Le travail est essentiel à la vie, au développement et à lépanouissement personnel. Malheureusement, des activités indispensables telles que la production alimentaire, lextraction de matières premières, la fabrication de biens, la production dénergie et les services mettent en uvre des processus, des opérations et des matériaux qui peuvent, dans une plus ou moins grande mesure, être dangereux pour la santé des travailleurs et des membres des collectivités avoisinantes, ainsi que pour lenvironnement dans son ensemble.
Toutefois, il est possible de prévenir la formation et la propagation dagents nocifs en milieu de travail, grâce à des mesures de maîtrise des risques destinées non seulement à protéger la santé des travailleurs, mais également à limiter les dommages causés à lenvironnement qui vont souvent de pair avec lindustrialisation. Si un produit chimique nocif est éliminé dun processus de production, il ne touchera pas les travailleurs et ne polluera pas non plus lenvironnement.
Le rôle de lhygiène du travail est précisément de prévenir et de maîtriser les risques liés aux activités professionnelles. Lhygiène du travail a notamment pour objectif de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs, de protéger lenvironnement et de favoriser un développement sûr et durable.
On ne saurait trop insister sur limportance de lhygiène du travail dans la protection de la santé des travailleurs. En effet, le fait quune maladie soit diagnostiquée et soignée ne prévient pas la survenue dautres cas si lexposition à lagent étiologique persiste. Tant que lenvironnement de travail reste malsain, les risques potentiels pour la santé subsistent. Seule la maîtrise de ces risques pour la santé peut rompre le cercle vicieux illustré à la figure 30.1.
Cependant, la prévention doit commencer bien plus tôt, non seulement avant la manifestation dune dégradation de létat de santé, mais avant toute exposition effective. Le milieu de travail devrait faire lobjet dune surveillance permanente afin dy détecter et den faire disparaître les agents et les facteurs dangereux ou de les maîtriser avant quils naient des effets négatifs; tel est le rôle de lhygiène du travail.
En outre, lhygiène du travail peut également contribuer à un développement sûr et durable en «garantissant les besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire les leurs» (World Commission on Environment and Development, 1987). Afin de satisfaire les besoins de la population mondiale actuelle sans épuiser ou altérer les ressources de la planète ni causer deffets nuisibles à la santé et à lenvironnement, il est nécessaire davoir une bonne connaissance des problèmes et de pouvoir influer concrètement sur la situation (OMS, 1992a); en ce qui concerne les processus de production, ces aspects sont étroitement liés à lhygiène du travail.
La prévention des risques pour la santé au travail suppose une approche multidisciplinaire dont lhygiène du travail est une composante essentielle, aux côtés notamment de la médecine et des soins infirmiers du travail, de lergonomie et de la psychologie du travail. La figure 30.2 illustre schématiquement les champs daction respectifs des médecins et des hygiénistes du travail.
Il est important que les responsables politiques, les dirigeants dentreprise et les travailleurs eux-mêmes, ainsi que les professionnels de la santé au travail, comprennent le rôle essentiel joué par lhygiène du travail dans la protection de la santé des travailleurs et de lenvironnement et la nécessité de faire appel à des spécialistes dans ce domaine. Il faut également garder présent à lesprit le lien étroit qui existe entre la santé au travail et lhygiène du milieu. En effet, la prévention de la pollution dorigine industrielle doit commencer sur le lieu de travail par le traitement et lélimination appropriée des rejets et déchets dangereux (voir ci-après larticle intitulé «Lévaluation du milieu de travail»).
Lhygiène du travail est la science de lanticipation, de lidentification, de lévaluation et de la maîtrise des risques professionnels qui pourraient nuire à la santé et au bien-être des travailleurs. Elle prend également en compte limpact éventuel de ces risques sur les collectivités avoisinantes et sur lenvironnement en général.
Lhygiène du travail peut être définie de différentes façons, mais sa signification et son objectif sont, au fond, toujours les mêmes: protéger et promouvoir la santé et le bien-être des travailleurs et préserver lenvironnement dans son ensemble grâce à des actions de prévention sur le lieu de travail.
Lhygiène du travail nest pas encore universellement reconnue en tant que profession; cependant, dans de nombreux pays, une législation se met progressivement en place pour aboutir à cette reconnaissance.
Un technicien en hygiène du travail est «une personne compétente pour effectuer des mesurages relatifs au milieu de travail», mais non pas «pour faire des interprétations, porter des jugements et formuler des recommandations, tâches qui incombent à lhygiéniste du travail». Le niveau de compétence demandé peut être obtenu dans un domaine étendu ou limité (OMS, 1992b).
LAssociation internationale dhygiène du travail (IOHA) a été officiellement fondée au cours dune assemblée qui sest tenue à Montréal le 2 juin 1987. Elle regroupe aujourdhui 19 associations nationales dhygiène du travail représentant plus de 19 000 membres dans 17 pays.
Lobjectif premier de lIOHA est de promouvoir et de développer lhygiène du travail dans le monde, à un niveau élevé de compétence professionnelle, grâce notamment à léchange dinformations entre organisations et individus, au développement des ressources humaines et à la généralisation de pratiques rigoureuses dun point de vue déontologique. LIOHA organise des rencontres scientifiques et publie un bulletin dinformation. Les membres des associations affiliées à lIOHA en sont membres doffice; les habitants des pays ne comptant pas encore dassociation nationale dhygiène du travail peuvent en faire partie à titre individuel.
Après sêtre entendu sur une définition de lhygiène du travail et du rôle de lhygiéniste du travail, il est nécessaire de prévoir des systèmes de certification pour garantir un niveau de compétence et de pratique acceptable en la matière. On entend par certification ou agrément lélaboration dun système officiel basé sur des procédures visant à établir et entretenir le niveau de connaissances et de compétence des professionnels (Burdorf, 1995).
LIOHA a fait réaliser une enquête sur les systèmes nationaux de certification existants en la matière (Burdorf, 1995) et a émis des recommandations dans le but de favoriser la coopération internationale pour garantir la compétence des professionnels de lhygiène du travail. Elle préconise notamment:
Sont également recommandées «la réciprocité» et «lacceptation mutuelle des définitions nationales dans le but ultime détablir un cadre général et dadopter une définition internationalement reconnue».
Lhygiéniste du travail est un professionnel qui dispose des capacités requises pour:
Il faut garder à lesprit quune profession se définit non seulement par un ensemble de connaissances, mais aussi par des règles déontologiques; les associations nationales dhygiène du travail ainsi que lAssociation internationale dhygiène du travail (IOHA) ont leur propre code de déontologie (OMS, 1992b). |
Les étapes classiques de la pratique de lhygiène du travail sont les suivantes:
«Une action préventive anticipée et intégrée» constitue lapproche idéale de la prévention des risques. Elle devrait comprendre:
On ne soulignera jamais assez combien il est important danticiper et de prévenir tous les types de pollution de lenvironnement. Fort heureusement, on a de plus en plus tendance à considérer les nouvelles technologies par rapport aux conséquences négatives quelles pourraient avoir et de leur prévention, depuis le stade de la conception et de linstallation du processus jusquau traitement des effluents et déchets produits. Les catastrophes écologiques survenues dans les pays développés comme dans les pays en développement auraient pu être évitées si lon avait adopté des stratégies de maîtrise des risques et des procédures durgence appropriées en milieu de travail.
Les aspects économiques ne doivent pas être envisagés uniquement du point de vue du coût initial, comme cest le cas habituellement; des options plus coûteuses, mais aussi mieux à même dassurer la protection de la santé et de lenvironnement peuvent savérer plus économiques à long terme. La protection de la santé des travailleurs et de lenvironnement doit débuter beaucoup plus tôt quon ne le prévoit généralement. Les concepteurs de nouvelles activités, de nouvelles machines, de nouveaux équipements et lieux de travail devraient toujours disposer dinformations et de conseils techniques sur lhygiène du travail et du milieu. Malheureusement, ces informations arrivent souvent bien trop tard, lorsque la seule solution à adopter consiste à opérer des changements difficiles et coûteux ou, pire encore, lorsque des conséquences désastreuses se sont déjà produites.
Lidentification des risques est une étape fondamentale dans la pratique de lhygiène du travail. Elle est indispensable à la planification des stratégies dévaluation et de maîtrise des risques, ainsi quà la définition des priorités daction. En ce qui concerne lélaboration des mesures de prévention, il est également nécessaire de caractériser physiquement les sources de contamination et les voies de propagation de la contamination.
Lidentification des risques conduit à définir:
Lidentification des agents dangereux, de leurs sources et des conditions dexposition nécessite une connaissance approfondie et une étude minutieuse des processus de travail et des opérations effectuées par les travailleurs, des matières premières et des produits chimiques utilisés ou générés, des produits finis et des éventuels sous-produits, ainsi que des possibilités de formation accidentelle de produits chimiques, de décomposition des matières, de consommation de combustibles ou de présence dimpuretés. Pour comprendre la nature et lampleur éventuelle des effets biologiques que ces agents pourraient avoir en cas de surexposition, il est nécessaire davoir des connaissances et de pouvoir se procurer des données en matière de toxicologie. Les sources dinformation internationales dans ce domaine sont notamment les suivantes: Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC), Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), Registre international des substances chimiques potentiellement toxiques du Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE-RISCPT) et Centre international dinformations de sécurité et de santé au travail (CIS) du Bureau international du Travail (BIT).
Les agents qui comportent des risques pour la santé en milieu de travail sont les polluants dispersés dans lair; les produits chimiques qui ne sont pas en suspension dans lair; les agents physiques, comme la chaleur et le bruit; les agents biologiques; les facteurs ergonomiques tels que des techniques de levage et des postures de travail inadaptées et les contraintes psychosociales.
Il sagit ici dévaluer lexposition des travailleurs et de recueillir des données en vue de concevoir ou de tester les mesures de prévention des risques.
Lévaluation de lexposition des travailleurs aux risques professionnels que représentent notamment les contaminants en suspension dans lair et les agents physiques et biologiques est abordée plus loin dans ce chapitre. Toutefois, quelques considérations dordre général sont fournies ici pour permettre une meilleure compréhension de la mission de lhygiène du travail.
Il est important de garder à lesprit le fait que lévaluation des risques nest pas une fin en soi, mais doit être considérée comme faisant partie dune démarche beaucoup plus vaste. Elle débute par la prise de conscience quun agent déterminé, potentiellement dangereux pour la santé, peut être présent dans le milieu de travail, et sachève par la maîtrise de cet agent pour lempêcher de nuire. Lévaluation des risques prépare le terrain pour la prévention des risques sans toutefois la remplacer.
Cette étape a pour but de déterminer la quantité dagent à laquelle les travailleurs ont été exposés, ainsi que la fréquence et la durée des expositions. Des directives ont été élaborées à ce sujet tant au niveau national quinternational. Cest le cas, par exemple, de la norme EN 689 du Comité européen de normalisation (CEN, 1994).
Pour les polluants dispersés dans lair, on commence généralement par évaluer lexposition par inhalation, cest-à-dire la concentration dans lair de lagent indésirable (ou, dans le cas de particules, la concentration atmosphérique de la fraction pertinente, par exemple la fraction «respirable»), ainsi que la durée de lexposition. Toutefois, si labsorption dun produit chimique se fait par dautres voies, on risque de commettre une erreur en se limitant à lexposition par inhalation. Il convient alors dévaluer lexposition totale, et la surveillance biologique constitue pour cela un outil très utile.
Les objectifs de lhygiène du travail sont de trois types:
Il est essentiel de déterminer si les travailleurs sont surexposés à un agent dangereux, surtout parce quon peut alors décider si oui ou non une intervention est nécessaire. Cette tâche conduit souvent, mais pas nécessairement, à définir sil y a conformité avec une norme acceptée, laquelle sexprime habituellement en termes de valeur limite dexposition professionnelle (VLE). Il peut suffire dans certains cas de mesurer lexposition la plus défavorable. En effet, si lon sattend à ce que le degré dexposition soit très élevé ou très faible par rapport aux valeurs limites acceptées, il nest pas nécessaire que lévaluation quantitative soit aussi exacte et précise que lorsquon prévoit un niveau plus proche des valeurs limites. En fait, quand les risques sont évidents, il est peut-être plus sage de se donner dès le départ les moyens de réduire lexposition et deffectuer ensuite des mesurages précis dans lenvironnement une fois les moyens de prévention en place.
Il est souvent nécessaire dassurer un suivi de lévaluation, en particulier lorsque des dispositifs de prévention ont été installés ou améliorés, ou encore lorsque des changements de procédé ou de matière ont été introduits. Les évaluations quantitatives remplissent alors une fonction de surveillance importante pour:
Chaque fois quune enquête dhygiène du travail est effectuée en liaison avec une étude épidémiologique pour obtenir des données quantitatives sur les rapports entre exposition et effets sur la santé, lexposition doit être déterminée avec un degré dexactitude et de précision très élevé. Cette exigence vaut pour tous les niveaux dexposition, car on ne peut pas se contenter, par exemple, de connaître la situation la plus défavorable. Lidéal serait davoir réalisé des évaluations pour toutes les situations dexposition au cas où lon aurait besoin ultérieurement de données rétrospectives, mais cela peut savérer difficile dans la pratique.
Enfin, pour être certain que les données dévaluation sont bien représentatives de lexposition des travailleurs et que les ressources nont pas été gaspillées, il est nécessaire de concevoir et dappliquer une stratégie déchantillonnage adéquate, tenant compte de toutes les sources de variation possibles. Les stratégies déchantillonnage, ainsi que les techniques de mesurage sont traitées ci-après dans larticle «Lévaluation du milieu de travail».
Le degré dincertitude lié à lestimation dun paramètre dexposition (par exemple, la véritable concentration moyenne dun contaminant dans lair) est déterminé par un traitement statistique des résultats des mesurages (échantillonnage et analyse). Le niveau de confiance des résultats dépendra du coefficient de variation du «système de mesurage» et du nombre de mesurages effectués. Une fois atteint un niveau de confiance acceptable, létape suivante consiste à sinterroger sur les conséquences pour la santé des travailleurs exposés: ceux-ci ont-ils quelque chose à craindre aujourdhui? Dans un avenir proche? Dici à la fin de leur vie professionnelle? Les générations futures seront-elles affectées?
Le processus dévaluation ne sachève quavec linterprétation des résultats des mesurages à la lumière des données fournies par les études de toxicologie expérimentale, les études épidémiologiques et cliniques et, dans certains cas, les essais cliniques. Il convient de préciser que lexpression «évaluation des risques» recouvre deux notions: lévaluation de la nature et de létendue des risques dus à une exposition à des produits chimiques ou autres agents, dune façon générale, et lévaluation des risques pour un travailleur ou un groupe de travailleurs dans une situation professionnelle particulière.
Dans la pratique de lhygiène du travail, les résultats des évaluations dexposition sont souvent comparés aux valeurs limites dexposition professionnelle en vigueur, lesquelles servent de point de repère pour lévaluation des risques et létablissement de niveaux cibles pour leur maîtrise. Toute exposition supérieure à ces limites doit déclencher en principe une action corrective immédiate à travers lamélioration des mesures de prévention existantes ou la mise en uvre de nouvelles mesures. En fait, il faudrait prendre des mesures «à un niveau daction» préétabli, lequel varie selon les pays (par exemple, la moitié ou un cinquième de la valeur limite dexposition professionnelle), étant entendu que le meilleur moyen déviter tout problème à lavenir serait de fixer ce niveau aussi bas que possible.
Cela dit, la comparaison des résultats des mesures dexposition avec les valeurs limites dexposition professionnelle est une procédure simplificatrice, puisquelle ne tient pas compte, entre autres problèmes, des nombreux facteurs qui influent sur labsorption des produits chimiques (sensibilité individuelle, activité et constitution physique, etc.). De plus, sur la plupart des lieux de travail, les travailleurs sont exposés simultanément à plusieurs agents, doù limportance primordiale des expositions combinées et des interactions entre agents, lexposition à un agent en particulier pouvant avoir pour la santé des conséquences extrêmement différentes de lexposition à ce même agent associé avec dautres, surtout sil existe une synergie ou une potentialisation des effets.
Les mesurages effectués pour rechercher la présence dagents et analyser les conditions dexposition dans lenvironnement de travail peuvent être très utiles à la planification et à la conception des moyens de prévention technique et des pratiques de travail. Ils ont plusieurs objectifs parmi lesquels:
Les appareils à lecture directe sont très utiles dans loptique de la prévention des risques, notamment ceux qui permettent un échantillonnage continu et reflètent la situation en temps réel, révélant ainsi des situations dexposition qui risqueraient autrement de passer inaperçues et qui nécessitent dêtre maîtrisées. Les détecteurs à photo-ionisation, spectromètres infrarouges, compteurs de particules et tubes colorimétriques en sont quelques exemples. Pour le prélèvement déchantillons visant à définir le comportement des contaminants à la source et dans tout lenvironnement de travail, lexactitude et la précision ne sont pas aussi cruciales que pour lévaluation de lexposition.
Dans le domaine des mesurages, des progrès récents ont notamment permis la mise au point de diverses techniques de visualisation, dont la Picture Mix Exposure PIMEX (Rosen, 1993) qui associe une image vidéo du travailleur à une échelle montrant les concentrations de contaminants en suspension dans lair. Ces concentrations sont mesurées en permanence dans la zone respiratoire à laide dun appareil de surveillance en temps réel permettant ainsi de visualiser les variations pendant que le travailleur vaque à ses occupations. La PIMEX est un excellent outil de comparaison de lefficacité relative de différents moyens de prévention, tels que ventilation et bonnes pratiques de travail, et contribue ainsi à en améliorer la conception.
Des mesurages sont également nécessaires pour évaluer lefficacité des moyens de prévention. Dans ce cas, il convient de prélever des échantillons à la source ou dans une zone déterminée et éventuellement des échantillons individuels pour évaluer le niveau dexposition des travailleurs. Dans un souci de fiabilité, les emplacements choisis «avant» et «après» léchantillonnage (ou le mesurage), et les techniques utilisées devraient être les mêmes, ou équivalents, en termes de sensibilité, dexactitude et de précision.
Lhygiène du travail a pour premier objectif de prévenir et de maîtriser les risques par des mesures appropriées dans lenvironnement de travail. Lorsquelles ne sont pas appliquées, les normes et réglementations ne sont daucune utilité pour la protection de la santé des travailleurs. Leur mise en uvre implique habituellement des stratégies de surveillance et de maîtrise de lexposition. Labsence de normes légales ne devrait pas constituer un obstacle à lintroduction des mesures requises pour prévenir des expositions dangereuses ou pour les réduire au niveau le plus bas possible. Lorsque, de toute évidence, les risques sont sérieux, il est recommandé dopter pour un dispositif de prévention avant même que des évaluations quantitatives ne soient effectuées. Il peut parfois savérer nécessaire de passer du concept classique d«identification-évaluation-maîtrise» à celui d«identification-maîtrise-évaluation», voire d«identification-maîtrise», lorsque les moyens dévaluation font défaut. Une opération de galvanoplastie effectuée dans une petite pièce non aérée ou lutilisation dun marteau piqueur ou dun appareil de décapage au jet de sable sans mesures de prévention technique ni équipements de protection, par exemple, présentent à lévidence des risques qui exigent une intervention sans quil soit nécessaire de procéder préalablement à des prélèvements déchantillons. Dans les cas avérés de risques pour la santé, il convient de corriger immédiatement la situation sans attendre les résultats dune évaluation quantitative.
Laction préventive devrait, dune façon ou dune autre, interrompre la chaîne de transmission de lagent dangereux (produit chimique, poussière, source dénergie) depuis la source jusquau travailleur. Il existe trois grands types de maîtrise de lexposition: les moyens de prévention technique, les méthodes de travail et les mesures individuelles.
Lapproche la plus efficace consiste à mettre en uvre des moyens de prévention technique qui empêchent lexposition grâce à laménagement du milieu de travail, réduisant ainsi le besoin dinitiatives de la part des travailleurs ou autres personnes potentiellement en danger. Il sagit généralement de modifier des processus ou de mettre en place des structures mécaniques, ainsi que de supprimer ou de réduire lutilisation, la formation ou la libération dagents dangereux à la source. Lorsquil nest pas possible déliminer la source, il faut alors empêcher ou freiner la propagation des agents dangereux dans lenvironnement de travail de la façon suivante:
Les mesures de maîtrise des risques qui agissent directement sur la source constituent la meilleure technique parce quelles permettent déliminer lagent dangereux ou den réduire la concentration ou lintensité. Les mesures de réduction à la source comprennent la substitution de matériaux, la substitution/modification des processus ou des équipements et lamélioration de la maintenance.
Lorsquil est impossible de modifier la source démission ou de la modifier suffisamment pour parvenir au niveau de maîtrise souhaité, il faut empêcher la libération et la dissémination des agents dangereux dans le milieu de travail en bloquant leur voie de transmission grâce au confinement des procédés (systèmes fermés, enceintes), à laspiration, à lisolation des travailleurs ou à linstallation de barrières et de boucliers.
Parmi les autres mesures visant à réduire lexposition professionnelle, on peut citer: une conception adaptée du lieu de travail, la ventilation des lieux par dilution ou déplacement, un nettoyage systématique et de bonnes conditions de stockage. Les étiquettes et les panneaux davertissement peuvent aider les travailleurs à appliquer les règles de sécurité dans leur travail. Des systèmes de surveillance et dalarme savèrent aussi parfois nécessaires. Il peut sagir, par exemple, de dispositifs de surveillance du monoxyde de carbone autour des fours, du sulfure dhydrogène dans les stations dépuration et dappareils de détection du manque doxygène dans les espaces confinés.
Les pratiques de travail jouent un rôle important dans la prévention des risques, par exemple lorsque lexposition du travailleur dépend de sa posture: selon quil sera penché ou non sur sa tâche, la zone où il respire ne sera pas la même par rapport à la source de contamination et les possibilités dabsorption par la peau varieront également.
Enfin, lexposition professionnelle peut être évitée ou réduite en équipant le travailleur dune protection au point dentrée critique de lagent dangereux (bouche, nez, peau, oreille). Soulignons que toutes les autres possibilités de prévention des risques devraient être envisagées avant de recourir aux équipements de protection individuelle, car ces derniers constituent le moyen de prévention le moins satisfaisant, notamment pour se prémunir contre les polluants dispersés.
Léducation et la formation, lhygiène personnelle et la limitation de la durée dexposition sont autant dautres mesures de prévention individuelle.
Les évaluations en continu par les contrôles dambiance et la surveillance médicale devraient faire partie intégrante de toute stratégie de maîtrise et de prévention des risques.
Les mesures de prévention de la pollution de lenvironnement (air, eau, sol), y compris une gestion adaptée des déchets dangereux, doivent également aller de pair avec les techniques de maîtrise des risques sur le lieu de travail.
Bien que la plupart des principes énoncés ici sappliquent à des contaminants en suspension dans lair, nombre dentre eux valent également pour dautres types de risques. Ainsi, un processus peut être modifié de façon à produire moins daérocontaminants, mais aussi moins de bruit ou de chaleur. De même, une barrière peut permettre disoler les travailleurs dune source de bruit, de chaleur ou de rayonnement.
La prévention sappuie bien trop souvent sur les mesures les plus répandues, telles quun dispositif daspiration localisée et des équipements de protection individuelle, sans prendre sérieusement en considération dautres options valables, comme ladoption de technologies plus propres, le remplacement de certains matériaux, la modification des processus et de bonnes pratiques de travail. Il arrive souvent que les méthodes et procédés dexploitation soient considérés comme immuables, alors quen réalité des changements peuvent fort bien leur être apportés pour prévenir ou au moins réduire les risques.
