En 1990, la quarante-quatrième session de lAssemblée générale des Nations Unies a annoncé lentrée dans une décennie ayant pour objectif de réduire la fréquence et les effets des catastrophes naturelles (The Lancet , 1990). Un comité dexperts a défini une catastrophe comme étant une «perturbation de lenvironnement de lhumain qui excède la capacité de la communauté de fonctionner normalement».
Les données relatives aux catastrophes recensées à léchelle planétaire au cours des dernières décennies font ressortir deux caractéristiques principales une augmentation du nombre de personnes affectées au fil du temps et une corrélation géographique (Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FISCRCR), 1993). Comme le montre la figure 39.1, la tendance est en effet nettement à la hausse, malgré des variations considérables dune année à lautre. La figure 39.2 passe en revue les pays les plus sérieusement touchés par des catastrophes majeures en 1991. Aucun pays du monde nest à labri des catastrophes, mais ce sont généralement les pays les plus pauvres qui paient le plus lourd tribut en vies humaines.
Il existe un grand nombre de définitions et de classifications des catastrophes, que nous avons examinées (Grisham, 1986; Lechat, 1990; Logue, Melick et Hansen, 1981; Weiss et Clarkson, 1986). Trois dentre elles sont rappelées ici à titre dexemples. Les Centres américains de lutte contre la maladie (US Centers for Disease Control (CDC) (CDC, 1989)) distinguent trois grandes catégories de catastrophes: les événements géographiques, comme les tremblements de terre et les éruptions volcaniques; les événements climatiques, comme les ouragans, les tornades, les vagues de chaleur ou de froid et les inondations; et, enfin, les événements engendrés par lêtre humain, notamment les famines, la pollution atmosphérique, les catastrophes industrielles, les incendies et les incidents mettant en cause un réacteur nucléaire. Selon une autre classification, fondée sur la cause (Parrish, Falk et Melius, 1987), les catastrophes naturelles englobent les événements climatiques et géologiques, alors que les catastrophes causées par lactivité humaine comprennent les événements non naturels, technologiques et intentionnels provoqués par des êtres humains (accidents de transport, guerres, incendies, explosions, rejets chimiques et radioactifs, par exemple). Une troisième classification (voir tableau 39.1), établie par le Centre de recherche sur lépidémiologie des désastres à Louvain (Belgique), sinspire dun atelier tenu en 1991 par le Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe (UNDRO) et a été exposée dans le World Disaster Report 1993 (FISCRCR, 1993).
Soudaine, naturelle |
Progressive, naturelle |
Soudaine, causée par l'activité humaine |
Progressive, causée par l’activité humaine |
Avalanche |
Epidémie |
Ecroulement d’ouvrages |
Nationale (émeutes, guerre civile) |
Source: FISCRCR, 1993.
La figure 39.3 précise le nombre total dévénements par type de catastrophe. La catégorie «accidents» englobe tous les événements soudains causés par lêtre humain; elle vient au second rang par ordre de fréquence, devancée seulement par les «inondations». Les «tempêtes» occupent la troisième place, suivies par les «tremblements de terre» et les «incendies».
Dautres données sur la nature, la fréquence et les conséquences des catastrophes, naturelles ou non, survenues entre 1969 et 1993, ont été extraites du rapport de 1993 de la FISCRCR.
Bien que lon évalue actuellement la gravité des catastrophes en fonction du nombre de décès, il est impératif de prendre également en considération le nombre des personnes touchées. A léchelon mondial, les personnes affectées par les catastrophes sont près de mille fois plus nombreuses que celles qui y succombent et, pour beaucoup dentre elles, la survie devient tellement difficile après le choc quelles se retrouvent encore plus fragiles et démunies face à de nouveaux coups du sort. Cette constatation vaut aussi bien pour les catastrophes naturelles (voir tableau 39.2) que pour les catastrophes causées par lactivité humaine (voir tableau 39.3), tout particulièrement les accidents chimiques, dont les effets sur les sujets exposés ne se manifestent bien souvent que des années, voire des décennies plus tard (Bertazzi, 1989). La vulnérabilité humaine face à la catastrophe est la préoccupation centrale des stratégies de prévention et de planification préalable.
|
Afrique |
Amérique |
Asie |
Europe |
Océanie |
Total |
Tués |
76 883 |
9 027 |
56 072 |
2 220 |
99 |
144 302 |
Blessés |
1 013 |
14 944 |
27 023 |
3 521 |
100 |
46 601 |
Autres victimes |
10 556 984 |
4 400 232 |
105 044 476 |
563 542 |
95 128 |
120 660 363 |
Sans-abri |
172 812 |
360 964 |
3 980 608 |
67 278 |
31 562 |
4 613 224 |
Source: Walker, 1995.
Afrique |
Amérique |
Asie |
Europe |
Océanie |
Total |
|
Tués |
16 172 |
3 765 |
2 204 |
6 739 |
18 |
22 898 |
Blessés |
16 236 |
1 030 |
5 601 |
6 483 |
476 |
7 826 |
Autres victimes |
3 694 |
48 825 |
41 630 |
7 870 |
610 |
102 629 |
Sans-abri |
2 384 |
1 722 |
6 275 |
7 664 |
24 |
18 069 |
Source: Walker, 1995.
La sécheresse, la famine et les inondations continuent daffecter un plus grand nombre de personnes que tout autre type de catastrophe. Les vents violents (cyclones, ouragans et typhons) entraînent, proportionnellement, davantage de décès que les famines et les inondations, par rapport à lensemble de la population touchée, tandis que les tremblements de terre, catastrophes les plus soudaines de toutes, restent aussi les plus meurtrières (voir tableau 39.4). Enfin, les accidents technologiques touchent davantage de gens que les incendies (voir tableau 39.5).
Tremblement de terre |
Sécheresse et famine |
Inondation |
Vents violents |
Glissement de terrain |
Eruption volcanique |
Total |
|
Tués |
21 668 |
57 973 606 |
47 812 097 |
9 428 555 |
131 550 |
1 009 |
117 138 486 |
Blessés |
30 452 |
57 905 676 |
47 847 704 |
9 417 891 |
131 245 |
94 279 |
117 146 571 |
Autres victimes |
1 764 724 |
57 905 676 |
47 849 065 |
9 417 442 |
131 807 |
94 665 |
117 163 379 |
Sans-abri |
224 186 |
57 922 720 |
3 178 267 |
1 065 928 |
106 889 |
12 513 |
114 610 504 |
Source: Walker, 1995.
Accident |
Accident technologique |
Incendie |
Total |
|
Tués |
3 419 |
603 |
3 300 |
7 321 |
Blessés |
1 596 |
5 564 |
699 |
7 859 |
Autres victimes |
17 153 |
52 704 |
32 771 |
102 629 |
Sans-abri |
868 |
8 372 |
8 829 |
18 069 |
Source: Walker, 1995.
Les tableaux 39.6 et 39.7 indiquent le nombre de catastrophes survenues au cours dune période de 25 ans, par catégorie et par continent. Les vents violents, les accidents (surtout les accidents de transport) et les inondations sont les catastrophes les plus fréquentes et lAsie est le continent le plus souvent touché. La majorité des sécheresses se produit en Afrique. Bien que le nombre des décès attribuables à des catastrophes soit peu élevé en Europe, cette région est frappée dans une proportion comparable à lAsie ou à lAfrique; les plus faibles taux de mortalité reflètent une vulnérabilité humaine bien moindre en cas de crise. Le nombre des décès consécutifs aux accidents chimiques de Seveso (Italie) et de Bhopal (Inde) illustre clairement cet écart (Bertazzi, 1989).
Afrique |
Amérique |
Asie |
Europe |
Océanie |
Total |
|
Tremblement de terre |
40 |
125 |
225 |
167 |
83 |
640 |
Sécheresse et famine |
277 |
49 |
83 |
15 |
14 |
438 |
Inondation |
149 |
357 |
599 |
123 |
138 |
1 366 |
Glissement de terrain |
11 |
85 |
93 |
19 |
10 |
218 |
Vents violents |
75 |
426 |
637 |
210 |
203 |
1 551 |
Eruption volcanique |
8 |
27 |
43 |
16 |
4 |
98 |
Autre* |
219 |
93 |
186 |
91 |
4 |
593 |
* Avalanche, vague de froid, vague de chaleur, invasion d’insectes, tsunami.
Source: Walker, 1995.
|
Afrique |
Amérique |
Asie |
Europe |
Océanie |
Total |
Accident |
213 |
321 |
676 |
274 |
18 |
1 502 |
Accident technologique |
24 |
97 |
97 |
88 |
4 |
310 |
Incendie |
37 |
115 |
236 |
166 |
29 |
583 |
Source: Walker, 1995.
Les chiffres relatifs à lannée 1994 (voir tableaux 39.8 et 39.9) montrent que lAsie demeure la région la plus exposée aux catastrophes, avec, en tête de liste, les inondations, les vents violents et les accidents majeurs. Bien que les tremblements de terre soient associés à un taux de mortalité élevé, ils ne sont en fait pas plus fréquents que les catastrophes technologiques majeures. Mis à part les incendies, le nombre de catastrophes non naturelles est légèrement inférieur, en moyenne annuelle, à celui des 25 années précédentes. En revanche, le nombre moyen de catastrophes naturelles est plus élevé, sauf dans le cas des inondations et des éruptions volcaniques. En 1994, on a recensé davantage de catastrophes dorigine humaine en Europe quen Asie (39 contre 37).
Afrique |
Amérique |
Asie |
Europe |
Océanie |
Total |
|
Tremblement de terre |
3 |
3 |
12 |
1 |
1 |
20 |
Sécheresse et famine |
0 |
2 |
1 |
0 |
1 |
4 |
Inondation |
15 |
13 |
27 |
13 |
0 |
68 |
Glissement de terrain |
0 |
1 |
3 |
1 |
0 |
5 |
Vents violents |
6 |
14 |
24 |
5 |
2 |
51 |
Eruption volcanique |
0 |
2 |
5 |
0 |
1 |
8 |
Autre* |
2 |
3 |
1 |
2 |
0 |
8 |
* Avalanche, vague de froid, vague de chaleur, invasion d’insectes, tsunami.
Source: Walker, 1995.
Afrique |
Amérique |
Asie |
Europe |
Océanie |
Total |
|
Accident |
8 |
12 |
25 |
23 |
2 |
70 |
Accident technologique |
1 |
5 |
7 |
7 |
0 |
20 |
Incendie |
0 |
5 |
5 |
9 |
2 |
21 |
Source: Walker, 1995.
Au cours du siècle qui sachève, ce sont les guerres, les transports et les activités industrielles qui ont provoqué les catastrophes non naturelles les plus désastreuses pour lêtre humain. A lorigine, seules les personnes occupant certains emplois étaient touchées par les catastrophes industrielles; avec le temps toutefois, et surtout depuis la seconde guerre mondiale, la croissance et lexpansion rapides de lindustrie chimique et le recours à lénergie nucléaire ont créé de graves dangers, même pour les personnes à lextérieur des lieux de travail et pour lensemble de lenvironnement. Nous nous intéresserons ici aux accidents majeurs mettant en jeu des produits chimiques.
La première catastrophe chimique dorigine industrielle dont nous ayons gardé trace remonte au XVIIe siècle. Bernardino Ramazzini en a fait le récit (Bertazzi, 1989). Les catastrophes chimiques contemporaines diffèrent tant par la manière dont elles se produisent que par le type de produits chimiques en cause (BIT, 1991). Les risques potentiels sont fonction aussi bien de la nature particulière du produit que de la quantité présente sur les lieux. Toutes ces catastrophes ont cependant une caractéristique commune: ce sont des événements échappant à tout contrôle incendies, explosions, rejets de substances toxiques qui peuvent faire de nombreuses victimes à lintérieur et à lextérieur des installations et causer des dégâts matériels et écologiques considérables.
Le tableau 39.10 donne quelques exemples daccidents chimiques majeurs représentatifs provoqués par des explosions, et le tableau 39.11 recense une série dincendies majeurs. Dans lindustrie, les incendies sont plus fréquents que les explosions et les rejets de matières toxiques, mais ils font généralement moins de victimes. La supériorité des mesures de prévention et de planification préalable dans le premier cas en fournit peut-être une explication. Le tableau 39.12 énumère certains accidents industriels majeurs qui ont donné lieu à des rejets de produits chimiques toxiques. Le chlore et lammoniac sont les produits chimiques toxiques les plus souvent utilisés en quantités dangereuses importantes et ils ont déjà provoqué des accidents majeurs. Le rejet, dans latmosphère, de matières inflammables ou toxiques peut également provoquer des incendies.
Produit chimique |
Conséquences |
Lieu et année |
|
Morts |
Blessés |
||
Ether diméthylique |
245 |
3 800 |
Ludwigshafen, Allemagne, 1948 |
Kérosène |
32 |
16 |
Bitburg, Allemagne, 1954 |
Isobutane |
7 |
13 |
Lake Charles, Louisiane, Etats-Unis, 1967 |
Boues de pétrole |
2 |
85 |
Pernis, Pays-Bas, 1968 |
Propylène |
– |
230 |
Saint Louis, Illinois, Etats-Unis, 1972 |
Propane |
7 |
152 |
Decatur, Illinois, Etats-Unis, 1974 |
Cyclohexane |
28 |
89 |
Flixborough, Royaume-Uni, 1974 |
Propylène |
14 |
107 |
Beek, Pays-Bas, 1975 |
Source: BIT, 1993.
Produit chimique |
Conséquences |
Lieu et année |
|
|
Morts |
Blessés |
|
Méthane |
136 |
77 |
Cleveland, Ohio, Etats-Unis, 1944 |
GPL1 (BLEVE) |
18 |
90 |
Feyzin, France, 1966 |
GNL2 |
40 |
– |
Staten Island, New York, Etats-Unis, 1973 |
Méthane |
52 |
– |
Santa Cruz, Mexique, 1978 |
GPL (BLEVE) |
650 |
2 500 |
Mexico, Mexique, 1985 |
1 Gaz de pétrole liquéfié. 2 Gaz naturel liquéfié.
Source: BIT, 1993.
Produit chimique |
Conséquences |
Lieu et année |
|
Morts |
Blessés |
||
Phosgène |
10 |
– |
Poza Rica, Mexique, 1950 |
Chlore |
7 |
– |
Wilsum, Allemagne, 1952 |
Dioxine/TCDD |
– |
193 |
Seveso, Italie, 1976 |
Ammoniac |
30 |
25 |
Cartagena, Colombie, 1977 |
Dioxyde de soufre |
– |
100 |
Baltimore, Maryland, Etats-Unis, 1978 |
Sulfure d’hydrogène |
8 |
29 |
Chicago, Illinois, Etats-Unis, 1978 |
Isocyanate de méthyle |
2 500 |
200 000 |
Bhopal, Inde, 1984 |
Un tour dhorizon des travaux consacrés aux accidents chimiques majeurs révèle plusieurs caractéristiques communes aux catastrophes industrielles contemporaines. Nous les analyserons brièvement ci-après, de manière à pouvoir non seulement établir une classification dintérêt général, mais également apprécier la nature du problème et les défis à relever.
Les catastrophes avérées sont des rejets dans lenvironnement qui ne laissent subsister aucune ambiguïté quant à leur source et leur danger potentiel. Les catastrophes de Seveso, de Bhopal et de Tchernobyl en sont de bons exemples.
La catastrophe de Seveso est considérée comme le prototype des catastrophes chimiques industrielles (Homberger et coll., 1979; Pocchiari et coll., 1983, 1986). Cet accident, survenu le 10 juillet 1976 dans la région de Seveso, à proximité de Milan (Italie), dans une usine produisant du trichlorophénol, a entraîné la contamination par un produit très toxique, la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD), de plusieurs kilomètres carrés dune zone rurale assez fortement peuplée. Plus de 700 personnes ont été évacuées, et des restrictions ont été imposées à 30 000 autres habitants. Du point de vue médical, la chloracné a été leffet nocif le plus clairement établi, mais toutes les conséquences possibles de cet incident nont pas encore été évaluées (Bruzzi, 1983; Pesatori, 1995).
Bhopal est probablement la pire catastrophe chimique industrielle de tous les temps (Das, 1985a, 1985b; Friedrich Naumann Foundation, 1987; Tachakra, 1987). Dans la nuit du 2 décembre 1984, à la suite dune fuite de gaz, un nuage mortel a recouvert la ville de Bhopal, dans le centre de lInde, faisant des milliers de morts et des centaines de milliers de blessés en lespace de quelques heures. Laccident a été provoqué par une réaction demballement survenue dans lun des réservoirs de stockage de méthylisocyanate (MIC). Ce réservoir en béton, qui renfermait quelque 42 tonnes de ce composé utilisé dans la fabrication de pesticides, sest fissuré, libérant dans latmosphère le MIC et dautres produits de dégradation. Au-delà des conséquences tragiques évidentes de cet accident, on na pas encore complètement évalué ses effets éventuels à long terme sur la santé des personnes affectées ou exposées (Andersson et coll., 1986; Sainani et coll., 1985).
Seules deux circonstances révèlent parfois lexistence dune catastrophe dinstallation lente: la présence fortuite dêtres humains sur la trajectoire du rejet, ou lémergence, avec le temps, de certaines manifestations environnementales du danger présenté par des matières toxiques.
A cet égard, la maladie de Minamata constitue sans doute lexemple le plus spectaculaire et le plus instructif du premier cas. En 1953, des troubles neurologiques rares ont commencé à se manifester chez les habitants de villages de pêcheurs situés le long de la baie de Minamata, au Japon. Après de nombreuses recherches, on a conclu que cette maladie baptisée kibyo , la «maladie mystérieuse», était probablement causée par du poisson toxique. Il a dailleurs été possible, en 1957, den reproduire expérimentalement les symptômes en nourrissant des chats avec du poisson pêché dans la baie. Lannée suivante, on a émis lhypothèse que le tableau clinique de la kibyo , associant polynévrite, ataxie cérébelleuse et cécité corticale, était analogue à celui dune intoxication par des composés alkylés de mercure. On a donc recherché une source de mercure organique et lenquête a abouti à une usine qui déversait ses effluents dans la baie de Minamata. En juillet 1961, la maladie avait frappé 88 personnes, dont 35 (40%) sont décédées (Hunter, 1978).
Lincident de Love Canal, site dexcavation situé à proximité de Niagara Falls, aux Etats-Unis, est un exemple du deuxième type de circonstance. Pendant une trentaine dannées, jusquen 1953, cette zone avait servi de lieu denfouissement de produits chimiques et de décharge municipale, avant que des habitations ne soient construites à proximité. A la fin des années soixante, les résidents ont commencé à signaler des odeurs de produits chimiques dans le sous-sol de leur maison, ainsi que des infiltrations chimiques à la périphérie du site, et les plaintes se sont multipliées avec le temps. En 1970, la crainte dune menace sérieuse pour la santé des habitants a entraîné louverture denquêtes sanitaires et environnementales. Aucune des études publiées na permis de conclure à lexistence dun lien causal entre lexposition aux produits chimiques de la décharge et déventuels effets nocifs sur la santé des résidents, mais il ne fait aucun doute que ces événements ont eu des répercussions sociales et psychologiques graves sur la population de la région, en particulier chez les personnes qui ont dû être évacuées (Holden, 1980).
Des épidémies dintoxications alimentaires peuvent être provoquées par le rejet dans lenvironnement de produits chimiques utilisés dans la manipulation et la transformation des aliments. Lun des incidents les plus graves de cette nature a été signalé en Espagne (Spurzem et Lockey, 1984; OMS, 1984; The Lancet , 1983). En mai 1981, un syndrome jusqualors inconnu faisait son apparition dans les banlieues ouvrières de Madrid, touchant au total plus de 20 000 personnes.
En juin 1982, on dénombrait 315 décès (soit environ 16 décès pour 1 000 cas). Au départ, les signes cliniques comprenaient une pneumonie interstitielle, diverses formes déruptions cutanées, des lymphadénopathies, une éosinophilie marquée et des symptômes gastro-intestinaux. Près du quart des personnes ayant survécu à la phase aiguë de laffection ont dû être hospitalisées par la suite pour des manifestations neuro-musculaires. A ce stade avancé, on a également observé des altérations de la peau évoquant la sclérodermie, associées à une hypertension pulmonaire et à un phénomène de Raynaud.
Un mois après lapparition des premiers cas, on a découvert que la maladie était liée à la consommation dhuile de colza dénaturée bon marché. Ce produit, vendu dans des récipients en plastique non étiquetés, avait généralement été acheté à des vendeurs itinérants. Les mises en garde diffusées par les autorités espagnoles contre lhuile incriminée ont aussitôt entraîné une baisse spectaculaire du nombre de patients hospitalisés pour pneumopathie dorigine toxique (Gilsanz et coll., 1984; Kilbourne et coll., 1983).
Les biphényles polychlorés (PCB) ont été mis en cause dans dautres intoxications alimentaires de masse dont on a largement fait état au Japon (Masuda et Yoshimura, 1984) et à Taiwan, Chine (Chen et coll., 1984).
Les catastrophes dorigine humaine qui surviennent de nos jours ne respectent pas toujours les frontières politiques nationales. Celle de Tchernobyl, qui a provoqué la contamination dune zone allant de locéan Atlantique aux montagnes de lOural, en est un bon exemple (Agence pour lénergie nucléaire (AEN), 1987). Une situation analogue sest produite en Suisse (Friedrich Naumann Foundation, 1987; Salzman, 1987), le 1er novembre 1986, quand un incendie sest déclaré peu après minuit dans un entrepôt de la société pharmaceutique multinationale Sandoz, à Schweizerhalle, à 10 km au sud-est de Bâle. Emportées par leau utilisée pour combattre lincendie, quelque 30 tonnes de produits chimiques stockés dans lentrepôt se sont déversées dans le Rhin avoisinant, causant de graves dommages écologiques sur une distance denviron 250 km. Aucun cas de maladie grave na été recensé, mis à part les symptômes dirritation signalés dans les secteurs de la région de Bâle atteints par les gaz et les vapeurs émanant de lincendie. Mais cet incident nen a pas moins suscité de sérieuses inquiétudes dans au moins quatre pays européens (Suisse, France, Allemagne et Pays-Bas).
La dimension internationale des catastrophes ne concerne pas seulement leurs conséquences et les dommages quelles provoquent, mais aussi parfois leurs causes, comme on la vu, par exemple, avec laccident de Bhopal. Dans cette affaire, en effet, certains sont arrivés à la conclusion que laccident était dû «à des mesures et à des décisions précises prises à Danbury, dans le Connecticut, ou ailleurs au sein des échelons supérieurs de la société, mais non à Bhopal» (Friedrich Naumann Foundation, 1987.)
En raison de lindustrialisation et de la modernisation de lagriculture dans les pays en développement, on utilise aujourdhui des technologies et des produits importés dans des contextes très différents de ceux auxquels ils étaient destinés. En outre, face à des règlements de plus en plus stricts, les entreprises des pays industriels sont parfois tentées de délocaliser leurs activités dangereuses vers des régions du monde où les mesures de protection de lenvironnement et de la santé publique sont moins contraignantes. Là, les activités industrielles ont tendance à se concentrer dans les centres urbains existants, où elles contribuent à aggraver les problèmes causés par le surpeuplement et la pénurie de services publics. Elles se répartissent généralement entre un secteur très organisé, mais restreint, et un vaste secteur non organisé, où la sécurité au travail et la protection de lenvironnement ne sont pas contrôlées de près par les autorités (Krishna Murti, 1987). Au Pakistan, par exemple, on a observé en 1976 une certaine forme dintoxication chez 2 800 des 7 500 ouvriers agricoles qui participaient à un programme de lutte contre le paludisme (Baker et coll., 1978). On estime en outre quapproximativement 500 000 intoxications aiguës par les pesticides surviennent chaque année, entraînant quelque 9 000 décès, et quenviron 1% seulement des cas mortels sont recensés dans les pays industriels, bien que ces derniers consomment à peu près 80% de la production agrochimique mondiale (Jeyaratnam, 1985).
Certains prétendent également que les pays en développement risquent non seulement de ne pas sortir de leur état de sous-développement, mais aussi davoir à supporter un fardeau supplémentaire du fait dune industrialisation sauvage et des conséquences que ce phénomène entraîne (Krishna Murti, 1987). Il est donc urgent, on le voit, de renforcer la coopération internationale dans trois domaines: la recherche scientifique, la santé publique et les politiques relatives à la sécurité et à limplantation des installations industrielles.
Malgré les différences que présentent les catastrophes industrielles examinées, il est possible den tirer certaines leçons communes quant à la manière de prévenir les accidents chimiques majeurs et datténuer leur impact sur la population. Ainsi:
On trouvera ci-après un certain nombre dindications pour la mise en place dun système de prévention destiné aux installations présentant des risques daccident majeur. La première partie de lexposé repose sur deux documents de lOrganisation internationale du Travail (OIT) et une convention de la même organisation (voir encadré) et, la seconde, sur une directive du Conseil des Communautés européennes.
Adoptée le 22 juin 1993 par la 80e session de la Conférence internationale du Travail1. La présente convention a pour objet la prévention des accidents majeurs mettant en jeu des produits chimiques dangereux et la limitation des conséquences de ces accidents [...] Aux fins de la convention:
1. Tout Membre doit, eu égard à la législation, aux conditions et aux pratiques nationales et en consultation avec les organisations demployeurs et de travailleurs les plus représentatives ainsi quavec dautres parties intéressées pouvant être touchées, formuler, mettre en uvre et revoir périodiquement une politique nationale cohérente relative à la protection des travailleurs, de la population et de lenvironnement contre les risques daccident majeur. 2. Cette politique doit être mise en uvre par des mesures de prévention et de protection pour les installations à risques daccident majeur et, dans la mesure où cela est réalisable, doit promouvoir lutilisation des meilleures techniques de sécurité disponibles. 1. Lautorité compétente ou un organisme agréé ou reconnu par lautorité compétente doit, après consultation des organisations demployeurs et de travailleurs les plus représentatives et dautres parties intéressées pouvant être touchées, établir un système permettant didentifier les installations à risques daccident majeur telles que définies à larticle 3 c) sur la base dune liste de produits dangereux ou de catégories de produits dangereux, ou des deux, avec leurs quantités seuils respectives, conformément à la législation nationale ou aux normes internationales. 2. Le système mentionné au paragraphe 1 ci-dessus doit être revu et mis à jour régulièrement. Après consultation des organisations représentatives demployeurs et de travailleurs intéressées, lautorité compétente doit prendre des dispositions spéciales afin de protéger les informations confidentielles qui lui sont transmises ou fournies conformément à lun quelconque des articles 8, 12, 13 ou 14, dont la divulgation serait de nature à nuire aux activités dun employeur, pour autant que cette disposition nentraîne pas de risque sérieux pour les travailleurs, la population ou lenvironnement. Les employeurs doivent identifier toute installation à risques daccident majeur dont ils ont le contrôle, sur la base du système visé à larticle 5. 1. Les employeurs doivent notifier à lautorité compétente toute installation à risques daccident majeur quils auront identifiée:
2. La fermeture définitive dune installation à risques daccident majeur doit également faire lobjet dune notification préalable à lautorité compétente par les employeurs. Pour toute installation à risques daccident majeur, les employeurs doivent instituer et entretenir un système documenté de prévention et de protection de ces risques comportant:
En tenant compte des informations fournies par lemployeur, lautorité compétente doit faire en sorte que des plans et procédures durgence comportant des dispositions en vue de protéger la population et lenvironnement en dehors du site de chaque installation à risques daccident majeur soient établis, mis à jour à des intervalles appropriés, et coordonnés avec les autorités et instances concernées. Lautorité compétente doit faire en sorte que:
Lautorité compétente doit élaborer une politique globale dimplantation prévoyant une séparation convenable entre les installations à risques daccidents majeur projetées et les zones résidentielles, les zones de travail ainsi que les équipements publics et, dans le cas dinstallations existantes, toutes mesures convenables. Cette politique doit sinspirer des principes généraux énoncés dans la partie II de la convention. 1. Lautorité compétente doit disposer dun personnel dûment qualifié, formé et compétent, sappuyant sur suffisamment de moyens, de techniciens et de spécialistes pour inspecter, enquêter, fournir une évaluation et des conseils sur les questions traitées dans la convention et assurer le respect de la législation nationale. 2. Des représentants de lemployeur et des travailleurs dune installation à risques daccident majeur devront avoir la possibilité daccompagner les inspecteurs lorsquils contrôlent lapplication des mesures prescrites en vertu de la présente convention à moins que ceux-ci nestiment, à la lumière des directives générales de lautorité compétente, que cela risque de porter préjudice à lefficacité de leur contrôle. Lautorité compétente doit avoir le droit de suspendre toute opération qui présente une menace imminente daccident majeur. ET DE LEURS REPRÉSENTANTS Dans une installation à risques daccident majeur, les travailleurs et leurs représentants doivent être consultés, selon des procédures appropriées de coopération, afin détablir un système de travail sûr. En particulier, les travailleurs et leurs représentants doivent:
Les travailleurs employés sur le site dune installation à risques daccident majeur doivent:
Lorsque, dans un Etat Membre exportateur, lutilisation de produits, technologies ou procédés dangereux est interdite en tant que source potentielle daccident majeur, cet Etat devra mettre à la disposition de tout pays importateur les informations relatives à cette interdiction ainsi quaux raisons qui lont motivée. Source: convention de lOIT (no 174), 1993, extraits. |
Le texte qui suit est en bonne partie tiré de deux publications: Prévention des accidents industriels majeurs (BIT, 1991) et La maîtrise des risques daccident majeur: guide pratique (BIT, 1993), complétées et actualisées par la convention (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993 (voir encadré). Chacun de ces documents vise à protéger les travailleurs, la population et lenvironnement contre les risques daccident majeur en proposant des mesures pour: 1) prévenir ces accidents dans les installations industrielles à hauts risques; 2) limiter le plus possible leurs conséquences sur site et hors site, notamment par a) laménagement dun périmètre de sécurité entre les installations présentant des risques daccident majeur et les habitations et autres établissements du voisinage fréquentés par la population, tels quhôpitaux, écoles et magasins; et b) lélaboration de plans dintervention appropriés.
On trouvera plus de précisions à ce sujet dans la convention de lOIT de 1993, dont un aperçu est proposé ci-après.
