Le nombre des personnes qui travaillent à des altitudes élevées ne cesse daugmenter. Lexploitation minière, les loisirs, les transports, les travaux agricoles et les opérations militaires se déroulent souvent à grande altitude et font tous appel à une activité humaine physique et mentale qui exige des besoins accrus en oxygène. Mais au fur et à mesure que lon sélève au-dessus du niveau de la mer, la pression dair totale (pression barométrique, PB) et la quantité doxygène dans lair ambiant (part de la pression totale liée à loxygène Po2) diminuent progressivement. Il en résulte que la quantité de travail que lon peut accomplir diminue elle aussi progressivement. Le déroulement des travaux sen trouve affecté. On a constaté, par exemple, que le temps nécessaire à la construction dune galerie à une altitude de 3 300 m, dans le Colorado, était supérieur de 25% à celui dun travail comparable au niveau de la mer. Le retard constaté était imputable aux effets de laltitude qui entraînaient non seulement une fatigue musculaire accrue, mais aussi une dégradation des facultés mentales. La mémoire, la capacité de calcul ainsi que la prise de décisions et le jugement étaient affectés. Des scientifiques qui effectuaient des calculs à lObservatoire de Mona Loa à Hawaï, à une altitude de plus de 4 000 m, ont constaté que ce travail leur prenait plus de temps et quils faisaient davantage derreurs quau niveau de la mer. En raison de laccroissement de lampleur, de létendue, de la variété et de la répartition des activités humaines, le nombre des personnes qui travaillent à grande altitude est en augmentation et les effets de laltitude deviennent une question qui concerne le monde du travail.
Le maintien de lalimentation des tissus en oxygène a une importance déterminante sur les résultats du travail en altitude. Lhumain, de même que dautres animaux, possède des défenses contre les déficiences en oxygène (hypoxie). La principale dentre elles est laugmentation de la respiration (ventilation) qui commence lorsque la pression doxygène dans le sang artériel (Pao2) diminue (hypoxémie); elle se manifeste à toutes les altitudes au-dessus du niveau de la mer, croît avec laltitude et constitue notre défense la plus efficace contre les faibles concentrations doxygène dans lenvironnement. Le processus par lequel la respiration sintensifie à haute altitude est appelé acclimatement ventilatoire. Son importance est mise en lumière à la figure 37.1, qui montre que la pression doxygène dans le sang artériel est plus élevée chez les sujets acclimatés que chez les sujets non acclimatés. De plus, le rôle joué par lacclimatement dans le maintien de la pression doxygène dans le sang artériel augmente progressivement avec laltitude. En fait, une personne non acclimatée ne pourrait pas survivre au-delà de 6 000 m, alors que des personnes acclimatées ont pu faire lascension de lEverest (8 848 m) sans source doxygène artificielle.
Le stimulus de laccroissement de la ventilation à haute altitude prend largement et presque exclusivement naissance dans un tissu qui contrôle la pression doxygène dans le sang artériel et qui est contenu dans un organe appelé corpuscule carotidien, de la grosseur dune tête dépingle environ, situé à la jonction de chacune des deux artères carotides, au niveau de langle de la mâchoire. Si la pression doxygène dans le sang artériel diminue, des cellules du corpuscule carotidien analogues aux cellules nerveuses (cellules chémoréceptrices) du corpuscule carotidien décèlent cette diminution et réagissent en augmentant la fréquence des décharges le long du neuvième nerf crânien qui conduit les impulsions directement au centre respiratoire du tronc cérébral. Lorsque le centre respiratoire reçoit un nombre accru dimpulsions, il stimule une augmentation de la fréquence et de lamplitude de la respiration par des voies nerveuses complexes qui activent le diaphragme et les muscles de la paroi thoracique. Il en résulte une augmentation de la quantité dair ventilée par les poumons, comme il ressort de la figure 37.2, ce qui a pour effet de rétablir la pression doxygène artériel. Si un sujet respire de loxygène ou un air enrichi en oxygène, cest linverse qui se produit. La fréquence des impulsions des cellules chémoréceptrices diminue, ce qui réduit la fréquence des décharges nerveuses vers le centre respiratoire et ralentit la respiration. Ces petits organes, situés de part et dautre du cou, sont très sensibles aux faibles variations de la pression doxygène dans le sang. De plus, ils sont presque entièrement responsables du maintien de la quantité doxygène dans lorganisme, car lorsquils sont tous deux endommagés ou supprimés, la ventilation naugmente plus lorsque la teneur du sang en oxygène diminue. La pression doxygène artériel joue donc un grand rôle dans le contrôle de la respiration: une diminution de la concentration doxygène conduit à une augmentation de la respiration, et une augmentation de cette concentration entraîne une diminution de la respiration. Dans chaque cas, le résultat correspond effectivement à leffort fait par lorganisme pour maintenir les niveaux doxygène sanguin sensiblement constants.
Loxygène est nécessaire au maintien de la production dénergie; une réduction de lalimentation des tissus en oxygène (hypoxie) peut entraîner une dépression de la fonction des tissus. De tous les organes, le cerveau est celui qui est le plus sensible au manque doxygène et, comme il a été dit plus haut, certains centres du système nerveux central jouent un rôle dans le contrôle de la respiration. Lorsquon respire un mélange pauvre en oxygène, on commence par réagir en augmentant la ventilation, mais après dix minutes environ, cette augmentation marque un certain ralentissement. On ne connaît pas lorigine de ce phénomène, mais on pense quil pourrait sagir dune dépression dune certaine fonction du système nerveux central liée au processus de la ventilation, quon a coutume dappeler dépression ventilatoire hypoxique. Cette dépression a été observée peu de temps après une montée jusquà une altitude élevée. Elle est transitoire, puisquelle ne dure que quelques heures, peut-être parce quil existe une certaine adaptation des tissus du système nerveux central.
En général, une certaine augmentation de la ventilation commence dès quon se rend en haute altitude, bien quun délai soit nécessaire pour atteindre la ventilation maximale. A larrivée en altitude, laugmentation de lactivité du corpuscule carotidien tend à accroître la ventilation et donc à élever la pression doxygène artériel pour rétablir sa valeur au niveau de la mer. Mais lorganisme est alors confronté à un dilemme. Une augmentation de la respiration entraîne un accroissement de lélimination de dioxyde de carbone (CO2) dans lair expiré. Dans les tissus organiques, le CO2 crée une solution aqueuse acide et, lorsquil est évacué dans lair expiré, les fluides organiques, y compris le sang, deviennent plus alcalins, ce qui modifie léquilibre acido-basique de lorganisme. Le dilemme réside dans le fait que la ventilation est régulée non seulement pour maintenir la pression doxygène constante, mais aussi pour assurer léquilibre acido-basique. Le CO2 régule la respiration dans le sens opposé à la régulation produite par loxygène. Lorsque la pression de CO2 (cest-à-dire le degré dacidité en un point quelconque du centre respiratoire) augmente, la ventilation augmente également et lorsquelle diminue, la ventilation est réduite. A larrivée en haute altitude, toute augmentation de la ventilation provoquée par la faible concentration de loxygène dans lenvironnement conduit à une baisse de la pression de CO2 qui provoque une alcalose et soppose à laugmentation de la ventilation (voir figure 37.2). Lorganisme ne peut donc pas maintenir constants à la fois la pression doxygène et léquilibre acido-basique. Pour surmonter cette difficulté et retrouver un équilibre satisfaisant, lêtre humain a besoin dun grand nombre dheures et même de jours.
Cet équilibre peut être rétabli par laction des reins qui augmentent lévacuation des bicarbonates alcalins dans les urines, ce qui compense la perte dacidité par la respiration et contribue ainsi à réinstaurer léquilibre acido-basique du corps à des valeurs correspondant au niveau de la mer. Lexcrétion rénale des bicarbonates est un processus relativement lent. Par exemple, lorsquon passe du niveau de la mer à 4 300 m, lacclimatement nécessite de 7 à 10 jours (voir figure 37.3). On pensait auparavant que cette action des reins, qui diminue linhibition alcaline de la ventilation, expliquait en majeure partie pourquoi la ventilation naugmente que lentement après une montée en altitude, mais des travaux plus récents attribuent un rôle prédominant à une augmentation progressive de la sensibilité hypoxique des corpuscules carotidiens dans les premières heures ou les premiers jours qui suivent une montée en altitude. Cest ce que lon appelle lintervalle dacclimatement ventilatoire. Le processus dacclimatement permet en effet à la ventilation daugmenter en réponse à une faible pression doxygène artériel malgré une diminution de la pression de CO2. A mesure que la ventilation augmente et que la pression de CO2 diminue avec lacclimatement en altitude, il en résulte une augmentation concomitante de la pression doxygène dans les alvéoles pulmonaires et le sang artériel.
En raison de la possibilité dune dépression ventilatoire hypoxique transitoire en altitude et du fait que lacclimatement est un processus qui commence uniquement lorsquon arrive dans un environnement pauvre en oxygène, la pression doxygène dans le sang artériel prend une valeur minimale à larrivée en altitude. Elle augmente ensuite relativement rapidement dans les premiers jours, puis plus lentement, comme le montre la figure 37.3. Compte tenu que lhypoxie saggrave peu de temps après larrivée, la léthargie et les symptômes qui accompagnent lexposition à laltitude sont également plus graves dans les premières heures et les premiers jours. Avec lacclimatement, on retrouve en général un sentiment de bien-être.
Le temps nécessaire à lacclimatement augmente avec laltitude, ce qui ne saurait surprendre puisque la compensation rénale met plus longtemps pour se produire lorsque laugmentation de la ventilation et des ajustements acido-basique est plus forte. Ainsi, alors quun acclimatement à 3 000 m peut nécessiter 3 à 5 jours pour une personne résidant au niveau de la mer, une adaptation complète, à des altitudes au-delà de 6 000 à 8 000 m, à supposer quelle soit possible, peut nécessiter 6 semaines ou plus (voir figure 37.4). Lorsquune personne adaptée à laltitude revient au niveau de la mer, le processus sinverse: la pression doxygène artériel augmente jusquà sa valeur au niveau de la mer et la ventilation diminue. La quantité de CO2 expirée est moins élevée et la pression de CO2 augmente dans le sang et dans le centre respiratoire. Léquilibre acido-basique est modifié dans le sens de lacidité et les reins doivent retenir les bicarbonates pour rétablir léquilibre. On a moins dinformations sur le temps requis pour la perte de lacclimatement, mais il semble quil soit du même ordre de grandeur que pour le processus dacclimatement. Le retour dun séjour en altitude serait alors une image miroir de la montée en altitude, avec toutefois une exception importante: les pressions doxygène artériel redeviennent immédiatement normales à la descente.