La prévention et la maîtrise des risques dans lenvironnement de travail font appel à la connaissance et à lingéniosité. Il nest pas toujours nécessaire de mettre en uvre des mesures très coûteuses et compliquées pour limiter efficacement les risques. Dans de nombreux cas, des solutions simples suffisent, comme celle qui consiste à placer un morceau de tissu étanche entre lépaule nue dun docker et le sac de matières toxiques quil transporte, pour prévenir toute contamination par la peau, à dresser une barrière mobile entre une source dultraviolet et un travailleur, ou encore à former les travailleurs à des pratiques de travail sûres.
Les éléments à prendre en compte pour décider des stratégies et des techniques de maîtrise des risques à employer sont les suivants: le type dagent dangereux (nature, état physique, effets sur la santé, voies de pénétration dans lorganisme), le ou les types de sources, lampleur et les conditions dexposition, les caractéristiques du lieu de travail et lemplacement relatif des postes de travail.
Les compétences et les ressources nécessaires à la conception, la mise en uvre, lexploitation, lévaluation et la maintenance des systèmes de prévention des risques doivent être assurées. Les systèmes de ventilation localisée, par exemple, doivent être évalués après installation et vérifiés périodiquement par la suite. Seuls un contrôle et une maintenance périodiques sont à même de garantir une efficacité constante, étant donné que même les systèmes bien conçus peuvent voir leurs performances diminuer faute dêtre correctement entretenus.
La prévention et la maîtrise des risques devraient faire lobjet de programmes intégrés, assortis dobjectifs clairs et gérés de façon efficace par des équipes multidisciplinaires composées dhygiénistes du travail et dautres personnels de sécurité et de santé au travail, dingénieurs de production, de membres de la direction et de représentants des travailleurs. Il faudrait en outre ne pas négliger des aspects tels que linformation sur les risques, léducation et la formation en matière de sécurité, de pratiques de travail et de procédures durgence.
Enfin, la promotion de la santé devrait également trouver sa place dans ce cadre, car le lieu de travail est un endroit idéal pour encourager dune manière générale des modes de vie sains et pour mettre en garde contre les risques encourus en dehors du milieu professionnel du fait dactivités dangereuses, comme pratiquer le tir sans protection appropriée ou fumer.
Lévaluation des risques a pour but de déterminer les types deffets sur la santé à attendre dune certaine exposition à un agent donné et de fournir des estimations quant à la probabilité dapparition de ces effets à différents niveaux dexposition. On lutilise également pour préciser les caractéristiques de certaines situations à risque. Elle consiste à identifier les agents dangereux, puis à établir la relation exposition-effet et à évaluer lexposition pour définir les risques.
La première étape concerne lidentification dun agent, tel quun produit chimique, ayant des effets nocifs (cancer ou intoxication systémique). La deuxième étape consiste à établir la relation entre lampleur de lexposition, lintensité de leffet produit et le nombre de personnes atteintes parmi celles qui ont été exposées. Elle est essentielle pour linterprétation des données dévaluation de lexposition.
Lévaluation de lexposition fait partie de lévaluation des risques, quil sagisse dobtenir des données pour individualiser une situation à risque ou pour définir la relation exposition-effet à partir détudes épidémiologiques. Dans ce dernier cas, il convient de déterminer avec précision le niveau dexposition auquel sest manifesté un effet lié à lenvironnement ou à lactivité professionnelle pour garantir la validité de la corrélation.
Bien que lévaluation des risques soit cruciale pour la prise de bien des décisions relatives à la pratique de lhygiène du travail, elle a des répercussions limitées sur la protection de la santé des travailleurs, à moins quelle ne se traduise par une véritable action préventive sur le lieu de travail.
Lévaluation des risques est un processus dynamique, car les nouvelles connaissances révèlent souvent les effets nocifs de substances jusqualors considérées comme relativement inoffensives. Cest pourquoi lhygiéniste du travail devrait avoir accès aux informations les plus récentes en matière de toxicologie; en outre, les expositions devraient toujours être réduites au niveau le plus bas possible.
La figure 30.3 illustre les différents éléments intervenant dans lévaluation des risques.
Il nest pas toujours possible déliminer tous les agents présentant des risques pour la santé au travail, car certains sont inhérents à des processus dexploitation indispensables ou souhaitables. En revanche, il peut et il doit exister une gestion des risques.
Lévaluation des risques est à la base de la gestion des risques. Toutefois, alors que lévaluation des risques est une procédure scientifique, la gestion des risques est plus pragmatique et implique des décisions et des actions dont le but est de prévenir ou de réduire à des niveaux acceptables lapparition dagents susceptibles de représenter un danger pour la santé des travailleurs, les collectivités avoisinantes et lenvironnement, en tenant également compte du contexte socio-économique et de santé publique.
La gestion des risques intervient à différents niveaux; les décisions et les mesures prises au niveau national ouvrent la voie à la gestion des risques sur le lieu de travail.
Pour gérer les risques sur le lieu de travail, il est nécessaire davoir des connaissances et de détenir des informations sur:
Cest à lhygiène du travail quincombent traditionnellement la plupart de ces décisions et mesures concernant le lieu de travail.
Le fait de décider si un risque est acceptable ou non constitue un élément clé de la gestion des risques (quel effet peut-on accepter et éventuellement pour quel pourcentage de la population active?). En règle générale, mais il y a des exceptions, cette décision se prend au niveau national et elle donne lieu à ladoption de valeurs limites dexposition professionnelle, ainsi que de réglementations et de normes en matière de santé au travail. Cest sur cette base que lhygiéniste du travail, qui doit se tenir au courant des dispositions légales, définit ensuite des objectifs de maîtrise des risques sur le lieu de travail. Mais il arrive aussi parfois que lhygiéniste du travail ait à décider au cas par cas du niveau de risque acceptable, par exemple lorsquil nexiste pas de normes ou bien lorsque les normes existantes ne couvrent pas toutes les situations dexposition.
Toutes ces décisions et mesures doivent faire partie dun plan réaliste nécessitant une coordination et une collaboration entre plusieurs disciplines et plusieurs secteurs. Bien que la gestion des risques ait un caractère pragmatique, son efficacité devrait être évaluée de manière scientifique. Dans la plupart des cas, malheureusement, la gestion des risques est un compromis entre ce qui devrait être fait pour éviter tout risque et ce qui peut être fait de manière optimale dans la pratique, compte tenu des contraintes financières et autres.
La gestion des risques inhérents à lenvironnement de travail et à lenvironnement en général exige une bonne coordination, non seulement parce quil existe des zones de chevauchement, mais aussi parce que, dans la plupart des situations, les succès remportés sur un front sont directement liés aux succès remportés sur lautre.
La volonté politique et la prise de décisions au niveau national ont une influence directe ou indirecte sur létablissement des programmes et des services dhygiène du travail, quils soient publics ou privés. Lobjectif de cet article nest pas de fournir un modèle détaillé de tous les types de programmes et de services dhygiène du travail, mais dexposer les principes généraux qui sappliquent à de nombreuses situations et qui peuvent efficacement contribuer à la mise en uvre et au bon fonctionnement des programmes et services en question.
Un service intégré dhygiène du travail devrait être capable, dune part, de réaliser des enquêtes préliminaires, des prélèvements déchantillons, des mesurages et des analyses à des fins dévaluation et de maîtrise des risques et, dautre part, de recommander des mesures de prévention, voire de les concevoir.
Les éléments clés dun programme ou dun service intégré dhygiène du travail sont: les ressources humaines et financières, les installations, les équipements et les moyens dinformation, le tout bien organisé et coordonné grâce à une planification minutieuse, une gestion efficace et un système dassurance de la qualité et dévaluation permanente. Le succès des programmes dhygiène du travail dépend de la politique mise en place par la direction et de la détermination avec laquelle elle est appliquée. Cet article na pas pour objet de traiter du financement de ces programmes.
Les ressources humaines constituent latout principal de tout programme et devraient donc recevoir la priorité. Tous les personnels concernés devraient savoir clairement et en détail quelles sont leurs attributions et leurs responsabilités. Si besoin est, ils devraient pouvoir suivre un enseignement ou une formation. Les principales catégories de personnel auxquelles font appel les programmes dhygiène du travail sont les suivantes:
La compétence professionnelle est primordiale. Elle doit être non seulement acquise, mais entretenue. La formation continue, dans le cadre du programme ou du service dhygiène du travail ou en dehors de celui-ci, devrait couvrir, par exemple, les points suivants: mises à jour de la législation, avancées technologiques et techniques nouvelles, lacunes dans les connaissances. La participation à des conférences, symposiums et ateliers contribue également à lentretien des compétences.
La sécurité et la santé du personnel devraient être assurées lors des visites sur les lieux de travail, dans les laboratoires et les bureaux. Les hygiénistes du travail peuvent être exposés à des risques sérieux et doivent donc porter les équipements de protection individuelle nécessaires. Selon le cas, une immunisation pourra également être requise; de même il faudra prévoir, dans certaines régions rurales, un antidote contre les morsures de serpent. La sécurité des laboratoires est un domaine à part qui est traité dans un autre chapitre de la présente Encyclopédie.
Les risques professionnels dans les bureaux ne devraient pas être négligés, par exemple en présence décrans de visualisation ou de sources de pollution à lintérieur des bâtiments, telles que les imprimantes laser, les photocopieurs et les systèmes de climatisation. Les facteurs psychosociaux et ergonomiques devraient également être pris en compte.
On entend par installations les bureaux et les salles de réunion, les laboratoires et équipements divers, les systèmes dinformation et les bibliothèques. Les installations devraient être bien conçues et tenir compte des besoins à venir, attendu que les changements et adaptations de dernière minute sont souvent plus coûteux en temps et en argent.
Les laboratoires dhygiène du travail devraient en principe pouvoir réaliser des évaluations qualitatives et quantitatives de lexposition à des aérocontaminants (produits chimiques et poussières), à des agents physiques (bruit, contrainte thermique, rayonnements, éclairage) et à des agents biologiques. Pour la plupart des agents biologiques, les évaluations qualitatives suffisent à formuler des recommandations de maîtrise des risques, éliminant ainsi le besoin deffectuer des évaluations quantitatives souvent difficiles.
Bien que certains appareils à lecture directe employés pour les contaminants en suspension dans lair puissent laisser à désirer en ce qui concerne lévaluation de lexposition, ils sont extrêmement utiles pour détecter les risques et identifier leurs sources, définir les pics de concentration, collecter des informations pour les besoins de maîtrise et vérifier les dispositifs mis en place tels que les systèmes de ventilation. A ce propos, il est également nécessaire de disposer dinstruments permettant de vérifier la vitesse de lair et la pression statique.
On peut imaginer une structure comprenant les unités suivantes:
Chaque fois quil sagit de choisir un instrument de mesure en hygiène du travail, il faut tenir compte, outre ses performances, des aspects pratiques liés aux conditions dutilisation envisagées (par exemple, infrastructure disponible, climat, emplacement). Ces aspects sont notamment les suivants: portabilité, source dénergie requise, exigences détalonnage et de maintenance et disponibilité des fournitures non réutilisables nécessaires.
Un instrument de mesure devrait être acheté si et seulement si:
Létalonnage de tous les types dinstruments de mesure, déchantillonnage et danalyse utilisés en hygiène du travail devrait faire partie intégrante de toute procédure, et le matériel nécessaire à cette fin devrait être disponible.
La maintenance et les réparations sont essentielles pour empêcher que le matériel ne reste inactif pendant de longues périodes. Elles devraient être assurées par les fabricants, soit au travers dune assistance directe, soit par la formation du personnel.
Si un programme entièrement nouveau est en cours délaboration, seul le matériel de base devrait être acheté dans un premier temps. Dautres éléments pourront être ajoutés au fur et à mesure de lapparition des besoins et de lacquisition des compétences nécessaires. Toutefois, avant même quéquipements et laboratoires ne soient disponibles et opérationnels, on peut faire beaucoup en inspectant les lieux de travail pour procéder à une évaluation qualitative des risques pour la santé et recommander des mesures de prévention appropriées. Limpossibilité deffectuer des évaluations quantitatives ne doit en aucun cas justifier linaction lors dexpositions manifestement dangereuses. Cest vrai en particulier lorsque les risques professionnels ne font lobjet daucune mesure de prévention, alors que les niveaux dexposition sont généralement élevés.
Les moyens dinformation sont les bibliothèques (livres, périodiques et autres publications), les bases de données (par exemple sur CD-ROM) et les systèmes de télécommunication.
Chaque fois que cela est possible, il convient de séquiper dordinateurs et de lecteurs de CD-ROM, ainsi que de connexions à Internet. Les serveurs publics dinformations en ligne et en réseau sont de plus en plus nombreux (Web et sites GOPHER). Ils permettent davoir accès à de multiples sources dinformation dans le domaine de la santé des travailleurs, ce qui justifie pleinement lachat dordinateurs et de systèmes de communication. Parmi ces derniers, le courrier électronique ouvre de nouveaux horizons à la communication individuelle et en groupe, facilitant ainsi les échanges dinformations dans le monde entier.
Une bonne planification de la mise en uvre, de la gestion et de lévaluation périodique dun programme est essentielle pour atteindre les objectifs fixés tout en faisant le meilleur usage des ressources disponibles.
Dans un premier temps, les informations suivantes devraient être réunies et analysées:
Les processus de planification et dorganisation se décomposent comme suit:
Les coûts dexploitation ne devraient pas être sous-estimés étant donné quun manque de ressources peut entraver sérieusement le déroulement dun programme. Les besoins à ne pas négliger sont les suivants:
Les ressources doivent être optimisées grâce à une étude approfondie de tous les éléments qui doivent être considérés comme faisant partie intégrante dun service général dhygiène du travail. Une répartition équilibrée des ressources entre les différentes unités (mesurages sur le terrain, échantillonnage, laboratoires danalyses, etc.) et leurs composantes (installations et équipements, personnel, aspects opérationnels) est essentielle au succès du programme. De plus, lattribution des ressources devrait permettre une certaine souplesse, car les services dhygiène du travail peuvent avoir à sadapter à des besoins constamment réévalués.
Communication, partage et collaboration sont les mots-clés du succès du travail en équipe et de loptimisation des capacités de chacun. Des mécanismes de communication efficaces sont donc nécessaires, tant dans le cadre du programme quen dehors de celui-ci, pour garantir lapproche multidisciplinaire quexigent la protection et la promotion de la santé des travailleurs. Il devrait exister une étroite interaction avec dautres professionnels de la santé au travail: médecins du travail, personnel infirmier dentreprise, ergonomes, psychologues du travail, spécialistes de la sécurité. Sans oublier, sur le lieu de travail, les travailleurs, le personnel de production et les dirigeants.
La mise en uvre des programmes est un processus graduel. Cest pourquoi il convient, au stade de la planification, de préparer un calendrier réaliste en fonction de priorités bien établies et compte tenu des ressources disponibles.
On entend par gestion la prise de décisions quant aux objectifs à atteindre et aux actions à entreprendre en conséquence, avec la participation de toutes les personnes concernées et en prévoyant ou en recherchant, de manière à les éviter ou à les résoudre, les problèmes qui pourraient constituer des obstacles au bon déroulement des tâches à effectuer. Il faut garder présent à lesprit que la connaissance scientifique ne constitue pas une garantie de compétence en matière de gestion, compétence nécessaire pour mener à bien un programme.
On ne soulignera jamais assez à quel point il importe dappliquer et de faire respecter les procédures qui conviennent et de veiller tout particulièrement à lassurance de la qualité. Il existe en effet une grande différence entre un travail fait et un travail bien fait. De plus, ce sont les objectifs ultimes qui doivent servir de points de repère, et non les étapes intermédiaires; on ne mesure pas lefficacité dun programme dhygiène du travail par le nombre denquêtes effectuées, mais plutôt par le nombre denquêtes qui ont effectivement abouti à une action bénéfique pour la santé des travailleurs.
Bien gérer, cest faire la différence entre ce qui paraît important et ce qui lest vraiment; les enquêtes très détaillées, avec des échantillonnages et des analyses dune très grande précision, peuvent certes impressionner, mais ce qui compte réellement ce sont les décisions et les mesures sur lesquelles elles débouchent.
Le concept dassurance de la qualité, avec les contrôles et les tests quil implique, concerne essentiellement les opérations de mesurage. Bien quil soit associé le plus souvent aux activités des laboratoires danalyses, son champ dapplication a été étendu pour englober également léchantillonnage et les mesurages.
Chaque fois quil faut procéder à un échantillonnage ou à une analyse, la procédure à suivre devrait être considérée comme indissociable de laspect qualité. Comme la solidité de toute chaîne se mesure à celle du plus faible de ses maillons, il est inutile dutiliser, pour les différentes étapes dune même procédure dévaluation, des instruments et des techniques dinégale qualité. Lexactitude et la précision dune très bonne balance chimique ne peuvent en aucun cas compenser le débit erroné dune pompe déchantillonnage mal réglée.
Les résultats des laboratoires doivent être vérifiés afin de détecter et de corriger les sources derreur; il faut adopter une approche systématique à cet égard si lon veut maîtriser tous les détails de la question. Il est important détablir des programmes dassurance de la qualité pour les laboratoires dhygiène du travail, et ce, aussi bien pour les contrôles internes que pour les évaluations extérieures (souvent appelées «tests de compétence»).
En ce qui concerne le prélèvement déchantillons ou les mesurages faits à laide dappareils à lecture directe (y compris pour les agents physiques), la qualité implique:
En ce qui concerne les laboratoires danalyses, la qualité porte sur les points suivants:
Dans les deux cas, il est indispensable de pouvoir compter sur:
En outre, les données obtenues doivent être correctement traitées, les résultats bien interprétés, communiqués avec exactitude aux personnes intéressées et archivés.
Laccréditation des laboratoires, définie par la norme CEN EN 45001 comme étant «une reconnaissance formelle de la compétence dun laboratoire pour réaliser des tests spécifiques ou des types de test spécifiques», est un outil de contrôle très important dont lutilisation devrait être encouragée. Elle devrait concerner à la fois les procédures déchantillonnage et danalyse.
Le concept de qualité doit sappliquer à tous les stades de la pratique de lhygiène du travail, depuis lidentification des risques jusquà la mise en uvre des programmes de prévention et de maîtrise des risques. Dans cette optique, les programmes et les services dhygiène du travail doivent être régulièrement évalués dun il critique afin dêtre sans cesse améliorés.
Lhygiène du travail est essentielle à la protection de la santé des travailleurs et de lenvironnement. Elle comporte plusieurs aspects interdépendants qui ne peuvent être pris en compte séparément, mais doivent être intégrés dans une démarche globale.
Un risque professionnel peut être défini comme une situation susceptible davoir des effets néfastes sur le bien-être et la santé des personnes exposées. Quelle que soit lactivité considérée, la prise en compte de cette situation suppose que lon connaisse les caractéristiques du lieu de travail et, partant, les agents dangereux qui sy trouvent et les groupes de travailleurs potentiellement menacés. Ces agents peuvent être chimiques, biologiques ou physiques (voir tableau 30.1). Certains facteurs de risque sont faciles à mettre en évidence (par exemple, les irritants qui ont un effet immédiat au contact avec la peau ou après inhalation). Dautres le sont moins, tels les produits chimiques qui se forment accidentellement sans signes précurseurs. Certains agents, comme les métaux (notamment le plomb, le mercure, le cadmium et le manganèse), susceptibles de causer des lésions après plusieurs années dexposition, peuvent être faciles à repérer quand on est conscient du risque. Mais un agent toxique peut aussi être inoffensif à faible concentration ou si personne ny est exposé. Lidentification des agents qui peuvent se trouver sur le lieu de travail, la compréhension des risques que ces agents peuvent représenter pour la santé et la prise de conscience des situations dexposition possibles sont les éléments essentiels de leur mise en évidence.