Les installations présentant des risques daccident majeur peuvent, en raison de la nature et de la quantité des produits dangereux qui sy trouvent, provoquer un accident majeur relevant de lune des catégories générales suivantes:
En vertu de la convention de 1993, les Etats Membres qui ne peuvent mettre en uvre immédiatement toutes les mesures de prévention et de protection prévues doivent:
La grande diversité des accidents majeurs a conduit à dégager la notion de risque daccident majeur pour toute activité industrielle nécessitant des mesures de sécurité plus poussées que les activités normales, afin de protéger aussi bien les travailleurs que les personnes qui vivent et travaillent à lextérieur de létablissement. Ces mesures de sécurité visent non seulement à prévenir les accidents, mais aussi, le cas échéant, à en atténuer les conséquences.
La prévention doit être fondée sur une approche systématique, dont voici les principaux éléments:
Les installations qui présentent des risques daccident majeur doivent être exploitées conformément à des normes très rigoureuses de sécurité. En outre, les exploitants ont un rôle extrêmement important à jouer dans lorganisation et la mise en uvre du système de prévention. Comme lindique le tableau 39.13, il leur appartient en particulier:
Mesures à prendre selon la législation |
En cas d’accident majeur |
|||
Communiquer une notification aux autorités compétentes |
Fournir des informations sur toute modification importante |
Préparer un plan d’intervention dans les installations |
Informer la population |
Déclarer l’accident à l’autorité compétente |
Etablir et soumettre le rapport de sûreté |
Fournir des informations complémentaires sur demande |
Fournir aux autorités locales les informations dont elles ont besoin pour élaborer un plan d’intervention à l’extérieur des installations |
|
Fournir des informations sur l’accident |
Source: d’après BIT, 1993.
Lexploitant dune installation susceptible dentraîner un accident majeur doit avant tout sattacher à prévenir ce risque. Pour cela, il faut quil connaisse la nature du danger, les événements qui pourraient provoquer un accident et les conséquences que celui-ci pourrait avoir. Autrement dit, pour pouvoir adopter des mesures efficaces, lexploitant doit se poser les questions suivantes:
Pour répondre à ces questions, la meilleure approche consiste à effectuer une étude des dangers, afin détablir pourquoi des accidents peuvent se produire et comment on peut les éviter ou, du moins, en atténuer les effets. Le tableau 39.14 récapitule les différentes méthodes de diagnostic des dangers.
Méthode |
Objet |
But |
Moyens |
1. Etude préliminaire des dangers |
1. Détermination des dangers |
1. Adéquation du système de sûreté |
1. Canevas logiques |
2. Matrices d’interactions |
|
|
|
3. Listes de contrôle |
|
|
|
4. Analyse des effets des défaillances |
|
|
2. Canevas d’investigation, diagrammes et schémas |
5. Etude systématique des dangers et des conditions de fonctionnement |
|
|
|
6. Analyse du déroulement des accidents (inductive) |
2. Détermination de la probabilité d’apparition des risques |
2. Optimisation des systèmes de sécurité (disponibilité, fiabilité) |
3. Arbre des enchaînements, arbre des causes, calcul des probabilités |
7. Analyse régressive du processus causal (déductive) |
|
|
|
8. Analyse des conséquences des accidents |
3. Détermination des conséquences |
3. Atténuation des conséquences, optimisation des plans d’intervention |
4. Modèles mathématiques des processus physiques et chimiques |
Source: BIT, 1993.
On trouvera ci-après un aperçu général des dispositions à prévoir pour maîtriser les risques.
Les différents éléments dune installation doivent pouvoir résister aux contraintes suivantes: efforts statiques, efforts dynamiques, pressions internes et externes, corrosion, chocs thermiques, phénomènes extérieurs (vent, neige, séismes, mouvements du sol). Lors de la conception dune installation présentant des risques daccident majeur, lexploitant doit donc considérer les normes de construction agréées comme des prescriptions minimales à respecter.
Dans une installation conçue de manière à supporter toutes les contraintes susceptibles de sexercer dans des conditions de fonctionnement normales ou dans les situations anormales prévues, cest au système de régulation quil appartient de garantir le respect des limites de sécurité ainsi posées.
Tout dispositif de régulation oblige à surveiller à la fois les paramètres du processus et les éléments actifs de linstallation. Le personnel dexploitation doit être suffisamment formé pour comprendre le fonctionnement et limportance des systèmes de régulation. Pour quil nait pas à sen remettre entièrement au bon fonctionnement de systèmes automatiques, il convient de combiner ceux-ci avec des alarmes acoustiques ou optiques.
Il faut savoir aussi que tout système de régulation peut présenter des problèmes de fonctionnement dans certaines situations, par exemple pendant les phases de démarrage et darrêt, qui exigent une attention particulière. Cest pourquoi lexploitant doit vérifier régulièrement les procédures de contrôle de qualité en vigueur dans son établissement.
Toutes les installations présentant des risques daccident majeur doivent être équipées de systèmes de sécurité, dont la nature et la conception dépendent des dangers qui leur sont propres. Voici un aperçu des systèmes de sécurité existants:
La sécurité dun établissement et le bon fonctionnement des éléments critiques dépendent directement de la qualité de lentretien et de la surveillance.
Il est nécessaire détablir un plan dinspection des installations, destiné au personnel dexploitation, fixant le calendrier des ins-pections et les procédures à suivre. Des règles strictes doivent être adoptées pour lexécution des travaux de réparation.
Les personnes pouvant avoir aussi bien une influence négative quune influence positive sur la sécurité, il faut sattacher à réduire la première et à favoriser la seconde. On peut atteindre ces deux objectifs en sélectionnant le personnel avec soin et en lui assurant une bonne formation, complétée par des évaluations périodiques.
Même lorsquon a évalué les dangers et pris les mesures voulues pour y faire face, on ne peut exclure totalement la possibilité dun accident. Cest pourquoi le souci de la sécurité doit aussi conduire à prévoir et à mettre en uvre des dispositions pour limiter les conséquences dun éventuel accident.
Ces mesures doivent être adaptées aux risques identifiés. Elles doivent en outre être complétées par une formation adéquate du personnel dexploitation, des équipes dintervention et des res-ponsables des services publics. Seuls la formation et les exercices de simulation permettent de rendre les plans dintervention suffisamment réalistes pour savérer efficaces en cas de besoin.
Selon les dispositions en vigueur dans le pays, lexploitant dune installation présentant des risques daccident majeur est en principe tenu de soumettre certaines informations aux autorités compétentes. Cette obligation comporte souvent trois volets:
Les travailleurs et leurs représentants doivent être consultés, selon des mécanismes de coopération appropriées, sur tout ce qui peut contribuer à la sécurité de leur environnement professionnel. Ils doivent pouvoir donner leur avis, en particulier lors de lélaboration des rapports de sécurité ainsi que des plans et procédures dintervention et des comptes rendus daccident, et avoir accès à ces documents. Ils doivent recevoir une formation en matière de prévention des risques et dintervention en cas daccident majeur. Enfin, les travailleurs et leurs représentants doivent avoir la possibilité, dans les limites de leurs fonctions, de prendre des mesures correctives lorsquils ont un motif raisonnable de croire quil existe un risque imminent daccident majeur. Ils ont également le droit de notifier tout danger aux autorités compétentes.
Les travailleurs ont lobligation dappliquer toutes les mesures prévues pour la prévention des accidents majeurs et la maîtrise des événements susceptibles de conduire à de tels accidents. Ils doivent également, le cas échéant, se conformer à toutes les procédures arrêtées dans les plans dintervention en cas daccident.
Sil existe des installations qui utilisent et qui stockent de grandes quantités de substances dangereuses dans la plupart des pays du monde, en revanche on constate des disparités importantes dun pays à lautre quant aux systèmes de prévention des risques que de telles activités représentent. Il faudra donc plus ou moins de temps pour mettre en uvre un système de prévention des risques daccident majeur, selon les structures que le pays possède déjà, notamment en ce qui concerne le personnel (un corps dinspecteurs compétents et expérimentés) et les moyens dont il dispose aux niveaux local et national pour organiser les différents éléments du système. Dans tous les pays, cependant, il faudra définir un ordre de priorité et instaurer le système par étapes.
Il est indispensable, pour mettre en place un système de prévention des risques daccident majeur, de commencer par donner une définition des installations présentant de tels risques. Certains pays lont déjà fait, en particulier ceux de lUnion européenne, mais quel que soit le pays considéré, cette définition doit correspondre aux priorités et à la situation locales, notamment sur le plan industriel.
Toute définition des installations présentant des risques daccident majeur sera vraisemblablement fondée sur une liste de substances dangereuses, assortie pour chacune delles dune quantité seuil, de façon que toute installation qui stocke ou utilise ces substances en quantité supérieure à la quantité indiquée soit considérée comme une installation à haut risque. On recensera ensuite les installations répondant à la définition arrêtée, en les localisant sur le territoire de la région ou du pays considérés. Si un pays souhaite dénombrer les installations présentant des risques daccident majeur avant même davoir adopté la législation requise à ce sujet, il pourra déjà réaliser de grands progrès, surtout sil peut compter sur la coopération des entreprises, en faisant appel à des sources dinformation telles que les dossiers des services dinspection, les renseignements communiqués par les organismes professionnels compétents, etc. Il pourra dresser ainsi une liste provisoire qui permettra non seulement détablir rapidement les priorités en matière dinspection, mais également dévaluer les ressources requises pour la mise en place des différentes composantes du système de prévention.
Dans les pays qui envisagent de créer un système de prévention des risques daccident majeur, lune des premières mesures à prendre sera sans doute de constituer, au sein des services officiels, un groupe dexperts qui arrêtera son programme de travail immédiat et fixera les tâches prioritaires. Ce groupe pourra être appelé à former le personnel aux techniques de contrôle des installations présentant des risques daccident majeur et aux normes dexploitation. Il devrait également pouvoir fournir un avis sur limplantation des nouvelles installations et loccupation des sols dans les zones circonvoisines. Enfin, il établira des contacts avec des experts dautres pays pour se tenir au courant de ce qui se fait ailleurs dans son domaine de compétence.
Pour mettre au point des plans dintervention à lintérieur des installations présentant des risques daccident majeur, il convient didentifier les accidents qui pourraient sy produire et la manière dont il faudrait y faire face. Il est indispensable pour cela que les exploitants disposent du personnel et du matériel nécessaires; il importe de vérifier que tel est bien le cas. Les plans en question devraient comprendre les éléments suivants:
Cet aspect du système de prévention et dintervention a reçu moins dattention jusquici que les mesures à prendre à lintérieur des installations, et de nombreux pays devront sy intéresser pour la première fois. Le plan dintervention extérieur sera fonction de la nature des accidents potentiels identifiés par lexploitant, de leur probabilité et de la distance des zones dhabitation ou dactivité avoisinantes. Il doit prévoir les dispositions à prendre pour alerter et évacuer rapidement la population compte tenu des conditions locales. Les constructions en dur, par exemple, offrent une bonne protection contre les nuages de gaz toxiques, contrairement à lhabitat précaire des bidonvilles.
Le plan dintervention extérieur doit indiquer les organismes dont le concours pourra être nécessaire en cas daccident; ceux-ci devront connaître exactement le rôle quils auront à jouer. Les hôpitaux et le personnel médical, par exemple, devraient déterminer comment ils prendront en charge un afflux important de victimes et quel traitement leur administrer. Il faudra procéder régulièrement à des exercices pratiques, avec la participation de la population, pour tester lefficacité du dispositif.
Si lon prévoit que tel ou tel accident majeur pourrait avoir des conséquences au-delà des frontières nationales, il faut que les autorités des pays concernés en soient pleinement informées et que des mesures de coopération et de coordination leur soient proposées.
La raison dêtre dune politique judicieuse dimplantation des installations présentant des risques daccident majeur est claire: puisquil est impossible de garantir la sécurité absolue, il faut éloigner ces installations des zones dhabitation ou dactivité. Il conviendra peut-être, dans un premier temps, de mettre laccent sur limplantation des installations nouvelles, en veillant à empêcher la construction dhabitations et lapparition de bidonvilles à proximité, comme cela se produit souvent dans bien des pays.
Les inspecteurs auront sans doute, dans de nombreux pays, un rôle de premier plan dans la mise en uvre du système de prévention des risques daccident majeur. Ils devront avoir les connaissances voulues pour identifier rapidement ce type de risques. Les inspecteurs généralistes pourront se faire assister par des spécia-listes pour les aspects très techniques que comporte souvent lins-pection des installations à haut risque.
Pour remplir leurs fonctions, les inspecteurs devront avoir les qualifications et la formation appropriées. Ce sont vraisemblablement les entreprises elles-mêmes qui disposeront des moyens les plus importants et des compétences techniques les plus larges pour contribuer à cette formation.
Les autorités compétentes auront le droit de suspendre lactivité de toute installation présentant une menace imminente daccident majeur.
Cette évaluation devrait être effectuée si possible par des spécia-listes, avec le concours de lexploitant le cas échéant. Il sagit dune étude systématique des risques daccident majeur, semblable, bien que moins détaillée, à celle que lexploitant doit effectuer pour établir le rapport de sûreté à lintention des services dinspection et le plan dintervention à lintérieur des installations.
Lévaluation portera sur toutes les opérations de manutention et de transport des substances dangereuses.
Elle sintéressera aussi aux conséquences éventuelles dune instabilité des procédés de fabrication ou de toute modification importante des paramètres dexploitation.
Il conviendra dexaminer également lemplacement des élé-ments de stockage ou de mise en uvre des substances dangereuses les uns par rapport aux autres.
De même, il faudra déterminer les conséquences des défauts dalimentation en énergie ou en fluides dexploitation.
Enfin, les conséquences des accidents majeurs susceptibles de se produire seront évaluées pour la population des zones circonvoisines; ce critère devrait être déterminant pour la délivrance des autorisations dexploitation.
On a pu constater, à loccasion daccidents majeurs, en particulier lors de rejets toxiques, quil est extrêmement important dinformer préventivement la population des zones situées autour des installations sur: a) la façon dont elle serait avertie de lexistence dune situation durgence; b) le comportement à adopter; c) les soins à administrer aux personnes atteintes.
Quand la population vit dans des habitations en dur, on conseille généralement aux gens de rentrer chez eux, de fermer toutes les issues, de débrancher tous les appareils de ventilation ou de climatisation et découter la radio locale pour recevoir des instructions.
On ne saurait évidemment donner à la population les mêmes recommandations lorsquelle vit en grande partie dans des bidonvilles, situation qui peut alors rendre nécessaire une évacuation générale en cas daccident.
La mise en uvre dun système complet de prévention des risques daccident majeur et dintervention en cas daccident exige, en dehors des ingénieurs et des techniciens chargés directement ou indirectement dassurer la sécurité dexploitation des installations, un personnel diversifié pour la conduite des inspections (inspecteurs généralistes, inspecteurs spécialisés), le diagnostic des risques, létablissement des plans dintervention en cas daccident, le contrôle de qualité, létude des plans doccupation des sols, les services médicaux et hospitaliers, la police, les services de gestion des eaux fluviales, sans compter le personnel que requiert le travail législatif et réglementaire.
La plupart des pays ne disposant sans doute que de ressources en personnel limitées, il est primordial de définir de façon réaliste les tâches prioritaires.
Il est possible daller assez loin dans la mise en place du système de prévention des risques daccident majeur avec très peu de moyens matériels. Les inspecteurs nont pas besoin de beaucoup plus que le matériel dinspection dont ils disposent déjà. Il faut, en revanche, développer les connaissances et lexpérience technique et assurer la transmission des informations du groupe dexperts à tous les éléments du dispositif: instituts du travail régionaux, organes dinspection, entreprises. Des possibilités et des moyens de formation supplémentaires devront être créés sil y a lieu.
Il est capital, pour la mise en place du système de prévention des risques daccident majeur, davoir accès aux informations pertinentes et den assurer la transmission rapide à tous ceux qui en ont besoin pour leurs tâches de sécurité.
Il existe une abondante documentation sur les différents aspects de la prévention des risques daccident majeur; utilisée de manière sélective, elle constitue une source dinformation importante pour le groupe dexperts.
Lorsque, dans un pays membre exportateur, lutilisation de produits, de technologies ou de procédés dangereux est interdite parce quelle constitue une source potentielle daccident majeur, ce pays doit mettre à la disposition de tout pays importateur les informations relatives à cette interdiction, ainsi quaux raisons qui lont motivée.
Lune des recommandations non contraignantes issues de la convention de 1993 concerne la dimension transnationale des risques daccident majeur. Elle dispose quune entreprise natio-nale ou multinationale comptant plus dun établissement ou plus dune installation devrait prévoir, pour tous ses travailleurs et dans tous ses établissements, indépendamment du lieu ou du pays dimplantation, des mesures de sécurité visant à prévenir les accidents majeurs et à maîtriser toute évolution susceptible de conduire à de tels accidents (on pourra se reporter à cet égard à la partie intitulée «Les catastrophes transfrontières» ci-dessus.)
A la suite de divers accidents graves survenus dans lindustrie chimique au cours des vingt dernières années, plusieurs pays dEurope occidentale ont adopté des dispositions législatives sur les activités comportant des risques daccident majeur. Ces dispositions obligeaient les exploitants à fournir des informations sur les installations à haut risque en procédant à des études systématiques de sécurité. Après la catastrophe de Seveso (Italie) en 1976, le Conseil des Communautés européennes a établi une synthèse de cette réglementation et arrêté une directive concernant les risques daccidents majeurs de certaines activités industrielles. Ce texte, en vigueur depuis 1984, est souvent appelé directive de Seveso (Conseil des Communautés européennes, 1982, 1987).
Pour lidentification des installations présentant des risques daccident majeur, la directive européenne utilise des critères fondés sur les propriétés toxiques, inflammables et explosibles des substances chimiques (voir tableau 39.15).
Substances toxiques et très toxiques |
|||||
Substances caractérisées par les valeurs suivantes de toxicité aiguë et par des propriétés physiques et chimiques pouvant entraîner des risques d’accident majeur: |
|||||
|
Dose létale 50 par voie orale (rat) mg/kg poids corporel |
Dose létale 50 par voie cutanée (rat, lapin) mg/kg poids corporel |
Concentration létale médiane par inhalation (4 h) (rat) mg/l |
||
1. |
DL50 ≤ 5 |
DL50 ≤ 10 |
CL50 ≤ 0,10 |
||
2. |
5 < DL 50 ≤ 25 |
10 < DL 50 ≤ 50 |
0,1 CL 50 ≤ 0,5 |
||
3. |
25 < DL 50 ≤ 200 |
50 < DL 50 ≤ 400 |
0,5 CL 50 ≤ 2 |
||
Substances inflammables |
|||||
1. |
Gaz inflammables: substances qui, à l’état gazeux à la pression normale et mélangées à l’air, deviennent inflammables et dont le point d’ébullition est égal ou inférieur à 20 °C à la pression normale. |
||||
2. |
Liquides hautement inflammables: substances dont le point d’éclair est inférieur à 21 °C et dont le point d’ébullition est supérieur à 20 °C à la pression normale. |
||||
3. |
Liquides inflammables: substances dont le point d’éclair est inférieur à 55 °C et qui restent à l’état liquide sous l’effet d’une pression, dans la mesure où certains modes de traitement tels que pression et température élevées peuvent entraîner des risques d’accident majeur. |
||||
Substances explosibles |
|||||
Substances qui peuvent exploser sous l’effet d’une flamme ou qui sont plus sensibles aux chocs ou aux frottements que le dinitrobenzène. |
|||||
Substances comburantes |
|||||
Substances qui, en contact avec d’autres, notamment avec des substances inflammables, présentent une réaction fortement exothermique. |
Source: d’après BIT, 1993.
Elle donne en outre, en annexe, une liste de 180 substances assortie des quantités seuils. Quand ces substances sont présentes, dans une installation (ou un ensemble dinstallations du même exploitant distantes de moins de 500 m les unes des autres), en quantités supérieures à celles indiquées dans la liste, lactivité est considérée comme présentant des risques daccident majeur. Les quantités seuils séchelonnent entre 1 kg pour les substances extrêmement toxiques et 50 000 tonnes pour les liquides hautement inflammables. Quelques substances devant faire lobjet dun stockage séparé figurent sur une liste distincte.
En plus des gaz et liquides inflammables et des explosifs, la liste contient des produits chimiques comme lammoniac, le chlore, le dioxyde de soufre et lacrylonitrile.
Pour faciliter lapplication dun système de prévention des risques daccident majeur et inciter les autorités compétentes et les exploitants à le mettre en uvre, il faut établir des priorités et concentrer les efforts sur les installations les plus dangereuses. Le tableau 39.16 propose une liste de produits à considérer en priorité dans cette perspective.
Dénomination |
Quantité (>) |
No dans la directive CE |
Substances inflammables en général |
||
Gaz inflammables |
200 t |
124 |
Liquides hautement nflammables |
50 000 t |
125 |
Substances inflammables particulières |
||
Hydrogène |
50 t |
24 |
Oxyde d’éthylène |
50 t |
25 |
Substances explosibles |
||
Nitrate d’ammonium |
2 500 t |
146 a |
Nitroglycérine |
10 t |
132 |
Trinitrotoluène |
50 t |
145 |
Substances toxiques |
||
Acrylonitrile |
200 t |
18 |
Ammoniac |
500 t |
22 |
Chlore |
25 t |
16 |
Dioxyde de soufre |
250 t |
148 |
Sulfure d’hydrogène |
50 t |
17 |
Cyanure d’hydrogène |
20 t |
19 |
Sulfure de carbone |
200 t |
20 |
Acide fluorhydrique |
50 t |
94 |
Acide chlorhydrique |
250 t |
149 |
Trioxyde de soufre |
75 t |
180 |
Substances très toxiques |
||
Isocyanate de méthyle |
150 kg |
36 |
Dichlorure de carbonyle (phosgène) |
750 kg |
15 |
Source: BIT, 1993.
Cette liste doit permettre de recenser un certain nombre dins-tallations présentant des risques daccident majeur. Si le nombre de ces installations est trop grand en regard des moyens dont disposent les autorités, il conviendra détablir de nouvelles priorités en relevant les quantités seuils indiquées. On peut appliquer le même principe dans les entreprises pour délimiter des périmètres critiques. Vu la diversité et la complexité des activités industrielles en général, il est impossible de considérer que les installations comportant des risques daccident majeur se limitent à certains secteurs. Toutefois, lexpérience montre que ces installations se rencontrent principalement dans:
Au cours des vingt dernières années, les efforts déployés pour tenter datténuer limpact des catastrophes le plus souvent par des mesures de secours largement improvisées après coup se sont peu à peu réorientés vers la prévision et la préparation. Cest de cette démarche que sinspire en particulier le programme de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN) proclamée par lOrganisation des Nations Unies (ONU). Désormais, tout plan global de gestion des risques de catastrophes naturelles et technologiques comporte donc les quatre étapes ci-après:
Pour se préparer aux catastrophes, il faut non seulement prendre des mesures de prévention ou de réduction des risques, mais aussi anticiper les situations durgence et développer les moyens dintervention. Létude des dangers et lévaluation de la vulnérabilité sont deux activités scientifiques qui doivent servir de base aux actions concrètes décidées par les services dintervention, en collaboration avec les planificateurs, pour réduire les risques et se préparer aux urgences.
La plupart des professionnels de la santé considèrent que leur rôle en matière de préparation aux catastrophes se limite à prévoir les soins durgence à dispenser à un grand nombre de victimes. Si lon veut, à lavenir, réduire de façon radicale limpact des catastrophes, il faudra bien pourtant que le secteur de la santé soit associé à lélaboration des mesures préventives et à toutes les étapes de la planification préalable, aux côtés des scientifiques, des ingénieurs et des décideurs. Cette approche interdisciplinaire pose un défi de taille au secteur de la santé en ce début de siècle, alors que les catastrophes, naturelles ou engendrées par lactivité humaine, se font de plus en plus destructrices et entraînent des pertes humaines et matérielles sans cesse plus lourdes étant donné lexpansion des populations dans le monde entier.
Les catastrophes naturelles soudaines ou de survenue rapide comprennent les phénomènes météorologiques extrêmes (inondations et vents violents), les tremblements de terre, les glissements de terrain, les éruptions volcaniques, les tsunamis et les incendies, qui ont tous à peu près les mêmes conséquences. La famine, la sécheresse et la désertification, en revanche, sont des processus plus lents, encore très mal compris aujourdhui, et moins faciles à maîtriser. A lheure actuelle, ce sont les guerres ou les catastrophes dites complexes (Soudan, Somalie ou ex-Yougoslavie, par exemple) qui sont les principales causes de la famine.
Les catastrophes naturelles et les catastrophes complexes ont en commun quelles provoquent des déplacements massifs de populations dont les besoins nutritionnels et sanitaires nécessitent une gestion spécialisée.
Le monde moderne est aussi de plus en plus habitué aux catastrophes technologiques ou dorigine humaine, comme la pollution atmosphérique, les incendies et les accidents chimiques et nucléaires, ces derniers étant les plus graves aujourdhui. Le présent article porte sur la prévention des catastrophes chimiques, les accidents nucléaires étant abordés ailleurs dans la présente Encyclopédie.
Dans cette catégorie, les catastrophes les plus destructrices sont les inondations, les ouragans, les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. On a déjà largement fait état des succès obtenus en matière de prévention grâce aux systèmes dalerte rapide, à la cartographie des risques et aux techniques de construction parasismiques. Ainsi, cest la surveillance météorologique par satellite à léchelle de la planète, conjuguée à un système régional dalerte rapide et à une bonne planification des évacuations, qui explique les pertes humaines relativement réduites (14 morts) recensées après le passage du cyclone Hugo, le plus violent enregistré jusquici dans les Caraïbes, sur la Jamaïque et les îles Caïmans, en 1988. De même, en 1991, lors dune éruption volcanique parmi les plus violentes du siècle, lalerte donnée par les scientifiques philippins qui surveillaient de près le Pinatubo a permis de sauver des milliers de vies humaines. Mais le recours à la technologie nest que lun des aspects des dispositions qui peuvent être prises pour limiter les conséquences dun sinistre. Les lourdes pertes humaines et économiques engendrées par les catastrophes dans les pays en développement soulignent le rôle déterminant que jouent les facteurs socio-économiques à cet égard, principalement la pauvreté et, par conséquent, la nécessité den tenir compte dans la mesure où ils contribuent à accroître la vulnérabilité.
Dans tous les pays, prévenir les catastrophes naturelles est une priorité parmi dautres. Cest un objectif auquel on peut contribuer de différentes façons techniques de construction, législation, éducation, etc. dans le cadre dun programme général de réduction des risques et de promotion dune véritable culture de la sécurité dans lensemble de la société. Cest aussi une garantie de qualité des investissements (dans limmobilier et les projets déquipement, par exemple), indissociable de toute politique de développement durable.
Il est évidemment impossible dempêcher une catastrophe naturelle, cest-à-dire un phénomène géologique ou météorologique, de se produire.
En revanche, on peut faire beaucoup pour prévenir les catastrophes technologiques en réduisant les risques lors de la conception des installations et en établissant des normes de sécurité très strictes. La directive européenne de Seveso constitue un exemple de ce type de réglementation, qui impose en outre ladoption de plans dintervention, à lintérieur et à lextérieur des établissements, pour faire face aux situations durgence.
Les accidents chimiques majeurs comprennent notamment les explosions de vapeurs ou de gaz inflammables, les incendies et les rejets de substances toxiques à partir dinstallations dangereuses fixes ou pendant le transport et la distribution de produits chimiques. On sest beaucoup intéressé, en particulier, au stockage de grandes quantités de gaz toxiques (dont le plus courant, le chlore, lorsquil est libéré brusquement à la suite dune rupture de réservoir ou dune fuite sur une canalisation, peut former de gros nuages toxiques plus lourds que lair, capables de se déplacer sur de grandes distances dans le lit du vent); des modèles informatiques ont été mis au point pour étudier la dispersion des gaz denses en cas de dégagements soudains, dont on se sert pour établir des plans dintervention. De même que lon semploie actuellement à élaborer des scénarios prédictifs de dommages sismiques, on pourrait aussi se servir de ces modèles pour déterminer le nombre de victimes éventuelles dune émission accidentelle prévisible.
La notion de catastrophe a été définie comme un bouleversement de lenvironnement dune collectivité humaine qui empêche celle-ci de fonctionner normalement. Il ne sagit pas simplement dun problème dordre quantitatif, comme celui que poserait, par exemple, la prise en charge dun grand nombre de victimes par les services de santé ou dintervention. Cest une situation à laquelle la collectivité concernée est incapable de faire face, pour des raisons qualitatives, sans une aide extérieure dorigine nationale ou internationale. Le terme catastrophe est trop souvent utilisé sans discernement pour décrire un incident grave, fortement médiatisé ou de nature politique, alors quil désigne en fait un véritable effondrement de la collectivité frappée par lévénement. Dans cette optique, la préparation aux catastrophes vise donc à permettre une continuité de fonctionnement en cas de crise, en évitant notamment la dislocation des services essentiels, afin de réduire la morbidité et la mortalité humaines ainsi que les pertes économiques. Une catastrophe peut se produire sans saccompagner nécessairement dun grand nombre de blessés graves, ainsi que lillustre laccident survenu dans une usine chimique à Seveso, en 1976 (lequel a donné lieu à une évacuation massive par crainte des effets nocifs à long terme dune contamination du sol par la dioxine). Lexpression «quasi-catastrophe» conviendrait peut-être mieux à certains événements qui nengendrent parfois que des troubles psychologiques ou des réactions de stress (comme laccident nucléaire de Three Mile Island, aux Etats-Unis, en 1979). Aussi longtemps que la terminologie naura pas été arrêtée, on sen tiendra à la description donnée par Lechat des objectifs sanitaires de la gestion des catastrophes, à savoir:
La prévention des catastrophes ne saurait simproviser; elle doit être structurée à tous les niveaux de ladministration (Etat, région, collectivités locales), selon des modalités qui peuvent varier dans la pratique, la responsabilité de son organisation étant par exemple confiée, dans certains cas, à des organes déjà en place comme les forces armées ou les services de protection civile. Dans les pays où les risques naturels sont élevés, tous les ministères ou presque sont concernés.
Lorsquil existe un système national de prévention des risques naturels, cest dans ce cadre quil convient daménager le dispositif dintervention en cas de catastrophe technologique, plutôt que de créer des instances entièrement nouvelles. Le Centre dactivité du Programme pour lindustrie et lenvironnement du Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE/IE/ PAC) a créé à cette fin le Programme dinformation et de préparation au niveau local: un processus pour répondre aux accidents technologiques (APELL) (Awareness and Preparedness for Emergencies at Local Level: A Process for responding to technological accidents (APELL)), fruit dune action concertée entre lindustrie et les pouvoirs publics en vue de prévenir les accidents technologiques et de réduire leurs effets dans les pays en développement, en faisant prendre conscience des risques présentés par certaines installations et en contribuant à létablissement de plans dintervention en cas durgence.