Comme on peut limaginer, la situation varie selon les individus, tant en ce qui concerne le délai nécessaire à un acclimatement ventilatoire à une altitude donnée que limportance de cet acclimatement. Cette variation sexplique en grande partie par la très grande diversité de la réponse ventilatoire à lhypoxie selon les individus. Ainsi, au niveau de la mer, en maintenant la pression de CO2 constante, afin quelle ninterfère pas avec la réponse ventilatoire aux faibles concentrations doxygène, certaines personnes normales montrent uniquement une faible augmentation de la ventilation, voire aucune augmentation du tout, alors que dautres accusent une très forte augmentation (jusquà cinq fois plus). La réponse ventilatoire à la respiration de mélanges pauvres en oxygène semble être innée, puisque les similitudes du comportement sont plus grandes entre les membres dune même famille que par rapport aux étrangers à celle-ci. Comme on pouvait sy attendre, les personnes qui présentent de faibles réponses ventilatoires aux basses concentrations doxygène au niveau de la mer semblent avoir aussi de plus faibles réponses ventilatoires sur une période donnée à haute altitude. Il peut exister dautres facteurs de la variabilité individuelle de ladaptation, comme la variabilité de lamplitude de la dépression ventilatoire, du fonctionnement du centre respiratoire, de la sensibilité aux variations acido-basiques et du traitement des carbonates par les reins, mais ces facteurs nont pas été évalués jusquici.
La mauvaise qualité du sommeil, en particulier avant lacclimatement ventilatoire, est non seulement un sujet fréquent de plainte, mais aussi un facteur qui altère la performance. De nombreux paramètres tels que les émotions, lactivité physique, lalimentation et le niveau de vigilance peuvent nuire à la fonction respiratoire. La ventilation décroît pendant le sommeil; il en va de même de la stimulation que de faibles concentrations en oxygène ou des concentrations élevées en CO2 exercent sur la respiration tandis que la fréquence et lamplitude respiratoires augmentent. En outre, aux grandes altitudes, où lair comporte un moins grand nombre de molécules doxygène, la quantité doxygène emmagasinée dans les alvéoles pulmonaires entre deux inspirations est moins élevée. Par conséquent, si la respiration cesse pendant quelques secondes (un phénomène appelé apnée, fréquent à haute altitude), la pression doxygène artériel diminue plus rapidement quau niveau de la mer, où la réserve doxygène est par essence plus élevée.
Les interruptions périodiques de la respiration sont un mécanisme quasi universel dans les premières nuits qui suivent une montée à haute altitude. Cest le reflet du dilemme respiratoire de laltitude décrit précédemment, qui a un caractère cyclique: la stimulation hypoxique augmente la ventilation, qui diminue à son tour la teneur en CO2, inhibe la respiration et augmente la stimulation hypoxique, ce qui stimule à nouveau la ventilation. Il existe habituellement une période dapnée de 15 à 30 secondes, suivie de plusieurs respirations très larges qui ont souvent pour effet de réveiller brièvement le sujet, puis une nouvelle apnée. Les périodes dapnée abaissent parfois la pression doxygène artériel jusquà des niveaux alarmants. Les réveils peuvent être fréquents et, même lorsque la durée totale du sommeil est normale, sa fragmentation en altère la qualité au point que le sujet a limpression davoir passé une nuit sans détente ou même sans sommeil. Ladministration doxygène élimine le caractère cyclique de la stimulation hypoxique et linhibition alcalosique supprime la respiration périodique et rétablit un sommeil normal.
Les hommes dâge moyen, en particulier, sont exposés en raison dune autre cause de lapnée, à savoir une obstruction intermittente des voies aériennes qui est le plus fréquemment à lorigine du ronflement. Au niveau de la mer, une obstruction intermittente à larrière des voies nasales ne provoque ordinairement quun bruit désagréable, mais aux altitudes élevées, où la réserve doxygène des poumons est plus faible, cette obstruction peut se traduire par des niveaux de pression doxygène artériel extrêmement bas et par un sommeil de mauvaise qualité.
Il existe des activités professionnelles, notamment dans la cordillère des Andes, qui obligent les travailleurs à passer en alternance plusieurs jours à des altitudes au-delà de 3 000 à 4 000 m suivis de plusieurs jours chez eux au niveau de la mer. Les horaires de travail (nombre de jours en altitude, par exemple de 4 à 14 jours, et nombre de jours au niveau de la mer, par exemple de 3 à 7) sont généralement dictés par des facteurs économiques plutôt que par des considérations de santé. Le temps requis à la fois pour ladaptation et pour la perte dadaptation à laltitude représente cependant un facteur à considérer sur le plan économique. Une attention particulière devrait être accordée au sentiment de bien-être du travailleur et à ses performances sur le lieu de travail, à son arrivée et dans les 2 jours qui suivent, en ce qui concerne notamment la fatigue, le temps nécessaire pour exécuter des tâches courantes ou non, et les erreurs commises. On devrait également chercher à réduire le plus possible le temps nécessaire à ladaptation à laltitude et à améliorer lactivité pendant les heures de veille.
Les principaux effets de la haute altitude sur les êtres humains ont un rapport avec les changements de la pression barométrique (PB) et les variations concomitantes de la pression doxygène (O2) dans lair ambiant. La pression barométrique diminue lorsque laltitude augmente et elle peut être estimée au moyen de léquation suivante:
où a est laltitude exprimée en mètres. En fait, la relation entre la pression barométrique et laltitude est également influencée par dautres facteurs comme la distance de léquateur et la saison. West et Lahiri (1984) ont constaté que les mesures directes de la pression barométrique au voisinage de léquateur et au sommet de lEverest (8 848 m) donnaient des valeurs supérieures aux prédictions fondées sur latmosphère standard de lOrganisation de laviation civile internationale (OACI). Les conditions atmosphériques et la température affectent elles aussi la relation entre la pression barométrique et laltitude, dans la mesure où un système atmosphérique de basse pression peut réduire la pression, avec pour résultat que les personnes séjournant en haute altitude se trouvent «physiologiquement» à des altitudes encore plus élevées. Comme la pression partielle de loxygène inspiré (Po2) reste constamment égale à 20,93% environ de la pression barométrique, le principal déterminant de la Po2 dans lair inspiré à une altitude quelconque est la pression barométrique. Loxygène inspiré diminue donc lorsque laltitude augmente en raison de la diminution de la pression barométrique, comme le montre la figure 37.5.
La température et le rayonnement ultraviolet changent également aux altitudes élevées: la température décroît lorsque laltitude augmente, à raison denviron 6,5 °C par 1 000 m, alors que le rayonnement ultraviolet augmente denviron 4% par 300 m en raison de la raréfaction des nuages, du brouillard et de la vapeur deau. En outre, jusquà 75% du rayonnement ultraviolet peut être reflété par la neige, ce qui accroît encore son action à haute altitude. La survie dans ces environnements dépend dès lors de ladaptation à chacun de ces éléments et des mesures de protection prises à leur encontre.
Si les montées rapides jusquà des altitudes élevées peuvent souvent entraîner la mort, les montées lentes telles que les pratiquent les montagnards peuvent être envisagées favorablement lorsquelles saccompagnent de mesures physiologiques compensatoires. Ladaptation aux altitudes élevées vise à maintenir un approvisionnement suffisant en oxygène pour répondre aux demandes métaboliques malgré la diminution de la Po2 dans lair inspiré. La réalisation de cet objectif nécessite des modifications dans tous les systèmes organiques participant à labsorption de loxygène dans le corps, à sa distribution aux organes quil alimente et à son transfert dans les tissus.
Létude du processus dabsorption et de distribution de loxygène nécessite une connaissance des facteurs qui déterminent la teneur du sang en oxygène. Lorsque lair pénètre dans les alvéoles, la Po2 de lair inspiré diminue jusquà un nouveau niveau (appelé Po2 alvéolaire) sous leffet de deux facteurs: laugmentation de la pression partielle de la vapeur deau par suite de lhumidification de lair inspiré et laugmentation de la pression partielle du dioxyde de carbone (Pco2) du fait de lévacuation du CO2. A partir des alvéoles, loxygène diffuse à travers la membrane alvéolo-capillaire pour parvenir jusquau sang en raison de lexistence dun gradient entre la Po2 alvéolaire et la Po2 dans le sang. Lessentiel de loxygène présent dans le sang se fixe sur lhémoglobine (oxyhémoglobine). La teneur en oxygène est donc directement liée à la fois à la concentration dhémoglobine dans le sang et au pourcentage de sites de fixation de loxygène sur lhémoglobine qui sont saturés en oxygène (saturation de loxyhémoglobine). Il est donc essentiel de comprendre la relation entre la Po2 du sang artériel et la saturation de loxyhémoglobine pour comprendre quels sont les éléments qui déterminent la teneur du sang en oxygène. La figure 37.6 illustre la courbe de dissociation de loxyhémoglobine. Lorsque laltitude augmente, la Po2 dans lair inspiré diminue; par conséquent, la Po2 du sang artériel ainsi que la saturation de loxyhémoglobine diminuent également. Chez les sujets normaux, les altitudes supérieures à 3 000 m sont associées à une diminution de la Po2 du sang artériel suffisante pour que la saturation de loxyhémoglobine tombe au-dessous de 90%, sur la portion à forte pente de la courbe de dissociation de loxyhémoglobine; on peut prévoir que lorsquon sélèvera encore en altitude, il en résultera une désaturation sensible en labsence de mécanismes compensatoires.