Type de risque |
Description |
Exemples |
RISQUES CHIMIQUES |
Les produits chimiques entrent dans l’organisme principalement par inhalation, absorption cutanée et ingestion. L’effet toxique provoqué peut être aigu, chronique, voire les deux. |
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Corrosion |
Les produits chimiques corrosifs provoquent la destruction des tissus au point de contact. Les parties du corps les plus fréquemment touchées sont la peau, les yeux et le tube digestif. |
Bases et acides concentrés, phosphore. |
Irritation |
Les irritants provoquent l’inflammation des tissus sur lesquels ils se déposent. |
Cutanée: acides, bases, solvants, huiles. |
Réactions allergiques |
Les allergènes ou sensibilisants chimiques peuvent causer des réactions allergiques cutanées ou respiratoires. |
Cutanées: colophane, formaldéhyde, métaux (chrome et nickel), certains colorants organiques, durcisseurs époxy, térébenthine. |
Asphyxie |
Les asphyxiants agissent en perturbant l’oxygénation des tissus. Les asphyxiants simples sont des gaz inertes qui diluent l’oxygène de l’air et le réduisent à un niveau rendant la vie impossible. On peut trouver des atmosphères présentant une carence en oxygène dans les citernes, cales de navire, silos ou mines. La concentration en oxygène ne doit jamais être inférieure à 19,5% par volume d’air. Les asphyxiants chimiques empêchent le transport de l’oxygène et la bonne oxygénation du sang ou encore l’oxygénation des tissus. |
Asphyxiants simples: méthane, éthane, hydrogène, hélium. |
Cancer |
Les cancérogènes humains connus sont des produits chimiques dont on a démontré de manière probante qu’ils induisent le cancer chez l’humain. Les cancérogènes humains probables sont des produits chimiques pour lesquels on a pu prouver qu’ils provoquent le cancer chez l’animal, alors qu’on ne dispose pas encore de preuve définitive du même effet chez l’humain. La suie et le goudron de houille ont été les premiers produits chimiques soupçonnés d’induire le cancer. |
Connus: benzène (leucémie); chlorure de vinyle (angiosarcome du foie); 2-naphthylamine, benzidine (cancer de la vessie); amiante (cancer du poumon, mésothéliome); poussières de bois dur (adénocarcinome des sinus de la face). |
Effets sur la reproduction |
Les toxiques pour la reproduction compromettent les fonctions reproductrices et sexuelles d’un individu. |
Manganèse, sulfure de carbone, éthers monoéthyliques et éthyliques d’éthylèneglycol, mercure. |
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Les toxiques du développement sont des agents susceptibles d’avoir des effets nocifs dans la descendance des personnes exposées: par exemple, des malformations congénitales. Les produits chimiques embryotoxiques ou ftotoxiques peuvent provoquer des avortements spontanés ou des fausses couches. |
Composés organiques du mercure, monoxyde de carbone, plomb, thalidomide, solvants. |
Poisons systémiques |
Les poisons systémiques sont des agents qui induisent des lésions d’organes ou de systèmes physiologiques particuliers. |
Cerveau: solvants, plomb, mercure, manganèse. |
RISQUES BIOLOGIQUES |
Les risques biologiques sont les risques dus aux poussières organiques provenant de sources biologiques (virus, bactéries, champignons, protéines animales ou substances végétales telles que les produits de décomposition de fibres naturelles). L’agent étiologique peut être issu d’un organisme vivant ou de contaminants, ou être un composant spécifique de la poussière. Les risques biologiques sont regroupés en deux catégories: les agents infectieux et non infectieux. Les agents non infectieux se subdivisent eux-mêmes en trois catégories: les organismes vivants, les substances toxiques d’origine biologique et les allergènes, d’origine biologique également. |
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Risques d’infection |
Les maladies professionnelles occasionnées par des agents infectieux sont relativement rares. Les travailleurs exposés sont notamment le personnel des établissements hospitaliers, des laboratoires et des abattoirs, les agriculteurs, les vétérinaires, les gardiens de zoo et les cuisiniers. La prédisposition varie considérablement d’un individu à l’autre (les personnes qui prennent des médicaments immunodépresseurs sont particulièrement sensibles). |
Hépatite B, tuberculose, charbon, brucellose, tétanos, |
Organismes vivants et substances toxiques d’origine biologique |
Les organismes vivants sont les champignons, les spores et les mycotoxines, les substances toxiques d’origine biologique étant les endotoxines, les aflatoxines et les bactéries. Les produits du métabolisme bactérien et fongique sont complexes, nombreux et sensibles à la température, à l’humidité et au type de substrat sur lequel ils se développent. Du point de vue chimique, ils peuvent se composer de protéines, de lipoprotéines ou de mucopolysaccharides. Les bactéries Gram négatif, les bactéries Gram positif et les moisissures en sont quelques exemples. Les personnes exposées sont notamment celles qui travaillent au contact du coton, du chanvre et du lin, dans les installations de traitement des eaux usées et des boues, ainsi que dans les silos à grain. |
Byssinose, asthme dû aux poussières de céréales, maladie des légionnaires. |
Allergènes d’origine biologique |
Parmi les allergènes d’origine biologique, on trouve les champignons, les protéines d’origine animale, les terpènes, les acariens et les enzymes. Une très grande partie des allergènes d’origine biologique de l’agriculture proviennent des protéines de la peau animale, des poils des fourrures et des protéines des matières fécales et de l’urine. On peut trouver des allergènes dans de nombreux procédés industriels: fermentation, production de médicaments, boulangerie, fabrication de papier, transformation du bois (scieries, etc.), biotechnologies (production d’enzymes et de vaccins, cultures tissulaires) et production d’épices. Chez les personnes sensibles, l’exposition à des allergènes peut provoquer des symptômes allergiques: rhinites, conjonctivites ou asthme. L’alvéolite allergique se caractérise par des symptômes respiratoires aigus tels que la toux, par des frissons, de la fièvre, des céphalées et des douleurs musculaires et peut évoluer vers une fibrose pulmonaire chronique. |
Asthme professionnel: laine, fourrures, grains de froment, farine, cèdre rouge, poudre d’ail. |
RISQUES PHYSIQUES |
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Bruit |
On entend par bruit tout son indésirable susceptible d’avoir des effets néfastes sur la santé et le bien-être d’individus ou de groupes d’individus. Différents paramètres sont à considérer en la matière: l’intensité du son, la fréquence, la durée de l’exposition et le type de bruit (impulsionnel ou non). L’acuité auditive est généralement touchée en premier à la fréquence de 4 000 Hz, puis on constate de nouvelles pertes entre 2 000 et 6 000 Hz. Le bruit peut avoir des conséquences graves: problèmes de communication, baisse de la concentration, somnolence et, de ce fait, nuire au rendement des travailleurs. Une exposition à des niveaux sonores très élevés (habituellement supérieurs à 85 dBA) ou à des bruits impulsionnels (environ 140 dBC) pendant une période prolongée peut provoquer un déficit auditif temporaire ou chronique. La surdité est à l’origine du plus grand nombre de demandes de réparation pour maladie professionnelle. |
Fonderies, travail du bois, usines textiles, métallurgie. |
Vibrations |
Les vibrations ont plusieurs paramètres en commun avec le bruit: la fréquence, l’amplitude, la durée d’exposition et le caractère continu ou intermittent. L’habileté de celui qui manipule l’outil et la façon dont il l’utilise semblent jouer un rôle important dans la nocivité des vibrations. Un travail manuel faisant appel à des outils mécaniques est associé à des troubles circulatoires périphériques connus sous le nom de «phénomène de Raynaud» ou «maladie des doigts blancs». Les outils vibratoires peuvent également toucher le système nerveux périphérique et le système musculo-squelettique, ce qui se traduit par une diminution de la force de préhension, des lombalgies basses et des troubles lombaires dégénératifs. |
Machines diverses, chargeuses-pelleteuses, chariots élévateurs à fourche, outils pneumatiques, scies à chaîne. |
Rayonnements ionisants |
L’effet chronique le plus important des rayonnements ionisants est le cancer, en particulier la leucémie. Une surexposition causée par des niveaux relativement bas a été associée à des dermatoses de la main et à des troubles du système sanguin. Les processus ou activités pouvant entraîner une surexposition aux rayonnements ionisants font l’objet de nombreuses restrictions et sont très réglementés. |
Réacteurs nucléaires, tubes radiologiques à usage médical ou dentaire, accélérateurs de particules, radio-isotopes. |
Rayonnements non ionisants |
On entend par rayonnements non ionisants le rayonnement ultraviolet, visible, ou infrarouge, celui des lasers, des champs électromagnétiques (micro-ondes et fréquences radio) et les rayonnements de très basse fréquence. Le rayonnement infrarouge peut provoquer des cataractes, les faisceaux lasers de grande puissance pouvant causer des lésions oculaires et cutanées. On se demande de plus en plus si l’exposition à de faibles niveaux de champs électromagnétiques est susceptible d’induire le cancer et de nuire à la reproduction chez la femme, notamment chez celles qui travaillent sur écran de visualisation. La question de savoir s’il existe un lien de cause à effet n’a pas encore trouvé de réponse. Une synthèse récente des connaissances scientifiques en la matière a toutefois permis de conclure que, d’une façon générale, il n’était pas possible d’établir un lien entre le travail sur écran de visualisation et les troubles de la reproduction. |
Rayonnement ultraviolet: découpage et soudage à l’arc; durcissement des encres, colles, peintures, etc. aux rayons ultraviolets; désinfection; contrôle de produits. |
Avant toute enquête dhygiène du travail, lobjectif à atteindre doit être clairement défini. Il peut sagir didentifier les risques éventuels, dévaluer les risques existants, de vérifier la conformité du lieu de travail avec la réglementation, de jauger les moyens de prévention ou encore de mesurer lexposition aux fins dune étude épidémiologique. Cet article concerne uniquement les programmes ayant pour but lidentification et la classification des risques sur le lieu de travail. De nombreux modèles et de nombreuses techniques ont été mis au point pour identifier et évaluer les risques en milieu professionnel. Ils varient en complexité, allant de simples listes de contrôle jusquà des profils dexposition et des programmes de surveillance du travail, en passant par des enquêtes préliminaires dhygiène du travail, des matrices emploi-exposition et des études du risque et de la sûreté de fonctionnement des équipements (Renes, 1978; Gressel et Gideon, 1991; Holzner, Hirsh et Perper, 1993; Goldberg et coll., 1993; Bouyer et Hémon, 1993; Panett, Coggon et Acheson, 1985; Tait, 1992). Aucune technique particulière ne simpose comme étant la seule valable et toutes présentent des aspects utiles à linvestigation. Lutilité des modèles dépend en outre de lobjectif de la recherche, de la taille du lieu de travail, du type de production et dactivité, ainsi que de la complexité des opérations.
Lidentification et la classification des risques peuvent se diviser en trois grands éléments: la caractérisation du lieu de travail, le mode dexposition et lévaluation qualitative des risques.
Un lieu de travail peut rassembler aussi bien quelques personnes que plusieurs milliers de travailleurs ainsi que des activités différentes (usines, chantiers, bureaux, hôpitaux, exploitations agricoles, etc.). Sur un lieu de travail, des tâches spécifiques peuvent être localisées dans des zones distinctes, telles que des divisions ou des sections. Dans un processus industriel, la production se déroule en différentes étapes et opérations, à mesure que les matières premières se transforment en produits finis.
Il convient dobtenir des informations détaillées sur les processus, opérations et autres activités pertinentes afin didentifier les agents utilisés, y compris les matières premières, les matériaux manipulés ou ajoutés au cours de la fabrication, les produits primaires, intermédiaires, finis, réactionnels et les sous-produits. Il peut également être intéressant didentifier les additifs et les catalyseurs intervenant dans un processus. Les matières premières et les matériaux dapport qui sont uniquement connus sous leur nom commercial doivent être évalués daprès leur composition chimique et les fiches de renseignement ou de sécurité normalement disponibles auprès du fabricant ou du fournisseur.
Certaines étapes du processus se déroulent parfois dans un système clos sans que personne ne soit exposé, sauf pendant les travaux de maintenance ou en cas de défaillance. Il faut donc tenir compte de ces situations et prendre des précautions pour empêcher toute exposition à des agents dangereux. Dautres processus ont lieu dans des systèmes ouverts, équipés ou non de dispositifs daspiration localisée. Dans ce cas, une description générale du système de ventilation devrait être fournie, avec toutes ses composantes.
Lorsque cela est possible, il est préférable didentifier les risques lors de la planification ou de la conception de nouvelles installations ou de nouveaux processus, à un stade où des changements peuvent encore être apportés et où les risques peuvent être anticipés et évités. Les conditions et procédures qui sécartent de la conception initiale devront être identifiées et évaluées en cours de processus. Les risques à détecter concernent également les émissions dans lenvironnement extérieur et les matériaux de rebut. Lemplacement des installations, les opérations, les sources démission et les agents devraient être regroupés de façon systématique pour former des unités reconnaissables lors des analyses ultérieures de lexposition potentielle. Dans chaque unité, les opérations et les agents seront classés selon leurs effets sur la santé et lestimation des quantités émises dans lenvironnement de travail.
Les principales voies dexposition aux agents chimiques et biologiques sont linhalation et labsorption par la peau ou, accidentellement, lingestion. Le mode dexposition dépend de la fréquence de contact avec lagent dangereux, de lintensité et de la durée de lexposition. Les tâches que le travailleur effectue doivent être soumises à un examen systématique. Il est important non seulement détudier les manuels, mais aussi dobserver ce qui se passe réellement dans la pratique. Il se peut que les travailleurs soient directement exposés du fait des tâches quils accomplissent, ou indirectement parce quils se trouvent dans la même zone que la source démission. Il faudra peut-être se concentrer tout dabord sur les tâches les plus susceptibles de nuire, même si lexposition est de courte durée. Les opérations non routinières et intermittentes (maintenance, nettoyage et modification des cycles de production, par exemple) doivent également être prises en compte. Les tâches et les situations peuvent varier tout au long de lannée.
Pour un même poste, lexposition et labsorption dagents nocifs peuvent varier parce que certains travailleurs portent des équipements de protection et dautres non. Dans les grandes entreprises, il est rarement possible de procéder à lidentification des risques ou à une évaluation qualitative pour chaque travailleur. Par conséquent, les travailleurs effectuant des tâches analogues seront classés dans le même groupe dexposition. Les différences de tâches, de techniques de travail et de temps de travail se traduisent par des expositions qui peuvent varier considérablement et dont il faut tenir compte. Il a été montré que pour les personnes qui travaillaient à lextérieur et pour celles qui travaillaient à lintérieur sans dispositif daspiration localisée, les variations quotidiennes étaient plus grandes que pour les groupes travaillant à lintérieur avec un tel système de ventilation (Kromhout, Symanski et Rappaport, 1993). Les méthodes de travail, les agents utilisés dans le cadre dun processus ou dune fonction donnée, ou encore les différentes tâches correspondant à une même fonction peuvent être utilisés en lieu et place de cette fonction pour caractériser les groupes ayant la même exposition. A lintérieur des groupes, les travailleurs potentiellement exposés doivent être identifiés et classés suivant les agents dangereux, les voies dexposition, les effets des agents en question sur la santé, la fréquence de contact, lintensité et la durée de lexposition. Les différents groupes dexposition devraient être classés en fonction des agents dangereux considérés et de lexposition supposée afin de déterminer quels sont les travailleurs les plus exposés.
Les effets éventuels sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents sur le lieu de travail devraient être définis en fonction des résultats disponibles de la recherche dans les domaines épidémiologique, toxicologique, clinique et environnemental. On trouvera les données les plus récentes quant aux risques que représentent pour la santé les produits ou agents utilisés sur le lieu de travail dans les revues de prévention, les bases de données spécialisées et les publications techniques et scientifiques en rapport avec ce domaine.
Si nécessaire, on mettra à jour les fiches de données de sécurité qui précisent les pourcentages de composants dangereux ainsi que le numéro didentification attribué par le Chemical Abstracts Service (CAS) et, éventuellement, la valeur seuil (Threshold Limit Value (TLV)), en plus des informations concernant les risques pour la santé, les équipements de protection, les mesures préventives, le fabricant ou le fournisseur, etc. Si les éléments indiqués sont trop succincts, il faudra les compléter par des informations plus détaillées.
Les résultats de la surveillance et les mesures enregistrées devraient être analysés. Lorsquon la connaît, la valeur seuil fournit une bonne indication pour décider si la situation est acceptable ou non, bien quil faille tenir compte dinteractions éventuelles lorsque les travailleurs sont exposés à plusieurs produits chimiques en même temps. A lintérieur des groupes dexposition aussi bien quentre eux, les travailleurs devraient être classés selon les effets sur la santé des agents en présence et en fonction de lexposition estimée (léchelle allant des effets minimes aux effets graves et dune faible exposition à un niveau dexposition jugé élevé). Ceux qui figurent en haut de léchelle doivent recevoir la priorité. Avant denvisager toute activité de prévention, il sera peut-être nécessaire de mettre en uvre un programme de surveillance de lexposition. Tous les résultats devraient être documentés et facilement accessibles. La figure 30.3 illustre la démarche à suivre.
Lors des enquêtes dhygiène du travail, il faut également prendre en compte les risques causés à lenvironnement extérieur (pollution, effet de serre et impact sur la couche dozone).
Les risques peuvent être dorigine chimique, biologique ou physique. Cette section et le tableau 30.1 donnent une brève description des différents risques, ainsi que quelques exemples de milieux et dactivités où ils se présentent (Casarett, 1980; Commission internationale de la santé au travail (CIST), 1985; Jacobs, 1992; Leidel, Busch et Lynch, 1977; Olishifski, 1988; Rylander, 1994). Des informations plus détaillées figurent sous dautres rubriques de la présente Encyclopédie.
Les produits chimiques peuvent être divisés en plusieurs groupes, à savoir les gaz, les vapeurs, les liquides et les aérosols (poussières, fumées, brouillards).
Les gaz sont des substances qui ne peuvent être transformées en liquides ou en solides que par les effets combinés dune augmentation de pression et dune baisse de température. La manipulation des gaz implique toujours un risque dexposition, à moins quils ne soient traités dans des systèmes clos. Les gaz qui se trouvent dans des réservoirs ou dans des tuyaux de distribution peuvent fuir accidentellement. En outre, les procédés à haute température (par exemple, opérations de soudage et combustion) entraînent la formation de gaz.
Les vapeurs constituent la forme gazeuse de substances qui se trouvent en principe à létat solide ou liquide à température ambiante et sous une pression normale. Lorsquun liquide sévapore, il passe à létat gazeux et se mélange à lair environnant. Une vapeur peut être considérée comme un gaz. Sa concentration maximale dépend de la température et de la pression de saturation de la substance. Tout processus dans lequel il y a combustion va générer des vapeurs ou des gaz. Les opérations de dégraissage peuvent être effectuées en phase vapeur ou au trempé à laide de solvants. Les activités telles que le chargement et le mélange de liquides, la peinture, la pulvérisation, le nettoyage et le nettoyage à sec peuvent produire des vapeurs nocives.
Il peut sagir dune substance pure ou dune solution composée de deux ou plusieurs substances (solvants, acides, bases). Un liquide stocké dans un conteneur ouvert va sévaporer partiellement et se transformer en gaz. La concentration en phase vapeur à létat déquilibre dépend de la pression de vapeur de la substance, de sa concentration en phase liquide et de la température. Outre les vapeurs nocives, les opérations ou activités mettant en uvre des liquides peuvent occasionner des projections ou dautres contacts avec la peau.
Il sagit de particules inorganiques et organiques qui peuvent être classées par catégorie (inhalables, thoraciques ou respirables) en fonction de leur dimension. La plupart des poussières organiques ont une origine biologique. Les poussières inorganiques sont, quant à elles, générées lors de processus mécaniques tels que le meulage, le sciage, le coupage, le broyage, le criblage ou le tamisage. Les poussières peuvent être dispersées lors de la manipulation de matériaux en contenant ou sélever en tourbillons sous leffet des mouvements de lair provoqués par la circulation des machines. La manipulation de matériaux secs ou pulvérulents lors dopérations de pesage, remplissage, chargement, transport et conditionnement engendre de la poussière, de même que les activités disolation et de nettoyage.
Il sagit de particules solides qui sévaporent à haute température et se condensent en petites particules. Cette vaporisation saccompagne souvent dune réaction chimique telle que loxydation. Les particules qui composent une fumée sont extrêmement fines, généralement dune taille inférieure à 0,1 µm, et sagrègent souvent pour former des agglomérats. Les opérations de soudage et de coupage au chalumeau à plasma, par exemple, dégagent des fumées.
Les brouillards sont des gouttelettes de liquide en suspension générées par le passage de létat gazeux à létat liquide ou par la dispersion dun liquide par éclaboussure, écumage ou atomisation. En voici quelques exemples: vapeurs dhuile issues dopérations de coupage et de meulage; vapeurs acides provenant dopérations de galvanoplastie; vapeurs acides ou alcalines produites par des opérations de décapage; ou encore vapeurs de peinture issues dopérations de pulvérisation.
La surveillance du milieu de travail se fait au travers de programmes visant à anticiper, observer, mesurer, évaluer et maîtriser lexposition à des risques potentiels pour la santé des travailleurs. Elle est souvent assurée par une équipe composée dun hygiéniste du travail, dun médecin du travail, dun infirmier ou dune infirmière dentreprise, dun responsable de la sécurité, dun toxicologue et dun ingénieur. En fonction de lenvironnement de travail et du problème potentiel, on distingue trois types de surveillance: médicale, environnementale et biologique. La surveillance médicale est utilisée pour déterminer la présence ou labsence deffets nocifs chez un individu exposé à des contaminants sur son lieu de travail. Elle fait appel à des examens médicaux et à des analyses biologiques appropriées. Les contrôles dambiance permettent de définir lexposition potentielle dun groupe de travailleurs à des contaminants, en mesurant leur concentration dans lair, dans des échantillons de matériaux et sur les surfaces. La surveillance biologique est utilisée pour établir la corrélation entre labsorption de contaminants par lorganisme et les niveaux de contaminants dans lenvironnement. Elle consiste à mesurer la concentration de substances dangereuses ou de leurs métabolites dans le sang, dans lurine ou dans lair expiré par les travailleurs.
On exerce une surveillance médicale en raison des maladies qui peuvent être causées ou aggravées par une exposition à des substances dangereuses. Cette surveillance exige la mise au point dun programme daction avec des spécialistes des maladies professionnelles, de leur diagnostic et de leur traitement. Les programmes de surveillance médicale contribuent à la protection, à léducation et au suivi du travailleur, voire à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ils réunissent plusieurs composantes: tests dembauche, examens médicaux périodiques, dépistage précoce des changements et altérations provoqués par des substances dangereuses, traitement médical et enregistrement de multiples données. La sélection sopère sur la base de questionnaires sur les antécédents médicaux et professionnels et des résultats des examens physiques. Les questionnaires fournissent des renseignements sur les maladies antérieures et les maladies chroniques (tout spécialement lasthme, les affections cutanées ou pulmonaires et les cardiopathies), ainsi que sur les risques professionnels déjà encourus. Cette pratique nest pas sans implications éthiques et juridiques dès lors quelle sert à déterminer si oui ou non une personne peut prétendre à un emploi. Mais elle revêt une importance fondamentale si on lutilise pour: 1) répertorier les activités antérieures et les expositions qui leur sont associées; 2) déterminer létat de santé initial du travailleur; 3) tester son hypersensibilité. Les examens médicaux consistent notamment en des tests audiométriques servant à mesurer le déficit auditif, des examens de la vue, des tests fonctionnels ou de tolérance au port déquipements de protection respiratoire et des analyses de base durine et de sang. Les contrôles médicaux périodiques sont essentiels pour détecter et étudier lapparition deffets nocifs. Ils peuvent inclure une surveillance biologique pour déceler des contaminants spécifiques et lutilisation dautres marqueurs biologiques.
La surveillance environnementale et biologique commence par une enquête dhygiène du lieu de travail en vue didentifier les risques potentiels et les sources de contamination et de définir le besoin de surveillance dans lentreprise. La surveillance des agents chimiques peut seffectuer à partir déchantillons dair ou de sources et déchantillons surfaciques ou biologiques. La surveillance des agents physiques passe par des mesurages des niveaux sonores, de la température et des rayonnements. Lorsquune surveillance savère souhaitable, lhygiéniste du travail doit élaborer une stratégie déchantillonnage pour définir sur quels travailleurs, processus, équipements et zones des prélèvements doivent être effectués, le nombre déchantillons à prendre, la durée des prélèvements, leur fréquence et la méthode déchantillonnage à employer. La complexité et lorientation des enquêtes dhygiène du travail varient en fonction de lobjectif de linvestigation, du type détablissement et de sa taille, et de la nature du problème. Il existe une certaine souplesse dans la manière de réaliser les enquêtes, mais une préparation minutieuse de linspection sur le site est toujours un gage defficacité. Les enquêtes motivées par des plaintes ou par des maladies ont un objectif supplémentaire qui est didentifier la cause des problèmes de santé. Les enquêtes sur la qualité de lair à lintérieur des bâtiments sintéressent aux sources de contamination aussi bien intérieures quextérieures. Quel que soit le risque professionnel considéré, toute enquête avec échantillonnage sur un lieu de travail suit toujours la même démarche générale; pour les besoins de la démonstration, nous nous contenterons ici de prendre pour exemple le cas des agents chimiques.
La simple existence dune possibilité de contamination sur le lieu de travail ne signifie pas nécessairement que le potentiel dexposition est élevé; encore faut-il que lagent en cause atteigne effectivement le travailleur. Dans le cas des produits chimiques, le contaminant à létat liquide ou de vapeur doit entrer en contact avec le corps ou être absorbé par lorganisme pour avoir un effet nocif. Sil est isolé dans une enceinte ou capté par un système efficace daspiration localisée, le potentiel dexposition sera faible, quelle que soit la toxicité du produit considéré.
La voie dexposition peut avoir un impact sur le type de surveillance à effectuer ainsi que sur le risque potentiel. Dans le cas des agents chimiques et biologiques, les travailleurs sont exposés à ces agents par inhalation, contact cutané, ingestion ou injection; les voies dabsorption les plus courantes en milieu de travail sont lappareil respiratoire et la peau. Pour évaluer linhalation, lhygiéniste du travail observe dans quelle mesure les produits chimiques sont susceptibles de se retrouver en suspension dans lair sous la forme de gaz, de vapeurs, de poussières, de fumées ou de brouillards.
Labsorption des produits chimiques par voie cutanée se produit surtout lorsque la peau est en contact direct avec des hydrocarbures solubles dans la graisse ou avec dautres solvants organiques suite à des éclaboussures, pulvérisations, humidifications ou immersions. Dans ce dernier cas, le corps peut être en contact avec des vêtements contaminés, les mains avec des gants souillés et les mains et les bras avec un liquide. Pour certaines substances, telles que les amines et les phénols, labsorption par la peau peut être aussi rapide que labsorption par les poumons de substances inhalées. Pour les contaminants tels que les pesticides et les colorants à la benzidine, labsorption cutanée constitue la première voie dabsorption avant linhalation. Ces produits chimiques peuvent aisément pénétrer dans lorganisme par la peau, augmenter la charge corporelle et provoquer des dommages systémiques. Lorsque à la suite dune réaction allergique ou de lavages répétés la peau sassèche et se crevasse, le nombre et le type de produits chimiques pouvant être absorbés par lorganisme augmentent considérablement. Lingestion est une voie dabsorption inhabituelle des gaz et des vapeurs, mais elle peut être importante pour des particules, notamment de plomb. Elle intervient lorsquon mange de la nourriture contaminée ou lorsquon mange ou quon fume avec des mains contaminées elles aussi, ou encore lorsquon tousse puis avale des particules précédemment inhalées.