Que ce soit dans un pays comme le Royaume-Uni, relativement peu exposé aux risques naturels en dehors des vents violents et des inondations, ou comme les Philippines, régulièrement frappées par toute une série de calamités qui constituent une sérieuse menace pour léconomie et même pour la stabilité politique du pays, il convient dévaluer systématiquement la probabilité et les répercussions éventuelles des différents types de catastrophes naturelles. Partout dans le monde, chaque danger doit faire lobjet dune évaluation scientifique portant au moins sur les points suivants:
Dans les régions très exposées aux tremblements de terre, aux éruptions volcaniques et aux inondations, les experts doivent établir des cartes des zones dangereuses afin de prévoir le lieu et limpact dune catastrophe éventuelle. Ces études serviront ensuite, dune part, à réglementer loccupation des sols de manière à réduire les risques à long terme, dautre part, à planifier la gestion des situations durgence. Dans la plupart des pays en développement, la cartographie des risques sismiques et volcaniques est encore balbutiante. La développer est lun des principaux objectifs de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles.
Dans le cas des risques naturels, lévaluation des dangers nécessite une étude détaillée des catastrophes enregistrées au cours des siècles passés et un vaste travail géologique sur le terrain, afin de relever les traces des phénomènes majeurs, tels que tremblements de terre et éruptions volcaniques, jusquaux temps les plus reculés. Cela dit, il ne suffit pas de savoir comment se sont déroulés ces phénomènes dans le passé pour pouvoir prédire de façon infaillible la probabilité quils ont de se reproduire à lavenir. Il existe des méthodes hydrologiques agréées pour prévoir les inondations et il est facile de repérer bon nombre de zones dangereuses de ce point de vue, simplement parce quelles se situent dans des plaines inondables bien délimitées. Dans le cas des cyclones tropicaux, le relevé des zones littorales touchées permet dévaluer la probabilité quun ouragan frappe en un point précis de la côte au cours dune année, et lon peut aussi prévoir efficacement la trajectoire et la vitesse dun ouragan au moins 72 heures avant quil ne sabatte sur le sol, pour peu quune surveillance soit déclenchée dès sa formation. On sait par ailleurs que les tremblements de terre, les éruptions volcaniques et les pluies torrentielles sont souvent accompagnés de glissements de terrain, et les études effectuées au cours des dix dernières années donnent de plus en plus de raisons de penser que ce risque est particulièrement élevé sur les versants de nombreux grands volcans en raison de linstabilité des masses accumulées pendant les périodes dactivité.
En ce qui concerne les catastrophes technologiques, les collectivités publiques doivent faire linventaire des activités industrielles dangereuses exercées sur leur territoire. Nous connaissons désormais car les exemples daccidents majeurs ne manquent pas les risques que peuvent présenter ces activités en cas de dysfonctionnement dun processus ou de défaillance dun système de sécurité. De nombreux pays industriels ont mis en place des plans dintervention assez détaillés en prévision des accidents chimiques qui pourraient se produire.
Lévaluation des dangers et de leurs effets potentiels doit être suivie dune évaluation des risques. Si le terme «danger» peut se définir comme la possibilité de causer un préjudice, le «risque» désigne quant à lui la probabilité quun phénomène naturel dun type particulier et dune ampleur donnée entraîne des morts, des blessés ou des dégâts matériels. Le risque peut se quantifier comme suit:
Risque = valeur × vulnérabilité × danger
la valeur représentant le nombre de vies ou le capital réel (bâtiments, par exemple) susceptibles dêtre anéantis du fait de lévénement envisagé. Déterminer la vulnérabilité face aux catastrophes est une étape essentielle de lévaluation des risques: pour les cons-tructions, il sagit de mesurer la fragilité intrinsèque des structures exposées aux phénomènes naturels potentiellement dangereux. Ainsi, la probabilité quun immeuble sécroule au cours dun tremblement de terre peut être établie en fonction de son emplacement par rapport à la ligne de faille et de sa résistance structurelle aux secousses sismiques. Dans léquation ci-dessus, le degré de perte résultant de la manifestation dun phénomène naturel dune ampleur donnée peut être mesuré sur une échelle allant de 0 (aucun dommage) à 1 (perte totale), tandis que le danger est le risque spécifique exprimé par la probabilité de la perte évitable par unité de temps. La vulnérabilité est donc la fraction de la valeur susceptible dêtre détruite à la suite dun événement donné. On peut lanalyser en se fondant, par exemple, sur linspection des constructions par des architectes et des ingénieurs dans les zones dangereuses. La figure 39.4 présente quelques courbes de risque caractéristiques.
Il est beaucoup plus difficile, à lheure actuelle, dapprécier la vulnérabilité en fonction des causes de mortalité et de traumatismes selon les différents types dimpacts; en effet, en labsence de classification normalisée en la matière, les seules données dont on dispose, dans le cas également des tremblements de terre, sont des chiffres bruts qui ne permettent même pas détablir un bilan exact des pertes. Un effort considérable de recherche épidémiologique reste donc à faire pour développer les bases scientifiques de la prévention des catastrophes.
On peut à présent représenter graphiquement, grâce au calcul mathématique déchelles de risque, les zones les plus menacées de destruction en cas de séisme ou de chute de cendres dorigine volcanique; ce sont précisément celles où il faut concentrer les moyens de protection civile. Lévaluation des risques, conjuguée à lanalyse économique, joue ainsi un rôle déterminant dans le choix des options de prévention.
Outre les caractéristiques structurelles des ouvrages, lautre aspect important de la vulnérabilité concerne les infrastructures et les services essentiels, à savoir:
En cas de catastrophe, ces services peuvent tous être anéantis ou lourdement endommagés. Toutefois, comme la nature de la force destructrice varie selon le danger naturel ou technologique, les mesures de protection doivent être conçues en fonction de lévaluation des risques. Les techniques informatiques de représentation cartographique facilitent cette tâche.
En ce qui concerne la prévention et lintervention en cas de catastrophe chimique, lévaluation quantitative des risques permet de déterminer la probabilité dune défaillance des installations et darrêter les mesures à prendre en se fondant sur des estimations chiffrées. Les techniques utilisées pour ce type danalyse sont très perfectionnées, tout comme les méthodes de cartographie des zones à risque à proximité des installations dangereuses. Il existe des moyens de prédire les ondes de pression et les concentrations de chaleur rayonnée à différentes distances du lieu dexplosion possible de vapeurs ou de gaz inflammables, ainsi que des modèles informatiques permettant de calculer, en fonction des conditions météorologiques et de la quantité de produit séchappant dune cuve ou dune installation, la concentration des gaz plus lourds que lair poussés par le vent à des kilomètres du point démission. Dans ce cas, la vulnérabilité dépend principalement de la proximité des habitations, des écoles, des hôpitaux et dautres établissements importants. Il convient dévaluer les risques individuels et collectifs associés aux différents types de catastrophes et den informer la population locale dans le cadre du plan général de prévention.
Après avoir évalué la vulnérabilité, il faut trouver les moyens de latténuer et de réduire le risque global.
Il existe pour cela toute une série de mesures techniques adaptées aux circonstances. Ainsi, dans les zones exposées aux tremblements de terre, les nouvelles constructions devraient répondre aux normes parasismiques et les anciens bâtiments mis en conformité avec les exigences de cette réglementation. Les hôpitaux peuvent être transférés sur dautres sites ou «renforcés» pour offrir une plus grande résistance à des phénomènes comme les tempêtes de vent, par exemple. Dans toutes les zones exposées à des vents violents ou à des éruptions volcaniques, les plans daménagement doivent absolument prévoir de bonnes routes qui serviront de voies dévacuation en cas durgence. A long terme, le plus important est de réglementer loccupation des sols afin dempêcher lurbanisation des zones dangereuses comme les plaines inondables, les pentes de volcans en activité ou les abords de grands complexes chimiques. Il faut éviter daccorder une confiance aveugle aux solutions techniques, car elles peuvent soit engendrer un faux sentiment de sécurité dans les zones dangereuses, soit aller à lencontre du but recherché en augmentant le risque dapparition de catastrophes en principe rares (construction de digues le long de cours deau sujets à de fortes crues, par exemple).
La planification et lorganisation des mesures de préparation aux situations durgence devraient incomber à une équipe pluridisciplinaire, active à léchelon local, et être intégrées au plan général dévaluation des dangers, de réduction des risques et dintervention. En ce qui concerne la prise en charge des victimes, on sait très bien aujourdhui quil faut parfois compter au moins trois jours, dans les pays en développement, avant que les équipes médicales venant de lextérieur parviennent sur les lieux dune catastrophe. Etant donné que la majorité des décès évitables surviennent dans les 24 à 48 premières heures, ces secours arrivent donc trop tard. Cest pourquoi il convient de mettre laccent avant tout sur les ressources locales pour que les collectivités concernées puissent engager elles-mêmes immédiatement les opérations de sauvetage et de secours, si nécessaire.
Dans cette optique, la préparation aux situations durgence passe obligatoirement par linformation de la population.
Compte tenu des dangers et des risques, il est essentiel de mettre en place un système dalerte rapide et de planifier lévacuation des zones à haut risque en cas de situation critique. Un tel système suppose que lon organise au préalable des filières de communication entre les différents services dintervention aux niveaux local et national, ainsi quun circuit officiel de diffusion de linformation. Dautres mesures, comme la constitution de réserves daliments et deau dans les foyers, peuvent également être envisagées.
Il est important que les habitants des zones situées à proximité dinstallations dangereuses sachent comment ils seront avertis de lexistence dune situation durgence (déclenchement dune sirène en cas démission de gaz toxiques, par exemple) et quel comportement ils devront alors adopter (rentrer chez eux immédiatement, fermer les fenêtres et ne pas sortir avant dy être autorisés). En cas daccident chimique, il est indispensable de pouvoir définir rapidement le risque sanitaire résultant dun rejet toxique, cest-à-dire identifier le ou les produits chimiques en cause, se renseigner sur leurs effets immédiats et à long terme, et déterminer, le cas échéant, si la population a été exposée. Létablissement de lignes de communication avec les centres antipoison et les services médicaux spécialisés dans le traitement des intoxications chimiques est une mesure essentielle à prévoir. Malheureusement, il est parfois difficile, voire impossible, de savoir quelles sont les substances entrant en jeu dans des réactions demballement ou dans des incendies dorigine chimique; même si le produit est facilement identifiable, il arrive que lon connaisse mal, voire pas du tout, sa toxicité chez lêtre humain, en particulier ses effets à long terme, comme on a pu le constater après le rejet accidentel de méthylisocyanate à Bhopal. Or, il est certain que labsence dinformations sur les risques encourus rend extrêmement difficile la prise en charge médicale des victimes et de la population exposée, ou encore la décision dévacuation.
Sachant que toutes les données toxicologiques disponibles ne seront peut-être pas suffisantes pour faciliter la prise de décisions en cas daccident majeur ou même dincident limité où un risque dexposition «aiguë» est suspecté, il importe de constituer à lavance une équipe pluridisciplinaire qui sera chargée de recueillir toutes les informations utiles, dentreprendre rapidement une évaluation des risques pour la santé et dapprécier la situation de lenvironnement, afin déviter la contamination du sol, de leau et des récoltes. Les personnes qui la composeront devront avoir les compétences voulues pour confirmer la nature du rejet chimique et effectuer les études dimpact que requiert la situation.
Dans le cas des catastrophes naturelles, lépidémiologie est également très utile pour lévaluation des besoins sanitaires ultérieurs et pour la surveillance des maladies infectieuses. La collecte dinformations sur les conséquences de la catastrophe est un travail scientifique qui devrait également être intégré au plan dintervention et confié à une équipe spécialement désignée à cet effet. Très importants pour la coordination des secours, ces renseignements le sont aussi dans la mesure où ils peuvent contribuer à lamélioration du plan dintervention.
Quel que soit le partage des responsabilités en matière dintervention et de coordination des opérations, variable selon les pays et les circonstances, il doit être décidé à lavance. Sur les lieux du sinistre, on pourra installer le poste de commandement ou de coordination dans un véhicule particulier; il conviendra dassurer des contacts par radio entre les différentes équipes en cas de saturation ou de défaillance des lignes téléphoniques.
Il faut évaluer la capacité dintervention des hôpitaux en cas daccident majeur, compte tenu de leurs effectifs, de leurs infrastructures (salles, lits disponibles, etc.) et de leurs moyens de traitement (médicaments et matériel). Les hôpitaux devraient eux aussi disposer de plans durgence détaillés pour faire face à larrivée soudaine dun grand nombre de victimes et être en mesure, le cas échéant, denvoyer des équipes volantes sur le terrain pour aider les sauveteurs à dégager les survivants et à procéder au tri des blessés. Il peut arriver que les grands hôpitaux ne soient plus à même de remplir leur mission en raison des dommages causés par la catastrophe, comme ce fut le cas lors du tremblement de terre à Mexico en 1985, et quil faille dès lors, dans un premier temps, les remettre en état et les aider à rétablir leurs services. Dans léventualité dun accident chimique, il est important détablir des contacts préalables avec les centres antipoison et de pouvoir compter plus généralement sur le concours dun vaste éventail de professionnels de la santé, tant à lintérieur quà lextérieur de la zone sinistrée, pour assurer une bonne prise en charge des victimes. Enfin, le plan hospitalier doit aussi prévoir les moyens qui permettront de faire parvenir rapidement du matériel et des médicaments aux équipes dintervention sur le terrain.
Il importe de recenser à lavance le matériel dont les équipes de recherche et de sauvetage auront besoin dans telle ou telle circonstance, et de déterminer lemplacement où il sera entreposé, pour pouvoir être en mesure de le déployer si nécessaire dans les premières 24 heures, période pendant laquelle on peut sauver le plus grand nombre de vies. Il faudra aussi pouvoir disposer sans délai des médicaments et du matériel médical durgence, ainsi que des équipements de protection individuelle destinés aux équipes dintervention et au personnel de santé présents sur le terrain. Le concours dingénieurs capables de rétablir rapidement lapprovisionnement en eau et en électricité, les communications et le trafic routier peut aussi contribuer dans une large mesure à atténuer les conséquences les plus graves dune catastrophe.
Les différents services dintervention, ainsi que les organismes chargés de la santé publique, de lhygiène du travail et de la protection de lenvironnement devraient tous posséder leurs propres plans en cas de catastrophe; ceux-ci formeront, ensemble, le dispositif général daction. Outre les procédures établies par les hôpitaux, il faut prévoir des plans dintervention spécifiques pour différents types de catastrophes, compte tenu des résultats de lanalyse des dangers et des risques. Des protocoles thérapeutiques devraient être élaborés pour les diverses catégories de lésions et de traumatismes envisagés: syndromes décrasement dus à lécroulement des bâtiments en cas de tremblement de terre, brûlures et lésions internes causées par linhalation de substances toxiques en cas déruption volcanique, par exemple. En ce qui concerne les accidents chimiques, il faudrait définir au préalable des procédures de tri médico-chirurgical et de décontamination et prévoir ladministration éventuelle dantidotes, ainsi que le traitement durgence des lésions pulmonaires aiguës causées par des gaz toxiques irritants. Les mesures arrêtées devraient être suffisamment souples pour sadapter aux situations durgence liées au transport de substances toxiques, en particulier dans les régions où il ny a pas dinstallations fixes qui obligeraient normalement les autorités à élaborer des plans dintervention détaillés. Le traitement durgence des lésions dues à des agressions mécaniques et chimiques est un aspect essentiel de lintervention des services de santé; il nécessite une formation spéciale du personnel hospitalier en médecine des catastrophes.
Dautres dispositions sont également à prévoir pour limplantation des centres dévacuation et la prise en charge des personnes évacuées, notamment sur le plan médical. La prévention et le traitement du stress, chez les victimes comme chez ceux qui leur portent secours, ne devraient pas non plus être négligés. Dans certains cas, les troubles psychologiques sont les principaux effets, sinon les seuls, observés sur la santé des populations concernées, en particulier lorsque les mesures prises pour faire face à la crise engendrent elles-mêmes une anxiété excessive. Ce type de problème se pose aussi dans le cas des accidents chimiques et des accidents dus aux rayonnements, mais il peut être limité si on sait lanticiper.
Le personnel médical et les autres professionnels de la santé, dans les hôpitaux et les centres de soins primaires, ne sont généralement pas familiarisés avec les interventions durgence en situation de catastrophe. Tout comme les membres des autres services de secours, ils devraient donc recevoir une formation pour sy préparer. Les exercices sur table sont très utiles à cet égard, à condition dêtre aussi réalistes que possible, car les simulations à grande échelle sont souvent dun coût prohibitif.
On entend par là le retour de la zone frappée par la catastrophe à létat dans lequel elle se trouvait auparavant, grâce à une série dactions sur le plan social, économique, psychologique et écologique quil convient de planifier à lavance. Pour les accidents chimiques, cette phase comprend en outre la recherche dagents susceptibles davoir contaminé leau et les sols, ainsi que la mise en uvre des mesures de décontamination que requiert éventuellement la situation.
Par rapport aux interventions de secours, les efforts de préparation aux catastrophes ont été relativement peu encouragés jusquici à léchelle internationale; pourtant, malgré leur coût non négligeable, les mesures de protection bénéficient désormais dun vaste corpus de connaissances scientifiques et techniques dont lapplication rigoureuse devrait permettre datténuer sensiblement les conséquences sanitaires et économiques des catastrophes dans tous les pays.
Les accidents industriels peuvent frapper aussi bien les travailleurs présents à lintérieur des installations où ils surviennent que les personnes vivant à proximité. Lorsquun accident entraîne le dégagement de substances polluantes, la population menacée peut dépasser largement leffectif de lentreprise, posant ainsi des problèmes de logistique complexes que le présent article se propose détudier.
Plusieurs raisons amènent à quantifier les effets sanitaires dun accident:
Les accidents écologiques regroupent un vaste éventail dévénements pouvant survenir dans les circonstances les plus diverses; ce sont parfois des changements du milieu ambiant ou la survenue de certaines maladies qui amènent à déceler ou à soupçonner leur existence. Dans un cas comme dans lautre, la preuve (ou lindice) quil sest produit «quelque chose danormal» peut apparaître soit brusquement (par exemple, lincendie de lentrepôt de la société Sandoz à Schweizerhalle (Suisse) en 1986, ou lapparition du «syndrome de lhuile toxique» en Espagne en 1981), soit de façon insidieuse (par exemple, laugmentation du nombre des cas de mésothéliome par suite dune exposition à lamiante dans lenvironnement et non sur le lieu de travail à Wittenoom (Australie)). En tout temps et en toute circonstance, cependant, lincertitude et lignorance prévalent généralement quant à lampleur des conséquences sanitaires et à lévolution future de la situation.
Trois facteurs doivent être pris en compte pour évaluer limpact dun accident sur la santé humaine:
Il peut être difficile de déterminer la nature et lampleur du rejet, ainsi que laptitude du produit à pénétrer et à cheminer par diverses voies dans le milieu humain, notamment à travers la chaîne alimentaire et lapprovisionnement en eau. Vingt ans après laccident, la quantité de 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p -dioxine (TCDD) rejetée à Seveso, le 10 juillet 1976, continue de faire lobjet dun débat. En outre, comme on connaissait mal à lépoque la toxicité de ce produit, toutes les prévisions faites au lendemain de la catastrophe étaient nécessairement problématiques.
Par réaction personnelle à une catastrophe, on entend la peur, lanxiété et la détresse (Ursano, McCaughey et Fullerton, 1994) éprouvées à la suite de laccident, quels que soient la nature du danger et le risque effectivement encouru. Il sagit aussi bien de modifications conscientes, justifiées ou non, du comportement (telle la baisse marquée du taux de natalité dans de nombreux pays dEurope occidentale en 1987, après la catastrophe de Tchernobyl) que de troubles psychologiques (par exemple, les symptômes de détresse observés chez des enfants et des soldats israéliens à la suite dun dégagement de sulfure dhydrogène dû au mauvais fonctionnement des latrines dans une école de Cisjordanie en 1981). Des facteurs subjectifs influent aussi sur les réactions à laccident: ainsi, à Love Canal, on a constaté que les jeunes parents peu habitués à la présence de produits chimiques dans leur cadre de travail étaient plus enclins à quitter la région que les gens plus âgés ayant des enfants adultes.
Enfin, un accident peut avoir un effet indirect sur la santé des personnes exposées soit en créant dautres dangers (liés à une évacuation, par exemple), soit, paradoxalement, en induisant des réactions positives à certains égards (comme chez ceux que le contact avec les équipes médicales incite à arrêter de fumer).
Tout accident doit faire lobjet dune évaluation de ses conséquences effectives ou potentielles pour les personnes exposées ainsi que pour les animaux domestiques ou sauvages, évaluation quil est parfois nécessaire de mettre à jour périodiquement. Dans la réalité, cependant, la précision, létendue et la nature des données que lon peut recueillir à cette fin dépendent de nombreux facteurs, mais il faut savoir que limportance des ressources disponibles joue ici un rôle déterminant. Ainsi, des accidents présentant la même gravité ne reçoivent pas tous la même attention selon les pays, car il nest pas toujours possible de leur consacrer des ressources jusque-là réservées à dautres problèmes sanitaires ou sociaux. La coopération internationale devrait normalement remédier en partie à ce déséquilibre, mais elle ne se manifeste en fait que dans les situations particulièrement dramatiques ou qui présentent un intérêt scientifique exceptionnel.
Limpact global dun accident sur la santé est extrêmement variable. La nature des états pathologiques engendrés (qui peuvent aller jusquà entraîner la mort), la taille de la population exposée et le taux de morbidité en déterminent la gravité, celle-ci étant dautant plus difficile à démontrer sur le plan épidémiologique quelle tend à devenir négligeable.
Parmi les sources de données qui permettent dévaluer les conséquences sanitaires dun accident, les statistiques existantes viennent au premier rang (il faut toujours songer à y recourir avant denvisager la création de nouvelles bases de données). On peut tirer dautres renseignements détudes épidémiologiques analytiques et conjecturales, fondées ou non sur les statistiques courantes. Lorsquil nexiste pas de système de surveillance médicale en milieu professionnel, laccident peut être loccasion den instaurer un, permettant ainsi de protéger les travailleurs contre dautres dangers potentiels pour leur santé.
Il est indispensable de dresser une liste exhaustive des personnes exposées aux fins de la surveillance clinique (à court et à long terme) et de lindemnisation des victimes. Cette tâche est relativement simple lorsque laccident est circonscrit au périmètre des installations ou lorsquon peut se fonder sur le critère du lieu de résidence pour identifier la population touchée (habitants dune commune ou dune collectivité plus restreinte, si possible). Elle peut savérer plus difficile dans dautres circonstances, surtout quand il faut établir une liste des personnes présentant des symptômes susceptibles dêtre liés à laccident. Après lapparition du syndrome de lhuile toxique en Espagne, on a utilisé la liste des 20 000 demandeurs dindemnisation pour dresser celle des personnes qui devraient faire lobjet dun suivi clinique de longue durée, laquelle a été ensuite corrigée au vu des dossiers médicaux. Etant donné la publicité donnée à lincident, on estime que cette liste reflète assez fidèlement la réalité.
Lévaluation des conséquences dun accident exige en outre une démarche rationnelle, précise et facile à expliquer à la population. Sachant que la période de latence des maladies peut aller de quelques jours à quelques années, on peut, lorsque certaines conditions sont remplies, émettre des hypothèses suffisamment précises sur la nature et la probabilité des manifestations morbides pour élaborer un programme de surveillance clinique et détudes ad hoc répondant à lun ou lautre des objectifs évoqués au début du présent article. Les conditions en question identification rapide de lagent rejeté, connaissance de ses caractéristiques dangereuses à court et à long terme, quantification du rejet et appréciation des différences de réactions dun individu à lautre sont toutefois rarement réunies dans la pratique, ce qui rend dautant plus difficile, dans le climat dincertitude et dignorance qui en découle, de résister à la pression de lopinion publique et des médias en faveur de mesures de prévention ou de soins médicaux dont lutilité reste à prouver.
Enfin, dès quun accident se trouve confirmé, il convient de mettre sur pied une équipe pluridisciplinaire (regroupant cliniciens, chimistes, hygiénistes du travail, épidémiologistes et spécialistes en toxicologie humaine et expérimentale) qui devra rendre compte aux autorités et au public. Le choix des experts dépend des produits chimiques et des procédés susceptibles dêtre en cause, lesquels sont en principe très nombreux et peuvent donc engendrer différentes formes de toxicité mettant en jeu toute une série de systèmes biochimiques et physiologiques.
Les indicateurs de santé couramment utilisés (mortalité, natalité, admissions à lhôpital, congés de maladie et consultations médicales) peuvent renseigner rapidement sur les conséquences dun accident à condition de pouvoir être établis pour la région touchée, ce qui nest évidemment pas possible sil sagit, comme dans bien des cas, dune zone trop restreinte pour coïncider avec une unité administrative. En outre, bien que les corrélations statistiques mises en évidence par ces indicateurs soient souvent lindice dune causalité entre laccident et certaines manifestations observées dans les jours ou les semaines qui suivent, elles ne permettent pas nécessairement de conclure à lexistence dune intoxication (laugmentation du nombre de consultations médicales, par exemple, peut être davantage motivée par la peur que par lapparition de troubles bien réels). Comme toujours, il faut donc faire preuve de prudence dans linterprétation des données statistiques.
Tous les accidents ne font pas des morts, mais la mortalité est une valeur seuil aisément quantifiable soit par dénombrement direct (comme à Bhopal), soit par comparaison entre les observations et les prévisions (dans le cas des pics de pollution de lair en zone urbaine, par exemple). Lorsquon sest assuré quun accident na pas provoqué une hausse immédiate de la mortalité, on est mieux à même dévaluer la gravité de son impact et de se concentrer sur ses conséquences non mortelles. De plus, les statistiques dont on a besoin pour établir des prévisions de mortalité existent dans la plupart des pays et permettent de faire des estimations pour des régions même restreintes, comme celles qui sont généralement touchées par un accident. Il est plus difficile, en revanche, dévaluer la mortalité due à des états pathologiques particuliers, car la connaissance quont les médecins des maladies dont lincidence est censée augmenter à la suite de laccident risque dinfléchir leur diagnostic des causes de décès.
Cest donc dire que, pour interpréter les indicateurs de santé à partir des sources de données existantes, il faut concevoir des analyses spéciales et, notamment, étudier tous les facteurs de confusion possibles.
On se demande parfois, dans la période qui suit immédiatement un accident, sil y a lieu de créer un registre des cancers ou des malformations dans la population. Pour ces états pathologiques particuliers, ces nouveaux registres peuvent en effet fournir des données plus fiables que dautres statistiques courantes (mortalité ou admissions à lhôpital, par exemple), surtout sils sont tenus selon des normes internationalement acceptables. Leur mise en uvre exige toutefois une réaffectation des ressources. En outre, si lon crée un registre des malformations après un accident, il ne sera probablement guère capable, en lespace de neuf mois, de produire des données comparables à celles dautres registres, ce qui entraînera une série de problèmes dinférence (en particulier des erreurs statistiques de type II). Au bout du compte, la décision dépendra donc en grande partie des preuves de cancérogénicité, dembryotoxicité ou de tératogénicité que lon aura pour les substances dangereuses rejetées, ainsi que des autres usages possibles des ressources disponibles.
A supposer même que lon puisse connaître avec la plus grande précision les motifs des consultations médicales ou des admissions hospitalières dans une région donnée, les indicateurs ne pourront pas fournir toutes les données nécessaires pour évaluer les conséquences sanitaires dun accident et déterminer les mesures médicales les plus appropriées. Certains états ou marqueurs particuliers de réactions individuelles nexigent pas de contact avec le milieu médical ou ne correspondent pas aux classifications des maladies généralement utilisées dans les statistiques courantes, de sorte que leur présence est très difficile à déceler. Il arrive aussi que lon doive compter parmi les «victimes» des sujets dont létat se situe à la limite du pathologique. Enfin, il est souvent nécessaire détudier les différents protocoles thérapeutiques utilisés et dévaluer leur efficacité. Ce nest là quun petit échantillon de lensemble des problèmes qui peuvent justifier une enquête ad hoc. Quoi quil en soit, des dispositions devraient être prises pour pouvoir recevoir de nouvelles plaintes.
Les enquêtes diffèrent des soins en ce quelles ne sont pas directement liées à lintérêt des sujets en tant que victimes de laccident. Leur objectif étant de fournir des données fiables et de confirmer ou dinfirmer des hypothèses, cest dans cette perspective quelles doivent être conçues. Si la pratique de léchantillonnage peut paraître normale à des fins de recherche (à condition dêtre acceptée par la population touchée), on ne saurait lenvisager lorsquil sagit de dispenser des soins. Ainsi, en cas de déversement dun agent soupçonné de porter atteinte à la moelle osseuse, le scénario sera radicalement différent selon que lon cherchera à savoir: 1) si le produit en question entraîne effectivement une leucopénie; 2) si lon a procédé à un dépistage exhaustif de la leucopénie chez les personnes exposées. Dans un environnement professionnel, on sefforcera vraisemblablement de répondre aux deux questions; dans une population, la décision dépendra de la possibilité dentreprendre une action efficace pour traiter les personnes touchées.
En principe, il faut disposer de compétences épidémiologiques suffisantes à léchelon local pour pouvoir décider sil est nécessaire ou non de mener des études ad hoc et, le cas échéant, les organiser et les superviser. Il se peut cependant que les autorités sanitaires, les médias ou la population ne soient pas convaincus de lobjectivité des spécialistes présents dans la région touchée, doù la nécessité de faire appel dès le départ à des concours extérieurs. Linterprétation des données descriptives à partir des statistiques courantes et lélaboration des hypothèses de causalité, si besoin est, devraient être effectuées par les mêmes épidémiologistes. Si cela nest pas possible à léchelon local, il faut obtenir la collaboration dautres organismes (en général, les instituts nationaux de santé ou lOrganisation mondiale de la santé (OMS)). Il est regrettable que certains incidents ne puissent être élucidés faute de pouvoir faire appel aux compétences requises.