Les adaptations ventilatoires qui se produisent à haute altitude protègent la pression partielle doxygène dans le sang artériel contre les effets dune diminution des niveaux doxygène ambiants et peuvent être réparties en variations aiguës, subaiguës et chroniques. Une montée très rapide jusquà des altitudes élevées produit une diminution de la Po2 dans lair inspiré qui entraîne à son tour une diminution de la Po2 dans le sang artériel (hypoxie). Pour réduire au minimum les effets de la diminution de la Po2 dans lair inspiré sur la saturation de loxyhémoglobine artérielle, lhypoxie qui se produit à haute altitude déclenche un accroissement de la ventilation par lintermédiaire du corpuscule carotidien (réponse ventilatoire hypoxique). Lhyperventilation accroît lévacuation du dioxyde de carbone, ce qui provoque une diminution de la pression partielle de dioxyde de carbone (Pco2) dans le sang artériel, puis dans lalvéole pulmonaire. La diminution de la Pco2 alvéolaire permet une augmentation de la Po2 alvéolaire et, par voie de conséquence, de la Po2 et de la concentration en O2 dans le sang artériel. Laugmentation de lélimination du dioxyde de carbone provoque cependant aussi une diminution de la concentration des ions hydrogène ([H+]) dans le sang qui conduit à lapparition dune alcalose; celle-ci inhibe la réponse ventilatoire hypoxique. Cest ainsi que lors dune montée rapide à haute altitude, il y a un brusque accroissement de la ventilation modulé par lapparition dune alcalose dans le sang.
Dans les jours qui suivent la montée en altitude, il se produit de nouveaux changements de la ventilation, appelés communément acclimatement ventilatoire. La ventilation continue daugmenter dans les semaines qui suivent. Ce nouvel accroissement de la ventilation saccompagne dune compensation de lalcalose aiguë par les reins sous la forme dune élimination dions bicarbonate, laquelle augmente à son tour la concentration dions [H+] dans le sang. On pensait initialement que la compensation rénale de lalcalose supprimait leffet inhibiteur de cette alcalose sur la réponse ventilatoire hypoxique, ce qui permettrait à celle-ci de développer tout son potentiel. Les mesures du pH sanguin ont cependant révélé que lalcalose persiste malgré laccroissement de la ventilation. Parmi les autres mécanismes possibles, on peut envisager: 1) un retour à la normale du pH du liquide céphalo-rachidien entourant le centre respiratoire dans la moelle malgré la persistance dune alcalose sérique; 2) une sensibilité accrue du corpuscule carotidien à lhypoxie; 3) une réponse accrue du mécanisme de contrôle respiratoire au CO2. Lorsque lacclimatement ventilatoire sest produit, lhyperventilation et la réponse ventilatoire hypoxique persistent pendant plusieurs jours après le retour à des altitudes plus basses, et cela malgré la disparition de lhypoxie.
De nouveaux changements ventilatoires apparaissent après plusieurs années passées à haute altitude. Les mesures sur des personnes nées à ces altitudes ont montré une baisse de la réponse ventilatoire hypoxique par rapport aux valeurs obtenues pour les sujets acclimatés, sans quon revienne pour autant aux valeurs observées chez les sujets vivant au niveau de la mer. Le méca-nisme de la diminution de la réponse ventilatoire hypoxique est inconnu, mais il pourrait être lié à une hypertrophie du corpuscule carotidien ou au développement dautres mécanismes dadaptation en vue de préserver loxygénation des tissus, comme un accroissement de la densité capillaire, de la capacité déchanges gazeux des tissus, du nombre et de la densité des mitochondries ou de la capacité vitale.
Outre son effet sur la ventilation, lhypoxie provoque également une constriction du muscle lisse vasculaire dans les artères pulmonaires (vasoconstriction hypoxique). Laugmentation de la résistance du système vasculaire pulmonaire et de la pression artérielle pulmonaire qui sensuit éloigne le sang des alvéoles hypoventilées à faible Po2 alvéolaire pour le diriger vers les alvéoles mieux ventilées. La perfusion artérielle pulmonaire est ainsi adaptée aux éléments des poumons qui sont bien ventilés, ce qui fournit un nouveau moyen de préserver la Po2 du sang artériel.
Lapport doxygène aux tissus est également amélioré par ladaptation des systèmes cardio-vasculaire et hématologique. A la première montée en haute altitude, la fréquence cardiaque augmente, ce qui entraîne une augmentation du débit cardiaque. Sur une période de plusieurs jours, le débit cardiaque sabaisse en raison dune diminution du volume de plasma causée par les pertes deau accrues qui se produisent aux altitudes élevées. Par la suite, laccroissement de la production dérythropoïétine conduit à une élévation de la concentration dhémoglobine qui améliore la capacité de transport doxygène par le sang. Le maintien de loxygénation des tissus peut être favorisé non seulement par laccroissement des niveaux dhémoglobine, mais aussi par des changements dans laffinité de loxygène pour lhémoglobine. On pourrait sattendre à un décalage vers la droite de la courbe de dissociation de loxyhémoglobine parce quun tel décalage favori-serait les dégagements doxygène dans les tissus. Les données recueillies au sommet de lEverest et dans des expériences en chambre hyperbare simulant cette altitude suggèrent cependant que la courbe est décalée vers la gauche (West et Lahiri, 1984; West et Wagner, 1980; West, Boyer, Graber et coll., 1983). Un décalage vers la gauche signifierait que les dégagements doxygène dans les tissus sont rendus plus difficiles, mais cela pourrait néanmoins être avantageux aux altitudes extrêmes, car labsorption doxygène par les poumons serait facilitée malgré une très forte réduction de la Po2 dans lair inspiré (43 mmHg au sommet de lEverest et 149 mmHg au niveau de la mer).
Le dernier maillon de la chaîne de lapprovisionnement des tissus en oxygène est constitué par labsorption et lutilisation de loxygène au niveau cellulaire. Dun point de vue théorique, deux adaptations sont possibles. Premièrement, la distance à parcourir par loxygène pour diffuser à lextérieur du vaisseau sanguin vers le site intracellulaire responsable du métabolisme oxydatif, les mitochondries, peut être réduite au minimum. Deuxièmement, il peut se produire des transformations biochimiques qui améliorent la fonction mitochondriale. La réduction au minimum de la distance de diffusion a été suggérée par des études qui montrent soit une augmentation de la densité capillaire, soit une augmentation de la densité mitochondriale dans les tissus musculaires. On ne sait pas si ces changements reflètent un recrutement ou un développement des capillaires et des mitochondries, ou sil sagit dun artefact dû à une atrophie musculaire. Dans chacun des deux cas, la distance entre les capillaires et les mitochondries diminuerait, ce qui faciliterait la diffusion de loxygène. Laccroissement des concentrations de myoglobine est lune des transformations biochimiques susceptibles daméliorer la fonction mitochondriale. La myoglobine est une protéine intracellulaire qui fixe loxygène aux faibles valeurs de la Po2 dans les tissus et qui facilite la diffusion de loxygène dans les mitochondries. La concentration de myoglobine augmente avec lentraînement et présente une corrélation avec la capacité de travail aérobique des cellules musculaires. Ces adaptations sont théoriquement bénéfiques, mais on manque de preuves décisives à cet égard.
Les descriptions rapportées par les premiers explorateurs de la montagne font état de changements dans les fonctions cérébrales. On a décrit une diminution des facultés motrices, sensorielles et cognitives, y compris une diminution de laptitude à apprendre de nouvelles tâches et une difficulté à présenter verbalement des informations. Ces déficits peuvent altérer le jugement et conduire à une irritabilité, ce qui est de nature à aggraver les problèmes rencontrés aux altitudes élevées. Après le retour en plaine, ces déficits satténuent au terme dune période variable; on a constaté des troubles de la mémoire et de la concentration persistant de plusieurs jours à plusieurs mois, ainsi quune chute de la vitesse de dactylographie pendant une période dun an (Hornbein et coll., 1989). Les individus présentant une réponse ventilatoire hypoxique plus élevée sont davantage sujets aux déficits de longue durée, peut-être parce que leffet bénéfique de lhyperventilation sur la saturation de loxyhémoglobine artérielle est compensé par une hypocapnie (diminution de la Pco2 dans le sang) qui entraîne une constriction des vaisseaux sanguins cérébraux conduisant à une diminution du débit sanguin cérébral.
Les observations qui précèdent concernent exclusivement les conditions au repos; lexercice constitue un élément de perturbation supplémentaire, étant donné quil accroît la demande et la consommation doxygène. La raréfaction de loxygène ambiant à haute altitude provoque une diminution de labsorption maximale doxygène et donc de leffort maximal possible. En outre, la diminution de la Po2 dans lair inspiré affecte gravement la diffusion de loxygène dans le sang. Cest ce qui ressort de la figure 37.7, qui montre le temps de diffusion de loxygène dans les capillaires alvéolaires. Au niveau de la mer, il existe un temps excédentaire pour équilibrer la valeur de la Po2 à lextrémité des capillaires et celle de la Po2 alvéolaire, alors quau sommet de lEverest un équilibre complet nest pas atteint. La différence sexplique par une diminution du niveau doxygène ambiant en altitude qui conduit à une réduction du gradient de diffusion entre les Po2 alvéolaire et veineuse. Avec leffort, le débit cardiaque et le débit sanguin augmentent, ce qui réduit le temps de transit des cellules sanguines à travers les capillaires alvéolaires et contribue à aggraver le problème. Il ressort de cet exposé que le décalage vers la gauche de la courbe de dissociation de loxygène et de lhémoglobine en fonction de laltitude est nécessaire en tant que compensation de la réduction du gradient de diffusion de loxygène dans les alvéoles.
Les troubles du sommeil sont fréquents lors des séjours à haute altitude. La respiration périodique (respiration de Cheyne-Stokes) est un phénomène universel, caractérisé par des périodes dexagération du rythme respiratoire (hyperpnée) alternant avec des périodes dabsence de respiration (apnée) conduisant à une hypoxie. La respiration périodique a donc tendance à être plus prononcée chez les personnes présentant une sensibilité ventilatoire hypoxique maximale, et moins prononcée chez les personnes séjournant en altitude et présentant une réponse ventilatoire hypoxique plus faible. On observe cependant des périodes dhypoventilation prolongées, correspondant à des diminutions prolongées de la saturation de loxyhémoglobine. Le mécanisme de la respiration périodique est probablement lié à un accroissement de la réponse ventilatoire hypoxique qui provoque une hyperventilation en réponse à lhypoxie. Cette hyperventilation conduit à un accroissement du pH sanguin (alcalose) qui supprime à son tour la ventilation. A mesure que lacclimatement progresse, la respiration périodique saméliore. Le traitement par lacétazolamide diminue la respiration périodique et améliore la saturation de loxyhémoglobine artérielle pendant le sommeil. On devrait utiliser avec précaution les médicaments qui réduisent la ventilation, de même que lalcool, car il pourrait en résulter une aggravation de lhypoxie observée pendant le sommeil.