Des matières peuvent être directement injectées dans le sang en cas de piqûre accidentelle avec des aiguilles hypodermiques, par exemple chez les professionnels de la santé à lhôpital, ou lorsque des fragments libérés à grande vitesse par des sources à haute pression entrent directement en contact avec la peau. Les pistolets pulvérisateurs à peinture sans air et les systèmes hydrauliques fonctionnent à des pressions suffisamment élevées pour percer la peau et introduire des substances directement dans lorganisme.
Lobjectif de lenquête initiale, appelée visite des lieux, est de rassembler systématiquement des informations permettant de juger sil existe une situation potentiellement dangereuse justifiant lexercice dune surveillance. Un hygiéniste du travail commence cette inspection par une réunion à laquelle peuvent prendre part des membres de la direction, des travailleurs, des surveillants, du personnel infirmier dentreprise et des représentants des syndicats. Lhygiéniste du travail peut largement contribuer au succès de lenquête et de toute mesure de surveillance ultérieure en créant une équipe dont les membres communiquent ouvertement, en toute bonne foi, et comprennent les objectifs et la portée de linspection. Si lon veut que lenquête se déroule dans un esprit de coopération, au lieu de susciter la crainte, il faut que les travailleurs en soient informés et puissent y participer dès le départ.
Pendant la réunion, il est demandé de fournir des schémas de production, des plans des installations, des rapports sur les inspections précédentes, des programmes de fabrication, des plans de maintenance des équipements, de la documentation sur les mesures de protection individuelle et des données chiffrées sur le nombre de travailleurs, déquipes et de plaintes liées à la santé. Tous les matériaux dangereux utilisés et produits sont identifiés et quantifiés. On dresse un inventaire chimique des produits, sous-produits, produits intermédiaires et impuretés et toutes les fiches de sécurité correspondantes sont demandées. Enfin, on examine les programmes de maintenance, ainsi que lâge et létat des équipements, car lutilisation de matériel ancien peut conduire à des niveaux dexposition plus élevés en labsence de contrôles appropriés.
Une fois cette réunion terminée, lhygiéniste effectue une visite des lieux pendant laquelle il examine minutieusement les tâches réalisées et les pratiques de travail afin didentifier les nuisances éventuelles, de classer les risques dexposition possibles, didentifier les voies dexposition et dévaluer la durée et la fréquence dexposition. La figure 30.4 donne quelques exemples des facteurs dagression présents en milieu professionnel. Lhygiéniste met à profit sa visite pour observer le lieu de travail et trouver des réponses à ces questions. La figure 30.5 dresse une liste indicative de ces observations et questions.
Outre les points récapitulés à la figure 30.5, il est nécessaire de sinterroger sur ce qui ne paraît pas évident de prime abord, par exemple:
Les tâches non routinières peuvent conduire à des pics dexposition à des produits chimiques quil est difficile de prévoir et de mesurer pendant une journée de travail ordinaire. Les modifications du processus de production et lutilisation de nouveaux produits chimiques peuvent changer lémission de substances dans lair et avoir des répercussions sur lexposition ultérieure. De nouveaux aménagements dans la disposition architecturale dune zone de travail peuvent modifier lefficacité du système de ventilation existant. La redéfinition des tâches peut amener à certains postes des travailleurs inexpérimentés, au risque daggraver les niveaux dexposition. Des travaux de rénovation et de réparation, enfin, peuvent introduire dans le milieu de travail de nouveaux matériaux et des produits chimiques irritants ou susceptibles de dégager des substances organiques volatiles sous la forme de gaz.
Les enquêtes sur la qualité de lair à lintérieur des bâtiments diffèrent des enquêtes dhygiène du travail traditionnelles, car elles concernent habituellement des lieux de travail non industriels et peuvent porter sur des expositions à des mélanges de faibles quantités de produits chimiques qui ne semblent pas capables à eux seuls de provoquer des maladies (Ness, 1991). Elles ont le même objectif que les enquêtes dhygiène du travail: identifier les sources de contamination et définir les besoins de surveillance, mais elles sont toujours motivées par des plaintes des travailleurs. Ceux-ci présentent souvent différents symptômes: céphalées, irritation de la gorge, léthargie, toux, démangeaisons, nausées et réactions dhypersensibilité non spécifiques qui disparaissent une fois rentrés chez eux. Lorsque les travailleurs continuent de constater de tels symptômes après avoir quitté leur travail, il convient de prendre également en considération dautres possibilités dexposition loisirs, activités professionnelles parallèles, pollution urbaine, tabagisme passif et environnement propre à lhabitation. Les enquêtes sur la qualité de lair à lintérieur des bâtiments utilisent souvent des questionnaires pour préciser les symptômes et les doléances des travailleurs et faire ensuite des rapprochements avec leur lieu de travail et leur activité. Les zones où les symptômes ont la plus forte incidence font lobjet dune enquête plus poussée. Les enquêtes sur la qualité de lair à lintérieur des bâtiments ont mis en évidence les sources suivantes de contamination:
Linspection des lieux effectuée dans le cadre de ces enquêtes est essentiellement une visite des bâtiments et du milieu de travail, afin de définir les sources éventuelles de contamination à la fois à lintérieur et à lextérieur des bâtiments. Les sources intérieures sont notamment:
La figure 30.6 présente une liste des questions qui peuvent être posées pendant lenquête.
Une fois la visite des lieux terminée, lhygiéniste du travail doit déterminer sil convient de prélever des échantillons, ce qui ne devrait être fait que dans un but bien précis. La question à se poser est la suivante: «A quoi les résultats des prélèvements serviront-ils et à quelles questions apporteront-ils des réponses?». Sil est relativement facile de prélever des échantillons et dobtenir des chiffres, il est en revanche beaucoup plus difficile de les interpréter.
Les données obtenues par lanalyse des échantillons dair et des échantillons biologiques sont habituellement comparées aux valeurs limites dexposition professionnelle recommandées ou imposées. De telles valeurs ont été fixées dans de nombreux pays pour lexposition biologique et lexposition des voies respiratoires à des agents chimiques et physiques. A ce jour, sur plus de 60 000 produits chimiques utilisés à des fins commerciales, environ 600 ont été évalués dans cette perspective par différentes organisations dans différents pays. La façon dont ces valeurs limites sont déterminées varie selon les cas. Les valeurs limites les plus couramment utilisées sont les valeurs seuils (Threshold Limit Values (TLV)) de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) aux Etats-Unis. La plupart des valeurs limites dexposition professionnelles utilisées par lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) se basent sur ces TLV. Cependant, lInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), du ministère américain du Travail, de la Santé et des Services sociaux, propose lui aussi ses propres valeurs limites (Recommended Exposure Limits (REL)).
Pour les expositions à des contaminants en suspension dans lair, il existe trois types de valeurs limites admissibles: une exposition moyenne pondérée sur 8 heures visant à prévenir les effets chroniques sur la santé (TLV-TWA); une limite dexposition moyenne de 15 minutes visant à prévenir les effets aigus (TLV-STEL); enfin, une valeur maximale admissible instantanée applicable aux produits asphyxiants ou chimiques qui provoquent une irritation immédiate (TLV-C). Les niveaux dexposition biologique sont régis par des indices biologiques dexposition qui représentent la concentration dans lorganisme des produits chimiques inhalés par un travailleur en bonne santé pour une concentration spécifique dans lair. En dehors des Etats-Unis, quelque 50 pays ou organismes ont établi des valeurs limites dexposition professionnelle. Nombre dentre elles sont identiques aux TLV de lACGIH. Au Royaume-Uni, il sagit des normes dexposition professionnelle OES (Occupational Exposure Standards) de la Direction de la sécurité et de la santé (Health and Safety Executive (HSE)) et, en Allemagne, des concentrations maximales admissibles sur le lieu de travail (MAK (Maximale Arbeitskonzentration)). En France et en Suisse, on emploie les VLE et les VME (valeurs limites et valeurs moyennes dexposition).
Il existe des valeurs limites dexposition professionnelle pour lexposition à des gaz, vapeurs et particules en suspension dans lair, mais pas pour les agents biologiques en suspension dans lair. Par conséquent, la plupart des enquêtes concernant lexposition à des aérosols biologiques établissent une comparaison entre les concentrations à lintérieur et à lextérieur des bâtiments. Si le profil et la concentration des organismes sont différents, on peut conclure à un problème dexposition. Il nexiste pas de valeurs limites dexposition pour les échantillons cutanés ou surfaciques et chaque cas doit être évalué séparément. Dans le cas dun échantillonnage de surface, les concentrations sont en principe comparées aux concentrations de fond acceptables qui ont été mesurées lors dautres études ou de létude en cours. Pour les échantillons cutanés, les concentrations acceptables sont calculées sur la base de la toxicité, de la vitesse dabsorption, de la quantité absorbée et de la dose totale. De plus, il est possible de placer un travailleur sous surveillance biologique pour étudier labsorption cutanée.
Une stratégie déchantillonnage environnemental et biologique vise à obtenir des mesures dexposition dans un but précis. Une stratégie efficace et bien conçue repose sur des bases scientifiques solides, optimise le nombre déchantillons à prélever, est rentable et permet de classer les besoins par ordre de priorité. Son objectif est dorienter les décisions quant aux types déchantillons nécessaires (sélection des agents chimiques), au lieu de léchantillonnage (prélèvement individuel, dambiance ou de source), aux personnes concernées par léchantillonnage (quel travailleur ou groupe de travailleurs), à sa durée (en temps réel ou intégré), à sa fréquence (pendant combien de jours), au nombre déchantillons à prélever et à la manière de procéder (méthode analytique). En principe, un échantillonnage effectué à des fins réglementaires est de courte durée (un ou deux jours) et sattache aux expositions les plus défavorables. Cette stratégie nécessite un minimum de ressources et de temps, mais cest souvent celle qui recueille la plus faible quantité dinformations; elle sapplique rarement à lévaluation des expositions professionnelles à long terme. Pour que les expositions chroniques soient utiles aux médecins du travail et aux études épidémiologiques, il faut que les stratégies déchantillonnage prévoient des prélèvements répétés dans le temps et quelles portent sur un grand nombre de travailleurs.
Les stratégies déchantillonnage biologique et environnemental cherchent à évaluer soit les expositions individuelles, soit les sources de contamination. La surveillance des travailleurs peut obéir aux raisons suivantes:
Une surveillance des sources démission et de lair ambiant peut être assurée pour:
Les échantillons dair ne fournissent quune indication de la quantité de contaminant inhalée par les travailleurs, tandis que la surveillance biologique permet de connaître la dose effective dun produit chimique dans lorganisme, quelle que soit la voie dabsorption: inhalatoire ou cutanée, ingestion ou injection. Ainsi, une surveillance biologique peut refléter avec plus dexactitude quune surveillance de lair la charge corporelle et la dose totale. Lorsquon connaît le rapport entre lexposition à des contaminants en suspension dans lair et la dose interne, la surveillance biologique peut servir à évaluer les expositions chroniques passées et présentes.
Les objectifs de la surveillance biologique sont indiqués à la figure 30.7.
La surveillance biologique a toutefois ses limites et ne devrait être pratiquée que si elle permet datteindre des objectifs hors de portée de la surveillance de lair (Fiserova-Bergerova, 1987). Elle est agressive dans la mesure où elle suppose le prélèvement déchantillons directement sur les travailleurs. Les prélèvements de sang constituent en principe le moyen de surveillance biologique le plus utile, mais on ne les pratique que si des tests non effractifs tels que des analyses durine ou dair expiré ne sont pas envisageables. Pour la plupart des produits chimiques industriels, on ignore, sinon totalement du moins en partie, ce que deviennent ceux qui sont absorbés par lorganisme; par conséquent, les méthodes de mesure analytique sont rares et bien souvent elles ne sont ni sensibles ni spécifiques.
Les résultats de la surveillance biologique peuvent être extrêmement variables entre des individus exposés aux mêmes concentrations atmosphériques de produits chimiques; lâge, létat de santé, le poids, létat nutritionnel, la prise de médicaments, le tabagisme, la consommation dalcool, un traitement médical ou une grossesse sont autant de facteurs qui peuvent avoir une influence sur labsorption, la distribution, le métabolisme et lélimination des produits chimiques.
La plupart des milieux de travail exposent les travailleurs à de multiples contaminants. Les agents chimiques sont donc évalués à la fois individuellement et dans leurs actions simultanées. Ils peuvent agir indépendamment dans le corps ou bien interagir de telle façon que leffet toxique sen trouve accru. Que faut-il mesurer et comment interpréter les résultats? Cela dépend du mécanisme daction biologique de ces agents lorsquils se trouvent dans lorganisme. Ceux-ci peuvent être évalués séparément sils agissent indépendamment les uns des autres sur des organes entièrement différents, comme le feraient, par exemple, un agent irritant pour lil et un neurotoxique. Sils agissent sur le même organe (deux agents irritants des voies respiratoires, par exemple), leur effet combiné est important. Si leffet toxique du mélange est la somme des effets séparés des composants pris individuellement, il est dit additif. Si leffet toxique du mélange est plus grand que la somme des effets des agents pris séparément, il est qualifié de synergique. Ainsi, leffet combiné du tabagisme et de linhalation de fibres damiante produit un risque de cancer du poumon beaucoup plus élevé que sil sagissait dun simple effet additif.
Léchantillonnage de tous les agents chimiques présents sur le lieu de travail serait coûteux et peut-être même injustifié. Lhygiéniste du travail doit donc classer les agents éventuels en fonction du risque quils représentent afin détablir des priorités.
Les facteurs à prendre en compte sont les suivants:
Afin dobtenir la meilleure estimation possible du niveau dexposition dun travailleur, les échantillons dair sont prélevés dans la zone respiratoire (dans un rayon de 30 cm autour de la tête); ils sont appelés prélèvements individuels. Pour ce faire, lappareil déchantillonnage est placé directement sur le travailleur pendant la durée du prélèvement. Si les échantillons dair sont prélevés près du travailleur, en dehors de la zone où il respire, on parle de prélèvements dambiance. Ces derniers ont tendance à sous-estimer les expositions individuelles et ne fournissent pas de bonnes estimations de lexposition des voies respiratoires. Cependant, ils sont utiles pour évaluer les sources démission et mesurer les concentrations ambiantes de contaminants. Les prélèvements dambiance peuvent être recueillis sur le lieu de travail à laide dun instrument portable ou de postes déchantillonnage fixes. Ce type de prélèvements a lieu régulièrement sur les sites de déflocage de lamiante pour établir les autorisations daccès et dans le cadre denquêtes sur la qualité de lair à lintérieur des bâtiments.
Dans lidéal, pour évaluer lexposition professionnelle, chaque travailleur devrait faire lobjet de prélèvements individuels pendant plusieurs jours sur une période de plusieurs semaines ou de plusieurs mois. Toutefois, à moins que lentreprise ne soit de petite taille (moins de 10 salariés), il est habituellement impossible deffectuer de tels prélèvements sur tous les travailleurs. Pour réduire la lourdeur des opérations en termes déquipement et de coût et augmenter lefficacité du programme déchantillonnage, on procède à des prélèvements sur un sous-ensemble des travailleurs présents sur le lieu de travail; les résultats obtenus sont ensuite généralisés à lensemble du personnel.
Lune des manières de sélectionner des employés représentatifs de lensemble du personnel consiste à former des groupes homogènes dexposition (GHE) pour lesquels on prévoit les mêmes expositions (Corn, 1985). Une fois ces groupes constitués, on choisit au hasard un sous-ensemble de travailleurs dans chacun des groupes. Les méthodes utilisées pour déterminer la taille appropriée des échantillons supposent une distribution normale des expositions, une exposition moyenne estimative et un écart-type compris entre 2,2 et 2,5. Les données déchantillonnages antérieurs peuvent permettre dutiliser un écart-type plus réduit. Pour répartir le personnel en GHE, la plupart des hygiénistes du travail observent les travailleurs à leur poste et procèdent à une évaluation qualitative des expositions.
Il existe de nombreuses façons de former des GHE; généralement, les travailleurs peuvent être classés en fonction des tâches quils ont à effectuer ou des zones où ils travaillent. Lorsquon se fonde sur ces deux critères à la fois, la méthode de classification est appelée zonage (voir figure 30.8). Une fois en suspension dans lair, les agents chimiques et biologiques peuvent présenter des modèles de concentration spatiale et temporelle imprévisibles et complexes dans tout lenvironnement de travail. Par conséquent, la proximité de la source par rapport au travailleur nest peut-être pas le meilleur indicateur dune similitude dexposition. Les mesures dexposition faites sur des travailleurs que lon suppose soumis à des conditions analogues peuvent montrer quil existe entre eux une variation plus grande que prévu. Dans ce cas, les groupes dexposition doivent être ramenés à de moindres dimensions, et il faut en outre continuer à prélever des échantillons pour vérifier que les personnes appartenant à un même groupe sont effectivement soumises aux mêmes expositions (Rappaport, 1994).
Lexposition peut être mesurée pour tous les travailleurs, quels que soient leur activité et le risque en présence, ou uniquement pour ceux que lon suppose le plus fortement exposés. Dans ce dernier cas, la sélection peut être fonction des caractéristiques de la production, de la proximité de la source, des précédentes données déchantillonnage, de létat des lieux et de la toxicité chimique. Cette méthode du cas le plus défavorable est utilisée à des fins réglementaires et ne mesure pas lexposition moyenne à long terme ni les variations quotidiennes. Pour un échantillonnage effectué selon le critère de la similitude des tâches, on choisit des travailleurs qui ont des tâches identiques à accomplir à des intervalles inférieurs à une journée.
Lefficacité du classement en GHE dépend de nombreux facteurs qui influent sur lexposition. Il faut notamment relever que:
Les concentrations dagents chimiques dans les échantillons dair sont soit mesurées directement sur le terrain ce qui permet dobtenir des résultats immédiats (échantillonnage en temps réel ou instantané) , soit prélevées sur le terrain au fil du temps sur un milieu déchantillonnage ou dans des sacs déchantillonnage et mesurées en laboratoire (échantillonnage intégré) (Lynch, 1994). Lavantage de léchantillonnage en temps réel est quil permet dobtenir rapidement des résultats sur le terrain et de déceler des expositions aiguës de courte durée. Toutefois, les méthodes déchantillonnage en temps réel présentent linconvénient de ne pas exister pour tous les contaminants et de ne pas être toujours suffisamment sensibles dun point de vue analytique, ni assez précises pour quantifier les contaminants ciblés. De plus, léchantillonnage en temps réel nest pas indiqué pour lhygiéniste du travail qui sintéresse aux expositions chroniques et a besoin de mesures moyennes pondérées dans le temps pour établir une comparaison avec les valeurs limites dexposition professionnelle.
Léchantillonnage en temps réel est donc utilisé pour des évaluations durgence, pour obtenir une estimation sommaire des concentrations, déceler des fuites, surveiller lair ambiant et les sources de contaminants, évaluer les moyens de prévention technique, surveiller les expositions inférieures à 15 minutes et les expositions épisodiques, surveiller les produits chimiques hautement toxiques (monoxyde de carbone), les mélanges explosifs et les processus. Les méthodes déchantillonnage en temps réel peuvent déceler les changements de concentration dans le temps et fournir des informations qualitatives et quantitatives immédiates. Léchantillonnage intégré de lair est généralement pratiqué pour les prélèvements individuels et dambiance et pour comparer les concentrations aux valeurs moyennes dexposition (VME) pondérées dans le temps. Léchantillonnage intégré présente plusieurs avantages: il sapplique à une grande variété de contaminants; il peut servir à identifier des contaminants inconnus; il est très précis et spécifique et les seuils de détection sont souvent très bas. Comme les échantillons intégrés analysés en laboratoire doivent contenir suffisamment de contaminant pour satisfaire les besoins analytiques minimaux, ils sont prélevés pendant un laps de temps prédéfini.
Outre les exigences analytiques dune méthode déchantillonnage, la durée de léchantillonnage devrait correspondre à lobjectif visé. Sil sagit déchantillonner la source, on tiendra compte de la durée du cycle ou du processus, ou des pics anticipés de concentration. Dans ce dernier cas, les échantillons devraient être prélevés à intervalles réguliers tout au long de la journée pour minimiser les biais et identifier les pics imprévisibles. La période déchantillonnage devrait être suffisamment courte pour mettre en évidence les pics tout en reflétant également la période dexposition effective.
La durée du prélèvement individuel sera fonction de la valeur limite dexposition professionnelle, de la durée de la tâche ou de leffet biologique anticipé. On utilise les méthodes déchantillonnage en temps réel pour évaluer les expositions aiguës aux agents irritants, asphyxiants, sensibilisants et allergènes. Le chlore, le monoxyde de carbone et le sulfure dhydrogène sont des exemples de produits chimiques qui peuvent avoir des effets rapides à des concentrations relativement faibles.
Les agents responsables de maladies chroniques tels que le plomb ou le mercure font habituellement lobjet de prélèvements sur toute la durée dun poste (7 heures ou plus) au moyen de méthodes déchantillonnage intégré. Lhygiéniste du travail prélève soit un échantillon unique, soit une série déchantillons consécutifs couvrant la totalité de la période en question. Pour des expositions dune durée inférieure à celle dun poste, la durée de léchantillonnage est généralement fonction des tâches ou des processus considérés. Les ouvriers du bâtiment, le personnel de maintenance à lintérieur de locaux et les préposés à lentretien des routes sont des catégories de travailleurs dont lexposition est directement liée à la tâche effectuée.
Les concentrations de contaminants peuvent varier dune minute à lautre, dun jour à lautre et dune saison à lautre. De plus, il peut y avoir des variations inter- et intra-individuelles. Les variations dexposition ont une influence à la fois sur le nombre déchantillons à prélever et sur la précision des résultats. Elles peuvent provenir de différences dans les méthodes de travail, de changements dans les émissions toxiques, du volume de produits chimiques utilisé, de quotas de production, de la ventilation, de changements de température, de la mobilité du travailleur et des tâches qui lui sont confiées. La plupart des campagnes déchantillonnage durent environ 2 jours par an; par conséquent, les mesurages obtenus ne sont pas représentatifs de lexposition. La période de prélèvement des échantillons étant très courte par rapport au reste du temps, lhygiéniste du travail doit extrapoler sur la base de la période déchantillonnage. Pour le monitorage des expositions de longue durée, chaque travailleur sélectionné dans un GHE devrait faire lobjet de multiples prélèvements sur plusieurs semaines ou plusieurs mois et les expositions devraient être différenciées selon les postes de travail. Si léquipe de jour est la plus occupée, léquipe de nuit est parfois la moins surveillée et la plus propice à un certain relâchement des méthodes de travail.
Les contaminants sont prélevés soit par aspiration active dun échantillon dair sur le support déchantillonnage, soit en laissant passivement lair atteindre ce support. Léchantillonnage actif utilise une pompe alimentée par batteries, tandis que léchantillonnage passif procède par diffusion ou gravité. Les gaz, vapeurs, particules et aérosols biologiques sont tous prélevés par des méthodes déchantillonnage actif; les gaz et les vapeurs peuvent également être prélevés par diffusion passive.
Pour les gaz, les vapeurs et la plupart des particules, une fois léchantillon prélevé, on mesure la masse du contaminant et on calcule sa concentration en divisant la masse par le volume dair prélevé. La concentration des gaz et des vapeurs sexprime en parties par million (ppm) ou en mg/m3, et la concentration des particules en mg/m3 (Dinardi, 1995).