Dès lors quune enquête épidémiologique apparaît nécessaire, il convient de se poser certaines questions préliminaires: A quoi les résultats serviront-ils? Est-il possible que le désir daffiner les conclusions de létude envisagée retarde indûment les mesures de décontamination ou dautres actions préventives? Le programme de recherche proposé doit-il dabord être élaboré dans tous ses détails et évalué par léquipe scientifique pluridisciplinaire (et peut-être par dautres épidémiologistes)? Les personnes visées par létude seront-elles suffisamment bien informées au préalable pour que leur décision dy participer soit prise en pleine connaissance de cause? Si lon découvre lexistence dun effet dommageable pour la santé, quel traitement offrira-t-on et selon quelles modalités?
Enfin, on entreprendra une étude prospective classique de la mortalité sur une cohorte de sujets en cas daccident grave faisant craindre des effets ultérieurs. Les modalités pratiques de ce type détude varient selon les pays. En Europe, il est parfois possible didentifier nominalement chaque personne (comme on la fait pour les populations rurales des îles Shetland, au Royaume-Uni, après le déversement dhydrocarbures provoqué par laccident du Braer ), mais on doit aussi, dans certains cas, contacter systématiquement toutes les familles des victimes pour identifier les mourants (par exemple, après lapparition du syndrome de lhuile toxique en Espagne).
Il est naturel de proposer un examen médical à toutes les personnes touchées par un accident qui pourrait avoir porté atteinte à leur santé. La recherche systématique dans la population exposée détats pathologiques liés à laccident (en vue de leur traitement) correspond à la définition habituelle du dépistage . Comme en dautres circonstances, tout programme de dépistage mis en uvre à la suite dune catastrophe écologique obéit à certains principes et se caractérise par diverses possibilités et limites (indépendamment de la population visée, des signes à détecter et des moyens de diagnostic utilisés) (Morrison, 1985).
Il est aussi important dévaluer la participation et de comprendre les motifs des non-réponses que de mesurer la sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive des tests de diagnostic, de concevoir un protocole pour les examens complémentaires (au besoin) et dadministrer un traitement (si nécessaire). Faute de respecter ces principes, les programmes de dépistage à court et à long terme peuvent faire plus de mal que de bien. Les examens médicaux et les analyses de laboratoire inutiles sont un gaspillage de ressources et privent lensemble de la population des soins essentiels dont elle a besoin. Cest pourquoi il importe de bien veiller au départ et de sassurer par la suite que le déroulement des opérations ne sécarte pas des règles établies.
Les réactions émotionnelles et les incertitudes que suscitent les accidents écologiques peuvent compliquer encore les choses: dans les cas limites, le diagnostic perd généralement de sa spécificité, et certaines «victimes» sestiment parfois en droit de recevoir un traitement, que celui-ci soit nécessaire ou non, voire utile. En dépit du chaos qui suit souvent un accident écologique, les programmes de dépistage devraient toujours obéir à quelques règles essentielles:
Il est également utile destimer a priori lefficacité de lensemble du programme pour décider de son opportunité (le diagnostic anticipé du cancer du poumon, par exemple, ne devrait pas être encouragé). En outre, des dispositions devraient être prises pour compléter la couverture des sujets.
Le dépistage peut présenter à tout moment un autre intérêt, qui est de déterminer la prévalence des états pathologiques existants pour pouvoir ensuite évaluer les conséquences de laccident. Dans ce cas, la représentativité des personnes qui se soumettent elles-mêmes aux procédures de diagnostic constitue lune des principales sources derreur, qui saccroît avec le temps. La sélection de groupes témoins avec lesquels on puisse comparer les estimations pose également un problème, car elle peut être affectée dautant de distorsions que léchantillon des personnes exposées. Dans certaines circonstances, les études de prévalence sont toutefois extrêmement précieuses (surtout lorsque lhistoire naturelle de la maladie est inconnue, comme dans le cas du syndrome de lhuile toxique) et lon peut faire appel à des groupes témoins extérieurs à létude, même sils ont été formés ailleurs à dautres fins, en présence dun problème important ou grave.
A des fins descriptives, le prélèvement de substances biologiques (urine, sang, tissus) sur des personnes choisies dans la population exposée permet dobtenir des marqueurs de la dose interne par définition plus précis (sans leur être toutefois entièrement substituables) que ceux obtenus par estimation des concentrations de polluants dans les différents milieux de lenvironnement ou au moyen de questionnaires individuels. Là encore, toute évaluation devrait tenir compte des distorsions liées au manque de représentativité éventuel des sujets chez lesquels les échantillons biologiques ont été prélevés.
Le stockage déchantillons biologiques peut savérer utile, ultérieurement, pour des études épidémiologiques spéciales exigeant une estimation de la dose interne (ou des effets immédiats) au niveau individuel. Il est donc capital de prélever ces échantillons peu de temps après laccident (et de les conserver dans de bonnes conditions), même en labsence dhypothèses précises quant à leur utilisation. Le patient doit bien comprendre, pour donner son consentement en toute connaissance de cause, que les prélèvements biologiques que lon va effectuer sur lui seront stockés en vue de tests non encore définis. On évitera davoir recours à ces spécimens pour certains tests (concernant les troubles de la personnalité, par exemple) afin de protéger les sujets sélectionnés.
Lintervention médicale et la conduite denquêtes épidémiologiques au sein dune population touchée par un accident obéissent à des logiques qui peuvent être diamétralement opposées évaluer limpact dagents dont le danger potentiel est établi et auxquels la population touchée est (ou a été) exposée, ou bien étudier les effets possibles dagents supposés dangereux dont on soupçonne la présence dans une région donnée. Quil y ait des divergences entre spécialistes et, plus généralement, dans le public quant à la façon de percevoir un problème est tout simplement humain. Ce qui importe, en loccurrence, cest que toute décision soit dûment motivée et accompagnée dun plan daction transparent et quelle bénéficie du soutien de la collectivité à laquelle elle doit sappliquer.
On a longtemps considéré les problèmes liés aux conditions météorologiques comme des phénomènes naturels, et les décès et les traumatismes qui en découlaient comme inévitables (voir tableau 39.17). Ce nest quau cours des vingt dernières années que lon sest attaché à étudier ces facteurs de risque pour la vie et la santé de lêtre humain sous langle de la prévention. Ces études étant récentes, les données dont nous disposons sont limitées, notamment en ce qui concerne le nombre et les circonstances des décès et des traumatismes attribuables aux phénomènes climatiques chez les travailleurs. Larticle qui suit donne un aperçu des observations faites à ce jour.
Evénements météorologiques |
Catégories professionnelles |
Agents biochimiques |
Lésions traumatiques |
Noyades |
Brûlures/ coups de chaleur |
Accidents de véhicules |
Stress mental |
Inondations |
Policiers, |
|
|
|
|
|
|
Tornades |
Policiers, |
|
|
|
|
||
Incendies de forêts légers |
Sapeurs-pompiers |
** |
** |
** |
*** |
* |
* Degré de risque.
Les inondations ont des causes diverses. Dans une région climatique donnée, on observe des différences considérables dans lapparition et limportance des crues en raison des fluctuations au sein même du cycle hydrologique et dautres conditions naturelles ou artificielles (Chagnon, Schicht et Semorin, 1983). Selon la définition quen donne le Service météorologique des Etats-Unis (US National Weather Service), les crues soudaines ou torrentielles sont des crues de courte durée, caractérisées par des débits instantanés très supérieurs aux débits moyens et par un abondant transport de matériaux. Bien que la plupart des crues soudaines soient causées par une activité orageuse locale intense, certaines se produisent à loccasion de cyclones tropicaux. Ce type de crue est souvent provoqué par les conditions atmosphériques qui influencent la durée et lintensité de laverse. Mais dautres facteurs y contribuent également, comme la pente des versants en terrain montagneux, labsence de végétation, la capacité dinfiltration insuffisante des sols, la présence dembâcles dorigine végétale ou glaciaire, la fonte rapide des neiges, la rupture de barrages ou de digues, la rupture de poches deau glaciaires et les perturbations volcaniques (Marrero, 1979). Les crues fluviatiles peuvent aussi être influencées par ces facteurs, mais de façon plus insidieuse encore par les caractéristiques du lit des cours deau et par celles du sol et du sous-sol, ainsi que par lampleur des modifications artificielles dont il a été lobjet (Chagnon, Schicht et Semorin, 1983; Marrero, 1979). Les crues ou inondations côtières peuvent être causées par des ondes de tempête, qui résultent elles-mêmes dun orage tropical ou dun cyclone, ou encore par un afflux deau océanique à lintérieur des terres, provoqué par un très fort vent. Le type de crue côtière le plus dévastateur est le tsunami, improprement appelé raz-de-marée, qui est provoqué par des tremblements de terre sous-marins ou par des éruptions volcaniques. La plupart des tsunamis déclarés sont survenus dans le Pacifique et dans la région côtière du Pacifique. Les îles Hawaï sont particulièrement exposées aux tsunamis du fait de leur situation au milieu de cet océan (Chagnon, Schicht et Semorin, 1983; Whitlow, 1979).
On estime que les inondations sont responsables de 40% des catastrophes dans le monde et quelles causent les dommages les plus lourds. Linondation la plus meurtrière de mémoire dhomme est celle du fleuve Jaune en 1887: les eaux du fleuve ont franchi des digues de 21 m de hauteur et détruit 11 villes et 300 villages. La catastrophe aurait fait quelque 900 000 victimes. Plusieurs centaines de milliers de personnes pourraient aussi avoir péri en 1969 dans la province de Shandong en Chine, après quune onde de tempête eut poussé la marée montante vers lamont du fleuve. A Rio de Janeiro, une crue soudaine a fait 1 500 victimes en janvier 1967. En 1974, des pluies torrentielles ont inondé le Bangladesh, causant 2 500 morts. En 1963, des précipitations intenses ont provoqué un énorme glissement de terrain dans le lac retenu par le barrage Vaiont, dans le nord de lItalie, déversant 100 millions de tonnes deau par-dessus le barrage: 2 075 personnes ont péri (Frazier, 1979). En 1985, de 180 à 380 mm de pluie tombaient en 10 heures sur Porto Rico, tuant 180 personnes (French et Holt, 1989).
On sest prémuni jusquà présent contre les crues fluviatiles au moyen douvrages de génie civil et dun reboisement accéléré des bassins hydrographiques (Frazier, 1979). Mais le nombre de crues soudaines a augmenté ces dernières années, au point de devenir le phénomène météorologique le plus meurtrier aux Etats-Unis. Le tribut de plus en plus lourd prélevé par les inondations a été attribué au peuplement et à lurbanisation accrus des zones déjà exposées à ces perturbations (Mogil, Monro et Groper, 1978). Cest lécoulement rapide deaux charriant de gros débris, comme des blocs de pierre et des troncs darbres, qui est responsable au premier chef de la morbidité et de la mortalité associées aux crues. Des études menées aux Etats-Unis ont montré que bien des gens se noyaient dans leur voiture lors des inondations parce quils se trouvaient dans des zones basses ou traversaient des ponts inondés. Les voitures peuvent en effet tomber en panne dans leau ou rester coincées entre des débris, et leurs passagers se retrouver pris au piège tandis que le niveau de leau monte rapidement autour deux (French et coll., 1983). Des études de suivi menées auprès de victimes dinondation montrent que celles-ci restent souvent marquées psychologiquement cinq ans encore après le drame (Melick, 1976; Logue, 1972). Dautres chercheurs ont relevé chez ces personnes une importante augmentation des cas dhypertension, des maladies cardio-vasculaires, des lymphomes et des leucémies, phénomène qui, selon certains, serait lié au stress (Logue et Hansen, 1980; Janerich et coll., 1981; Greene, 1954). Les inondations peuvent aussi exposer la population à des agents biologiques ou chimiques lorsquelles provoquent la rupture des stations dépuration et des réseaux dévacuation des eaux usées, rompent les réservoirs souterrains, font déborder les sites de stoc-kage de déchets toxiques et favorisent la reproduction des vecteurs pathogènes et le déplacement de substances chimiques stockées sur terre (French et Holt, 1989).
Bien que, lors dinondations, les travailleurs soient généralement exposés aux mêmes risques que lensemble de la population, certaines catégories professionnelles sont néanmoins plus exposées que dautres. Ainsi, le personnel de nettoyage risque davantage dentrer en contact avec des agents biologiques et chimiques; ceux qui travaillent sous terre, notamment dans des espaces confinés, peuvent se retrouver emprisonnés lors de crues soudaines; les chauffeurs de camion et autres travailleurs des transports peuvent périr coincés dans leur véhicule. Et, bien sûr, comme lors de toute autre catastrophe liée aux conditions météorologiques, les sapeurs-pompiers, la police et le personnel médical durgence sont également très exposés.
On peut prévenir les décès et les traumatismes causés par les inondations en identifiant les zones inondables, en les faisant connaître à la population et en donnant des conseils sur les mesures préventives à adopter; en inspectant régulièrement les barrages et les digues et en délivrant des certificats de sécurité; en déterminant les conditions météorologiques qui contribuent aux fortes précipitations et au ruissellement; en mettant en place un système dalerte rapide dans certaines régions. On peut aussi prévenir les décès et les maladies attribuables à une exposition indirecte en sassurant que les réserves deau et daliments sont propres à la consommation humaine et ne sont pas contaminées par des agents biologiques et chimiques, et en adoptant des méthodes sûres délimination des eaux usées sanitaires. Les sols entourant les sites denfouissement des déchets toxiques et les bassins de stockage des eaux usées devraient être inspectés pour établir sil y a eu contamination par débordement (French et Holt, 1989). Bien que les programmes de vaccination massive soient inefficaces, il est indispensable que les employés des services de nettoyage et dassainissement soient immunisés et instruits des mesures dhygiène à observer.
Il faudrait par ailleurs améliorer la technologie de façon à accroître la précision, dans le temps et dans lespace, des dispositifs dalerte en cas de crue soudaine, et évaluer les conditions locales pour déterminer les modalités dune éventuelle évacuation (en voiture ou à pied). Enfin, après une inondation, il serait bon de soumettre une cohorte de travailleurs à une étude dans le but dévaluer les risques pour la santé physique et mentale du personnel dintervention.
Le cyclone tropical désigne tout vent qui tourbillonne autour dune dépression atmosphérique issue de la convection de masses dair réchauffées au contact des eaux tropicales. Dans lhémisphère Nord, les cyclones tournent dans le sens inverse des aiguilles dune montre. On distingue la dépression tropicale , qui est un cyclone dont les vents soufflent à une vitesse inférieure à 62 km/h, la tempête tropicale , qui génère des vents dont la vitesse est comprise entre 62 et 118 km/h, et louragan, le plus violent, avec des vents de plus de 118 km/h. Dans le Pacifique, les ouragans prennent également le nom de typhons .
On pense aujourdhui que de nombreux cyclones tropicaux naissent au-dessus de lAfrique, dans la région sise juste au sud du Sahara. Ils commenceraient par une instabilité dans un étroit courant-jet est-ouest qui se forme dans cette région entre juin et décembre sous leffet du contraste marqué de température entre lair chaud du désert et lair plus frais et plus humide du sud. Les études montrent que les perturbations engendrées au-dessus de lAfrique durent longtemps et que nombre dentre elles traversent lAtlantique (Herbert et Taylor, 1979). Au XXe siècle, 10 cyclones tropicaux ont ainsi traversé lAtlantique chaque année en moyenne, dont 6 se sont transformés en ouragans. A mesure que louragan (ou typhon) approche de son intensité maximale, les courants dair qui se sont formés dans les zones de haute pression des Bermudes ou du Pacifique le font dévier vers le nord, où les eaux océaniques sont plus froides. Lévaporation diminue et il y a donc moins de vapeur deau et dénergie pour alimenter la tempête. Si celle-ci atteint la côte, elle est complètement coupée de sa source de vapeur deau. A mesure que louragan ou le typhon progresse vers le nord, ses vents diminuent dintensité. Les accidents de terrain, comme les montagnes, peuvent également contribuer à dissiper la tempête. Les régions les plus exposées aux ouragans sont les Antilles, le Mexique et les Etats américains de la côte est et du golfe du Mexique. En général, le typhon du Pacifique se forme dans les eaux chaudes tropicales de lest des Philippines. Il peut ensuite se déplacer vers louest et frapper le continent chinois, ou dévier vers le nord pour se diriger vers le Japon. Sa trajectoire est déterminée à mesure quil se déplace autour de la crête occidentale du système de haute pression du Pacifique (Time-Life, 1992).
Le pouvoir destructeur dun ouragan (typhon) dépend de la façon dont se combinent londe de tempête, le vent et dautres facteurs. Les prévisionnistes ont mis au point une échelle de possibilité de catastrophe comportant 5 catégories douragans dimportance croissante (de 1 à 5), afin de mieux prévoir les dangers à lapproche dun ouragan. Entre 1900 et 1982, 136 ouragans ont frappé de plein fouet les Etats-Unis, dont 55 étaient au moins de catégorie 3. Cest la Floride qui a essuyé les ouragans les plus violents et les plus nombreux, suivie du Texas, de la Louisiane et de la Caroline du Nord (Herbert et Taylor, 1979).
Bien quil occasionne beaucoup de dégâts matériels, le vent nest pas le facteur le plus meurtrier lors dun ouragan. La plupart des victimes meurent en effet noyées. Les inondations qui accompa-gnent un ouragan peuvent être causées par des pluies torrentielles ou par un raz-de-marée. Selon le Service météorologique des Etats-Unis, les raz-de-marée seraient à lorigine de 9 décès sur 10 associés aux ouragans (Herbert et Taylor, 1979). En ce qui concerne les catégories professionnelles les plus touchées, les ouragans (typhons) font surtout des victimes dans la navigation et les transports (à cause de la mer démontée et des vents violents); chez les monteurs de lignes électriques ou téléphoniques, souvent appelés à faire des réparations alors que la tempête fait encore rage; parmi les sapeurs-pompiers et les forces de police, qui organisent les évacuations et assurent la protection des biens des personnes évacuées; et au sein du personnel médical durgence (voir également ci-dessus à ce sujet la partie «Les inondations et les raz-de-marée»).
Lincidence des décès et des traumatismes associés aux ouragans (typhons) a chuté considérablement ces vingt dernières années dans les régions où lon a mis en place des systèmes dalerte rapide perfectionnés. Les principales mesures de prévention à prendre sont les suivantes: identifier les précurseurs météorologiques des tempêtes tropicales, suivre la trajectoire de celles-ci et évaluer leurs probabilités de se transformer en ouragans; mettre en place un système dalerte précoce de façon à pouvoir rapidement évacuer la population en cas de besoin; appliquer des règles très strictes en matière doccupation des sols et de construction dans les zones à haut risque; et mettre au point des plans dintervention prévoyant lévacuation ordonnée de ces zones et lhébergement des personnes évacuées.
Comme les facteurs météorologiques contribuant aux ouragans ont fait lobjet de nombreuses études, les informations sur la question sont abondantes. On aurait toutefois besoin den savoir davantage sur lévolution variable de lincidence et de lintensité des ouragans dans le temps. Les plans dintervention devraient être évalués après chaque ouragan et il faudrait déterminer si les immeubles construits pour résister aux vents violents peuvent également résister aux raz-de-marée.
Les tornades se forment lors de la rencontre de masses dair présentant des températures, des densités et des dynamiques différentes. Cette rencontre produit de puissants courants ascendants et de gros cumulo-nimbus qui se transforment en spirales tourbillonnantes lorsquils sont traversés par de forts vents de travers. En aspirant encore plus dair chaud à lintérieur du nuage, ce vortex accélère la rotation jusquà ce que se forme sous le nuage une trombe dune grande violence (Time-Life, 1992). Une tornade de force moyenne parcourt approximativement 3,2 km sur une largeur de 45 m, balayant une superficie denviron 0,15 km2 avec des vents pouvant souffler jusquà 480 km/h. Les tornades surviennent dans les régions où les fronts chauds et froids peuvent entrer en collision et engendrer des conditions instables. Malgré la probabilité extrêmement faible (0,0363) quune tornade frappe un endroit précis, certaines régions, comme le Midwest aux Etats-Unis, sont particulièrement exposées.
Des études ont montré que les personnes qui se trouvent dans des résidences mobiles ou dans des véhicules légers sur le passage dune tornade sont exposées à un très grand danger. Ainsi, à Wichita Falls, au Texas, les occupants de résidences mobiles courent quarante fois plus de risques que les occupants de maisons en dur dêtre victimes de blessures graves ou fatales, alors que les personnes circulant en voiture en courent cinq fois plus (Glass, Craven et Bregman, 1980). La principale cause de décès est le traumatisme craniocérébral, suivie des lésions par écrasement de la tête ou du tronc. Les fractures sont le type le plus courant de blessures non mortelles (Mandlebaum, Nahrwold et Boyer, 1966; High et coll., 1956). Les travailleurs qui passent la plus grande partie de leur temps de travail dans des véhicules légers ou dans des bureaux aménagés dans des résidences mobiles seraient donc les plus exposés. Les facteurs de risque évoqués pour le personnel de nettoyage dans la partie «Les inondations et raz-de-marée» sappliquent également ici.
La meilleure façon de prévenir les décès et les traumatismes associés aux tornades est démettre les mises en garde appropriées et de veiller à ce que la population se conforme aux mesures prévues. Aux Etats-Unis, le Service météorologique sest équipé dinstruments perfectionnés, comme le radar Doppler, qui lui permettent de détecter les conditions favorables à la formation des tornades et démettre des mises en garde en conséquence. Une veille de tornade signifie que les conditions favorables à une tornade sont réunies dans une région donnée; une alerte à la tornade signifie quune tornade a été observée dans une région donnée et que les personnes qui y habitent doivent se mettre à labri, cest-à-dire se réfugier dans le sous-sol de leur maison, dans une pièce intérieure ou dans un placard ou, si elles se trouvent à lextérieur, sabriter dans un fossé.
Des recherches devraient être faites pour établir si les mises en garde sont bien diffusées et évaluer dans quelle mesure les gens sy conforment. Il faudrait également déterminer si les abris recommandés offrent une protection suffisante et recueillir des données sur le nombre de morts et de blessés parmi tous ceux qui sont appelés à travailler pendant les tornades.
Lorsquun cumulo-nimbus se transforme en orage, des charges électriques positives et négatives saccumulent dans différentes parties du nuage et au sol. Quand le potentiel électrostatique devient trop grand, les charges négatives et les charges positives sattirent en provoquant une décharge, léclair, qui traverse le nuage ou passe du nuage vers le sol. Si la plupart des éclairs se déplacent de nuage en nuage, 20% passent du nuage au sol. Léclair qui se déplace entre le nuage et le sol peut être soit positif, soit négatif. Léclair positif, plus puissant, risque davantage dallumer un incendie de forêt. La foudre ne peut déclencher un incendie que si elle frappe un combustible facilement inflammable, comme des aiguilles de pin, de lherbe ou de la résine naturelle. Le feu qui prend dans du bois en décomposition peut passer inaperçu pendant longtemps. La foudre déclenche plus souvent des incendies lorsque la pluie du nuage sest évaporée avant datteindre le sol; cest ce que lon appelle la foudre sèche (Fuller, 1991). Dans les régions rurales sèches, comme en Australie et dans louest des Etats-Unis, 60% des incendies de forêt seraient causés par la foudre.
La plupart des sapeurs-pompiers morts en service sont victimes daccidents de camion ou dhélicoptère ou de chutes dobjets, plutôt que du feu lui-même. Les coups de chaleur provoqués par une élévation de la température corporelle au-dessus de 39,4 °C peuvent aussi entraîner la mort ou des lésions cérébrales. Le monoxyde de carbone constitue également un danger, en particulier lors des feux couvants. A loccasion dune étude, des chercheurs ont constaté que le sang de 62 sapeurs-pompiers sur 293 affichait des concentrations de carboxyhémoglobine supérieures au maximum admissible de 5% après 8 heures passées sur la ligne de feu (Fuller, 1991).
A cause des dangers et du stress mental et physique associés à la lutte contre les incendies, les équipes de sapeurs-pompiers ne devraient jamais travailler plus de 21 jours daffilée et devraient bénéficier de 1 jour de repos tous les 7 jours. Outre le port dun équipement de protection approprié, les sapeurs-pompiers doivent se conformer à certaines règles de sécurité: prévoir des trajets sûrs, rester en communication avec leurs coéquipiers, prendre garde aux dangers, suivre la météo, vérifier les consignes et agir avant que la situation ne devienne critique. Les instructions habituelles de la lutte contre les incendies recommandent en particulier de bien observer le comportement de lincendie, dutiliser des vigies et de donner des ordres clairs et compréhensibles (Fuller, 1991).
Au nombre des mesures qui contribuent à la prévention des feux de forêt provoqués par la foudre, mentionnons la surveillance des combustibles (comme les broussailles ou les arbres facilement inflammables tels que leucalyptus), la maîtrise de lurbanisation dans les secteurs exposés aux incendies et la mise en place de systèmes de détection rapide. A cet égard, il existe maintenant de nouvelles techniques, comme les systèmes infrarouges montés sur hélicoptère, qui permettent de vérifier si les coups de foudre signalés par les services de guet et les autres systèmes de détection ont effectivement déclenché des incendies et de cartographier les points chauds pour les équipes dintervention sur le terrain et de largage par hélicoptère (Fuller, 1991).
Il faudrait recueillir davantage dinformations sur le nombre et les circonstances des décès et des traumatismes associés aux incendies de forêt causés par la foudre.
Depuis lépoque où il sest installé dans les régions montagneuses, lêtre humain sest exposé aux dangers qui leur sont particuliers. Parmi les plus perfides de ces dangers figurent les avalanches et les glissements de terrain qui ont prélevé, et continuent de prélever encore aujourdhui, un lourd tribut de victimes.
Lorsquune montagne est recouverte de plusieurs mètres de neige en hiver, il arrive, dans certaines circonstances, quune masse de neige accrochée à ses flancs abrupts ou à son sommet se détache du sol et glisse sous leffet de son propre poids. Dénormes quantités de neige peuvent ainsi dévaler par le chemin le plus direct jusque dans les vallées situées en contrebas. Lénergie cinétique ainsi libérée produit de dangereuses avalanches qui emportent, écrasent ou recouvrent tout sur leur passage.
On peut diviser les avalanches en deux catégories selon le type et létat de la neige: les avalanches sèches ou poudreuses, et les avalanches mouillées ou de fond. Les premières sont dangereuses à cause de leffet de souffle quelles engendrent et les secondes à cause de leur simple poids dû à lhumidité de la neige qui fait quelles écrasent tout en dévalant la pente souvent à grande vitesse, charriant parfois des parties du sous-sol.
Des situations particulièrement dangereuses peuvent ainsi survenir lorsque la neige saccumule sur de vastes flancs de montagne sous leffet du vent, car elle forme alors souvent une plaque dont la cohésion demeure superficielle, à la manière dun rideau suspendu reposant sur une base susceptible de produire un effet de roulement à billes. Si une rupture survient dans cette plaque très mince (par exemple, à la suite du passage dun skieur en travers de la pente) ou si, pour une raison quelconque, elle se déchire (par exemple, sous leffet de son propre poids), toute la nappe de neige peut alors glisser vers le bas, se transformant habituellement en avalanche en cours de route.
Une énorme pression saccumule parfois à lintérieur de lavalanche qui est alors capable demporter ou décraser des locomotives ou des immeubles entiers comme de simples jouets. Les êtres humains surpris dans un tel enfer nont de toute évidence que très peu de chances de survivre: ceux qui ne sont pas broyés meurent en général dasphyxie ou de froid. Il ne faut donc pas sétonner que, même lorsquon les retrouve immédiatement, 20% environ des personnes emportées par des avalanches ne peuvent être ranimées.
La topographie et la végétation du lieu font en sorte que les masses de neige en mouvement suivent une trajectoire prédéterminée jusquau fond de la vallée. Tous ceux qui vivent dans ces régions le savent dexpérience et par tradition et se tiennent donc à lécart de ces zones dangereuses en hiver.
Autrefois, la seule façon déchapper à ce genre de danger était déviter de sy exposer. Les fermes et les villages étaient bâtis dans les endroits protégés des avalanches par des accidents du terrain ou que lon savait de longue date éloignés de toute trajectoire connue davalanche. Les gens évitaient même complètement les régions montagneuses pendant les périodes dangereuses.
Les forêts situées en haut des versants montagneux offrent une bonne protection contre ce type de catastrophe naturelle, car elles soutiennent les masses de neige dans les zones menacées et peuvent ralentir, stopper ou détourner des avalanches qui se sont déjà déclenchées, pourvu quelles naient pas atteint une trop grande vitesse.
Lhistoire des régions montagneuses nen est pas moins ponctuée de catastrophes à répétition causées par les avalanches qui ont entraîné et continuent dentraîner des pertes humaines et matérielles considérables. Dune part, on sous-estime souvent la vitesse et linertie des avalanches. Dautre part, les avalanches empruntent parfois des trajectoires qui, même après des siècles dexpérience, navaient jamais été considérées comme des couloirs davalanche. Certaines conditions météorologiques défavorables, alliées à une qualité de neige particulière et à létat du sol sous-jacent (végétation endommagée, érosion ou ameublissement du sol par suite de fortes pluies), créent parfois des conditions qui peuvent conduire à une nouvelle «catastrophe du siècle».
Le risque davalanche que présente une région dépend non seulement des conditions météorologiques, mais aussi et surtout de la stabilité de la couverture neigeuse et du fait quelle est ou non située dans une zone habituelle découlement ou darrivée davalanche. Des cartes spéciales indiquent les zones où des avalanches ont déjà eu lieu ou risquent de se produire compte tenu des caractéristiques topographiques, notamment les couloirs et les points darrivée davalanches fréquentes. Il est interdit de cons-truire dans les zones à haut risque.
Ces précautions ne suffisent toutefois plus aujourdhui. En effet, malgré linterdiction de construire dans certaines régions et malgré labondance des informations sur les dangers des avalanches, les gens sont toujours attirés en grand nombre par le pittoresque des régions montagneuses, si bien que lon construit de plus en plus même dans des zones pourtant réputées dangereuses. A ces infractions ou à ces contournements de la réglementation viennent sajouter les milliers de touristes qui affluent à la montagne en hiver pour y faire du sport et sy adonner à dautres activités de loisir, dans les régions mêmes où les avalanches sont pratiquement préprogrammées. Lidéal pour le ski, cest une pente raide, libre dobstacles et recouverte dun manteau neigeux assez épais: si ces conditions sont idéales pour le skieur, elles le sont aussi pour les avalanches.