Ladaptation physiologique de lhumain aux altitudes élevées est un phénomène complexe susceptible, de ce fait, de recevoir un grand nombre de réponses potentiellement inadaptées. Bien que chaque syndrome soit décrit séparément dans les paragraphes qui suivent, ils se recouvrent dans une très large mesure. Les maladies telles que lhypoxie aiguë, le mal des montagnes (ou mal daltitude) aigu, ldème pulmonaire daltitude et ldème cérébral daltitude représentent très vraisemblablement un éventail dano-malies correspondant à des physiopathologies similaires.
Lhypoxie survient lors des montées à haute altitude en raison de la baisse de la pression barométrique et de la diminution corres-pondante de loxygène ambiant. Lorsque lascension est rapide, lhypoxie prend une forme aiguë et lorganisme na pas le temps de sadapter. Les alpinistes sont généralement protégés contre les effets de lhypoxie aiguë en raison du temps nécessaire aux montées en altitude et donc de lacclimatement qui se produit. Lhypoxie aiguë concerne également les aviateurs et le personnel des services de secours opérant à haute altitude. La très forte désaturation de loxyhémoglobine (jusquà des valeurs inférieures à 40 à 60%) conduit à une perte de conscience. Lorsque cette désaturation est moins prononcée, les personnes éprouvent des maux de tête, de la confusion, de la somnolence et une perte de la coordination. Lhypoxie suscite également un état deuphorie que Tissandier, lors de son ascension en ballon en 1875, a décrit comme une «jubilation intérieure». A un niveau encore plus grave, la désaturation entraîne la mort. Lhypoxie aiguë réagit rapidement et complètement à ladministration doxygène ou au retour à une altitude plus basse.
Le mal aigu des montagnes, qui est le trouble le plus fréquent à haute altitude, touche jusquaux deux tiers des personnes qui se rendent en montagne. Lincidence de cette pathologie dépend de multiples facteurs, notamment de la rapidité de lascension, de la durée de lexposition, du degré dactivité et de la sensibilité individuelle. Lidentification des individus affectés est importante afin déviter une progression vers un dème pulmonaire ou cérébral; elle sopère par la reconnaissance des signes et symptômes caractéristiques. La plupart du temps, le mal aigu des montagnes apparaît dans les heures qui suivent une ascension rapide à des altitudes supérieures à 2 500 m. Les symptômes les plus courants sont les maux de tête, plus prononcés la nuit, une perte dappétit pouvant saccompagner de nausées et de vomissements, des troubles du sommeil et de la fatigue. Les personnes atteintes se plaignent fréquemment dessoufflement, de toux et de symptômes neurologiques, comme des pertes de mémoire et des troubles auditifs ou visuels. Lexamen physique peut parfois ne rien révéler, quoique la rétention de liquides puisse être un signe annonciateur. La pathogenèse du mal aigu des montagnes est peut-être liée à une hypoventilation relative qui augmenterait le débit sanguin cérébral et la pression intracrânienne par une augmentation de Pco2 et une diminution de Po2 dans les artères. Ce mécanisme pourrait expliquer pourquoi le mal aigu des montagnes est moins fréquent chez les personnes présentant une importante réponse ventilatoire hypoxique. Le mécanisme de la rétention des liquides nest pas encore bien compris, mais il pourrait être lié à des concentrations plasmatiques anormales de protéines ou dhormones régulatrices de lévacuation de leau par les reins; il est possible que ces régulateurs répondent à un accroissement de lactivité du système nerveux sympathique noté chez les personnes atteintes dun mal aigu des montagnes. Laccumulation deau peut à son tour conduire à lapparition dun dème ou dun gonflement des espaces interstitiels des poumons. Dans les cas les plus graves, un dème pulmonaire ou cérébral peut apparaître.
Le mal aigu des montagnes peut être prévenu par une montée lente, par étapes, laissant un temps suffisant pour ladaptation. Cette manière de procéder peut être particulièrement importante pour les sujets présentant une plus grande susceptibilité ou des antécédents de mal aigu des montagnes. Ladministration dacétazolamide avant ou pendant la montée peut aussi contribuer à prévenir lapparition des symptômes ou apporter une amélioration. Lacétazolamide inhibe laction de lanhydrase carbonique dans les reins et augmente lexcrétion des ions bicarbonates et de leau, ce qui produit une acidose dans le sang. Cette acidose stimule la respiration, qui a pour effet daccroître la saturation de loxyhémoglobine artérielle et de diminuer la respiration périodique pendant le sommeil. Par ce mécanisme, lacétazolamide accélère le processus naturel de lacclimatement.
Le retour en plaine est la manière la plus efficace de traiter le mal aigu des montagnes. Toute nouvelle montée en altitude est contre-indiquée, car elle pourrait faire progresser la maladie. Lorsque la descente est impossible, on peut administrer de loxygène. Dans les expéditions en haute montagne, on peut également emporter des chambres hyperbares portables en tissu léger. Les sacs hyperbares sont particulièrement utiles lorsquon ne dispose pas doxygène et que la descente est impossible. Il existe plusieurs médicaments qui atténuent les symptômes du mal aigu des montagnes, notamment lacétazolamide et la dexaméthasone. Le mécanisme de laction de la dexaméthasone nest pas bien connu, mais il pourrait agir en diminuant les risques de formation ddème.
Ldème pulmonaire daltitude affecte environ 0,5 à 2,0% des personnes qui montent à des altitudes supérieures à 2 700 m, et il est la cause la plus fréquente des décès dus aux maladies qui surviennent en montagne. Ldème pulmonaire daltitude apparaît dans un délai de 6 à 96 heures après la montée. Les facteurs de risque pour lapparition de cette maladie sont semblables à ceux du mal aigu des montagnes. Les premiers signes les plus courants sont des symptômes du mal aigu des montagnes accompagnés dune diminution de la tolérance à leffort, dune augmentation du temps de récupération après effort, dune dyspnée à leffort et dune toux sèche persistante. A mesure que létat saggrave, le patient présente une dyspnée au repos, une congestion à lauscultation des poumons et une cyanose des lits unguéaux et des lèvres. La pathogenèse de ces troubles est incertaine, mais elle est probablement liée à un accroissement de la pression microvasculaire ou à une augmentation de la perméabilité du système microvasculaire conduisant à lapparition de ldème pulmonaire. Bien que lhypertension pulmonaire puisse aider à expliquer la pathogenèse, une élévation de la pression artérielle pulmonaire due à lhypoxie a été observée chez toutes les personnes qui montent en altitude, y compris celles qui ne développent pas ddème pulmonaire. Les sujets sensibles peuvent néanmoins présenter une constriction hypoxique anormale des artères pulmonaires conduisant à une surperfusion du système microvasculaire dans des zones localisées où une vasoconstriction hypoxique était absente ou diminuée. Lélévation de pression et les forces de cisaillement qui en résultent peuvent endommager la membrane capillaire et conduire à la formation dun dème. Ce mécanisme explique la dispersion de cette maladie et son aspect à lexamen radiographique pulmonaire. Comme pour le mal aigu des montagnes, les individus présentant une réponse ventilatoire hypoxique plus faible sont davantage susceptibles de développer un dème pulmonaire daltitude, puisquils ont de plus faibles saturations doxyhémoglobine et donc une plus grande vasoconstriction pulmonaire hypoxique.
La prévention de ldème pulmonaire daltitude est semblable à celle du mal aigu des montagnes: elle comprend la montée progressive et la prise dacétazolamide. On a montré récemment que ladministration de nifédipine, un agent relaxant des muscles lisses, exerce une action préventive chez les personnes ayant des antécédents ddème pulmonaire daltitude. Le fait déviter les efforts peut également avoir un rôle préventif, bien que cela se limite probablement aux personnes présentant déjà la maladie à un degré infraclinique.
Le meilleur moyen de traiter ldème pulmonaire daltitude est de procéder à une évacuation assistée à plus basse altitude en tenant compte du fait que la victime doit limiter son activité physique. Après la descente, lamélioration est rapide et aucun traitement supplémentaire autre que le repos allongé et ladminis-tration doxygène nest ordinairement nécessaire. Lorsque la descente nest pas possible, loxygénothérapie peut être utile. Des médications ont été tentées avec de très nombreux agents, les plus efficaces étant un diurétique, le furosémide, et la morphine. Ces médicaments doivent être employés avec précaution, car ils peuvent provoquer une déshydratation, une diminution de la pression sanguine et une dépression respiratoire. Malgré lefficacité du retour en plaine en tant que thérapie, la mortalité demeure au niveau de 11% environ. Ce taux élevé tient vraisemblablement au fait que la maladie na pas été diagnostiquée à temps ou quil na pas été possible de redescendre le malade, sans pouvoir pour autant lui administrer dautres traitements.
Ldème cérébral daltitude représente une forme extrême du mal aigu des montagnes ayant progressé jusquà inclure un dysfonctionnement cérébral généralisé. Son incidence est mal connue, car il est difficile de différencier un cas grave de mal aigu des montagnes dun cas atténué ddème cérébral. La pathogenèse de ldème cérébral daltitude est une extension de celle du mal aigu des montagnes; lhypoventilation accroît le débit sanguin cérébral et la pression intracrânienne jusquà lapparition dun dème. Les premiers symptômes dun dème cérébral sont identiques à ceux dun mal aigu des montagnes. A mesure que la maladie progresse, on note des symptômes neurologiques supplémentaires, comme une forte irritabilité et de linsomnie, une ataxie, des hallucinations, une paralysie, des crises épileptiques et, pour finir, un coma. Lexamen des yeux révèle communément un gonflement de la papille optique, ou dème papillaire. Les hé-morragies rétiniennes sont fréquentes. Par ailleurs, les dèmes cérébraux sont souvent associés à des dèmes pulmonaires.
Le traitement de ldème cérébral daltitude est semblable à celui des autres troubles dus aux altitudes élevées, la descente en plaine étant la thérapie préférée. Il est indiqué dadministrer de loxygène pour maintenir une saturation de loxyhémoglobine supérieure à 90%. La constitution de ldème peut être atténuée par lutilisation de corticostéroïdes comme la dexaméthasone. Des diurétiques ont également été employés pour diminuer ldème, mais leur efficacité est incertaine. Les patients comateux peuvent avoir besoin dune assistance supplémentaire au niveau des voies aériennes. La réponse au traitement est variable, avec des déficits neurologiques et un coma persistant sur une période de plusieurs jours à plusieurs semaines après lévacuation à plus basse altitude. Les mesures préventives de ldème cérébral sont identiques à celles des autres syndromes daltitude.
Les hémorragies rétiniennes sont extrêmement fréquentes, puis-quelles affectent jusquà 40% des individus à 3 700 m et 56% à 5 350 m. Elles sont ordinairement asymptomatiques et sont très probablement causées par un accroissement du débit sanguin et une dilatation vasculaire de la rétine dus à une hypoxie artérielle. Les hémorragies rétiniennes sont plus fréquentes chez les individus sujets aux céphalées; elles peuvent être précipitées par un effort physique intense. A la différence dautres syndromes daltitude, les hémorragies rétiniennes ne peuvent pas être prévenues par une thérapie à base dacétazolamide ou de furosémide. Elles disparaissent généralement de manière spontanée en deux semaines.
Le mal chronique des montagnes affecte les personnes résidant en permanence, ou installées depuis longtemps, à haute altitude. La première description en a été donnée par Monge qui étudiait des Indiens des Andes vivant à des altitudes supérieures à 4 000 m. Le mal chronique des montagnes, ou maladie de Monge, a été décrit depuis lors chez la plupart des habitants des régions montagneuses, à lexception des sherpas. Les hommes sont plus fréquemment affectés que les femmes. Le mal se caractérise par une pléthore, une cyanose et une augmentation du nombre des globules rouges conduisant à des symptômes neurologiques incluant les maux de tête, les vertiges, la léthargie et les troubles de la mémoire. Les victimes de ce mal peuvent être atteintes dune défaillance du cur droit, appelée également cur pulmonaire , due à une hypertension pulmonaire et à une forte réduction de la saturation de loxyhémoglobine. La pathogenèse du mal chronique des montagnes nest pas bien établie. Des mesures sur les individus affectés ont révélé une diminution de la réponse ventilatoire hypoxique, une grave hypoxémie exacerbée pendant le sommeil, ainsi quune augmentation de la concentration en hémoglobine et de la pression artérielle pulmonaire. Bien quune relation de cause à effet semble probable, les preuves sont absentes ou manquent de clarté.
Une bonne partie des symptômes du mal chronique des montagnes peut être améliorée par un retour au niveau de la mer qui supprime le stimulus hypoxique pour la production dérythrocytes et la vasoconstriction pulmonaire. Les autres traitements envisa-geables sont la phlébotomie, pour réduire le nombre des globules rouges, et ladministration doxygène avec un faible débit pendant le sommeil, pour atténuer lhypoxie. On a constaté également lefficacité dun traitement à la médroxyprogestérone, un stimulant respiratoire. Une étude relève que ladministration de mé-droxyprogestérone pendant 10 semaines a été suivie dune amélioration de la ventilation, dune atténuation de lhypoxie et dune diminution du nombre des globules rouges.
Les patients atteints danémie falciforme sont davantage sujets à des crises douloureuses docclusion vasculaire en altitude. Même à laltitude modérée de 1 500 m, on a constaté que ces crises étaient précipitées; à 1 925 m, le risque de crise est de 60%. En Arabie saoudite, les personnes atteintes danémie falciforme et résidant à 3 050 m ont deux fois plus de crises que les patients au niveau de la mer. En outre, les sujets présentant un trait drépanocytaire peuvent développer un syndrome dinfarctus splénique lors dune montée en altitude. Les étiologies probables pour laccroissement du risque de crise docclusion vasculaire comprennent la déshydratation, laugmentation du nombre des globules rouges et limmobilité. On traite les crises docclusion vasculaire par un retour au niveau de la mer, une oxygénothérapie et une hydratation intraveineuse.
Il nexiste pratiquement pas de données sur les risques que présente une montée aux altitudes élevées pour les femmes enceintes. Bien que les patientes résidant en haute montagne présentent un risque accru dhypertension due à la grossesse, il nest pas fait état dune augmentation du nombre davortements involontaires. Lhypoxie aiguë peut provoquer des anomalies de la fréquence cardiaque du ftus, mais cela se produit uniquement à très haute altitude ou en présence dun dème pulmonaire daltitude. Le risque majeur pour la femme enceinte paraît donc lié à léloignement plutôt quà des complications induites par laltitude.
De nombreuses personnes travaillent à des altitudes élevées, en particulier dans les villes et les villages des Andes et sur le plateau tibétain. La majorité sont des montagnards installés depuis de nombreuses années, voire plusieurs générations. Il sagit le plus souvent dactivités agricoles, comme la garde de troupeaux.
Lobjet de ce chapitre est cependant différent. On a constaté récemment un important développement des activités industrielles à des altitudes allant de 3 500 à 6 000 m. Cest ainsi quau Chili et au Pérou des mines sont exploitées à des altitudes denviron 4 500 m; certaines dentre elles sont très importantes et emploient plus de 1 000 personnes. Un autre exemple est celui du télescope de Mauna Kea, à Hawaï, situé à une altitude de 4 200 m.
Il est de tradition que les mines des Andes en altitude, dont certaines datent de la période coloniale espagnole, soient exploitées par des indigènes implantés en montagne depuis plusieurs générations. Néanmoins, depuis peu, on fait davantage appel à des travailleurs originaires des plaines. Il existe plusieurs raisons à ce changement. Lune est que, dans ces régions éloignées, la population nest pas assez nombreuse pour les besoins de lexploitation minière. Une autre raison, tout aussi importante, est que lautomatisation croissante de lexploitation minière exige un personnel qualifié pour conduire les grandes excavatrices, les chargeuses et les camions, qualifications que la main-duvre locale ne possède pas toujours. Une troisième raison tient à léconomie du développement de ces mines. Alors quauparavant des villes entières étaient créées au voisinage de la mine pour loger les familles des travailleurs avec linfrastructure nécessaire, comme les écoles ou les hôpitaux, on estime maintenant préférable que les familles vivent en plaine et que les travailleurs effectuent le déplacement jusquaux mines. Les raisons ne sont pas uniquement dordre économique; en effet, la qualité de la vie est moins bonne à 4 500 m quelle ne lest plus bas (la croissance des enfants y est plus lente, par exemple). La décision de laisser les familles en plaine et de déplacer les travailleurs en altitude repose donc sur une base socio-économique solide.
Le déplacement dune main-duvre du niveau de la mer à des altitudes de lordre de 4 500 m pose un grand nombre de problèmes médicaux, dont une bonne part demeurent mal compris. Il est certain que, chez la plupart des personnes qui passent du niveau de la mer à une altitude de 4 500 m, on voit apparaître dans un premier temps certains des symptômes du mal aigu des montagnes. La tolérance à laltitude saméliore souvent après les 2 ou 3 premiers jours. Mais la forte hypoxie à ces altitudes présente plusieurs effets nocifs pour lorganisme; la capacité de travail maximale est réduite et les personnes se fatiguent plus rapidement. Lefficacité mentale est affectée elle aussi, et de nombreuses personnes estiment quelles ont davantage de difficulté à se concentrer. Le sommeil est souvent de mauvaise qualité, avec de fréquents réveils et une respiration périodique (la respiration croît et décroît 3 ou 4 fois par minute), de sorte que la Po2 dans le sang artériel tombe à des niveaux peu élevés après les périodes dapnée ou de respiration réduite.
La tolérance à laltitude varie largement selon les individus, et il est souvent très difficile de prévoir quels seront ceux qui présenteront une intolérance. Un nombre appréciable de ceux qui désireraient travailler à 4 500 m constatent quils sont incapables de le faire ou que la qualité de la vie y est si médiocre quils refusent de rester. Des questions telles que la sélection des travailleurs susceptibles de tolérer des altitudes élevées, ou lorganisation dhoraires faisant alterner travail en altitude et séjour au niveau de la mer, sont relativement nouvelles et encore mal connues.
En plus de lexamen dembauche habituel, on devrait accorder une attention spéciale au système cardio-respiratoire, étant donné que le travail en altitude sollicite fortement les systèmes respiratoire et cardio-vasculaire. Des affections comme un début de bronchite chronique et lasthme seront bien plus invalidantes à haute altitude, en raison des niveaux élevés de ventilation, et lon devrait sattacher spécialement à leur dépistage. Un gros fumeur présentant des symptômes de bronchite aura vraisemblablement des difficultés à tolérer les altitudes élevées. On devrait effectuer un examen spirométrique forcé en plus de lexamen thoracique habituel comprenant une radiographie du thorax. On effectuera si possible une épreuve deffort, car laltitude a pour effet dexa-cerber une intolérance à leffort.
Le système cardio-vasculaire devrait être examiné avec soin; on prévoira si possible un électrocardiogramme deffort. On procédera également à des numérations globulaires, de manière à exclure les personnes présentant des niveaux inhabituels danémie ou de polyglobulie.
Par ailleurs, comme la vie à haute altitude a souvent pour effet daccroître la tension psychologique, on devrait examiner soi-gneusement les antécédents des candidats de manière à exclure ceux qui auraient présenté par le passé des problèmes de comportement. Dans de nombreuses mines modernes daltitude, la consommation dalcool est interdite. Enfin, les problèmes gastro-intestinaux étant fréquents chez certaines personnes aux altitudes élevées, celles qui ont déjà souffert de dyspepsie pourraient avoir des difficultés à sacclimater.
En plus de la recherche des personnes souffrant dune maladie respiratoire ou cardiaque et qui risquent de rencontrer des difficultés à haute altitude, il serait très utile deffectuer des tests pour sélectionner celles qui sont susceptibles de bien sadapter à laltitude. Malheureusement, on ne dispose pour linstant que dinformations limitées sur les prédicteurs de la tolérance aux altitudes élevées, quoique dimportants travaux soient effectués dans ce domaine.
Lexpérience professionnelle antérieure constitue probablement le meilleur prédicteur de la tolérance aux altitudes élevées. Si une personne a pu travailler pendant plusieurs semaines à 4 500 m sans problème appréciable, il est très probable quelle pourra le faire à nouveau. De même, celui qui a tenté de travailler en altitude et constaté quil ne pouvait pas le supporter aura très probablement la même difficulté la fois suivante. Dans la sélection du personnel, on devrait donc accorder une grande importance au bon déroulement dune période demploi antérieure en altitude. Il va de soi que ce critère ne saurait être appliqué strictement, car personne ne pourrait alors être choisi pour un premier emploi en altitude.
Lamplitude de la réponse ventilatoire à lhypoxie est un autre prédicteur possible. Cette réponse peut être mesurée au niveau de la mer en faisant respirer au candidat une faible concentration doxygène et en mesurant laccroissement de la ventilation. Il semble que les personnes présentant une réponse ventilatoire hypoxique relativement faible tolèrent mal les altitudes élevées. Schoene (1982) a montré, par exemple, que 14 alpinistes présentaient des réponses ventilatoires hypoxiques sensiblement plus élevées que celles de 10 témoins. Dautres mesures faites lors de lexpédition médicale américaine de 1981 à lEverest ont montré que la réponse ventilatoire hypoxique mesurée avant et pendant lexpédition présentait une bonne corrélation avec les performances à très haute altitude (Schoene, Lahiri, Hackett et coll., 1984). Masuyama, Kimura, Sugita et coll. (1986) ont indiqué que 5 alpinistes ayant atteint 8 000 m au Kanchenjunga présentaient une réponse ventilatoire hypoxique supérieure à celle de 5 autres alpinistes qui nétaient pas parvenus à cette altitude.
Cette corrélation est cependant loin dêtre universelle. Dans une étude prospective sur 128 personnes ayant effectué des ascensions jusquà des altitudes élevées, la mesure de la réponse ventilatoire hypoxique ne présentait pas de corrélation positive avec laltitude atteinte, alors quune mesure de la consommation maximale doxygène au niveau de la mer était effectivement corrélée (Richalet, Kerome et Bersch, 1988). Cette étude donne également à penser que la réponse de la fréquence cardiaque à lhypoxie aiguë pourrait être un prédicteur utile des performances à haute altitude. Dautres études, en revanche, ont montré une faible corrélation entre la réponse ventilatoire hypoxique et les perfor-mances à très haute altitude (Ward, Milledge et West, 1995).
Linconvénient dun grand nombre de ces études est que leurs résultats sappliquent surtout à des altitudes très supérieures à celles considérées ici. Il existe également de nombreux exemples dalpinistes qui présentent une réponse ventilatoire hypoxique moyenne et qui ont néanmoins de bonnes performances en altitude. Quoi quil en soit, une réponse ventilatoire hypoxique anormalement basse constitue probablement un facteur de risque pour la tolérance à des altitudes même relativement modérées (comme 4 500 m).
Un moyen de mesurer la réponse ventilatoire hypoxique au niveau de la mer consiste à soumettre le sujet à des réinspirations dans un sac rempli initialement de 24% doxygène et de 7% de dioxyde de carbone, le reste étant constitué dazote. Pendant les réinspirations, la valeur de Pco2 est contrôlée et maintenue cons-tante au moyen dune dérivation variable et dun absorbeur du dioxyde de carbone. Les réinspirations peuvent être poursuivies jusquà ce que la Po2 dans lair inspiré tombe à environ 40 mmHg (5,3 kPa). La saturation artérielle en oxygène est mesurée en continu au moyen dun oxymètre par impulsions, et la courbe de la ventilation est établie en fonction de la saturation (Rebuck et Campbell, 1974). Une autre manière de mesurer la réponse ventilatoire hypoxique consiste à déterminer la pression inspiratoire pendant une courte période docclusion des voies aériennes alors que le sujet respire un mélange sous-oxygéné (Whitelaw, Derenne et Milic-Emili, 1975).
Un autre prédicteur possible de la tolérance aux altitudes élevées est constitué par la capacité de travail pendant une hypoxie aiguë au niveau de la mer. On considère en effet quune personne qui nest pas en mesure de tolérer une hypoxie aiguë est davantage susceptible dintolérance à lhypoxie chronique, bien que les preuves en faveur ou à lencontre de cette hypothèse fassent relativement défaut. Les physiologistes soviétiques ont retenu la tolérance à lhypoxie aiguë comme lun des critères pour la sélection des alpinistes de lexpédition soviétique réussie à lEverest en 1982 (Gazenko, 1987). On doit noter par ailleurs que les changements qui se produisent pendant lacclimatement sont si profonds quil ne serait pas étonnant que les performances pendant une hypoxie aiguë présentent une faible corrélation avec laptitude à travailler pendant une hypoxie chronique.
On peut également retenir comme prédicteur laccroissement de la pression artérielle pulmonaire pendant une hypoxie aiguë au niveau de la mer. Cette mesure peut être effectuée rapidement de manière non invasive au moyen dun examen Doppler. La principale justification de ce test est la corrélation connue entre le développement dun dème pulmonaire daltitude et le degré de vasoconstriction pulmonaire hypoxique (Ward, Milledge et West, 1995). Cependant, comme ldème pulmonaire daltitude est peu fréquent chez les personnes travaillant à 4 500 m, lutilité pratique de ce test est incertaine.
Le seul moyen détablir si ces tests de sélection des travailleurs ont une valeur pratique est de faire une étude prospective dans laquelle les résultats des tests effectués au niveau de la mer sont corrélés à une évaluation ultérieure de la tolérance aux altitudes élevées. Cela pose la question de la méthode de mesure de cette tolérance. On procède habituellement au moyen de questionnaires, comme le questionnaire de Lake Louise (Hackett et Oelz, 1992). Les questionnaires peuvent cependant se révéler peu fia-bles, car les travailleurs ont conscience que sils admettent une intolérance à laltitude, ils risquent de perdre leur emploi. Il est exact quil existe des signes objectifs de lintolérance à laltitude, comme le fait de quitter son travail, les râles pulmonaires (en tant quindication dun dème pulmonaire infraclinique) ou une ataxie modérée indiquant un dème cérébral daltitude infraclinique. Ces signes ne seront cependant observés que chez les personnes présentant une grave intolérance à laltitude; une étude prospective effectuée uniquement sur ces bases serait dès lors fort peu significative.
Il convient de souligner que la valeur de ces tests de la tolérance au travail à haute altitude na pas été établie. Toutefois, les conséquences économiques du recrutement dun nombre substantiel de personnes qui se révéleraient incapables deffectuer un travail satisfaisant en altitude sont telles quil serait particulièrement intéressant de disposer de prédicteurs utiles. Des études se poursuivent actuellement en vue de déterminer lesquels de ces prédicteurs sont fiables et se prêtent à une application pratique. Des mesures comme la réponse ventilatoire hypoxique à lhypoxie ou la capacité de travail pendant une hypoxie aiguë au niveau de la mer ne présentent pas de difficulté particulière. Elles doivent cependant être effectuées par un laboratoire professionnel. Enfin, le coût de ces investigations ne se justifie que si les mesures en question ont une valeur prédictive notable.
Il convient de rappeler que le présent article examine les problèmes particuliers qui se posent lorsque des activités industrielles comme lexploitation minière exigent que des personnes quittent leur famille installée au niveau de la mer pour travailler à des altitudes de lordre de 4 500 m. Ces difficultés ne se posent évidemment pas lorsque ces personnes vivent en permanence en altitude.
Lélaboration dun programme optimal pour les déplacements entre la haute altitude et le niveau de la mer est une question délicate; les programmes qui ont été utilisés jusquà présent sont relativement dépourvus de base scientifique, car ils étaient fondés essentiellement sur des considérations sociales comme la durée maximale du séjour en altitude que les travailleurs étaient disposés à accepter sans revoir leur famille.
Le principal argument médical en faveur dun séjour de plusieurs jours consécutifs passés en haute altitude est lavantage apporté par lacclimatement. Un grand nombre de personnes montrant des symptômes de mal aigu des montagnes après une montée en altitude ressentent une amélioration très sensible après 2 à 4 jours, ce qui signifie quun acclimatement rapide sest produit pendant cette période. On sait par ailleurs que la réponse ventilatoire à lhypoxie prend 7 à 10 jours pour se stabiliser (Lahiri, 1972; Dempsey et Forster, 1982). Cette amélioration de la ventilation est lune des principales caractéristiques du processus dacclimatement, de sorte quil est raisonnable de recommander que la période de travail en altitude soit de 10 jours au moins.
Les autres caractéristiques de lacclimatement aux altitudes élevées nécessitent probablement des périodes bien plus longues pour se manifester. On peut donner comme exemple la polyglobulie, qui se stabilise après plusieurs semaines. On doit préciser cependant que la valeur physiologique de la polyglobulie est bien moins certaine quon ne le pensait auparavant. Winslow et Monge (1987) ont montré en fait que les niveaux extrêmement élevés de polyglobulie observés parfois chez les résidents permanents à des altitudes de lordre de 4 500 m sont contre-productifs, dans la mesure où il est parfois possible daugmenter la capacité de travail si lon diminue lhématocrite en prélevant du sang pendant plusieurs semaines.
Une autre question importante est celle de la rapidité de la désadaptation. Dans lidéal, les travailleurs ne devraient pas perdre toute ladaptation acquise en altitude lorsquils rejoignent leur famille au niveau de la mer. Les recherches sur la rapidité de la désadaptation sont malheureusement peu nombreuses, quoique certaines mesures semblent montrer que les changements de la réponse ventilatoire pendant la désadaptation sont plus lents que pendant ladaptation (Lahiri, 1972).
Le temps nécessaire pour transporter les travailleurs du niveau de la mer jusquen altitude et inversement est également une question pratique à prendre en compte. La mine de Collahuasi, au nord du Chili, nest quà quelques heures de route de la ville côtière dIquique où résident normalement la plupart des familles, mais si le travailleur habite Santiago, le voyage peut prendre plus dune journée. Dans ces conditions, une période de travail en altitude de 3 à 4 jours seulement serait évidemment inefficace en raison du temps perdu dans les déplacements.
Les facteurs sociaux jouent également un rôle critique dans tous les programmes dactivité impliquant un éloignement de la famille. Même sil existe des raisons médicales et physiologiques de penser que la période dadaptation optimale doit être de 14 jours, le fait que les travailleurs ne soient pas disposés à quitter leur famille pour plus de 7 à 10 jours peut être un facteur déterminant. Lexpérience acquise montre quun programme de 7 jours en altitude suivi de 7 jours au niveau de la mer, ou un programme de 10 jours en altitude suivi dune même période au niveau de la mer représentent probablement les solutions les plus acceptables.
On notera quavec ce type de programme la personne ne parvient jamais ni à une adaptation complète en altitude, ni à une désadaptation complète au niveau de la mer; elle passe son temps à osciller entre les deux extrêmes, sans jamais retirer tout le bénéfice de chaque état. En outre, certains travailleurs se plaignent dune extrême fatigue à leur retour au niveau de la mer et passent les 2 à 3 premiers jours à se rétablir. Il est possible quil existe un lien avec la mauvaise qualité du sommeil, fréquente aux altitudes élevées. Ces problèmes mettent en lumière notre ignorance des facteurs qui déterminent les meilleurs programmes et soulignent la nécessité dune poursuite des recherches.
Quel que soit le programme adopté, il est extrêmement bénéfique que les travailleurs aient la possibilité de dormir à une altitude plus basse que celle du lieu de travail. Cette possibilité dépend naturellement de la topographie de la région: on ne peut pas donner aux travailleurs la possibilité de dormir à plus basse altitude sil faut plusieurs heures pour sy rendre, car cela entamerait la journée de travail dune manière excessive. En revanche, sil existe à quelques centaines de mètres plus bas un emplacement qui puisse être atteint en une heure, par exemple, linstallation de dortoirs à cette altitude plus basse sera de nature à améliorer la qualité du sommeil, le confort, le bien-être et la productivité des travailleurs.
Les effets nocifs des altitudes élevées sont causés par la faible pression partielle doxygène dans lair. Cela est dû au fait que, si la concentration en oxygène est la même quau niveau de la mer, la pression barométrique est en revanche réduite. En altitude, on ne dispose malheureusement que de possibilités daction limitées contre cette «agression climatique», comme la appelée Carlos Monge, le père de la médecine daltitude au Pérou (Monge, 1948).
Une possibilité consiste à accroître la pression barométrique dans une zone restreinte; cest le principe du sac de Gamow, qui est parfois utilisé pour le traitement durgence du mal des montagnes. Une pressurisation de zones étendues, telles que des locaux, est cependant difficile du point de vue technique; le fait de pénétrer dans une pièce où la pression a été augmentée, ou den sortir, pose également des problèmes médicaux, par exemple une gêne dans loreille moyenne en cas dobstruction de la trompe dEustache.
On peut également accroître la concentration en oxygène de certaines parties du lieu de travail; cest une solution relativement nouvelle qui est appelée à un grand avenir (West, 1995). Comme il a été dit plus haut, même après une période dadaptation de 7 à 10 jours à une altitude de 4 500 m, il existe une très forte hypoxie qui continue de réduire la capacité de travail, les facultés mentales et la qualité du sommeil. Il serait donc très utile de réduire, si possible, le degré dhypoxie sur certains chantiers.
On peut le faire en ajoutant de loxygène à la ventilation normale. Il est remarquable de constater à quel point un enrichissement relativement modeste en oxygène peut donner de bons résultats. On a montré que pour chaque augmentation de 1% de la concentration en oxygène (par exemple de 21 à 22%) laltitude équivalente était réduite de 300 m (laltitude équivalente est celle qui présente la même valeur de Po2 dans lair inspiré que dans le local enrichi en oxygène). Ainsi, à une altitude de 4 500 m, une augmentation de 21 à 26% de la concentration en oxygène réduirait laltitude équivalente de 1 500 m. On aurait donc une altitude équivalente de 3 000 m, qui est, elle, facilement tolérée. Loxygène serait ajouté au système normal de ventilation du local et ferait donc partie de la climatisation. Il est admis que les locaux où lon travaille doivent offrir des conditions de température et dhumidité confortables; dès lors, le contrôle de la concentration en oxygène peut être considéré comme une extension logique du contrôle exercé par lhumain sur son environnement.
Lenrichissement en oxygène a été rendu possible par la mise sur le marché déquipements relativement peu onéreux capables de fournir dimportantes quantités doxygène pratiquement pur. Léquipement le plus prometteur est un concentrateur doxygène utilisant un tamis moléculaire. Cet appareil absorbe préférentiellement lazote et produit ainsi à partir de lair un gaz enrichi en oxygène. Il est difficile de produire de loxygène pur avec ce type de concentrateur, mais on peut obtenir facilement des concentrations doxygène de 90% dans lazote qui présentent la même utilité pour lapplication envisagée. Ces dispositifs peuvent fonctionner de manière continue. En pratique, on utilise en alternance deux tamis moléculaires, lun étant purgé tandis que lautre absorbe activement lazote. Ces appareils nécessitent uniquement une alimentation en énergie électrique, normalement abondante dans les mines modernes. Pour donner une indication approximative du coût de lenrichissement en oxygène, signalons quil est très facile de se procurer un petit modèle commercial produisant 300 litres doxygène à 90% par heure. Cet appareil a été mis au point pour produire de loxygène en vue du traitement à domicile des personnes atteintes dune maladie pulmonaire. Sa puissance est de 350 W et son coût initial de lordre de 2 000 dollars E.-U. Cette machine suffit à élever de 3% la concentration en oxygène dans une pièce occupée par une personne, avec un niveau de ventilation minimal, quoique acceptable. On trouve également de très grands concentrateurs doxygène dans lindustrie de la pâte à papier. Loxygène liquide pourrait également se révéler intéressant dans certaines situations.
Dans une exploitation minière, par exemple, il existe plusieurs zones où un enrichissement en oxygène peut être envisagé. Lune serait le bureau ou la salle de conférence du directeur, où des décisions importantes sont prises. En cas de situation de crise, par exemple sil survenait un accident grave, ces lieux seraient plus propices à la réflexion que lenvironnement hypoxique des autres zones; on sait en effet quune altitude de 4 500 m altère le fonctionnement du cerveau (Ward, Milledge et West, 1995). Un enrichissement en oxygène serait également bénéfique dans les laboratoires où lon effectue des mesures de contrôle de la qualité. On peut aussi recourir à un enrichissement en oxygène dans les dortoirs pour améliorer la qualité du sommeil. Il serait facile de concevoir des essais en double aveugle de lefficacité dun enrichissement en oxygène à des altitudes de lordre de 4 500 m; ceux-ci devraient être effectués dès que possible.
Les complications pouvant résulter dun enrichissement en oxygène doivent également être envisagées. On a évoqué le problème dune aggravation des risques dincendie, mais un accroissement de 5% de la concentration en oxygène à une altitude de 4 500 m crée en fait une atmosphère présentant une inflammabilité inférieure à celle de lair au niveau de la mer (West, 1997). Il convient de noter que, si un enrichissement en oxygène accroît la valeur de la Po2, celle-ci reste très inférieure à celle du niveau de la mer. Linflammabilité dune atmosphère dépend en effet de deux facteurs (Roth, 1964):
Cet effet extincteur est légèrement réduit aux altitudes élevées, mais le résultat global est néanmoins une plus faible inflammabilité. Loxygène pur ou pratiquement pur est évidemment dangereux, et lon devrait prendre les précautions habituelles pour transférer loxygène du concentrateur aux conduites du système de ventilation.
La perte de lacclimatement à laltitude est parfois citée comme un inconvénient de lenrichissement en oxygène. Mais il nexiste pas fondamentalement de différence entre le fait de pénétrer dans une pièce dont latmosphère est plus riche en oxygène et celui de redescendre à plus basse altitude. Chacun dormirait à plus basse altitude sil pouvait le faire, et ce nest donc pas un argument contre le recours à lenrichissement en oxygène. Il est vrai que, toutes choses étant égales par ailleurs, une exposition fréquente à une altitude plus basse aurait pour effet de diminuer ladaptation à une altitude supérieure, mais comme le but final est dassurer lefficacité du travail à laltitude plus élevée de la mine, cet objectif pourrait être atteint plus facilement grâce à un enrichissement en oxygène.
On a parfois avancé quen modifiant ainsi latmosphère on risquait daccroître, sur le plan juridique, la part de responsabilité revenant à linstallation en cas dapparition dune forme de maladie ayant un rapport avec lhypoxie. En fait, cest lopinion opposée qui paraît plus raisonnable. Une personne victime par exemple dun infarctus du myocarde alors quelle travaille dans une mine en altitude pourrait prétendre que cest laltitude qui a contribué à son état, mais lon sait que toute méthode ayant pour résultat de réduire le stress hypoxique rend moins probable la survenue des maladies liées à laltitude.
Les différents types de maladies dues à laltitude, comme le mal aigu des montagnes, ldème pulmonaire daltitude ou ldème cérébral daltitude, ont déjà été traités dans ce chapitre, de sorte quil ne reste pas grand chose à ajouter, si ce nest que toutes les personnes souffrant dune maladie liée à laltitude devraient être mises au repos. Cette mesure peut savérer suffisante dans le cas daffections comme le mal aigu des montagnes. Si lon dispose dun équipement adéquat, on fera respirer de loxygène au patient. Néanmoins, si létat de celui-ci ne saméliore pas ou sil se dégrade, le retour à plus basse altitude sera de loin la solution la meilleure. En effet, dans toutes les maladies liées à laltitude, le sujet réagit en général rapidement à un retour à une altitude plus modérée. Dans les grandes entreprises qui disposent en permanence de moyens de transport, cela ne présente pas de difficulté.
Les entreprises pourraient prévoir un local pour recevoir une petite enceinte pressurisée dans laquelle on placerait le patient et où de lair serait admis de manière à réduire laltitude équivalente. Dans la pratique, on utilise couramment à cette fin un sac en matériau résistant, et notamment un modèle appelé sac de Gamow, daprès le nom de son inventeur. Mais comme le principal avantage dun tel sac est dêtre transportable et que ce critère nest pas véritablement essentiel lorsquil sagit dune entreprise dune certaine importance, il serait sans doute préférable dutiliser une enceinte plus grande et rigide. Celle-ci devrait avoir des dimensions suffisantes pour quun membre de léquipe soignante puisse y prendre place avec le patient. Il est évidemment essentiel que cette enceinte soit bien ventilée. Il est intéressant de noter que cette méthode daccroissement de la pression atmosphérique semble dans certains cas plus efficace pour le traitement des maladies liées à laltitude que ladministration au patient dune concentration élevée doxygène, mais on ignore pourquoi il en est ainsi.