Dans le cas de léchantillonnage intégré, les pompes déchantillonnage de lair sont des composants critiques du système, car il est nécessaire de connaître exactement le volume dair prélevé pour évaluer la concentration. On choisit les pompes en fonction de divers paramètres: débit désiré, facilité dentretien et détalonnage, poids et encombrement, coût et possibilité dutilisation dans des environnements dangereux. Le critère de sélection le plus important est le débit: les pompes à faible débit (0,5 à 500 ml/mn) servent à prélever des échantillons de gaz et de vapeurs; les pompes à fort débit (500 à 4 500 ml/mn) sont destinées à prélever des échantillons de particules, daérosols biologiques, de gaz et de vapeurs. Pour garantir des volumes déchantillon exacts, les pompes doivent être étalonnées avec précision. Létalonnage est effectué au moyen détalons primaires tels que des compteurs à bulles de savon manuels ou électroniques, qui mesurent directement le volume, ou des méthodes secondaires telles que les horloges à gaz avec liquide, les compteurs à gaz et les rotamètres de précision calibrés à laide de méthodes primaires.
Les gaz et les vapeurs sont prélevés au moyen de tubes adsorbants solides et poreux, dimpacteurs («impingers»), déchantillonneurs passifs et de sachets. Les tubes adsorbants sont des tubes en verre remplis de granulés permettant ladsorption à leur surface de produits chimiques sans que ceux-ci ne subissent de modification dans leur composition. Les adsorbants solides sutilisent spécifiquement pour des groupes de composés; les adsorbants habituellement utilisés sont le charbon actif, le gel de silice et le Tenax (fibres de carbone). Le charbon actif est électriquement non polaire et adsorbe de préférence des gaz et des vapeurs organiques. Le gel de silice, forme de silice active, sert à recueillir des composés organiques polaires, des amines et certains composés inorganiques. En raison de son affinité pour les composés polaires, il adsorbe la vapeur deau; par conséquent, avec une humidité élevée, leau peut extraire du gel de silice les produits chimiques intéressants les moins polaires. Le Tenax, polymère poreux, est utilisé pour léchantillonnage de très faibles concentrations de composés organiques volatils non polaires.
Laptitude à piéger avec précision les aérocontaminants et à éviter les pertes dépend du débit déchantillonnage, du volume déchantillonnage ainsi que de la volatilité et de la concentration du contaminant en suspension dans lair. Laugmentation de la température, de lhumidité, du débit, de la concentration, de la taille des particules adsorbantes et du nombre de produits chimiques en présence peut nuire à lefficacité dadsorption des adsorbants solides. Cette baisse defficacité se traduira par une déperdition de produits chimiques pendant léchantillonnage et une sous-estimation des concentrations. Pour détecter la perte ou la fuite de produits chimiques, les tubes adsorbants solides possèdent deux sections de matière granulée séparées par un tampon de mousse. La section avant est utilisée pour le prélèvement déchantillons et la section arrière pour déterminer la fuite. Cette dernière est établie lorsque au moins 20 à 25% du contaminant se trouve dans la section postérieure du tube. Pour pouvoir analyser les contaminants à partir dadsorbants solides, il est nécessaire dextraire le contaminant du support à laide dun solvant. Pour chaque lot de tubes adsorbants et de produits chimiques prélevés, le laboratoire doit déterminer lefficacité de désorption et dextraction des produits chimiques contenus dans ladsorbant à laide du solvant. Le solvant le plus communément utilisé pour le charbon actif et le gel de silice est le sulfure de carbone. En ce qui concerne le Tenax, les produits chimiques sont extraits par désorption thermique directement dans un chromatographe en phase gazeuse.
Les impacteurs sont habituellement des barboteurs en verre avec un tube dadmission qui permet à lair dentrer dans le barboteur et de traverser une solution qui recueille les gaz et les vapeurs par absorption soit en létat, soit après réaction chimique. Ces appareils sont de moins en moins utilisés dans le monitorage des lieux de travail, notamment pour léchantillonnage individuel, car ils peuvent se briser et le milieu liquide peut se renverser sur le travailleur. Il existe une grande variété dimpacteurs, y compris des barboteurs à gaz, des absorbeurs en spirale, des colonnes en perles de verre, des micro-impacteurs et des barboteurs frittés. Tous les impacteurs peuvent être utilisés pour les prélèvements dambiance; le micro-impacteur, le plus couramment utilisé, peut aussi servir aux prélèvements individuels.
Les échantillonneurs passifs ou par diffusion sont petits, ne comportent pas de pièces mobiles et peuvent être utilisés à la fois pour les contaminants organiques et inorganiques. La plupart des échantillonneurs de monitorage des contaminants organiques font appel au charbon actif. En théorie, tout composé qui peut être prélevé à laide dun tube à charbon actif et dune pompe peut être prélevé à laide dun échantillonneur passif. Chaque échantillonneur a une géométrie unique pour assurer la vitesse déchantillonnage requise. Léchantillonnage débute lorsque le couvercle est retiré et se termine lorsquil est replacé. La plupart des échantillonneurs par diffusion sont précis pour des expositions moyennes pondérées sur 8 heures et ne peuvent être utilisés pour des expositions de courte durée.
Il est possible dutiliser des sachets déchantillonnage pour recueillir des échantillons intégrés de gaz et de vapeurs. Leurs propriétés de perméabilité et dadsorption permettent un stockage dune journée moyennant une perte minime. Ces sachets sont en Teflon (polytétrafluoroéthylène) ou en Tedlar (polyfluorure de vinyle).
Léchantillonnage de particules ou daérosols en milieu de travail se trouve actuellement dans une phase transitoire en raison de larrivée de nouvelles techniques de prélèvement sélectif qui sont appellées à remplacer les méthodes traditionnelles. Nous les examinerons les unes et les autres ci-après en commençant par les méthodes traditionnelles.
Les filtres en fibres ou les membranes filtrantes sont les dispositifs le plus souvent utilisés pour recueillir les aérosols, le captage de laérosol dans le flux dair se faisant par impact et fixation des particules à la surface du filtre. Le choix du milieu filtrant dépend des propriétés physiques et chimiques des aérosols à prélever, du dispositif de prélèvement et du type danalyse à effectuer. Les critères de sélection sont les suivants: efficacité de prélèvement, perte de charge, hygroscopicité, contamination de fond, résistance et taille des pores, qui peut aller de 0,01 à 10 µm. Les membranes filtrantes existent en différents calibres de pores et généralement en trois matières: ester de cellulose, poly(chlorure de vinyle) et polytétrafluoroéthylène. Comme elles retiennent les particules à leur surface, elles sont en principe utilisées dans des applications faisant appel à la microscopie. Les filtres en ester de cellulose mixte peuvent se dissoudre facilement dans lacide et sont souvent utilisés pour prélever des métaux devant être analysés par absorption atomique. Les filtres en nucléopore (polycarbonate) sont très résistants et thermiquement stables. Ils servent à prélever et analyser des échantillons de fibres damiante par microscopie électronique à transmission. Les filtres en fibres sont souvent en fibre de verre et servent à prélever des échantillons daérosols contenant, par exemple, des pesticides ou du plomb.
En ce qui concerne les expositions professionnelles aux aérosols, il est possible de prélever un volume dair connu grâce aux filtres, de mesurer (en mg par m3 dair) laugmentation totale de la masse (analyse pondérale), de compter le nombre total de particules (fibres/cm3) ou encore didentifier les aérosols (analyse chimique). Pour ce qui est des calculs de masse, il est possible de mesurer la quantité totale de poussières entrant dans le dispositif déchantillonnage ou seulement la fraction respirable. Quand on mesure la quantité totale de poussières, laugmentation de la masse représente le dépôt de poussières dans toutes les parties des voies respiratoires. Les dispositifs déchantillonnage servant à mesurer la quantité totale de poussières peuvent conduire à des erreurs du fait des turbulences ou de la mauvaise orientation des filtres. Un puissant courant dair sur un filtre en position horizontale peut en effet amener à prélever des particules supplémentaires et à surestimer lexposition.
En ce qui concerne léchantillonnage des poussières respirables, laugmentation de la masse représente le dépôt de poussières dans la région alvéolaire des échanges gazeux des voies respiratoires. Pour prélever uniquement la fraction respirable, on utilise un élutriateur qui modifie la distribution des poussières en suspension dans lair avant leur passage dans le filtre. Les aérosols sont aspirés dans lélutriateur, où ils subissent une accélération et un mouvement tourbillonnaire qui provoque lexpulsion des particules les plus lourdes vers le pourtour de la veine dair et leur dépôt sur une section de dégagement au fond de lappareil. Les particules respirables inférieures à 10 µm restent dans la veine dair et sont recueillies sur le filtre pour subir ultérieurement une analyse pondérale.
Les erreurs déchantillonnage des poussières totales et des poussières respirables conduisent à lobtention de mesures qui ne reflètent pas avec exactitude lexposition ou les effets nocifs pour lindividu. Cest pourquoi une méthode de prélèvement sélectif a été proposée pour redéfinir le rapport entre la dimension des particules, limpact négatif sur la santé et la méthode déchantillonnage. Son but est de mesurer les particules en tenant compte de la relation entre leur granulométrie et leurs effets spécifiques sur la santé. LISO (Organisation internationale de normalisation) et lACGIH ont défini trois fractions de masse particulaire: les particules inhalables (PI), les particules thoraciques (PT) et les particules respirables (PR). Les PI se réfèrent aux particules susceptibles dentrer par le nez et la bouche et remplacent la fraction totale traditionnelle. Les PT sappliquent aux particules qui peuvent pénétrer dans la partie supérieure de lappareil respiratoire située après le larynx, tandis que les PR désignent les particules capables de se déposer dans la région des échanges gazeux du poumon et remplacent la fraction respirable actuelle. Dans la pratique, le prélèvement de particules dune taille définie nécessite la mise au point de nouvelles méthodes déchantillonnage des aérosols et de valeurs limites dexposition spécifiques.
Il existe peu de méthodes normalisées déchantillonnage des agents ou des aérosols biologiques, et elles ne sont pas différentes de celles utilisées pour dautres particules en suspension dans lair. Toutefois, comme la viabilité de la majorité des bioaérosols doit être préservée pour garantir leur culture en laboratoire, la collecte, le stockage et lanalyse des échantillons sont en général plus difficiles. La stratégie déchantillonnage des aérosols biologiques suppose un prélèvement direct sur une gélose nutritive semi-solide ou leur ensemencement en boîte de Petri après prélèvement dans des liquides, incubation pendant plusieurs jours et identification et quantification des colonies apparues. Les amoncellements de cellules qui se sont multipliées sur la gélose peuvent être comptés comme étant des unités formant colonie (UFC) pour les bactéries ou les champignons vivants, et des unités formatrices de plage (UFP) pour les virus actifs. A lexception des spores, les filtres ne sont pas recommandés pour le prélèvement daérosols biologiques, car la déshydratation endommage les cellules.
Les micro-organismes vivants aérosolisés sont prélevés à laide dimpacteurs en verre (AGI-30), de dispositifs déchantillonnage à fente et dimpacteurs inertiels. Les impacteurs recueillent les aérosols biologiques dans un liquide, tandis que les dispositifs déchantillonnage à fente les recueillent sur des lamelles de verre à des débits élevés. Limpacteur dispose de un à six étages contenant chacun une boîte de Petri pour permettre la séparation des particules en fonction de leur taille.
Linterprétation des résultats de léchantillonnage doit se faire au cas par cas, parce quil nexiste pas de valeurs limites dexposition professionnelle préétablies. Les critères dévaluation doivent être définis avant léchantillonnage. Pour les enquêtes sur la qualité de lair à lintérieur des bâtiments, on prend pour référence les échantillons prélevés à lextérieur, la règle empirique étant que lorsque les concentrations des échantillons pris à lintérieur équivalent à dix fois celles des échantillons de référence, on peut penser quil y a contamination. Avec les techniques utilisant la culture détalement en boîtes de Petri, les concentrations sont probablement sous-estimées en raison de laltération de la viabilité pendant léchantillonnage et lincubation.
Il nexiste pas de méthode standard permettant dévaluer lexposition de la peau aux produits chimiques et de prédire les doses absorbées. Léchantillonnage de surface a principalement pour but dévaluer les méthodes de travail et didentifier les sources potentielles dabsorption cutanée et dingestion. On utilise pour cela deux types de méthodes: des méthodes directes, qui consistent à prélever des échantillons sur la peau, et des méthodes indirectes de prélèvement des surfaces par frottis.
La méthode directe consiste à placer des compresses de gaze sur la peau pour absorber les produits chimiques, puis à rincer la peau à laide de solvants pour recueillir les contaminants et à déceler la contamination par fluorescence. Les compresses de gaze sont appliquées sur différentes parties du corps exposées à lair libre ou placées sous léquipement de protection individuelle. A la fin de la journée de travail, elles sont retirées puis analysées en laboratoire, la distribution des concentrations sur les différentes parties du corps servant à identifier les zones dexposition de la peau. Cette méthode est peu coûteuse et facile à mettre en uvre, mais ses résultats ne sont pas parfaits parce que les compresses de gaze ne constituent pas de bons modèles physiques des propriétés dabsorption et de rétention cutanée. De plus, les concentrations mesurées ne sont pas nécessairement représentatives du corps tout entier.
On rince la peau avec des solvants ou bien, dans le cas des mains, en les plaçant directement dans des sachets en plastique remplis de solvant pour mesurer la concentration de produits chimiques à la surface. Cette méthode peut sous-estimer la dose réelle de contaminant, car seule la fraction de produits chimiques non absorbée est prélevée.
On utilise un procédé de monitorage par fluorescence pour détecter lexposition de la peau à des produits chimiques lorsque ceux-ci ont des propriétés naturelles de fluorescence, tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques, ou bien lorsquon leur a volontairement ajouté des composés fluorescents. La peau est scannée par une lumière ultraviolette qui permet de visualiser la contamination, montrant ainsi concrètement aux travailleurs lincidence que leur manière de travailler peut avoir sur lexposition. Des recherches sont en cours pour quantifier lintensité de fluorescence et la mettre en rapport avec la dose absorbée.
Les méthodes indirectes déchantillonnage par frottis nécessitent lutilisation de gazes, de filtres en fibre de verre ou en cellulose pour essuyer lintérieur des gants ou des appareils de protection respiratoire, ou le dessus des surfaces. Il est possible dajouter des solvants pour augmenter lefficacité du prélèvement. Les gazes et les filtres sont ensuite analysés en laboratoire. Afin de normaliser les résultats et de permettre une comparaison entre les échantillons, on utilise une matrice carrée de 100 cm2.
Les échantillons de sang, durine et dair expiré sont ceux qui conviennent le mieux à une surveillance biologique périodique; les échantillons de cheveux, de lait, de salive et dongles sont moins fréquemment utilisés. La surveillance biologique seffectue par le prélèvement dun ensemble déchantillons de sang et durine sur le lieu de travail et par leur analyse en laboratoire. Les échantillons dair expiré sont prélevés dans des sachets Tedlar, des pipettes en verre ou des tubes adsorbants spécialement conçus à cet effet. Ils sont analysés sur le terrain, grâce à des analyseurs à lecture directe, ou en laboratoire. Les échantillons de sang, durine et dair expiré sont principalement utilisés pour mesurer les molécules mères inchangées (même produit chimique que celui prélevé dans lair du lieu de travail), leur métabolite ou un changement biochimique (intermédiaire) induit dans le corps. Par exemple, on mesure la molécule mère du plomb dans le sang afin dévaluer lexposition saturnine; de même, on mesure lacide mandélique, son métabolite, dans lurine, pour évaluer lexposition au styrène et à léthylbenzène, et on dose, dans le sang, la carboxyhémoglobine, laquelle est un intermédiaire, pour évaluer à la fois lexposition au monoxyde de carbone et au chlorure de méthylène. Sagissant du monitorage de lexposition, la concentration dun paramètre idéal sera étroitement corrélée à lintensité de lexposition, tandis que dans le cadre de la surveillance médicale, elle sera étroitement corrélée à la concentration dans lorgane cible.
Le moment du prélèvement biologique peut avoir une incidence sur lutilité des mesures. Il doit refléter au mieux lexposition, sachant quil dépend de la demi-vie biologique dexcrétion des produits chimiques, cest-à-dire du temps quil faut pour quils soient éliminés de lorganisme, à savoir plusieurs heures ou plusieurs années. Les concentrations dans les organes cibles de produits chimiques ayant une demi-vie biologique courte suivent de très près celles que lon peut mesurer dans lair ambiant, alors que dans le cas des produits ayant une demi-vie biologique longue, elles ne fluctuent guère en fonction de lexposition à lenvironnement. Pour les produits chimiques ayant une demi-vie biologique courte, soit moins de 3 heures, le prélèvement devrait avoir lieu immédiatement à la fin du poste de travail, avant la baisse rapide des concentrations, afin de refléter lexposition correspondant au poste en question. Les échantillons peuvent être prélevés à tout moment pour les produits chimiques ayant une demi-vie longue, tels que les biphényles polychlorés et le plomb.
Les analyseurs à lecture directe fournissent une quantification en temps réel des contaminants; léchantillon est analysé dans lappareil même et ne nécessite pas dêtre acheminé à un laboratoire situé hors du site (Maslansky et Maslansky, 1993). Les composés peuvent être mesurés sans prélèvement préalable sur un milieu séparé qui doit être ensuite transporté, stocké et analysé. La concentration se lit directement sur un compteur, une console de visualisation, un enregistreur à papier déroulant et un enregistreur séquentiel de données ou grâce à un changement de couleur. Les analyseurs à lecture directe sutilisent essentiellement pour les gaz et les vapeurs; il en existe quelques-uns pour les particules. Ces appareils varient en coût, complexité, fiabilité, taille, sensibilité et spécificité. On trouve des dispositifs simples (tels que les tubes colorimétriques qui indiquent la concentration par un changement de couleur), des analyseurs spécialement conçus pour un produit chimique particulier (tels que les indicateurs de monoxyde de carbone, les indicateurs de gaz inflammables (explosimètres) et les détecteurs de vapeurs de mercure) et des appareils de mesure (tels que les spectromètres à infrarouge) qui détectent un grand nombre de produits chimiques. Les analyseurs à lecture directe font appel à plusieurs méthodes physiques et chimiques danalyse des gaz et des vapeurs, comme la conductivité, lionisation, la potentiométrie, la photométrie, les traceurs radioactifs et la combustion.
Les chromatographes en phase gazeuse alimentés par batteries, les analyseurs de vapeurs organiques et les spectromètres à infrarouge figurent parmi les analyseurs portables à lecture directe couramment utilisés. Les chromatographes en phase gazeuse et les analyseurs de vapeurs organiques sutilisent principalement pour le monitorage des lieux dentreposage des déchets dangereux et pour la surveillance de lair ambiant. Les chromatographes en phase gazeuse équipés de détecteurs adaptés sont spécifiques et sensibles; ils peuvent quantifier les produits chimiques à des concentrations très basses. Les analyseurs de vapeurs organiques servent habituellement à mesurer des classes de composés. Les spectromètres portatifs à infrarouge sont essentiellement destinés aux contrôles dambiance et à la détection des fuites, car ils sont sensibles et spécifiquement adaptés à un grand nombre de composés.
Il existe de petits analyseurs individuels à lecture directe pour quelques gaz courants (chlore, cyanure dhydrogène, sulfure dhydrogène, hydrazine, oxygène, phosgène, dioxyde de soufre, dioxyde dazote et monoxyde de carbone). Ils stockent les mesures de concentration relevées tout au long de la journée et peuvent fournir un affichage direct de la concentration moyenne pondérée par rapport au temps, ainsi quun profil détaillé de la concentration du contaminant pour la journée en question.
Les tubes colorimétriques (détecteurs de gaz de type Draeger) sont faciles à utiliser, bon marché et adaptés à un grand nombre de produits chimiques. Ils permettent didentifier rapidement des classes de contaminants de lair et fournissent une estimation approximative des concentrations qui peut être utile au moment de définir les débits des pompes. Les tubes colorimétriques sont en verre. Ils sont remplis de matière granulaire solide imprégnée dun agent chimique susceptible de réagir à un contaminant par coloration. Après avoir ouvert les deux extrémités scellées dun tube en les cassant, on place ce tube dans une pompe manuelle et on prélève le volume indiqué dair contaminé moyennant un nombre défini de coups de pompe pour un produit chimique donné. Un changement de couleur ou une coloration apparaît alors dans le tube, normalement en lespace de 2 minutes, la longueur de la coloration étant proportionnelle à la concentration. Certains tubes colorimétriques ont été adaptés pour un échantillonnage de longue durée et sutilisent avec des pompes à batteries qui peuvent fonctionner pendant au moins 8 heures. Le changement de couleur constaté représente une concentration moyenne pondérée dans le temps. Les tubes colorimétriques peuvent servir à des analyses qualitatives ou quantitatives; cependant, leur spécificité et leur précision sont limitées. Leur précision nest pas aussi élevée que celle des méthodes de laboratoire ou de beaucoup dautres analyseurs de mesure en temps réel. Il existe des centaines de tubes. Nombre dentre eux ont des sensibilités croisées et peuvent déceler plus dun produit chimique, doù un risque dinterférences susceptibles de modifier les concentrations mesurées.
Les appareils de détection des aérosols à lecture directe ne peuvent pas distinguer les contaminants les uns des autres. Ils sont en principe utilisés pour le comptage ou lanalyse granulométrique des particules en vue dune première mesure approximative, et non pour déterminer une exposition moyenne pondérée dans le temps ou une exposition aiguë. Les analyseurs de mesure en temps réel font appel à des caractéristiques optiques ou électriques pour définir la masse totale et respirable des particules, leur nombre et leur granulométrie. Les appareils de détection des aérosols par diffusion de la lumière, ou photomètres daérosols, servent à détecter la lumière diffusée par les particules, alors quelles traversent un volume dans lappareil. Au fur et à mesure que le nombre de particules augmente, la quantité de lumière diffusée augmente elle aussi en proportion de la masse. Ces appareils ne peuvent pas servir à distinguer les types de particules, mais sils sont utilisés sur un lieu de travail où le nombre de poussières différentes est faible, la masse observée peut être attribuée à un matériau particulier. Les appareils de détection des aérosols fibreux servent à mesurer la concentration de particules dans lair telles que les particules damiante. Les fibres sont alignées dans un champ électrique oscillant et éclairées à laide dun laser à hélium et néon; les impulsions de lumière qui en résultent sont détectées par un tube multiplicateur de photoélectrons. Les photomètres par affaiblissement de lumière mesurent lextinction de la lumière par les particules, le rapport entre la lumière incidente et la lumière mesurée étant proportionnel à la concentration.
Il existe de nombreuses méthodes danalyse des échantillons en laboratoire pour détecter les contaminants. Parmi les plus couramment utilisées pour quantifier les gaz et les vapeurs dans lair figurent la chromatographie en phase gazeuse, la spectrométrie de masse, labsorption atomique, la spectroscopie infrarouge ou ultraviolette et la polarographie.
La chromatographie en phase gazeuse est une technique utilisée pour séparer et concentrer les produits chimiques contenus dans des mélanges en vue dune analyse quantitative ultérieure. Lappareil employé se compose de trois parties essentielles: le système dinjection des échantillons, une colonne et un détecteur. Un échantillon liquide ou gazeux est injecté à laide dune seringue dans un gaz vecteur qui le transporte à travers une colonne où seffectue la séparation des constituants. La colonne est remplie de matières qui interagissent différemment selon les produits chimiques, et elle ralentit la migration du mélange. Cette interaction différentielle provoque le déplacement de chacun des produits chimiques à travers la colonne à une vitesse différente. Après séparation, les constituants chimiques passent directement dans un détecteur tel quun détecteur à ionisation de flamme, à photo-ionisation ou à capture délectrons; un signal proportionnel à la concentration est enregistré sur un chromatogramme. Le détecteur à ionisation de flamme est utilisé pour presque tous les composés organiques, notamment les composés aromatiques, les hydrocarbures aliphatiques, les cétones et certains hydrocarbures chlorés. La concentration est mesurée par laugmentation du nombre dions produits lorsquun hydrocarbure volatil est brûlé par une flamme dhydrogène. Le détecteur à photo-ionisation semploie pour les composés organiques et pour certains composés inorganiques; il est particulièrement utile pour les composés aromatiques tels que le benzène et peut détecter les hydrocarbures aliphatiques, aromatiques ou halogénés. La concentration se mesure par laugmentation du nombre dions produits lorsque léchantillon est bombardé par les ultraviolets. Le détecteur à capture délectrons est principalement destiné aux produits chimiques contenant des halogènes; il est peu sensible aux hydrocarbures, aux alcools et aux cétones. La concentration est mesurée par le courant provoqué entre deux électrodes par lionisation du gaz par une source radioactive.
Le spectrophotomètre de masse sert à analyser des mélanges complexes de produits chimiques présents en très faible quantité. Il est souvent couplé à un chromatographe en phase gazeuse pour la séparation et la quantification des contaminants.
La spectrométrie dabsorption atomique est principalement utilisée pour la quantification des métaux tels que le mercure. On entend par absorption atomique labsorption de la lumière dune longueur donde particulière par un atome libre à létat fondamental; la quantité de lumière absorbée est liée à la concentration. Cette technique très spécifique, sensible et rapide, sapplique directement à environ 68 éléments. Les limites de détection se situent entre la gamme des ppb et celle des ppm.
Lanalyse à linfrarouge est une technique puissante, sensible, spécifique et à usages multiples. Elle utilise labsorption de lénergie infrarouge pour doser de nombreux produits chimiques inorganiques ou organiques, la quantité de lumière absorbée étant proportionnelle à la concentration. Le spectre dabsorption dun composé fournit des informations qui permettent son identification et sa quantification.
La spectrophotométrie dabsorption dUV sert à analyser les hydrocarbures aromatiques lorsque les interférences sont faibles. La quantité de lumière ultraviolette absorbée est directement proportionnelle à la concentration.
Les méthodes polarographiques reposent sur lélectrolyse dune solution échantillon au moyen dune électrode facilement polarisable et dune électrode non polarisable. Elles servent à lanalyse qualitative et quantitative des aldéhydes, des hydrocarbures chlorés et des métaux.
La première étape en hygiène du travail consiste à identifier et évaluer les risques, après quoi il convient de déterminer les interventions les plus appropriées pour les maîtriser. On distingue généralement trois catégories de mesures à cet effet:
Comme pour tout changement apporté aux méthodes de travail, la formation est un gage de succès des mesures de sécurité.
On entend par moyens de prévention technique les aménagements opérés dans le processus de production ou la modification des équipements en vue déliminer ou de réduire lexposition à un agent donné, par exemple le remplacement dun produit chimique par un autre moins toxique ou linstallation dun dispositif daspiration pour capter les vapeurs générées à tel ou tel stade de la fabrication. Dans le cas de lisolation acoustique, les moyens de prévention technique peuvent consister en linstallation de matériaux insonores, la construction denceintes et la pose de silencieux aux sorties des évents. Ils peuvent également se traduire par la réorganisation du processus lui-même, par exemple lorsquon supprime une étape de dégraissage ou plus dans un processus qui en comprenait trois à lorigine. Rendre inutile une tâche dangereuse est un moyen efficace de lutter contre le risque global dexposition. Lavantage des moyens de prévention technique est quils font relativement peu appel au travailleur, qui peut ainsi vaquer à son travail dans un environnement mieux maîtrisé, dès lors que les contaminants sont automatiquement éliminés de lair. On est bien loin de la solution qui consiste à préconiser le port du masque dans un milieu de travail «non contrôlé». Outre linstallation par lemployeur de dispositifs de prévention sur les équipements existants, il est possible dacheter de nouveaux équipements déjà dotés de tels dispositifs ou dautres plus efficaces. Une double démarche consistant à installer immédiatement certains moyens de prévention technique et à exiger du personnel quil porte un équipement de protection individuelle jusquà larrivée dun nouveau matériel plus sûr sest souvent avérée efficace. Voici quelques exemples de moyens de prévention technique auxquels on a souvent recours:
Lhygiéniste du travail doit se montrer attentif aux tâches que le travailleur doit effectuer et solliciter son avis quant à la conception et au choix des dispositifs à installer. Ainsi, le fait de placer des barrières sur le lieu de travail peut gêner considérablement le travailleur dans ses mouvements et encourager des solutions de «contournement» contraires au but recherché. De plus, si les moyens de prévention technique constituent la manière la plus efficace de réduire les risques dexposition, elles sont aussi souvent loption la plus coûteuse. Il est donc important de consulter le plus possible les travailleurs sur le choix et la conception de ces mesures si lon veut quelles aient plus de chances datteindre leur but.
Les mesures administratives portent sur la façon dont un travailleur accomplit ses tâches, par exemple sur le temps quil passe dans une zone exposée ou sur les postures dans lesquelles il a pris lhabitude de travailler. Ces mesures peuvent contribuer à lefficacité dune intervention, mais ne sont toutefois pas dépourvues dinconvénients:
La protection individuelle est assurée par des équipements fournis au travailleur qui est tenu de les porter lorsquil effectue certaines tâches (ou en permanence). Il sagit, par exemple, dappareils de protection respiratoire, de lunettes, de gants de protection ou décrans faciaux. Les équipements de protection individuelle servent en principe dans les cas où les moyens de prévention technique ne permettent pas dabaisser lexposition à des niveaux acceptables ou sont impossibles à mettre en uvre (pour des raisons opérationnelles ou de coût). Ils sont normalement très efficaces sils sont portés et utilisés correctement. Dans le cas des appareils de protection respiratoire, les facteurs de protection (rapport entre les concentrations à lextérieur et à lintérieur de lappareil) peuvent être de 1 000 ou plus pour les appareils isolants à pression positive et de 10 pour les appareils filtrants de type demi-masque. Les gants peuvent protéger les mains contre les solvants pendant des heures (sils sont bien choisis), tandis que les lunettes peuvent assurer une protection efficace contre les éclaboussures de produits corrosifs.
On associe souvent plusieurs mesures pour abaisser les expositions à des niveaux acceptables. Quelles que soient les méthodes choisies, leur objectif doit toujours être de réduire lexposition et de ramener les risques à un niveau acceptable, mais de nombreux autres facteurs entrent aussi en ligne de compte, notamment:
Lefficacité est le premier facteur à prendre en compte au moment de décider des actions à entreprendre. Lorsquon compare un type dintervention à un autre, le niveau de protection envisagé doit correspondre au risque contre lequel on veut se prémunir. Une protection excessive entraîne le gaspillage de ressources qui pourraient servir à maîtriser dautres risques ou à réduire lexposition dautres travailleurs. Une protection insuffisante, en revanche, se traduira par des conditions de travail insalubres. On classera donc tout dabord les interventions en fonction de leur efficacité, avant de tenir compte des autres facteurs.
Pour quune quelconque mesure soit efficace, il ne faut pas quelle empêche le travailleur de continuer à faire son travail normalement. Si lon a décidé, par exemple, de remplacer un produit par un autre, le travailleur doit être conscient des risques inhérents au nouveau produit, être suffisamment formé pour le manipuler en toute sécurité, connaître les bonnes procédures délimination, etc. Si la méthode employée est lisolation, à savoir linstallation dune enceinte autour de la substance ou du travailleur, il ne faut pas quelle constitue un obstacle aux gestes à accomplir. Lorsque les dispositifs de protection gênent les travailleurs, ceux-ci ne sont guère disposés à les utiliser et cherchent parfois dautres façons de procéder qui risquent daccroître le danger, au lieu de le réduire.
Les entreprises ont des ressources limitées et doivent donc en faire une utilisation optimale. Lorsquon a décelé un danger et élaboré une stratégie dintervention, il faut prendre en considération le facteur coût. Très souvent, le «mieux» nest pas de choisir les solutions les moins coûteuses ou les plus coûteuses. Le coût ne devient un facteur de choix que lorsquon dispose de plusieurs méthodes efficaces de réduction de lexposition. Sil est jugé déterminant demblée, on risque dopter pour des solutions inadaptées ou susceptibles de gêner le travail de ceux auxquels elles sont destinées. Il serait malvenu de choisir des mesures bon marché qui auraient pour conséquence dentraver ou de ralentir le processus de fabrication. La production sen trouverait diminuée et son coût, plus élevé. En très peu de temps, le coût «réel» de ces mesures «bon marché» deviendrait considérable. Les ingénieurs en organisation connaissent les installations et les processus dans leur ensemble; les ingénieurs de production connaissent les différentes étapes et procédés de fabrication; les analystes financiers connaissent les problèmes dallocation des ressources. De leur côté, les hygiénistes du travail ont une contribution spécifique à apporter, car ils connaissent les tâches quaccomplissent les travailleurs, leur interaction avec les machines et la manière dont seront appliquées les mesures de prévention retenues. En confrontant leurs points de vue, ces spécialistes auront plus de chances de choisir les méthodes les mieux adaptées.
Lorsquon cherche à protéger un travailleur contre un risque pour la santé dorigine professionnelle, il convient de prendre en considération le caractère plus ou moins décelable de ce risque, par des signes tels quodeur ou irritation. Si, par exemple, une personne employée dans une usine de semi-conducteurs travaille dans une zone où lon utilise de larsine, lextrême toxicité de ce gaz constitue un risque potentiel majeur. Le fait quil ne soit pas facilement détectable par la vue ou par lodorat tant quil na pas dépassé de beaucoup le niveau admissible complique les choses. Dans ce cas, il convient décarter toute solution qui ne permettrait pas de maintenir efficacement les niveaux dexposition au-dessous du niveau admissible, puisque les travailleurs ne sont pas en mesure de détecter les dépassements. Ce quil faut, ce sont des aménagements techniques destinés à isoler les travailleurs du gaz en question, ainsi quun système de surveillance permanente pour donner lalarme en cas de défaillance de ces aménagements. En présence de produits très toxiques et difficiles à déceler, la prévention simpose et lhygiéniste du travail doit se montrer à la fois souple et prudent.
Si lon envisage de prendre des mesures pour protéger un travailleur contre une substance telle que lacétone, dont le niveau dexposition admissible peut être de lordre de 800 ppm, il est assez facile de viser un seuil de 400 ppm ou moins. Pour un produit comme le 2-éthoxyéthanol, en revanche, dont le niveau dexposition admissible est de lordre de 0,5 ppm, il sera sans doute plus difficile dobtenir une réduction du même ordre (de 0,5 ppm à 0,25 ppm). En réalité, à des niveaux dexposition aussi bas, le confinement du matériau est parfois la seule option envisageable, alors quà des niveaux dexposition élevés, la ventilation peut suffire à atténuer convenablement le risque. Autrement dit, le niveau dexposition admissible pour une substance donnée (tel que défini par la réglementation, lentreprise, etc.) peut limiter le choix des mesures de prévention à mettre en uvre.
Le modèle classique dévaluation de la toxicité est le suivant:
TEMPS × CONCENTRATION = DOSE
Par dose, on entend ici la quantité de matière rendue disponible pour labsorption. Nous nous sommes attachés jusquici à étudier la façon de minimiser (diminuer) la concentration, mais on peut aussi sefforcer de réduire la durée dexposition (objectif fondamental des mesures administratives) pour parvenir de la même façon à diminuer la dose absorbée. La difficulté ne tient alors pas au fait que le travailleur passe un certain temps dans un espace donné, mais plutôt quil accomplit certaines tâches à une fréquence donnée. Cest une distinction importante. Dans le premier cas, en effet, lintervention consistera à déplacer les travailleurs à partir dun niveau dexposition donné à une substance toxique, sans chercher à réduire la quantité de cette substance (même si lon fait souvent les deux à la fois), alors que dans le second, on décidera des mesures à prendre en fonction de la fréquence des opérations en cause, au lieu détablir un planning de travail. A titre dexemple, si un travailleur effectue régulièrement une opération de dégraissage, on pourra réduire lexposition par des moyens tels que ventilation, remplacement dun solvant toxique par un autre moins dangereux, ou même automatisation du processus. Mais sil sagit dune tâche peu fréquente (disons une fois par trimestre), on préconisera peut-être le port dun équipement de protection individuelle (compte tenu des divers facteurs à prendre en compte lors des interventions). Comme ces deux exemples le montrent, la fréquence dexécution dune tâche peut avoir une incidence directe sur le choix des mesures de réduction de lexposition. Il faut donc en tenir compte quelle que soit la situation dexposition.
De toute évidence, la voie dexposition influe aussi sur le choix de la méthode de maîtrise des risques. En présence dun irritant respiratoire, on envisagera, par exemple, linstallation dun système de ventilation ou encore le port dappareils de protection respiratoire. Le problème de lhygiéniste du travail est de bien identifier toutes les voies dexposition. Prenons le cas des éthers de glycol, utilisés comme solvants porteurs dans les opérations dimpression. Ils sont présents dans lair, où lon peut mesurer leur concentration en vue de limiter leur inhalation. Mais ils sont aussi rapidement absorbés par la peau intacte et cette voie dexposition ne doit pas être négligée. En fait, si les gants de protection ont été mal choisis, la peau continue dêtre exposée bien après que lexposition des voies respiratoires a diminué (du seul fait que le travailleur porte des gants non étanches). Lhygiéniste doit donc évaluer la substance (ses propriétés physiques, chimiques et toxicologiques, etc.) pour déterminer toutes les voies dexposition possibles et probables (compte tenu des tâches effectuées).
Enfin, on ne saurait envisager de remédier à un risque dexposition sans prendre en compte les obligations réglementaires en la matière. Il peut exister des recueils de directives pratiques, des règlements et autres textes exigeant des mesures spécifiques. Une fois ces dispositions mises en uvre, lhygiéniste du travail dispose dune certaine marge de manuvre. Il peut arriver que les mesures imposées par la réglementation ne soient pas aussi efficaces que celles envisagées par lhygiéniste du travail ou quelles soient en contradiction avec elles: lhygiéniste doit alors faire preuve de créativité et trouver des solutions acceptables du point de vue tant de la réglementation que des objectifs de lentreprise.
En fin de compte, quelle que soit la forme dintervention choisie, il faut que les travailleurs soient formés et informés pour quils comprennent bien quelles sont les solutions adoptées et pourquoi et dans quelle mesure les niveaux dexposition devraient diminuer, et aussi quel peut être leur rôle par rapport aux objectifs fixés. Sans la participation du personnel, les mesures adoptées ont de grandes chances déchouer ou, tout au moins, de perdre en efficacité. La formation permet de faire prendre conscience aux travailleurs des dangers existants et cette sensibilisation peut savérer précieuse pour lhygiéniste du travail en présence de risques jusqualors inconnus ou de nouveaux cas dexposition.
La formation, létiquetage, etc. peuvent faire partie dun programme de mise en conformité avec les règlements. Il est toujours prudent de sinformer des réglementations locales avant dorganiser une formation ou de réaliser un étiquetage, afin de sassurer de leur conformité sur tous les plans.
Dans cette brève description des mesures de prévention active des risques, nous nous sommes limités à quelques considérations dordre général pour susciter la réflexion. Dans la pratique, cependant, les interventions sont souvent très complexes et peuvent avoir des répercussions non négligeables sur la santé des travailleurs et de lentreprise. Lavis professionnel de lhygiéniste du travail est essentiel au choix des meilleures mesures de maîtrise des risques, dans tous les sens du terme «meilleur». Lhygiéniste doit travailler en équipe et en consultation avec les travailleurs, la direction et le personnel technique.
Evaluer lexposition sur le lieu de travail consiste à identifier et à mesurer les agents avec lesquels un travailleur est susceptible dêtre en contact. Des indices dexposition peuvent être calculés pour définir la quantité de tel ou tel agent présent dans lenvironnement en général ou dans lair inhalé, ainsi que pour définir la quantité effectivement inhalée, avalée ou absorbée de toute autre façon (la dose). Dautres indices reflètent la quantité dagent résorbée (la charge) et lexposition de lorgane cible. Le terme dose est un terme pharmacologique ou toxicologique utilisé pour indiquer la quantité de substance administrée à un sujet. Le débit de dose est la quantité administrée par unité de temps. La dose dexposition sur un lieu de travail est difficile à déterminer dans la pratique, car les processus physiques et biologiques tels que linhalation, la résorption, la fixation et la répartition dun agent dans le corps humain créent des relations non linéaires et complexes entre dose et exposition. Lincertitude qui existe quant au niveau réel dexposition rend également difficile la quantification des relations entre lexposition à un agent et ses effets sur la santé.
Dans de nombreux cas dexposition professionnelle, il existe un intervalle de temps pendant lequel lexposition, ou la dose, exerce une influence importante dans lapparition dun problème ou symptôme particulier en rapport avec la santé. Par conséquent, lexposition ou la dose biologiquement effective (active) serait celle qui se situe pendant cet intervalle de temps. On estime que ce phénomène se produirait, en particulier, dans certains cas dexposition professionnelle à des cancérogènes. Le cancer étant une maladie dont la période de latence est longue, il se pourrait en effet que lexposition liée au développement final de la maladie ait eu lieu plusieurs années avant que le cancer se manifeste effectivement. Contrairement à ce que lon pourrait penser, laccumulation des expositions durant la vie active ne serait donc pas le paramètre déterminant, et lexposition au moment où se manifeste la maladie naurait pas non plus dimportance particulière.
Les conditions dexposition (exposition continue, exposition intermittente, exposition avec ou sans pics) jouent également un rôle. Il est important de les prendre en compte à la fois pour les études épidémiologiques et pour les mesurages effectués en vue de vérifier la conformité avec les normes sanitaires ou de limiter les risques dexposition dans le cadre de programmes de prévention. Si des pics dexposition ont un effet sur la santé, il faut pouvoir les observer pour agir en conséquence. Un monitorage qui ne fournirait que des données sur les expositions moyennes à long terme serait inutile, puisquil masquerait sans doute les valeurs de crête, empêchant ainsi dintervenir lorsque celles-ci se produisent.
Lexposition ou dose biologiquement effective (active) pour une maladie donnée est souvent inconnue parce que les conditions dabsorption, dassimilation, de distribution et délimination, ou encore les mécanismes de biotransformation, nont pas encore été entièrement élucidés. La vitesse à laquelle un agent entre dans lorganisme et en sort (cinétique) et les processus biochimiques de traitement de la substance (biotransformation) aideront à déterminer les relations entre exposition, dose et effet.
La surveillance du milieu consiste à mesurer et à évaluer les agents présents sur le lieu de travail afin de déterminer lexposition ambiante et les risques qui en découlent pour la santé. La surveillance biologique a pour objet de mesurer et dévaluer les agents présents sur le lieu de travail ou leurs métabolites dans les tissus, les excrétions et les sécrétions, dans le but de définir lexposition et les risques pour la santé. On utilise parfois des indicateurs biologiques, tels que des adduits de lADN, comme mesures dexposition. Les indicateurs biologiques peuvent également signaler les mécanismes du processus pathogène, mais cest là un sujet complexe qui est traité plus en détail dans le chapitre no 27, «Lévaluation des risques biologiques», ainsi que ci-après.
Voici, présenté de façon schématique, le modèle de base exposition-réponse:
Selon lagent considéré, les relations exposition-absorption et exposition-dose peuvent être complexes. Il est possible de faire de simples approximations pour de nombreux gaz sur la base de leur concentration dans lair pendant une journée de travail et de la quantité dair inhalée. En ce qui concerne le prélèvement déchantillons de poussières, les types de dépôts sont aussi fonction de la taille des particules. Les considérations de taille peuvent également conduire à des relations plus complexes. Le chapitre no 10, «Lappareil respiratoire», fournit de plus amples renseignements sur la toxicité respiratoire.
Lexposition et la dose sont des éléments qui concourent à lévaluation quantitative des risques. Les méthodes dévaluation des risques pour la santé servent souvent de base à létablissement de valeurs limites dexposition correspondant à certaines concentrations dagents toxiques dans lair, dans le cadre de normes environnementales et professionnelles. Lanalyse des risques pour la santé fournit une estimation de la probabilité (risque) dapparition deffets particuliers sur la santé ou une estimation du nombre de cas présentant ces effets. Elle permet de calculer une concentration admissible dun toxique dans lair, leau ou la nourriture, étant donné une grandeur de risque admissible définie a priori. Lanalyse quantitative des risques a trouvé une application en épidémiologie du cancer, ce qui explique laccent mis sur lévaluation rétrospective de lexposition. Mais il existe des stratégies plus élaborées pour lévaluation tant rétrospective que prospective de lexposition, et les principes dévaluation de lexposition ont également servi à des études sur dautres maladies, telles que les maladies respiratoires bénignes (Wegman et coll., 1992; Post et coll., 1994). Actuellement, la recherche soriente surtout dans deux directions: dun côté, lutilisation des estimations de dose obtenues grâce à la surveillance de lexposition, de lautre, lutilisation des indicateurs biologiques comme mesures dexposition.
Dans de nombreux cas dexposition, malheureusement, on ne dispose guère de données quantitatives pour prévoir le risque dapparition dune maladie donnée. Dès 1924, Haber postulait que la gravité de leffet sur la santé (H) était proportionnelle au produit de la concentration dexposition (X) et du temps dexposition (T):
H = X×Τ
Cette loi, appelée loi de Haber, est à lorigine du concept selon lequel les mesures de lexposition moyenne pondérée dans le temps (à savoir les mesures à partir desquelles une moyenne a été établie sur une période de temps donnée) constitueraient une mesure utile de lexposition. Mais cette supposition a été longtemps mise en doute. En 1952, Adams et ses collègues estimaient pour leur part que «lutilisation de la moyenne pondérée dans le temps pour intégrer des expositions variables na pas de fondement scientifique » (Atherly, 1985). Le problème est que de nombreuses relations sont plus complexes que celle représentée par la loi de Haber. Il existe beaucoup dagents dont leffet dépend plus largement de la concentration que de la durée dexposition. Il est intéressant de constater, par exemple, daprès les résultats détudes en laboratoire, que dans le cas de rats exposés à du tétrachlorure de carbone, les conditions dexposition (continue ou intermittente et avec ou sans pics) ainsi que la dose peuvent modifier le risque observé de modification du niveau denzymes dans le foie (Bogers et coll., 1987). Les aérosols biologiques tels que lenzyme alpha-amylase, améliorant de la pâte qui peut provoquer des allergies chez les personnes travaillant dans la boulangerie, fournissent un autre exemple (Houba et coll., 1996). En loccurrence, on ne sait pas si le risque de développer une allergie est déterminé principalement par les pics dexposition, par lexposition moyenne ou encore par lexposition cumulée (Wong, 1987; Checkoway et Rice, 1992). On ne dispose pas de données temporelles pour la plupart des agents, notamment ceux qui ont des effets chroniques.
Les premières tentatives de modélisation des conditions dexposition et de lévaluation des doses ont été présentées dans les années soixante et soixante-dix par Roach (1966, 1977). Celui-ci a montré que la concentration dun agent atteint une valeur déquilibre au niveau du récepteur après une exposition dune durée infinie du fait de la compensation qui se produit entre élimination et absorption. Dans le cas dune exposition dune durée de 8 heures, il est possible datteindre 90% de ce niveau déquilibre si la demi-vie de lagent dans lorgane cible est inférieure à environ 2 h 30. Autrement dit, pour les agents qui ont une demi-vie courte, la dose dans lorgane cible est déterminée par un temps dexposition inférieur à 8 heures. Pour les agents ayant une demi-vie longue, la dose dans lorgane cible est fonction du produit du temps dexposition par la concentration de lagent. Rappaport (1985) suit une approche similaire, bien que plus élaborée. Il montre que les variations dexposition au cours dune même journée jouent un rôle limité en présence dagents ayant une demi-vie longue. Cest lui qui a introduit la notion damortissement au niveau du récepteur.
Les informations présentées ci-dessus ont surtout servi au calcul des durées moyennes à utiliser pour vérifier la conformité des niveaux dexposition par rapport aux normes. Depuis Roach, tout le monde sait que pour les irritants il faut faire un échantillonnage instantané et établir une moyenne sur une courte période, tandis que pour les agents ayant une demi-vie longue, tels que lamiante, il convient de calculer approximativement la moyenne des expositions cumulées sur une longue période. Il faut toutefois être conscient du fait que la dichotomie entre échantillonnage instantané et mesures de lexposition moyenne sur 8 heures, opérée dans de nombreux pays à des fins de contrôle de conformité, traduit de façon très grossière les principes biologiques exposés ci-dessus.
Dans un article, Wegman et coll. (1992) expliquent comment ils ont amélioré une stratégie dévaluation de lexposition en appliquant les principes pharmacocinétiques de lépidémiologie. Au moyen de dispositifs de monitorage continu, ils ont ainsi mesuré les pics individuels dexposition à des poussières en les rapprochant de symptômes respiratoires réversibles aigus survenant toutes les 15 minutes. Ce genre détude pose cependant un problème conceptuel sur lequel sattardent longuement les auteurs, qui est de définir la notion de pic dexposition ayant une incidence sur la santé. Cette définition dépend une fois encore de considérations biologiques. Daprès Rappaport (1991), pour quun pic dexposition joue un rôle étiologique dans un processus pathogène, il faut: 1) que lagent soit éliminé rapidement de lorganisme; 2) que la vitesse de laltération biologique au moment du pic ne soit pas linéaire. Une vitesse daltération biologique non linéaire peut être en rapport avec des changements dabsorption, lesquels dépendent à leur tour des niveaux dexposition, de la sensibilité de lindividu, de la synergie avec dautres expositions, de laction dautres mécanismes pathogènes à des niveaux dexposition élevés ou deffets de seuil dans des processus pathogènes.
Ces exemples montrent également que les approches pharmacocinétiques peuvent conduire à autre chose quà des estimations de dose, par exemple à étudier la pertinence biologique des indices dexposition existants et à concevoir de nouvelles stratégies dévaluation de lexposition dans loptique de la santé.
La modélisation pharmacocinétique de lexposition peut également servir à estimer la dose effective dans lorgane cible. Dans le cas de lozone, par exemple, gaz qui provoque des irritations aiguës, les modèles qui ont été développés sont capables de prévoir la concentration dans les tissus des voies respiratoires en fonction de la concentration moyenne dozone dans lair du poumon à une certaine distance de la trachée, du rayon des voies respiratoires, de la vitesse moyenne de lair, de la dispersion effective et du flux dozone de lair vers la surface du poumon (Menzel, 1987; Miller et Overton, 1989). Ces modèles peuvent être utilisés pour prévoir la dose dozone dans une région donnée des voies respiratoires, en fonction des concentrations dozone dans lenvironnement et des caractéristiques de la respiration.
Dans la plupart des cas, les estimations de la dose cible se basent sur lévolution des conditions dexposition dans le temps, sur les antécédents professionnels et sur des données pharmacocinétiques relatives à labsorption, la distribution, lélimination et la transformation de lagent. Lensemble du processus peut être décrit par une série déquations qui peuvent être résolues mathématiquement. Les données sur les paramètres pharmacocinétiques chez lhumain sont rarement disponibles, doù la nécessité dutiliser des estimations tirées dexpérimentations sur lanimal. La modélisation pharmacocinétique de lexposition pour des estimations de dose est une pratique dont on observe à ce jour divers exemples. Cest à Jahr (1974) que lon doit la première référence à ce sujet dans une publication.
Bien que les estimations de dose naient généralement pas été validées et quelles naient guère trouvé dapplication dans le domaine épidémiologique, la nouvelle génération dindices dexposition ou de dose devrait permettre doptimiser les analyses exposition-réponse dans les études épidémiologiques (Smith, 1985, 1987). Lexistence de grandes différences entre les espèces dans la cinétique des agents toxiques est un problème que la modélisation pharmacocinétique na pas encore abordé, ce qui rend dautant plus intéressants les effets des variations des paramètres pharmacocinétiques chez un même individu (Droz, 1992).
Parce quelle fournit une estimation des doses absorbées, la surveillance biologique est souvent jugée supérieure à la surveillance du milieu. Cependant, comme les indices de surveillance biologique peuvent énormément varier pour un seul et même individu, il faut prendre des mesures de façon répétée pour parvenir à une estimation acceptable de la dose, et ce travail de mesure devient parfois plus important que dans le cas de la surveillance du milieu.
Une étude intéressante sur des travailleurs employés à la fabrication de bateaux en plastique renforcé à la fibre de verre illustre cette situation (Rappaport et coll., 1995). Il sagissait dévaluer la variabilité de lexposition au styrène en mesurant à plusieurs reprises la quantité de styrène présente dans lair. La surveillance portait à la fois sur le styrène présent dans lair expiré par les travailleurs exposés et sur les échanges de chromatides-surs. Elle a montré quune étude épidémiologique utilisant le styrène dans lair comme mesure de lexposition aurait été plus efficace, en termes de nombre de mesures nécessaires, quune évaluation fondée sur les autres indices dexposition. En effet, on a mesuré trois fois le styrène dans lair pour évaluer lexposition moyenne à long terme avec une certaine précision; quatre mesures par travailleur ont été nécessaires pour quantifier le styrène contenu dans lair expiré, mais il a fallu sy reprendre à vingt fois pour les échanges de chromatides-surs. Cela tient au fait que le rapport signal/bruit, déterminé par les variations dexposition dun jour à lautre et dun travailleur à lautre, était plus favorable au styrène contenu dans lair quaux deux indicateurs biologiques de lexposition. Ainsi, bien que lutilisation dun certain substitut dexposition puisse être parfaitement valable dun point de vue biologique, elle ne donnera pas de bons résultats dans une analyse exposition-réponse en raison dun rapport signal/bruit limité qui conduit à des erreurs de classification.
Droz (1991) sest servi de la modélisation pharmacocinétique pour étudier les avantages des stratégies dévaluation de lexposition reposant sur léchantillonnage de lair par rapport aux stratégies de surveillance biologique qui dépendent de la demi-vie de lagent considéré. Il a montré que la variabilité biologique, laquelle na aucun rapport avec la variabilité du test toxicologique, avait un grand impact sur la surveillance biologique. Sa conclusion est quil ny a aucun avantage statistique à utiliser des indicateurs biologiques lorsque la demi-vie de lagent est inférieure à environ 10 heures.
Bien que lon puisse être plus enclin à opter pour la mesure de lexposition environnementale plutôt que pour celle dun indicateur biologique deffet en raison des fluctuations de la variable mesurée, dautres arguments militent en faveur des indicateurs biologiques, même sils impliquent un plus grand effort de mesure, notamment en cas dexposition cutanée de grande ampleur. Pour les pesticides et certains solvants organiques, lexposition par voie cutanée peut être plus importante que lexposition par voie pulmonaire. Un indicateur biologique dexposition rendrait compte de cette voie de pénétration, alors quil est difficile de mesurer lexposition cutanée et que les résultats ne sont pas faciles à interpréter (Boleij et coll., 1995). Des études anciennes effectuées sur des ouvriers agricoles, dont on a évalué lexposition cutanée au moyen de «compresses», ont révélé une répartition étonnante des pesticides à la surface du corps, en fonction des tâches accomplies. Toutefois, vu le peu dinformations disponibles sur labsorption des agents par la peau, il nest pas encore possible dutiliser des profils dexposition pour estimer les doses internes.
Les indicateurs biologiques présentent également beaucoup dintérêt pour lépidémiologie du cancer. Lorsquun indicateur biologique est un marqueur précoce de leffet, il peut savérer utile pour réduire la période du suivi. Sous réserve des études de validation nécessaires, les indicateurs biologiques de lexposition ou de la sensibilité individuelle devraient en principe constituer dexcellents outils pour les études épidémiologiques et lévaluation des risques.
Parallèlement au développement de la modélisation pharmacocinétique, les épidémiologistes ont exploré de nouvelles approches de lanalyse des données, telle «lanalyse de la matrice temporelle», pour établir un rapport entre certaines périodes dexposition et les maladies, ainsi que pour appliquer les effets des modèles temporels dexposition ou de pics dexposition à lépidémiologie du cancer dorigine professionnelle (Checkoway et Rice, 1992). Dun point de vue conceptuel, lanalyse temporelle se rapproche de la modélisation pharmacocinétique étant donné que la relation entre exposition et effet y est optimisée par pondération en fonction des périodes, des conditions et des niveaux dexposition. Dans la modélisation pharmacocinétique, on estime que ces pondérations ont une signification physiologique et elles sont donc définies préalablement. Dans lanalyse temporelle, elles sont estimées à partir des données disponibles sur la base de critères statistiques. Plusieurs études illustrent cette approche, notamment celle de Hodgson et Jones (1990) qui ont analysé la relation entre lexposition au gaz radon et le cancer du poumon chez des ouvriers britanniques travaillant dans une mine détain, et celle de Seixas, Robins et Becker (1993) sur la relation entre lexposition à la poussière et létat respiratoire dun groupe douvriers américains travaillant dans une mine de charbon. Un autre travail très intéressant, de Peto et coll. (1982), souligne lutilité dune analyse de lintervalle de temps. Il montre que, au sein dun groupe douvriers réalisant des travaux disolation, les taux de mortalité due au mésothéliome semblent être proportionnels à une certaine période de temps depuis la première exposition, ainsi quau cumul des expositions. Le temps écoulé depuis la première exposition est une variable particulièrement pertinente, car elle correspond approximativement au temps nécessaire à une fibre pour migrer de lendroit où elle se trouve dans les poumons vers la plèvre. Cet exemple montre comment la cinétique de dépôt et de migration détermine dans une grande mesure la fonction de risque. Lanalyse temporelle peut toutefois poser un problème dans la mesure où elle nécessite des informations détaillées sur les périodes et les niveaux dexposition, ce qui nuit à son application dans de nombreuses études sur les maladies chroniques.
Les principes de la modélisation pharmacocinétique et de lanalyse de la matrice temporelle ou de lintervalle de temps sont largement reconnus. Jusquà présent, les connaissances dans ce domaine ont surtout servi à mettre au point des stratégies dévaluation de lexposition. Il conviendrait de développer ces approches pour en faire une utilisation plus poussée, mais cela nécessite un effort de recherche considérable. Leurs applications restent donc limitées, même si certaines dentre elles, relativement simples, comme lélaboration de stratégies plus efficaces pour évaluer lexposition en fonction de la maladie, sont maintenant plus répandues. En fait, le développement des indicateurs biologiques dexposition achoppe sur un problème de validation. On considère souvent quun indicateur biologique mesurable est mieux à même de prévoir un risque pour la santé que toute autre méthode traditionnelle, mais il existe malheureusement très peu détudes pour démontrer le bien-fondé de cette opinion.
Au cours des quarante dernières années, beaucoup dorganisations, dans de nombreux pays, ont proposé des valeurs limites dexposition professionnelle pour les contaminants en suspension dans lair. Les limites ou directives qui se sont progressivement imposées, aux Etats-Unis comme dans la plupart des autres pays, sont celles que publie tous les ans la Conférence américaine des hygiénistes du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), sous le nom de TLV ou valeurs seuils (LaNier, 1984; Cook, 1986; ACGIH, 1994).
Lutilité des valeurs limites pour la surveillance et la limitation des agents potentiellement dangereux dans lenvironnement de travail a été maintes fois démontrée depuis leur instauration (Stokinger, 1970; Cook, 1986; Doull, 1994). Leur contribution à la prévention ou à la diminution des cas de maladies est maintenant largement reconnue, mais ces valeurs limites nont pas toujours existé et, même après leur introduction, il a fallu du temps pour quelles soient vraiment respectées (Cook, 1945; Smyth, 1956; Stokinger, 1981; LaNier, 1984; Cook, 1986).
On sétait parfaitement rendu compte, dès le XVe siècle, que les poussières et les produits chimiques en suspension dans lair pouvaient provoquer des maladies et des lésions, mais on ne savait pas encore très bien quelles étaient les concentrations et les durées dexposition nécessaires à leur survenue (Ramazinni, 1700).
Comme le faisait remarquer Baetjer (1980), «au début du siècle, lorsque le docteur Alice Hamilton a débuté une carrière remarquable dans le domaine des maladies professionnelles, elle navait à sa disposition aucun échantillon dair ni aucune norme, ce qui dailleurs nétait pas nécessaire. La simple observation des conditions de travail, des maladies dont souffraient les travailleurs et des cas de décès suffisait à prouver quil existait des expositions dangereuses. Très vite cependant, le besoin de définir des normes de sécurité dexposition est apparu évident».
Les premiers efforts pour définir une valeur limite dexposition se sont concentrés sur le monoxyde de carbone, gaz toxique le plus fréquemment rencontré en milieu de travail (la chronologie des valeurs limites dexposition est illustrée à la figure 30.9). Les travaux de Max Gruber à lInstitut dhygiène de Munich ont été publiés en 1883. Ils décrivent lexposition de deux poules et de douze lapins à des concentrations connues de monoxyde de carbone pendant une durée maximale de 47 heures sur une période de 3 jours, avant de conclure que «la frontière de la nocivité du monoxyde de carbone se situe à une concentration qui, selon toute probabilité, est de 500 parties par million mais assurément pas inférieure à 200 parties par million». Pour en arriver là, Gruber a lui-même inhalé du monoxyde de carbone. Il na constaté aucun symptôme ni aucune sensation désagréable après une exposition de 3 heures par jour, pendant 2 jours consécutifs, à des concentrations de 210 parties par million et 240 parties par million (Cook, 1986).
Les premières séries dexpérimentations les plus complètes des valeurs limites dexposition ont été menées sur des animaux par K.B. Lehmann et dautres chercheurs travaillant sous sa direction. Dans un ensemble de publications échelonnées sur 50 ans, ils ont décrit les études menées sur des gaz tels que lammoniac et le chlorure dhydrogène, les hydrocarbures chlorés et un grand nombre dautres substances chimiques (Lehmann, 1886; Lehmann et Schmidt-Kehl, 1936).
Kobert (1912) a publié un des premiers tableaux des valeurs limites pour les expositions aiguës, qui classait les concentrations de 20 substances comme suit: 1) rapidement mortelles pour lhumain et les animaux; 2) dangereuses entre une demi-heure et une heure dexposition; 3) une demi-heure à une heure dexposition sans troubles sérieux; 4) seuls quelques symptômes bénins observés au bout de quelques heures. Dans un article sur linterprétation des valeurs limites admissibles, Schrenk (1947) remarque que les «valeurs indiquées pour lacide chlorhydrique, lacide cyanhydrique, lammoniac, le chlore et le brome, classées dans la catégorie seuls quelques symptômes bénins observés au bout de quelques heures du tableau susmentionné de Kobert, correspondent aux concentrations maximales admissibles généralement acceptées de nos jours pour les expositions déclarées». Toutefois, les valeurs définies pour certains des solvants organiques les plus toxiques tels que le benzène, le tétrachlorure de carbone et le sulfure de carbone dépassent de beaucoup les limites actuellement utilisées (Cook, 1986).
Lun des premiers tableaux des valeurs limites dexposition publié aux Etats-Unis est celui du Bureau of Mines (Bureau des Mines), qui répertorie 33 substances présentes en milieu de travail (Fieldner, Katz et Kenney, 1921). Comme le note Cook (1986), jusquaux années trente, la plupart des valeurs limites dexposition, sauf pour les poussières, se fondaient sur des expérimentations animales dassez courte durée. Létude de Leonard Greenburg, du Service américain de la santé publique (US Public Health Service), sur lexposition chronique au benzène constitue une exception notable à cet égard. Mené sous la direction dun comité du Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)), ce travail a abouti à la définition dune exposition admissible pour lhumain sur la base dexpérimentations animales de longue durée (National Safety Council, 1926).
Daprès Cook (1986), les valeurs limites admissibles dexposition à la poussière établies avant 1920 correspondaient à la situation des ouvriers travaillant dans les mines dor dAfrique du Sud, où les poussières provenant des opérations de forage avaient une teneur élevée en silice cristalline libre. En 1916, une valeur limite de 8,5 millions de particules par pied cube dair (mppcf) a été fixée pour les poussières contenant 80 à 90% de quartz (Phthisis Prevention Committee, 1916). Ce niveau a été ensuite abaissé à 5 mppcf. Cook constate également quaux Etats-Unis, les normes relatives aux poussières, elles aussi calculées daprès lexposition effective des travailleurs, ont été recommandées par Higgins et ses collègues à la suite dune étude réalisée en 1917 dans les mines de zinc et de plomb du sud-ouest du Missouri. Le niveau initialement défini pour les poussières à forte teneur en quartz était de 10 mppcf, soit sensiblement plus élevé que celui établi à lissue détudes ultérieures sur les poussières menées par le Service américain de la santé publique. En 1930, le ministère du Travail de lURSS a publié un décret indiquant les concentrations maximales admissibles de 12 substances industrielles toxiques.
Jusquen 1926, la liste la plus complète de valeurs limites dexposition professionnelle concernait 27 substances (Sayers, 1927). En 1935, Sayers et Dalle Valle ont publié une étude indiquant les réactions physiologiques à 5 concentrations de 37 substances, la cinquième étant la concentration maximale admissible pour une exposition prolongée. Dans leurs articles, Lehmann et Flury (1938), ainsi que Bowditch et coll. (1940), présentaient quant à eux des tableaux comportant une valeur unique pour les expositions répétées à chacune des substances.
Bon nombre des valeurs limites établies par Lehmann figuraient déjà dans une monographie initialement publiée en 1927 par Henderson et Haggard (1943), ainsi que dans Schädliche Gase de Flury et Zernik (1931). Daprès Cook (1986), cet ouvrage faisait alors autorité en ce qui concerne les effets des vapeurs, poussières et gaz nocifs sur le lieu de travail, et il en fut ainsi jusquà la publication du volume II de louvrage classique de Patty, Industrial Hygiene and Toxicology (1949).
Les premières normes dexposition relatives aux produits chimiques dans lindustrie, appelées concentrations maximales admissibles (Maximum Allowable Concentrations (MAC)), ont été élaborées en 1939 et 1940, dun commun accord entre lAssociation américaine de normalisation (American Standards Association (ASA)) et un certain nombre dhygiénistes du travail qui avaient créé lACGIH en 1938 (Baetjer, 1980). Ces normes «recommandées» ont été publiées en 1943 par James Sterner. Un comité de lACGIH sest réuni au début de lannée 1940 pour définir les niveaux admissibles dexposition professionnelle aux produits chimiques, en rassemblant toutes les données établissant une relation entre le degré dexposition à un toxique et la probabilité dapparition deffets nocifs (Stokinger, 1981; LaNier, 1984). Ce comité, composé de Warren Cook, Manfred Boditch (sans doute le premier hygiéniste employé par lindustrie aux Etats-Unis), William Fredrick, Philip Drinker, Lawrence Fairhall et Alan Dooley, a publié ses premiers résultats en 1941 (Stokinger, 1981).
En 1941, le comité Z-37 de lASA, laquelle deviendra plus tard lInstitut américain de normalisation (American National Standards Institute (ANSI)), a élaboré sa première norme limitant lexposition au monoxyde de carbone à 100 ppm. En 1974, ce comité avait publié 33 normes dexposition à des poussières et gaz toxiques.
Lors de lassemblée annuelle de lACGIH, en 1942, la sous-commission sur les concentrations maximales admissibles, qui venait dêtre créée, a présenté dans son rapport un tableau indiquant les «concentrations maximales admissibles dans lair» de 63 substances toxiques, daprès les listes fournies par les différents services publics dhygiène industrielle du pays. On pouvait y lire la précision suivante: «Les concentrations figurant dans le tableau ne sauraient être interprétées comme des valeurs sûres recommandées. Elles sont présentées sans commentaire» (Cook, 1986).
En 1945, Cook a publié une liste de 132 contaminants atmosphériques industriels avec leur concentration maximale admissible, comprenant les valeurs alors en vigueur dans six Etats, de même que les valeurs de référence proposées par des agences fédérales dans le cadre de la lutte contre les maladies professionnelles et les concentrations maximales admissibles qui semblaient alors les plus solidement étayées par des données denquête (Cook, 1986).
Lors de lassemblée annuelle de lACGIH en 1946, la sous-commission sur les concentrations maximales admissibles a présenté son second rapport portant cette fois sur 131 gaz, vapeurs, poussières, fumées et brouillards et 13 poussières minérales. Les valeurs étaient tirées du premier tableau de 1942, de la liste établie par Warren Cook dans Industrial Medicine (1945) et des travaux publiés par le comité Z-37 de lASA. Comme le soulignait alors ce rapport, il était clairement entendu que la liste des concentrations maximales admissibles ferait lobjet dune révision annuelle.
Les valeurs seuils (TLV) de lACGIH et la plupart des autres valeurs limites dexposition utilisées aux Etats-Unis et dans dautres pays sappliquent à des substances en suspension dans lair et représentent les conditions dans lesquelles «on estime que la quasi-totalité des travailleurs peuvent être exposés de façon répétée, jour après jour, sans effets nocifs pour leur santé» (ACGIH, 1994) (voir tableau 30.2). Dans certains pays, la valeur limite dexposition est fixée de façon à protéger pour ainsi dire tout le monde. Il est important de noter que, contrairement à certaines valeurs limites concernant les polluants de lair ambiant, leau contaminée ou les additifs alimentaires, fixées par dautres entités professionnelles ou organismes de réglementation, les TLV ne signifient pas que les personnes exposées ne ressentiront aucun inconfort ni aucun trouble (Adkins et coll., 1990). LACGIH reconnaît depuis longtemps déjà quen raison des très grandes différences de sensibilité individuelle, un faible pourcentage de travailleurs peuvent être gênés par certaines substances à des concentrations dune valeur égale ou inférieure à la valeur limite, et quun nombre encore plus restreint dentre eux peuvent même être touchés plus sérieusement du fait de laggravation dun état préexistant ou de lapparition dune maladie professionnelle (Cooper, 1973; ACGIH, 1994). Cest ce que dit, en tout cas, très explicitement lintroduction de la brochure annuelle de lACGIH, Threshold Limit Values for Chemical Substances and Physical Agents and Biological Exposure Indices (ACGIH, 1994).
Pays/province |
Type de norme |
Allemagne |
Dans ce pays, la valeur limite MAK est «la concentration maximale admissible d’un composé chimique présent dans l’air d’une zone de travail (sous forme de gaz, de vapeur ou de particule) qui, d’une façon générale, d’après les connaissances du moment, ne met pas en danger la santé des travailleurs et ne constitue pas une nuisance indue. Dans ces conditions, l’exposition peut être répétée et de longue durée, à raison de 8 heures par jour, pour une semaine de travail de 40 heures en moyenne (ou de 42 heures pendant 4 semaines successives dans les entreprises fonctionnant en 4 postes) […] En matière de protection de la santé, ce sont les critères scientifiques qui prévalent sur les considérations pratiques, techniques ou économiques». |
Argentine |
Les valeurs limites d’exposition professionnelle sont, pour l’essentiel, les mêmes que les TLV publiées par l’ACGIH en 1978, la principale différence étant que pour les 144 substances (sur un total de 630) pour lesquelles l’ACGIH ne donne pas de valeur limite pour une exposition de courte durée (TLV-STEL), celles-ci sont remplacées par les valeurs moyennes pondérées dans le temps (TLV-TWA). |
Australie |
Le Conseil national australien de la santé et de la recherche médicale (NHMRC) a adopté en 1992 une édition révisée du document Occupational Health Guide Threshold Limit Values (1990-91). Les valeurs limites d’exposition professionnelle n’ont pas de valeur légale en Australie, sauf lorsqu’un texte de loi y fait expressément référence. Les TLV de l’ACGIH sont publiées en annexe des guides australiens sur la santé au travail, lesquels sont révisés en même temps que les TLV, soit les années impaires. |
Autriche |
Les valeurs recommandées par le Comité d’experts de la Commission de protection des travailleurs pour l’évaluation des concentrations maximales admissibles (MAK), en collaboration avec l’Institut général de prévention des accidents du Syndicat des travailleurs de l’industrie chimique, sont considérées comme obligatoires par le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales. Elles sont appliquées par l’Inspection du travail aux termes de la loi sur la protection du travail. |
Belgique |
L’Administration de l’hygiène et de la médecine du travail du ministère de l’Emploi et du Travail se fonde sur les TLV de l’ACGIH pour l’établissement des valeurs limites d’exposition professionnelle. |
Brésil |
Depuis 1978, la législation brésilienne en matière de santé au travail utilise les TLV de l’ACGIH. La semaine de travail au Brésil étant habituellement de 48 heures, les valeurs de l’ACGIH ont été corrigées à l’aide d’une formule élaborée à cet effet. A l’époque où elle a été adoptée, la liste de l’ACGIH était limitée aux contaminants de l’air rencontrés dans tout le pays. Depuis, le ministère du Travail a fixé des valeurs pour d’autres contaminants conformément aux recommandations du Fundaçao Centro Nacional de Segurança, Higiene e Medicina do Trabalho. |
Canada (provinces/territoires) |
Chaque province dispose de sa propre réglementation. |
Alberta |
Les valeurs limites d’exposition professionnelle sont régies par la réglementation relative aux risques chimiques de la loi sur la santé et la sécurité au travail, aux termes de laquelle l’employeur doit s’assurer que les travailleurs ne sont pas soumis à des expositions supérieures aux limites autorisées. |
Colombie-Britannique |
Le règlement relatif à la sécurité et à la santé au travail dans l’industrie établit les prescriptions légales applicables à la majeure partie des activités industrielles de la province sur la base des TLV les plus récentes de l’ACGIH pour les contaminants atmosphériques. |
Manitoba |
La réglementation relative aux valeurs limites d’exposition professionnelle et son application relèvent du ministère de l’Environnement et de la Sécurité et de la Santé au Travail. Les critères actuellement retenus pour interpréter les risques sanitaires sont les TLV de l’ACGIH, à l’exception des substances cancérogènes pour lesquelles un niveau d’exposition zéro est fixé «dans la mesure où cela est raisonnablement possible». |
Nouveau-Brunswick |
Les normes applicables sont celles mentionnées dans la dernière publication de l’ACGIH; en cas d’infraction, ce sont celles en vigueur au moment de l’infraction qui s’appliquent. |
Nouvelle-Ecosse |
La liste des valeurs limites est celle publiée par l’ACGIH en 1976, compte tenu de ses modifications et révisions ultérieures. |
Ontario |
Les règlements relatifs à un certain nombre de substances dangereuses sont applicables aux termes de la loi sur la sécurité et la santé au travail, chacun faisant l’objet d’un livret séparé qui comprend le niveau d’exposition admissible et les codes pour les équipements de protection respiratoire, les techniques de mesure des concentrations des aérocontaminants et les méthodes de surveillance médicale. |
Québec |
Les valeurs d’exposition admissibles (PEL) sont semblables aux TLV de l’ACGIH et doivent être impérativement respectées pour les contaminants de l’air présents sur le lieu de travail. |
Territoires du Nord-Ouest |
La Division sécurité du ministère de la Justice des Territoires du Nord-Ouest réglemente la sécurité sur le lieu de travail pour les employés ne relevant pas de l’administration fédérale, conformément à la dernière édition des TLV de l’ACGIH. |
Chili |
La concentration maximale de 11 substances susceptibles d’avoir des effets aigus, graves ou mortels ne peut être dépassée même pendant un laps de temps très court. Les valeurs des normes chiliennes correspondent aux TLV de l’ACGIH auxquelles on applique un facteur de 0,8 pour une semaine de 48 heures. |
Danemark |
Les valeurs limites d’exposition professionnelle concernent 542 substances chimiques et 20 matières particulaires. La législation oblige à respecter les moyennes pondérées dans le temps. Les normes danoises sont établies sur la base des données de l’ACGIH. Environ 25% des valeurs diffèrent de celles de l’ACGIH et sont un peu plus strictes, dans presque tous les cas. |
Equateur |
La législation équatorienne ne comporte aucune liste de niveaux d’exposition admissibles (PEL). En pratique, ce sont les TLV de l’ACGIH qui servent de référence pour l’hygiène industrielle. |
Etats-Unis |
Il existe au moins 6 sources différentes de valeurs limites d’exposition professionnelle: les TLV de l’ACGIH, les limites d’exposition recommandées (REL) du NIOSH, les limites d’exposition professionnelle (WEEL) de l’ AIHA, les normes relatives aux aérocontaminants sur le lieu de travail du Comité Z-37 de l’ANSI, les guides de 1991 de l’Association américaine de santé publique (APHA), ainsi que les recommandations formulées par les administrations locales, régionales ou des Etats. En outre, le ministère du Travail publie des valeurs d’exposition admissibles (PEL) qui ont force de loi et dont l’application est assurée par l’OSHA. |
Finlande |
Les valeurs limites d’exposition professionnelle sont définies comme étant les concentrations jugées dangereuses au moins pour quelques travailleurs exposés pendant une longue période. L’ACGIH estime que presque tous les travailleurs peuvent être exposés à des concentrations inférieures aux TLV sans effet nocif, tandis qu’en Finlande, les expositions supérieures à la valeur limite sont considérées comme potentiellement dangereuses. |
Irlande |
Ce sont en principe les dernières TLV de l’ACGIH qui sont appliquées, mais leur liste ne figure pas dans la législation ou la réglementation nationales. |
Pays-Bas |
Les concentrations maximales admissibles MAC proviennent principalement de la liste de l’ACGIH, mais aussi de celles de la République fédérale d’Allemagne et du NIOSH aux Etats-Unis. On considère qu’elles correspondent «aux concentrations dans l’air du lieu de travail qui, d’après les connaissances du moment, ne sont généralement pas nocives pour les travailleurs ou leur descendance, après une exposition répétée et de longue durée, voire durant toute la vie professionnelle». |
Philippines |
Ce pays utilise les TLV de 1970 de l’ACGIH modifiées comme suit: 50 ppm pour le chlorure de vinyle et 0,15 mg/m3 pour le plomb, les composés inorganiques, les fumées et les poussières. |
Russie, Fédération de |
L’ex-URSS avait établi nombre de ses valeurs limites dans le but d’éliminer tout effet sur la santé indésirable, même réversible. Ces réponses subcliniques, entièrement réversibles, aux expositions sur le lieu de travail ont été jusqu’à présent considérées comme trop restrictives pour être utilisées aux Etats-Unis et dans la plupart des autres pays. En fait, vu les difficultés techniques et économiques que pose le respect de niveaux aussi bas de contaminants de l’air sur le lieu de travail, il ne semble guère qu’ils aient été effectivement respectés dans les pays qui les ont adoptés. Il s’agirait donc davantage de normes idéales que d’obligations auxquelles les employeurs sont légalement ou moralement tenus de se conformer. |
Source: Cook, 1986.
Cette restriction, que lon peut certes déplorer, est toutefois jugée pratique dans la mesure où lon considère généralement irréaliste, pour des raisons techniques ou économiques, de fixer les concentrations maximales de substances en suspension dans lair à des niveaux suffisamment bas pour protéger les travailleurs hypersensibles. Jusque vers 1990, personne ne sest vraiment préoccupé de cette situation, mais avec les progrès remarquables accomplis depuis le milieu des années quatre-vingt sur le plan tant des moyens analytiques que des dispositifs de surveillance/déchantillonnage individuel et des techniques de surveillance biologique, sans parler de la robotisation de la maîtrise des risques, nous sommes désormais capables, dun point de vue technologique, denvisager des limites dexposition professionnelle plus rigoureuses.
Les données de référence et les principes retenus pour le calcul de chaque valeur seuil (TLV) sont publiés régulièrement dans Documentation of the Threshold Limit Values (ACGIH, 1995). Certains documents sont parfois disponibles sur les valeurs limites définies dans les autres pays. Avant dinterpréter ou dajuster une limite dexposition donnée, il faut toujours consulter la documentation qui sy rapporte, ainsi que les données à partir desquelles elle a été fixée (ACGIH, 1994).
Les TLV sont définies à laide des meilleures informations fournies aussi bien par lexpérience acquise dans lindustrie que par les études expérimentales réalisées sur lhumain et lanimal (Smith et Olishifski, 1988; ACGIH, 1994). Lanalyse préalable au choix des valeurs limites varie dune substance à lautre. Ainsi, la protection contre une atteinte pathologique sera le facteur déterminant dans certains cas, alors que dans dautres, ce sera labsence dirritation, de narcose, de nuisance ou de toute autre forme dagression. Les informations dont on dispose pour définir les valeurs limites dexposition professionnelle sont également plus ou moins récentes et plus ou moins complètes selon les substances; par conséquent, les TLV nont pas toutes la même précision. Il faut toujours consulter la TLV la plus récente et la documentation correspondante (ou son équivalent) afin dévaluer la qualité des données sur lesquelles elle repose.
Bien que toutes les publications contenant des valeurs limites insistent sur le fait que ces normes sont uniquement destinées à sécuriser lexposition sur le lieu de travail, elles ont parfois été utilisées à dautres fins. Cest pourquoi toutes les valeurs limites doivent être interprétées et appliquées exclusivement par une personne compétente en hygiène industrielle et en toxicologie. Le comité des TLV (ACGIH, 1994) ne voulait pas quelles soient utilisées ou modifiées en vue dêtre utilisées:
Le comité des TLV et les autres organes qui établissent des valeurs limites dexposition professionnelle précisent bien que ces valeurs ne devraient pas «être utilisées directement», ni faire lobjet dune extrapolation à dautres environnements. Toutefois, si lon comprend le raisonnement scientifique qui justifie la directive et si lon sait extrapoler correctement les données, on peut les utiliser pour déterminer des niveaux dexposition admissibles dans un grand nombre de situations professionnelles différentes (ACGIH, 1994; Hickey et Reist, 1979).
A lorigine, les TLV étaient réservées à lusage des hygiénistes du travail, qui pouvaient les appliquer en disposant dune certaine marge dappréciation. Elles ne devaient pas être utilisées à des fins juridiques (Baetjer, 1980). Cependant, en 1968, la loi américaine Walsh-Healey a conféré un caractère légal aux TLV alors en vigueur, qui concernaient environ 400 produits chimiques. En outre, lorsque la loi sur la sécurité et la santé au travail a été adoptée aux Etats-Unis, il est devenu obligatoire que toutes les normes soient issues dun consensus national ou établies à léchelon fédéral.
Les valeurs limites dexposition aux polluants atmosphériques sur le lieu de travail reposent sur le principe selon lequel, bien que toutes les substances chimiques soient toxiques à une certaine concentration lorsquon y est exposé pendant quelque temps, il existe pour chacune delles une concentration (ou dose) qui ne peut produire aucun effet nocif, quelle que soit la fréquence dexposition. Ce principe sapplique aux substances ayant des effets limités du type irritation, narcose, nuisance ou autre forme dagression (Stokinger, 1981; ACGIH, 1994).
Cette conception diffère donc de celle qui sapplique aux agents physiques tels que les rayonnements ionisants et à quelques cancérogènes chimiques pour lesquels il nexiste peut-être pas de seuil ou de dose ne comportant aucun risque (Stokinger, 1981). La question des effets de seuil est au centre dune controverse qui divise les scientifiques les plus renommés (Seiler, 1977; Watanabe et coll., 1980; Stott et coll., 1981; Butterworth et Slaga, 1987; Bailer et coll., 1988; Wilkinson, 1988; Bus et Gibson, 1994). Cest pourquoi certaines valeurs limites dexposition professionnelle proposées par les organismes de réglementation au début des années quatre-vingt ont été fixées à des niveaux qui, bien que nétant pas tout à fait sans danger, nimpliquaient pas de risques plus grands que les risques professionnels habituels tels quélectrocution, chute, etc. Même dans les environnements où aucun produit chimique industriel nest utilisé, le risque global daccident mortel sur le lieu de travail est denviron un pour mille. Telle est la logique qui a présidé au choix dun critère de risque de cancer théorique dans la définition des TLV applicables aux cancérogènes chimiques (Rodricks, Brett et Wrenn, 1987; Travis et coll., 1987).
Les valeurs limites établies aussi bien aux Etats-Unis quailleurs ont de nombreuses sources. Les TLV de 1968, que la loi sur la sécurité et lhygiène du travail votée en 1970 a converties en réglementation fédérale, reposaient en grande partie sur lexpérience humaine. Cette situation peut paraître surprenante pour de nombreux hygiénistes qui exercent cette profession depuis peu, mais il est vrai que dans la plupart des cas, cest seulement après avoir découvert quune substance était toxique, provoquait des irritations ou avait dautres effets indésirables chez lhumain que lon a décidé dadopter une limite dexposition. Comme on pouvait sy attendre, parmi les valeurs limites récentes concernant les produits toxiques systémiques, notamment les limites définies par les fabricants, beaucoup ont été fixées pour lessentiel sur la base de tests toxicologiques menés sur des animaux, sans que lon ait attendu de constater la nocivité des substances en question pour les personnes exposées (Paustenbach et Langner, 1986). Dès 1945, le comité des TLV a reconnu que les tests sur les animaux étaient très précieux: ils constituent en effet la deuxième grande source dinformation ayant servi à lélaboration de directives (Stokinger, 1970).
Plusieurs approches ont été proposées et employées au cours des 40 dernières années pour déterminer les valeurs limites à partir des données tirées de lexpérimentation animale. La démarche employée par le comité des TLV et par dautres nest pas fondamentalement différente de celle qui a permis à lAdministration fédérale de contrôle des denrées alimentaires et des produits pharmaceutiques (Food and Drug Administration (FDA)) aux Etats-Unis détablir des niveaux dapport journalier admissibles pour les additifs alimentaires. Une bonne compréhension de cette démarche peut savérer très précieuse pour les hygiénistes du travail chargés dinterpréter ces valeurs limites (Dourson et Stara, 1983).
Diverses approches méthodologiques permettant de définir des limites dexposition professionnelle uniquement sur la base de données provenant dessais sur les animaux ont également été présentées (Weil, 1972; OMS et BIT, 1977; Zielhuis et van der Kreek; 1979a, 1979b; Calabrese, 1983; Dourson et Stara, 1983; Leung et Paustenbach, 1988a; Finley et coll., 1992; Paustenbach, 1995). Bien quelles comportent un certain degré dincertitude, elles semblent bien meilleures que lextrapolation qualitative de lanimal à lhumain.
Environ 50% des TLV de 1968 étaient fondées sur des données humaines et environ 30% sur des données animales. En 1992, ces TLV découlaient essentiellement pour près de 50% de lexpérimentation animale. Les critères utilisés pour établir les TLV peuvent être classés en quatre groupes: morphologique, fonctionnel, biochimique et divers (nuisance, confort). La plupart des TLV qui reposent sur des données humaines ont été établies à partir de lobservation des effets produits sur des personnes exposées pendant plusieurs années. Autrement dit, la plupart des TLV existantes résultent de la surveillance de lexposition professionnelle, complétée par des données dobservation qualitatives et quantitatives sur la réaction du corps humain à la contamination (Stokinger, 1970; Park et Snee, 1983). Par contre, les TLV récemment définies pour de nouveaux produits chimiques font davantage appel aux essais sur lanimal quà lexpérience humaine (Leung et Paustenbach, 1988b; Leung et coll., 1988).
Il est intéressant de noter quen 1968 environ 50% seulement des TLV avaient avant tout pour but dempêcher les effets toxiques systémiques. Quelque 40% concernaient les problèmes dirritation et environ 2% visaient à prévenir le cancer. En 1993, les proportions correspondantes étaient denviron 50%, 35% et 5%, respectivement. La figure 30.10 résume les données fréquemment utilisées dans lélaboration des valeurs limites dexposition professionnelle.
Avant 1975, les valeurs limites dexposition professionnelle établies pour prévenir les phénomènes dirritation étaient en grande partie le fruit dessais sur lhumain. Depuis lors, plusieurs modèles dexpérimentation animale ont été mis au point (Kane et Alarie, 1977; Alarie, 1981; Abraham et coll., 1990; Nielsen, 1991). Un autre modèle basé sur des caractéristiques chimiques a été utilisé pour définir des valeurs préliminaires pour les acides et les bases organiques (Leung et Paustenbach, 1988a).
En 1972, le comité de lACGIH a commencé à faire la distinction entre les produits cancérogènes pour lhumain et pour lanimal dans sa liste de TLV. Daprès Stokinger (1977), lune des raisons de cette distinction était damener les participants aux discussions (représentants des syndicats, travailleurs et public) à se concentrer sur les produits chimiques auxquels les travailleurs étaient le plus susceptibles dêtre exposés sur leur lieu de travail.
A partir de 1988, de nombreuses personnes se sont interrogées sur lefficacité des TLV au regard de leur objectif de protection de la santé. La question clé était de savoir quel pourcentage de la population active était véritablement protégée en cas dexposition aux concentrations définies par les normes.
Pour Castleman et Ziem (1988) et Ziem et Castleman (1989), les TLV navaient pas de véritable base scientifique et les hygiénistes qui les formulaient étaient liés aux industries soumises à la réglementation.
Ces critiques ont déclenché un vaste débat entre partisans et détracteurs des travaux de lACGIH (Finklea, 1988; Paustenbach, 1990a, 1990b, 1990c; Tarlau, 1990). Dans une étude ultérieure, Roach et Rappaport (1990) ont tenté de quantifier la marge de sécurité et la validité scientifique des TLV. Ils sont arrivés à la conclusion quil existait de sérieuses contradictions entre les données scientifiques disponibles et linterprétation proposée par le comité des TLV dans sa Documentation de 1976, et que les normes reflétaient probablement ce qui était jugé réaliste et réalisable à un moment donné. LACGIH a répondu à lanalyse de Roach et Rappaport comme à celle de Castleman et Ziem en soulignant linexactitude des faits reprochés.
On débattra sans doute encore longtemps du bien-fondé de lanalyse de Roach et Rappaport, ou encore de celle de Castleman et Ziem, mais il est clair que le processus de définition des TLV et dautres valeurs limites dexposition ne sera probablement plus jamais ce quil était entre 1945 et 1990. Dans les années à venir, la documentation de ces normes sera sans doute plus explicite quant à leur raison dêtre et au degré de risque encouru. Dautre part, il est certain que des notions telles que «pratiquement sans danger», ou «risque insignifiant» changeront de sens à mesure quévolueront les valeurs de la société (Paustenbach 1995, 1997).
Le durcissement des TLV ou autres valeurs limites dexposition que lon pourra sans aucun doute constater prochainement sera fonction du type deffet sur la santé quil sagit dempêcher (dépression du système nerveux central, toxicité aiguë, odeur, irritation, effets sur le développement, ou autres). Toutefois, il est difficile de savoir dans quelle mesure le comité des TLV aura recours aux divers modèles de prévision de la toxicité ou encore quels critères de risque il adoptera le siècle prochain.
On ne sait pas encore très bien dans quelle mesure le travail posté affecte les capacités dun travailleur, sa longévité, sa mortalité et son bien-être en général. Des postes et horaires de travail dits aménagés ont été mis en place dans plusieurs industries en vue déliminer, ou tout au moins datténuer, certains des problèmes provoqués par lorganisation classique du travail en trois périodes de 8 heures. Lune des formules adoptées consiste à définir des périodes de travail dune durée supérieure à 8 heures et à comprimer le nombre de jours ouvrés par semaine (par exemple, 12 heures par jour, 3 jours par semaine). On peut aussi aménager lhoraire de travail de manière à fractionner lexposition à un agent chimique ou physique donné (par exemple, cinq fois 30 minutes par jour avec un intervalle dune heure entre les expositions). Enfin, il existe des situations qualifiées de «cas critiques» qui entraînent une exposition permanente à un contaminant de lair (par exemple, dans un véhicule spatial ou dans un sous-marin).
La semaine de travail comprimée a principalement cours dans le cadre dactivités non manufacturières. Elle concerne le travail à temps complet (40 heures par semaine) effectué sur moins de 5 jours par semaine. Les variantes les plus courantes sont: a) 10 heures par jour, 4 jours par semaine; b) 12 heures par jour, 3 jours par semaine; c) une semaine de travail de 4½ jours comprenant 4 journées de 9 heures et une journée de 4 heures (en principe le vendredi); d) la formule dite des 5/4, 9, consistant à alterner des semaines de travail de 4 et 5 jours à raison de 9 heures de travail par jour (Nollen et Martin, 1978; Nollen, 1981).
Environ 5% seulement de la population active américaine a un horaire de travail aménagé. Parmi ces 5%, seules quelque 50 000 à 200 000 personnes travaillent dans des industries où elles sont constamment exposées à de fortes concentrations de produits chimiques en suspension dans lair. On estime quau Canada les travailleurs en contact avec des substances chimiques sont proportionnellement plus nombreux à bénéficier dhoraires de travail aménagés (Paustenbach, 1994).
Comme le note Lundberg (1994), tous les comités nationaux de normalisation se heurtent au problème que pose la définition dune approche scientifique commune. Une initiative internationale serait pourtant profitable en la matière, étant donné que la rédaction de documents relatifs aux critères adoptés est un processus long et coûteux (Paustenbach, 1995).
Ce projet a conduit le Conseil des ministres des pays nordiques (Nordic Council of Ministers) à créer en 1977 le groupe dexperts des pays nordiques (NEG) chargé de mettre au point les documents de référence devant servir de base scientifique à lélaboration des valeurs limites dexposition professionnelle dans les cinq pays concernés (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède). Ces documents ont abouti à la définition dun effet critique, à savoir celui que provoque lexposition la plus basse, ainsi que des relations dose-réponse/dose-effet. Leffet critique en question est leffet nocif qui apparaît à lexposition la plus faible. Les facteurs de sécurité ny sont pas pris en compte et aucune valeur chiffrée nest proposée. Depuis 1987, les documents critères du NEG sont également publiés en anglais une fois par an.
Lundberg (1994) préconise quant à lui une approche uniforme pour tous les pays, sur la base dun document normalisé comme suit:
Dans la pratique, les pays qui élaborent des valeurs limites dexposition professionnelle procèdent tous à peu près de la même façon. Il devrait donc être relativement facile de se mettre daccord sur un modèle de document de référence normalisé contenant les informations clés. Le choix de la marge de sécurité à inclure dans les valeurs limites serait ensuite fonction des décisions prises dans chaque pays.