Or, si ces risques ne peuvent être évités ou sont, dans une certaine mesure, consciemment assumés comme un «effet secondaire» indésirable du plaisir que lon prend à faire du sport, il est quand même nécessaire de se préparer à faire face au danger.
Pour accroître les chances de survie des personnes prisonnières dune avalanche, il est essentiel de mettre sur pied des services de sauvetage efficaces, dinstaller des téléphones durgence près des zones à risque et de tenir à jour, à lintention des autorités et des touristes, linformation sur les conditions observées dans les zones à risque. La mise en place de systèmes dalerte avancée et de services de sauvetage dotés dune organisation sans faille et du meilleur équipement possible peut accroître considérablement les chances de survie des personnes enfouies sous des avalanches et réduire lampleur des dommages quelles entraînent.
Diverses méthodes de protection contre les avalanches ont été mises au point et éprouvées partout dans le monde, comme les services dalerte transfrontalière, les barrages et même le déclenchement artificiel davalanches au moyen dexplosifs ou de coups de feu tirés au-dessus des champs de neige.
La stabilité de la couverture neigeuse est essentiellement déterminée par le rapport de la contrainte mécanique et de la densité. Cette stabilité peut varier très sensiblement selon le type de contrainte (compression, traction, cisaillement) dans une zone géo-graphique donnée (partie du champ neigeux où peut prendre naissance une avalanche). Le relief, lensoleillement, les vents, la température et les perturbations locales de la structure du manteau neigeux (du fait de la présence de rochers, de skieurs, de chasse-neige ou dautres véhicules) peuvent également avoir une incidence sur la stabilité. Celle-ci peut donc être réduite par une intervention locale délibérée, comme le dynamitage, ou accrue par linstallation douvrages de soutènement ou de barrières. Ces mesures, qui peuvent être permanentes ou temporaires, sont les deux principales défenses utilisées contre les avalanches.
Au nombre des mesures de protection permanente figurent divers ouvrages efficaces et durables, tels que les râteliers aménagés dans les zones de départ davalanche, les parois de déviation ou les cairns de freinage dans la zone découlement et les murs darrêt dans la zone darrivée. Le but des défenses temporaires est de rendre sûres et de stabiliser les zones où une avalanche risque de se produire, en déclenchant volontairement des avalanches de moindre envergure pour éliminer par sections les masses de neige dangereuses.
Les râteliers augmentent artificiellement la stabilité du manteau neigeux dans les zones à risque davalanche. Les virevents, qui empêchent le vent daccumuler de nouvelles masses de neige dans la zone avalancheuse, peuvent accroître leffet des râteliers. Les parois de déviation et les cairns de freinage aménagés sur la trajectoire de lavalanche, de même que les murs darrêt placés dans la zone darrivée, peuvent détourner ou ralentir la masse de neige dans sa course et raccourcir la distance découlement. Les râteliers sont des ouvrages fixés au sol plus ou moins perpendiculairement à la pente, capables doffrir une résistance suffisante à la masse de neige en mouvement; ils doivent être assez hauts pour atteindre la surface de la neige. Habituellement disposés en plusieurs rangées, ils doivent être installés partout où des avalanches pourraient, en présence de diverses conditions météorologiques, menacer la zone à protéger. Des années dobservation et de mesure de la neige sont nécessaires pour déterminer avec précision lemplacement, la structure et les dimensions de ces ouvrages. Les rangées de râteliers doivent aussi avoir une certaine perméabilité pour laisser passer les avalanches mineures et les glissements de surface, en les empêchant de prendre de lampleur ou de causer des dommages. Si la perméabilité est insuffisante, la neige risque de sempiler derrière les barrières et de permettre ainsi aux avalanches suivantes de passer librement par-dessus sans être stoppées, entraînant avec elles dautres masses de neige.
Contrairement aux structures permanentes que sont les râteliers, les défenses temporaires permettent elles aussi de réduire le danger pendant un certain temps. Il sagit en gros de déclencher des avalanches par des moyens artificiels: on élimine ainsi les masses de neige dangereuses des zones avalancheuses en déclenchant délibérément, sous surveillance, un certain nombre de petites avalanches à des moments choisis. De telles mesures ont pour effet daugmenter considérablement la stabilité de la couverture neigeuse qui reste sur le site avalancheux et de réduire, au moins pendant un certain temps, le risque davalanches plus grosses et plus dangereuses en période critique.
Lampleur de ces avalanches provoquées ne peut cependant être déterminée davance avec un grand degré de précision. Pour réduire au maximum le risque daccidents, toute la région touchée par lavalanche artificielle, depuis la zone de départ jusquà la zone darrivée, devrait être évacuée et fermée et faire lobjet dun contrôle avant le déclenchement.
Les applications possibles de ces deux méthodes de réduction des risques sont fondamentalement différentes. En général, il est préférable de recourir aux défenses permanentes pour protéger les zones quil est impossible ou difficile dévacuer ou de fermer, ou lorsque les avalanches contrôlées risquent de toucher des bâtiments ou des forêts. Les défenses temporaires conviennent par contre très bien à la protection des routes, des pistes ou des pentes de ski quil est facile de fermer pour de courtes périodes.
Les diverses méthodes de déclenchement artificiel des avalanches comportent plusieurs opérations qui présentent certains risques et qui, par-dessus tout, exigent la mise en place de mesures de protection supplémentaires pour les personnes affectées à lexécution des travaux. Lessentiel est de provoquer une rupture de la couverture neigeuse au moyen dune secousse artificielle (détonation), afin dentraîner un glissement.
Les explosifs conviennent particulièrement bien au déclenchement davalanches sur les versants escarpés. Il est habituellement possible de détacher de petites sections de neige espacées les unes des autres et déviter ainsi de provoquer des avalanches majeures qui sécoulent sur de longues distances et peuvent être extrêmement destructrices. Lidéal serait de pouvoir mener ces déclenchements à tout moment et par tous les temps, mais cela nest pas toujours faisable. Les méthodes de déclenchement à lexplosif diffèrent considérablement selon les moyens utilisés pour atteindre la zone cible.
Les zones sujettes aux avalanches peuvent être bombardées à la grenade ou à la roquette à partir de positions sûres, mais ces interventions ne permettent dobtenir le résultat voulu que dans 20 à 30% des cas. En effet, dune part, il est pratiquement impossible de déterminer et de frapper avec précision la meilleure zone cible à distance et, dautre part, la couverture neigeuse absorbe le choc de lexplosion. Il arrive aussi que les obus nexplosent pas.
Le déclenchement à laide dexplosifs commerciaux installés directement dans la zone où les avalanches sont susceptibles de se produire a généralement plus de succès. La meilleure méthode consiste à installer lexplosif sur des pieux ou sur des câbles suspendus au-dessus de la section du champ de neige où lon veut déclencher lavalanche et à le faire détoner à une hauteur de 1,5 à 3 m au-dessus de la couverture neigeuse.
En plus du bombardement des flancs de la montagne, trois autres méthodes ont été mises au point pour amener lexplosif jusquà lendroit choisi pour déclencher lavalanche:
Le transport par câble aérien est la méthode à la fois la plus précise et la plus sûre. A laide dun petit câble transporteur, la charge explosive est amenée au-dessus de la section de la couverture neigeuse où lon veut déclencher lavalanche. En contrôlant bien le câble et en se servant de divers signaux et marqueurs, on arrive à positionner la charge à lendroit précis où lon sait dexpérience quelle sera la plus efficace et à la faire exploser directement au-dessus. Pour obtenir les meilleurs résultats, il faut que la détonation se produise à la bonne hauteur au-dessus de la couverture neigeuse. Comme le câble transporteur passe généralement trop haut au-dessus du sol, on doit installer un dispositif dabaissement pour descendre la charge jusquà la hauteur voulue. Il sagit habituellement dun treuil permettant dabaisser un filin auquel la charge a été fixée. Grâce à ces câbles transporteurs, on peut déclencher des explosions à partir dune position sûre, même lorsque la visibilité est mauvaise, de jour comme de nuit.
Vu ses bons résultats et ses coûts de production relativement peu élevés, cette méthode est largement employée dans toutes les régions alpines. On doit cependant presque partout détenir un permis pour lutiliser. En 1988, des fabricants et des utilisateurs de câbles transporteurs dexplosifs, de même que des représentants des administrations des régions alpines de lAutriche, de la Bavière et de la Suisse se sont rencontrés pour partager leur expérience en la matière. Toutes les informations recueillies à cette occasion ont été résumées dans des brochures et ont servi à lélaboration de réglementations ayant force obligatoire. Ces documents contiennent les normes de sécurité technique relatives aux équipements et installations, de même que les instructions pour lexécution des opérations en toute sécurité. Ainsi, lorsquelle prépare la charge explosive et utilise léquipement prévu à cet effet, léquipe de dynamitage doit pouvoir se déplacer sans encombre autour des divers appareils de câblage et commandes. Il faut aussi prévoir des sentiers sûrs et faciles daccès permettant à léquipe de quitter le site le plus vite possible en cas durgence. Il faut en outre avoir accès en toute sécurité aux tréteaux et aux stations du câble porteur. Pour prévenir tout raté à lexplosion, deux amorces et deux détonateurs doivent être utilisés pour chaque charge.
Souvent employé autrefois, le dynamitage à la main est une deuxième façon de provoquer des avalanches. Le dynamiteur doit alors escalader la montagne jusquà lendroit du déclenchement. Une fois sur place, il peut fixer la charge explosive à des piquets plantés dans la neige ou, plus souvent, la lancer vers un point situé en contrebas quil sait dexpérience être particulièrement sensible. Habituellement, on exige que le dynamiteur soit relié par un filin à ses coéquipiers pendant toute la durée de lopération. Mais, quel que soit le soin apporté par léquipe de dynamitage à lopération, les risques de chute ou la possibilité de rencontrer une avalanche en chemin ne peuvent être éliminés étant donné que lintervention demande souvent de longues ascensions, parfois par mauvais temps. A cause de ces dangers, cette méthode, elle aussi soumise à des règles de sécurité, est rarement utilisée de nos jours.
Le déclenchement par hélicoptère est une troisième méthode dont on se sert depuis de nombreuses années, dans les régions alpines et ailleurs, pour provoquer des avalanches. Vu les risques élevés quelle fait courir à léquipage de lappareil, on ny a recours la plupart du temps quen cas dabsolue nécessité, pour éviter un danger grave et imminent, lorsquon ne peut procéder autrement sans encourir de risques encore plus grands. Comme cette méthode soulève en outre certains problèmes dordre juridique liés à lemploi dun aéronef, les autorités alpines, en collaboration avec les organismes de réglementation de laviation, les institutions et les autorités responsables de la sécurité et de la santé au travail et les spécialistes, ont formulé des directives particulières régissant le déclenchement des avalanches à partir dhélicoptères. Ces directives prennent en compte non seulement la réglementation sur les explosifs et les consignes de sécurité, mais aussi les compétences physiques et techniques requises des personnes à qui lon confie ce genre dopérations.
Pour déclencher une avalanche à partir dun hélicoptère, on peut soit abaisser la charge au-dessus de la couverture neigeuse à laide dun filin, puis la faire exploser, soit la laisser tomber après lavoir amorcée. Les hélicoptères doivent être spécialement adaptés pour ce genre dopérations et bénéficier dun permis approprié. En ce qui concerne la sécurité des opérations à bord de lappareil, il doit y avoir une stricte division des tâches entre le pilote et le technicien en explosifs. La charge doit être correctement préparée et la longueur de lamorce choisie en fonction de la technique employée (abaissement ou largage de la charge). Pour plus de sûreté, il faut aussi utiliser deux détonateurs et deux amorces, comme dans les autres méthodes. En règle générale, chaque charge contient entre 5 et 10 kg dexplosifs. Plusieurs charges peuvent être abaissées ou larguées lune après lautre au cours du même vol. Les détonations doivent être observées de visu pour sassurer que toutes les charges ont bien sauté.
Toutes ces méthodes de dynamitage nécessitent lutilisation dexplosifs spéciaux, efficaces par temps froid et peu sensibles aux influences mécaniques. Les personnes affectées à ces opérations doivent avoir reçu une formation spéciale et posséder lexpérience requise.
Les défenses temporaires et permanentes contre les avalanches ont été conçues à lorigine pour des usages très différents. Les onéreuses barrières permanentes ont surtout été construites pour protéger les villages et les bâtiments contre les grosses avalanches. Les dispositifs de protection temporaires servaient presque exclusivement au départ à protéger les routes, les domaines skiables et les équipements touristiques faciles à fermer. De nos jours, la tendance est à la combinaison des deux méthodes. Pour établir le programme de sécurité le plus efficace dans une région donnée, il faut analyser en détail les conditions locales et choisir la méthode qui offrira la meilleure protection possible.
Lindustrie et léconomie sont tributaires de nombreuses matières dangereuses qui sont transportées par route, par rail, par eau, par air ou par pipeline entre leur point de fabrication et celui de leur utilisation, avant daboutir à leur point délimination. La grande majorité de ces matières atteignent leur destination sans encombre et en toute sécurité. Lindustrie pétrolière fournit un bon exemple de lampleur du problème. Au Royaume-Uni, quelque 100 millions de tonnes de produits pétroliers sont acheminés par pipeline, par rail, par route et par eau. Près de 10% des travailleurs de lindustrie chimique de ce pays sont employés dans le réseau de distribution correspondant (transport et stockage).
Une matière dangereuse peut être définie comme une «subs-tance ou une matière dont on sait quelle peut présenter un risque inacceptable pour la santé, la sécurité ou la propriété lorsquelle est transportée». La notion de «risque inacceptable» couvre un large spectre de considérations relatives à la santé, à lincendie et à lenvironnement. Les matières visées comprennent les explosifs, les gaz inflammables, les gaz toxiques, les liquides inflammables et hautement inflammables, les solides inflammables, les matières qui deviennent dangereuses au contact de leau, les matières comburantes, les matières toxiques ainsi que les matières corrosives et, enfin, les matières radioactives.
Les risques que présentent ces matières résultent directement de leur déversement, de leur inflammation, etc. Transportées par rail ou par route, elles peuvent provoquer des accidents majeurs susceptibles de toucher aussi bien les travailleurs que la population en général. Elles présentent également des dangers au chargement et au déchargement, de même quau cours de leur transport. La population exposée est donc celle qui vit à proximité des routes ou des voies ferrées quelles empruntent ou qui circule dans les véhicules ou les trains susceptibles dêtre impliqués dans un accident majeur. Les zones à risque englobent aussi les points darrêt temporaire, comme les gares de triage et les aires de stationnement des camions. Sur mer, les risques sont associés aux manuvres des navires qui entrent ou sortent des ports et y chargent ou déchargent leur cargaison; dautres risques découlent également du cabotage et de la navigation dans les détroits et les eaux intérieures.
Au nombre des incidents qui peuvent se produire dans le cadre du transport, que ce soit pendant le transit ou sur le site dinstallations fixes, on mentionnera lauto-échauffement chimique incontrôlé, les déversements, les fuites, les dégagements de vapeurs ou de gaz, les incendies et les explosions. Deux des principaux facteurs dincidents sont les collisions et les incendies. Dans le cas des camions-citernes, les fuites provenant des vannes et de surremplissages sont une autre cause de déversement. En général, tant pour les véhicules routiers que pour les véhicules ferroviaires, les incendies causés par une collision sont beaucoup moins fréquents que les autres. Les incidents liés au transport peuvent se produire aussi bien dans des zones rurales que dans des zones urbaines, industrielles ou résidentielles, et concerner des véhicules ou des trains, surveillés ou non. Il est rare quune collision soit la cause première de lincident.
Le personnel dintervention devrait être conscient des risques dexposition et de contamination liés aux substances toxiques en cas daccidents impliquant des chemins de fer, des gares de triage, des véhicules routiers, des terminaux de marchandises, des navires (de haute mer et de navigation intérieure) et des docks. Les pipelines (tant ceux des réseaux de distribution longue distance que ceux des réseaux locaux) peuvent aussi être dangereux sils sont endommagés ou sils fuient, que lavarie se produise ou non en même temps quun autre incident. Les accidents survenant en cours de transport sont souvent plus dangereux que ceux qui arrivent sur le site dinstallations fixes. On ignore parfois à quelles matières on a affaire; les panneaux de mise en garde peuvent être masqués parce que le véhicule sest renversé ou à cause de la fumée ou de la présence de débris; les personnes en mesure de donner des renseignements pertinents sont parfois absentes ou ont péri dans laccident. Le nombre des personnes exposées dépend de la densité démographique sur le lieu de laccident, du moment de la journée (le jour ou la nuit), de la proportion de personnes qui se trouvent à lintérieur et à lextérieur, ainsi que de la proportion de celles qui peuvent être considérées comme particulièrement vulnérables. En plus de la population normalement présente sur les lieux, les équipes dintervention courent également un risque. Ces personnels constituent dailleurs souvent une part importante des victimes lors daccidents survenant pendant le transport de matières dangereuses.
Entre 1971 et 1990, soit sur une période de 20 ans, une quinzaine de personnes sont mortes dans des accidents de la route mettant en cause des produits chimiques dangereux au Royaume-Uni, comparativement à une moyenne annuelle de 5 000 victimes pour lensemble des accidents dautomobile. Il nen reste pas moins quune quantité minime de marchandises dangereuses peut causer des dommages considérables. En voici quelques exemples provenant de divers pays:
Ce sont les gaz et les liquides inflammables qui sont à lorigine du plus grand nombre dincidents graves (compte tenu en partie du volume transporté), suivis par les gaz et les fumées toxiques (y compris les produits de combustion).
Voici quelques données sur les transports routiers provenant détudes menées au Royaume-Uni:
Ces données sont sans doute loin de rendre compte de tous les incidents mettant en cause des véhicules qui transportent des matières dangereuses. Par ailleurs, chaque accident survenant au cours du transport routier de ces matières présente ses propres caractéristiques.
De nombreux accords internationaux régissent le transport des matières potentiellement dangereuses:
Le règlement de transport des matières radioactives de 1996 de lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA, 1996). Ce règlement établit des normes de sécurité assurant un niveau de contrôle acceptable des risques dirradiation auxquels sont exposés les personnes, les biens et lenvironnement du fait du transport des matières radioactives.
La convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS 74). Cette convention définit les normes de sûreté essentielles pour tous les navires à passagers et les navires de charge, y compris ceux qui transportent des matières dangereuses en vrac.
La convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures, telle que modifiée par le protocole de 1978 y relatif (MARPOL 73/78 ). Cette convention vise la prévention de la pollution par les hydrocarbures, les substances liquides nocives en vrac, les substances nuisibles transportées par mer en colis (y compris conteneurs, citernes mobiles et véhicules routiers ou ferroviaires). Elle est renforcée par le Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG).
Il existe un important corpus de règlements internationaux concernant le transport des marchandises dangereuses par air, par rail, par route ou par mer (incorporés aux législations nationales dans de nombreux pays). La plupart se fondent sur les normes prônées par lOrganisation des Nations Unies (ONU) et portent sur les principes didentification, détiquetage, de prévention et de contrôle. Le Comité dexperts en matière de transport des marchandises dangereuses de lONU a rédigé des Recommandations relatives au transport des marchandises dangereuses à lintention des gouvernements et des organisations internationales qui sintéressent à la question. Ces recommandations portent, entre autres, sur les principes de la classification et la définition des classes, lénumération des marchandises dangereuses, les exigences générales en matière demballage, les méthodes dépreuve, le marquage, létiquetage et le placardage, ainsi que sur les documents de transport. Rassemblées dans un recueil appelé «Livre orange» («Orange Book»), elles nont pas force de loi, mais forment la base de toutes les réglementations internationales élaborées par diverses organisations internationales parmi lesquelles on peut citer:
Que ce soit au niveau du transport ou des installations fixes, il est impérieux de dresser des plans détaillés pour intervenir en cas daccident majeur impliquant des substances dangereuses et pour en atténuer les effets. Cette tâche est loin dêtre simple et, cela, pour plusieurs raisons. Tout dabord, le lieu de laccident nest pas connu davance, ce qui exige de la souplesse dans la planification, et les substances en cause ne le sont pas davantage. Selon la nature de laccident, plusieurs produits peuvent se mélanger sur les lieux, causant dénormes problèmes aux services dintervention. Laccident peut aussi se produire dans les lieux les plus variés: région très urbanisée, région rurale éloignée, zone fortement industrialisée ou commerciale. Un autre facteur à prendre en considération est la population de passage qui, sans le savoir, peut être impliquée dans un incident à cause des embouteillages créés sur la voie publique ou de larrêt des trains, en cas daccident ferroviaire.
Il est donc nécessaire délaborer des plans dintervention aux échelons local et national. Ces plans doivent allier clarté, souplesse et simplicité. Comme de graves accidents de transport peuvent se produire dans une multitude dendroits, les plans doivent couvrir tous les lieux possibles. Et pour quils soient efficaces à tout moment, dans les régions rurales isolées comme dans les zones urbaines fortement peuplées, toutes les organisations participantes doivent pouvoir intervenir en disposant de la latitude voulue, tout en se conformant aux grands principes de la stratégie globale.
Les premiers intervenants arrivés sur place devraient recueillir le plus dinformations possible pour tenter de cerner les risques que présente la situation. Lintervention sera déterminée par la nature de laccident (déversement, incendie, rejet de substances toxiques ou combinaison de ces possibilités). Les services dintervention devraient connaître les systèmes détiquetage nationaux et internationaux servant à identifier les véhicules transportant des substances dangereuses et des marchandises dangereuses emballées; ils devraient en outre avoir accès à lune ou lautre des nombreuses bases de données nationales et internationales pouvant aider à définir le danger et les problèmes qui en découlent.
Il est capital de maîtriser rapidement la situation. La chaîne de commandement doit être clairement établie. Ainsi, au cours dune même opération, le commandement peut passer des services de secours aux services de police, puis aux pouvoirs publics de la région touchée. Le plan doit permettre de déterminer les effets de laccident sur la population (celle qui travaille ou réside dans la zone potentiellement touchée comme celle qui ne fait quy passer). Les spécialistes de la santé publique doivent être mobilisés pour donner des conseils tant sur la gestion immédiate de lincident que sur ses effets directs et indirects (par le biais de la chaîne alimentaire) à long terme. Les points de contact auprès desquels on peut se renseigner sur la pollution des cours deau et autres sites et sur les effets des conditions météorologiques sur le déplacement des nuages de gaz doivent aussi être identifiés. Le plan doit en outre prévoir une éventuelle évacuation. Les options proposées doivent toutefois demeurer souples, car il faut tenir compte de tout un éventail de coûts/avantages, tant du point de vue de la gestion de lincident que de celui de la santé publique. Les dispositions adoptées doivent énoncer clairement la politique à suivre en ce qui concerne linformation des médias et les mesures prises pour atténuer les répercussions de lincident. Linformation diffusée doit être exacte et pertinente; les porte-parole doivent savoir exactement où en est lintervention et avoir accès aux spécialistes pour répondre aux questions techniques. De mauvaises relations avec les médias peuvent nuire à la gestion de la crise et susciter des commentaires négatifs et parfois injustifiés. Enfin, tout plan doit prévoir un nombre suffisant dexercices théoriques et pratiques pour permettre aux différents acteurs dévaluer leurs points forts et leurs points faibles, tant personnels quorganisationnels.
Malgré labondance des publications sur les déversements de produits chimiques, seuls quelques ouvrages décrivent les conséquences écologiques de ces incidents. La plupart des travaux sont des études de cas. Les descriptions des déversements qui ont eu lieu mettent laccent sur la santé humaine et les problèmes de sécurité et restent vagues sur leurs conséquences écologiques. Il faut savoir que les substances chimiques pénètrent dans lenvironnement surtout en phase liquide. Il est très rare que des accidents ayant des répercussions écologiques touchent aussi immédiatement les êtres humains, et leurs effets sur lenvironnement ne sont généralement pas causés par les mêmes substances chimiques ni par les mêmes voies dentrée.
Diverses mesures de contrôle ont été mises en place pour prévenir les risques que présente le transport des matières dangereuses pour la santé et la vie humaines, notamment: réglementation des quantités transportées, orientation et contrôle des moyens de transport, établissement ditinéraires particuliers, réglementation des points de correspondance et de rassemblement ainsi que des zones situées à proximité. La recherche devrait maintenant mettre laccent sur les critères de risque, la quantification des risques et les équivalences de risque. La Direction de la sécurité et de la santé du Royaume-Uni (United Kingdom Health and Safety Executive) a créé une base de données sur les risques daccidents majeurs (MHIDAS) impliquant des substances chimiques dans le monde entier. Cette base de données contient actuellement des informations sur plus de 6 000 incidents.
Un camion-citerne articulé transportant environ 22 000 litres de toluène circulait sur une grande artère qui traverse Cleveland, au Royaume-Uni, lorsquune voiture se mit en travers de son chemin. En manuvrant pour léviter, le chauffeur fit capoter son véhicule. Les couvercles des cinq compartiments de la citerne souvrirent et le toluène se répandit sur la chaussée, où il senflamma en provoquant un incendie en nappe. Cinq voitures qui circulaient en sens inverse furent prises dans les flammes, mais tous les occupants purent séchapper. Cinq minutes après avoir été appelés, les sapeurs-pompiers étaient sur les lieux. Le liquide en flammes avait pénétré dans les égouts et le feu sétait déjà propagé sur près de 400 m. Le plan dintervention du comté fut aussitôt déclenché, tandis que les services sociaux et les transports publics étaient placés en état dalerte pour le cas où une évacuation serait décidée. Les sapeurs-pompiers semployèrent dabord à éteindre les voitures en feu et à secourir leurs occupants. Ils se mirent ensuite à la recherche dune prise deau appropriée. Un membre de léquipe de sécurité de la société de produits chimiques arriva alors sur les lieux pour coordonner lintervention avec les commandants des services de police et des sapeurs-pompiers. Des employés des services dambulance, de la commission dhygiène environnementale et de la régie des eaux se trouvaient également sur place. Après consultation, on décida de laisser le toluène brûler plutôt que de tenter de léteindre au risque de provoquer des émissions de vapeurs chimiques. Pendant quatre heures, les policiers diffusèrent des mises en garde par les radios nationale et locale, demandant aux gens de rester chez eux et de fermer les fenêtres. La route fut interdite daccès pendant huit heures. Une fois le niveau de toluène redescendu au-dessous de celui des couvercles dans la citerne, on éteignit le feu et récupéra les résidus de toluène. Lincident fut déclaré clos treize heures environ après laccident initial. Les risques étaient considérables à la fois pour la population (du fait du rayonnement thermique), pour lenvironnement (du fait de la pollution de lair, du sol et de leau) et pour léconomie (du fait des perturbations de la circulation). Le plan dintervention prévu par la société de transport a été mis en uvre dans les quinze minutes qui ont suivi laccident et cinq personnes se sont immédiatement rendues sur les lieux. De leur côté, les autorités du comté possédaient un plan dintervention hors site quelles ont, elles aussi, mis en uvre immédiatement par le biais dun centre de contrôle ad hoc réunissant la police et les sapeurs-pompiers. On a procédé au mesurage des concentrations, sans toutefois établir de prévisions sur la dispersion du produit en cause. Lintervention a mobilisé des moyens importants. Une cinquantaine de sapeurs-pompiers, avec laide de dix engins, se sont principalement employés à combattre le feu, à nettoyer les lieux et à contenir le déversement. Plus de quarante policiers ont été affectés à la circulation, à linformation de la population, à la sécurité et aux communications avec les médias. Les services de santé ont dépêché sur les lieux deux ambulances et deux assistants médicaux. Ladministration locale a mis à contribution ses services dhygiène environnementale et de transport, ainsi que ses services sociaux. La population a été tenue au courant au moyen de haut-parleurs, de messages diffusés à la radio et par le bouche-à-oreille. Linformation mettait laccent sur la conduite à tenir et, notamment, sur la nécessité de se mettre à labri à lintérieur des habitations. Deux personnes ont été admises à lhôpital un passant et un employé de la compagnie, tous deux blessés lors de laccident. Lair a été pollué, mais la contamination du sol et de leau est restée limitée. Sur le plan économique, les dommages causés à la route ont été considérables et la circulation grandement perturbée, mais on na perdu ni récolte, ni bétail, ni production. Plusieurs leçons ont été tirées de lévénement. Le recours rapide aux données du système Chemdata et la présence sur place dun expert technique de la société de transport se sont révélés fort utiles et ont permis de prendre immédiatement les mesures qui simposaient. On a pu aussi constater combien il est important de coordonner les déclarations à la presse. On a vu, enfin, quil faut toujours tenir compte de limpact environnemental de la lutte contre lincendie: en effet, si le feu avait été combattu dès le début de lincident, un volume considérable de liquide contaminé (eau utilisée pour éteindre le feu et toluène) aurait pu pénétrer dans les égouts, dans les réserves deau et dans le sol. |
Les accidents radiologiques peuvent avoir trois origines, en dehors du transport de produits radioactifs:
Il existe deux types de situations accidentelles pouvant toucher des populations différentes, selon quun rejet ou la dispersion de radionucléides dans lenvironnement se produit ou non.
La contamination de lenvironnement entraîne un risque dexposition du public dont limportance et la durée dépendent de la quantité et des caractéristiques des radionucléides rejetés (demi-vie, propriétés physico-chimiques) (voir tableau 39.18). Elle survient lors de la rupture des barrières interposées entre lenvironnement et les radioéléments, à la suite daccidents sur des installations nucléaires ou mettant en jeu des sources industrielles ou médicales. En labsence de rejet, lexposition reste circonscrite, dans la majorité des cas, aux travailleurs présents sur les installations ou manipulant les appareils ou des substances radioactives. Ces accidents se rencontrent aussi bien dans les installations nucléaires que dans les autres domaines dutilisation des radioéléments (industrie, médecine, recherche).
Radionucléides |
Symbole |
Rayonnements émis |
Période physique* |
Demi-vie biologique après incorporation* |
Barium 133 |
Ba-133 |
γ |
10,7 a |
65 j |
Cérium 144 |
Ce-144 |
β, γ |
284 j |
263 j |
Césium 137 |
Cs-137 |
β, γ |
30 a |
109 j |
Cobalt 60 |
Co-60 |
β, γ |
5,3 a |
1,6 a |
Iode 131 |
I-131 |
β, γ |
18 j |
7,5 j |
Plutonium 239 |
Pu-239 |
α, γ |
24 065 a |
50 a |
Polonium 210 |
Po-210 |
α |
138 j |
27 j |
Strontium 90 |
Sr-90 |
β |
29,1 a |
18 a |
Tritium |
H-3 |
β |
12,3 a |
10 j |
* a: années; j: jours.