En général, cette affection satténue spontanément et le patient se sent beaucoup mieux après 1 ou 2 jours. On peut réduire son incidence par la prise dacétazolamide (Diamox) et ce, à raison de 1 à 2 comprimés de 250 mg par jour avant larrivée en altitude, ou seulement à lapparition des symptômes. Même les personnes présentant des symptômes atténués ont constaté que la prise dun demi-comprimé le soir améliorait fréquemment la qualité du sommeil. Contre les maux de tête, on utilisera laspirine ou le paracétamol. Les formes graves de mal aigu des montagnes peuvent être traitées à la dexaméthasone, initialement à 8 mg, puis à 4 mg toutes les 6 heures. Mais la descente à une altitude plus basse constitue de loin le meilleur traitement en cas datteinte sérieuse.
Il sagit dune complication potentiellement grave du mal des montagnes, qui doit absolument être traitée. Dans ce cas également, la descente représente le meilleur traitement. En attendant lévacuation, ou si celle-ci nest pas possible, on devrait faire respirer de loxygène au patient ou le placer dans une enceinte pressurisée. On administrera de la nifédipine (un inhibiteur calcique), à raison dune dose sublinguale de 10 mg suivie dune dose de 20 mg à libération lente. Il en résulte une baisse de la pression artérielle pulmonaire; le traitement est souvent très efficace, mais le patient doit néanmoins être ramené à une altitude inférieure.
Il sagit dune complication qui peut être très grave et qui exige une descente immédiate. En attendant lévacuation, ou si celle-ci est impossible, on fera respirer de loxygène au patient ou on le placera dans un environnement hyperbare. On le traitera à la dexaméthasone, initialement à 8 mg, puis à 4 mg toutes les 6 heures.
Comme nous lavons mentionné plus haut, les personnes qui souffrent dune forme grave de mal aigu des montagnes, ddème pulmonaire daltitude ou ddème cérébral daltitude encourent des risques de rechute si elles retournent à des altitudes élevées. En conséquence, lorsquun travailleur présente lune de ces affections, on sefforcera de lui trouver un emploi à plus basse altitude.
Le travail en altitude provoque diverses réponses biologiques qui ont été étudiées dans le présent chapitre. La réponse hyperventilatoire à laltitude est de nature à accroître sensiblement la dose totale de substances dangereuses pouvant être inhalées par des personnes professionnellement exposées, comparativement aux personnes travaillant dans des conditions similaires au niveau de la mer. Cela signifie quil convient de réduire les limites dexposition sur 8 heures employées comme base des normes dexposition. Au Chili, par exemple, lobservation que la silicose progresse plus rapidement chez les mineurs travaillant en altitude a conduit à réduire le niveau dexposition autorisé, exprimé en mg/m3, en proportion de la pression barométrique sur le lieu de travail. Aux altitudes moyennes, il peut en résulter une correction exagérée mais favorable au travailleur exposé. En revanche, il nest pas nécessaire de corriger les valeurs limites dexposition (VLE), exprimées en parties par million (ppm), car la proportion de millimoles de contaminant par mole doxygène dans lair et le nombre de moles doxygène nécessaires à un travailleur restent à peu près constants à différentes altitudes, bien que le volume dair conte-nant une mole doxygène varie.
Pour ne pas fausser les résultats, il est cependant nécessaire dutiliser, pour déterminer la concentration en ppm, une méthode de mesure volumétrique vraie, comme celle de lappareil dOrsat ou des indicateurs de Bacharach Fyrite. Les tubes colorimétriques étalonnés pour des lectures en ppm ne donnent pas de mesure véritablement volumétrique, car leurs indications sont fournies en fait par une réaction chimique entre le contaminant atmosphérique et un réactif. On sait que, dans toutes les réactions chimiques, les substances se combinent proportionnellement au nombre de moles en présence et non proportionnellement aux volumes. La pompe à air actionnée à la main aspire un volume dair constant dans le tube, quelle que soit laltitude. Aux altitudes plus élevées, ce volume contiendra une masse plus faible de contaminant, ce qui donnera une lecture inférieure à la concentration volumétrique effective en ppm (Leichnitz, 1977). Les lectures devront donc être corrigées en multipliant la valeur relevée par la pression barométrique au niveau de la mer et en divisant le résultat par la pression barométrique à lemplacement du prélèvement, et cela en employant les mêmes unités (Torr ou mbar, par exemple) pour les deux pressions.
Echantillonneurs à diffusion. Les lois de la diffusion des gaz indiquent que lefficacité de rétention des échantillonneurs à diffusion est indépendante des variations de la pression barométrique. Les travaux expérimentaux de Lindenboom et Palmes (1983) montrent que dautres facteurs, qui restent à déterminer, influencent le prélèvement de NO2 aux pressions réduites. Lerreur est denviron 3,3% à une altitude équivalente de 3 300 m, et de 8,5% à 5 400 m. Les causes de cette variation et les effets de laltitude sur dautres gaz et vapeurs appellent des études plus poussées.
On ne dispose pas dinformations en ce qui concerne les effets de laltitude sur les détecteurs de gaz portatifs étalonnés en ppm, qui sont équipés de capteurs électrochimiques à diffusion, mais on peut raisonnablement supposer quils nécessitent la même correction que les tubes colorimétriques. La meilleure méthode serait manifestement de les étalonner en altitude avec un gaz dessai de concentration connue.
Les principes de fonctionnement et de mesure des instruments électroniques devraient être examinés attentivement afin de déterminer si ces instruments doivent subir un nouvel étalonnage lorsquils sont utilisés en altitude.
Pompes déchantillonnage. Ces pompes sont généralement volumétriques cest-à-dire quelles déplacent un volume déterminé à chaque tour mais comme elles constituent habituellement le dernier élément de la chaîne de prélèvement, le volume dair effectivement aspiré est affecté par les pertes de charge causées par les filtres, la tuyauterie, le débitmètre et les autres éléments qui font partie de la chaîne. Les rotamètres indiqueront un débit inférieur au débit effectif.
La meilleure solution au problème de léchantillonnage en altitude consiste à étalonner le système déchantillonnage sur le lieu même du prélèvement, ce qui évite davoir à effectuer des corrections. Un laboratoire détalonnage à film à bulles, de la taille dun porte-documents, est disponible auprès des fabricants de pompes déchantillonnage. Cet équipement peut facilement être transporté sur place; il permet un étalonnage rapide en conditions réelles et comporte même une imprimante qui permet un enregistrement continu des résultats.
Les valeurs limites dexposition (VLE) ont été établies pour une journée de travail normale de 8 heures et une semaine de travail normale de 40 heures. La tendance actuelle, en ce qui concerne le travail en altitude, consiste à travailler un plus grand nombre dheures pendant un nombre de jours déterminé, puis à prévoir un retour vers la ville la plus proche pour une période de repos prolongée, de manière à maintenir la durée moyenne de travail dans la limite légale, qui est au Chili de 48 heures par semaine.
En cas décart par rapport à lhoraire de travail quotidien normal de 8 heures, il conviendra détudier sil existe une accumulation de substances toxiques dans lorganisme en raison de laccroissement de la durée dexposition et de la réduction des temps de détoxification.
La réglementation chilienne en matière de santé au travail a adopté le «modèle de Brief et Scala» décrit par Paustenbach (1985) pour réduire les VLE dans le cas dun horaire de travail prolongé. En altitude, on devrait également effectuer une correction pour tenir compte de la pression barométrique; il en résulte habituellement des réductions très substantielles des limites dexposition admissibles.
Dans le cas de risques cumulatifs non soumis aux mécanismes de la détoxification, comme pour la silice, la correction pour tenir compte de lallongement des horaires devrait être directement proportionnelle au nombre dheures effectivement travaillées au-delà du nombre habituel de 2 000 heures par an.
Bruit. Le niveau de pression acoustique produit par un bruit dune intensité donnée est directement lié à la densité de lair; il en va de même pour la quantité dénergie transmise. Il sensuit quen altitude la lecture fournie par un sonomètre et leffet du bruit sur loreille interne sont réduits de la même manière, de sorte quil nest pas nécessaire de procéder à une correction.
Accidents. Lhypoxie a une action prononcée sur le système nerveux central en réduisant les temps de réponse et en troublant la vision. On doit donc sattendre à une augmentation du nombre des accidents. Au-dessus de 3 000 m, un apport doxygène aura un effet bénéfique sur les performances des personnes occupées à des tâches délicates.
Le contrôle et la préservation de la sécurité des travailleurs exigent de prendre particulièrement en compte les environnements en altitude. On peut sattendre que les conditions régnant à grande altitude influencent la précision des instruments de prélèvement et de mesure étalonnés pour une utilisation au niveau de la mer. Les échantillonneurs actifs, par exemple, utilisent une pompe pour aspirer un certain volume dair et le faire déposer sur un collecteur. Il est indispensable que le débit de la pompe soit mesuré avec précision pour pouvoir déterminer avec exactitude le volume dair aspiré et, par conséquent, la concentration du contaminant. Les étalonnages du débit sont souvent effectués au niveau de la mer, mais ils peuvent être affectés par les variations de la densité de lair à mesure que laltitude augmente; les mesures effectuées ensuite en altitude ne seront donc pas valables. La précision des instruments de prélèvement et de mesure peut également être affectée en altitude par les variations de la température et de lhumidité relative. Dans lévaluation de lexposition des travailleurs à des substances inhalées, on doit tenir compte dun facteur supplémentaire, à savoir laccroissement de la ventilation pulmonaire avec lacclimatement. Comme la ventilation augmente nettement après une montée en altitude, les travailleurs peuvent être exposés à des doses totales excessives de contaminants inhalés, même si les concentrations mesurées sont inférieures aux valeurs limites dexposition. Kenneth I. Berger et William N. Rom |