comprises entre 2 et 20 mg/m3 environ. Les résultats dune base de données américaine rassemblant 52 000 entrées relatives à 71 composés chimiques présents dans les logements, les bâtiments administratifs et les bureaux sont résumés à la figure 44.3. Les environnements dans lesquels un tabagisme important ou une faible ventilation engendrent des concentrations élevées de FTA peuvent produire des concentrations de COV comprises entre 50 et 200 mg/m3. Les matériaux de construction contribuent très largement à ces concentrations intérieures. Il est probable que dans les logements récents, on trouvera un plus grand nombre de composés dont les concentrations sont supérieures à 100 mg/m3. Les travaux de rénovation et de peinture augmentent sensiblement les niveaux de COV. Pour des produits tels que lacétate déthyle, le 1,1,1-trichloroéthane et le limonène, les concentrations peuvent dépasser 20 mg/m3 pendant les temps dactivité des occupants des locaux, alors quen labsence doccupants la concentration de certains COV peut diminuer denviron 50%. Un certain nombre de cas de concentrations élevées de contaminants dues aux matériaux de construction et à lameublement ont été relevés à la suite de plaintes des occupants. Il sagissait notamment du white-spirit provenant des injections pratiquées dans les matériaux pour assurer leur étanchéité, du naphtalène émis par des produits contenant du goudron, de léthylhexanol provenant des revêtements de sol en vinyle et du formaldéhyde contenu dans des produits à base de bois.
Les COV présents dans les bâtiments sont trop nombreux pour que lon puisse donner davantage dindications quant à leurs concentrations. On a donc fait appel à la notion de COV totaux (COV) pour caractériser les mélanges de ces composés. Il nexiste pas de définition généralement acceptée de léchantillonnage des composés inclus dans ces COVT, mais certains chercheurs considèrent quen limitant les concentrations à un niveau qui ne dépasse pas 300 mg/m3, le nombre des plaintes relatives à la qualité de lair intérieur formulées par les occupants des bâtiments devrait diminuer.
Les pesticides utilisés dans les bâtiments sont faiblement volatils et leurs concentrations ne dépassent pas le niveau peu élevé du microgramme par m3. Les composants volatils peuvent contaminer la poussière ainsi que les surfaces intérieures du fait de leurs faibles pressions de vapeur et de leur tendance à être adsorbés par les matériaux intérieurs. Les concentrations des HAP dans lair dépendent aussi de la façon dont elles se répartissent entre la phase gazeuse et la phase aérosol. Le tabagisme des occupants des locaux peut avoir un très grand effet sur les concentrations intérieures. Les concentrations des HAP se situent généralement entre 0,1 et 99 ng/m3.
La plupart des rayonnements auxquels un être humain est exposé pendant sa vie ont pour origine des sources naturelles provenant soit du milieu extérieur, soit des matériaux présents dans lécorce terrestre. Les matériaux radioactifs peuvent affecter lorganisme de lextérieur ou de lintérieur du corps, selon quils sont inhalés ou ingérés avec les aliments. La dose reçue peut être très variable; elle dépend en effet, dune part, de la quantité de minéraux radioactifs présents dans la région du monde où vit lintéressé qui dépend elle-même de la quantité de nucléides radioactifs quon trouve dans lair et dans la nourriture, notamment dans leau potable et, dautre part, de lusage qui est fait de certains matériaux de construction ainsi que du gaz et du charbon, ou encore du type de construction considéré et des habitudes des personnes qui vivent sur place.
On considère aujourdhui que le radon est la principale source naturelle de rayonnement. Avec ses «descendants» ou produits de filiation, cest-à-dire les radionucléides formés lors de sa désintégration, le radon constitue près des trois quarts de la dose de rayonnements à laquelle les êtres humains sont exposés par sources terrestres naturelles. La présence de radon est souvent associée à une augmentation des cas de cancer du poumon causé par le dépôt de substances radioactives dans les bronches.
Le radon est un gaz incolore, inodore et insipide, sept fois plus lourd que lair. Il comprend le plus souvent deux isotopes naturels. Lun est le radon 222, un radionucléide faisant partie de la chaîne de désintégration de luranium 238 et dont la source principale dans lenvironnement est constituée par les pierres et le sol dans lesquels on trouve son précurseur, le radium 226. Lautre est le radon 220, qui provient de la chaîne radioactive du thorium et qui est moins fréquent que le radon 222.
On trouve une grande quantité duranium dans lécorce terrestre. Dans le sol, la concentration moyenne de radium est de lordre de 25 Bq/kg. Le becquerel (Bq) est lunité de mesure dactivité internationale; il correspond à une activité équivalant à une désintégration par seconde et vaut 27 pCi. La concentration moyenne de radon dans latmosphère à la surface de la terre est de 3 Bq/m3; elle varie de 0,1 (sur les océans) à 10 Bq/m3, selon la porosité du sol, la concentration de radium 226 sur le lieu considéré et la pression atmosphérique. Etant donné que le radon 222 a une période radioactive (demi-vie) de 3,823 jours, cette concentration nest pas le fait du radon lui-même, mais de ses produits de filiation.
On trouve du radon dans tous les matériaux existants et il sen échappe partout sur la terre. Du fait de ses caractéristiques, il se disperse facilement à lextérieur, mais a tendance à se concentrer dans les espaces clos, notamment dans les caves et les bâtiments, plus particulièrement dans les locaux bas et mal ventilés où il sélimine difficilement. Dans les régions tempérées, on estime que les concentrations de radon à lintérieur des bâtiments sont environ huit fois plus élevées quau dehors.
Cest donc à lintérieur des bâtiments que la plupart des gens sont exposés au radon. Les concentrations moyennes de radon dépendent essentiellement des caractéristiques géologiques du sol, des matériaux de construction utilisés et de la ventilation.
La principale source de radon dans les espaces intérieurs est le radium contenu dans le sol sur lequel le bâtiment a été construit ou dans les matériaux utilisés pour sa construction. Les autres sources significatives bien que comparativement beaucoup plus faibles sont lair extérieur, leau et le gaz naturel. La figure 44.4 montre lapport relatif de chacune de ces sources.
Les matériaux de construction les plus courants, tels que le bois, la brique ou le parpaing, émettent relativement peu de radon par rapport au granit ou à la pierre ponce. Les principaux problèmes sont liés à lutilisation de matériaux naturels tels que lardoise en alun pour la production de certains matériaux de construction. Sont en cause également certains produits secondaires issus du traitement des minerais de phosphate, la mise en uvre de sous-produits de laluminium, lutilisation de déchets ou de scories du minerai de fer dans les hauts-fourneaux ou celle de cendres provenant de la combustion du charbon. On a même utilisé parfois, comme matériaux de construction, des résidus de lextraction de luranium.
Le radon peut se mêler à leau et au gaz naturel du sous-sol. Leau servant à alimenter un bâtiment, surtout si elle vient de puits profonds, peut contenir dimportantes quantités de radon. Si lon emploie cette eau pour la cuisine, son ébullition libérera une bonne partie du radon quelle contient. Si cette eau est bue froide, le corps éliminera très vite le radon et il ny aura pas grand risque à la boire. La combustion de gaz naturel dans les fours sans cheminée, dans les appareils de chauffage et dans certains appareils ménagers peut aussi augmenter la quantité de radon contenue dans les locaux, notamment dans les logements. Le problème peut être plus grave dans les salles de bains dont la ventilation est insuffisante et où le radon contenu dans leau sajoutera au radon présent dans le gaz naturel utilisé pour chauffer leau. Les effets possibles du radon sur les personnes étaient encore mal connus il y a quelques années; on ne dispose dès lors de données sur les concentrations intérieures que pour les pays qui, du fait de leurs caractéristiques propres ou de circonstances particulières, étaient plus sensibles au problème. Ce dont on est sûr, cest quil existe des bâtiments où les concentrations de radon sont très supérieures à celles que lon trouve à lextérieur. A Helsinki (Finlande), par exemple, les concentrations de radon relevées dans les bâtiments étaient cinq mille fois supérieures à celles normalement détectées à lextérieur. Ces différences tiennent en grande partie aux mesures déconomie dénergie qui favorisent généralement la concentration de radon à lintérieur des bâtiments, surtout lorsque ceux-ci sont très bien isolés. Les études effectuées sur des bâtiments de différents pays et de différentes régions font état de concentrations de radon proches de la normale. Mais il y a lieu de noter que pour un petit nombre dentre eux, dans chaque région, les concentrations relevées sont dix fois supérieures à la moyenne. On trouvera plus loin, dans larticle intitulé «La réglementation, les recommandations, les directives et les normes» du présent chapitre, les valeurs de référence préconisées pour le radon à lintérieur des bâtiments ainsi que les mesures de précaution proposées par divers organismes.
En conclusion, il semble que le meilleur moyen de prévenir les expositions dangereuses au radon est déviter de construire dans les zones qui, naturellement, émettent des quantités importantes de radon dans lair. A défaut, les sols et les murs devraient être correctement traités et lon devrait sabstenir dutiliser des matériaux de construction contenant des matières radioactives. Tous les locaux, notamment dans les sous-sols, devraient être convenablement ventilés.
En 1985, la Direction du Service de la santé publique (Surgeon General of the US Public Health Service) des Etats-Unis a procédé à une étude des conséquences du tabagisme sur le cancer et les pneumopathies chroniques sur les lieux de travail. Elle avait conclu que, pour la plupart des travailleurs américains, le fait de fumer des cigarettes était une cause plus fréquente de décès et dincapacité de travail que le milieu de travail lui-même. Il nen reste pas moins capital de contrôler à la fois le tabagisme et lexposition des travailleurs à des agents dangereux sur le lieu de travail, car cest souvent à la faveur dune synergie de ces deux facteurs que se déclenchent et se développent des maladies respiratoires. On sait que certaines expositions professionnelles provoquent des bronchites chroniques. Il sagit notamment des expositions à la poussière de charbon, de ciment et de céréales, aux aérosols de silice, aux fumées de soudage et au dioxyde de soufre. Chez les personnes exposées, la bronchite chronique est souvent aggravée par le tabagisme (US Surgeon General, 1985).
Des observations épidémiologiques ont prouvé que les mineurs des mines duranium et les travailleurs qui mettent en uvre de lamiante courent beaucoup plus de risques de développer un cancer des voies respiratoires lorsquils sont fumeurs que ceux qui exercent les mêmes professions mais ne fument pas. Les effets cancérogènes de luranium et de lamiante ne font pas que sajouter à ceux du tabagisme: ils créent une synergie propice au développement dun épithélioma du poumon (US Surgeon General, 1985; Hoffmann et Wynder, 1976; Saccomanno et coll., 1988; Hilt et coll., 1985). Les effets cancérogènes de lexposition au nickel, à larsenic, aux chromatex, aux esters de chlorométhyle et à la fumée de cigarette sont pour le moins additifs (US Surgeon General, 1985; Hoffmann et Wynder, 1976; CIRC, 1987a, Pers-hagen et coll., 1981). On suppose que les fumeurs affectés à la marche des fours à coke présentent un risque plus élevé de cancer du poumon et du rein que les non-fumeurs exerçant les mêmes professions, bien que les données épidémiologiques disponibles ne permettent pas den apporter la preuve indiscutable (CIRC, 1987c).
Cet aperçu général se propose dévaluer les effets toxiques de lexposition des hommes et des femmes à la fumée de tabac ambiante (FTA) sur leur lieu de travail. La réglementation du tabagisme sur le lieu de travail ne peut quêtre bénéfique aux fumeurs en réduisant leur consommation de cigarettes pendant la journée de travail et augmente dautant leurs chances darrêter de fumer; elle bénéficiera également aux non-fumeurs soit qui sont allergiques à la fumée de cigarette ou qui souffrent déjà de troubles ou daffections pulmonaires ou cardio-vasculaires.
La FTA peut être définie comme une substance qui provient de la fumée de cigarette et entre dans la composition de lair intérieur. Même si la fumée de la pipe et du cigare contribuent à la FTA, cest la fumée de la cigarette qui en est généralement la source principale. La FTA est un aérosol composite principalement émis par le cône de combustion du tabac entre les bouffées. On nomme cette émission le flux de fumée secondaire (FFS). Dans une moindre mesure, la FTA est également formée des composants du flux de fumée principal (FFP), cest-à-dire de celui quexhale le fumeur.
Le tableau 44.7 montre dans quelles proportions les principaux agents toxiques et cancérogènes se retrouvent dans la fumée inhalée, dans le flux de fumée principal et dans le flux de fumée secondaire (Hoffmann et Hecht, 1990; Brunnemann et Hoff-mann, 1991; Guerin, Jenkins et Tomkins, 1992; Luceri et coll., 1993). Sous la rubrique «Type de toxicité», les composants de la fumée identifiés par la lettre «C» représentent les cancérogènes animaux reconnus par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). On y trouve le benzène, la β-naphthylamine, le 4-aminobiphényle et le polonium 210, qui sont aussi reconnus comme étant des agents cancérogènes humains (CIRC, 1987a, 1987e). Lorsquon fume des cigarettes avec filtre, certains des composés volatils et semi-volatils sont sélectivement retirés du FFP par les filtres (Hoffmann et Hecht, 1990). Mais on retrouve ces mêmes composés, en quantités nettement plus élevées, dans le FFS où la fumée nest pas diluée. De plus, ces composants de la fumée, dont la formation est favorisée dans latmosphère réduite du cône de combustion, sont libérés dans le FFS dans des proportions beaucoup plus importantes que dans le FFP. Ils sagit notamment de substances cancérogènes telles que les nitrosamines volatiles, les nitrosamines spécifiques au tabac et les amines aromatiques.
Composés |
Type de toxicitéa |
Quantité contenue dans le FFS de cigarette |
Rapport FFS/FFP |
Phase gazeuse |
|||
Oxyde de carbone |
T |
26,80-61 mg |
2,5-14,9 |
Sulfure de carbonyle |
T |
2-3 µg |
0,03-0,13 |
1,3-Butadiène |
C |
200-250 µg |
3,8-10,8 |
Benzène |
C |
240-490 µg |
8-10 |
Formaldéhyde |
C |
300-1 500 µg |
10-50 |
Acroléine |
T |
40-100 µg |
8-22 |
3-Vinylpyridine |
T |
330-450 µg |
24-34 |
Cyanure d’hydrogène |
T |
14-110 µg |
0,06-0,4 |
Hydrazine |
C |
90 ng |
3 |
Oxydes d’azote (NOx) |
T |
500-2 000 µg |
3,7-12,8 |
N-Nitrosodiméthylamine |
C |
200-1 040 ng |
12-440 |
N-Nitrosodiéthylamine |
C |
NDb-1 000 ng |
< 40 |
N-Nitrosopyrrolidine |
C |
7-700 ng |
4-120 |
Phase particulaire |
|||
Goudron |
C |
14-30 mg |
1,1-15,7 |
Nicotine |
T |
2,1-46 mg |
1,3-21 |
Phénol |
PT |
70-250 µg |
1,3-3,0 |
Catéchol |
CoC |
58-290 µg |
0,67-12,8 |
2-Toluidine |
C |
2,0-3,9 µg |
18-70 |
β-Naphthylamine |
C |
19-70 ng |
8,0-39 |
4-Aminobiphényle |
C |
3,5-6,9 ng |
7,0-30 |
Benzo[a]anthracène |
C |
40-200 ng |
2-4 |
Benzo[a]pyrène |
C |
40-70 ng |
2,5-20 |
Quinoline |
C |
15-20 µg |
8-11 |
NNNc |
C |
0,15-1,7 µg |
0,5-5,0 |
NNKd |
C |
0,2-1,4 µg |
1,0-22 |
N-Nitrosodiéthanolamine |
C |
43 ng |
1,2 |
Cadmium |
C |
0,72 µg |
7,2 |
Nickel |
C |
0,2-2,5 µg |
13-30 |
Zinc |
T |
6,0 ng |
6,7 |
Polonium 210 |
C |
0,5-1,6 pCi |
1,06-3,7 |
a C: cancérogène; CoC: cocancérogène; T: toxique; PT: promoteur du processus cancérogène. b ND: non détecté. c NNN: N‘-nitrosonornicotine. d NNK: 4-(méthylnitrosamino)-1-(3-pyridyle)-1-butanone.
Bien que le FFS, cest-à-dire la fumée de tabac non diluée, contienne des quantités plus élevées de composants toxiques et cancérogènes que le FFP, il est fortement dilué dans lair quinhalent les non-fumeurs et ses propriétés sont altérées par la décomposition de certaines espèces réactives. Le tableau 44.8 rassemble les données concernant certains agents toxiques et cancérogènes relevées dans des échantillons dair intérieur prélevés à différents niveaux de pollution par la fumée de tabac (Hoffmann et Hecht, 1990; Brunnemann et Hoffmann, 1991; Luceri et coll., 1993). La dilution dans lair du FFS a un effet important sur les caractéristiques physiques de laérosol. En général, la répartition des différents agents entre la phase gazeuse et la phase particulaire sen trouve modifiée en faveur de la première. Les particules contenues dans la FTA sont plus fines (< 0,2 µ) que celles qui sont contenues dans le FFP (~0,3 µ), et les pH du FFS (pH 6,8-8,0) et de la FTA sont plus élevés que ceux du FFP (5,8-6,2; Brunnemann et Hoffmann, 1974). Par conséquent, 90 à 95% de la nicotine se trouvent dans la phase gazeuse de la FTA (Eudy et coll., 1986). De même, dautres composants de base, tels que les alcaloïdes mineurs Nicotiana , et les amines et lammoniac, sont principalement présents dans la phase gazeuse de la FTA (Hoffmann et Hecht, 1990; Guerin, Jenkins et Tomkins, 1992).
Produit |
Lieu |
Concentration/m3 |
Oxyde d’azote |
Bureaux |
50-440 µg |
Dioxyde d’azote |
Bureaux |
68-410 µg |
Cyanure d’hydrogène |
Salles de séjour |
8-122 µg |
1,3-Butadiène |
Bars |
2,7-4,5 µg |
Benzène |
Lieux publics |
20-317 µg |
Formaldéhyde |
Salles de séjour |
2,3-5,0 µg |
Acroléine |
Lieux publics |
30-120 µg |
Acétone |
Cafés |
910-1 400 µg |
Phénol (volatil) |
Cafés |
7,4-11,5 ng |
N-Nitrosodiméthylamine |
Bars, restaurants, bureaux |
< 10-240 ng |
N-Nitrosodiéthylamine |
Restaurants |
< 10-30 ng |
Nicotine |
Locaux d’habitation |
0,5-21 µg |
2-Toluidine |
Bureaux |
3,0-12,8 ng |
β-Naphthylamine |
Bureaux |
0,27-0,34 ng |
4-Aminobiphényle |
Bureaux |
0,1 ng |
Benzo[a]anthracène |
Restaurants |
1,8-9,3 ng |
Benzo[a]pyrène |
Restaurants |
2,8-760 µg |
NNNa |
Bars |
4,3-22,8 ng |
NNKc |
Bars |
9,6-23,8 ng |
a NNN: N‘-nitrosonornicotine. b ND: non détecté. c NNK: 4-(méthylnitrosamino)-1-(3-pyridyle)-1-butanone.
Bien quun grand nombre de non-fumeurs soient exposés à la FTA au travail, au restaurant et même chez eux ou dans dautres lieux confinés, il est extrêmement difficile destimer la quantité de FTA quils auront absorbée. Pour la déterminer avec précision, on peut mesurer les composants spécifiques de la fumée ou leurs métabolites dans des liquides biologiques ou dans lair expiré. A cet effet, on a étudié plusieurs paramètres tels que le CO dans lair expiré, la carboxyhémoglobine dans le sang, le thiocyanate (métabolite du cyanure dhydrogène) dans la salive ou dans lurine, lhydroxyproline et la N-nitrosoproline dans les urines. Il ny a toutefois que trois mesures qui soient vraiment utiles pour évaluer labsorption de FTA par les non-fumeurs. Elles permettent de distinguer lexposition passive à la fumée de tabac de celle des fumeurs actifs, ainsi que de celle des non-fumeurs qui ne sont absolument pas exposés à cette fumée.
Le marqueur biologique le plus utilisé pour mesurer lexposition des non-fumeurs à la FTA est la cotinine, métabolite majeur de la nicotine. On détermine sa concentration par chromatographie en phase gazeuse, ou par radio-immuno-essai dans le sang ou, mieux, dans lurine; elle indique la quantité de nicotine qui a été absorbée par la cavité buccale et les poumons. Quelques millilitres durine de fumeurs passifs suffisent pour évaluer la cotinine par lune des deux méthodes mentionnées. Pour un fumeur passif, les niveaux de cotinine se situent en général entre 5 et 10 ng par ml durine; des valeurs plus élevées ont toutefois été constatées chez certains non-fumeurs exposés à une importante FTA pendant une longue période. Une relation dose-réponse a pu être établie entre la durée dexposition à la FTA et lexcrétion urinaire de cotinine (voir tableau 44.9) (Wald et coll., 1984). Dans la plupart des études de terrain, la cotinine mise en évidence dans lurine des fumeurs passifs représentait entre 0,1 et 0,3% des concentrations moyennes observées dans lurine des fumeurs actifs; cependant, en cas dexposition prolongée à de fortes concentrations de FTA, les niveaux de cotinine des fumeurs passifs pouvaient atteindre jusquà 1% des concentrations mesurées dans lurine des fumeurs actifs (US National Research Council, 1986; CIRC, 1987b; EPA, 1992).
Durée de l’exposition |
|||
Quintile |
Heures d’exposition |
Nombre de sujets |
Cotinine urinaire |
1er |
0,0-1,5 |
43 |
2,8 ± 3,0 |
2e |
1,5-4,5 |
47 |
3,4 ± 2,7 |
3e |
4,5-8,6 |
43 |
5,3 ± 4,3 |
4e |
8,6-20,0 |
43 |
14,7 ± 19,5 |
5e |
20,0-80,0 |
45 |
29,6 ± 73,7 |
Ensemble |
0,0-80,0 |
221 |
11,2 ± 35,6 |
a EC: écart type. b La relation avec l’augmentation de la durée de l’exposition était statistiquement significative (p < 0,001).
Source: d’après Wald et coll., 1984.
Le 4-aminobiphényle, cancérogène de la vessie chez lhumain, qui passe de la fumée du tabac dans la FTA, a été détecté en tant quadduit de lhémoglobine chez les fumeurs passifs, et cela à des concentrations représentant jusquà 10% du niveau correspondant moyen observé chez les fumeurs actifs (Hammond et coll., 1993). Lors de tests de laboratoire, un métabolite cancérogène de la nicotine, le 4-(méthylnitrosamino)-1-(3-pyridyle)-1-butanone (NNK), quon trouve dans lurine des fumeurs de cigarettes, a été mis en évidence dans lurine de sujets non fumeurs exposés à des FFS élevés, et cela à des concentrations pouvant atteindre jusquà 1% des concentrations moyennes mesurées chez les fumeurs (Hecht et coll., 1993). Bien que cette méthode de marquage biologique ne soit pas encore appliquée dans les études de terrain, elle pourrait bien constituer à lavenir un indicateur fiable de lexposition des non-fumeurs à des cancérogènes pulmonaires spécifiques du tabac.
Une exposition prénatale à un FFP ou à la FTA, de même quune exposition postnatale précoce à la FTA, augmentent la probabilité de complications en cas dinfection respiratoire virale durant la première année de vie de lenfant.
La littérature scientifique contient des dizaines de rapports cliniques établis dans différents pays qui saccordent à montrer que les enfants de parents fumeurs, surtout avant lâge de deux ans, présentent un nombre anormal de pathologies respiratoires graves (EPA, 1992; US Surgeon General, 1986; Medina, Medina et Kaempffer, 1988; Riedel, Bretthauer et Rieger, 1989). Plusieurs études font également état dune augmentation des infections de loreille moyenne chez les enfants exposés au tabagisme de leurs parents. Laccroissement du nombre des épanchements de loreille moyenne dus à la FTA sest traduit par une augmentation du nombre des jeunes enfants hospitalisés pour une intervention chirurgicale (EPA, 1992; US Surgeon General, 1986).
Ces dernières années, on a pu conclure des observations cliniques que le tabagisme passif va de pair avec une aggravation de lasthme chez les enfants qui en sont déjà atteints, ainsi quavec un accroissement fréquent des nouveaux cas dasthme chez les enfants (EPA, 1992).
En 1992, lAgence pour la protection de lenvironnement (Environmental Protection Agency (EPA)), aux Etats-Unis (EPA, 1992) a procédé à une synthèse critique des études portant sur les symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire chez des adultes non fumeurs exposés à la FTA. Elle a conclu que le tabagisme passif avait des effets insidieux, mais statistiquement significatifs, sur lappareil respiratoire des adultes non fumeurs.
Une étude bibliographique relative aux effets du tabagisme passif sur les maladies respiratoires ou coronariennes chez les travailleurs a montré que la question avait été plutôt négligée. Les hommes et les femmes qui ont été exposés à la FTA sur leur lieu de travail (bureaux, banques, établissements denseignement, etc.) pendant dix années ou plus présentent des altérations de la fonction pulmonaire (White et Froeb, 1980; Masi et coll., 1988).
En 1985, le CIRC a réexaminé la question des effets dune exposition passive à la fumée de tabac sur le cancer du poumon chez les non-fumeurs. Bien que, dans quelques études, chacun des non-fumeurs atteints dun cancer du poumon qui avait fait état dune exposition à la FTA ait été interrogé individuellement et quil ait fourni des informations détaillées sur la nature de cette exposition (US National Research Council, 1986; EPA, 1992; US Surgeon General, 1986; Kabat et Wynder, 1984), le CIRC est parvenu à la conclusion suivante:
Les observations faites jusquici sur les non-fumeurs sont compatibles soit avec un risque accru du fait du tabagisme passif, soit avec une absence de risque. Daprès ce que lon sait de la nature du flux de fumée principal et du flux de fumée secondaire, ainsi que des substances absorbées au cours du tabagisme «passif» et du rapport quantitatif entre la dose et son effet communément observé en cas dexposition aux agents cancérogènes, on est amené à conclure que le tabagisme passif peut donner lieu à un certain risque de cancer (CIRC, 1986).
Il y a donc une apparente dichotomie entre les données expérimentales selon lesquelles la FTA pourrait provoquer le cancer, et les données épidémiologiques qui ne permettent pas de conclure à une relation de cause à effet entre une exposition à la FTA et le cancer. Comme on la vu plus haut, certaines données expérimentales, y compris les études par marqueurs biologiques, sont venues elles aussi conforter lidée selon laquelle la FTA serait cancérogène. Il y a lieu dexaminer ici dans quelle mesure les études épidémiologiques, réalisées depuis le rapport du CIRC, peuvent contribuer à clarifier le problème du rapport entre la FTA et le cancer du poumon.
Selon les études épidémiologiques antérieures à 1985, et la trentaine détudes réalisées après cette date, lexposition de non-fumeurs à la FTA constituait un facteur de risque de cancer du poumon inférieur à 2,0 par rapport au risque encouru par un non-fumeur sans exposition appréciable (EPA, 1992; Kabat et Wynder, 1984; CIRC, 1986; Brownson et coll., 1992; Brownson, Alavanja et Hock, 1993). Rares, par conséquent, sont les études épidémiologiques qui satisfont aux critères de causalité permettant de lier le cancer du poumon à un facteur environnemental ou professionnel. Ces critères sont:
Lune des grandes incertitudes liées aux données épidémiologiques en matière de tabagisme est le manque de fiabilité des réponses fournies par les personnes interrogées ou leurs proches quant à leurs habitudes en ce domaine. Dune façon générale, on constate quil y a accord entre parents et époux pour ce qui est de leurs habitudes tabagiques citées dans les études; en revanche, les avis divergent dès quil sagit de la durée et de lintensité de la consommation de tabac (Brownson, Alavanja et Hock, 1993; McLaughlin et coll., 1987; McLaughlin et coll., 1990). Certains chercheurs ont mis en doute les informations relatives aux attitudes des sujets vis-à-vis du tabagisme. Ce scepticisme a notamment été mis en évidence par une vaste recherche conduite dans le sud de lAllemagne et qui portait sur une population choisie au hasard de plus de 3 000 hommes et femmes, âgés de 25 à 64 ans. Ces personnes ont été interrogées à trois reprises (en 1984-85, en 1987-88 et en 1989-90) sur leurs habitudes de fumeurs; à chaque fois, une analyse durine était faite pour déterminer leur taux de cotinine. Toute personne présentant plus de 20 ng de cotinine par ml durine était considérée comme étant un fumeur. Sur les 800 ex-fumeurs qui affirmaient ne plus fumer, 6,3%, 6,5% et 5,2% présentaient des niveaux de cotinine supérieurs à 20 ng/ml durant les trois périodes étudiées. Quant aux personnes disant navoir jamais fumé, mais qui étaient en réalité des fumeurs, leurs taux de cotinine étaient de 0,5%, 1,0% et 0,9%, respectivement (Heller et coll., 1993).
Etant donné la pénurie des données obtenues par questionnaire et le nombre relativement limité de non-fumeurs atteints dun cancer du poumon sans avoir été exposés à des cancérogènes sur leur lieu de travail, il est nécessaire de procéder à une étude épidémiologique prospective avec évaluation des marqueurs biologiques (cotinine, métabolites des hydrocarbures aromatiques polycycliques, ou métabolites de NNK dans lurine, par exemple) si lon veut pouvoir apporter une réponse concluante à la question du lien de causalité entre la consommation de tabac involontaire et le cancer du poumon. Bien quil sagisse là de recherches très lourdes, les études prospectives de ce type sont primordiales pour répondre aux questions que pose lexposition au tabagisme et ses graves effets sur la santé publique.
Bien que les études épidémiologiques naient pas encore permis détablir un lien de cause à effet entre lexposition à la FTA et le cancer du poumon, il est éminemment souhaitable de soustraire les travailleurs à cette exposition sur leur lieu de travail. Les observations faites semblent indiquer en effet quune exposition de longue durée de non-fumeurs à la FTA au travail peut entraîner une diminution de leur fonction respiratoire. Par ailleurs, dans les professions où les travailleurs sont exposés à des substances cancérogènes, une exposition involontaire à la fumée de tabac peut accroître le risque de cancer. Aux Etats-Unis, lEPA a classé la FTA dans le groupe A des cancérogènes (pour lhumain); la législation américaine exige par conséquent que les salariés soient protégés contre une exposition à la FTA.
Plusieurs mesures peuvent être prises à cet effet: interdire de fumer sur le lieu de travail; si possible séparer les fumeurs des non-fumeurs; sassurer que les pièces réservées aux fumeurs sont équipées dun système de ventilation distinct. La démarche la plus efficace et de loin la plus prometteuse consiste néanmoins à aider les fumeurs à cesser de fumer.
Le lieu de travail est un environnement particulièrement propice à la mise en uvre de programmes visant lélimination du tabagisme. De nombreuses études ont montré que les program-mes réalisés sur le lieu de travail connaissaient un taux de réussite plus élevé que les programmes cliniques; en effet, les programmes organisés et financés par les employeurs sont plus intensifs et sont soutenus par divers types dincitations économiques et autres (US Surgeon General, 1985). Ces études ont également démontré quil était impossible de guérir des maladies pulmonaires chroniques ou un cancer professionnel si les intéressés ne sefforçaient pas darrêter de fumer. Les programmes de lutte contre le tabagisme peuvent contribuer en outre à réduire durablement certains facteurs de risque cardio-vasculaire parmi les salariés (Gomel et coll., 1993).
Nous sommes reconnaissants à Ilse Hoffmann pour laide quelle nous a apportée dans la rédaction du présent article et à Jennifer Johnting pour la préparation du manuscrit. Ces études ont bénéficié des subventions USPHS CA-29580 et CA-32617 de lInstitut national du cancer (National Cancer Institute (NCI)) des Etats-Unis.
Lorsquelles souhaitent lutter contre le tabagisme, les autorités devraient se souvenir que, sil appartient à chaque individu de décider darrêter de fumer, cest aux pouvoirs publics quil incombe de prendre toutes les mesures utiles pour ly encourager. Dans de nombreux pays, les dispositions adoptées par les législateurs et les gouvernements nont guère été décisives; sil est évident que la réduction du tabagisme est un progrès pour la santé publique ne serait-ce que par les économies quelle permet de réaliser au niveau des services de santé , elle implique également des pertes et des difficultés économiques pour de nombreux secteurs, en tout cas à court terme. Les pressions que peuvent exercer dans ce domaine les divers organismes internationaux intéressés revêtent une grande importance, car nombreux sont les pays qui pourraient être tentés de freiner les mesures de lutte contre le tabagisme si le tabac est pour eux une importante source de revenus.
La réglementation quun pays adopte pour réduire la consommation de tabac peut revêtir différents aspects.
Lune des premières mesures quont prise de nombreux pays a été dexiger que les paquets de cigarettes portent clairement une mise en garde indiquant quil est dangereux de fumer pour la santé. Cet avertissement nest pas destiné à avoir un effet immédiat sur le fumeur, mais plutôt à montrer que les autorités sintéressent au problème et sefforcent de créer un climat psychologique favorable à ladoption, dans un deuxième temps, de mesures qui, autrement, auraient pu être considérées comme agressives par lensemble des fumeurs.
Certains experts souhaiteraient quune mise en garde figure également sur les paquets de cigares et de tabac pour pipe. Mais la majorité des gens considèrent que ces avertissements sont inutiles, étant donné que les personnes qui fument le cigare ou la pipe navalent pas la fumée et que la généralisation de ce type de mise en garde risquerait daboutir à ce que plus personne ny fasse attention. Cest la raison pour laquelle on préfère, en général, limiter ces avertissements aux paquets de cigarettes. Une référence au flux de fumée secondaire (FFS) na pas encore été envisagée, mais cest une possibilité qui ne devrait pas être écartée.
Linterdiction de fumer dans les lieux publics est lun des outils de contrôle les plus efficaces. Ce type dinterdiction peut contribuer à réduire sensiblement le nombre de personnes qui se trouvent exposées au FFS tout en diminuant la consommation quotidienne des fumeurs. Les plaintes formulées à lencontre de cette interdiction par les propriétaires de lieux publics tels que les hôtels, les restaurants, les lieux de divertissement, les dancings, les théâtres et autres se fondent sur largument selon lequel ils vont perdre une partie de leur clientèle. Cependant, si les autorités généralisent linterdiction et lappliquent dans lensemble du pays, la perte de clientèle ne se fera sentir que dans un premier temps et les gens finiront par sadapter à la situation.
Une autre possibilité est de réserver certains espaces aux fumeurs. La séparation des fumeurs et des non-fumeurs doit être efficace si lon veut obtenir les bénéfices souhaités; cela appelle la mise en place de barrière pour éviter que les non-fumeurs ninhalent de la fumée de tabac. La séparation doit être matérielle; si linstallation de climatisation utilise de lair recyclé, lair des zones fumeurs ne doit pas être mélangé à celui des zones non-fumeurs. La création despaces réservés aux fumeurs implique donc, pour les exploitants qui acceptent un public de fumeurs, des frais de construction et de cloisonnement additionnels.
En dehors des lieux où il est totalement interdit de fumer pour des raisons de sécurité (risques dexplosion ou dincendie), il devrait aussi exister des locaux tels que les complexes sportifs, les établissements de soins, les écoles et les crèches où il est interdit de fumer même en labsence de risques de cette nature.
Les restrictions du tabagisme sur les lieux de travail doivent aussi être considérées à la lumière des arguments exposés ci-dessus. Il appartient aux autorités, aux chefs dentreprise et aux syndicats de mettre sur pied des programmes destinés à diminuer la consommation de tabac sur les lieux de travail. En général, les campagnes de ce genre sont efficaces.
Dans toute la mesure possible, il est recommandé de créer des zones non-fumeurs afin détablir une politique claire de lutte contre le tabagisme et daider les non-fumeurs à défendre leur droit de ne pas devenir des fumeurs passifs. Sil y a conflit entre un fumeur et un non-fumeur, il devrait être de règle de donner toujours la préférence au non-fumeur. Lorsquil nest pas possible détablir une séparation, il faut imposer au fumeur de sabstenir de fumer dans le local quil partage avec un non-fumeur.
En dehors des lieux où il est interdit de fumer pour des raisons de santé ou de sécurité, il convient de ne pas négliger la possibilité dune synergie entre les effets de la pollution chimique et ceux de la fumée de tabac. Le poids de ces considérations devrait normalement conduire à une large extension des restrictions de fumer, en particulier dans lindustrie.
Un autre moyen réglementaire sur lequel comptent les pouvoirs publics pour diminuer le tabagisme est de taxer plus fortement le tabac, notamment les cigarettes. Cette politique viserait à réduire la consommation de tabac et se traduirait par une relation inverse entre le prix du tabac et sa consommation. Les résultats pourraient être mesurés en comparant la situation dans différents pays. Cette mesure est considérée comme étant efficace lorsque la population est avertie à lavance des dangers du tabagisme et quil lui est conseillé darrêter de fumer. Une augmentation du prix du tabac peut être une incitation à arrêter de fumer. Pourtant, cette politique a beaucoup dopposants qui fondent leurs critiques sur les arguments résumés brièvement ci-dessous.
Premièrement, daprès de nombreux spécialistes, il semble que le fait daugmenter le prix du tabac pour des raisons fiscales se traduit par une diminution de la consommation de tabac qui nest que provisoire. Les fumeurs reviennent peu à peu à leur niveau de consommation précédent, à mesure quils shabituent aux nouveaux prix. En dautres termes, les fumeurs assimilent laugmentation du prix du tabac à lélévation dautres taxes et à laugmentation générale du coût de la vie.
Deuxièmement, on observe également, dans ce cas, une modification des habitudes. Lorsque les prix augmentent, les fumeurs ont tendance à acheter des marques moins chères et de qualité inférieure, ce qui les exposera probablement à un plus grand risque pour leur santé (soit que les cigarettes naient pas de filtre, soit quelles contiennent davantage de goudron et de nicotine). Ce changement peut aller jusquà rouler soi-même les cigarettes, ce qui élimine toute possibilité de maîtriser le problème.
Troisièmement, de lavis de nombreux experts, les mesures de ce type tendent à renforcer lidée que les pouvoirs publics considèrent le tabac et sa consommation comme un autre moyen de prélever des taxes; ce quils veulent, en réalité, cest que les gens fument pour continuer à prélever des taxes spéciales sur le tabac.
Une autre arme quutilisent les pouvoirs publics pour lutter contre le tabagisme est de restreindre, ou tout simplement dinterdire la publicité en faveur du tabac. Cest ainsi que les gouvernements et de nombreuses organisations internationales appliquent une politique dinterdiction de la publicité pour le tabac dans des domaines tels que le sport (du moins certains sports), les soins médicaux, lenvironnement et lenseignement. Cette politique a des avantages incontestables, en particulier lorsquelle supprime la publicité dans des domaines qui concernent directement les jeunes, à un moment où ils risquent le plus de prendre lhabitude de fumer.
Le recours régulier à des campagnes antitabac convenablement organisées et financées par certains milieux, tels que le monde du travail, par exemple, qui en fait une question de principe, sest révélé un moyen très efficace.
Pour compléter ce qui vient dêtre dit, ajoutons quune éducation des fumeurs afin quils fument «mieux» et réduisent leur consommation de cigarettes est un autre moyen que peuvent envisager les pouvoirs publics pour limiter les effets néfastes du tabagisme sur la santé publique. Ces efforts devraient viser à réduire la consommation journalière de cigarettes, à conseiller aux fumeurs de ne pas avaler la fumée, de ne pas fumer de mégots (la toxicité de la fumée saccroît à la fin de la cigarette), de ne pas garder la cigarette entre les lèvres et de préférer les marques qui contiennent moins de goudron et de nicotine.
Les mesures de ce type ne réduisent évidemment pas le nombre des fumeurs, mais elles limitent le mal que leur fait le tabac. Certains sont davis que ce type de remède a un inconvénient: celui de donner limpression que le fait de fumer nest pas intrinsèquement mauvais, puisque lon montre aux fumeurs comment fumer mieux.
Les mesures législatives et pratiques prises par les pouvoirs publics sont trop lentes et peu productives, en regard de ce quil faudrait faire pour lutter efficacement contre le tabagisme. Elles se heurtent souvent à des obstacles juridiques dans leur application, à des accusations de concurrence déloyale, voire au droit des individus à fumer. Sils sont lents, les progrès faits dans la mise en uvre de la réglementation nen sont pas moins réguliers. Il faut, par ailleurs, différencier entre fumeurs actifs et fumeurs passifs. Toutes les mesures qui peuvent aider quelquun à sarrêter de fumer, ou du moins à réduire sensiblement sa consommation quotidienne de tabac, devraient être conçues pour les fumeurs actifs, et tout le poids de la réglementation devrait porter sur la lutte contre cette habitude. Le fumeur passif, quant à lui, devrait pouvoir faire valoir tous les arguments possibles pour défendre son droit à ne pas inhaler de la fumée de tabac et à disposer despaces non-fumeurs à la maison, au travail et durant ses loisirs.
En ce qui concerne la pollution, lair des locaux intérieurs des bâtiments non industriels présente plusieurs caractéristiques qui le différencient de lair extérieur et de lair que lon trouve dans les lieux de travail industriels. Outre les contaminants présents dans latmosphère, lair intérieur contient également des polluants libérés par les matériaux de construction ou produits par les activités qui se déroulent à lintérieur du bâtiment. Les concentrations de contaminants dans lair intérieur sont généralement égales ou inférieures à celles de lair extérieur, selon lintensité et lefficacité de la ventilation. Les contaminants générés par les matériaux de construction ne sont normalement pas les mêmes que ceux de lair extérieur et leurs concentrations sont plus élevées, tandis que ceux qui sont liés aux activités intérieures dépendent de la nature de ces activités et peuvent être les mêmes que ceux de lair extérieur (cest le cas du CO et du CO2, notamment).
Pour ces diverses raisons, les polluants présents dans lair des bâtiments non industriels sont nombreux et variés et leurs niveaux de concentration sont faibles (sauf lorsque leur production est intense). Tout dépend des conditions atmosphériques et climatiques, des caractéristiques du bâtiment, de lefficacité de sa ventilation et des activités qui sy déroulent.
Une grande partie des méthodes utilisées pour évaluer la qualité de lair intérieur est empruntée à lhygiène industrielle et à la métrologie des immissions de lair extérieur. Il existe peu de méthodes élaborées spécialement pour ce type danalyses, bien que certaines organisations, notamment lOrganisation mondiale de la santé (OMS) et lAgence pour la protection de lenvironnement (Environmental Protection Agency (EPA)), aux Etats-Unis, mènent actuellement des recherches dans ce domaine. Une autre difficulté tient à la pénurie dinformations sur la relation entre lexposition et ses effets lorsquil sagit dexpositions de longue durée à de faibles concentrations de polluants.
Les méthodes analytiques employées en hygiène industrielle sont destinées à mesurer des concentrations élevées et il nen existe pas pour de nombreux polluants, alors que les contaminants contenus dans lair intérieur des bâtiments peuvent être nombreux et variés et quà quelques exceptions près, leurs concentrations sont plutôt faibles. Beaucoup de méthodes de lhygiène industrielle peuvent être appliquées à lévaluation de lair intérieur à condition de les adapter aux concentrations présentes, daugmenter leur sensibilité sans perte de précision (en augmentant, par exemple, le volume dair analysé) et de vérifier leur spécificité.
Dun autre côté, les méthodes employées pour mesurer les concentrations de polluants dans lair extérieur sont les mêmes que celles qui sont utilisées pour lair intérieur; elles peuvent donc être soit appliquées directement à lintérieur, soit être facilement adaptées. Il importe, néanmoins, de ne pas oublier que certaines de ces méthodes sont conçues pour lanalyse directe dun échantillon, alors que dautres nécessitent des appareils encombrants et parfois bruyants et le prélèvement de grandes quantités dair, ce qui risque de fausser les résultats.
On peut, pour améliorer la qualité de lair intérieur, utiliser la procédure classique que lon applique pour le contrôle du milieu de travail. Elle consiste à identifier et à quantifier un problème, à proposer des mesures correctives et à veiller à leur mise en uvre, et à évaluer enfin leur efficacité après un certain laps de temps. Cette procédure habituelle nest pas toujours la mieux adaptée dans le cas qui nous intéresse, car elle est très minutieuse et exige la prise de nombreux échantillons; ce nest pas toujours nécessaire dans notre cas. Les méthodes exploratoires quil sagisse dune simple inspection visuelle ou dune analyse de lair ambiant par des méthodes directes peuvent fournir une idée de la concentration de polluants et permettent souvent de résoudre les problèmes rencontrés. Une fois que les mesures correctives adéquates ont été prises, les résultats peuvent être évalués par un nouvel ensemble de mesurages. Ce nest quen labsence damélioration notable que des contrôles plus approfondis ou une étude analytique complète se justifient (Swedish Work Environment Fund, 1988).
Les principaux avantages de ces mesurages exploratoires par rapport aux méthodes classiques sont leur économie, leur rapidité et leur efficacité. Ils exigent évidemment un personnel com-pétent et expérimenté et lemploi dun matériel approprié. La figure 44.5 résume les objectifs visés par les différentes étapes de la procédure.
Le contrôle analytique de la qualité de lair intérieur ne devrait être envisagé quen dernier recours, lorsque les résultats négatifs des mesurages exploratoires en ont démontré lutilité, ou quune évaluation ultérieure ou un contrôle des résultats initiaux savèrent nécessaires.
Même si lon connaît davance les sources et la nature des contaminants, il convient de les vérifier en prélevant des échantillons, même en nombre limité, dans chacun des locaux étudiés. Ces prélèvements devraient être planifiés avec soin afin de définir leur objet, la méthode à mettre en uvre, leur emplacement et le moment le plus approprié pour y procéder.
Le ou les polluants à étudier devraient être identifiés au préalable. Compte tenu du type de question auxquelles on souhaite pouvoir répondre, il conviendra de décider sil faut procéder à des mesurages démissions, ou dimmissions .
Le mesurage des émissions devrait permettre de déterminer les effets des diverses sources de pollution, des conditions climatiques, des caractéristiques du bâtiment et des interventions humaines, en vue de contrôler les sources démissions et daméliorer ainsi la qualité de lair intérieur. Il existe différentes techniques pour procéder à ce genre de mesurages: on peut placer un appareil de captage près de la source démission, définir une zone dobservation et y étudier les émissions en situation réelle, ou encore travailler en simulation en faisant appel à des systèmes qui reposent sur des mesures despace de tête.
Le mesurage des immissions devrait permettre de déterminer le niveau de pollution de lair intérieur dans les différentes zones du bâtiment et détablir ainsi une carte générale de la pollution intérieure. Grâce à ces mesurages et en délimitant les diverses zones où sont pratiquées différentes activités et calculant le temps que les gens ont consacré chaque jour à chacune de leurs tâches, il sera possible de déterminer les niveaux dexposition. Un autre moyen de procéder est déquiper chaque travailleur dun appareil de prélèvement individuel.
Il est parfois préférable, si les polluants sont nombreux et variés, de sen tenir à quelques substances représentatives du milieu considéré afin de limiter le coût des opérations sans compromettre la représentativité de leurs résultats.
Le choix du type de mesurage à effectuer dépendra de la méthode quil est possible dappliquer (lecture directe ou prélèvement suivis danalyse) et de lobjectif visé (émission ou immission).
Le lieu choisi pour les prélèvements devrait être celui qui est le plus approprié et qui fournira les échantillons les plus représentatifs. Il faut donc bien connaître le bâtiment étudié: orientation par rapport au soleil, nombre dheures dexposition directe au soleil; nombre détages; distribution interne; ventilation naturelle ou mécanique; possibilité douvrir les fenêtres; etc. Il est également nécessaire de connaître lorigine des plaintes enregistrées et de savoir si les problèmes se posent aux étages élevés ou inférieurs, en des endroits clos ou éloignés des fenêtres ou dans des zones mal ventilées ou mal éclairées, par exemple. On choisira les meilleurs endroits de prélèvement en tenant compte de lensemble des données recueillies.
La question de savoir à quel moment il convient de procéder aux prélèvements ou aux mesurages dépend de la façon dont les concentrations de polluants évoluent dans le temps. Ce peut être tôt le matin, pendant la journée de travail ou en fin de journée; au début ou en fin de semaine; en hiver ou en été; quand la climatisation fonctionne ou lorsquelle est arrêtée ou à dautres moments.
Pour en décider, il importe de connaître la dynamique de lenvironnement intérieur étudié et les objectifs des mesurages entrepris, qui seront eux-mêmes fonction des types de polluants considérés. La dynamique de lenvironnement intérieur est influencée par la diversité des sources de pollution, les caractéristiques physiques des locaux étudiés, la distribution de ces locaux, le système de ventilation et de climatisation en place, les conditions atmosphériques extérieures (vent, température, etc.) et les caractéristiques du bâtiment (nombre de fenêtres, leur orientation, etc.).
Les objectifs que lon sest fixés détermineront la périodicité des prélèvements. Si lon estime que les contaminants présents peuvent avoir des effets durables sur la santé, on déterminera les concentrations moyennes sur de longues périodes. Si lon suspecte que les émissions sont intenses, mais de courte durée, il y aura lieu deffectuer des prélèvements fréquents sur de courtes périodes afin de déterminer le moment où elles se produisent. Pour les substances qui peuvent avoir des effets très marqués, mais non cumulatifs, des mesurages de courte durée suffiront. Dans bien des cas, toutefois, le choix des méthodes de prélèvement et de mesurage dépendra des appareils et des instruments dont on dispose.
Si, une fois que toutes ces questions ont été prises en compte, lorigine du problème na pu être établie, ou si le problème se pose à nouveau peu de temps après, la décision visant le lieu et le moment des prélèvements sera prise au hasard, le nombre des échantillons étant alors fonction du niveau de fiabilité souhaité et du coût de lopération.
Les méthodes dont on dispose pour le mesurage ou pour le prélèvement et lanalyse des échantillons dair intérieur peuvent être regroupées en deux catégories: les méthodes par lecture directe, et celles qui nécessitent un prélèvement suivi dune analyse.
Dans les méthodes par lecture directe, le prélèvement de léchantillon et le mesurage de la concentration de polluant sont simultanés; ces méthodes sont rapides et leurs résultats quasiment instantanés, ce qui permet dobtenir des données assez précises à un coût relativement modéré. Elles comprennent les tubes colorimétriques et les analyseurs spécifiques .
Les tubes détecteurs colorimétriques sont basés sur le changement de coloration dun réactif au contact de la substance à étudier. Les tubes les plus courants contiennent un réactif absorbant solide; lair est aspiré dans le tube à laide dune pompe à main ou dune poire. Lutilisation de ces tubes est limitée aux mesurages de nature préliminaire et à ceux qui portent sur des émissions sporadiques, car leur sensibilité est assez faible, sauf pour certains polluants tels que le CO et le CO2 dont les concentrations dans lair peuvent être élevées. En outre, les indications fournies par ces tubes manquent de précision, et il faut tenir compte des interférences si dautres contaminants sont également présents dans latmosphère à tester.
Dans le cas des analyseurs spécifiques, la détection des polluants se fonde sur les principes de la physique (électricité, thermodynamique, électromagnétisme) et de la chimie. La plupart des analyseurs de ce type sont utilisables pour des mesurages de courte comme de longue durée et permettent dobtenir un profil de contamination en un lieu donné. Leur précision est fixée par le fabricant et leur usage correct exige des étalonnages périodiques en atmosphères contrôlées ou avec des mélanges de gaz certifiés. Les appareils sont de plus en plus précis et leur sensibilité sest affinée. Beaucoup sont équipés dune mémoire incorporée qui permet de stocker les résultats des mesurages, lesquels seront ensuite aptes à être traités par ordinateur.
Selon la technique utilisée, on distingue les méthodes de prélèvement et danalyse actives (ou dynamiques) et les méthodes passives .
Avec les systèmes actifs, les polluants sont captés en aspirant lair à analyser au travers de filtres, dadsorbants solides ou de solutions absorbantes ou réactives contenues dans des barboteurs; dans certains appareils, lair vient imprégner un matériau poreux. On procède ensuite à lanalyse du contaminant ou des composés de la réaction à laquelle il a donné lieu. Le matériel requis comprend un agent fixateur, une pompe à air et un dispositif pour mesurer le volume dair prélevé soit directement, soit en déterminant le débit et la durée de passage de lair.
Le débit déchantillonnage ou le volume dair prélevé sont précisés dans des manuels ou peuvent être déterminés par des tests préliminaires. Ils dépendront de la quantité et du type dabsorbant ou dadsorbant utilisé, des polluants considérés, de lobjet du mesurage (émission ou immission) et des conditions de latmosphère ambiante au moment du prélèvement (humidité, température et pression). La collecte sera plus efficace si lon réduit le débit dadmission de lair ou si lon augmente la quantité de fixateur soit directement soit en tandem.
Un autre type de prélèvement actif consiste à capter directement lair à analyser dans un sac ou tout autre récipient inerte et imperméable. Ce type de collecte déchantillons est employé pour certains gaz (CO, CO2, H2S, O2); il est utile pour un mesurage préliminaire lorsquon ne connaît pas le type de polluant. Linconvénient est que si lon ne concentre pas léchantillon, la sensibilité risque dêtre insuffisante et il faudra sans doute augmenter la concentration en laboratoire.
Les systèmes passifs captent les polluants par diffusion ou par infiltration sur une base qui peut être un adsorbant solide nu ou imprégné dun réactif spécifique. Ces systèmes sont plus commodes et dutilisation plus aisée que les systèmes actifs. Nul besoin dune pompe pour aspirer léchantillon, ni dun personnel formé. Toutefois, le prélèvement peut prendre du temps et ne fournir que des niveaux de concentration moyens. La méthode ne se prête pas à la mise en évidence de pics de concentration, pour lesquels il vaut mieux faire appel aux systèmes actifs. Lutilisation correcte des systèmes passifs exige la connaissance de la vitesse de captage de chaque polluant, qui dépend du coefficient de diffusion du gaz ou de la vapeur considérés ainsi que du modèle de lanalyseur.
Le tableau 44.10 présente une synthèse des principales caractéristiques des différentes méthodes de mesurage. Quant au tableau 44.11, il regroupe les diverses méthodes utilisées pour prélever et analyser les échantillons des polluants de lair intérieur les plus courants.
Caractéristiques |
Méthode active |
Méthode passive |
Lecture directe |
Mesures à intervalles de temps réguliers |
+ |
+ |
|
Mesures de long durée |
+ |
+ |
|
Monitorage |
+ |
||
Concentration de l’échantillon |
+ |
+ |
|
Mesure de l’immission |
+ |
+ |
+ |
Mesure de l’émission |
+ |
+ |
+ |
Réponse immédiate |
+ |
+ signifie que la méthode considérée convient aux critères de mesure souhaités.
Polluant |
Lecture directe |
Méthodes |
Analyse |
||
Captage par diffusion |
Captage par concentration |
Captage direct |
|||
Monoxyde de carbone |
Cellule électrochimique |
Sac ou récipient inerte |
GCa |
||
Ozone |
Chimiluminescence |
Barboteur |
UV-Visb |
||
Dioxyde de soufre |
Cellule électrochimique |
Barboteur |
UV-Vis |
||
Dioxyde d’azote |
Chimiluminescence Cellule électrochimique |
Filtre imprégné d’un réactif |
Barboteur |
UV-Vis |
|
Dioxyde de carbone |
Spectroscopie infrarouges |
Sac ou récipient inerte |
CG |
||
Formaldéhyde |
|
Filtre imprégné d’un |
Barboteur |
CLHP |
|
Composé organiques volatiles (COV) |
CG portable |
Adsorbants solides |
Adsorbants solides |
Sac ou récipient interte |
CG (DCEd-DIFe-DTf-DPIg) |
Pesticides |
|
Adsorbants solides |
CG (DCE-DIF-DT) |
||
Matières particulaires |
|
Capteur optique |
Filtre |
Impacteur |
Gravimétrie |
: méthode inapplicable pour le polluant.
a CG: chromatographie en phase gazeuse. b UV-Vis: spectrophotométrie ultraviolette. c CLHP: chromatographie en phase liquide de haute précision. d DCE: détecteur à capture d’électrons. e DIF: détecteur à ionisation de flamme. f DT: détecteur thermo-ionique. g DPI: détecteur à-ionisation photoélectrique. h SM: spectrométrie de masse.
Pour décider quelle est la meilleure méthode de prélèvement, il importe en premier lieu de savoir sil existe des méthodes validées pour les polluants considérés et si lon dispose des instruments et du matériel appropriés pour leur application. On a besoin en général de connaître le coût et la sensibilité de chaque méthode, ainsi que les possibilités dinterférences.
Il est aussi utile davoir une idée des concentrations minimales que lon compte mesurer. La concentration minimale dun polluant dépend directement de la quantité (masse) de polluant qui peut être prélevée dans les conditions requises par la méthode choisie (système de captage du polluant, durée du prélèvement ou volume dair prélevé, par exemple). Cest cette quantité minimale qui définit la sensibilité requise. On la calcule à partir des données de référence trouvées dans la documentation relative au polluant ou au groupe de polluants considérés, pour autant que ces données aient été obtenues par une méthode analogue à celle que lon compte utiliser. Ainsi, si lon constate que des concentrations dhydrocarbures de lordre de 30 µg/m3 sont courantes dans la zone étudiée, la méthode analytique choisie devrait permettre de les mesurer facilement. En supposant que léchantillon soit recueilli dans un tube de charbon actif en quatre heures, avec un débit de 0,5 litre dair par minute, la masse dhydrocarbures présente dans léchantillon sera égale au produit du débit par la durée du prélèvement (cest-à-dire au volume) multiplié par la concentration pondérale. Dans lexemple ci-dessus, elle serait égale à:
On pourra donc, pour détecter ces hydrocarbures, faire appel à toute méthode nécessitant un échantillon dont la masse de polluant ne dépasse pas 3,6 µg.
Une autre estimation pourrait être basée sur la valeur limite dexposition dans lair intérieur pour le polluant considéré. Si ce genre de donnée nest pas disponible et si lon ne connaît ni les concentrations habituelles dans lair intérieur, ni le rythme démission du polluant dans lespace, on peut utiliser des approximations fondées sur les concentrations de ce polluant potentiellement dangereuses pour la santé. La méthode choisie devrait permettre de mesurer 10% de la valeur limite établie ou de la concentration minimale susceptible de mettre la santé en danger. Même si la méthode danalyse retenue a un degré de sensibilité acceptable, il est possible que lon rencontre des concentrations de polluants plus faibles que la valeur de la limite inférieure de détection de la méthode choisie. Il faut en tenir compte dans le calcul des concentrations moyennes. Ainsi, si trois lectures sur dix sont inférieures à la limite de détection, il faudra calculer deux moyennes, lune où lon donne à ces trois lectures la valeur zéro, et lautre où on leur donne la valeur de la limite inférieure de détection, ce qui aboutira à une moyenne minimale et à une moyenne maximale. La vraie moyenne se trouvera entre les deux.
Les polluants de lair des locaux intérieurs sont nombreux et normalement en de faibles concentrations. La méthodologie disponible pour leur évaluation est fondée sur ladaptation des méthodes utilisées pour contrôler la qualité de lair extérieur et celle de latmosphère des sites industriels. Cette adaptation exige que lon modifie la plage des concentrations recherchées, lorsque la méthode le permet, en utilisant des temps de prélèvement plus longs et de plus grandes quantités dadsorbants ou dabsorbants. Ces modifications sont valables à condition quelles nentraînent pas de perte de fiabilité ou de précision. Le mesurage dun mélange de contaminants est un processus généralement coûteux, et les résultats obtenus sont peu précis. Très souvent, tout ce que lon pourra obtenir sera un profil de pollution montrant le niveau de contamination intérieure pendant les périodes de prélèvement par rapport à un air pur, à lair extérieur ou à latmosphère dautres espaces intérieurs. Pour contrôler ce profil de pollution, on a recours à des moniteurs ou analyseurs à lecture directe, mal acceptés sils sont trop bruyants ou trop encombrants. On sefforce actuellement de mettre au point des appareils toujours plus petits et moins bruyants dont la sensibilité et la précision soient améliorées. Le tableau 44.12 résume la situation actuelle en ce qui concerne les méthodes utilisées pour les différents types de contaminants.
Polluant |
Analyseurs à lecture directea |
Prélèvement suivi d’analyse |
Monoxyde de carbone |
+ |
+ |
Dioyde de carbone |
+ |
+ |
Dioxyde d’azote |
+ |
+ |
Formaldéhyde |
|
+ |
Dioxyde de soufre |
+ |
+ |
Ozone |
+ |
+ |
COV |
+ |
+ |
Pesticides |
|
+ |
Matières particulaires |
+ |
+ |
a + = courants; – = inapplicable.
Ce sont les méthodes actives qui sont les plus couramment utilisées pour le prélèvement et lanalyse des gaz. Elles font appel à des solutions absorbantes ou à des adsorbants solides, ou au prélèvement direct déchantillons dair dans un sac ou autre récipient inerte et étanche. Pour empêcher quune partie de léchantillon ne se perde et obtenir des mesures plus précises, le volume de léchantillon doit être inférieur aux volumes utilisés pour les autres types de pollution, et la quantité dabsorbant ou dadsorbant plus grande. Il faut veiller particulièrement aux conditions de transport et de stockage des échantillons (les conserver à basse température) et limiter le temps écoulé entre les prélèvements et les analyses. Ces méthodes directes sont très utilisées pour les gaz en raison des améliorations considérables apportées à la performance des appareils modernes, plus sensibles et plus précis quauparavant. Grâce à la facilité demploi et à la qualité des informations fournies par ces techniques, on tend à les substituer de plus en plus aux méthodes danalyse traditionnelles. Le tableau 44.13 indique les niveaux de détection minimaux que lon peut obtenir pour quelques gaz courants, en fonction de la méthode de prélèvement et danalyse employée.
Polluant |
Analyseurs à lecture directe |
Prélèvement et analyse active/passive |
Monoxyde de carbone |
1,0 ppm |
0,05 ppm |
Dioxyde d’azote |
2 ppb |
1,5 ppb (1 semaine)b |
Ozone |
4 ppb |
5,0 ppb |
Formaldéhyde |
5,0 ppb (1 semaine)b |
a Les analyseurs de monoxyde de carbone qui utilisent la spectroscopie infrarouge ont toujours une sensibilité suffisante.
b Durée de l’exposition pour les analyseurs passifs.
Ces gaz sont des polluants fréquemment présents dans lair intérieur. On mesure leur concentration à laide de moniteurs qui peuvent les détecter directement par des procédés électrochimiques ou infrarouges, encore que les détecteurs infrarouges ne soient pas très sensibles. On peut aussi prélever directement des échantillons dair dans des sacs inertes et étanches puis analyser ces échantillons par chromatographie en phase gazeuse, grâce à un détecteur à ionisation de flamme qui transforme dabord les gaz en méthane par une réaction catalytique. Les détecteurs à conduction thermique sont en général suffisamment sensibles pour mesurer les concentrations ordinaires de CO2.
Pour détecter le dioxyde dazote (NO2) dans lair intérieur, on prélève des échantillons qui sont analysés ultérieurement; ces méthodes passives posent toutefois des problèmes de sensibilité qui devraient pouvoir être résolus à lavenir. La méthode la plus connue est celle du tube de Palmes dont la sensibilité se situe à 300 ppb environ. Dans les bâtiments non industriels, les prélèvements devraient sétendre sur cinq jours au moins si lon veut obtenir une limite de détection de 1,5 ppb, ce qui est le triple de la valeur dessai à blanc pour une exposition dune semaine. Des analyseurs portatifs mesurant en temps réel ont aussi été mis au point. Ils font appel à la réaction de chimiluminescence entre le NO2 et le luminol réactif; les résultats obtenus par cette méthode peuvent néanmoins être affectés par la température, tandis que leur linéarité et la sensibilité de la méthode dépendent des propriétés de la solution de luminol utilisée. Les analyseurs équipés de capteurs électrochimiques ont amélioré la sensibilité, mais ils sont sujets à des interférences provenant de composés contenant du soufre (Freixa, 1993).
Pour mesurer le dioxyde de soufre (SO2) dans un local intérieur, on recourt à la spectrophotométrie. Léchantillon dair barbote dans une solution de tétrachloromercuriate de potassium pour former un complexe stable qui sera analysé par spectrophotométrie après réaction avec de la pararosaniline. Dautres méthodes se fondent sur la photométrie de flamme et sur la fluorescence ultraviolette pulsée; il existe aussi des méthodes où la mesure sobtient avant lanalyse spectroscopique. Cette technique, utilisée pour lanalyse de lair extérieur, ne convient pas à lanalyse de lair intérieur, car elle manque de spécificité et les appareils nécessitent souvent un système de ventilation pour éliminer les gaz quils génèrent. Etant donné que les émissions de SO2 ont fortement diminué et que ce composé nest plus considéré comme un important polluant de lair intérieur, le développement danalyseurs pour la détection de ce gaz na pas beaucoup progressé. Il existe également des appareils portatifs qui peuvent détecter le SO2 à partir de la pararosaniline (Freixa, 1993).
La présence dozone (O3) dans les bâtiments est assez rare et se limite aux situations où ce gaz est produit de manière continue; en effet, il se décompose rapidement. On le mesure par des méthodes danalyse directe, avec des tubes colorimétriques ou par chimiluminescence. Il peut aussi être détecté par des techniques dhygiène industrielle facilement adaptables à lévaluation de la qualité de lair intérieur. Les échantillons sont préparés en utilisant une solution absorbante diodure de potassium en milieu neutre avant dêtre soumis à une analyse spectrophotométrique.
Le formaldéhyde est un important polluant de lair intérieur; en raison de ses caractéristiques chimiques et toxiques, il est recommandé den faire une analyse séparée. Les différentes méthodes de détection du formaldéhyde dans lair sont toutes basées sur le prélèvement déchantillons soit à laide dun fixateur actif, soit par diffusion. La méthode de captage la plus appropriée dépendra de la nature du prélèvement (émission ou immission) et de la sensibilité de la méthode analytique. Les méthodes traditionnelles partent dun échantillon obtenu en faisant barboter de lair dans de leau distillée ou dans une solution de bisulfate de sodium à 1% portée à 5 °C qui est ensuite analysée par spectrofluorométrie. Il importe que les échantillons soient conservés à 5 °C. Le SO2 et les composants de la fumée de tabac peuvent créer des interférences. Les systèmes actifs ou les méthodes de captage des polluants par diffusion sur des adsorbants solides sont de plus en plus fréquemment utilisés pour les analyses de lair intérieur; ils comportent tous une base qui peut être un filtre ou un solide saturé par un réactif tel que le bisulfate de sodium ou la 2,4-diphénylhydrazine. Les méthodes de captage du polluant par diffusion, outre les avantages généraux quelles présentent, sont plus sensibles que les méthodes actives, car la durée dobtention des échantillons est plus longue (Freixa, 1993).
Les méthodes employées pour la surveillance des vapeurs organiques dans lair intérieur doivent répondre à une série de critères: elles devraient avoir une sensibilité de lordre de parties par milliard (ppb) ou de parties par billion (ppt); les appareils dont on se sert pour prélever les échantillons ou procéder à une analyse directe devraient être portatifs et faciles à utiliser sur le terrain; les résultats fournis devraient être précis et reproductibles. De nombreuses méthodes répondent à ces critères, mais celles qui sont le plus fréquemment employées pour analyser lair intérieur se fondent sur le prélèvement déchantillons et leur analyse ultérieure. Il existe bien sûr des méthodes de détection directe qui font appel à des chromatographes en phase gazeuse portables et à différentes méthodes de détection, mais ces appareils sont coûteux, leur emploi est compliqué et seules des personnes qualifiées sont capables de sen servir. Pour les composés organiques polaires et non polaires dont le point débullition se situe entre 0 °C et 300 °C, ladsorbant le plus utilisé, pour les méthodes actives comme pour les méthodes passives, est le charbon actif. On peut aussi avoir recours à des polymères poreux et à des résines polymères telles que le Tenax GC, le XAD-2 et lAmbersorb (le plus employé est le Tenax). Les échantillons recueillis sur charbon actif sont extraits à laide de sulfure de carbone avant dêtre analysés par chromatographie en phase gazeuse avec ionisation de flamme, par capture délectrons ou par spectrométrie de masse, ce qui permet une analyse qualitative et quantitative à la fois. Les échantillons obtenus sur Tenax sont généralement extraits par désorption thermique à lhélium, puis condensés dans un piège dazote froid avant dêtre traités par chromatographie. Une autre méthode courante consiste à prélever directement les échantillons dans des sacs ou des récipients inertes et étanches et à les analyser directement par chromatographie en phase gazeuse, ou encore à concentrer dabord les échantillons sur un adsorbant et un piège froid. Les limites de détection de ces différentes méthodes dépendent du composé à analyser, du volume prélevé, de la pollution de fond et de lappareil utilisé. La quantification individuelle de chacun des composés présents étant impossible, lanalyse quantitative se fait habituellement par familles, en utilisant des composés de référence spécifiques à chaque famille. La pureté des solvants employés est très importante pour la détection des COV dans lair intérieur. Si on applique la désorption thermique, la pureté des gaz est importante elle aussi.
Pour détecter les pesticides présents dans lair intérieur, on a le plus souvent recours à des méthodes qui consistent à prélever des échantillons sur des adsorbants solides, ce qui nexclut pas dutiliser des barboteurs ou des systèmes mixtes. Ladsorbant solide le plus communément employé était le polymère poreux Chromosorb 102, mais on tend à lui préférer aujourdhui les mousses de polyuréthane qui sont capables de capter un plus grand nombre de pesticides. Les méthodes danalyse varient en fonction du pesticide et de la méthode de prélèvement. Généralement, lanalyse seffectue par chromatographie en phase gazeuse avec différents détecteurs spécifiques allant de la capture délectrons à la spectrométrie de masse, qui recèle dénormes possibilités pour lidentification des composés. Lanalyse des composés présente certaines difficultés liées notamment à la contamination des éléments en verre des appareils de prélèvement par des traces de diphényles polychlorés, de phtalates ou de pesticides.
Il existe aujourdhui, pour léchantillonnage et lanalyse des particules et des fibres en suspension dans lair, toute une série de techniques et dappareils qui sont bien adaptés à lévaluation de la qualité de lair intérieur. Les analyseurs permettant une analyse directe de la concentration des particules en suspension dans lair utilisent des détecteurs de diffusion de la lumière et des méthodes qui font appel au prélèvement déchantillons, à la granulométrie, à lanalyse pondérale et à lexamen au microscope (optique ou électronique). Ce type danalyses nécessite un séparateur (élutriateur), tel quun cyclone ou un impacteur, afin déliminer les particules de gros calibre avant de recueillir les autres sur un filtre. Les cyclones ne peuvent toutefois traiter que de petits volumes, ce qui allonge les séances de prélèvement. Les analyseurs passifs offrent une excellente précision, mais la température ambiante les affecte et ils ont tendance à donner des valeurs trop élevées lorsque les particules sont fines.
Bien que lair des locaux intérieurs contienne toute une variété de particules dorigine biologique (bioparticules), ce sont les micro-organismes (microbes) qui, dans la plupart des locaux de travail, ont les effets les plus marqués sur la santé. Lair intérieur ne contient pas seulement des micro-organismes tels que les virus, les bactéries, les champignons et les protozoaires, mais aussi des grains de pollen, des phanères animaux et des fragments dinsectes et dacariens, ainsi que leurs excréments (Wanner et coll., 1993). En plus des aérosols formés par ces bioparticules, on peut aussi rencontrer des composés organiques volatils (COV) provenant dorganismes vivants tels que les plantes dintérieur et les micro-organismes.
Les grains de pollen contiennent des substances allergènes qui peuvent provoquer des réactions allergiques chez les individus sensibles ou atopiques; ces réactions se manifestent généralement sous la forme dun «rhume des foins» ou dune rhinite. On les met le plus souvent sur le compte de lenvironnement extérieur; dans lair intérieur, les concentrations de pollen sont généralement beaucoup plus faibles quau dehors. Cest dans les bâtiments où les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC) assurent une filtration efficace de lair extérieur que la différence des concentrations de pollen à lextérieur et à lintérieur est la plus grande. Dans les locaux climatisés, les concentrations de pollen sont plus faibles que dans ceux qui sont ventilés naturellement. Les quantités de pollen pourront être plus élevées dans certains locaux de travail décorés de nombreuses plantes vertes ou dans les serres.
Les phanères sont de fines particules de peau, dongles, décailles, de poils et de plumes (associées à de la salive ou à de lurine desséchées). Elles représentent une source potentielle dallergènes capables de provoquer des accès de rhinite ou dasthme chez les personnes sensibilisées. Les principales sources de phanères dans les environnements intérieurs sont habituellement les chats et les chiens, mais les rats et les souris (souris domestiques, souris de laboratoire ou parasites), les hamsters, les gerbilles (une espèce de gerboise), les cochons dInde et les oiseaux en cage peuvent être, eux aussi, des sources dallergies. Les phanères provenant de ces animaux, de même que des animaux de ferme ou dagrément (les chevaux, par exemple) peuvent se déposer sur les vêtements. Les travailleurs les plus exposés aux phanères sont sans doute ceux dont lactivité sexerce dans les élevages danimaux, dans les laboratoires dexpérimentation animale ou dans des locaux infestés de vermine.
Les insectes et leurs excréments peuvent provoquer des allergies respiratoires et autres; dans la plupart des cas, cependant, il ne semble pas quils contribuent de manière significative à la contamination ambiante. Les particules provenant des blattes (en particulier, Blatella germanica et Periplaneta americana ) peuvent être abondantes dans les milieux de travail insalubres, chauds et humides. Lexposition aux particules des blattes et des autres insectes, y compris les criquets, les charançons, les escarbots de la farine et les mouches à fruits, peut être la cause de problèmes de santé chez les personnes qui travaillent dans des élevages danimaux ou dans certains laboratoires.
Ces arachnides sont surtout associés à la poussière, mais des fragments provenant de cette famille microscopique daraignées et de leurs excréments (fèces) peuvent aussi être présents dans lair intérieur. Lespèce la plus courante est lacarien de la poussière domestique, Dermatophagoides pteronyssinus. Il constitue, avec sa famille, une cause importante dallergies respiratoires. Il se développe surtout dans les locaux dhabitation; on le trouve fréquemment dans la literie, mais aussi dans les meubles rembourrés. Fort heureusement, ce type dameublement ne pullule pas dans les bureaux. En revanche, les acariens intéressés par la nourriture entreposée et les aliments pour animaux, tels quAcarus , Glyciphagus et Tyrophagus, peuvent sécréter des fragments allergènes dans lair intérieur. Les agriculteurs et les personnes affectées au conditionnement des produits alimentaires sont particulièrement exposés au risque. Enfin, certains acariens, comme D. pteronyssinus , se complaisent dans la poussière des bâtiments, en particulier dans les endroits chauds et humides.
Les virus sont des micro-organismes très importants si lon tient compte du nombre de problèmes de santé quils peuvent engendrer, mais ils ne peuvent vivre en dehors des cellules et des tissus vivants. Si certains virus sont présents dans lair recyclé par les systèmes de ventilation et de climatisation, leur principal mode de transmission se fait par contact de personne à personne. Le fait dinhaler de près des aérosols produits par une toux ou un éternuement, par exemple, est une source importante de rhume et de grippe. Les infections seront donc forcément plus répandues dans les locaux qui connaissent un taux doccupation élevé. On imagine mal, cependant, ce qui pourrait être fait au stade de la conception dun bâtiment ou dans sa gestion pour remédier à cet état de choses.
On classe ce type de micro-organismes en deux grandes catégories selon leur réaction à la coloration par la méthode de Gram. Les types les plus courants de Gram+ sont ceux qui proviennent de la bouche, du nez, de loropharynx et de la peau, à savoir: Staphylococcus epidermidis, S. aureus et les espèces Aerococcus, Micrococcus et Streptococcus . En général, les bactéries Gram sont peu nombreuses, alors quil peut y avoir beaucoup de bactéries des espèces Actinetobacter , Aeromonas , Flavobacterium et, en particulier, Pseudomonas . On peut trouver lespèce responsable de la maladie des légionnaires, Legionella pneumophila , dans les canalisations deau chaude et dans les humidificateurs des systèmes de climatisation, ainsi que dans les appareils thérapeutiques respiratoires, les jacuzzis, les bains bouillonnants et les cabines de douche. Elle est dispersée par ces installations sous forme daérosols aqueux, mais peut aussi pénétrer dans les bâtiments par les aérosols émis par les tours aéro-réfrigérantes se trouvant à proximité. Le temps de survie de L. pneumophila dans lair intérieur ne dépasse normalement pas quinze minutes.
En plus de la bactérie unicellulaire déjà mentionnée, il existe aussi des types filamenteux qui produisent des spores qui se dispersent dans lair, à savoir des actinomycètes. Ils sont généralement associés à des matériaux à structures humides et peuvent émettre une odeur de terre caractéristique. Deux de ces bactéries capables de se développer à 60 °C, soit Faenia rectivirgula (appelée autrefois Micropolyspora faeni ) et Thermoactinomyces vulgaris , se réfugient dans les humidificateurs et autres équipements des installations CVC.
Les champignons se divisent en deux groupes: les levures et les moisissures dénommées microfungi dun côté et, de lautre, les champignons du plâtre et du bois pourri, connus sous le terme de macrofungi, car ils produisent des spores macroscopiques visibles à lil nu. A part les levures unicellulaires, les champignons colonisent des substrats sous la forme de réseaux (mycélium) de filaments (hyphes). Ces champignons filamenteux produisent de nombreuses spores qui se dispersent dans lair à partir de structures microscopiques sporifères (dans les moisissures) et de grandes structures sporifères (pour les macrofungi).
On trouve les spores de nombreuses moisissures différentes dans lair des locaux dhabitation et des lieux de travail non industriels; les plus courantes font généralement partie des espèces Cladosporium, Penicillium , Aspergillus et Eurotium . Certaines moisissures de lair intérieur, telles que Cladosporium spp ., abondent à la surface des feuilles et sur dautres parties des plantes à lextérieur, en particulier en été. Cependant, bien que certaines spores contenues dans lair intérieur puissent provenir du dehors, Cladosporium peut aussi se développer et produire des spores sur les surfaces humides à lintérieur, et sajouter par conséquent à la charge biologique de lair intérieur. On estime généralement que les différentes espèces de Penicillium prennent naissance à lintérieur, comme Aspergillus et Eurotium . On trouve des levures dans la plupart des échantillons dair intérieur, parfois même en grandes quantités. Les levures roses Rhodotorula ou Sporobolomyces prédominent dans la flore portée par le vent; on les trouve aussi sur les surfaces couvertes de moisissures.
Les bâtiments offrent toutes sortes dabris dans lesquels peuvent se loger les éléments organiques morts qui servent de nutriment à la plupart des champignons et des bactéries et leur permettent de se développer et de produire leurs spores. On trouve ces nutriments dans des matériaux tels que le bois, le papier, la peinture et dautres revêtements de surface, dans les tapis et les meubles rembourrés, dans la terre des plantes en pots, dans la poussière, dans les squames cutanées et les sécrétions des êtres humains et dautres animaux, ainsi que dans les aliments, cuits ou crus. Champignons et bactéries sy développeront sils y trouvent suffisamment dhumidité. Les bactéries ne peuvent pousser que sur des surfaces saturées ou dans leau des bacs de récupération et des réservoirs des installations CVC. Certaines moisissures nécessitent elles aussi des conditions proches de la saturation alors que dautres, moins exigeantes, peuvent proliférer sur des matériaux humides, mais non saturés. La poussière est aussi un réceptacle possible; lorsquelle est suffisamment humide, elle peut favoriser le développement des moisissures et constituer une source importante de spores qui se mêlent à lair lorsquon la déplace.
Les protozoaires tels quAcanthamba et Nægleria sont des organismes unicellulaires microscopiques qui se nourrissent de bactéries et autres matières organiques présentes dans les humidificateurs, les réservoirs et les bacs de récupération des installations CVC. Des particules de ces protozoaires peuvent se trouver en suspension dans lair et, semble-t-il, être à lorigine de la fièvre des humidificateurs.
Les composés organiques volatils microbiens (COVM) sont extrêmement variés de par leur composition chimique et leur odeur. Certains sont constitués dun grand nombre de micro-organismes, alors que dautres se limitent à certaines espèces particulières. Lalcool dit du champignon 1-octén-3-ol (qui a une odeur de champignons frais) fait partie des composés organiques comprenant de nombreuses moisissures différentes. Parmi les autres composés volatils de moisissures moins courants, on trouve le 3,5-diméthyl-1,2,4-trithiolone (à lodeur fétide), la géosmine, ou 1,10-diméthyl-trans -9-décalol (à odeur de terre), et le 6-pentyl-α-pyrone (à lodeur de noix de coco ou de moisi). Parmi les bactéries, les espèces de Pseudomonas produisent des pyrazines à lodeur de pomme de terre pourrie. Lodeur de chacun de ces micro-organismes est le produit dun mélange complexe de COVM.
Il y a plus de cent ans que lon procède à létude microbiologique de lair des locaux dhabitation, des écoles et autres bâtiments. Les premiers travaux portaient en général sur la «pureté» microbiologique relative de lair dans différents types de bâtiments, et sur le rapport quelle pouvait avoir avec le taux de mortalité de leurs occupants. En liaison avec lintérêt que suscite depuis longtemps la propagation des agents pathogènes dans les hôpitaux, le développement dappareils volumétriques modernes pour effectuer des prélèvements microbiologiques de lair a conduit, durant les années quarante et cinquante, à étudier de façon systématique les micro-organismes présents dans lair des hôpitaux, puis à entreprendre des recherches sur les moisissures allergènes connues contenues dans lair des locaux dhabitation et des établissements publics ainsi que dans lair extérieur. Au cours des années cinquante et soixante, dautres travaux ont porté sur les maladies respiratoires dorigine professionnelle telles que le poumon du fermier, la maladie des travailleurs du malt et la byssinose des travailleurs du coton. Bien que le premier cas de fièvre des humidificateurs de type grippal détectée chez un groupe de travailleurs ait été décrit en 1959, ce nest que dix à quinze années plus tard que de nouveaux cas ont été signalés. On ignore, aujourdhui encore, la cause de cette affection, mais on suspecte, malgré labsence de preuves formelles, certains micro-organismes qui pourraient être également à lorigine du syndrome des bâtiments malsains.
Bien que les propriétés allergènes des champignons soient bien connues, ce nest quen 1988 que lon a fait état de pathologies dues à linhalation de toxines fongiques sur un lieu de travail non industriel, en loccurrence un hôpital du Québec (Mainville et coll., 1988). Les symptômes dune fatigue extrême observés alors parmi le personnel furent mis sur le compte des mycotoxines trichothécène contenues dans les spores de Stachybotrys atra et de Trichoderma viride . Depuis lors, le «syndrome de fatigue chronique» dû à lexposition à des poussières mycotoxiques a été diagnostiqué chez des professeurs et des employés dun collège. Certaines de ces spores ont été à lorigine dune pathologie suivie de séquelles de nature allergique ou de type toxicose (Johanning, Morey et Jarvis, 1993). Dautres études épidémiologiques ont montré que lappareil respiratoire peut être affecté par un ou plusieurs facteurs non allergènes associés à des champignons. A cet égard, les mycotoxines produites par certaines espèces de moisissures peuvent jouer un rôle important, mais il est possible également que les troubles respiratoires constatés soient liés à certaines caractéristiques plus générales des champignons inhalés.
Bien que les agents pathogènes soient relativement rares dans lair intérieur, de nombreux rapports établissent un lien entre les micro-organismes véhiculés dans lair et certaines allergies telles que la dermatite allergique atopique, la rhinite, lasthme, la fièvre des humidificateurs et lalvéolite allergique extrinsèque (AAE), également connue sous le nom de pneumopathie dhypersensibilité.
On considère généralement que les champignons présents dans les bioaérosols contenus dans lair intérieur sont plus importants que les bactéries. Du fait quils apparaissent sur les surfaces humides sous forme de taches de moisissure bien visibles, ils sont révélateurs des risques potentiels pour la santé que présente lhumidité dans un bâtiment. Le développement des moisissures contribue quantitativement et qualitativement à la constitution de la flore de moisissures qui ne se trouverait pas autrement dans lair intérieur. De même que les bactéries Gram et les actinomycètes, les champignons hydrophiles sont des indicateurs de sites à forte humidité (visible ou cachée) où la qualité de lair intérieur est donc mauvaise. Il sagit en particulier de Fusarium , de Phoma , de Stachybotrys , de Trichoderma , de Ulocladium et des levures et, plus rarement, de pathogènes opportunistes tels quAspergillus fumigatus et Exophiala jeanselmei . De fortes concentrations de moisissures ayant divers degrés de xérophilie peuvent, du fait quelles ont de plus faibles besoins en eau, être le signe de sites damplification moins humides, mais néanmoins propices à leur développement. Les moisissures abondent dans la poussière domestique, et un grand nombre dentre elles peuvent aussi être la marque dune atmosphère poussiéreuse. Cela va des espèces Cladosporium légèrement xérophiles jusquaux espèces très xérophiles telles quAspergillus penicillioides , Eurotium et Wallemia, en passant par des espèces modérément xérophiles telles quAspergillus versicolor , Penicillium, P. aurantiogriseum et P. chrysogenum .
Les pathogènes fongiques sont rares dans lair intérieur, mais A. fumigatus et certains autres micro-organismes opportunistes du type Aspergillus, capables denvahir les tissus humains, peuvent se développer dans la terre des plantes en pots tandis quExophiala jeanselmei peut se développer dans les canalisations. Bien que leurs spores et celles dautres pathogènes opportunistes tels que Fusarium solani et Seudallescheria boydii soient inoffensives chez les personnes en bonne santé, elles peuvent être dangereuses pour celles qui présentent un déficit immunitaire.
Les champignons véhiculés par lair sont une cause de maladies allergiques beaucoup plus importante que les bactéries, bien quil semble quen Europe, tout au moins, les allergènes fongiques soient moins nocifs à cet égard que le pollen, les acariens de la poussière domestique et les phanères animaux. On a vu quun grand nombre de champignons sont allergènes. Le tableau 44.14 énumère quelques champignons présents dans lair intérieur qui sont le plus souvent cités comme facteurs de rhinite ou dasthme. Certaines espèces dEurotium et dautres moisissures extrêmement xérophiles de la poussière domestique jouent sans doute un rôle plus important dans létiologie des cas de rhinite et dasthme quon ne le pensait jusquici. La dermatite allergique due aux champignons est beaucoup moins fréquente que la rhinite et lasthme que peuvent provoquer Alternaria , Aspergillus ou Cladosporium . Certains cas relativement rares dalvéolite allergique extrinsèque ont été attribués à toute une série de champignons allant de la levure Sporobolomyces au macrofungus du bois pourri Serpula (voir tableau 44.15). On estime généralement que pour que se manifestent des symptômes dAAE, il faut que lindividu ait été exposé à au moins un million de spores par m3 dair, mais probablement à plus de cent millions de spores contenant des allergènes. De tels niveaux de contamination ne se produisent dans un bâtiment quen cas de croissance fongique extrêmement abondante.
Alternaria |
Geotrichum |
Serpula |
Aspergillus |
Mucor |
Stachybotrys |
Cladosporium |
Penicillium |
Stemphylium/Ulocladium |
Eurotium |
Rhizopus |
Wallemia |
Fusarium |
Rhodotorula/Sporobolomyces |
Type |
Micro-organisme |
Source |
Bactéries |
Bacillus subtilis |
Bois pourri |
Faenia rectivirgula |
Humidificateurs |
|
Pseudomonas aeruginosa |
Humidificateurs |
|
Thermoactinomyces vulgaris |
Climatiseurs |
|
Champignons |
Aureobasidium pullulans |
Saunas; murs et parois |
Cephalosporium sp. |
Fondations; humidificateurs |
|
Cladosporium sp. |
Salles de bains non ventilées |
|
Mucor sp. |
Systèmes de chauffage à air pulsé |
|
Penicillium sp. |
Systèmes de chauffage à air pulsé; humidificateurs |
|
P. casei |
Murs et parois |
|
P. chrysogenum/P. cyclopium |
Planchers |
|
Serpula lacrimans |
Pourriture sèche des bois de charpente |
|
Sporobolomyces |
Murs et parois; plafonds |
|
Trichosporon cutaneum |
Bois; nattes |
Comme on la vu, il est potentiellement dangereux dinhaler les spores despèces toxinogènes (Sorenson, 1989; Miller, 1993). Les spores de Stachybotrys ne sont pas les seules à contenir des concentrations élevées de mycotoxines. Bien que les spores de cette moisissure qui se développe sur les papiers peints et autres substrats cellulosiques dans les bâtiments humides, et qui est, elle aussi, allergène contiennent des mycotoxines extrêmement puissantes, on trouve souvent dans lair intérieur dautres moisissures toxinogènes, parmi lesquelles Aspergillus (particulièrement A. versicolor ) et Penicillium (P. aurantiogriseum et P. viridicatum ) ainsi que Trichoderma . Les expériences qui ont été faites montrent quun certain nombre de mycotoxines contenues dans les spores de ces moisissures sont immunosuppressives et quelles inhibent fortement la fonction dépuration et les autres fonctions des cellules macrophages pulmonaires qui sont essentielles à lhygiène respiratoire (Sorenson, 1989).
On sait peu de choses des effets sur la santé des COVM formés pendant la croissance et la sporulation des moisissures ou de leurs homologues bactériens. Bien que de nombreux COVM ne soient que faiblement toxiques (Sorenson, 1989), il semble quils puissent provoquer chez lhumain des maux de tête, une sensation de gêne et même des réactions respiratoires aiguës.
Les bactéries contenues dans lair intérieur ne sont en principe pas dangereuses, car la flore est généralement surtout composée des bactéries Gram+ présentes dans la peau et les voies aériennes supérieures. Toutefois, si le compte de ces bactéries est très élevé, cela signifie que les locaux sont surpeuplés et insuffisamment ventilés. La présence dun grand nombre de bactéries Gram ou dactinomycètes dans lair prouve quil y a dans le bâtiment des surfaces ou des matériaux très humides, des canalisations et, en particulier, des humidificateurs où ces micro-organismes prolifèrent. On a pu démontrer que certaines bactéries Gram (ou les endotoxines extraites de leurs parois) provoquent les symptômes de la fièvre des humidificateurs. Dans certains cas, leur croissance dans les humidificateurs est telle quelle peut générer des aérosols contenant suffisamment de cellules allergènes pour être à lorigine de symptômes aigus dAAE semblables à ceux dune pneumonie grave (voir tableau 44.15).
Il est rare, mais néanmoins possible que des bactéries pathogènes telles que Mycobacterium tuberculosis qui sont présentes dans les noyaux de condensation de personnes infectées passent dans lair recyclé et soient entraînées dans toutes les parties dun milieu confiné. Bien que la bactérie pathogène Legionella pneumophila ait été isolée dans des humidificateurs et des systèmes de climatisation et de conditionnement dair, la plupart des épidémies de légionellose ont été associées à des aérosols provenant de tours aéro-réfrigérantes ou de douches.
Au fil des ans, laugmentation de la taille des bâtiments et le développement des systèmes de traitement de lair (climatisation, etc.) se sont traduits par des changements à la fois quantitatifs et qualitatifs de la charge biologique de lair dans les locaux professionnels. Au cours des vingt dernières années, la tendance à concevoir des bâtiments peu gourmands en énergie a conduit à construire des immeubles étanches à lair qui favorisent la prolifération des micro-organismes et dautres aérocontaminants. Dans des bâtiments aussi hermétiques, la vapeur deau, qui auparavant eût été refoulée à lextérieur, se condense sur les surfaces froides, créant ainsi des milieux de prolifération microbienne. De plus, les installations CVC conçues uniquement dans un souci defficacité économique favorisent elles aussi le développement microbien et exposent les occupants des grands immeubles à des risques pour leur santé. Ainsi, les humidificateurs qui utilisent de leau recyclée sont vite contaminés et se transforment en générateurs de micro-organismes. Les brumisateurs deau produisent des aérosols chargés de micro-organismes; le fait de placer les filtres en amont et non en aval de ces sources de production microbienne favorise la transmission daérosols microbiens vers les locaux de travail. Linstallation de prises dair frais à proximité des tours aéro-réfrigérantes et dautres sources de micro-organismes, ainsi que la difficulté daccès aux systèmes de climatisation pour les travaux dentretien, de nettoyage et de désinfection sont autant de défauts de conception qui peuvent constituer un danger pour la santé des occupants, exposés à dimportantes quantités de micro-organismes véhiculés par lair.
Lorsquon analyse la flore microbienne présente dans latmosphère dun bâtiment pour tenter, par exemple, détablir la cause des troubles dont se plaignent ses occupants, il importe de collecter des données objectives à la fois précises et fiables. Si lon part du principe que létat microbiologique de lair intérieur devrait refléter celui de lair extérieur (ACGIH, 1989), il y a lieu didentifier avec précision les micro-organismes quil contient et de les comparer à ceux présents dans lair extérieur au même moment.
Les méthodes de prélèvement qui permettent, directement ou indirectement, de cultiver des bactéries et des champignons viables sur une gélose nutritive sont celles qui offrent les meilleures chances didentifier les espèces présentes; ce sont elles, dès lors, qui sont le plus souvent utilisées. Le milieu gélosé est mis en incubation jusquà ce que les colonies se développent à partir des bioparticules piégées et quelles puissent être identifiées et comptées, ou repiquées sur dautres milieux pour examen ultérieur. Les milieux gélosés nécessaires aux bactéries diffèrent de ceux des champignons et certaines bactéries, Legionella pneumophila , par exemple, ne peuvent être isolées que sur des milieux sélectifs spéciaux. Pour les champignons, il est recommandé dutiliser deux milieux: lun standard et un autre plus sélectif pour lisolement des champignons xérophiles. Lidentification, basée sur les caractéristiques brutes des colonies ou sur leurs caractéristiques microscopiques ou biochimiques, exige un personnel très qualifié et expérimenté.
Toute la panoplie des méthodes de prélèvement disponibles a fait lobjet de nombreux articles (Flannigan, 1992; Wanner et coll., 1993, par exemple) et il ne sera fait mention ici que des systèmes les plus couramment utilisés. On peut se contenter dune évaluation sommaire en recueillant passivement des micro-organismes par sédimentation dans des boîtes de Pétri ouvertes contenant un milieu gélosé. Les résultats que lon obtient ne sont pas volumétriques; ils sont fortement dépendants des turbulences atmosphériques et cette méthode favorise la collecte de grandes (lourdes) spores ou de grappes de spores/cellules. Il est donc préférable demployer un échantillonneur dair volumétrique. Les impacteurs dans lesquels les particules véhiculées par lair entrent en collision avec une surface gélosée sont très utilisés. Lair traverse une fente pratiquée au-dessus dune boîte de gélose en rotation (impacteur à fente) ou un disque perforé placé au-dessus de la boîte (impacteur à tamis). Les échantillonneurs à tamis à un étage sont très utilisés, mais certains chercheurs leur préfèrent léchantillonneur dAndersen à six étages. Lair passe en cascades successives à travers des orifices de plus en plus petits, et les particules se déposent sur six boîtes de gélose en fonction de leur diamètre aérodynamique. Après incubation de ces boîtes, il est possible de déterminer la taille des particules qui donnent lieu au développement des colonies et de préciser ainsi les sites de lappareil respiratoire où les micro-organismes vont probablement se déposer. Léchantillonneur centrifuge de Reuter, dusage courant, fonctionne selon un principe différent. Laccélération imprimée à lair sous laction des pales dun ventilateur précipite les particules à grande vitesse sur la gélose déposée sur une bandelette plastique placée à lintérieur du cylindre de lappareil.
Une autre méthode de prélèvement consiste à collecter les micro-organismes sur un filtre à membrane à lintérieur dune boîte reliée à une petite pompe rechargeable de faible volume. Lappareil peut être fixé à la ceinture ou à un harnais de façon à recueillir un échantillon individuel pendant la durée dune journée de travail. Ce prélèvement effectué, on ensemence de petites quantités de lavages du filtre, ainsi que des dilutions de ces lavages sur divers milieux gélosés qui sont ensuite incubés, et on compte alors les micro-organismes viables. Une variante de cette méthode est limpacteur en milieu liquide, dans lequel les particules entraînées par lair sont aspirées par des tuyères et recueillies dans le liquide. Une partie du liquide collecté et des dilutions préparées à partir de ce liquide sont traitées de la même manière que les prélèvements provenant des échantillonneurs à filtre.
Ces méthodes de prélèvement déchantillons «viables» ont le grave défaut de névaluer que les organismes que lon peut cultiver; or, ceux-ci peuvent ne représenter que 1 à 2% de lensemble de la flore aérienne. Il est possible, néanmoins, deffectuer des comptages totaux (organismes viables et non viables) à laide dimpacteurs dans lesquels les particules sont recueillies sur des supports tournants à surface adhésive, sur une plaque de matière plastique ou encore sur la lame de verre du microscope des différents modèles dimpacteurs à fente. Les comptages se font au microscope, mais un petit nombre seulement de champignons peuvent être identifiés de cette manière, à savoir ceux qui ont des spores distinctives. Le prélèvement par filtration est utilisé pour lévaluation des micro-organismes viables; cest aussi un moyen de procéder à un comptage total. On peut colorer une partie des lavages ensemencés sur le milieu gélosé, puis compter les micro-organismes au microscope. On peut aussi, de la même manière, procéder à des comptages totaux à partir du liquide collecté par limpacteur en milieu liquide.
Le choix de léchantillonneur est largement fonction de lexpérience du chercheur, mais il est également motivé par des raisons à la fois qualitatives et quantitatives. Ainsi, les boîtes de gélose des impacteurs à un seul étage sont beaucoup plus facilement «surchargées» de spores pendant le prélèvement de léchantillon que celles de léchantillonneur à six étages, ce qui conduit à un envahissement des boîtes incubées et à dimportantes erreurs quantitatives et qualitatives lors de lévaluation de la population véhiculée par lair. La façon dont fonctionnent les échantillonneurs, leur temps de prélèvement et lefficacité avec laquelle ils captent différents calibres de particules puis les extraient du flux dair pour les recueillir sur une surface ou dans un liquide varient énormément. On ne peut comparer valablement les données obtenues par un chercheur utilisant un certain type déchantillonneur à celles dun autre expérimentateur se servant dun modèle différent. La stratégie de prélèvement et le choix de léchantillonneur sont essentiels. Il nexiste cependant pas de stratégie générale de prélèvement (Wanner et coll., 1993). Lun des grands problèmes qui se posent est celui de la répartition des micro-organismes dans lair intérieur, qui varie constamment dans lespace et dans le temps. Elle dépend en effet très largement du niveau dactivité dans le local étudié, surtout lorsquon y effectue des travaux de nettoyage ou de construction qui soulèvent de la poussière. Cest la raison pour laquelle on observe dimportantes variations dans les quantités recueillies durant des intervalles de temps relativement courts. A part les échantillonneurs à filtre et les impacteurs en milieu liquide qui peuvent fonctionner plusieurs heures durant, la plupart des échantillonneurs sont conçus pour capter léchantillon en lespace de quelques minutes seulement. Les échantillons devraient donc être prélevés dans toutes les conditions doccupation et dutilisation, y compris pendant les périodes de marche et darrêt des systèmes de CVC. Même si des prélèvements répétés peuvent révéler toute la gamme des concentrations de spores viables se trouvant dans un environnement intérieur donné, il nest pas possible dévaluer de façon satisfaisante la façon dont les individus sont exposés aux micro-organismes dans cet environnement. Même les échantillons prélevés pendant une journée de travail entière grâce à un échantillonneur individuel à filtre nen donneront pas une image exacte, car ils ne fournissent quune valeur moyenne et nindiquent pas les pics dexposition.
Les recherches épidémiologiques ont montré quil peut exister, en plus des effets bien connus de quelques allergènes, des facteurs non allergènes associés aux champignons qui affectent la santé respiratoire. Les mycotoxines produites par certaines espèces de moisissures peuvent jouer un grand rôle, mais il est possible aussi que dautres facteurs de caractère général soient impliqués. On peut donc prévoir que les recherches sur la contamination fongique de lair intérieur se feront dorénavant selon la démarche suivante: 1) détermination des espèces allergènes et toxicogènes présentes, en procédant à léchantillonnage des champignons viables; et 2) mesurage de la quantité totale de champignons à laquelle chaque individu est exposé dans un milieu professionnel donné. Comme on la vu, on pourrait obtenir ce genre dinformation par des comptages totaux effectués tout au long dune journée de travail. Il est toutefois probable que, dans un proche avenir, on fera sans doute plus largement appel aux méthodes récemment développées pour le dosage du 1,3-β-glucan ou de lergostérol (Miller, 1993). Ces deux substances sont des composants structurels des champignons; elles donnent donc la mesure de leur quantité (leur biomasse, par exemple). Un lien a été mis en évidence entre les niveaux de 1,3-β-glucan dans lair intérieur et les symptômes du syndrome des bâtiments malsains (Miller, 1993).
Bien quun certain nombre dorganismes aient établi un classement des niveaux de contamination de lair et de la poussière des locaux intérieurs (voir tableau 44.16), les difficultés de prélèvement et danalyse font que lon hésite, avec quelque raison, à fixer des normes chiffrées ou des valeurs de référence. On a déjà relevé que le nombre des particules microbiennes véhiculées par lair dans les bâtiments climatisés est en général nettement inférieur à ce quil est à lextérieur, et que lécart est moins marqué entre les bâtiments à ventilation naturelle et lair extérieur. La Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Gouvernmental Industrial Hygienists) (ACGIH, 1989) recommande dutiliser lordre dimportance des espèces fongiques de lair intérieur et de lair extérieur pour interpréter les données fournies par les prélèvements dair. Le fait que certaines moisissures soient présentes ou prépondérantes dans lair intérieur, alors quelles ne le sont pas à lextérieur, pourra permettre de déceler un problème à lintérieur dun bâtiment. Par exemple, labondance dans lair intérieur de moisissures hydrophiles telles que Stachybotrys atra est presque toujours le signe dun site damplification très humide.
Catégorie de contamination |
UFCa par m3 d’air |
Champignons en UFC/g de poussière |
|
Bactéries |
Champignons |
||
Très faible |
< 50 |
< 25 |
< 10 000 |
Faible |
< 100 |
< 100 |
< 20 000 |
Intermédiaire |
< 500 |
< 500 |
< 50 000 |
Elevée |
< 2 000 |
< 2 000 |
< 120 000 |
Très élevée |
> 2 000 |
> 2 000 |
> 120 000 |
a UFC: unités formant colonie.
Source: d’après Wanner et coll., 1993.
Bien que certains organismes influents tels que le Comité des bioaérosols de lACGIH naient pas fixé de directives chiffrées en la matière, un guide canadien relatif aux immeubles à usage de bureaux (Nathanson, 1993) formule, sur la base de cinq années denquêtes menées dans près de 50 établissements publics climatisés, un certain nombre de recommandations dont voici les points essentiels:
Ces valeurs sont fondées sur des échantillons dair prélevés en quatre minutes au moyen dun échantillonneur centrifuge de Reuter. Elles ne sauraient être extrapolées à dautres techniques déchantillonnage, dautres types de bâtiments ou dautres régions climatiques ou géographiques. On ne peut fixer une norme ou un niveau acceptable que sur la base denquêtes détaillées effectuées dans un certain nombre de bâtiments dans une région donnée et au moyen de procédures bien définies. Il nest possible détablir une valeur limite ni pour une exposition aux moisissures en général ni pour certaines espèces en particulier.
Leau est lélément clé du développement microbien et de la production de cellules et de spores en suspension dans les environnements intérieurs. Cest donc en réduisant les sources dhumidité, plutôt quen ayant recours à des biocides, que lon peut espérer maîtriser leur développement. Il faut pour cela assurer une maintenance attentive et procéder aux réparations indispensables pour assécher rapidement les locaux en cas de fuite deau et éliminer les causes de ces fuites (Morey, 1993a). On considère en général que le taux dhumidité dun local ne devrait pas dépasser 70%; toutefois, ce taux nest valable que si la température des murs et des autres surfaces est plus ou moins égale à celle de lair ambiant. Lorsque les murs sont mal isolés, leur température superficielle peut être inférieure au point de rosée et la condensation risque alors de provoquer la croissance de champignons hydrophiles et même de bactéries (Flannigan, 1993). Cest ce qui se produit dans les climats tropicaux lorsque lair humide sinfiltre dans un bâtiment climatisé et se condense sur la surface plus fraîche de lintérieur des murs (Morey, 1993b). Dans ce cas, seules une bonne isolation et une bonne utilisation des barrières vapeur peuvent résoudre la question. Outre des mesures rigoureuses de contrôle de lhumidité, il convient dappliquer des programmes stricts de maintenance et de nettoyage afin déliminer la poussière et les détritus dont se nourrissent les micro-organismes et qui leur offrent un gîte.
Dans les installations CVC (Nathanson, 1993), il faut éviter que de leau ne stagne dans les bacs de récupération ou sous les serpentins de refroidissement. Lorsque des pulvérisateurs, des mèches ou des réservoirs deau chaude font partie intégrante des systèmes dhumidification des CVC, une désinfection et un nettoyage réguliers sont indispensables si lon veut éviter le développement microbien. Lhumidification par vapeur sèche est un bon moyen de limiter ce risque. Comme les filtres captent la saleté et lhumidité et constituent par conséquent des sites damplification microbienne, il importe de les changer régulièrement. Les micro-organismes peuvent aussi proliférer dans les matériaux poreux disolation acoustique utilisés pour garnir les conduits, lorsque ces matériaux absorbent de lhumidité. La solution consiste à fixer ce genre disolation à lextérieur plutôt quà lintérieur; les surfaces intérieures devraient être lisses afin de ne pas constituer un milieu favorable à la prolifération des microbes. Il est possible, par des mesures de ce type, déviter que des espèces du genre Legionella ne se développent dans les installations CVC; il est bon toutefois de prévoir également des mesures additionnelles telles que linstallation de filtres HEPA à haut rendement de captage dans les prises dair (Feeley, 1988). Il convient enfin de veiller à ce que leau chaude fournie dans les bâtiments soit chauffée uniformément à 60 °C, quil ny ait aucune zone deau stagnante et quaucune installation ne comporte de matériaux pouvant favoriser le développement de Legionella .
Si lon ne parvient pas à résoudre le problème et que des moisissures prolifèrent, un certain nombre de mesures correctives simposent. Il est essentiel denlever tous les matériaux organiques poreux (moquettes, meubles rembourrés, dalles de plafond et disolation, etc.) dans ou sur lesquels se développent des microbes. Les surfaces lisses devraient être lavées à leau de Javel ou tout autre désinfectant convenable. Les biocides pouvant produire des aérosols sont à proscrire dans les installations de CVC en service.
Pendant le traitement des locaux, on veillera à ne pas disperser en aérosols les micro-organismes se trouvant sur ou dans des matériaux contaminés. En cas de traitement de zones de moisissures importantes (10 m2 ou plus), on limitera les risques en maintenant sous dépression les zones traitées et en les isolant du reste du bâtiment (Morey, 1993a, 1993b; New York City Department of Health, 1993). La poussière présente pendant les travaux de nettoyage ou produite pendant le transfert des matériaux contaminés dans des récipients scellés sera recueillie au moyen dun aspirateur équipé dun filtre HEPA. Ces opérations devraient être confiées à un personnel spécialisé équipé dappareils de protection respiratoire sous forme de masques complets avec filtres HEPA, ainsi que de vêtements, chaussures et gants de protection (New York City Department of Health, 1993). Dans le cas de petits bâtiments, on peut faire appel au personnel dentretien local après lavoir convenablement formé. Dans tous les cas, les personnes qui occupent régulièrement le bâtiment ainsi que le personnel dentretien devraient être informés des risques éventuels. Les membres du personnel dentretien ne devraient pas souffrir dasthme, dallergies ou de troubles du système immunitaire (New York City Department of Health, 1993).
Lélaboration de directives et de normes applicables à lair des locaux intérieurs est le fruit de politiques proactives menées par les organismes compétents. Dans la pratique, ces tâches sont réparties entre les nombreux services responsables de la lutte antipollution, de la protection de la santé publique, de la sécurité des produits et du contrôle de lapplication de la réglementation en matière dhygiène du travail, de police des constructions, etc.
Lobjectif de la réglementation est de combattre la pollution de lair intérieur. Ce but peut être atteint en contrôlant les sources de pollution existantes, en diluant lair intérieur dans de lair extérieur et en vérifiant la qualité du mélange qui en résulte. Il faut pour cela que des limites précises soient fixées pour chacun des polluants présents.
Quel que soit le polluant considéré, sa concentration dans lair intérieur est le résultat dun équilibre pondéral exprimé par léquation:
où:
Ci = concentration du polluant dans lair intérieur (en mg/m3);
Q = taux démission (en mg/h);
V = volume de lespace intérieur (en m3);
Co = concentration du polluant dans lair extérieur (en mg/m3);
n = taux de ventilation (nombre de renouvellements de lair intérieur) par heure;
a = taux délimination du polluant par heure.
On observe généralement, dans des conditions statiques, que la concentration dun polluant dépend, dune part, de la quantité de polluant mis en suspension dans lair à partir de la source de contamination et de sa concentration dans lair extérieur et, dautre part, des différents mécanismes délimination du polluant. Ces mécanismes comprennent la dilution du polluant considéré et sa «disparition» avec le temps. Toute réglementation, recommandation, directive et norme visant à limiter la pollution devra tenir compte de ces deux phénomènes.
Lun des meilleurs moyens dabaisser la concentration dun polluant dans lair intérieur est de contrôler ses sources démission à lintérieur du bâtiment, à savoir les matériaux de construction, les éléments de décoration, les activités qui sy déroulent et les occupants eux-mêmes.
Si lon considère quil est nécessaire de réglementer les émissions de polluants dues aux matériaux de construction utilisés, il existe des normes qui limitent la teneur des composés nocifs dans ces matériaux. Certains de ces composés sont cancérogènes; cest le cas du formaldéhyde, du benzène, de certains pesticides, de lamiante, des fibres de verre, notamment.
Un autre moyen de contrôler ces émissions est de fixer des normes démission. Cette solution présente toutefois de nombreuses difficultés pratiques; les principales tiennent au fait que lon nest pas encore parvenu à sentendre sur la façon de procéder pour mesurer ces émissions, que lon connaît encore mal leurs effets sur la santé et le confort des occupants et quil est souvent très difficile didentifier et de quantifier les centaines de composés qui peuvent être émis par les matériaux incriminés. Lun des moyens détablir des normes démission est de fixer un niveau de concentration acceptable du polluant considéré et de calculer un taux démission qui tienne compte des conditions ambiantes température, taux dhumidité, taux de renouvellement de lair, coefficient doccupation, etc., cest-à-dire qui soit représentatif de la manière dont le produit considéré est mis en uvre. La principale critique qua suscité cette méthode est que des produits différents peuvent générer un même polluant. Les normes démissions sont généralement établies sur la base danalyses effectuées dans des atmosphères contrôlées et dans des conditions parfaitement définies. Des directives existent pour lEurope (COST Project 613, 1989, 1991) et les Etats-Unis (ASTM, 1989). Les critiques dont elles font habituellement lobjet sont: 1) quil est difficile davoir des données comparatives; et 2) quelles ne résolvent pas les problèmes que posent les espaces intérieurs où les polluants sont émis de façon sporadique.
En ce qui concerne les activités qui peuvent se dérouler dans un bâtiment, laccent principal devrait être mis sur la maintenance intérieure. Le contrôle peut revêtir ici la forme dune réglementation précisant la façon dont certaines opérations doivent être exécutées à linstar des recommandations sur lusage des pesticides ou sur les limites dexposition au plomb ou à lamiante lors de la rénovation ou de la démolition dun bâtiment.
La fumée de tabac imputable aux occupants dun bâtiment est une cause particulièrement fréquente de pollution de lair intérieur; elle mérite dêtre traitée séparément. De nombreux pays ont promulgué des lois de portée nationale qui interdisent de fumer dans certains lieux publics tels que les restaurants ou les théâtres, alors que, souvent, dautres dispositions lautorisent dans des secteurs bien délimités.
Lorsque des interdictions demploi frappent certains composés ou certains matériaux, elles sont faites sur la base de ce que lon sait de leurs effets nocifs probables sur la santé, effets que lon connaît plus ou moins bien en ce qui concerne les concentrations que lon rencontre habituellement à lintérieur. Une autre difficulté tient au fait que lon ne connaît pas très bien non plus les propriétés des composés qui pourraient leur être substitués.
Il est parfois impossible déviter les émissions de certains polluants. Cest le cas, par exemple, lorsque ces émissions proviennent des occupants du bâtiment (émissions de dioxyde de carbone et de bioeffluents, présence de matériaux aux propriétés incontrôlables, tâches quotidiennes, etc.). La seule façon de diminuer la pollution consiste dans ces cas à recourir à des systèmes de ventilation et à divers autres moyens pour purifier lair intérieur.
La ventilation est lune des méthodes les plus couramment utilisées pour diminuer la concentration de polluants dans les espaces intérieurs. Néanmoins, la nécessité déconomiser lénergie exige quon limite le plus possible les prises dair extérieur dont on a besoin pour renouveler lair intérieur. Il existe à cet effet des normes qui fixent des taux de ventilation minimaux en fonction du volume dair intérieur qui doit être renouvelé chaque heure à partir de lextérieur, ou qui définissent un volume dair minimal par occupant ou par m3, ou encore qui considèrent la concentration du dioxyde de carbone en tenant compte des différences entre les secteurs où il y a des fumeurs et ceux où il ny en a pas. Pour les bâtiments qui sont ventilés naturellement, des recommandations minimales ont été établies pour différents points du bâtiment, les fenêtres, par exemple.
Parmi les références les plus souvent citées par la majorité des normes existantes, aussi bien au niveau national quinternational, même si elles ne sont pas légalement obligatoires, il y a lieu de mentionner les normes que la Société américaine des ingénieurs en chauffage, réfrigération et climatisation (American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE)) a mis au point à lintention des milieux professionnels pour la conception de leurs installations. Ainsi, la norme ASHRAE-62-1989 (ASHRAE, 1989) spécifie le débit dair minimal nécessaire à la ventilation dun bâtiment et la qualité que doit avoir lair intérieur pour préserver la santé des occupants. Pour le dioxyde de carbone (composé que la plupart des auteurs ne considèrent pas comme un polluant du fait de son origine humaine, mais que lon utilise comme indicateur de la qualité de lair intérieur pour contrôler le bon fonctionnement des systèmes de ventilation), la norme fixe une limite de 1 000 ppm pour satisfaire les critères de confort (odeur). Elle précise également le niveau de qualité de lair extérieur requis pour le renouvellement de lair intérieur.
Lorsque la source de la contamination quelle soit intérieure ou extérieure est difficile à éliminer et quil faut recourir à une installation spéciale, il existe des normes de rendement, comme celles qui fixent la méthode à suivre pour contrôler la performance dun type donné de filtre.
Il est possible détablir différents types de valeurs de référence applicables à lair intérieur en fonction du type de population à protéger. Ces valeurs peuvent être basées sur des normes de qualité de lair ambiant, sur des valeurs précises visant certains polluants (tels que le dioxyde de carbone, le monoxyde de carbone, le formaldéhyde, les composés organiques volatils, le radon, etc.), mais elles peuvent lêtre aussi sur les normes que lon utilise couramment en hygiène du travail et qui concernent exclusivement les environnements industriels. Elles ont été conçues, avant tout, pour protéger les travailleurs des effets les plus graves des polluants comme lirritation des muqueuses ou des voies aériennes supérieures et pour éviter des intoxications accompagnées deffets systémiques. Cest la raison pour laquelle de nombreux auteurs, lorsquils traitent de lenvironnement intérieur, utilisent comme valeurs de référence les limites dexposition pour les environnements industriels fixées par lACGIH. Ces limites sont des seuils à ne pas dépasser pour des journées de travail de huit heures et des semaines de travail de quarante heures.
On utilise des coefficients numériques pour adapter ces seuils à lenvironnement intérieur. Les limites applicables à lindustrie sont généralement réduites dans un rapport de 1:2, de 1:10 ou même de 1:100, selon le type deffet sur la santé et la population concernée. Plusieurs raisons expliquent cette façon de procéder. Les personnes qui travaillent dans un environnement non industriel sont exposées simultanément à de faibles concentrations de plusieurs composés chimiques, et cela, dans des proportions que lon ne connaît généralement pas, mais qui pourraient avoir un effet de potentialisation difficile à maîtriser. Dans les environnements industriels, par contre, il est généralement admis que les substances dangereuses à contrôler sont connues et en nombre souvent limité, même si leurs concentrations sont dordinaire beaucoup plus élevées.
En outre, dans de très nombreux pays, les sites industriels sont surveillés et lon veille au respect des normes établies, ce qui nest que rarement le cas pour les environnements non industriels; il peut donc se faire que lon utilise à loccasion, dans ceux-ci, des produits donnant naissance à des concentrations élevées sans quun contrôle dambiance ne permette de déterminer les niveaux dexposition réels. Par ailleurs, les risques propres aux activités industrielles sont connus ou devraient lêtre, et des mesures sont prises pour les diminuer ou les contrôler. Les travailleurs intéressés en sont informés, et les moyens leur sont donnés de réduire ces risques et de se prémunir contre eux. De plus, les travailleurs de lindustrie sont généralement des adultes en bonne santé et en bonne condition physique, alors que le reste de la population compte des individus souffrant de troubles pathologiques ou de handicaps dun type ou dun autre. Dans un bureau, par exemple, la plupart des tâches peuvent être effectuées par des gens dont les capacités physiques sont réduites ou par des personnes sensibles aux allergènes qui seraient dans lincapacité de travailler dans maints environnements industriels. Enfin, on la déjà noté, les limites dexposition, comme beaucoup dautres normes professionnelles, sont calculées sur la base dune exposition de huit heures par jour et de quarante heures par semaine, ce qui représente moins du quart du temps dexposition dune personne qui resterait continuellement dans le même environnement ou serait exposée à la même substance pendant toute la semaine, cest-à-dire durant 168 heures. Les valeurs de référence établies pour lindustrie reposent sur des données qui tiennent compte dexpositions hebdomadaires et de périodes de non-exposition de 16 heures par jour et de 64 heures pendant les fins de semaine, ce qui rend toute extrapolation très difficile sur la base de ces données.
Plusieurs auteurs en sont donc arrivés à la conclusion que, pour pouvoir appliquer les normes dhygiène du travail à lévaluation de lair intérieur, les valeurs de référence valables pour lair des locaux non industriels devraient comporter une large imprécision. La norme ASHRAE-62-1989 recommande par conséquent de tabler, pour les polluants chimiques intérieurs qui nont pas encore de valeur de référence agréée, sur des concentrations représentant un dixième seulement des limites dexposition correspondantes préconisées par lACGIH pour les environnements industriels.
Pour les contaminants biologiques, toutefois, il nexiste pas encore de critères techniques dévaluation applicables aux environnements industriels ou aux espaces intérieurs. Cela tient sans doute à la nature des contaminants biologiques dont les caractéristiques sont très variables, ce qui rend difficile létablissement de critères dévaluation applicables en toutes circonstances. Ces caractéristiques sont notamment la capacité de reproduction de lorganisme considéré, le fait que les mêmes espèces microbiennes peuvent présenter des degrés de pathogénicité différents ou que des modifications de certains facteurs environnementaux (tels que la température ou lhumidité) peuvent affecter leur présence dans un environnement donné. En dépit de ces difficultés, le Comité des bioaérosols de lACGIH a élaboré des directives permettant dévaluer ces agents biologiques dans les environnements intérieurs (ACGIH, 1989). Les protocoles préconisés par ces directives portent sur les méthodes et les stratégies déchantillonnage, les procédures danalyse et linterprétation des résultats; elles comprennent également un certain nombre de recommandations quant aux mesures correctives à mettre en uvre lorsque des données médicales ou cliniques dénotent lexistence de pathologies telles que la fièvre des humidificateurs, la pneumonie dhypersensibilité ou des allergies liées aux contaminants biologiques. Elles peuvent aussi être appliquées lorsquun prélèvement est nécessaire pour établir limportance relative de chacune des sources de bioaérosols déjà identifiés ou pour corroborer une hypothèse médicale. Ces directives ne recommandent pas deffectuer des prélèvements de routine pour détecter les bioaérosols dans lair.
Des organisations internationales comme lOrganisation mondiale de la santé (OMS), des pays tels que les Etats-Unis ou le Canada, notamment, et des organismes privés tels que lASHRAE ont établi des directives et des normes dexposition. Pour sa part, lUnion européenne (UE) a présenté, par lintermédiaire du Parlement européen, une résolution sur la qualité de lair dans les espaces intérieurs, qui reconnaît la nécessité pour la Commission européenne de proposer aussitôt que possible des directives spécifiques incluant:
De nombreux composés chimiques ont des odeurs et des propriétés irritantes à des concentrations qui, dans létat actuel des connaissances, ne présentent pas de danger pour les occupants dun bâtiment, mais qui peuvent être ressenties comme incommodantes par de nombreuses personnes. Les valeurs de référence adoptées tiennent généralement compte de cette éventualité.
Etant donné quil nest pas recommandé dappliquer les normes de lhygiène du travail au contrôle de lair intérieur sans certains facteurs de correction, il est souvent préférable de sen tenir aux valeurs de référence contenues dans les directives et les normes qui visent la qualité de lair ambiant. LAgence pour la protection de lenvironnement (Environmental Protection Agency (EPA)), aux Etats-Unis, a établi, pour lair ambiant, des normes qui devraient assurer une marge de sécurité suffisante pour la population en général (normes primaires) et même pour son bien-être (normes secondaires). Ces valeurs de référence constituent un guide général utile en matière de qualité acceptable pour lair dun espace intérieur donné; certaines normes, telles que ASHRAE-62-1989, les utilisent comme critères de qualité pour le renouvellement de lair dans un bâtiment clos. Le tableau 44.17 indique ces valeurs de référence pour le dioxyde de soufre, le monoxyde de carbone, le dioxyde dazote, lozone, le plomb et les matières particulaires.
Concentrations moyennes |
|||
Polluant |
µg/m3 |
ppm |
Durée de l’exposition |
Dioxyde de soufre |
80a |
0,03 |
1 année (moyenne arithmétique) |
365a |
0,14 |
24 heuresb |
|
1 300c |
0,5 |
3 heuresb |
|
Matière particulaires |
150a,c |
|
24 heuresd |
50a,c |
|
1 annéed (moyenne arithmétique) |
|
Monoxyde de carbone |
10 000a |
9,0 |
8 heuresb |
40 000a |
35,0 |
1 heureb |
|
Ozone |
235a,c |
0,12 |
1 heure |
Dioxyde d’azote |
100a,c |
0,053 |
1 année (moyenne arithmétique) |
Plomb |
1,5a,c |
|
3 mois |
a Norme primaire. b Valeur maximale à ne pas dépasser plus d’une fois par an. c Norme secondaire. d Particules de diamètre ≥ 10 µm.
Source: EPA, 1993.
LOMS, de son côté, a émis certaines directives de base pour assurer la protection de la santé publique contre les effets nocifs de la pollution atmosphérique et pour éliminer ou réduire le plus possible les émissions de polluants que lon sait ou que lon suspecte être dangereux pour la santé de lêtre humain ou nuisibles à son bien-être (OMS, 1987). Ces directives ne font pas de distinction entre les différents types dexposition considérés et elles couvrent donc les expositions extérieures, aussi bien que celles des locaux intérieurs. Les tableaux 44.18 et 44.19 mentionnent les valeurs que propose lOMS (1987) pour les substances non cancérogènes, en distinguant entre celles qui sont nocives et celles qui ne causent quune sensation dinconfort.
Polluant |
Valeur préconisée |
Durée de l’exposition |
Composés organiques |
||
Chlorure de méthylène |
3 mg/m3 |
24 heures |
1,2-Dichloroéthane |
0,7 mg/m3 |
24 heures |
Formaldéhyde |
100 µg/m3 |
30 minutes |
Monoxyde de carbone |
100 mg/m3 b |
15 minutes |
Styrène |
800 µg/m3 |
24 heures |
Sulfure de carbone |
100 µg/m3 |
24 heures |
Tétrachloroéthylène |
5 mg/m3 |
24 heures |
Trichloroéthylène |
1 mg/m3 |
24 heures |
Toluène |
8 mg/m3 |
24 heures |
Produits inorganiques |
||
Cadmium |
1-5 ng/m3 |
1 an (zones rurales) |
Dioxyde d’azote |
400 µg/m3 |
1 heure |
Manganèse |
1 µg/m3 |
1 heure |
Mercure |
1 µg/m3 c |
1 heure |
Ozone |
150-200 µg/m3 |
1 heure |
Plomb |
0,5-1,0 µg/m3 |
1 an |
Sulfure d’hydrogène |
150 µg/m3 |
10 minutes |
Vanadium |
1 µg/m3 |
24 heures |
a Les informations figurant dans ce tableau sont basées sur les effets sur la santé constatés chez l’humain autres que le cancer ou une gêne olfactive. Elles doivent être utilisées en liaison avec les indications données dans la publication originale.b L’exposition à ce niveau de concentration ne devrait pas dépasser le temps indiqué ni être répétée avant 8 heures au moins. c Cette valeur concerne uniquement l’air intérieur.
Source: OMS, 1987.
Polluant |
Odeur, seuil |
||
Détection |
Reconnaissance |
Valeur préconisée |
|
Tétrachloro- |
|
|
|
Toluène |
1 mg/m3 |
10 mg/m3 |
1 mg/m3 |
Sulfure |
|
|
|
Sulfure |
|
|
|
Styrène |
70 µg/m3 |
210-280 µg/m3 |
70 µg/m3 |
a Ces informations sont basées sur les effets sensoriels ou sur une sensation d’inconfort ressentis pendant 30 minutes en moyenne.b Données non fournies.c La fabrication de la viscose donne lieu à l’émission d’autres substances odorantes telles que le sulfure d’hydrogène et le sulfure de carbonyle.
Source: OMS, 1987.
Pour les substances cancérogènes, lEPA a créé la notion dunités de risque . Ces unités représentent un facteur utilisé pour calculer la probabilité accrue qua un être humain de contracter un cancer du fait de son exposition pendant sa vie entière à une substance cancérogène se trouvant dans lair à une concentration de 1 µg/m3. Cette notion est applicable aux substances qui peuvent être présentes dans lair intérieur, cest-à-dire des métaux comme larsenic, le chrome hexavalent et le nickel, à des composés organiques comme le benzène, lacrylonitrile et les hydrocarbures aromatiques polycycliques, ou encore à des matières particulaires, comme lamiante.
En ce qui concerne le radon, on trouvera au tableau 44.20 les valeurs de référence et les recommandations émanant de différents organismes. Cest ainsi que lEPA propose une série dinterventions graduelles lorsque les niveaux de radon dans lair intérieur dépassent 4 pCi/litre (150 Bq/m3) et donne une indication quant aux délais dans lesquels il convient de réduire ces niveaux. LUnion européenne, sur la base dun rapport présenté en 1987 par un groupe de travail de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), recommande de son côté une concentration limite annuelle moyenne pour le radon, en distinguant entre les bâtiments existants et les constructions neuves. LOMS, quant à elle, a fondé ses recommandations en tenant compte dune exposition aux produits de désintégration du radon exprimée sous la forme dune concentration déquivalent équilibré de radon (EER) et de laugmentation du risque de contracter un cancer comprise entre 0,7 × 10-4 et 2,1 × 10-4 pour une exposition égale à 1 Bq/m3 EER pendant la vie entière.
Organisation |
Concentration |
Recommandation |
Environmental |
4-20 pCi/litre |
Réduire le niveau en quelques années |
Union européenne (UE) |
> 400 Bq/m3a,b |
Réduire le niveau |
Organisation mondiale de la santé (OMS) |
> 100 Bq/m3 EERc |
Réduire le niveau |
a Concentration annuelle moyenne de radon. b Equivalent à une dose de 20 mSv/an.c Moyenne annuelle.
Il convient, en terminant, de rappeler que les valeurs de référence sont établies, en général, sur la base des effets connus de chaque substance sur la santé. Bien que cela exige souvent une tâche ardue lorsquil sagit de lair lintérieur, ces valeurs ne tiennent pas compte des effets de synergie possibles entre certaines substances. Cest le cas, par exemple, des composés organiques volatils (COV). Certains auteurs ont évoqué la possibilité de définir des niveaux totaux de concentrations des composés organiques volatils (COVT) auxquels les occupants dun bâtiment pourraient commencer à réagir. Cette proposition se heurte cependant à une grande difficulté, à savoir que, du point de vue de lanalyse, on nest pas encore parvenu à sentendre sur une définition des COVT qui satisfasse tout le monde.
En fait, létablissement de valeurs de référence dans le domaine relativement nouveau de la qualité de lair intérieur dépendra à lavenir des politiques de lenvironnement qui seront mises en uvre, ces politiques étant elles-mêmes fonction des progrès réalisés tant dans la connaissance des effets des polluants que dans lamélioration des techniques danalyse.