Quil sagisse des travailleurs ou du public, il existe différents modes dexposition qui peuvent être associés: lirradiation externe, lirradiation interne et la contamination de la peau ou de plaies.
Lirradiation externe se produit lorsquun individu reçoit les rayonnements dune source radioactive située à lextérieur de lorganisme. La source peut être ponctuelle (source de téléthérapie ou dirradiation) ou diffuse (nuage et dépôts radioactifs dun accident) (voir figure 39.5). Lirradiation peut être locale, quand seule une partie du corps a été exposée, ou encore globale, lorsque lensemble de lorganisme est irradié.
Lirradiation interne est consécutive à lincorporation de subs-tances radioactives dans lorganisme (voir figure 39.5). Lincorporation peut résulter de linhalation de particules radioactives en suspension dans lair (par exemple, césium 137, iode 131 présents dans le nuage de Tchernobyl). Elle peut aussi se faire par ingestion de corps radioactifs passés dans la chaîne alimentaire. Par exemple, liode 131 se concentre dans le lait. Selon les caractéristiques des radionucléides, lirradiation interne peut toucher lorganisme entier ou des organes particuliers. Par exemple, le césium 137 diffuse dans lensemble des tissus de façon homogène tandis que liode 131 se concentre dans la thyroïde et le strontium 90 dans les os.
Enfin, la contamination de la peau ou dune plaie se produit lorsque des corps radioactifs sont en contact direct avec celles-ci.
Les installations nucléaires comprennent les centrales nucléaires (réacteurs de puissance), les réacteurs expérimentaux, les installations du cycle du combustible nucléaire (usines de fabrication de combustible ou de retraitement du combustible irradié) et, enfin, les laboratoires de recherche. Dans le domaine militaire, il existe des réacteurs de production de plutonium et des réacteurs «embarqués» de propulsion de navires ou de sous-marins nucléaires.
Pour produire de lélectricité à partir de lénergie nucléaire, il faut récupérer, sous forme de chaleur, lénergie libérée par la fission des atomes. Schématiquement, une centrale nucléaire est constituée: 1) dun cur contenant le combustible (en général, 80 à 120 t doxyde duranium pour les réacteurs à eau sous pression) dans lequel a lieu la réaction de fission; 2) de circuits transportant la chaleur grâce à un fluide caloporteur; 3) dune installation, similaire aux installations non nucléaires de production délectricité, qui transforme cette chaleur en électricité.
Le risque majeur de ces installations est la survenue dévénements pouvant induire des augmentations de puissance massives et brutales, provoquer la fusion du cur et entraîner le rejet de produits radioactifs hors de linstallation. Deux accidents sont survenus dans le passé, lun à Three Mile Island (1979, Pennsylvanie, Etats-Unis), lautre à Tchernobyl (1986, Ukraine). Tous deux correspondaient à une fusion plus ou moins importante du cur du réacteur.
Laccident de Tchernobyl est un accident dit de «criticité»: la réaction nucléaire sest emballée, cest-à-dire quune augmentation soudaine et rapide des réactions de fission sest produite en quelques secondes, échappant à tout contrôle. Elle a entraîné la destruction complète du cur du réacteur et provoqué un rejet massif de radioactivité directement dans lenvironnement (voir tableau 39.19). Ce rejet a atteint une hauteur de 2 km, ce qui a favorisé sa dispersion sur de grandes distances (hémisphère Nord, essentiellement). Les modalités de dispersion du nuage radioactif sont complexes, du fait des changements météorologiques durant la période des rejets (voir figure 39.6) (AIEA, 1991).
Accidents |
Type d’installation |
Mécanisme de l’accident |
Quantité totale d’activité rejetée (GBq) |
Durée des rejets |
Principaux radionucléides rejetés |
Dose collective (hSv) |
Kyshtym, 1957 |
Réservoir de produits de fission de haute activité |
Explosion chimique |
740 x 106 |
Quasi instantanée |
Strontium 90 |
2 500 |
Windscale, 1957 |
Réacteur de production de plutonium |
Incendie |
7,4 x 106 |
Environ 23 heures |
Iode 131, |
2 000 |
Three Mile Island, 1979 |
Réacteur industriel PWR |
Défaut de refroidissement |
555 |
? |
Iode 131 |
16-50 |
Tchernobyl, 1986 |
Réacteur industriel RBMK |
Criticité |
3 700 x 106 |
Plus de 10 jours |
Iode 131, iode 132, |
600 000 |
Source: UNSCEAR, 1993.
Des cartes de contamination ont été établies à partir de mesures environnementales portant sur le césium 137, un des principaux radioéléments rejetés (voir tableaux 39.18 et 39.19). En Biélorussie, Russie et Ukraine, trois zones géographiques ont été fortement contaminées (voir figure 39.7). La superficie des zones contaminées, les types de populations et leurs modes dexposition sont indiqués au tableau 39.20. Dans le reste de lEurope, les dépôts ont été moins importants (voir figure 39.8) (UNSCEAR, 1988).
Types de population |
Superficie (km2) |
Effectifs de population (milliers) |
Modes d’exposition prédominants |
Populations professionnellement exposées |
|||
Employés sur place au moment de l’accident |
|
~0,44 |
Irradiation externe,inhalation, contamination cutanée causées par le réacteur endommagé, ses fragments dispersés sur le site et par l’eau, les vapeurs et les poussières radioactives |
Sapeurs-pompiers |
|
~0,12 |
|
Liquidateurs* |
|
600-800 |
Irradiation externe, inhalation, contamination cutanée |
Population générale |
|||
Evacuée de la zone interdite dans les premiers jours |
|
115 |
Irradiation externe causée par le nuage, inhalation de particules radioactives en suspension dans le nuage |
Résidant dans les territoires contaminés** |
Irradiation externe causée par les dépôts, ingestion de produits contaminés |
||
>1,5 (>40) |
3 100 |
33 |
|
Résidant sur le reste du territoire |
|
280 000 |
Irradiation externe causée par les dépôts, ingestion de produits contaminés |
*Personnes ayant participé aux tâches d’assainissement dans un périmètre de 30 km autour du site. Il s’agit aussi bien des sapeurs-pompiers, des militaires, des techniciens et des ingénieurs qui sont intervenus dans les premières semaines que des médecins et des chercheurs impliqués plus tard.
**Niveaux de contamination en césium 137.
Source: UNSCEAR, 1988; AIEA, 1991.
Laccident de Three Mile Island a été causé par un «défaut de refroidissement» du cur du réacteur pendant plusieurs heures. Cest un accident thermique sans emballement de la réaction nucléaire. Le cur a été partiellement détruit. Du fait de la présence dune enceinte de confinement, une quantité limitée de radioactivité a été rejetée dans lenvironnement (voir tableau 39.19). Néanmoins, 200 000 personnes ont spontanément évacué la région bien quaucun ordre dévacuation nait été donné.
Un accident sest également produit dans un réacteur de production de plutonium sur la côte ouest de lAngleterre (Windscale), en 1957 (voir tableau 39.19) à la suite dun incendie du cur. Cet accident a provoqué un rejet de radioactivité dans lenvironnement par une cheminée de 120 m de haut.
Ces installations (voir figure 39.9) comportent, en amont des réacteurs, des usines de fabrication de combustible (extraction du minerai et transformation physique et chimique de luranium en «éléments combustibles» utilisables dans les réacteurs). Des risques daccident existent sur les installations de transformation: ils sont surtout de nature chimique et liés à la présence dun composé de luranium sous forme gazeuse, lhexafluorure duranium (UF6). Celui-ci peut produire, en se décomposant à lair, de lacide fluorhydrique (HF), un gaz chimiquement très corrosif.
En aval des réacteurs, il existe des installations pour stocker le combustible irradié ou pour le retraiter. Quatre accidents de criticité lors dopérations chimiques de retraitement duranium enrichi ou de plutonium se sont produits dans le passé (Rodrigues, 1987). Les quantités de substances radioactives en jeu étaient faibles (quelques dizaines de kilogrammes, au maximum), comparées à celles des réacteurs de puissance. Les effets mécaniques de ces accidents sont toujours restés négligeables, sans rejet vers lextérieur des installations. Seuls les travailleurs présents ont été exposés et ont subi une irradiation externe par des rayonnements gamma et des neutrons pendant des temps très courts (quelques minutes) et à des doses très élevées.
Un accident sest produit en 1957 sur un réservoir de stockage de déchets fortement radioactifs, dans le premier complexe nucléaire construit dans le sud de lOural (Russie) pour la fabrication du plutonium à des fins militaires (accident de Kyshtym) (voir tableaux 39.19 et 39.21). Le réservoir, insuffisamment refroidi, a explosé, provoquant le rejet de 740 PBq (20 MCi) dans latmosphère et la contamination de plus de 16 000 km2 (Akleyev, 1994).
Contamination (kBq/m2) |
(Ci/km2) |
Superficie (km2) |
Population |
≥ 37 000 |
≥ 1 000 |
20 |
1 240 |
≥ 3 700 |
≥ 100 |
120 |
1 500 |
≥ 74 |
≥ 2 |
1 000 |
10 000 |
≥ 3,7 |
≥ 0,1 |
15 000 |
270 000 |
Les risques de ces installations sont similaires à ceux des centrales nucléaires, quoique de moindre importance en raison de leur puissance beaucoup plus faible. Plusieurs accidents de criticité entraînant des irradiations significatives de personnels se sont produits sur ces installations (Rodrigues, 1987).
La perte de sources radioactives utilisées en gammagraphie industrielle (par exemple, pour linspection radiographique de joints ou de soudures) est laccident le plus fréquent. La perte de sources à usage médical sest également produite (voir tableau 39.22). Deux scénarios sont alors possibles. La source peut être emportée et conservée par une personne durant quelques heures (par exemple, dans la poche), puis signalée et restituée; elle provoque alors des brûlures localisées. Elle peut également être emportée à domicile, où lirradiation prolongée de nombreuses personnes est alors possible.
Pays (année) |
Nombre de personnes exposées |
Nombre de personnes ayant reçu des doses élevées* |
Nombre de personnes décédées** |
Source radioactive impliquée |
Mexique (1962) |
? |
5 |
4 |
Cobalt 60 |
Chine (1963) |
? |
6 |
2 |
Cobalt 60 |
Algérie (1978) |
22 |
5 |
1 |
Iridium 192 |
Maroc (1984) |
? |
11 |
8 |
Iridium 192 |
Mexique |
~4 000 |
5 |
0 |
Cobalt 60 |
Brésil, |
249 |
50 |
4 |
Césium 137 |
Chine |
~90 |
12 |
3 |
Cobalt 60 |
Etats-Unis, |
~90 |
1 |
1 |
Iridium 192 |
* Personnes exposées à des doses ayant pu entraîner des effets aigus (décès inclus) ou des séquelles.
** Parmi les personnes ayant reçu des doses élevées.
Source: Nénot, 1993.
Des accidents ont eu lieu à la suite de la récupération dappareils de téléthérapie par des ferrailleurs. Ceux-ci avaient démonté les têtes des appareils renfermant les sources radioactives pour récupérer leurs matériaux et les ont ainsi mises à nu. Deux accidents importants de ce type ont entraîné une exposition du public: Ciudad Juárez (Mexique) et Goiânia (Brésil) (voir tableau 39.22 et encadré).
Entre le 21 et le 28 septembre 1987, plusieurs personnes furent admises à lhôpital des maladies tropicales de Goiânia, ville dun million dhabitants dans lEtat de Goias, au Brésil. Elles présentaient toutes des troubles similaires: vomissements, diarrhée, vertiges et lésions cutanées localisées en divers endroits du corps. Ces troubles furent attribués à une maladie parasitaire fréquente au Brésil. Le 28 septembre, le médecin responsable du service de vigilance sanitaire de la ville reçut la visite dune femme qui lui apportait un sac contenant des débris dun appareil récupéré dans une clinique désaffectée et une poudre qui émettait, au dire de cette personne, «une lueur bleue». Pensant que lappareil était probablement un appareil à rayons X, le médecin contacta ses collègues de lhôpital des maladies tropicales. Le département de lenvironnement de lEtat de Goias fut averti et, le lendemain, un physicien vint effectuer des mesures dans la cour du service dhygiène où le sac avait été déposé la veille. Il constata des niveaux de radioactivité très élevés. Les investigations déclenchées par les autorités compétentes permirent de remonter à lorigine de la source: il sagissait dune source de césium 137, dune activité totale denviron 50 TBq (1375 Ci). Elle provenait dun appareil de téléthérapie laissé à labandon dans les locaux dune clinique désaffectée depuis 1985. La tête de lappareil avait été démontée le 10 septembre 1987 par deux ferrailleurs et la source de césium, sous forme de poudre, avait été progressivement séparée de son enveloppe de protection. Cette substance insolite et les fragments de lappareil quelle avait contaminés avaient été peu à peu disséminés en plusieurs endroits de la ville. De nombreuses personnes les ayant transportés, manipulés ou simplement examinés parents, amis, voisins furent contaminées. Au total, sur plus de 100 000 personnes examinées, 129 avaient été très sérieusement contaminées, 50 durent être hospitalisées (dont 14 pour insuffisance médullaire) et 4 sont décédées, dont une petite fille âgée de 6 ans. Les conséquences économiques et sociales de laccident furent dramatiques, pour lensemble de la ville de Goiânia, dont 1/1 000e de la superficie a été touché, mais aussi pour lEtat de Goias: les prix agricoles, les loyers, la valeur des biens immobiliers et des terrains ont chuté et les habitants de lEtat tout entier subirent une véritable discrimination. Source: AIEA, 1989a. |
Laccident de Ciudad Juárez a été découvert fortuitement (AIEA, 1989b). Le 16 janvier 1984, un camion transportant des barres dacier déclenche un détecteur de rayonnements lors de son entrée dans un laboratoire scientifique de Los Alamos (Nouveau-Mexique, Etats-Unis). Les investigations permettent détablir la présence de cobalt 60 dans les barres et de remonter à leur origine: une fonderie située au Mexique. Le 21 janvier, la provenance des matériaux contaminés est établie: il sagit dun dépôt de ferraille situé à Ciudad Juárez et qui savère fortement contaminé. Une surveillance systématique des routes et des autoroutes par des détecteurs repère un camion massivement contaminé et permet de retracer lorigine de la source: un appareil de téléthérapie stocké dans un centre médical. En décembre 1983, cet appareil avait été démonté et transporté chez un ferrailleur, et la capsule protégeant la source avait été rompue, libérant des pastilles de cobalt-60. Certaines dentre elles étaient tombées dans le camion utilisé pour le transport et les autres avaient été dispersées dans le dépôt de ferraille lors de manipulations, se mélangeant aux débris de ferraille entreposés.
Sur les irradiateurs industriels (utilisés, par exemple, pour la préservation daliments, la stérilisation de produits médicaux ou encore la polymérisation de substances chimiques), des accidents se sont produits lorsque des travailleurs ont pénétré dans les chambres dirradiation alors que les appareils fonctionnaient encore. Chaque fois, les règles de sécurité navaient pas été respectées et les systèmes de sécurité et dalarme étaient déconnectés ou défectueux. Ces travailleurs ont subi de ce fait une irradiation externe à des débits de dose très élevés (doses mortelles en quelques minutes ou secondes) (voir tableau 39.23).
Lieu, date |
Appareil |
Victimes |
Niveaux, durée d’exposition |
Organes et tissus touchés |
Doses reçues (Gy) |
Conséquences médicales |
Forbach, août 1991 |
AE* |
2 |
Quelques dGy/ seconde |
Mains, tête, tronc |
40, peau |
Brûlures sur 25 à 60 % de la surface corporelle |
Maryland, décembre 1991 |
AE |
1 |
? |
Mains |
55, mains |
Amputations des doigts aux 2 mains |
Viet Nam, novembre 1992 |
AE |
1 |
1 000 Gy/ minute |
Mains |
1,5 corps entier |
Amputation de la main droite et d’un doigt de la main gauche |
Italie, mai 1975 |
IC* |
1 |
Quelques minutes |
Tête et corps entier |
8, moelle osseuse |
Décès |
San Salvador, février 1989 |
IC |
3 |
? |
Corps entier, jambes et pieds |
3-8, corps entier |
2 amputations de la jambe |
Israël, juin 1990 |
IC |
1 |
1 minute |
Tête et corps entier |
10-20 |
Décès |
Biélorussie, octobre 1991 |
IC |
1 |
Quelques minutes |
Corps entier |
10 |
Décès |
*AE: accélérateur d’électrons; IC: irradiateur cobalt 60.
Source: Zerbib, 1993; Nénot, 1993.
Enfin, des expositions accidentelles de travailleurs aboutissant à des contaminations de la peau ou de plaies, ou encore à lingestion ou linhalation de substances radioactives peuvent se produire lors de la préparation ou de la manipulation de sources radioactives (personnel médical et scientifique). Il faut mentionner que ce type daccident existe aussi dans les installations du cycle nucléaire.
Le bilan des accidents radiologiques est assuré grâce à un registre mondial (United States Radiation Accident Registry) établi à Oak Ridge (Etats-Unis) dans lequel sont consignés depuis 1944 les accidents survenant dans le monde entier faisant lobjet dune publication et conduisant à lexposition de personnes à des doses supérieures à 0,25 Sv au corps entier ou 6 Sv à la peau, ou encore 0,75 Sv aux autres tissus ou organes (voir encadré pour la définition du Sievert). Ce registre exclut les accidents ayant pu conduire à des expositions plus faibles, mais néanmoins significatives sur le plan de la santé publique (voir ci-après les conséquences des irradiations). Le bilan des accidents radiologiques et nucléaires entre 1944 et 1988 montre une nette augmentation de leur nombre au cours de la période 1980-1988 (voir tableau 39.24). Le nombre de personnes impliquées dans les accidents a également augmenté de façon très importante. Cette hausse reflète probablement linclusion dans le bilan des populations exposées à Tchernobyl, notamment les 13 500 personnes qui résidaient initialement dans la zone interdite des 30 km. De plus, les accidents de Goiânia et de Ciudad Juárez se sont aussi produits durant cette période, entraînant lexposition significative dun grand nombre de personnes (voir tableau 39.22).
Dans le domaine des rayonnements ionisants, la dose est définie de plusieurs façons dont chacune correspond à un objectif différent. La dose absorbéeLa dose absorbée est la définition qui se rapproche le plus dune dose au sens pharmacologique quantité de substance administrée à un sujet rapportée à lunité de poids (ou de surface). Elle représente la quantité dénergie communiquée par les rayonnements ionisants par unité de masse de matière. Elle se mesure en grays (1 Gy = 1 joule/kg). Lorsquun individu est exposé de façon homogène par exemple par irradiation externe par les rayonnements dorigine cosmique et terrestre ou par irradiation interne par le potassium 40 présent dans lorganisme tous les organes et tissus reçoivent la même dose et lon peut parler de «dose corps entier». Quand un individu est exposé de façon hétérogène à des rayonnements ionisants, certains organes ou tissus vont recevoir une dose beaucoup plus importante que le reste de lorganisme: il est plus intéressant alors, du point de vue des effets de cette exposition, de parler de «dose à lorgane». Par exemple, linhalation des produits de filiation du radon entraîne essentiellement une dose aux poumons, alors que lincorporation diode radioactif provoque surtout une irradiation de la thyroïde: on parlera alors respectivement de dose aux poumons et de dose à la thyroïde. Cependant, dautres unités de dose ont été construites, pour tenir compte des différences deffets entre les types de rayonnements et des différences de radiosensibilité des tissus et organes. La dose équivalenteLapparition deffets biologiques (tels que linhibition de croissance cellulaire, la mort cellulaire, lazoospermie) dépend de la dose absorbée, mais également du type de rayonnement. Les rayonnements alpha ont un pouvoir ionisant plus important que les rayonnements bêta ou gamma. Cette différence est prise en compte dans le calcul de la dose équivalente en appliquant des facteurs de pondération appelés «facteurs de pondération pour les rayonnements». Par exemple, pour les rayonnements gamma et bêta à faible pouvoir ionisant, le facteur de pondération a été fixé à 1. Pour les particules alpha à pouvoir ionisant élevé, le facteur de pondération a été fixé à 20 [CIPR 60]. Lunité de la dose équivalente est le sievert (Sv). La dose efficaceLors dune irradiation hétérogène (par exemple, lors de lexposition à divers radionucléides irradiant des organes différents), il peut être intéressant de combiner les doses reçues par les différents organes ou tissus pour calculer une «dose» globale. On tient compte pour cela de la sensibilité des tissus aux effets des rayonnements ionisants en appliquant, pour les tissus et les organes, des facteurs de pondération déterminés à partir des résultats des études épidémiologiques antérieures sur les cancers radio-induits. On calcule ainsi la dose efficace dont lunité est encore appelée le sievert (Sv) [CIPR 60]. La dose efficace nest, par conséquent, pas adaptée à lévaluation épidémiologique des effets de lexposition aux rayonnements ionisants, mais elle a été conçue dans un objectif de radioprotection, cest-à-dire de gestion des risques. La dose collectiveLa dose collective reflète lexposition dun groupe ou dune population et non plus dun individu. Elle est calculée en cumulant les doses individuelles reçues ou en multipliant la dose individuelle moyenne par le nombre de personnes exposées dans les groupes ou populations considérés. Lunité est «lhomme sievert» (h.Sv). La dose collective permet dévaluer les conséquences de lexposition aux rayonnements ionisants à léchelle dune population ou dun groupe. |
Période |
1944-1979 |
1980-1988 |
1944-1988 |
Nombre total d’accidents |
98 |
198 |
296 |
Nombre de personnes impliquées |
562 |
136 053 |
136 615 |
Nombre de personnes exposées à des doses supérieures aux critères* |
306 |
24 547 |
24 853 |
Nombre de décès (effets aigus) |
16 |
53 |
69 |
* 0,25 Sv au corps entier, 6 Sv à la peau, 0,75 Sv aux autres tissus et organes.
Il faut établir une distinction entre les personnes professionnellement exposées aux rayonnements ionisants et le public. Selon le Comité scientifique des Nations Unies pour létude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) (UNSCEAR, 1993), le nombre des personnes professionnellement exposées aux rayonnements ionisants dans le monde peut être estimé, pour la période 1985-1989, à 4 millions, dont 20% environ dans le cycle du combustible nucléaire (voir tableau 39.25). Le parc des irradia-teurs dans les pays membres de lAIEA était évalué en 1992 à 760 installations, dont 600 accélérateurs délectrons et 160 irradiateurs gamma.
Type d’activité |
1975-1979 |
1980-1984 |
1985-1989 |
Cycle du combustible nucléaire* |
560 |
800 |
880 |
Domaine militaire** |
310 |
350 |
380 |
Utilisations industrielles |
530 |
690 |
560 |
Utilisations médicales |
1 280 |
1 890 |
2 220 |
Total |
2 680 |
3 730 |
4 040 |
* Fabrication et retraitement de combustibles: 40 000; exploitation de réacteurs: 430 000.
** Dont 190 000 sur navires.
Source: UNSCEAR, 1993.
En ce qui concerne la population en général, la répartition des installations nucléaires selon les pays fournit une indication quant aux zones dexposition potentielle (voir figure 39.10).
Les effets des rayonnements ionisants sont dans lensemble bien connus. Leur nature dépend à la fois du niveau de dose reçue et du débit de dose (dose reçue par unité de temps (voir encadré).
Ils surviennent lorsque la dose dépasse un certain seuil et lorsque le débit de dose est élevé. Le seuil de dose est variable selon lorgane (voir tableau 39.26). Plus la dose est élevée, plus leffet est grave.
Tissu et effet |
Dose équivalente reçue à l’organe en une exposition unique (Sv) |
Testicules |
|
Stérilité temporaire |
0,15 |
Stérilité définitive |
3,5-6,0 |
Ovaires |
|
Stérilité |
2,5-6,0 |
Cristallin |
|
Opacités détectables |
0,5-2,0 |
Diminution de la vue (cataracte) |
5,0 |
Moelle osseuse |
|
Dépression de l’hématopoïèse |
0,5 |
Source: CIPR, 1991.
Lors des accidents qui viennent dêtre passés en revue, des effets déterministes peuvent survenir après une irradiation grave localisée: irradiation externe par une source, contact direct avec une source (source égarée emportée et mise en poche) ou encore contamination cutanée. Ces irradiations entraînent des brûlures radiologiques qui saccompagnent de nécrose des tissus lorsque la dose locale est très importante, de 20 à 25 Gray (Gy) (voir tableau 39.23 et encadré). Lorsque lirradiation est globale et la dose supérieure en moyenne à 0,5 Gy, elle peut provoquer un syndrome dirradiation aiguë, se traduisant par des troubles digestifs (nausées, vomissements, voire diarrhée) et une aplasie plus ou moins sévère de la moelle osseuse. Irradiations globales et localisées peuvent être combinées.
Lors des accidents de criticité dans les installations de traitement du combustible ou dans les réacteurs de recherche, 9 décès sont survenus parmi les 60 travailleurs exposés (Rodrigues, 1987). Les personnes décédées avaient reçu entre 3 et 45 Gy, tandis que pour les survivants, les doses étaient comprises entre 0,1 et 7 Gy. Parmi les survivants, on a mis en évidence des syndromes dirradiation aiguë (gastro-intestinaux et hématologiques), des cataractes bilatérales et des nécroses de membres nécessitant une amputation.
Lors de laccident de Tchernobyl, le personnel de la centrale et les équipes de secours qui sont intervenus sans protection particulière ont subi dans les premières heures ou les journées suivant laccident dintenses irradiations bêta et gamma. Cinq cents personnes ont été hospitalisées, dont 237 pour un syndrome dirradiation aiguë; 28 sont décédées malgré les traitements (voir tableau 39.27) (UNSCEAR, 1988). Dautres ont subi des irradiations localisées (membres et extrémités, parfois plus de 50% de la surface corporelle) et portent encore, après plusieurs années, de nombreuses séquelles cutanées (Peter et coll., 1994).
Degré de sévérité du SIR |
Dose correspondante (Gy) |
Nombre de sujets |
Nombre de décès (%) |
Délai moyen de survie (jours) |
I |
1-2 |
140 |
– |
– |
II |
2-4 |
55 |
1 (1,8) |
96 |
III |
4-6 |
21 |
7 (33,3) |
29,7 |
IV |
> 6 |
21 |
20 (95,2) |
26,6 |
Source: UNSCEAR, 1988.
Ces effets sont de nature probabiliste: leur fréquence augmente avec la dose reçue, mais leur gravité est indépendante de la dose. Les principaux effets stochastiques sont:
Site de cancer |
Hiroshima/Nagasaki |
Autres études |
|
|
Mortalité |
Incidence |
Etudes positives/total1 |
Système hématopoïétique |
|
|
|
Leucémies |
+* |
+* |
6/11 |
Cavité orale |
+ |
+ |
0/1 |
Glandes salivaires |
|
+* |
1/3 |
Système digestif |
|
|
|
sophage |
+* |
+* |
2/3 |
Système respiratoire |
|
|
|
Cavité nasale |
|
|
|
Peau |
|
|
|
Non spécifié |
|
|
1/3 |
Seins (femmes) |
+* |
+* |
9/14 |
Tractus génital |
|
|
|
Utérus (non spécifié) |
+ |
+ |
2/3 |
Tractus urinaire |
|
|
|
Vessie |
+* |
+* |
3/4 |
Système nerveux central |
+ |
+ |
2/4 |
Thyroïde |
|
+* |
4/7 |
Os |
|
|
2/6 |
Tissu conjonctif |
|
|
0/4 |
Tous cancers, sauf leucémies |
|
|
1/2 |
+ Sites étudiés chez les survivants d'Hiroshima et de Nagasaki. * Sites pour lesquels un excès significatif a été mis en évidence.
1 Etudes de cohortes (incidence ou mortalité) et études cas témoins.
Source: UNSCEAR, 1994.
Deux points importants sur les effets des rayonnements ioni-sants restent cependant controversés ou ne sont pas encore connus avec précision:
Premièrement, quels sont les effets dune irradiation à faible dose (inférieure à 0,2 Sv) et à faible débit de dose? A lexception de lexposition au radon, la plupart des études épidémiologiques servant de base à la quantification des risques concernent des populations exposées durant des périodes très brèves à des doses relativement élevées (survivants dHiroshima et de Nagasaki, personnes irradiées pour des raisons thérapeutiques); lévaluation des risques de cancer aux doses et débits de dose plus faibles repose sur des extrapolations, essentiellement à partir des résultats des études chez les survivants dHiroshima et de Nagasaki. Plusieurs études effectuées chez les travailleurs du nucléaire, dont les expositions sont faibles et sétalent sur quelques années ou plus, ont mis en évidence des niveaux de risque (pour les leucémies, dune part, et les autres cancers, dautre part) compatibles avec ces extrapolations (UNSCEAR, 1994; Cardis, 1995); ces résultats devront être confirmés.
Deuxièmement, existe-t-il un seuil de dose en deçà duquel il ny aurait pas deffet? Pour le moment, cette question reste sans réponse. Des études expérimentales ont montré que les dommages, dus à des erreurs spontanées ou à des facteurs environnementaux, que subit en permanence le matériel génétique, lADN, sont constamment réparés. Mais ces réparations ne sont pas toujours efficaces et elles aboutissent parfois à la transformation maligne de cellules (UNSCEAR, 1994).
Il faut enfin mentionner les effets tératogènes dune irradiation en cours de grossesse. Ceux-ci nont été observés que chez les enfants des survivants dHiroshima et de Nagasaki, lors dune irradiation au cours du premier trimestre de la grossesse. Il sagissait de microcéphalies et de retards mentaux (Otake, Schull et Yoshimura, 1989; Otake et Schull, 1992). Il est difficile de se prononcer sur la nature stochastique ou déterministe de ces effets, bien que les analyses suggèrent lexistence dun seuil de lordre de 0,1 à 0,2 Gy, pour les retards mentaux uniquement.
La catastrophe de Tchernobyl est laccident nucléaire le plus important qui se soit produit jusquici. Cependant, lensemble des conséquences sur la santé des populations les plus exposées na pas, 10 ans après, été évalué de façon précise. Il y a plusieurs raisons à cela:
Travailleurs. On manque, pour le moment, dinformations sur le suivi de lensemble des personnes fortement irradiées dans les premiers jours de laccident. En ce qui concerne les liquidateurs (voir tableau 39.20), des études sont en cours pour étudier les risques de cancers solides et de leucémies. Ces études se heurtent à plusieurs difficultés. De nombreux liquidateurs provenaient de différentes régions de lex-URSS et sont repartis après avoir travaillé sur le site de Tchernobyl; cet éloignement entrave évidemment leur suivi sanitaire régulier. De plus, des questions se posent quant à la fiabilité des données de lépoque pour évaluer les doses individuelles reçues. Elles devront donc être «reconstruites» de façon rétrospective.
Population générale. Le seul effet vraisemblablement lié aux rayonnements ionisants observé à ce jour dans la population est laugmentation, à partir de 1989, de lincidence du cancer de la thyroïde chez les enfants de moins de 15 ans. Elle a été mise en évidence en Biélorussie à partir de 1989, trois années seulement après laccident. Les données ont été analysées et confirmées par différents groupes dexperts (Williams et coll., 1993). Laugmentation est particulièrement marquée dans les régions les plus contaminées de Biélorussie, notamment la région de Gomel. Alors que le cancer de la thyroïde est très rare avant lâge de 15 ans (de 0,1 à 0,3 cas pour 100 000 et par an), son incidence chez lenfant a été multipliée par 10 sur lensemble du pays et par 20 environ dans la région de Gomel (voir tableau 39.29 et figure 39.11) (Stsjazhko et coll., 1995). Une augmentation plus tardive a également été rapportée en Ukraine (multiplication de lincidence par 10 dans les 5 régions les plus contaminées), puis dans la région de Briansk, en Russie (voir tableau 39.29). Par ailleurs, une augmentation chez ladulte est suspectée, mais non confirmée.
|
Incidence pour 100 000 |
Nombre de cas |
||
|
1981-1985 |
1991-1994 |
1981-1985 |
1991-1994 |
Biélorussie |
||||
Ensemble du pays |
0,3 |
3,06 |
3 |
333 |
Région de Gomel |
0,5 |
9,64 |
1 |
164 |
Ukraine |
||||
Ensemble du pays |
0,05 |
0,34 |
25 |
209 |
Cinq régions les plus contaminées |
0,01 |
1,15 |
1 |
118 |
Russie |
||||
Ensemble du pays |
? |
? |
? |
? |
Régions de Briansk et Kalouga |
0 |
1,00 |
0 |
20 |
* L’incidence désigne un taux: c’est le rapport entre le nombre de nouveaux cas d’une maladie pendant une période donnée et l’effectif de la population concernée pendant la même période.
Source: Stsjazhko et coll., 1995.
La mise en place, dans les régions contaminées, de campagnes de dépistage systématique (notamment à laide dexamens écho-graphiques permettant de détecter des tumeurs thyroïdiennes de quelques millimètres de diamètre), a pu révéler des cancers latents qui existaient avant laccident. Mais les caractéristiques des cancers décelés (tumeurs agressives et rapidement évolutives en majorité) et lampleur de laugmentation permettent de penser que celle-ci est due en partie à laccident.
Lors de celui-ci, une importante quantité diode a été rejetée. En labsence de mesure de prévention, liode radioactif se fixe préférentiellement sur la thyroïde. Dans les zones les plus contaminées après laccident (région de Gomel, par exemple), les doses à la thyroïde étaient élevées, particulièrement chez les enfants (Williams et coll., 1993).
Lexposition aux rayonnements est un facteur de risque bien documenté pour le cancer de la thyroïde. Une douzaine détudes portant sur des enfants ayant subi une irradiation externe de la tête et du cou à des fins médicales ont montré une nette augmentation de lincidence du cancer de la thyroïde. Dans la majorité de ces études, laugmentation devient nette au bout de 10 à 15 ans, mais elle est parfois détectée entre 3 à 7 ans après lexposition. Par contre, les effets dune irradiation interne par liode-131 et par des isotopes diode à période courte chez lenfant ne sont pas bien établis (Shore, 1992).
Lampleur exacte et lévolution dans les prochaines années de laugmentation de lincidence du cancer de la thyroïde dans les populations les plus exposées après laccident de Tchernobyl devront être précisées. Les études épidémiologiques en cours devraient permettre de quantifier les risques de cancer de la thyroïde en fonction du niveau de dose à la thyroïde et de préciser le rôle éventuel dautres facteurs de risque, génétiques ou environnementaux (en effet, la carence en iode est fréquente dans les régions concernées).
Par ailleurs, parmi les effets qui étaient attendus entre 5 et 10 ans après la catastrophe de Tchernobyl dans les populations les plus exposées, figurait laugmentation de lincidence des leucémies. Pour le moment, aucun excès de leucémie na été observé dans les zones les plus contaminées, y compris chez lenfant, qui est pourtant plus sensible aux effets des rayonnements ionisants. Cependant, les études effectuées jusquici comportent des limites méthodologiques et ne permettent pas de conclure de façon définitive à labsence dexcès de leucémies.
La survenue de troubles psychiques plus ou moins sévères à la suite dun traumatisme psychique est bien établie et a été abondamment étudiée à la suite de catastrophes environnementales (inondations, éruptions volcaniques, tremblements de terre). Létat de stress post-traumatique en représente une conséquence sévère, durable et invalidante pour les personnes atteintes (APA, 1996).
Lessentiel des connaissances sur les troubles psychiques et le stress lors daccidents radiologiques vient des études effectuées après laccident de Three Mile Island, aux Etats-Unis. Dans lannée suivant laccident, elles ont montré lexistence deffets psychologiques immédiats dans la population exposée et la sensibilité plus importante des mères de jeunes enfants chez lesquelles des troubles anxiodépressifs ont été observés (Bromet et coll., 1982). Chez les travailleurs de la centrale également, une fréquence de ce type de troubles plus élevée a été constatée chez les employés dune autre centrale non accidentée. Dans les années suivantes, un quart environ des personnes incluses dans des enquêtes ont présenté des troubles psychologiques, voire psychiatriques relativement importants, troubles réactivés lors de la réouverture de la centrale; pour les trois quarts restants, les troubles psychologiques nétaient pas plus fréquents que dans des populations témoins (Dew et Bromet, 1993). Les troubles psychologiques étaient plus fréquents chez les personnes résidant à proximité de la centrale, ayant évacué leur domicile au moment de laccident, ne bénéficiant pas dun soutien solide de leur entourage ou ayant des antécédents de troubles psychiatriques (Baum, Cohen et Hall, 1993).
Des études ont également été effectuées dans les populations de lex-URSS touchées par laccident de Tchernobyl (liquidateurs, personnes résidant en permanence dans des zones contaminées). Elles montrent une augmentation significative et durable des symptômes psychologiques. Cette détresse psychologique peut avoir un impact important sur la santé publique. Mais, pour le moment, on manque encore dinformations rigoureuses qui permettraient de connaître la nature et la gravité des divers troubles psychiques, ainsi que leur fréquence dans certains groupes de populations (les liquidateurs, par exemple). Le contexte socio-économique difficile, les divers systèmes de réparation mis en place par les autorités, lévacuation et le relogement (environ 100 000 personnes supplémentaires ont été relogées dans les années suivant laccident), les contraintes sur le mode de vie (par exemple, lalimentation) subies par les personnes résidant dans les zones contaminées sont autant de facteurs qui devraient être pris en compte dans lévaluation des conséquences psychosociales de laccident.
Il faut rappeler que les accidents majeurs sont liés à des installations nucléaires. Cependant, les autres utilisations de radio-éléments ont entraîné, elles aussi, de nombreux accidents avec des conséquences souvent graves pour les travailleurs ou le public. La prévention de ces accidents est donc essentielle, dautant plus que le traitement médical est décevant lorsque les doses sont élevées. La prévention repose sur la formation du personnel et sur le recensement exhaustif des sources utilisées et de leur localisation, depuis leur fabrication jusquà leur élimination ou stockage définitif. Par ailleurs, des principes de sûreté et des recommandations ont été publiés par lAIEA pour lutilisation de sources radioactives dans lindustrie, la médecine et la recherche (AIEA, 1990). Les concepts sont voisins de ceux présentés ci-après pour les installations nucléaires.
Lobjectif recherché est de protéger en toutes circonstances lêtre humain et son environnement naturel contre la dispersion des produits radioactifs. Pour cela, un ensemble de dispositions est appliqué à tous les stades de la conception, de la construction, de lexploitation et de la mise à larrêt des installations nucléaires.
La sûreté des installations nucléaires repose tout dabord sur le principe de «défense en profondeur», cest-à-dire la juxtaposition de mesures et de systèmes redondants visant à pallier déventuelles défaillances techniques ou humaines. Concrètement, des barrières successives sont interposées entre les produits radioactifs contenus dans linstallation et lenvironnement. Sur les réacteurs de puissance, la barrière ultime est lenceinte de confinement (absente sur la centrale de Tchernobyl, présente sur celle de Three Mile Island). Pour éviter la défaillance de ces barrières ou en limiter les conséquences, trois fonctions de sûreté doivent être assurées à chaque instant de la vie de la centrale: le contrôle de la réaction nucléaire, le refroidissement du combustible et le confinement des produits radioactifs.
Un autre principe essentiel de la sûreté est le «retour dexpérience»: il sagit de tirer tous les enseignements possibles daccidents ou dincidents, même mineurs, pour améliorer la sûreté des installations existantes. Ainsi, les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl ont été analysés et des améliorations ont été engagées afin quils ne se répètent pas sur dautres centrales.
Enfin, il convient de signaler que des efforts importants ont été déployés pour promouvoir une «culture de sûreté» au sein des installations nucléaires, cest-à-dire pour prendre en compte en permanence les problèmes de sûreté dans lorganisation, les activités et les pratiques, ainsi que les comportements individuels. De plus, pour faciliter la perception de limportance des incidents ou accidents survenant dans les installations nucléaires, une échelle internationale pour la classification des incidents nucléaires (INES) a été construite, identique, dans son principe, aux échelles mesurant la gravité de certains phénomènes naturels tels que les séismes et le vent (voir tableau 39.30). Elle ne constitue cependant pas un outil dévaluation de la sûreté ou de comparaison internationale.
Niveau |
Extérieur du site |
Intérieur du site |
Barrières de défense |
7 Accident majeur |
Rejet majeur, effets étendus sur la santé et sur l’environnement |
|
|
6 Accident grave |
Rejet important, possibilité d’application de toutes les contre-mesures |
|
|
5 Accident |
Rejet limité, ossibilité d’application partielle des contre-mesures |
Réacteur/barrières de défense gravement endommagés |
|
4 Accident |
Faible rejet, exposition du public équivalente aux limites |
Réacteur/barrières endommagés, exposition mortelle des travailleurs |
|
3 Incident grave |
Très faible rejet, exposition du public inférieure aux limites |
Contamination grave, effets aigus sur la santé des travailleurs |
Quasi-accident |
2 Incident |
|
Contamination importante, surexposition des travailleurs |
Défaillances importantes des mesures de sûreté |
1 Anomalie |
|
|
Anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé |
0 Ecart |
Importance nulle du point de vue de la sûreté |
|
|
Lorsquil y a risque dexposition du public, des mesures de protection peuvent être nécessaires pour prévenir ou limiter lexposition aux rayonnements ionisants afin déviter, en particulier, la survenue deffets déterministes. Les premières contre-mesures à envisager en urgence sont le confinement, lévacuation et la distribution diode stable, qui permet de saturer la thyroïde sil est ingéré suffisamment tôt et déviter la fixation diode radioactif. Pour être efficace, toutefois, la saturation de la thyroïde doit intervenir avant le début de lexposition ou peu de temps après. Enfin, il peut être nécessaire de reloger la population, de décontaminer la zone sinistrée et de contrôler les travaux agricoles et les denrées alimentaires, et cela de manière temporaire ou permanente, selon les cas. A chacune de ces mesures correspond un «niveau daction» (voir tableau 39.31) quil convient de ne pas confondre avec les limites de dose recommandées par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) pour les travailleurs et la population en général, limites édictées dans un objectif de prévention dans un contexte non accidentel (CIPR, 1991).
Mesures de protection |
Niveau d’intervention (dose évitée) |
Urgentes |
|
Confinement |
10 mSv |
Evacuation |
50 mSv |
Distribution d’iode stable |
100 mGy |
Différées |
|
Relogement temporaire |
30 mSv en 30 jours; 10 mSv les 30 jours suivants |
Relogement définitif |
1 Sv sur la vie entière |
Source: AIEA, 1994.
En matière de sûreté, les efforts de recherche portent actuellement sur la conception de réacteurs de puissance prenant en compte les risques daccidents majeurs (réduction des risques de fusion du cur et limitation des conséquences potentielles de ces accidents).
Lexpérience tirée des accidents devrait permettre daméliorer la prise en charge thérapeutique des personnes gravement irradiées. Dans le traitement des aplasies médullaires radio-induites, les recherches cliniques sorientent actuellement vers lutilisation de facteurs stimulant la croissance des cellules de la moelle osseuse (facteurs de croissance hématopoïétique) (Thierry et coll., 1995).
Il subsiste des incertitudes sur les effets des faibles doses et débits de dose de rayonnements ionisants. Lamélioration des connaissances à ce sujet est importante sur le plan scientifique et pour la radioprotection (limites de doses pour la population en général et les travailleurs). La recherche biologique aide à mieux appréhender les mécanismes de cancérogenèse. Des études épidémiologiques portant sur un grand nombre dindividus, notamment celles en cours chez les travailleurs du nucléaire, devraient permettre daméliorer la précision des estimations de risque de cancer à faibles doses et débits de dose. Létude des populations qui ont été ou sont encore exposées du fait daccidents radiologiques devrait apporter des connaissances sur les effets de doses plus fortes souvent délivrées à de faibles débits.
Il est essentiel, par ailleurs, de se préparer à lévaluation des conséquences sur la santé daccidents radiologiques éventuels, cest-à-dire de se doter de structures et doutils permettant de recueillir en temps voulu les données essentielles.
Enfin, de nombreuses études sont encore nécessaires pour appréhender les conséquences psychosociales des accidents, cest-à-dire pour mieux cerner la nature et la fréquence des réactions psychologiques post-traumatiques (pathologiques ou non) et leurs facteurs de risque. Ces études sont essentielles si lon veut améliorer la prise en charge des individus impliqués, quil sagisse des travailleurs ou de la population en général.
La contamination massive de terres agricoles par des radionucléides a généralement pour cause un accident majeur dans une usine ou une centrale nucléaire. Des accidents de ce genre sont survenus à Windscale (Angleterre) et dans le sud de lOural (Russie). Le plus important est celui qui sest produit en avril 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, entraînant une contamination massive des sols sur plusieurs milliers de kilomètres carrés.
Les principaux facteurs qui influent sur les effets des rayonnements dans les régions agricoles sont les suivants:
Des radionucléides, pour la plupart volatils, ayant une activité supérieure à 50 millions de curies (Ci) ont été dispersés dans lenvironnement à la suite de laccident de Tchernobyl. Au cours de la première étape, qui a duré 2,5 mois (la «période de liode»), liode 131 constituait le plus grand danger biologique, étant donné les fortes doses de rayonnements gamma à haute énergie.
Le travail sur les terres agricoles pendant la période de liode doit faire lobjet dune réglementation très stricte. Liode 131 saccumule dans la glande thyroïde où il provoque des lésions. A la suite de laccident de Tchernobyl, on a délimité, dans un rayon de 30 km autour de la centrale, une zone de rayonnement à très haute intensité à lintérieur de laquelle il était interdit de vivre ou de travailler.
A lextérieur de la zone interdite, quatre autres zones ont été définies selon le niveau de rayonnements gamma des sols et selon le type dactivité agricole qui pouvait y être pratiquée; lintensité du rayonnement dans ces quatre zones, mesurée en roentgens (R), était la suivante au cours de la période de liode:
En fait, comme la contamination par les radionucléides était inégalement répartie au cours de la période de liode, le travail agricole a continué dans ces zones à des niveaux de rayonnements gamma allant de 0,2 à 25 mR/h. Outre labsence duniformité de la contamination, la variation des niveaux de rayonnements gamma était due aux différences de concentration des radionucléides dans les diverses cultures. Les cultures fourragères, en particulier, sont exposées à des émetteurs gamma de haute intensité au cours de la récolte, du transport, de lensilage et de la distribution aux animaux.
Après la désintégration de liode 131, ce sont le césium 137 et le strontium 90, des nucléides à longue durée de vie, qui représentent le plus grand danger pour les travailleurs agricoles. Le césium 137, un émetteur gamma, est un analogue chimique du potassium; ingéré par les humains ou les animaux, il se distribue uniformément dans lensemble de lorganisme et est excrété assez rapidement dans lurine et les fèces. Le fumier des régions contaminées représente donc une autre source de rayonnements et il faut le retirer le plus rapidement possible des exploitations délevage et lentreposer dans des endroits spéciaux.
Le strontium 90, un émetteur bêta, est un analogue chimique du calcium; il se dépose dans la moelle épinière des humains et des animaux. Le strontium 90 et le césium 137 peuvent pénétrer dans lorganisme humain par le biais de lingestion de lait, de viande ou de légumes contaminés.
La division des terres agricoles en zones à la suite de la désintégration des radionucléides à courte durée de vie obéit à un principe différent. Ce nest plus lintensité des rayonnements gamma qui entre ici en ligne de compte, mais la quantité de sol contaminé par le césium 137, le strontium 90 et le plutonium 239.
Lorsque la contamination est particulièrement grave, la population est évacuée des régions touchées, et le travail agricole se fait par rotation de deux semaines. Les critères de délimitation des zones dans les régions contaminées sont énumérés au tableau 39.32.
Zones de contamination |
Limites de contamination du sol |
Doses limites |
Types d’intervention |
1. Zone interdite |
– |
– |
La population est obligée de quitter les lieux et le travail agricole est interdit. |
2. Evacuation obligatoire |
15 Ci/km2 , césium 137 |
0,5 cSv/an |
Le travail agricole se fait par rotations de deux semaines, avec un contrôle radiologique rigoureux. |
3. Evacuation volontaire |
5-15 Ci/km2 , césium 137 |
0,01-0,5 cSv/an |
Des mesures sont prises pour réduire la contamination de la couche superficielle du sol; le travail agricole est soumis à un contrôle radiologique rigoureux. |
4. Surveillance radioécologique |
1-5 Ci/km2 , césium 137 |
0,01 cSv/an |
Le travail agricole se fait de façon habituelle, mais est soumis à un contrôle radiologique. |
Les gens qui travaillent dans des terres agricoles contaminées par des radionucléides peuvent en absorber par inhalation ou par contact avec les poussières de sol et de matières végétales. Dans ce cas, les émetteurs bêta (strontium 90) et les émetteurs alpha sont extrêmement dangereux.
Après un accident dans une centrale nucléaire, une partie des matières radioactives qui pénètrent dans lenvironnement se compose de particules du combustible nucléaire de faible dispersion et de haute activité dites «particules chaudes».
Le travail agricole et le vent génèrent énormément de poussière renfermant des particules chaudes, ainsi que la confirmé lexa-men de filtres à air prélevés sur des tracteurs utilisés dans les zones contaminées.
Lévaluation des doses reçues au poumon par les travailleurs agricoles exposés à des particules chaudes, à lextérieur de la zone de 30 km, a mis en évidence des niveaux de plusieurs millisieverts (Loshchilov et coll., 1993).
Selon les données de Bruk, Kaduka et Parkhomenko (1989), lactivité totale du césium 137 et du césium 134 dans la poussière inhalée par les conducteurs dengins se situait entre 0,005 et 1,5 nCi/m3 . Ces auteurs ont calculé que la dose efficace au poumon variait entre 2 et 70 cSv pour lensemble de la période de travail aux champs.
On a établi la relation entre limportance de la contamination des sols par le césium 137 et la radioactivité de lair dans la zone de travail. Selon les données de lInstitut de la santé au travail de Kiev, la radioactivité de lair aux postes de travail atteignait 13,0 Bq/m3 lorsque le niveau de contamination du sol par le césium 137 était compris entre 7,0 et 30,0 Ci/km2 . Dans la région témoin, où la densité de la contamination se situait entre 0,23 et 0,61 Ci/km2 , la radioactivité de lair aux postes de travail allait de 0,1 à 1,0 Bq/m3 (Krasnyuk, Chernyuk et Stezhka, 1993).
Les examens médicaux comparatifs des conducteurs de machines agricoles travaillant dans les zones contaminées et dans les zones saines ont révélé que les premiers souffraient davantage de maladies cardio-vasculaires, notamment de cardiopathie ischémique et de dystonie neurocirculatoire. Dautres troubles, tels que dysplasie de la glande thyroïde et monocytose, étaient également plus fréquents chez eux.
Lorsque des accidents importants surviennent dans des centrales nucléaires, des réglementations temporaires sont généralement adoptées pour protéger la population. Ce fut le cas à Tchernobyl, la valeur limite dexposition étant fixée à 10 cSv pour une période dun an. Si lon part de lhypothèse que les travailleurs reçoivent 50% de leur dose par irradiation externe dans le cadre de leur activité, cela signifie que le seuil dintensité de la dose dirradiation au cours de la journée de travail de huit heures ne devrait pas dépasser 2,1 mR/h.
Dans le travail agricole, lintensité des rayonnements peut varier considérablement selon la concentration des substances radioactives dans le sol et les végétaux et, aussi, selon le type dopérations (ensilage, préparation de fourrage sec, etc.). Cest donc la durée du travail agricole quil faut réglementer afin de réduire les doses absorbées.
La figure 39.12 illustre les règles adoptées à la suite de laccident de Tchernobyl.
Il faut prendre des mesures rigoureuses de prévention de la contamination par la poussière pour les travaux agricoles effectués dans des zones où le sol et les végétaux sont fortement contaminés. Le chargement et le déchargement des matières sèches et poussiéreuses devraient être mécanisés; la goulotte de sortie du transporteur devrait être couverte de tissu. Les émissions de poussière doivent être réduites dans tous les types de travail aux champs.
En ce qui concerne le travail mécanisé, il faut tenir dûment compte de la pressurisation de la cabine et se déplacer dans la direction appropriée, de préférence perpendiculairement au vent. Il vaut mieux, si possible, arroser les champs avant de les cultiver. Lusage de technologies industrielles doit être privilégié afin déliminer le plus possible le travail manuel.
Enfin, il est recommandé dappliquer sur le sol des produits qui favorisent labsorption et la fixation des radionucléides pour en faire des composés insolubles, empêchant ainsi leur transfert aux végétaux.
Les machines agricoles contaminées par des radionucléides cons-tituent lun des plus grands dangers pour la santé des travailleurs. La durée admissible dutilisation de ces machines dépend de lintensité des rayonnements gamma émis par la surface des cabines. Il faut non seulement que la pressurisation des cabines soit suffi-sante, mais encore que les systèmes de ventilation et de conditionnement de lair fonctionnent correctement. Une fois le travail terminé, il faut laver les cabines et remplacer les filtres.
Lorsquon entretient ou répare les machines après décontamination, lintensité des rayonnements gamma émis par les surfaces extérieures ne devrait pas dépasser 0,3 mR/h.
Les bâtiments devraient être lavés systématiquement tant à lintérieur quà lextérieur; ils devraient être dotés de douches. Lorsque lon prépare du fourrage contenant des particules de poussière, il faut prendre des mesures pour prévenir leur inhalation par les travailleurs et dépoussiérer le sol, le matériel, etc.
La pressurisation des équipements devrait être vérifiée et les lieux de travail être munis dun système de ventilation générale efficace.
Lapplication de pesticides sous forme de poudre et de granulés et dengrais minéraux, ainsi que lépandage par voie aérienne devraient être restreints. Il vaut mieux opter pour lépandage et lapplication à la machine de produits chimiques sous forme de granulés et dengrais mixtes liquides. Les engrais minéraux en poudre devraient être entreposés et transportés uniquement dans des conteneurs hermétiquement fermés.
On devrait porter un équipement de protection individuelle complet (salopette, casque, lunettes de protection, appareil de protection respiratoire, gants et bottes de caoutchouc) pour charger et décharger les produits, préparer les formulations liquides de pesticides et effectuer dautres activités analogues.
Les travailleurs devraient pouvoir prendre leurs repas dans des locaux ou des fourgons spéciaux fermés, à labri des courants dair. Avant de manger, ils devraient nettoyer leurs vêtements et se laver à fond le visage et les mains à leau courante et au savon. En été, les travailleurs agricoles devraient être approvisionnés en eau potable conservée dans des récipients clos. Il faut éviter que de la poussière ne pénètre dans les récipients au moment de leur remplissage.
Des examens médicaux périodiques devraient être pratiqués par un médecin et comporter obligatoirement une analyse du sang, un électrocardiogramme et des épreuves fonctionnelles respiratoires. Si lintensité des rayonnements ionisants ne dépasse pas la limite admissible, les examens devraient se faire au moins tous les 12 mois. Si elle est plus forte, il faut augmenter la fréquence des contrôles (après les semailles, la récolte, etc.) en tenant compte de lintensité des rayonnements aux postes de travail et de la dose totale absorbée.
Les principaux indicateurs de contamination à la suite de retombées radioactives sont lintensité des rayonnements gamma dans la région, la contamination des terres agricoles par certains radionucléides et la teneur en radionucléides des produits agricoles.
Si lon connaît lintensité des rayonnements gamma, on peut délimiter les régions très contaminées, estimer les doses dirradiation externe des travailleurs agricoles et établir des horaires propres à assurer la sécurité sur le plan radiologique.
Dans le secteur agricole, le contrôle radiologique relève généralement des laboratoires de radiologie du service sanitaire et des services vétérinaire et agrochimique. Ce sont ces laboratoires qui assurent la formation et léducation du personnel chargé du contrôle dosimétrique et des consultations de la population rurale.
Un incendie tragique survenu dans une fabrique de jouets en Thaïlande a attiré lattention du monde entier sur la nécessité dadopter et dappliquer des normes rigoureuses dans les entreprises industrielles de toutes catégories.
Le 10 mai 1993, un incendie de grande ampleur à la Kader Industrial (Thailand) Co. Ltd., dans la province de Nakhon Pathom, en Thaïlande, entraîna la mort de 188 travailleurs (Grant et Klem, 1994). De tous les incendies de bâtiments industriels, cest celui qui a causé le plus grand nombre de pertes humaines accidentelles dans lhistoire récente, brisant en cela le triste record détenu pendant 82 ans par lincendie de la manufacture Triangle Shirtwaist, à New York, qui avait fait en son temps 146 victimes (Grant, 1993). En dépit des années qui les séparent, ces deux catastrophes présentent des similitudes frappantes.
Plusieurs organismes nationaux et internationaux se sont penchés sur cet accident. Dans loptique de la protection contre lincendie, lAssociation nationale de protection contre lincendie (National Fire Protection Association (NFPA)) des Etats-Unis et le Bureau international du travail (BIT), en collaboration avec les sapeurs-pompiers des services de police de Bangkok, se sont employés à établir les circonstances du sinistre.
En Thaïlande, lincendie de la Kader a focalisé lattention sur les mesures de sécurité en vigueur dans le pays et, plus particulièrement, sur les exigences et lapplication du code du bâtiment. Le Premier ministre thaïlandais, Chuan Leekpai, qui sétait rendu sur les lieux le soir même du drame, a déclaré que le gouvernement était résolu à revoir lensemble du dispositif de sécurité en matière dincendie. Selon le Wall Street Journal (1993), Leekpai a également réclamé des mesures sévères contre tous ceux qui enfreignent les lois en matière de sécurité, tandis que le ministre de lIndustrie, Sanan Kachornprasart, déclarait pour sa part que «les entreprises qui nont pas de systèmes de prévention des incendies seront tenues den installer un ou devront fermer leurs portes».
Toujours selon le Wall Street Journal , si lon estimait alors, dans les milieux syndicaux et officiels et parmi les experts de la sécurité, que lincendie de la Kader devait donner lieu à un durcissement des normes de construction et des règles de sécurité, le pays nétait toutefois pas à la veille de réaliser des progrès durables en ce sens, étant donné le laxisme des employeurs à légard de la réglementation et la priorité accordée à la croissance économique au détriment de la sécurité des travailleurs.
Comme la Kader Industrial (Thailand) Co. Ltd. appartient majoritairement à des intérêts étrangers, lincendie a également suscité un débat international sur les responsabilités des investisseurs étrangers à légard de la sécurité des travailleurs thaïlandais. En fait, le capital de la Kader est détenu par des investisseurs de Taiwan et de Hong-kong, Chine, à hauteur respectivement de 20% et de 79,96%, tandis que 0,04% seulement des parts est entre les mains de Thaïlandais.
Avec la mondialisation de léconomie, la localisation de la production est désormais dissociée des marchés de consommation. Il ne faudrait pas que le souci de rester compétitif dans ce nouvel environnement conduise à négliger les règles de sécurité élémentaires en vigueur dans lindustrie en matière de prévention des incendies. Tous les travailleurs, dans tous les pays, doivent pouvoir bénéficier dune protection adéquate dans ce domaine: la leur assurer est une obligation morale pour toutes les parties concernées.
La fabrique Kader produisait des jouets en plastique et des poupées en peluche ou en laine destinés essentiellement au marché des Etats-Unis et dautres pays développés; elle est située dans le district de Sam Phran de la province de Nakhon Pathom, à peu près à mi-chemin entre Bangkok et la ville voisine de Kanchanaburi, site du tristement célèbre pont de la rivière Kwaï érigé pendant la seconde guerre mondiale.
Toutes les structures détruites dans le brasier appartenaient directement à la Kader, également propriétaire du terrain. La Kader a deux sociétés surs, elles aussi implantées sur le même site en vertu dun contrat de location.
La Kader Industrial (Thailand) Co. Ltd. avait été enregistrée pour la première fois le 27 janvier 1989, mais la licence de lentreprise avait été suspendue le 21 novembre 1989, après quun incendie survenu le 16 août 1989 eut détruit la fabrique. Le feu avait pris naissance dans du polyester utilisé par une machine à filer pour fabriquer des poupées. Le ministre de lIndustrie avait alors permis à lusine reconstruite de rouvrir ses portes le 4 juillet 1990.
La fabrique a connu plusieurs feux de moindre importance entre le moment de sa réouverture et lincendie de mai 1993. Lun deux, survenu en février 1993, avait causé dénormes dommages au bâtiment 3, qui était encore en réparation au moment de lincendie de mai 1993. Lincendie de février sétait déclaré tard en soirée dans un local dentreposage de polyester et de coton. Plusieurs jours après lincident, un inspecteur sétait rendu sur les lieux et avait signalé à lentreprise quelle devait se doter dun système dinspection des installations, de matériel de sécurité et dun plan dintervention.
Selon les premiers rapports sur lincendie de mai 1993, la fabrique comptait quatre bâtiments, dont trois ont été détruits par les flammes. Ce nest pas inexact, mais les trois bâtiments en question formaient en fait une seule structure en forme de E (voir figure 39.13) dont les différentes parties portaient respectivement le nom de bâtiment 1, 2 et 3. Il y avait à proximité un atelier dun seul niveau et une autre structure à quatre niveaux appelée bâtiment 4.
Le bâtiment en E était une construction sur quatre niveaux composée dune ossature métallique et de dalles de béton, avec des fenêtres sur les quatre côtés à chaque étage et un toit en double pente de faible inclinaison. Chacune des parties de cette structure comportait un monte-charge grillagé et deux cages descalier de 1,5 m de large.
Chaque bâtiment était muni dun système dalarme incendie. Il ny avait pas dextincteurs automatiques, mais des extincteurs portatifs et des robinets dincendie étaient installés sur les murs extérieurs et dans les cages descalier. Aucun élément de la charpente métallique nétait protégé par un matériau ignifuge.
Des données contradictoires ont circulé sur le nombre total de travailleurs qui se trouvaient sur place. La Fédération des industries thaïlandaises sétait engagée à venir en aide à 2 500 employés touchés par lincendie, mais on ne sait pas exactement combien demployés se trouvaient en même temps sur le site. Au moment de lincendie, on a déclaré quil y avait 1 146 travailleurs dans le bâtiment 1: 36 au rez-de-chaussée, 10 au premier étage, 500 au deuxième et 600 au troisième. Il y avait 405 travailleurs dans le bâtiment 2: 60 au rez-de-chaussée, 5 au premier étage, 300 au deuxième et 40 au troisième. On ne connaît pas le nombre exact de travailleurs qui se trouvaient dans le bâtiment 3, car il était partiellement en réparation. Les travailleurs de lusine étaient pour la plupart des femmes.
Le lundi 10 mai 1993 était un jour de travail normal. Vers 16 heures, comme le poste de jour tirait à sa fin, on découvrit un petit feu au rez-de-chaussée près de lextrémité sud du bâtiment 1. Comme ce lieu servait à emballer et à entreposer les produits finis, il contenait une charge combustible considérable (voir figure 39.14). Chaque bâtiment avait une charge combustible composée de tissus, de plastiques et de matériaux de rembourrage, en plus du matériel habituellement présent sur tout lieu de travail.
Les gardes chargés de la sécurité qui se trouvaient à proximité ont tenté en vain déteindre les flammes avant dappeler les sapeurs-pompiers de la police locale à 16 h 21. Les autorités ont reçu deux autres appels, à 16 h 30 et à 16 h 31. Bien que la fabrique soit située juste au-delà des limites administratives de Bangkok, les services dincendie de la ville sont intervenus avec ceux de la province de Nakhon Pathom.
Pendant que les travailleurs et les gardes tentaient en vain déteindre les flammes, le bâtiment a commencé à se remplir de fumée et dautres produits de combustion. Des survivants ont déclaré que lalarme incendie navait jamais sonné dans le bâtiment 1, mais que la vue de la fumée aux étages supérieurs avait alerté de nombreux travailleurs. Malgré la fumée, il semble que des gardes aient demandé à certains dentre eux de rester à leur poste, en leur expliquant que lincendie serait rapidement maîtrisé.
Le feu sest rapidement propagé dans lensemble du bâtiment 1, tandis que lair devenait irrespirable aux étages supérieurs. Lescalier situé à lextrémité sud du bâtiment étant bloqué par le brasier, la plupart des travailleurs se sont rués vers celui de lextrémité nord. Cest donc dire quenviron 1 100 personnes ont tenté de quitter les deuxième et troisième étages par un seul escalier.
Le premier engin dincendie nest arrivé quà 16 h 40, en raison à la fois de léloignement relatif de lusine et de la circulation toujours très dense à Bangkok. A leur arrivée, les sapeurs-pompiers ont constaté que le bâtiment 1, déjà largement pris dans les flammes, commençait à sécrouler et que des gens sautaient des deux derniers étages.
Malgré leurs efforts, le bâtiment 1 sest complètement effondré vers 17 h 14. Attisé par les forts vents qui soufflaient vers le nord, le feu sest rapidement étendu aux bâtiments 2 et 3 avant que les sapeurs-pompiers ne parviennent à les protéger. Daprès les rapports, le bâtiment 2 sest écroulé à 17 h 30, et le bâtiment 3, à 18 h 05. Les sapeurs-pompiers ont réussi à empêcher que les flammes ne gagnent le bâtiment 4 et latelier plus petit, composé dun simple rez-de-chaussée, qui se trouvait à proximité. Vers 19 h 45, le brasier était maîtrisé. Une cinquantaine dengins dincendie ont pris part à lintervention.
Les alarmes incendie des bâtiments 2 et 3 ont, semble-t-il, bien fonctionné, et toutes les personnes qui y travaillaient ont pu séchapper. Les travailleurs du bâtiment 1 nont pas eu cette chance. Un grand nombre dentre eux ont sauté des étages supérieurs. Au total, 469 travailleurs ont été hospitalisés; 20 dentre eux sont décédés. Les autres victimes ont été retrouvées au cours des recherches menées après lincendie dans ce qui avait été lescalier nord du bâtiment. Bon nombre dentre elles avaient succombé à des produits de combustion létaux avant ou pendant leffondrement du bâtiment. Selon les dernières données, 188 personnes, pour la plupart des femmes, sont mortes au cours ou à la suite de cet incendie.
Il a fallu plusieurs jours pour retirer tous les corps des décombres, même avec laide de six grands appareils de levage transportés sur les lieux pour faciliter les recherches. Il ny a pas eu de morts chez les sapeurs-pompiers, mais un seul blessé.
La circulation dans les environs, généralement difficile, a ralenti le transport des victimes vers les hôpitaux. Près de 300 travailleurs blessés ont été conduits à lhôpital voisin Sriwichai II, mais bon nombre dentre eux ont dû être transférés dans dautres centres médicaux, cet hôpital nétant plus en mesure de faire face à de nouvelles arrivées.
Le lendemain de lincendie, lhôpital Sriwichai II avait admis 111 victimes, lhôpital Kasemrat, 120, le Sriwichai Pattanana, 60, le Sriwichai I, 50, le Ratanathibet I, 36, le Siriraj, 22 et le Bang Phai, 17; 53 autres blessés avaient été orientés vers divers établissements hospitaliers de la région. Au total, 22 hôpitaux de Bangkok et de la province de Nakhon Pathom sont intervenus à la suite de la catastrophe.
La direction de lhôpital Sriwichai II a précisé que 80% des 111 victimes admises souffraient de blessures graves, justifiant une intervention chirurgicale dans 30% des cas. La moitié des patients avaient simplement inhalé de la fumée, tandis que les autres souffraient également de brûlures et de fractures diverses. Au moins 10% des travailleurs blessés admis à lhôpital Sriwichai II risquaient de demeurer paralysés.
Il na pas été possible détablir avec certitude la cause de lincendie, la partie de lusine dans laquelle il avait pris naissance ayant été entièrement détruite. En outre, les survivants ont fourni des informations contradictoires. Comme le feu sétait déclaré près dun grand panneau électrique de distribution, les enquêteurs ont dabord pensé quune défaillance du circuit électrique pouvait être en cause. Ils ont également envisagé une origine criminelle. Les autorités thaïlandaises estiment toutefois, à lheure actuelle, quune cigarette jetée par mégarde pourrait avoir été à lorigine du sinistre.
La comparaison de cet incendie avec celui de la Triangle Shirtwaist, survenu à New York en 1911, fournit des repères précieux pour lanalyse. Les deux bâtiments présentaient plusieurs similitudes: sorties déficientes, systèmes fixes de protection contre lincendie insuffisants ou inefficaces, charge combustible initiale facilement inflammable et coupe-feu horizontaux et verticaux inadéquats. De plus, les deux entreprises navaient pas donné une formation suffisante à leur personnel en matière de sécurité incendie. Une différence cependant distingue nettement ces deux sinistres: le bâtiment de la Triangle Shirtwaist ne sest pas effondré, contrairement à celui de la fabrique Kader.
Le mauvais aménagement des sorties est peut-être le facteur qui a le plus largement contribué au nombre élevé de pertes en vies humaines aussi bien dans lincendie de la Kader que dans celui de la Triangle Shirtwaist. Si la fabrique Kader avait appliqué les dispositions relatives aux sorties du Life Safety Code (règlement NFPA 101), rédigé immédiatement après lincendie de New York, le bilan de la catastrophe de 1993 aurait été beaucoup moins lourd (NFPA, 1994).
Plusieurs prescriptions de base du Life Safety Code sappliquent directement à lincendie de la Kader. Ainsi, le code exige que tous les ouvrages et tous les bâtiments soient construits, aménagés et exploités de façon que leurs occupants ne soient pas exposés à des dangers inacceptables causés par un incendie, de la fumée, des gaz ou la panique pouvant survenir au cours dune évacuation ou pendant le déroulement des secours.
Le code exige aussi que chaque bâtiment ait suffisamment de sorties et dautres dispositifs de sécurité de capacité suffisante et bien placés pour permettre à tous ses occupants de séchapper. Ces sorties devraient être adaptées au bâtiment, compte tenu de sa destination, du nombre et des capacités de ses occupants, de la hauteur et du type dimmeuble, des services de protection incendie disponibles et des autres éléments intéressant la sécurité de ses occupants. Ce nétait manifestement pas le cas à lusine Kader, où les flammes ont bloqué lune des deux cages descalier du bâtiment 1, forçant quelque 1 100 personnes à séchapper des deuxième et troisième étages par un seul escalier.
Les sorties devraient toujours être disposées et entretenues de façon à permettre aux occupants de quitter sans difficulté, à tout moment, nimporte quelle partie dun bâtiment. Chacune delles devrait être bien visible, et la voie à suivre indiquée de façon parfaitement claire.
Toutes les ouvertures ménagées dans les planchers du bâtiment devraient être fermées ou protégées afin dassurer une sécurité raisonnable aux occupants qui sortent et dempêcher lincendie, la fumée et les gaz de se propager dun étage à lautre avant que les occupants naient eu la possibilité de séchapper.
Labsence de séparations coupe-feu horizontales et verticales adéquates a largement influé sur lissue des incendies de la Triangle Shirtwaist et de la Kader. Les deux fabriques avaient été construites et aménagées de telle sorte quun feu prenant naissance à un niveau inférieur pouvait se propager rapidement aux étages supérieurs, prenant ainsi un grand nombre de travailleurs au piège.
Les bâtiments industriels comportent très souvent des aires de travail vastes et ouvertes. Ils doivent être équipés de planchers et de murs résistant au feu pour ralentir la propagation des flammes dun secteur à lautre. Il faut aussi empêcher le feu de se propager dun étage à lautre par les fenêtres, comme ce fut le cas dans lincendie de la Triangle Shirtwaist.
Le meilleur moyen de limiter la propagation verticale du feu et de la fumée est de prévoir des cages autour des escaliers, des monte-charge et des ouvertures verticales ménagées entre les étages. De ce point de vue, la présence dans lusine Kader de monte-charge grillagés, signalée par les rapports, suscite de sérieux doutes.
Labsence de formation adéquate en matière de lutte contre le feu et la rigidité des consignes de sécurité des deux fabriques celle de la Triangle Shirtwaist comme celle de la Kader sont deux autres facteurs responsables des pertes élevées en vies humaines.
Après lincendie de la Kader, des survivants ont signalé que les exercices pratiques et la formation en matière de sécurité incendie et de lutte contre le feu étaient réduits au minimum, et que seuls les gardes chargés de la sécurité semblaient en connaître les rudiments. La Triangle Shirtwaist, quant à elle, navait pas de plan dévacuation et norganisait pas dexercices dincendie. Des survivants de cette entreprise ont indiqué quon les arrêtait systématiquement pour les soumettre à des contrôles de sécurité lorsquils quittaient le bâtiment à la fin de leur journée de travail. Certains ont accusé le dispositif de sécurité de la Kader davoir ralenti lévacuation, mais toute la lumière na pas encore été faite sur la question. Quoi quil en soit, labsence de plan dévacuation clairement établi semble avoir largement contribué au lourd bilan de lincendie de la Kader (le chapitre 31 du Life Safety Code porte précisément sur les exercices dincendie et la formation relative à lévacuation).
Labsence de systèmes fixes et automatiques de protection contre lincendie et de lutte contre le feu a également influé sur lampleur du sinistre dans les deux fabriques. Aucune delles ne possédait de système dextinction automatique, mais la Kader disposait dune installation dalarme incendie. Selon le Life Safety Code , on devrait installer des alarmes incendie dans tout bâtiment dont la taille, laménagement ou la destination sont tels que les occupants ne peuvent se rendre compte immédiatement par eux-mêmes de la présence dun incendie naissant. Il semble malheureusement que lalarme ne se soit pas déclenchée dans le bâtiment 1 de la Kader, ce qui a beaucoup retardé lévacuation. Par contre, on na déploré aucun mort dans les bâtiments 2 et 3, où les systèmes dalarme ont fonctionné comme prévu.
Les systèmes dalarme et dextinction devraient être conçus, installés et entretenus conformément à des règlements comme le National Fire Alarm Code , en loccurrence le NFPA 72 (NFPA, 1993), le NFPA 13 (NFPA, 1994a) et le NFPA 25 (NFPA, 1995).
La charge combustible initiale était la même dans lincendie de la Triangle Shirtwaist et dans celui de la Kader. Dans le premier cas, le feu sest déclaré dans des caisses à chiffons et sest propagé rapidement à des vêtements puis à des meubles en bois, dont certains étaient imprégnés dhuile de machine. Lincendie de la Kader a pris naissance dans du polyester, du coton, diverses matières plastiques et des tissus servant à fabriquer des jouets en plastique ou en peluche et dautres articles du même genre. Toutes ces matières senflamment aisément, favorisent la propagation rapide des flammes et dégagent beaucoup de chaleur.
On mettra probablement toujours en uvre, dans lindustrie, des matières présentant un risque dincendie important, mais les exploitants devraient être conscients des risques inhérents à ces matières et prendre les précautions nécessaires pour réduire au minimum les dangers qui en découlent.
La différence la plus importante entre les deux incendies tient aux effets constatés sur lintégrité structurelle des bâtiments sinistrés. En effet, même si lincendie de la Triangle Shirtwaist a détruit les trois étages supérieurs du bâtiment qui en comptait dix, la structure est demeurée intacte. Les bâtiments de la Kader, par contre, se sont effondrés assez rapidement parce que la charpente métallique nétait pas revêtue dun matériau ignifuge qui lui aurait permis de résister à des températures élevées, ainsi que la révélé lexamen ultérieur des décombres.
Il va de soi que leffondrement dun bâtiment au cours dun incendie met grandement en péril les occupants et les sapeurs-pompiers. Dans le cas de la Kader, on ignore cependant si cela a eu un impact direct sur le nombre de morts, car les victimes avaient peut-être déjà succombé aux effets de la chaleur et des produits de combustion. Si les travailleurs des étages supérieurs du bâtiment 1 avaient été protégés des produits de combustion et de la chaleur pendant quils tentaient de sortir, leffondrement aurait contribué aux pertes humaines de manière directe.
Lincendie de la Kader a attiré plus particulièrement lattention sur certains principes de protection contre lincendie, parmi lesquels la conception des voies dévacuation, la formation des occupants, les systèmes automatiques de détection des incendies et de lutte contre le feu, les portes coupe-feu et lintégrité structurelle des constructions. Ces principes ne sont pas nouveaux; ils ont été énoncés pour la première fois il y a plus de 80 ans, après lincendie de la Triangle Shirtwaist, et rappelés plus récemment à loccasion de plusieurs incendies graves en milieu de travail: celui de lusine de transformation du poulet à Hamlet (Caroline du Nord), qui a entraîné la mort de 25 travailleurs; celui dune fabrique de poupées à Kuiyong (Chine), qui a fait 81 victimes; et celui de la centrale électrique de Newark (New Jersey), où les 3 employés présents sur les lieux ont trouvé la mort (Grant et Klem, 1994; Klem, 1992; Klem et Grant, 1993).
Les incendies de la Caroline du Nord et du New Jersey, en particulier, montrent quil ne suffit pas de disposer des normes et des codes les plus perfectionnés, comme le Life Safety Code de la NFPA (NFPA, 1994b) pour prévenir des pertes tragiques. Encore faut-il les mettre en uvre et les appliquer avec rigueur pour leur donner effet.
A tous les niveaux de ladministration, les autorités devraient sinterroger sur lapplication des codes en vigueur en matière de construction des bâtiments et de prévention des incendies afin détablir sil y a lieu de les mettre à jour ou den adopter de nouveaux. Elles devraient aussi déterminer si elles disposent dun mécanisme approprié dexamen et dinspection des plans de cons-truction permettant de vérifier leur conformité aux règles pertinentes. Elles devraient enfin veiller à ce que les bâtiments existants fassent lobjet dinspections périodiques en vue dassurer à tout moment un niveau maximal de sécurité.
Les propriétaires de bâtiments et les exploitants devraient être conscients du fait quils ont la responsabilité dassurer un environnement de travail sûr à leur personnel. Ils devraient, à tout le moins, prendre les mesures de protection contre lincendie prévues par les codes et les normes de sécurité les plus récents, afin de réduire au minimum les risques de catastrophe.
Si les bâtiments de lusine Kader avaient été munis dextincteurs automatiques et dalarmes incendie en bon état, les pertes nauraient sans doute pas été aussi lourdes. Si les sorties du bâtiment 1 avaient été mieux conçues, des centaines de personnes ne se seraient probablement pas blessées en sautant des deuxième et troisième étages. Si des séparations coupe-feu verticales et horizontales avaient été en place, le feu ne se serait sans doute pas propagé aussi rapidement dans lensemble du bâtiment. Enfin, si lossature métallique avait été ignifugée, les bâtiments ne se seraient peut-être pas effondrés.
Le philosophe George Santayana a écrit: «Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre.» Lincendie survenu chez Kader en 1993 fut malheureusement, à bien des égards, une réplique de celui de la Triangle Shirtwaist en 1911. Confrontée à son avenir, la société tout entière doit tout faire pour prévenir le retour des catastrophes.
*Cet article est adapté de Zaballos (1993b), avec l'autorisation de l'auteur.
LAmérique latine et les Caraïbes ont eu leur part de catastrophes naturelles. Presque chaque année, des cataclysmes causent des morts, des blessés et dénormes dommages matériels. On estime globalement que les grandes catastrophes naturelles survenues dans cette région au cours des deux dernières décennies ont fait quelque 500 000 blessés et 150 000 morts, et engendré des pertes matérielles pour près de 8 millions de personnes. Ces chiffres proviennent pour la plupart de sources officielles (il est très difficile dobtenir des renseignements exacts sur les catastrophes soudaines; si les sources dinformation abondent, il nexiste par contre aucun système de collecte de données uniformisé). La Commission économique des Nations Unies pour lAmérique latine et les Caraïbes (CEPALC) estime que les cataclysmes qui frappent cette région du monde coûtent chaque année, en moyenne, 1,5 milliard de dollars E.-U. et causent 6 000 décès (Jovel, 1991).
Le tableau 39.33 dresse la liste des grandes catastrophes naturelles qui ont touché divers pays de la région entre 1970 et 1993. Il importe de noter que les catastrophes dinstallation lente, comme les sécheresses et les inondations, ne sont pas prises en compte.
Année |
Pays |
Type de catastrophe |
Nombre de décès signalés |
Nombre estimatif de victimes |
1970 |
Pérou |
Tremblement de terre |
66 679 |
3 139 000 |
1972 |
Nicaragua |
Tremblement de terre |
10 000 |
400 000 |
1976 |
Guatemala |
Tremblement de terre |
23 000 |
1 200 000 |
1980 |
Haïti |
Cyclone (Allen) |
220 |
330 000 |
1982 |
Mexique |
Eruption volcanique |
3 000 |
60 000 |
1985 |
Mexique |
Tremblement de terre |
10 000 |
60 000 |
1985 |
Colombie |
Eruption volcanique |
23 000 |
200 000 |
1986 |
El Salvador |
Tremblement de terre |
1 100 |
500 000 |
1988 |
Jamaïque |
Cyclone (Gilbert) |
45 |
500 000 |
1988 |
Mexique |
Cyclone (Gilbert) |
250 |
200 000 |
1988 |
Nicaragua |
Cyclone (Joan) |
116 |
185 000 |
1989 |
Montserrat, Dominique |
Cyclone (Hugo) |
56 |
220 000 |
1990 |
Pérou |
Tremblement de terre |
21 |
130 000 |
1991 |
Costa Rica |
Tremblement de terre |
51 |
19 700 |
1992 |
Nicaragua |
Tsunami |
116 |
13 500 |
1993 |
Honduras |
Tempête tropicale |
103 |
11 000 |
Source: OPS, 1989; USAID, 1989; UNDRO, 1990.
Au cours des dernières décennies, la CEPALC a effectué de nombreuses recherches sur les conséquences sociales et économiques des catastrophes. Ces travaux ont clairement démontré que celles-ci ont des effets négatifs sur le développement économique et social des pays en développement. En effet, les pertes financières engendrées par une catastrophe majeure dépassent souvent le produit national brut total. Il nest donc pas étonnant que ces événements soient à même de paralyser des pays entiers et de créer de graves perturbations politiques et sociales.
Les catastrophes ont en général trois types de conséquences économiques:
Le tableau 39.34 indique les pertes estimatives causées par six grandes catastrophes naturelles. Ces pertes, qui peuvent ne pas sembler particulièrement lourdes pour des pays développés et prospères ont, en revanche, des effets graves et prolongés sur les économies faibles et vulnérables des pays en développement (OPS, 1989).
Catastrophe |
Lieu |
Année(s) |
Total des pertes (en millions de dollars E.-U.) |
Tremblement de terre |
Mexique |
1985 |
4 337 |
Tremblement de terre |
El Salvador |
1986 |
937 |
Tremblement de terre |
Equateur |
1987 |
1 001 |
Eruption volcanique (Nevado del Ruiz) |
Colombie |
1985 |
224 |
Inondation, sécheresse («El Niño») |
Pérou, Equateur, Bolivie |
1982-1983 |
3 970 |
Cyclone (Joan) |
Nicaragua |
1988 |
870 |
Source: OPS, 1989; CEPALC.
Dans toute situation durgence liée à une catastrophe majeure, la priorité absolue est de sauver des vies et de secourir immédiatement les blessés. Parmi les services médicaux durgence mobilisés à cette fin, les hôpitaux jouent un rôle clé. Dans les pays qui possèdent un système dintervention intégré (où le concept de «services médicaux durgence» implique la coordination de sous-systèmes indépendants, tels que services dambulance, sapeurs-pompiers et équipes de secours), ils constituent en fait le pilier de ce système (OPS, 1989).
Les hôpitaux et autres centres de soins sont des lieux très fréquentés. Ils accueillent des patients, du personnel et des visiteurs et fonctionnent 24 heures sur 24. Les patients peuvent être traités au moyen déquipements spéciaux ou reliés à des systèmes de maintien des fonctions vitales alimentés à lélectricité. Selon des dossiers de projets fournis par la Banque interaméricaine de développement (BID) (communication personnelle, Tomas Engler, BID), le coût estimatif dun lit dhôpital dans un centre spécialisé varie dun pays à lautre, mais il se situe en moyenne entre 60 000 et 80 000 dollars E.-U.; il est encore plus élevé dans les unités de soins très spécialisés. Aux Etats-Unis, en Californie en particulier où lon possède une vaste expérience en génie parasismique, le coût dun lit dhôpital peut dépasser 110 000 dollars. Bref, les hôpitaux modernes sont des ensembles très complexes qui font à la fois office dhôtels, de bureaux, de laboratoires et dentrepôts (Peisert, Cross et Riggs, 1984; FEMA, 1990).
Ces centres de soins sont très vulnérables face aux ouragans et aux tremblements de terre, ainsi que lexpérience de lAmérique latine et des Caraïbes la amplement démontré. Comme lindique le tableau 39.35, 3 catastrophes survenues dans les années quatre-vingt ont, à elles seules, endommagé 40 de ces établissements et entraîné la perte de 11 332 lits dhôpital en El Salvador, à la Jamaïque et au Mexique, sans compter les pertes en vies humaines (y compris parmi le personnel local hautement qualifié) (voir tableaux 39.36 et 39.37).
Type de catastrophe |
Nombre d’hôpitaux endommagés ou détruits |
Nombre de lits perdus |
Tremblement de terre, Mexique |
13 |
4 387 |
Tremblement de terre, Salvador |
4 |
1 860 |
Cyclone Gilbert |
23 |
5 085 |
Total |
40 |
11 332 |
Source: OPS, 1989; USAID, 1989; CEPALC.
Hôpital général |
Hôpital de Ciudad Juárez |
|||
Nombre |
% |
Nombre |
% |
|
Décès |
295 |
62,6 |
561 |
75,8 |
Sauvetages |
129 |
27,4 |
179 |
24,2 |
Disparitions |
47 |
10,0 |
– |
– |
Total |
471 |
100,0 |
740 |
100,0 |
Source: OPS, 1987.
Région |
Nombre d’hôpitaux existants |
Nombre de lits |
Lits perdus dans la région |
|
Nombre |
% |
|||
Région métropolitaine |
26 |
11 464 |
2 373 |
20,7 |
Région 5 |
23 |
4 573 |
622 |
13,6 |
Région 6 |
15 |
1 413 |
212 |
15,0 |
Région 7 |
15 |
2 286 |
64 |
2,8 |
Ensemble |
79 |
19 736 |
3 271 |
16,6 |
Source: Wyllie et Durkin, 1986.
A lheure actuelle, de nombreux hôpitaux dAmérique latine ne sont pas assurés de pouvoir résister à un tremblement de terre. Ils occupent le plus souvent de vieux bâtiments dont certains datent de lépoque de la colonisation espagnole. Et, même si beaucoup dautres sont situés dans des bâtiments modernes à larchitecture séduisante, le laxisme avec lequel les codes du bâtiment sont appliqués soulève des doutes quant à leur capacité de résister à un tremblement de terre.
De tous les types de catastrophes naturelles soudaines, ce sont, de loin, les tremblements de terre qui causent le plus de dommages aux hôpitaux. Chaque tremblement de terre présente des caractéristiques propres en ce qui concerne lépicentre, le type dondes sismiques, la nature géologique du sous-sol qui transmet ces ondes, etc. Toutefois, les études ont permis didentifier certains facteurs communs qui tendent à occasionner des pertes ou, inversement, à les prévenir ou à les limiter: paramètres structurels des constructions, comportement et habitudes des populations, caractéristiques des équipements non structurels, de lameublement et des autres éléments se trouvant à lintérieur des bâtiments.
Ces dernières années, chercheurs et planificateurs se sont particulièrement attachés à cerner les facteurs de risque pour les hôpitaux en vue daméliorer les normes régissant la construction et laménagement de ces établissements dans les zones très vulnérables. Une brève liste des facteurs de risque pertinents figure au tableau 39.38. Il a été observé que ces facteurs, en particulier ceux qui ont trait aux aspects structurels, avaient influé sur les profils de destruction établis au cours du tremblement de terre survenu en décembre 1988 en Arménie, qui a fait quelque 25 000 morts et 1 100 000 sinistrés et a détruit ou gravement endommagé 377 écoles, 560 centres de santé et 324 centres communautaires et culturels (USAID, 1989).
Eléments structurels |
Eléments non structurels |
Comportements |
Conception |
Matériel médical |
Information de la population |
Des dommages dampleur comparable ont été enregistrés en juin 1990, en Iran, au cours dun tremblement de terre qui sest soldé par environ 40 000 tués, 60 000 blessés et 500 000 sans-abri et la destruction de 60 à 90% des bâtiments dans les zones touchées (UNDRO, 1990).
Pour étudier ce genre de cataclysmes, un colloque international sest tenu à Lima (Pérou) en 1989; il a examiné la planification, la conception, la remise en état et la gestion des hôpitaux dans les zones exposées aux tremblements de terre. Parrainé par lOrganisation panaméricaine de la santé (OPS), lUniversité nationale dingénieurs du Pérou et le Centre nippo-péruvien de recherche sismique (CISMID), ce colloque a réuni des architectes, des ingénieurs et des administrateurs dhôpitaux pour étudier diverses questions concernant les centres de santé implantés dans des zones sujettes aux séismes. Les travaux ont débouché sur un ensemble de recommandations techniques et dengagements portant sur lanalyse de la vulnérabilité des infrastructures hospitalières, lamélioration de la conception des nouveaux centres et lélaboration de mesures de sécurité pour les hôpitaux existants, particulièrement ceux qui sont situés dans des zones à risque sismique élevé (CISMID, 1989).
Comme on peut limaginer au vu de ce qui précède, la préparation des hôpitaux aux catastrophes occupe une grande place dans les activités du Service dorganisation des interventions et de laide durgence (Office of Emergency Preparedness and Disaster Relief) de lOPS. Au cours des dix dernières années, ce service a incité les pays membres à prendre diverses mesures à cet égard, et notamment:
De façon plus générale, lun des principaux objectifs de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN) qui sest terminée en décembre 1999 est de sensibiliser les autorités sanitaires et les dirigeants des différents pays au rôle des services de santé appelés à intervenir en cas de catastrophe, et de les inciter à renforcer ces services dans les pays en développement.
Depuis une vingtaine dannées, les pays en développement se livrent une concurrence acharnée dans une course à lindustrialisation dont les enjeux sont:
Malheureusement, les efforts déployés nont pas toujours produit les résultats escomptés. En effet, la souplesse dont on a fait preuve pour attirer les investisseurs, labsence de réglementation rigoureuse en matière de sécurité industrielle et de protection de lenvironnement, la négligence dans lexploitation des installations industrielles et lutilisation de technologies désuètes sont autant déléments qui ont contribué à accroître le risque daccident technologique dans certaines régions.
Labsence de réglementation visant à maîtriser lurbanisation à proximité des établissements industriels vient sajouter à la liste des facteurs de risque. Il est courant de voir, dans les grandes villes dAmérique latine, des complexes industriels implantés au milieu de zones dhabitation dont les résidents ignorent tout des risques quils encourent (Zeballos, 1993a).
Sagissant de limplantation dindustries chimiques, on propose que les lignes directrices suivantes soient adoptées dans le but déviter des accidents semblables à ceux de Guadalajara (Mexique) en 1992 et de protéger les travailleurs industriels et lensemble de la population: