En 1919, année de sa création, lOrganisation internationale du Travail (OIT) a déclaré le charbon maladie professionnelle. Puis, en 1925, la convention no 18 sur les maladies professionnelles a établi la première liste de ces maladies: elle en comportait trois. En 1934, la convention no 42 est venue réviser la convention no 18 en dressant une liste de dix maladies professionnelles. A sa 48e session, la Conférence internationale du Travail a adopté la convention (no 121) sur les prestations en cas daccidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [tableau I modifié en 1980], cette fois-ci avec une liste séparée, figurant en annexe à la convention, ce qui permettait de la modifier sans avoir à adopter une nouvelle convention (BIT, 1964).
Dans sa troisième édition, lEncyclopaedia of Occupational Health and Safety du BIT effectuait une distinction entre les conditions pathologiques susceptibles daffecter les travailleurs: dune part, les maladies dues à la profession (maladies professionnelles) et les maladies aggravées par le travail ou ayant une incidence plus élevée du fait des conditions de travail (maladies liées au travail) et, dautre part, les affections sans relation avec le travail. Dans certains pays, toutefois, les maladies liées au travail sont traitées de la même façon que celles qui sont causées par le travail et qui sont en fait des maladies professionnelles. Les concepts de maladie liée au travail et de maladie professionnelle ont toujours donné lieu à controverse.
En 1987, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a suggéré dutiliser le terme maladie liée au travail pour désigner non seulement les maladies professionnelles reconnues comme telles, mais aussi les affections auxquelles le milieu de travail et lexercice de lactivité professionnelle contribuent de manière importante (Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, 1989). Lorsquil semble clair quil existe une relation de cause à effet entre une exposition professionnelle et une maladie spécifique, cette maladie est habituellement considérée à la fois sur le plan médical et sur le plan légal comme une maladie professionnelle et peut être définie en tant que telle. On ne peut cependant pas définir de façon aussi précise toutes les maladies liées au travail. Dans son paragraphe 6 (1), la recommandation (no 121) concernant les prestations en cas daccidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, définit comme suit la maladie professionnelle: «Tout membre devrait, dans des conditions prescrites, reconnaître comme maladies professionnelles les maladies dont il est connu quelles résultent de lexposition, dans des procédés, activités ou occupations, à des substances ou à des dangers inhérents à ces procédés, activités ou occupations».
Il nest toutefois pas facile de désigner une maladie comme étant liée au travail. En fait, il existe un large éventail de maladies qui pourraient être liées dune manière ou dune autre à la profession ou aux conditions de travail. Dune part, il existe des maladies classiques dont la nature est professionnelle, qui sont généralement liées à un agent causal et qui sont relativement faciles à identifier. Dautre part, il existe toutes sortes de troubles sans liens forts ou particuliers avec la profession et qui ont de nombreux agents causals potentiels.
Un grand nombre de ces maladies à étiologie multifactorielle ne peuvent être liées au travail que dans certaines conditions particulières. Ce sujet a été étudié dans le cadre dun colloque international sur les maladies liées au travail, organisé par le BIT à Linz (Autriche), en octobre 1992 (BIT, 1993). La relation entre le travail et la maladie permet de distinguer les catégories suivantes:
La définition des maladies professionnelles contient deux éléments principaux:
Il est évident quil convient détablir clairement la relation entre lexposition et leffet. A cet égard, les données cliniques et pathologiques, de même que les antécédents professionnels et lanalyse des tâches, sont indispensables, et les données épidémiologiques utiles, pour déterminer la relation exposition-effet dune maladie professionnelle spécifique et sa présence dans des professions spécifiques.
En règle générale, les symptômes de ces troubles ne sont pas suffisamment caractéristiques pour permettre de diagnostiquer une maladie professionnelle autrement que sur la base de la connaissance des changements pathologiques engendrés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques et autres rencontrés dans lexercice dune profession. Il est par conséquent normal que, du fait de lamélioration des connaissances sur les effets des facteurs en question, de laugmentation progressive du nombre des substances employées et de la qualité ou de la variété des agents suspectés, il soit possible, aujourdhui mieux quhier, de procéder à un diagnostic précis tout en élargissant léventail de ces maladies. Parallèlement à lenvolée impressionnante des travaux de recherche dans ce domaine, le développement et le perfectionnement des enquêtes épidémiologiques ont contribué de façon importante à lamélioration des connaissances sur les relations entre lexposition et les effets, ce qui a facilité, entre autres, la définition et lidentification des différentes maladies professionnelles. Lidentification dune maladie comme étant dorigine professionnelle constitue en réalité un exemple spécifique de prise de décision clinique ou dépidémiologie clinique appliquée. Lactivité consistant à décider de la cause dune maladie nest pas une science exacte, mais une question de jugement fondé sur un examen critique de tous les éléments de preuve disponibles, qui devraient comprendre:
Lampleur du risque est un autre élément fondamental généralement retenu pour déterminer si une maladie peut être considérée comme dorigine professionnelle ou non. Les critères quantitatifs et qualitatifs jouent un rôle important dans lévaluation du risque de contracter une maladie professionnelle. Ce risque peut sexprimer soit en termes dampleur par exemple, les quantités de produit utilisées, le nombre de travailleurs exposés, les taux de prévalence de la maladie dans différents pays soit en termes de gravité, laquelle peut être évaluée sur la base des effets du risque sur la santé des travailleurs (par exemple, la probabilité quil provoque un cancer ou des mutations, quil ait des effets hautement toxiques ou quil provoque à terme une invalidité). Il convient de remarquer que les statistiques disponibles en ce qui concerne les taux de prévalence et le degré de gravité des maladies professionnelles devraient être considérées avec prudence en raison des différences entre les procédures utilisées pour notifier les cas et compiler et évaluer les données. On peut dailleurs en dire autant en ce qui concerne le nombre des travailleurs exposés, car les données à ce sujet ne sauraient être quapproximatives.
Enfin, au niveau international, il faut prendre en compte un autre facteur, lui aussi très important: le fait que la maladie soit reconnue comme maladie professionnelle par la législation dun certain nombre de pays est un critère important sur lequel fonder la décision de linscrire sur la liste internationale. On peut en effet considérer que son inclusion dans la liste des maladies ouvrant droit à prestations, telle quétablie par un grand nombre de pays, prouve quelle revêt une importance sociale et économique considérable et que les facteurs de risque impliqués sont reconnus et rencontrés pratiquement partout dans le monde.
En résumé, les critères qui servent à déterminer quune nouvelle maladie doit être ajoutée à la liste internationale des maladies professionnelles sont les suivants: la solidité de la relation entre lexposition et les effets, la fréquence de la maladie dans une activité ou un milieu de travail spécifiques (facteur qui comprend à la fois la fréquence de lapparition de la maladie et la nature spécifique de cette relation), lampleur du risque en termes de nombre de travailleurs exposés ou de gravité du risque, et le fait que la maladie figure sur de nombreuses listes nationales des maladies professionnelles.
La relation exposition-effet (cest-à-dire la relation entre lexposition et la gravité de laffection) et la relation exposition-réponse (cest-à-dire le lien entre lexposition et le nombre relatif des sujets touchés) sont des éléments importants pour lidentification des maladies professionnelles qui, ces dix dernières années, a fait de grands progrès grâce à la recherche et aux études épidémiologiques. Ces informations sur le lien de cause à effet entre les maladies et lexposition sur le lieu de travail nous ont permis de parvenir à une meilleure définition médicale des maladies professionnelles. La définition des maladies professionnelles par la loi, qui était auparavant un problème assez complexe, sest donc rapprochée de plus en plus des définitions médicales. Les dispositions législatives qui donnent droit à réparation varient dun pays à un autre. Larticle 8 de la convention (no 121) sur les prestations en cas daccidents du travail et de maladies professionnelles dispose que:
Tout Membre doit:
a) soit établir, par voie de législation, une liste des maladies comprenant au moins les maladies énumérées au tableau I joint à la présente convention et qui seront reconnues comme maladies professionnelles dans des conditions prescrites;
b) soit inclure dans sa législation une définition générale des maladies professionnelles qui devra être suffisamment large pour couvrir au moins les maladies énumérées au tableau I joint à la présente convention;
c) soit établir, par voie de législation, une liste de maladies conformément à lalinéa a), complétée par une définition générale des maladies professionnelles ou par des dispositions permettant détablir lorigine professionnelle de maladies autres que celles qui figurent sur la liste ou de maladies qui ne se manifestent pas dans les conditions prescrites.
La solution a) est appelée le système de list; la solution b), le système de la définition générale ou système de couverture global; et la solution c), le système mixte.
Si le système de liste présente linconvénient de ne couvrir quun certain nombre de maladies professionnelles, il a lavantage dénumérer les maladies pour lesquelles il y a présomption dorigine professionnelle. Il est souvent très difficile, voire impossible, de prouver quune maladie est directement attribuable à la profession de la victime. Le paragraphe 6 (2) de la recommandation no 121 précise que «le travailleur, sauf preuve du contraire, devrait bénéficier de la présomption que la maladie est dorigine professionnelle» (dans les conditions prescrites). Ce système présente également un grand avantage, celui dindiquer clairement les points sur lesquels faire porter la prévention. Le système de la définition générale couvre théoriquement toutes les maladies professionnelles: il offre une protection souple et large, mais il laisse le soin à la victime de prouver lorigine professionnelle de la maladie et il ne met pas laccent sur une prévention spécifique.
Du fait de cette différence très marquée entre une définition générale et une liste de maladies spécifiques, le système mixte a obtenu la faveur de nombreux Etats Membres de lOIT, car il combine les avantages des deux autres systèmes sans en présenter les inconvénients.
La liste de lOIT joue un rôle clé dans la mise au point de la politique relative aux maladies professionnelles et dans la promotion de leur prévention. Elle occupe en fait une place considérable dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Elle indique clairement quelles sont les maladies ou les affections qui peuvent et devraient être prévenues. Telle quelle se présente, elle ne comprend pas toutes les maladies professionnelles. Elle devrait inclure celles qui sont les plus courantes dans les différentes branches dactivité de nombreux pays et dont la prévention peut avoir leffet le plus marqué sur la santé des travailleurs.
Dans de nombreux pays, la structure de lemploi et des risques varie fortement et de façon continue, et la recherche et les études épidémiologiques ont étendu les connaissances sur les maladies professionnelles: aussi, la liste doit-elle être modifiée et complétée pour refléter létat des connaissances et assurer un traitement équitable aux victimes de ces maladies.
Dans les pays développés, les industries lourdes telles que la sidérurgie et les mines souterraines ont beaucoup perdu de leur importance, et les conditions liées au milieu de travail se sont améliorées. Par comparaison, les services, lautomatisation et linformatisation ont gagné du terrain. Les femmes sont aujourdhui beaucoup plus nombreuses à travailler et la plupart dentre elles continuent à soccuper des enfants et des tâches ménagères tout en exerçant une activité professionnelle à lextérieur. Le besoin de services de garde pour les enfants se fait plus pressant et, du fait de cette évolution générale, les femmes subissent un stress accru. Le travail de nuit et le travail posté sont devenus pratique courante. Le stress, sous tous ses aspects, est aujourdhui un problème préoccupant.
Dans les pays en développement, les industries lourdes prennent rapidement une place de plus en plus grande pour répondre à la demande locale, exporter et fournir des emplois à ces populations en pleine croissance démographique. Les populations rurales migrent vers les villes pour y rechercher des emplois et échapper à la pauvreté.
Les risques que certains nouveaux produits chimiques présentent pour la santé de lêtre humain sont connus; pour mieux établir leur incidence toxicologique et cancérogène, on porte une attention particulière aux tests biologiques à court terme et aux tests de longue durée pratiqués sur des animaux. Lexposition des travailleurs est probablement contenue à des niveaux relativement faibles, dans la plupart des pays développés, mais on ne saurait en dire autant de lutilisation des produits chimiques dans un grand nombre dautres pays. Il suffit de rappeler lutilisation des pesticides et des herbicides dans lagriculture. Bien que ces produits permettent sans aucun doute daugmenter à court terme le rendement à lhectare et de mieux lutter contre les maladies transmises par un vecteur, comme la malaria, nous ne connaissons pas exactement les conditions dans lesquelles ils peuvent être utilisés sans avoir de sérieuses répercussions sur la santé des travailleurs agricoles ou des personnes qui consomment les aliments ainsi produits. Il semble que, dans certains pays, lutilisation de ces produits ait provoqué lintoxication dun très grand nombre de travailleurs agricoles. Même dans les pays industriels avancés, la santé des travailleurs agricoles pose un grave problème. Leur isolement et labsence de surveillance les exposent à un risque réel. Question particulièrement préoccupante, la fabrication de certains produits chimiques se poursuit dans certains pays, alors que leur usage y est interdit; ces produits sont destinés à être exportés dans des pays où ils ne font lobjet daucune réglementation.
Dans les pays industriels, la conception et le fonctionnement des bâtiments modernes clos et du matériel de bureau électronique quils contiennent retiennent lattention. Les mouvements répétitifs continus sont généralement considérés comme étant à lorigine de symptômes pathologiques.
Sur le lieu de travail, la fumée de tabac, bien quelle ne soit pas considérée en elle-même comme une cause de maladie professionnelle devient, semble-t-il, une question à lordre du jour. Les non-fumeurs tolèrent de moins en moins les risques pour leur santé que leur fait courir la fumée émise par leurs voisins. La promotion des ventes des produits du tabac dans les pays en développement ne manquera pas de provoquer sous peu une épidémie sans précédent des maladies dans ces pays. Lexposition des non-fumeurs à la pollution par la fumée du tabac appellera donc une attention croissante. Certains pays ont déjà adopté une législation à ce sujet. Lun des risques les plus graves est celui que court le personnel de santé déjà exposé à différents produits chimiques et sensibilisateurs, ainsi quà diverses infections, telles lhépatite et le sida.
Dans tous les pays, lentrée des femmes dans la population active pose le problème des troubles de la reproduction liés aux facteurs inhérents au lieu de travail stérilité, dysfonctionnements sexuels et effets sur le ftus et la grossesse , lorsquelles sont exposées à des agents chimiques et à certains facteurs propres au poste de travail tels que les problèmes ergonomiques. On constate de plus en plus que les travailleurs de sexe masculin sont victimes des mêmes problèmes.
Compte tenu de lévolution des populations et des risques, il faut absolument réexaminer la liste actuelle et y ajouter toutes les maladies identifiées à ce jour comme étant dorigine professionnelle. La liste annexée à la convention no 121 devrait donc être mise à jour afin dinclure dorénavant toutes les affections généralement reconnues comme étant dorigine professionnelle et toutes celles qui sont impliquées dans la plupart des risques pour la santé. A cet effet, une consultation officieuse sur la révision de la liste des maladies professionnelles annexée à la convention no 121 a été organisée par le BIT à Genève, en décembre 1991. Dans leur rapport, les experts ont proposé ladoption dune nouvelle liste, que lon trouvera au tableau 26.1.
1. |
Maladies causées par des agents |
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1.1 |
Maladies causées par des agents chimiques |
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1.1.1 |
Maladies causées par le béryllium ou ses composés toxiques |
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1.1.2 |
Maladies causées par le cadmium ou ses composés toxiques |
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1.1.3 |
Maladies causées par le phosphore ou ses composés toxiques |
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1.1.4 |
Maladies causées par le chrome ou ses composés toxiques |
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1.1.5 |
Maladies causées par le manganèse ou ses composés toxiques |
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1.1.6 |
Maladies causées par l’arsenic ou ses composés toxiques |
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1.1.7 |
Maladies causées par le mercure ou ses composés toxiques |
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1.1.8 |
Maladies causées par le plomb ou ses composés toxiques |
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1.1.9 |
Maladies causées par le fluor ou ses composés toxiques |
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1.1.10 |
Maladies causées par le sulfure de carbone |
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1.1.11 |
Maladies causées par les dérivés halogénés toxiques des hydrocarbures aliphatiques ou aromatiques |
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1.1.12 |
Maladies causées par le benzène ou ses homologues toxiques |
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1.1.13 |
Maladies causées par les dérivés nitrés et aminés toxiques du benzène ou de ses homologues |
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1.1.14 |
Maladies causées par la nitroglycérine ou d’autres esters nitriques acides |
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1.1.15 |
Maladies causées par les alcools, les glycols ou les cétones |
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1.1.16 |
Maladies causées par les substances asphyxiantes: oxyde de carbone, acide cyanhydrique ou ses dérivés toxiques, hydrogène sulfuré |
||
1.1.17 |
Maladies causées par l’acrylonitrile |
||
1.1.18 |
Maladies causées par les oxydes d’azote |
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1.1.19 |
Maladies causées par le vanadium ou ses composés toxiques |
||
1.1.20 |
Maladies causées par l’antimoine ou ses composés toxiques |
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1.1.21 |
Maladies causées par l’hexane |
||
1.1.22 |
Maladies des dents causées par les acides minéraux |
||
1.1.23 |
Maladies causées par des agents pharmaceutiques |
||
1.1.24 |
Maladies causées par le thallium ou ses composés |
||
1.1.25 |
Maladies causées par l’osmium ou ses composés |
||
1.1.26 |
Maladies causées par le sélénium ou ses composés toxiques |
||
1.1.27 |
Maladies causées par le cuivre ou ses composés |
||
1.1.28 |
Maladies causées par l’étain ou ses composés |
||
1.1.29 |
Maladies causées par le zinc ou ses composés toxiques |
||
1.1.30 |
Maladies causées par l’ozone, le phosgène |
||
1.1.31 |
Maladies causées par des substances irritantes: benzoquinone et autres irritants de la cornée |
||
1.1.32 |
Maladies causées par tout autre agent chimique non mentionné aux entrées 1.1.1 à 1.1.31 lorsqu’un lien a été établi entre l’exposition d’un travailleur à l’un de ces agents chimiques et la maladie dont il est atteint |
||
1.2 |
Maladies causées par des agents physiques |
||
1.2.1 |
Déficit auditif causé par le bruit |
||
1.2.2 |
Maladies causées par les vibrations (affections des muscles, des tendons, des os, des articulations, des vaisseaux périphériques ou des nerfs périphériques) |
||
1.2.3 |
Maladies causées par le travail dans l’air comprimé |
||
1.2.4 |
Maladies causées par les rayonnements ionisants |
||
1.2.5 |
Maladies causées par le rayonnement thermique |
||
1.2.6 |
Maladies causées par le rayonnement ultra-violet |
||
1.2.7 |
Maladies causées par les températures extrêmes (par exemple coups de soleil, gelures) |
||
1.2.8 |
Maladies causées par tout autre agent physique non mentionné aux entrées 1.2.1 à 1.2.7 lorsqu’un lien direct a été établi entre l’exposition d’un travailleur à l’un de ces agents physiques et la maladie dont il est atteint |
||
1.3 |
Maladies causées par des agents biologiques |
||
1.3.1 |
Maladies infectieuses ou parasitaires contractées dans l’exercice d’une profession qui comporte un risque particulier de contamination |
||
2. |
Maladies systémiques désignées en fonction de l’organe cible |
||
2.1 |
Maladies professionnelles de l’appareil respiratoire |
||
2.1.1 |
Pneumoconioses causées par des poussières minérales sclérogènes (silicose, anthraco-silicose, asbestose) et silico- tuberculose, à condition que la silicose soit un facteur prédominant de l’incapacité ou de la mort |
||
2.1.2 |
Affections bronchopulmonaires causées par les poussières de métaux durs |
||
2.1.3 |
Affections bronchopulmonaires causées par les poussières de coton, de lin, de chanvre ou de sisal (byssinose) |
||
2.1.4 |
Asthme professionnel causé par des agents sensibilisants ou irritants reconnus, inhérents au processus de travail |
||
2.1.5 |
Alvéolite allergique extrinsèque causée par l’inhalation de poussières organiques, selon les prescriptions de la législation nationale |
||
2.1.6 |
Sidérose |
||
2.1.7 |
Affections pulmonaires obstructives chroniques |
||
2.1.8 |
Affections pulmonaires causées par l’aluminium |
||
2.1.9 |
Affections des voies aériennes supérieures causées par des agents sensibilisants ou irritants reconnus, inhérents au processus de travail |
||
2.1.10 |
Toute autre affection des voies respiratoires non mentionnée aux entrées 2.1.1 à 2.1.9 causée par un agent extérieur lorsqu’un lien direct a été établi entre l’exposition d’un travailleur à cet agent et la maladie dont il est atteint |
||
2.2 |
Dermatoses professionnelles |
||
2.2.1 |
Dermatoses causées par des agents physiques, chimiques ou biologiques non mentionnés à d’autres entrées |
||
2.2.2 |
Vitiligo professionnel |
||
2.3 |
Affections de l’appareil musculaire et du squelette |
||
2.3.1 |
Affections de l’appareil musculaire et du squelette causées par une activité professionnelle particulière ou par un milieu de travail comportant des facteurs de risques particuliers |
||
Exemples de telles activités et de tels milieux: |
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a) mouvement rapide et répétitif |
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b) efforts extrêmes |
|||
c) excessive concentration de force mécanique |
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d) postures gênantes ou contraignantes |
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e) vibrations |
|||
Le froid localisé ou ambiant est de nature à potentialiser le risque |
|||
2.3.2. |
Nystagmus du mineur |
||
3. |
Cancer professionnel |
||
3.1 |
Cancer causé par les agents suivants: |
||
3.1.1 |
Amiante |
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3.1.2 |
Benzidine et ses sels |
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3.1.3 |
Ether bis-chlorométhylique |
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3.1.4 |
Chrome et ses composés |
||
3.1.5 |
Goudrons de houille, brais de houille; suie |
||
3.1.6 |
Bêtanaphthylamine |
||
3.1.7 |
Chlorure de vinyle |
||
3.1.8 |
Benzène ou ses homologues toxiques |
||
3.1.9 |
Dérivés nitrés et aminés toxiques du benzène ou de ses homologues |
||
3.1.10 |
Rayonnements ionisants |
||
3.1.11 |
Goudron, brai; bitume, huiles minérales, anthracène, ou les composés, produits ou résidus de ces substances |
||
3.1.12 |
Fumée de cokeries |
||
3.1.13 |
Composés du nickel |
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3.1.14 |
Poussières de bois |
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3.1.15 |
Cancer causé par tous autres agents non mentionnés aux entrées 3.1.1 à 3.1.14 lorsqu’un lien direct a été établi entre l’exposition d’un travailleur à l’un d’eux et le cancer contracté |
Dans leur rapport, les experts ont déclaré que la liste devrait être mise à jour régulièrement afin de contribuer à l’harmonisation des prestations de sécurité sociale au niveau international. Ils ont indiqué clairement qu’il n’y a aucune raison morale ou éthique de recommander des normes qui soient plus basses dans un pays que dans un autre. Parmi les raisons qui militent en faveur d’une révision fréquente de cette liste, on peut citer: 1) encourager la prévention des maladies professionnelles en faisant prendre conscience des risques inhérents au travail; 2) décourager l’utilisation des substances dangereuses; 3) soumettre les travailleurs à une surveillance médicale. La prévention des maladies professionnelles demeure un objectif essentiel de tout système de sécurité sociale visant à protéger la santé des travailleurs.
Une nouvelle présentation a également été proposée; elle consiste à distinguer trois catégories, à savoir:
Les différents régimes de réparation des lésions professionnelles (RRLP) ont été créés pour fournir des soins médicaux, des prestations en espèces et des services de réadaptation aux victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles. Ils garantissent aussi leurs moyens dexistence et ceux des personnes à leur charge pendant la durée de leur incapacité. Ils ont été façonnés sur le modèle des corporations et des sociétés de prévoyance dont les membres versaient des cotisations à un fonds qui venait en aide à ceux dentre eux qui se trouvaient dans lincapacité de travailler en raison dun accident survenu en cours demploi. Autrefois, une fois épuisées leurs maigres économies, il ne restait plus aux travailleurs non membres quà demander la charité ou à poursuivre leur employeur en alléguant la faute intentionnelle ou la négligence de celui-ci. Les poursuites judiciaires étaient rarement couronnées de succès pour toutes sortes de raisons, dont:
Les RRLP ont abandonné la notion de «faute» au profit de lassurance; ils demandent simplement au travailleur de remplir correctement une déclaration et de donner toutes informations sur les circonstances de laccident, de manière à démontrer lorigine professionnelle de laccident ou de lincapacité, dans les termes propres aux différentes législations. Le soutien financier est rapidement mis à disposition sur les fonds recueillis par un organisme public, qui proviennent des taxes imposées aux employeurs, de lassurance obligatoire alimentée par les primes versées par les employeurs, ou de différentes combinaisons de ces modes de financement. Lorganisation et le fonctionnement des RRLP sont décrits en détail par T.G. Ison dans le chapitre précédent.
En dépit des lacunes et des insuffisances auxquelles ont remédié de nombreuses modifications de la législation et des révisions des règlements au cours du siècle dernier, les RRLP ont bien fonctionné en tant que système social répondant aux besoins des travailleurs victimes de lésions en cours demploi. Leur première cible a été les accidents du travail (cest-à-dire des événements subits survenus sur le lieu de travail ou en cours demploi), qui sont plus faciles à reconnaître que les maladies professionnelles. Limmédiateté de lassociation entre léventualité et la lésion facilite létablissement dun lien avec le lieu de travail, conformément aux lois et règlements en vigueur. En conséquence, les organismes de sécurité et de santé ont cherché, avec plus ou moins de bonheur, à mettre au point une épidémiologie des accidents définissant le type dindividus, les emplois et le milieu de travail associés à tel ou tel type daccident. Cest ainsi que sest développée une véritable industrie de la sécurité vouée à létude des différents types daccidents liés au travail et des moyens de les prévenir. Les employeurs ont été contraints dadopter ces méthodes de prévention dans lespoir dalléger les coûts daccidents que lon peut éviter. Ces coûts sexpriment en absences du travail, en perte temporaire ou permanente de travailleurs productifs, ainsi quen escalade des coûts de la réparation ou des primes dassurance versées par les employeurs. Ladoption, dans de nombreux pays, dune législation sur la sécurité et la santé au travail a constitué un encouragement supplémentaire en obligeant les employeurs à prendre les mesures appropriées de prévention des accidents et en recourant aux inspections des établissements et à diverses sanctions en cas dinfraction aux dispositions en vigueur.
Toutefois, ces dispositions se sont révélées mal adaptées aux maladies professionnelles: en effet, le lien entre le risque inhérent au travail et la maladie dun travailleur est beaucoup plus subtil et complexe en raison, dune part, de la longue période de latence entre lexposition et lapparition des symptômes et, dautre part, des effets combinés du mode de vie et du comportement du travailleur (par exemple, lusage du tabac) et lapparition concomitante daffections sans relation avec le travail (ces dernières peuvent toutefois être aggravées, voire accélérées par lexposition sur le lieu de travail, ce qui peut, dans certaines circonstances, les faire relever dun RRLP).
Nous étudierons tout dabord la validité de deux hypothèses, qui sont liées entre elles:
En bref, la nature et létendue du risque de lactivité professionnelle ou du lieu de travail peuvent être déduites de lanalyse des données sur la réparation des lésions professionnelles en prenant en compte des variables telles que: la présence dagents potentiellement nocifs (chimiques, physiques, biologiques, etc.); les caractéristiques personnelles des travailleurs; les circonstances au moment de lexposition (par exemple, sa nature, son intensité, sa durée); les effets physiopathologiques sur le travailleur; limportance et la réversibilité de la maladie ou de latteinte à lintégrité physique résultant du risque; enfin, la distribution des cas entre les emplois, les établissements et les branches dactivité. Lidentification et lévaluation des risques potentiels permettraient la mise au point de programmes visant à les supprimer ou à les maîtriser. La mise en uvre de ces programmes aboutirait à la diminution des accidents et des maladies professionnelles: ce résultat serait bénéfique non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les employeurs dont les charges financières directes et indirectes quils auraient dû assumer baisseraient.
Nous tenterons de démontrer que les relations entre le nombre de cas ouvrant droit à réparation, les évaluations des risques, les efforts de prévention et lallégement des charges des employeurs ne sont pas aussi simples quon le croit habituellement. De plus, nous examinerons quelques propositions avancées par des médecins du travail, des juristes et des ergonomes qui visent à améliorer notre connaissance des risques, à accroître la sécurité dans les entreprises et à introduire plus de justice dans les RRLP.
Selon Léger et Macun (1990), la valeur scientifique dune base de données sur les accidents dépend de sa capacité de mesurer les résultats des mesures de sécurité, de déterminer les causes des accidents et dévaluer lexposition au risque de certains sous-groupes dans la population active. Des statistiques précises sont dune grande utilité pour la conception de programmes de prévention des accidents par les syndicats, les employeurs et les inspecteurs du travail.
Les statistiques se limitent aux accidents et aux maladies définis par la législation sur la réparation et, donc, aux cas admis par les RRLP. Or, on observe de fortes variations parmi ces cas, que ce soit dans un pays donné, entre les différents pays et au cours du temps.
En France, par exemple, les statistiques publiées par lInstitut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles sont fondées sur une liste des maladies professionnelles et sur une liste des branches dactivité à risque. En Suisse, les maladies professionnelles sont classées en deux catégories par la loi sur lassurance contre les accidents (LAA), selon leur relation avec les risques inhérents au lieu de travail. La première catégorie fait lobjet dune liste dagents nocifs et dune liste de maladies; la seconde, dune liste des maladies ayant fait apparaître une très forte probabilité de causalité entre lexposition et la maladie.
Les définitions des accidents du travail varient elles aussi. En Suisse, par exemple, les accidents de trajet ne sont pas considérés comme des accidents du travail, alors que toute éventualité survenue sur le lieu de travail, quelle ait ou non une relation avec lactivité (par exemple, des brûlures subies en préparant un repas), est réputée accident du travail.
Le nombre de cas reconnus et enregistrés dans un Etat dépend donc des définitions que la loi donne des accidents et des maladies couverts par le RRLP. Les statistiques suisses sur les atteintes auditives dorigine professionnelle en sont un bon exemple: elles nont été reconnues comme des maladies professionnelles que depuis la période 1955-1960. Aussitôt après cette reconnaissance, le nombre des cas déclarés a connu une forte progression, ce qui a eu pour effet daugmenter le nombre de cas de maladies dues aux agents physiques, catégorie dans laquelle ont été évidemment placées les atteintes auditives causées par le bruit. Puis, au cours des années qui ont suivi, le nombre de cas déclarés a eu tendance à diminuer, ce dont on ne saurait déduire que les atteintes auditives causées par le bruit sont un problème résolu. Comme la surdité ne sinstalle que lentement, une fois le premier lot de cas non reconnus jusque-là dûment enregistrés, les nouveaux cas entrés dans la statistique annuelle montrent lassociation constante entre lexposition au bruit et le déficit auditif. Actuellement, nous assistons à une apparente recrudescence des maladies dues à des agents physiques, à la suite de la reconnaissance récente des affections musculo-squelettiques les «maladies ergonomiques» , qui comprennent les ténosynovites, les épicondylites, les bursites, le syndrome du canal carpien, etc.
Il est évident que, dans tous les pays, de nombreux cas daccidents ou de maladies considérés comme étant dorigine professionnelle ne sont pas déclarés, soit par omission, soit délibérément. La déclaration incombe en général à lemployeur. Toutefois, comme lont montré certains auteurs, lemployeur peut avoir avantage à ne pas faire de déclaration, non seulement pour éviter les formalités administratives, mais aussi pour préserver la réputation de son entreprise, celle dun endroit où il fait bon travailler, et empêcher une accumulation de demandes qui pourrait entraîner un relèvement des primes dassurance ou de ses cotisations. Il en va ainsi, notamment, des accidents ne comportant pas darrêt de travail et de ceux qui sont traités par le service médical de létablissement (Brody, Letourneau et Poirier, 1990).
Il appartient au médecin de reconnaître et de déclarer les cas daccidents du travail et de maladies professionnelles et dinformer le patient de ses droits à réparation. Il arrive cependant que des cas ne soient pas déclarés parce quils sont traités par des généralistes qui nont pas reconnu lorigine professionnelle dun problème de santé (une connaissance des aspects professionnels et légaux des soins médicaux devrait faire partie intégrante des études de médecine. Les organisations internationales, comme lOIT, devraient encourager linclusion de ces deux sujets dans les programmes de formation de tous les personnels de santé, et ce, du premier au troisième cycle). Auraient-ils même établi la relation, certains médecins rechignent à sacquitter des formalités administratives et à courir le risque de devoir témoigner dans une procédure administrative ou devant un tribunal au cas où la demande de réparation du patient serait contestée. Dans certains Etats, le barème des honoraires médicaux pour le traitement des cas ouvrant droit à réparation est inférieur au barème ordinaire, ce qui ne peut que dissuader le médecin de déclarer ces cas.
La déclaration dépend aussi de la connaissance que les travailleurs ont de leurs droits et du RRLP qui les protège. Walters et Haines (1988) ont étudié un échantillon de 311 travailleurs syndiqués et non syndiqués dans une région très industrielle de lOntario (Canada), afin dévaluer leur connaissance du «système de responsabilité interne» et de lusage quils en faisaient. Ce système a été mis en place par une loi de la province afin dencourager les salariés et les employeurs à résoudre les problèmes de sécurité et de santé à lintérieur de létablissement. Alors que 85% des travailleurs estimaient que leurs conditions de travail pouvaient nuire à leur santé, 1 sur 5 seulement déclaraient sêtre absentés de leur travail en raison dun problème de santé lié à lemploi. Ainsi, bien que conscients des effets potentiellement préjudiciables de leur travail sur leur santé, ils nétaient que quelques-uns à faire valoir leurs droits et à utiliser les ressources offertes par la législation. Lorsquils évoquaient leur refus de continuer le travail ou leurs soucis quant à la nocivité de celui-ci pour leur santé, ils ne mentionnaient que rarement le «système de responsabilité interne» établi par la législation. En fait, leur principal contact était avec leur chef datelier, et non avec les délégués à la sécurité et à la santé.
Les ouvriers syndiqués étaient mieux au courant de la législation et plus prompts à entreprendre des actions en faveur de la sécurité et de la santé au travail que les non-syndiqués (Walters et Haines, 1988).
Par ailleurs, certains travailleurs présentent des demandes de réparation même si laccident ou la maladie est sans relation avec leur emploi, ou continuent de réclamer des prestations alors quils sont en mesure de reprendre leur travail. Quelques études ont montré quune protection généreuse peut encourager la présentation de demandes de réparation. Selon Walsh et Dumitru (1988), «un relèvement des prestations peut aboutir à un excès de demandes de réparation, voire de lésions». Prenant lexemple des dorsalgies (qui constituent 25% des demandes de réparation aux Etats-Unis), ces auteurs notent que les travailleurs sont plus enclins à sabsenter lorsque le montant de la prestation est proche des gains; ils ajoutent que «le système de réparation de lincapacité institué aux Etats-Unis accroît la fréquence de certains types de demandes de réparation, contribue à freiner la guérison des lombalgies et peut prolonger les symptômes et installer un comportement de malade imaginaire».
Judd et Burrows (1986) ont fait des observations semblables dans leur étude portant sur un échantillon représentatif de travailleurs australiens: en une année, 59% «se sont absentés de leur travail pendant plus de deux mois et 38% pendant plus de six mois... Ce taux élevé dincapacité prolongée serait à mettre au compte des services médicaux et légaux, et la guérison apparaîtrait comme contraire à lintérêt de la victime, du moins lors du règlement de la réparation».
Nous venons de le voir, les statistiques nationales reflètent les changements intervenus dans ladmissibilité des demandes. A titre dexemples, citons: linclusion dune nouvelle affection dans la liste des maladies ouvrant droit à réparation, comme cela sest produit en Suisse pour les atteintes auditives causées par le bruit; lextension de la protection à de nouvelles catégories de travailleurs par modifications apportées aux barèmes de salaires en Afrique du Sud; lextension de la couverture à de nouveaux types dactivité.
Contrairement aux accidents, les maladies professionnelles nouvrent pas facilement droit à réparation. Une enquête conduite en Suisse romande et portant sur un grand échantillon de travailleurs absents de leur poste pendant un mois au moins a confirmé que les accidents avaient presque tous été acceptés comme étant dorigine professionnelle et avaient rapidement ouvert droit à réparation, alors que seul un petit pourcentage de maladies avait été admis (Rey et Bousquet, 1995). Résultat, dans les cas de maladie, cest lassurance santé des patients, et non le RRLP, qui a pris en charge les soins médicaux. Cette pratique nalourdit pas les coûts supportés par les employeurs (Rey et Bousquet, 1995; Burger, 1989) (remarquons que dans certains pays, comme les Etats-Unis, où les employeurs prennent aussi à leur charge le coût de lassurance maladie générale, ce coût peut être plus lourd encore du fait que les honoraires fixés par le RRLP sont souvent inférieurs à ceux qui sont facturés par les prestataires privés de soins de santé).
Yassi (1983) a rédigé un rapport sur la conférence donnée à Toronto par le professeur Weiler. Quelques remarques de celui-ci, citées par Yassi, méritent dêtre mentionnées ici:
Si la loi sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles fonctionne de façon satisfaisante pour ce qui est des incapacités dues aux accidents, on ne peut en dire autant des maladies professionnelles. Alors que, dans les cas les plus compliqués, les prestations sont versées dans le mois suivant laccident, il faut attendre en moyenne sept mois pour quune décision soit prise dans un cas de cancer ou de maladie respiratoire. Seul un très faible pourcentage (environ 2%) des demandes de réparation dun accident est refusé, tandis que le taux de rejet des demandes de réparation dune grave maladie sélève à plus de 50%.
Fait particulièrement frappant, «moins de 15% du nombre estimé de cancers professionnels sont déclarés».
La nécessité détablir une relation de cause à effet entre la maladie et lemploi (par exemple, lexposition à un agent toxique reconnu ou une maladie inscrite sur la liste des maladies professionnelles) est le principal obstacle que doivent surmonter les travailleurs qui cherchent à obtenir réparation. Dune manière générale, dans la plupart des pays industriels, le RRLP naccorde réparation quà 10% de tous les cas de maladies professionnelles et, le plus souvent, il sagit daffections relativement mineures, comme les dermatoses. Même pour ces 10%, la question fondamentale de ladmissibilité de la demande de réparation a dû faire lobjet dune procédure (Burger, 1989).
La législation a mis en place ici ce que lon a appelé des «barrières artificielles» à la réparation des maladies professionnelles, et cest là une partie du problème. Cest ainsi quelle exige que, pour ouvrir droit à réparation, une maladie soit inhérente au travail, et non une «maladie ordinaire», quelle soit inscrite sur une liste de maladies professionnelles, quelle ne soit pas une maladie infectieuse, ou encore que la demande de réparation soit présentée dans un délai limité à partir de lexposition et non du moment où lexistence de la maladie est constatée (Burger, 1989).
Les multiples facteurs à lorigine de beaucoup de maladies professionnelles dissuadent aussi les travailleurs de demander réparation. Il est parfois difficile dattribuer la cause de la maladie à une exposition professionnelle ou, inversement, pour rejeter une demande, de prétendre que des facteurs extraprofessionnels sont à lorigine de la maladie. La difficulté dapporter une preuve concluante dune relation de cause à effet unique entre le lieu de travail et la maladie sest révélée être un obstacle insurmontable pour le travailleur frappé dincapacité (Burger, 1989).
Examinant les aspects scientifiques des obstacles à la réparation, Mallino (1989) a déclaré que:
La plupart de ces barrières artificielles nont que très peu, voire rien à voir avec la science médicale daujourdhui, pour laquelle la plupart des maladies professionnelles ont des causes multiples et une période de latence relativement longue entre lexposition initiale et lapparition de la maladie.
En cas de traumatisme ou de mort accidentelle, la relation de cause à effet est claire: un ouvrier perd une main dans une presse, tombe dun échafaudage ou est tué par lexplosion dun silo.
Pour de nombreuses maladies, comme les cancers professionnels, il est difficile, sinon impossible, détablir une cause spécifique et de la mettre en relation avec tel ou tel risque inhérent au travail.
De plus, légalité devant le risque nexiste pas, et évaluer la nature et le degré du risque professionnel en se fondant uniquement sur les cas ayant donné lieu à réparation est un exercice problématique. Lexpérience de la réparation dans les différentes branches dactivité constitue dordinaire la base sur laquelle les assureurs classent les risques inhérents à lemploi et calculent les primes à verser par lemployeur. Cette méthode nencourage guère la prévention, même si certaines branches, comme les mines ou lindustrie forestière, sont connues pour être dangereuses.
La notion de «groupes homogènes», étudiée par Morabia (1984), est plus utile. Le regroupement des personnes effectuant le même type de travail dans différentes branches montre très clairement que le risque est plus lié au niveau de qualification quau type dactivité.
Ces inégalités se mesurent par différentes variables:
Les différences dans lexposition au risque entre les travailleurs qualifiés et non qualifiés ne dépendent pas du type de production et ne se limitent pas uniquement au type de lieu de travail et à lexposition à des agents toxiques (Rey et Bousquet, 1995). Au Canada, Laflamme et Arsenault (1984) ont observé que la fréquence des accidents parmi les différentes catégories douvriers de production nétait pas distribuée au hasard. Ce sont les manuvres et les travailleurs peu qualifiés soit une minorité de la main-duvre qui payaient le plus lourd tribut aux accidents.
En outre, la localisation des lésions corporelles nétait pas non plus distribuée au hasard: chez les ouvriers spécialisés payés à la pièce, la fréquence des lombalgies était plus élevée que dans dautres groupes et dans dautres lieux. Dans le type dorganisation du travail décrit par Laflamme et Arsenault (1984), les travailleurs non qualifiés accumulaient les facteurs de risque. Les différences dexposition au risque avec les autres groupes étaient amplifiées par ce qui apparaît comme une attitude «politique» implicite, les mesures de prévention étant prises le plus souvent en faveur des travailleurs qualifiés; ces dispositions étaient discriminatoires à légard des travailleurs non qualifiés, qui sont pourtant les plus exposés aux risques.
Les travailleurs les plus vulnérables sont ceux qui ont le moins dexpérience, quils soient nouvellement engagés ou quils soient tenus de changer souvent de poste de travail. Par exemple, des données de lINRS et du CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), en France, montrent que les travailleurs temporaires ont 2,5 fois plus souvent des accidents que les salariés permanents. Cette différence est à mettre au compte du manque de formation de base, de linexpérience des tâches à remplir et de linsuffisance de leur préparation. En fait, les chercheurs remarquent que les travailleurs temporaires sont principalement jeunes, peu expérimentés, exposés à des risques élevés dans des lieux de travail ne bénéficiant pas de programmes de prévention efficaces.
De plus, les accidents surviennent surtout durant le premier mois demploi (François et Liévin, 1993). Une étude de la marine des Etats-Unis a relevé la plus forte incidence daccidents chez le personnel à terre au cours des premières semaines de travail. Environ 35% de toutes les hospitalisations avaient lieu pendant le premier mois suivant une nouvelle affectation; cette fréquence diminuait ensuite très rapidement et continuait à baisser à mesure que la durée de laffectation sallongeait. Une tendance analogue se dessinait chez le personnel en mer, mais avec des taux inférieurs, en raison vraisemblablement de la plus longue présence de ce personnel dans la marine (Helmkamp et Bone, 1987). Les auteurs ont comparé leurs données à celles dun rapport de 1979 établi par le Bureau des statistiques du travail du Conseil national de la sécurité (Bureau of Labor Statistics, National Safety Council) des Etats-Unis, et les résultats étaient concordants. De plus, leurs constatations ne varient que légèrement en fonction de lâge. Si les jeunes travailleurs sont plus exposés aux accidents pour les raisons susmentionnées, le fait dêtre novice reste un facteur important à tout âge.
Le mode de rémunération des travailleurs peut avoir une influence sur la fréquence des accidents. Dans sa revue critique des publications sur les salaires au rendement, Berthelette (1982) note que le travail à la pièce saccompagne dun risque plus élevé daccidents. Cela sexplique par lincitation à travailler plus vite en passant outre aux risques du métier, à se surmener et à accumuler la fatigue. Cet effet négatif du travail à la pièce a été mis en évidence aussi par Laflamme et Arsenault (1984) dans lindustrie du meuble, ainsi que par Stonecipher et Hyner (1993) dans dautres activités industrielles.
Les effets bénéfiques du travail et les répercussions négatives du chômage sur la santé sont bien connus. Pour autant, lETBS ne signifie pas que le travail est bon pour la santé, mais simplement que la population en emploi est en meilleure santé que lensemble de la population; il expose la difficulté que rencontrent les malades chroniques, les grands invalides ou les gens trop âgés pour trouver et conserver un emploi et met en évidence le fait que les travailleurs les moins capables de faire face aux risques professionnels sont forcés dabandonner leur emploi, laissant la place à une population constituée uniquement des sujets les plus sains et les plus aptes.
Pour les épidémiologistes, lETBS se définit comme une sous-mortalité ou une sous-morbidité des travailleurs, comparées à celles du reste de la population. Pour ceux de ces spécialistes qui utilisent les entreprises comme champ détude dune maladie, il convient de minimiser cet effet. Dans son article sur lETBS, Choi (1992) évoque non seulement les raisons de se garder de ce préjugé, mais aussi les méthodes de ce faire. Du point de vue des ergonomes, lETBS révèle des facteurs non professionnels (faibles ressources financières et problèmes familiaux) qui se combinent aux facteurs professionnels (manque de motivation, crainte de ne pas être à la hauteur des exigences). Si un travailleur quitte volontairement son emploi quelques jours ou quelques semaines après lavoir pris, on doit se demander si lâge ne le rend pas moins apte à répondre aux exigences de lemploi.
Le fait que lincidence des lombalgies diminue avec lâge ne signifie pas que les travailleurs plus âgés les supportent mieux, mais bien que les sujets qui y sont prédisposés (anomalies anatomiques, faible musculature, mauvais état général) ont compris que les dos fragiles sont incompatibles avec le port de charges lourdes et ont choisi dautres types dactivité (Abenhaim et Suissa, 1987).
Ces deux auteurs ont obtenu de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) du Québec des données tirées dun échantillon de 2 532 travailleurs qui avaient perdu au moins un jour de travail pour dorsalgie. Les 74% des travailleurs qui avaient été absents pendant moins dun mois et qui avaient obtenu réparation étaient responsables de 11,1% des journées perdues, et 7,4% de ceux qui avaient été absents pendant plus de six mois, de 68,2% des journées perdues. Ce dernier groupe (0,1% de la main-duvre) était comptable de 73,2% des coûts médicaux et de 76% des prestations en espèces, soit une somme totale de 125 millions de dollars canadiens (1981), ou quelque 45 000 dollars canadiens par cas. Lincidence très élevée observée chez les hommes (85% des cas) par rapport aux femmes peut sexpliquer par la présence dune très forte proportion dhommes effectuant des tâches comportant une forte probabilité de risque de dorsalgies. Dautres explications sont moins plausibles, ainsi, la plus grande vulnérabilité des hommes, ou une plus grande proportion dentre eux présentant des demandes de réparation. Abenhaim et Suissa déclarent:
Lévolution des dorsalgies dans le temps, qui suit une courbe ascendante, puis descendante, est très probablement due à leffet du travailleur en bonne santé; les travailleurs de moins de 45 ans effectueraient le plus souvent des tâches comportant des risques pour le dos et quitteraient ces emplois en vieillissant... Les résultats de létude sécartent des idées reçues dans les pays industriels, à savoir que la plus grande partie des dépenses médicales encourues est due à des absences répétées «non contrôlées» résultant de dorsalgies ne présentant pas de signes objectifs. Les cas les plus significatifs sur le plan social sont ceux qui entraînent de longs arrêts de travail et qui exigent une assistance médicale importante. La politique de prévention et de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs devrait sinspirer de ces conclusions.
En bref, de nombreux facteurs de risque qui ne sont pas pris en compte dans les statistiques daccidents du travail et de maladies professionnelles peuvent modifier les bases mêmes des données et bouleverser les conclusions tirées par les responsables de la réparation des lésions professionnelles et autres. Ces considérations devraient intéresser tout particulièrement ceux qui utilisent ces données pour concevoir des programmes de lutte contre des risques particuliers et établir un ordre de priorité dans leur mise en uvre.
Le stress est une cause importante des accidents et des maladies liés au travail. Le stress sur le lieu de travail, quil soit provoqué par lemploi ou par la vie familiale ou communautaire, peut affecter le comportement, le jugement, les capacités et la coordination physiques et conduire à des accidents et à des lésions; selon les observations, il peut affecter le système immunitaire et accroître la propension aux maladies. De plus, il exerce une influence significative sur la réaction à la thérapie de réadaptation, ainsi que sur limportance et la durée de toute incapacité résiduelle.
Cherchant à expliquer le taux accru daccidents au cours des semaines qui suivent immédiatement un transfert du service à terre au service en mer et inversement, Helmkamp et Bone (1987) ont suggéré que le stress créé par la transition et les changements dans les modes de vie pouvaient y avoir contribué. De même, von Allmen et Ramaciotti (1993) ont relevé linfluence des facteurs psychosociaux liés au travail ou étrangers à celui-ci sur lévolution des dorsalgies chroniques.
Une étude prospective de vingt-sept mois effectuée auprès des contrôleurs du trafic aérien a mis en évidence la relation étroite entre stress social et accidents. Sur un groupe de 100 personnes, 25% de ceux qui accusaient de forts niveaux de stress présentaient un taux de morbidité de 69% plus élevé que ceux qui étaient plus détendus, et une probabilité de 80% plus grande dêtre victimes dun accident (Niemcryk et coll., 1987).
On ne sétonnera donc pas quaux Etats-Unis tout au moins, on ait assisté à une multiplication des demandes de réparation pour incapacité due au stress professionnel. Même si beaucoup dEtats rejettent encore ce type de demandes, leur taux de croissance na été dépassé que par le flot de demandes pour les lésions répétitives comme le syndrome du canal carpien et autres affections ergonomiques.
Les demandes fondées sur une allégation de stress sont un autre exemple de «barrières artificielles» dressées contre la réparation. Ainsi, aux Etats-Unis, quelques Etats nacceptent aucune demande alléguant le stress: certains ne le font que si lagent stressant résulte dun événement soudain, particulièrement dramatique ou traumatisant; dautres exigent que le stress soit «inhabituel», cest-à-dire dépasse celui de la vie ordinaire ou de lemploi. Dautres Etats admettent que les demandes fondées sur le stress soient examinées quant au fond, alors quailleurs, il nexiste ni règlements ni jurisprudence suffisante pour constituer une ligne directrice. En conséquence, un travailleur présentant une demande de réparation pour stress professionnel naura gain de cause quen fonction du lieu où il laura déposée et où elle sera tranchée, et non en fonction de son bien-fondé (Warshaw, 1988).
Avant que les employeurs ne décident daméliorer les conditions de travail et que les travailleurs ne décident de travailler en sécurité, ils doivent être convaincus de lexistence du risque et de la nécessité de sen protéger. Cette perception doit être ressentie personnellement, la connaissance théorique étant insuffisante. Ainsi, les travailleurs non syndiqués sont moins portés à se plaindre des risques potentiels de leur travail parce quils nen sont en général pas informés (Walters et Haines, 1988).
La prise de risque, ou lacceptation des dangers inhérents au lieu de travail dépendent dans une large mesure de la culture de lentreprise. On peut tout aussi bien observer une attitude blasée, qui encourage la prise de risque (Dejours, 1993), quun comportement empreint de prudence (Helmkamp et Bone, 1987).
Dans une entreprise où le taux daccident est faible, où les travailleurs nont jamais été témoins dun grave accident et, surtout, où il ny a pas de syndicat pour les sensibiliser aux dangers potentiels, on peut voir safficher une attitude de négation du risque. Dautre part, lorsque les travailleurs sont conscients dêtre exposés à des accidents graves, voire mortels, ils peuvent être amenés à exiger une prime de risque (Cousineau, Lacroix et Girard, 1989). La prise de risque délibérée peut donc être stimulée par le désir ou le besoin dobtenir un supplément de rémunération.
Lattitude face au risque professionnel reflète généralement celle quadoptent les travailleurs vis-à-vis de la prévention dans leur vie personnelle. Stonecipher et Hyner (1993) ont observé que les employés étaient plus nombreux à se soumettre aux examens médicaux et plus attentifs à mener une vie saine que les ouvriers payés à lheure qui ont généralement un niveau dinstruction et de rémunération moins élevé. Ainsi, les travailleurs peu qualifiés et faiblement rémunérés qui, comme nous lavons relevé, sont sujets à des taux élevés daccidents du travail et de maladies professionnelles, sont aussi ceux qui abusent du tabac et de lalcool, se nourrissent mal et profitent le moins des services médicaux de prévention. Ils courent donc deux fois plus de risques.
La nature de lorganisation du travail et la culture dentreprise peuvent influencer la perception des risques et, donc, les actions menées pour les maîtriser. Ces caractéristiques sont examinées ci-après.
Les risques de lésions professionnelles sont inversement proportionnels à la taille de lentreprise. En Suisse, par exemple, les petites entreprises qui nexercent pas dactivités dans les technologies de pointe (jusquà 10 salariés) sont responsables dun pourcentage très élevé des cas de maladies professionnelles reconnues par la Caisse nationale suisse dassurance en cas daccidents (CNA). Contrairement aux grandes entreprises, ces petits ateliers ont moins de chances dembaucher les travailleurs ayant les plus hautes qualifications, le plus dexpérience et la meilleure condition physique. Leurs propriétaires et leurs chefs sont en général moins informés des risques professionnels et nont ni le temps ni les moyens financiers de les maîtriser. Ils sont plus rarement soumis à des inspections et ont plus de difficulté que leurs homologues des grandes entreprises à obtenir lassistance technique et laide des spécialistes dont ils auraient besoin (Gressot et Rey, 1982).
En Suisse, lemployeur est responsable de la sécurité du travailleur qui, pour sa part, est tenu de respecter les prescriptions de sécurité. Malheureusement, la loi et la pratique ne font pas toujours bon ménage. Une étude effectuée dans des entreprises suisses occupant plus de 100 personnes a révélé la tendance pour chacun des partenaires à nier sa responsabilité et à rejeter la faute sur lautre. Ainsi, les employeurs voient dans lalcoolisme du personnel et le non-respect des consignes de sécurité la cause des accidents, alors que les travailleurs accusent les défauts du lieu de travail et linefficacité de lencadrement. De plus, les industries classées comme les plus dangereuses par les compagnies dassurances ont tendance à minimiser les risques (Rey et coll., 1984).
En théorie, le RRLP est conçu pour récompenser, par une baisse de leurs contributions ou primes dassurance, les employeurs qui mettent sur pied des programmes de prévention efficaces, propres à réduire la fréquence et la gravité des accidents et des maladies, mais tel nest pas toujours le cas en pratique. Les coûts des programmes de prévention peuvent être supérieurs à la réduction de la prime, notamment lorsque celle-ci est calculée en fonction de la masse salariale pendant une période de hauts salaires. De plus, la réduction (bonus) peut navoir de sens que dans de très grandes organisations où les primes sont fixées en fonction des résultats individuels; dans les petites entreprises, au contraire, les primes sont calculées en fonction des résultats dun groupe dentreprises dans une branche ou une région particulière, et les progrès réalisés par une delles peuvent être annulés par les mauvais résultats du groupe.
Il ne faut pas oublier non plus que, bien que le nombre et la gravité des lésions professionnelles puissent être réduits, les primes ne cessent daugmenter en raison de la hausse, dune part, des coûts des soins médicaux et, dautre part, des prestations pour incapacité, notamment dans les pays industriels.
En théorie et les choses se passent souvent ainsi dans la réalité les coûts des programmes de prévention sont plus que rattrapés par le maintien des «rabais» de primes, mais ils bénéficient de la réduction des coûts indirects des lésions professionnelles. Ces derniers sexpriment en arrêts de travail, absentéisme et perte de production qui peuvent dépasser largement limportance des coûts de la réparation.
La plupart des employeurs se soucient de la santé et du bien-être de leur personnel et, dans nombre de grandes entreprises, cette préoccupation fait lobjet dune déclaration de principe; cependant, trop de responsables sintéressent plus à leur propre statut, à leurs augmentations de salaire ou à leurs primes et à leur avancement dans lentreprise. La compétition entre les différentes sections de lentreprise pour obtenir des récompenses et autres signes de reconnaissance en maintenant à un bas niveau le nombre des accidents et de maladies conduit souvent à dissimuler les accidents et à rejeter les demandes de réparation des travailleurs.
Facteur important, tandis que les programmes de prévention exigent une dépense dargent et dautres ressources notamment du temps et des efforts de la part du personnel et les honoraires des consultants , ils ne sont payants quà la longue ou sont dissimulés par dautres événements étrangers à la question. Cest là un obstacle significatif lorsque lentreprise est en difficulté et doit limiter ses dépenses. La situation peut aussi être critique pour les directeurs et les cadres dont les résultats sont jugés à la fin de lannée fiscale ou autre période comptable; ils peuvent fort bien être tentés de différer un investissement dans un programme de sécurité jusquà ce quils aient obtenu une promotion et de laisser laffaire à leurs successeurs.
La collaboration entre travailleurs et employeurs simpose si on veut garantir le succès des programmes visant à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles. Lidéal consiste à établir un comité mixte pour identifier les problèmes, élaborer des programmes en vue de leur solution et en surveiller lexécution.
Trop souvent, pourtant, cette collaboration est inhibée ou au moins rendue difficile par des tensions excessives entre lemployeur et le syndicat. Ainsi, parfois, les employeurs voient dun mauvais il ce quils ressentent comme une intrusion dans les activités de lentreprise et craignent que le syndicat ne sensibilise par trop leurs membres aux risques potentiels dans létablissement et ne les pousse à présenter des demandes de réparation non fondées. De leur côté, les syndicats se sentent souvent obligés dadopter une attitude agressive dans la défense des intérêts de leurs membres contre ce quils appellent la passivité des employeurs.
La réforme des RRLP nest pas chose aisée. Elle implique en effet plusieurs partenaires (travailleurs et leurs représentants, propriétaires dentreprise et employeurs, organismes publics, assureurs, législateurs) qui veillent chacun à leurs intérêts. Toutefois, étant donné les enjeux la santé, le bien-être et la productivité des travailleurs et des personnes à leur charge , la réforme des RRLP est une tâche à laquelle il faut satteler durgence.
On sefforce actuellement de rendre les statistiques comparables au niveau international. La formule unique pour les pays européens en est un louable exemple. Des directives, qui correspondent à la pratique courante, portent sur la fréquence et la gravité des cas par branche dactivité, les agents physiques ou chimiques et les circonstances de laccident.
La formule ne sécarte pas des pratiques habituelles de la CNA suisse, si bien que lon ne saurait attendre quelle échappe aux erreurs systématiques susmentionnées. En Suisse, toutefois, les autorités ont réagi favorablement aux nouvelles demandes concernant la participation de spécialistes de la sécurité et de la santé dans lentreprise et, en particulier, à lidée que les informations sur les risques devraient se fonder non seulement sur les statistiques des compagnies dassurances, mais aussi sur des études épidémiologiques ciblées.
Il apparaît quen Europe, les Etats membres de la Communauté européenne ont décidé dadhérer au principe dune formule unique pour la collecte des données. Aux Etats-Unis, en revanche, la création dune banque de données sur les cas ayant ouvert droit à réparation nest pas à lordre du jour, malgré limportance de la population assurée et le montant des dépenses encourues par les compagnies dassurances (Johnson et Schmieden, 1992).
Aux Etats-Unis, la réparation des lésions professionnelles est une énorme affaire: en 1988, le RRLP, qui protégeait 91,3 millions de travailleurs, a versé près de 34 milliards de dollars de prestations et coûté plus de 43 milliards de dollars aux employeurs. Actuellement, les coûts de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles augmentent plus rapidement que ceux des autres soins médicaux; ce fait semble avoir échappé à lattention de nombre demployeurs qui se sont braqués sur la croissance des coûts de lassurance santé, la rendant responsable, en tout ou en partie, de lalourdissement de la facture. Une base de données unifiée a peu de chances dêtre créée aux Etats-Unis, contrairement à ce qui sest passé dans les pays européens. Johnson et Schmieden (1992) ont proposé quun premier pas dans ce sens consisterait à rendre les données plus accessibles à ceux qui sy intéressent, par lintermédiaire des centres de recherche et des bibliothèques spécialisées. Leur enquête auprès de 340 bibliothèques aux Etats-Unis et au Canada montre que seule la moitié dentre elles fournissent des informations sur le sujet et que 10% seulement ne pensent pas quun besoin se manifestera un jour; la plupart dentre elles nont manifesté aucun intérêt, ou nont tout simplement pas répondu. Vu linquiétude croissante suscitée par la hausse rapide des coûts de la réparation des lésions professionnelles, on peut raisonnablement espérer que les employeurs, les assureurs et leurs conseils feront pression pour que ces sources de données soient rapidement développées.
Relevons que ce nest pas la première fois quune pareille initiative verrait le jour en Amérique du Nord. Après la présentation, en 1981, du rapport de la Commission denquête mixte fédérale-provinciale sur la sécurité dans les mines et les établissement miniers de lOntario, il a été recommandé de mettre au point une base de données inspirée des principes ci-après:
Léger et Macun (1990) suggèrent quen interprétant les statistiques disponibles, on accorde moins dimportance aux seuils dabsentéisme et plus de poids aux variables peu soumises aux influences sociales et économiques.
Daucuns ont soutenu que lobjectif des RRLP devrait se limiter à la collecte des cotisations et à lattribution de prestations prescrites par la législation, et que la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles était une affaire qui devait être réglée ailleurs.
Pour Mikaelsson et Lister (1991), par exemple, lusage abusif du RRLP en Suède fait douter de la validité des données suédoises relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles et na aucune utilité comme base des programmes de prévention. A les entendre, le RRLP suédois inviterait à multiplier les demandes et autoriserait larbitraire. Ses coûts auraient progressé rapidement, en grande partie parce que la réparation était souvent accordée sans que lon se préoccupe de prouver la relation de cause à effet entre laccident ou la maladie et lemploi, alors que les règles relatives aux éléments de preuve à apporter découragent une recherche judicieuse de la cause réelle.
Comme la question de la causalité est obscurcie ou complètement ignorée, les données suédoises présentent une image déformée des accidents du travail et des maladies professionnelles. Lincidence de certaines affections peut être gonflée (par exemple, les lombalgies), et celle dautres maladies entièrement ignorée.
Soulignons ici que la nouvelle loi suédoise sur la réparation des lésions professionnelles fait un pas en arrière sous leffet de la multiplication des demandes, notamment aux fins de réparation des lombalgies. Aujourdhui, le RRLP suédois nencourage nullement les employeurs à identifier et à éliminer les causes réelles des maladies professionnelles et des accidents du travail. Létude de la nature, de létendue et de la lutte contre les risques professionnels pourrait être confiée à dautres organismes désignés par certaines dispositions de la loi (voir plus loin larticle intitulé: «Etude de cas: la Suède»).
Burger (1989) va plus loin et propose que tous les accidents du travail et maladies professionnelles ouvrent droit à réparation sans conditions préalables et que les RRLP soient intégrés dans le système général de sécurité sociale. Au cas où lobligation dapporter la preuve de la relation de cause à effet entre léventualité et lemploi serait maintenue, dit-il, il faudrait apporter à cet exercice toute la rigueur voulue et appliquer tous les critères qui en garantissent la validité et la qualité des informations médico-scientifiques.
Dans certains Etats, le traitement des victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles est réservé aux médecins et autres personnels de santé officiellement reconnus comme ayant les connaissances et les qualifications requises pour soccuper de ces problèmes. On espère par là assurer la qualité des soins.
Or, il arrive que ces dispositions produisent leffet inverse. La grande majorité des accidents ouvrant droit à réparation sont en effet bénins et ne réclament guère plus que des soins de premiers secours, sans grand intérêt pour les médecins. Dans les pays où le barème des honoraires fixé par le RRLP est inférieur au tarif ordinaire, les médecins peuvent être tentés daccroître le nombre de leurs actes et de prolonger la durée des traitements. Ainsi, dans lEtat de New York, aux Etats-Unis, le barème des honoraires attribue un supplément de un dollar pour chaque point de suture jusquà un maximum de dix, et on peut voir jusquà dix points de suture là où un pansement adhésif aurait suffi. En outre, pour répondre aux besoins des établissements, les cabinets de médecins et les dispensaires qui soccupent des cas daccidents du travail sont souvent situés dans des zones industrielles qui ne sont pas les quartiers les plus attrayants des villes. En conséquence, la médecine du travail noccupe pas un rang très élevé dans la hiérarchie des spécialités médicales.
Qui plus est, dun autre point de vue, dans les zones à faibles ressources médicales, les accidents du travail et les maladies doivent nécessairement être traités dans le cabinet médical ou le dispensaire le plus proche, où le niveau technique peut être bas. Cest un problème qui affecte notamment les régions peu urbanisées ou peu industrialisées et les entreprises trop petites pour disposer de leur propre service médical.
A lopposé des partisans de la séparation de la prévention et de la réparation, on trouve ceux qui voudraient accorder à la première une place plus large dans la seconde. Cette attitude se rencontre notamment en Allemagne et également en Suisse depuis lentrée en vigueur, en 1984, de la nouvelle loi sur les accidents du travail (LAA) qui sétend à tout le domaine de la sécurité au travail. En Suisse, la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST) a été créée en vue dharmoniser les conditions de réparation et comprend des représentants de la Confédération, des cantons, de la CNA et dautres assureurs, publics et privés.
La CFST doit notamment formuler des règlements techniques, sous forme de directives, pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle rembourse aux autorités cantonales chargées du contrôle de la sécurité leurs frais dinspection dans les établissements.
La CNA, premier assureur des lésions professionnelles, surveille lapplication des règles de prévention des accidents dans quelque 60 000 entreprises présentant des risques dexploitation spéciaux, à savoir les fabriques et dépôts dexplosifs, les établissements qui utilisent de grandes quantités de solvants et les industries chimiques. La CNA publie aussi à lintention des employeurs des directives sur les valeurs limites dexposition aux substances toxiques.
En sa qualité dorgane dexécution de la LAA et de ses ordonnances dapplication, la CNA est tenue dinformer les employeurs et les travailleurs de leurs responsabilités respectives. Lemployeur a lobligation de prendre toutes mesures techniques nécessaires à la prévention, telles quindiquées dans lordonnance sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (OPA). Le travailleur est tenu de se conformer aux instructions de lemployeur concernant la sécurité dans lentreprise.
Pendant les visites dinspection effectuées par la CNA ou par des fonctionnaires cantonaux, lemployeur doit donner accès à toutes ses installations. En cas dinfraction, la CNA attire lattention de lemployeur et lui fixe un délai pour remédier à la situation. Si lemployeur ne tient pas compte de lavertissement, la CNA ordonne les mesures à prendre par décision exécutoire. En cas de non-exécution, lentreprise peut être placée dans une classe ou communauté de risques plus élevés, ce qui se traduit par un relèvement de sa prime dassurance. Lassureur (la CNA ou toute autre compagnie dassurances) doit alors décider daugmenter la prime immédiatement. De plus, lorgane exécutif (en particulier, la CNA) prend des mesures coercitives, si nécessaire avec laide des autorités cantonales.
Les services techniques de la CNA participent aux inspections, mais sont aussi à la disposition des employeurs pour les conseiller sur les questions de sécurité.
Dans le domaine des maladies professionnelles, lemployeur doit faire en sorte que les travailleurs soumis aux règlements de sécurité passent un examen médical préventif chez le médecin le plus proche, ou auprès du service médical de la CNA. Cette dernière définit le contenu de lexamen médical et décide en définitive de laptitude du travailleur à occuper un emploi.
Toutes les mesures techniques que lemployeur doit prendre et les examens médicaux auxquels il doit soumettre son personnel pour remplir ses obligations légales sont à sa charge. Les frais administratifs de la CFST et les activités de prévention quelle mène sont financés par un supplément de la prime dassurance.
La CNA et les autres assureurs sont tenus de fournir à la CFST toutes les informations nécessaires à ses travaux, notamment en établissant des statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles. La publication de la nouvelle ordonnance sur les médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité et de la santé au travail a donné à lOffice fédéral des assurances sociales (OFAS) loccasion de présenter un rapport (no 92 023/1992), dans lequel il déclare que lanalyse du risque ne saurait se fonder uniquement sur les statistiques des lésions professionnelles dont disposent les autorités, mais doit tenir compte également des recherches épidémiologiques effectuées en Suisse et à létranger.
Enfin, la CFST se doit de promouvoir linformation et la formation en matière de protection de la sécurité au travail, et ce, à tous les niveaux. A Genève, linspection du travail est organisée avec la CFST et la CNA et bénéficie de laide de spécialistes de lUniversité; elle organise des conférences et des cours pratiques sur la sécurité à lintention des employeurs et des groupes intéressés. Une commission tripartite comprenant des représentants de lEtat, des employeurs et des travailleurs est à lorigine de cette initiative, qui est largement subventionnée par le canton.
Dans la plupart des cas daccidents du travail ayant causé une atteinte à lintégrité physique ou le décès, il est relativement facile détablir un lien de cause à effet entre lincident et le traumatisme. Cette règle de bon sens est difficile à appliquer aux maladies professionnelles qui ont généralement des causes multiples. La recherche de la causalité est dailleurs compliquée par la longue période de latence qui sépare lexposition au risque des premières manifestations de la maladie. Pour de nombreuses maladies professionnelles, comme le cancer, il est difficile, sinon impossible, didentifier une cause spécifique et de la rattacher à une exposition sur un lieu de travail particulier ou à un ensemble de risques. Cest pourquoi, au lieu de suivre la procédure ordinaire de la réparation, de nombreux travailleurs se tournent vers le système général de soins de santé (aux Etats-Unis, par exemple, lassurance privée, ou Medicare sils ont lâge requis, Medicaid sils sont assez démunis) ou encore vers laide sociale lorsquils ont besoin dun soutien financier.
En conséquence, «pour toutes sortes de raisons pratiques, les employeurs paient peu, voire rien pour les maladies professionnelles et sont en fait subventionnés par le système de sécurité sociale et par les travailleurs eux-mêmes» (Mallino, 1989).
Une étude menée en Suisse romande (Rey et Bousquet, 1995; von Allmen et Ramaciotti, 1993) a abouti aux mêmes conclusions. Lassurance maladie est alors amenée à assumer les coûts de risques inhérents à lemploi, comme certaines dorsalgies dues au port de lourdes charges, et ce, aux dépens des assurés et des contribuables.
Comme les employeurs ne se sentent pas tenus de corriger des conditions de travail pourtant responsables de ces risques pour la santé, la prévention, qui devrait se fonder sur les cas ayant ouvert droit à réparation, ne peut quen souffrir.
Pour remédier à cette situation, Mallino propose de recourir à une procédure où lexposition à un risque professionnel na plus à être prouvée en tant que cause unique, immédiate et directe, mais simplement reconnue comme un facteur déclenchant parmi dautres. Cette façon denvisager les choses saccorde beaucoup mieux avec la science médicale moderne qui reconnaît la multicausalité de nombreuses maladies.
Partant dhypothèses fondées sur lensemble de la main-duvre, Mallino évoque la règle dite «des 30%». Si, dans une population de travailleurs exposés au risque, lincidence dune maladie est supérieure de 30% à celle que lon observe dans une population non exposée, cette maladie est présumée avoir une origine professionnelle. Pour avoir droit à réparation, le travailleur atteint de cette maladie devrait simplement prouver quil appartenait au groupe exposé et que le niveau dexposition auquel il était soumis était suffisant pour constituer un facteur de risque de ladite maladie (Mallino, 1989).
Notons que cette notion de probabilité a été retenue dans certaines législations, telles que la LAA, en Suisse, qui reconnaît deux catégories de maladies professionnelles. La seconde dentre elles permet de reconnaître des atteintes à la santé qui ne figurent pas sur la liste des maladies professionnelles ou sur celle des agents chimiques ou physiques nocifs sur le lieu de travail. Selon la pratique actuelle de la CNA, ladmissibilité de ces cas, au niveau individuel, repose aussi sur la notion de probabilité, en particulier pour les atteintes au système musculo-squelettique.
Encourager la réadaptation et la prompte reprise du travail est un excellent moyen de réduire le coût humain et financier de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Son utilité apparaît en particulier dans les cas de dorsalgies et autres affections musculo-squelettiques dont on sait la charge quelles font peser sur les budgets des RRLP aux Etats-Unis et dans les pays nordiques (Mikaelsson et Lister, 1991; Aronoff et coll., 1987).
Selon Walsh et Dumitru (1988), les travailleurs qui répugnent le plus à reprendre leur travail après une maladie sont ceux qui sont le mieux protégés par leur assurance. Cette constatation devrait conduire à une réforme des relations entre les différents acteurs. «Quoique des progrès soient réalisés en matière de traitement, des changements dans le système actuel de prestations semblent nécessaires pour optimiser la guérison. On devrait étudier la création de systèmes qui réduiraient les conflits entre le demandeur, lemployeur et lassureur.»
Après avoir évoqué les coûts des dorsalgies aux Etats-Unis, Aronoff et coll. (1987) préconisent des méthodes de rééducation qui permettraient aux assurés de reprendre leur emploi et déchapper ainsi au piège de l«incapacité chronique».
«Latteinte à lintégrité physique est un terme médical qui se réfère au dysfonctionnement de lorganisme tout entier ou dun organe. Lincapacité, terme légal, se rapporte à une limitation de la performance pour une tâche spécifique. Le syndrome dincapacité chronique se réfère à un état dans lequel des individus qui sont capables de travailler choisissent de sinstaller dans lincapacité. Celle-ci est souvent le résultat dune lésion mineure, mais représente en fait une inaptitude à faire face aux autres problèmes de la vie. Les caractéristiques de ce syndrome sont les suivantes: arrêt de travail de six mois au moins; demande de réparation pour incapacité et demande de prestations; plaintes subjectives sans proportion avec les constatations objectives; absence de motivation pour guérir et refus de reprendre le travail» (Aronoff et coll., 1987).
Von Allmen et Ramaciotti (1993) ont analysé le processus qui conduit aux dorsalgies chroniques chez des travailleurs affectés à différentes tâches. La complexité du problème se révèle dautant plus dans les périodes de récession, lorsque les changements daffectation et la possibilité de se diriger vers un poste moins astreignant sont de plus en plus limités.
Le syndrome dincapacité chronique est souvent associé à des douleurs chroniques. Daprès des données recueillies en 1983 aux Etats-Unis, on estime que 75 à 80 millions dAméricains souffrent de douleurs chroniques, ce qui se traduit par des dépenses annuelles de 65 à 77 milliards de dollars. Trente et un millions de ces individus souffrent de lombalgies et les deux tiers sestiment gênés dans leur vie sociale et professionnelle. Devenue chronique, la douleur cesse dêtre un avertisseur, elle devient une maladie en soi (Aronoff et coll., 1987).
Toutes les personnes souffrant de douleurs chroniques ne sont pas frappées dincapacité et nombre dentre elles peuvent reprendre une activité productive si elles sadressent à un centre médical spécialisé où le traitement des patients est confié à des équipes multidisciplinaires et où on prête attention aux aspects psychosociaux du cas. Le succès de ces traitements dépend du niveau dinstruction, de lâge (les patients plus âgés ayant plus de peine que les jeunes à surmonter leurs limitations mécaniques) et de la durée de leur arrêt de travail avant davoir consulté un de ces centres (Aronoff et coll., 1987).
Les travailleurs les plus disposés à renoncer aux prestations dincapacité et à reprendre leur travail sont: les bénéficiaires dun traitement et dune réadaptation précoces; ceux qui réussissent à maîtriser leurs douleurs et à adopter des stratégies antistress; ceux qui ont eu des satisfactions dans leur travail et qui se proposent datteindre un objectif dans leur carrière professionnelle (Aronoff et coll., 1987).
Certains RRLP cessent de verser des prestations dès quun travailleur frappé dincapacité reprend son travail. En cas de récidive, le travailleur doit suivre une nouvelle fois toute la procédure et attendre plus ou moins longtemps avant de recevoir des prestations. Cette disposition entrave fortement laction de qui veut persuader les travailleurs quils sont en assez bonne forme pour reprendre leur poste. Cest pourquoi dautres RRLP prévoient une période dessai pendant laquelle les prestations sont servies lorsque le travailleur tente de reprendre son ancien emploi ou de voir si sa reconversion la rendu capable deffectuer de nouvelles tâches. Dans ces conditions, le travailleur na rien à perdre si sa tentative se solde par un échec.
Les membres de la Société dergonomie de langue française (SELF) ont mis en évidence la complexité du réseau des liens entre accidents et tâche. Se fondant sur les observations faites par ses collaborateurs dans les mines de charbon, Faverge (1977) a mis au point une méthode danalyse qui est aujourdhui appliquée par lINRS en France.
Il nest pas nécessaire, pour suivre cette méthode, que les effets sur la santé soient importants et les accidents graves. Cest ainsi que lon a pu établir un tissu complexe de liens entre le travail sur écran de visualisation et la fatigue visuelle (Rey, Meyer et Bousquet, 1991).
En établissant ces liens, lergonome dispose dun outil précieux pour proposer des mesures préventives aux différents stades de la production.
Lanalyse ergonomique des tâches est devenue une technique courante en dehors de la SELF et les auteurs que nous allons citer sont aussi bien Américains et Canadiens quEuropéens. Elle a ceci doriginal quelle requiert la participation du travailleur. En effet, en plus de la connaissance que lopérateur a des contraintes de son travail, sa perception du risque dépend de nombreux facteurs qui échappent à lanalyse technique pratiquée par les ingénieurs et les spécialistes de la sécurité.
Dans lexécution de ses tâches, lopérateur ne suit pas toujours à la lettre les consignes du spécialiste de la sécurité, mais est influencé par son attitude vis-à-vis du travail et par sa propre perception des risques. Comme le notent Walters et Haines (1988):
La perception des risques, chez les travailleurs, naît et sexprime de façon différente des modèles médico-techniques qui dominent dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Par exemple, ce nest ni auprès de lencadrement, ni auprès des représentants des services de santé, ni dans des cours de formation que les travailleurs vont chercher linformation sur les produits chimiques; ils la trouvent dans leur propre expérience, dans les observations de leurs collègues, voire dans leurs perceptions. Les travailleurs ont des connaissances fondées sur lexpérience qui ne sont pas les mêmes que celles inscrites dans le savoir et lexpertise techniques.
Au Québec, Mergler (cité par Walters et Haines) a proposé en 1987 de mieux prendre en compte lexpérience des travailleurs qui redoutent les atteintes à leur santé. Après avoir mené de nombreuses enquêtes sur le terrain, Mergler sait combien il est difficile dobtenir le témoignage des travailleurs sils craignent de perdre leur emploi en exposant leurs conditions de travail.
Durrafourg et Pélegrin (1993) prennent encore plus de distance avec le schéma réducteur de la relation entre la cause et leffet cher aux assureurs et aux responsables de la sécurité. Pour ces auteurs, la prévention ne peut être efficace quà condition denvisager la santé des travailleurs et la situation de travail comme un tout.
Bien que les grands risques puissent avoir une cause prépondérante (par exemple, le niveau de bruit dans la surdité ou la présence dune substance chimique dangereuse dans une intoxication), tel nest pas le cas de la majorité des problèmes qui affectent les conditions de travail, lhygiène et la sécurité. Selon Durrafourg et Pélegrin, en ce cas, le risque «se situe à la croisée des exigences des tâches, de létat de santé des travailleurs et des contraintes sur le lieu de travail».
Ainsi, par exemple, si les travailleurs plus âgés ont moins daccidents que leurs collègues moins expérimentés, cest parce quils ont «acquis de la prudence et suivent des procédures efficaces en vue déviter le danger».
Lanalyse ergonomique devrait permettre didentifier «les facteurs sur lesquels il est possible dagir pour valoriser la prudence des travailleurs et de leur donner tous les moyens nécessaires afin de maîtriser leur santé et leur sécurité».
En résumé, selon les ergonomes et les médecins du travail qui ont une formation moderne, le risque ne sexprime pas seulement par la connaissance du milieu physique, chimique et bactériologique, mais aussi par une connaissance du milieu social et des caractéristiques des travailleurs. Une étude des tâches plus approfondie, au sens ergonomique du terme, devrait absolument être menée lors de chaque cas daccident déclaré. Cet effort danalyse nest consenti que très rarement et partiellement par les autorités en place (inspections du travail, services de sécurité et de santé, services médicaux), mais un pas dans ce sens est indispensable à lefficacité de la prévention.
Confrontée à la hausse des coûts due en partie seulement aux dépenses consacrées à la réparation des lésions professionnelles et aux programmes de prévention, les employeurs délocalisent les emplois des pays industriels vers les régions moins développées où les salaires et les charges sociales sont en général plus bas, et les règlements et ladministration de la sécurité et de la santé moins sévères. Lorsquils doivent prendre des mesures préventives souvent onéreuses, certains employeurs nhésitent pas à fermer leurs établissements et à en ouvrir dautres dans les régions où les salaires sont plus faibles. Laugmentation du chômage fait que les travailleurs peuvent se retrouver sans emploi après leur réadaptation et, par conséquent, choisissent de continuer aussi longtemps que possible à recevoir des prestations dincapacité (Euzéby, 1993).
Pour soutenir la concurrence des régions à bas salaires, les employeurs réduisent leurs effectifs et exigent des travailleurs en emploi une plus grande productivité. La tendance concomitante à négliger ou à reporter les considérations de sécurité au travail peut provoquer une augmentation des accidents et des maladies qui pèsent plus lourdement sur les RRLP.
En même temps que les prestations servies aux travailleurs et les primes versées par les employeurs dordinaire fondées sur les effectifs et sur un pourcentage de la masse salariale baissent à cause des compressions de personnel, les ressources des RRLP diminuent. Cest ce qui sest produit en Suisse, par exemple, où la CNA a dû réduire son propre personnel.
Aux Etats-Unis, une motion du Congrès demandant que la réglementation et la mise en uvre de la sécurité et de la santé au travail soient confiées non plus à la responsabilité fédérale, mais aux Etats et aux autorités locales, na pas obtenu lallocation de ressources budgétaires suffisantes pour mener à bien ce transfert de compétences.
Tschopp (1995) a préconisé une égalisation, au niveau international, de la protection sociale qui permettrait de maintenir les RRLP, ainsi que les programmes de prévention, dans les pays développés et daméliorer les conditions de travail et de vie dans les pays en développement, et ce, pour le plus grand bien-être de leurs populations.
De manière générale, et bien que des progrès soient toujours souhaitables, les RRLP fonctionnent de manière tout à fait satisfaisante lorsquil sagit de fournir des soins de santé et des services de réadaptation et de servir des prestations dincapacité aux travailleurs victimes de lésions professionnelles; en revanche, leur traitement des maladies professionnelles laisse beaucoup à désirer. Pour remédier à ces imperfections, la législation devrait reconnaître davantage de maladies professionnelles, améliorer les statistiques et renforcer les études épidémiologiques qui retracent les effets de ces maladies sur la main-duvre, et reconnaître les avancées médicales et scientifiques qui font état dune multiplicité de causes de nombre dentre elles.
Le rôle des RRLP dans la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, en plus de fournir des données sur leur épidémiologie, reste à définir. La théorie selon laquelle de bonnes mesures de prévention font baisser les coûts des contributions ou des primes dassurance des employeurs nest pas toujours confirmée dans la pratique. En fait, des voix préconisent de séparer ladministration de la réparation des lésions professionnelles et la prévention, qui serait confiée à un autre organisme où les spécialistes de la sécurité et de la santé joueraient un rôle plus important. Cela exige à tout le moins une réglementation de lEtat et une mise en application plus stricte idéalement dans le monde entier afin dégaliser les conditions de travail dans tous les pays, industriels et en développement.
LOIT devrait encourager ses Etats Membres à développer des politiques efficaces de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
En Allemagne, lassurance obligatoire contre les accidents a été instituée, en tant que branche indépendante de la sécurité sociale, par la loi y relative de 1884 qui est entrée en vigueur en 1885. Elle avait pour objet:
Depuis 1884, le régime dassurance a été constamment remanié et élargi. Les changements ont porté, en particulier, sur les entreprises assujetties (elles le sont toutes, sans exception, depuis 1942; les catégories assurées (par exemple, les enfants et les jeunes du jardin denfants à luniversité sont protégés depuis 1971); les éventualités assurées (en 1925, extension aux accidents de trajet, aux accidents se produisant en dehors du poste de travail habituel, ainsi quaux maladies professionnelles); lindexation générale des prestations en espèces depuis 1957. On doit souligner, enfin, lamélioration permanente des méthodes, moyens et applications de la prévention et de la réadaptation.
Lassurance contre les accidents est confiée actuellement par la loi à 110 caisses dassociations professionnelles (Berufsgenossenschaften), constituées le plus souvent en corporations de droit public. On distingue trois domaines:
Nous examinerons ici le domaine le plus important, à savoir lassurance contre les accidents dans lindustrie. En tant que corporations de droit public, les associations professionnelles relèvent de ladministration fédérale et font partie de lordre juridique allemand. Cependant, elles jouissent dune grande indépendance et, à maints égards, sont autonomes. Les deux organes de lautonomie, lassemblée des délégués et le conseil dadministration, sont composés paritairement, pour chacune des associations, de représentants des employeurs et des salariés, élus démocratiquement; le régime fonctionne dans le respect de la loi. Les conditions de versement de prestations et létendue de la prise en charge sont définies par la loi, mais lassurance contre les accidents conserve, dans sa gestion privée, une grande latitude dans la fixation des primes et, surtout, dans le domaine de la prévention où elle met en place des règlements dapplication. De même, les conseils dadministration des associations professionnelles décident des questions relatives à lorganisation, à la gestion du personnel et au budget. Les autorités de surveillance de lEtat veillent à ce que les décisions prises par le conseil ou par le personnel administratif soient conformes à la loi.
On constate quau cours du temps, le nombre des accidents du travail et des accidents de trajet a dabord diminué, avant daugmenter au moment de la réunification de lAllemagne en 1991. Pour lassurance contre les accidents dans lindustrie, la tendance se dessine ainsi: le taux daccident, cest-à-dire la fréquence des accidents du travail et de trajet par 1 000 travailleurs employés à temps plein a régressé dun peu moins de la moitié entre 1960 et 1990. Cette heureuse évolution est encore plus marquée pour les accidents graves, ceux qui donnent lieu à réparation par lallocation de rentes: le taux a reculé des deux tiers environ; quant à celui des accidents mortels, il a baissé des trois quarts environ. La courbe des maladies professionnelles sécarte de celle des accidents, en ce sens que les statistiques ne font pas apparaître de tendance cohérente durant la période considérée. Au fur et à mesure que de nouvelles maladies professionnelles qui ne figuraient pas sur la liste des maladies reconnues y ont été inscrites, le nombre des cas déclarés a augmenté, tant en ce qui concerne la prévention que la réadaptation.
La diminution générale des accidents du travail et de trajet en nombre et en gravité a eu un effet favorable sur les dépenses. Malheureusement, dautres facteurs sont venus alourdir les coûts: lindexation des prestations en espèces, laugmentation générale des coûts de la santé, lextension de la protection à de nouvelles catégories, lélargissement de la couverture notamment aux maladies professionnelles et, enfin, les efforts entrepris pour améliorer et intensifier les mesures de prévention et de réadaptation. Au total, les dépenses ont moins augmenté que le salaire de base utilisé pour calculer les cotisations. La prime moyenne dassurance contre les accidents dans lindustrie est tombée de 1,51% en 1960 à 1,36% en 1990. A la suite de la réunification de lAllemagne, la prime moyenne est remontée à 1,45% en 1994.
La répartition des coûts entre les trois domaines de responsabilité de lassurance contre les accidents (prévention, réadaptation et prestations en espèces) sest modifiée de la manière suivante pendant la période 1960-1994:
Pendant ce temps, le montant des cotisations dans les autres branches du système allemand de sécurité sociale a considérablement augmenté. En moyenne, les primes pour lensemble des branches de lassurance sociale en République fédérale, étaient, en 1960, de 25,91 deutsche marks (DM) pour 100 DM de salaire; elles se sont élevées à 40,35 DM en 1994. La part de la prime moyenne à lassurance contre les accidents dans la contribution totale à lassurance sociale, a, elle, reculé de 5,83% en 1960 à 3,59% en 1994. La part de lassurance contre les accidents continue de ne représenter que 0,5% environ du produit national brut, et ce nest que dans ce domaine que léconomie a été soulagée dans une certaine mesure des charges sociales.
Cet heureux résultat est dû principalement au recul de la fréquence et de la gravité des accidents. De plus, grâce aux efforts accomplis en matière de réadaptation, lassurance contre les accidents a réussi à prévenir ou à atténuer lincapacité de longue durée. De ce fait, le nombre de cas ouvrant droit au versement dune rente na presque pas changé en trente ans, alors même que le nombre dassurés augmentait de 40%.
La baisse de la fréquence des accidents est à mettre au compte de nombreux facteurs: la modernisation des méthodes de production (en particulier lautomatisation), les changements structurels de léconomie et de lemploi (déplacement vers les services et les communications) ont certes joué un rôle, mais leffort de prévention consenti par lassurance contre les accidents a aussi contribué de manière substantielle à ce déclin des accidents avec ses conséquences bénéfiques sur les plans financier et humain.
Le régime est censé offrir le bénéfice de la sécurité sociale aux victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles. Il décharge aussi les chefs dentreprise de leur responsabilité à légard des victimes. Ces deux objectifs reposent sur les principes fondamentaux qui la caractérisent depuis sa création:
La responsabilité des employeurs pour les accidents du travail est remplacée par une obligation de droit public de lassurance contre les accidents, à savoir le service de prestations. Toute action civile en dommages et intérêts intentée par lassuré contre lemployeur ou dautres salariés de lentreprise est exclue.
Les primes sont versées par les seuls employeurs qui sont responsables des risques professionnels et qui sont dégagés de leur responsabilité par le régime dassurance contre les accidents.
Les demandes de prestations, fondées sur le principe de la réparation des lésions, remplacent les actions civiles contre les employeurs.
Les prestations de lassurance sont attribuées sans quil soit besoin dapporter la preuve formelle dun contrat dassurance, et indépendamment de la déclaration de lemployeur auprès de la caisse. Une protection sûre et efficace est ainsi garantie à tous ceux auxquels le législateur a étendu la protection de lassurance.
Les prestations sont allouées, en principe, sans tenir compte de lauteur de la faute et cela doffice, cest-à-dire sans que layant droit ait à engager une action. La relation demploi est ainsi libérée de tout différend portant sur la question de la faute.
Lassurance contre les accidents se voit attribuer, outre sa tâche de fournisseur de prestations, la responsabilité de la prévention des accidents liés à lemploi et des maladies professionnelles. Car, si elle dégage lemployeur de sa responsabilité, il nen demeure pas moins comptable de la sécurité et de la santé du milieu de travail. Létroite relation entre la réparation en espèces et la prévention est donc essentielle.
Nous avons examiné plus haut les principes fondamentaux qui sont à la base du régime dassurance contre les accidents: une corporation de droit public jouissant de lautonomie et structurée par branche dactivité.
Les relations entre les divers domaines de responsabilité de lassurance contre les accidents sinspirent de deux principes: lobjectif primordial est de maintenir le nombre des cas déclarés aussi bas que possible grâce à des mesures de prévention adéquates («priorité de la prévention sur la réparation»). En cas daccident, lobjectif premier doit être, dans la mesure du possible, la réadaptation médicale, professionnelle et sociale de la victime. Ce nest qualors que les incapacités résiduelles ouvriront droit à une réparation en espèces («priorité de la réadaptation sur attribution de rentes»).
Nous verrons ci-après comment ces principes sappliquent dans les domaines de responsabilité de lassurance contre les accidents.
Lactivité de prévention est dictée par les considérations suivantes: le régime dassurance contre les accidents, qui prend en charge les coûts de la réadaptation et de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, devrait tout dabord être en mesure de les prévenir autant que possible. Les employeurs devraient être conscients de leurs devoirs en matière de sécurité et de santé au travail, même si leur responsabilité directe envers leur personnel a été endossée par le régime dassurance contre les accidents. La relation entre assurance et prévention devrait indiquer aux parties en cause en particulier aux employeurs quil est avantageux dinvestir dans la sécurité au travail, avant tout pour des raisons humanitaires en évitant des souffrances, mais aussi par intérêt financier grâce à la réduction des primes et des coûts des accidents pour lentreprise. Lorganisation de lassurance contre les accidents en fonction des différentes branches dactivité et la représentation paritaire des employeurs et des salariés au sein de ses conseils dadministration ont permis dacquérir une solide expérience de la prévention et de motiver les intéressés. Cette relation étroite entre réparation et prévention distingue le régime allemand de ceux de la plupart des autres pays qui prévoient dordinaire linspection, par des fonctionnaires, de la sécurité dans les établissements. Il est vrai quil existe aussi en Allemagne un corps dinspecteurs de la sécurité à côté des services techniques de surveillance de lassurance contre les accidents; les deux institutions se complètent et collaborent. Les fonctions de linspection des fabriques sont toutefois plus étendues et portent sur la réglementation de la durée du travail, la protection des groupes à risque tels les jeunes ou les femmes enceintes, et la protection de lenvironnement.
Le mandat de prévention conféré au régime dassurance contre les accidents nest indiqué que dans les grandes lignes et laisse aux caisses une grande liberté daction sur les points de détail, notamment en ce qui concerne les particularités à lintérieur même des différentes branches dactivité. De cette manière, les règles générales de sécurité sont modulées au gré de lexpérience concrète et spécifique acquise dans les entreprises.
Voici les aspects les plus importants de la notion de prévention dans le régime allemand dassurance contre les accidents:
Les associations professionnelles sont tenues délaborer des règlements de sécurité spécifiques à chaque domaine de risque qui ont force de loi auprès des employeurs et des assurés. Les caisses peuvent en assurer lapplication et, en cas dinfraction, infliger des amendes. Ces règlements sont dictés par lexpérience et sont revus périodiquement pour tenir compte des progrès de la technique.
Les caisses mettent à la disposition des entreprises des services techniques spécialisés pour les conseiller et les surveiller. Ces services emploient des inspecteurs hautement qualifiés (ingénieurs de sécurité et autres scientifiques) et sont soutenus par des experts appartenant à dautres disciplines, selon les besoins de la branche dactivité. Les compétences de ces services dinspection vont du conseil sur les règlements obligatoires à la fermeture dune partie de létablissement en cas de menace pour la santé.
Les caisses offrent aussi aux médecins dentreprise et autres spécialistes de la sécurité des conseils, une formation, des moyens dinformation et une assistance dans leur travail. Ces spécialistes de la sécurité qui travaillent en entreprise sont des consultants de valeur importants pour les services techniques; grâce à cette collaboration, il devient possible de déceler à temps les risques daccidents et autres dangers pour la santé liés au travail et de prendre les mesures de protection appropriées.
Les services techniques des caisses veillent à ce que les employeurs respectent leur obligation dengager des médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité. Certaines associations professionnelles ont leurs propres services médicaux et techniques et leurs membres peuvent y recourir lorsquils nen comptent pas dans leur établissement.
La formation de base et la formation continue des responsables de la sécurité dans les entreprises est prioritairement entre les mains des caisses. Les programmes de formation sont adaptés aux besoins spécifiques des différentes branches dactivité et sont différenciés selon les niveaux de responsabilité dans létablissement. De nombreuses caisses possèdent même leurs propres centres de formation.
Les caisses adressent aux employeurs et aux chefs dentreprise des questionnaires sur la sécurité au travail afin de les mettre au courant des risques éventuels et de les inciter à renforcer la prévention. Les PME sont devenues récemment le point de mire des activités de prévention.
Les services techniques dinspection des caisses conseillent aussi les travailleurs et les informent des dangers quils courent, pour leur sécurité et leur santé, sur leur lieu de travail. De ce point de vue, la collaboration des comités dentreprise est très importante, puisque ce sont eux qui représentent les intérêts des travailleurs. Les travailleurs devraient contribuer à laménagement du milieu de travail et il faudrait tirer profit de leur expérience. En effet, une participation renforcée des travailleurs aide souvent à trouver des solutions pratiques aux problèmes de sécurité. Une meilleure sécurité peut motiver les salariés, accroître la satisfaction au travail et avoir un effet positif sur la productivité.
Les services techniques de surveillance des caisses dassurance contre les accidents visitent régulièrement les entreprises et enquêtent sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles. Ils prennent des mesures et établissent des constats en fonction des risques courus, afin de bien cibler les mesures de protection. Les résultats de ces analyses et létude du poste de travail et de ses astreintes, ainsi que les connaissances déduites des soins médicaux, font lobjet dun traitement informatisé moderne et sont utilisés pour développer la prévention dans tous les établissements.
Les caisses disposent dateliers spécialisés pour vérifier la conformité technique des machines, installations et équipements de protection avec les normes de sécurité. De cette manière, et fortes de lavis des fabricants et des opérateurs, les caisses obtiennent des informations précises dont elles tirent des mesures pratiques de prévention dans les établissements et quelles sefforcent aussi dintroduire dans les normes de sécurité nationales, européennes et internationales.
Les associations professionnelles ont mené ou financé de nombreux projets de recherche orientés vers les besoins ou lutilisation pratique, afin de contribuer à lenrichissement des connaissances en matière de sécurité et de santé au travail.
Dans lintérêt des employeurs et des salariés, tout le travail de prévention des caisses dassurance contre les accidents vise à rendre les mesures de sécurité et de santé au travail aussi efficaces et économiques que possible. Cest pourquoi les stratégies de mise en application doivent aussi être pratiques. Lefficacité du travail de prévention est surveillée de près.
Les salariés en emploi ou en formation sont assurés aux termes du régime dassurance contre les accidents. La protection est accordée indépendamment de lâge, du sexe, du statut matrimonial, de la nationalité, du niveau de la rémunération ou de lancienneté; elle est garantie même lorsque lentreprise nest pas encore inscrite dans une caisse dassurance contre les accidents ou quelle na pas payé de primes.
Les travailleurs à domicile ou les salariés des petites industries à domicile sont obligatoirement protégés, comme le sont aussi les personnes qui sont au bénéfice de mesures de réadaptation prévues par la sécurité sociale et les employeurs de quelques branches dactivité. Tous les autres employeurs peuvent saffilier à ce régime.
Dans lagriculture, les travailleurs agricoles, les exploitants et leur conjoint collaborant à lexploitation sont obligatoirement assurés.
Dans le secteur public, en plus des employés, de nombreuses catégories de personnes sont assurées (mais non les fonctionnaires et les militaires). Cest le cas, en particulier, des enfants et des jeunes du jardin denfants à luniversité , des personnes qui exercent des activités dintérêt public et des détenus qui travaillent. La plus grande partie des assurés du secteur public jouissent dune protection gratuite, financée par lEtat fédéral, les Länder et les communes.
Les éventualités couvertes sont les accidents du travail et les maladies professionnelles. Les accidents qui se produisent à loccasion dactivités liées à lutilisation de machines et les accidents de trajet sont aussi réputés accidents du travail. Voici les conditions à remplir pour avoir droit à lassurance:
Une faute de lassuré ne supprime pas le droit à lassurance mais, si la seule cause de laccident ressort de la sphère privée (par exemple, si lassuré était pris de boisson ou participait à une bagarre), laccident nouvre pas droit à lassurance. Il en va de même si le dommage corporel, quand bien même serait-il survenu au cours de lemploi, est manifestement dû à un problème de santé antérieur (cest le cas, la plupart du temps, des crises cardiaques ou des hernies discales).
Une liste officielle énumère les maladies professionnelles, cest-à-dire celles qui, daprès les connaissances médicales, sont causées par les effets de substances auxquelles certaines catégories de personnes, du fait de leur activité professionnelle, sont nettement plus exposées que la population en général. Une maladie dont lorigine professionnelle vient dêtre établie par de nouvelles découvertes scientifiques, mais qui ne figure pas encore sur la liste officielle, peut ouvrir droit à réparation par les caisses dassurance.
En règle générale, la victime na pas à adresser de demande de prestations à la caisse dassurance contre les accidents qui les lui sert de sa propre initiative. Cela signifie que les déclarations sont faites par dautres personnes; les employeurs, les médecins et les hôpitaux sont tenus dinformer les caisses dassurance contre les accidents. De cette façon, tous les cas daccidents du travail et de maladies professionnelles sont enregistrés dans les statistiques.
Le régime allemand est tenu par la loi de servir des prestations aux victimes daccidents du travail ou de maladies professionnelles, en vue de leur réadaptation médicale, professionnelle et sociale. Lobjectif est de rétablir, aussi complètement que possible, la santé de la victime et de la réintégrer dans la vie professionnelle et sociale. En plus de ladage déjà mentionné, «priorité de la réadaptation sur lattribution de rentes», le régime prévoit le service de toutes les prestations par la même caisse. Cette manière de faire garantit un programme de réadaptation rapide et coordonné qui tient compte de létat de santé de la victime, de son niveau dinstruction et de sa situation personnelle. La caisse dassurance contre les accidents ne se limite pas à verser des prestations et à offrir des soins médicaux, elle cherche à assurer la meilleure réadaptation possible; pour cela, elle sadresse aux médecins les plus qualifiés et aux hôpitaux les mieux équipés et crée ses propres cliniques, en particulier pour les grands brûlés, les victimes de graves lésions de la colonne vertébrale et du cerveau, fait procéder, en outre, au suivi médical et, si nécessaire, réoriente les programmes de réadaptation.
Les caisses dassurance doivent veiller à ce quun traitement approprié soit entrepris aussi rapidement que possible après laccident et comporte, au besoin, les soins de spécialistes ou de médecins du travail. Le traitement relève donc de médecins particulièrement qualifiés chirurgiens et orthopédistes, spécialistes de la traumatologie du travail , disposant de moyens techniques et dinstallations adéquates et prêts à sacquitter de certaines tâches administratives remplir des déclarations et présenter des rapports dexpertise. Après un accident, les victimes devraient immédiatement sadresser à un médecin conventionné et dûment qualifié. Les caisses confèrent à ces médecins le droit dordonner la suite du traitement et de décider si celui-ci est dordre général ou, dans les cas graves, dapporter des soins spéciaux.
Cest justement pour ces cas graves que les caisses dassurance sont les plus exigeantes en matière de soins: elles ne confient les victimes quà quelques hôpitaux très spécialisés qui sont soumis à des directives et à des contrôles stricts.
Pour surveiller et diriger le traitement, les caisses dassurance recourent à des experts qui ont pour mission de suivre le déroulement des soins, détablir des rapports et, si besoin est, de proposer des mesures complémentaires de réadaptation.
Les prestations de soins médicaux et de réadaptation sont entièrement prises en charge par les caisses, selon le principe du tiers payant.
Si le traitement médical ne permet pas aux victimes de reprendre leur travail, les caisses dassurance doivent offrir une réadaptation professionnelle. La loi prévoit que les moyens de réadaptation sajustent à chaque cas particulier (gravité de lincapacité, niveau dinstruction, qualifications et préférences professionnelles, âge). La réadaptation peut comprendre des mesures spécifiques à létablissement comme laménagement du poste de travail pour tenir compte de lincapacité; laide à la recherche dun emploi soit dans lentreprise où sest produit laccident, soit dans une autre entreprise; une aide financière à lemployeur disposé à offrir un emploi. Une formation professionnelle, y compris une formation de reconversion, est également assurée.
Comme le régime est responsable à la fois des soins médicaux et de la réadaptation professionnelle, les mesures nécessaires de réadaptation peuvent être planifiées et commencer pendant la réadaptation médicale, avec la participation des victimes et des médecins. Cette tâche est dévolue à des conseillers professionnels qui sont des collaborateurs des caisses dassurance qualifiés et expérimentés. Ils rendent visite aux blessés graves durant leur hospitalisation, assistent les assurés dans la recherche et le choix des meilleurs moyens de réadaptation professionnelle et les accompagnent jusquà leur retour dans le monde du travail.
La réadaptation médicale et la réadaptation professionnelle sont les premières conditions à remplir pour que les victimes puissent recommencer à vivre autant que possible comme avant laccident. Il faut cependant les dépasser et faire en sorte que les personnes subissant des effets durables sur leur santé puissent non seulement reprendre leur travail, mais encore participer à la vie sociale, familiale et culturelle. Cest dans cette perspective que les caisses dassurance allouent des prestations dites de réinsertion sociale: véhicules ou chaises roulantes pour accroître la mobilité; activités sportives pour handicapés destinées à les maintenir en bonne santé et à les faire participer à la vie sociale; aides ménagères; aménagement dun logement adapté aux besoins des personnes handicapées.
Durant la première période dincapacité de travail après laccident, lemployeur doit continuer à verser le salaire (pendant six semaines au moins selon les conventions collectives). Ensuite, la caisse dassurance alloue des prestations pour perte de gain («salaire de remplacement») pendant la réadaptation médicale. La prestation en cas dincapacité correspond généralement au salaire de la victime avant laccident, déduction faite de sa cotisation à la sécurité sociale et à lassurance contre le chômage (environ 13%). Durant la période de réadaptation professionnelle, elle verse une prestation pour perte de gain temporaire dun montant un peu inférieur à celle qui est versée pour incapacité. Ces prestations sont versées pendant toute la durée de la réadaptation médicale et professionnelle, de sorte que la victime et sa famille sont à labri du besoin. Le paiement des cotisations aux autres branches de la sécurité sociale évite toute solution de continuité dans la protection de lassurance.
Les assurés reçoivent des rentes dinvalidité à titre de réparation pour les séquelles dun accident du travail ou dune maladie professionnelle. Les rentes ne sont allouées quà la fin de la réadaptation et supposent une diminution de la capacité de gain (en général 20%) pendant une période de temps minimale (au moins treize semaines après laccident). Ces rentes sont calculées en fonction de la diminution de la capacité de gain et des gains annuels.
Un barème indicatif permet de déterminer le taux dinvalidité en fonction de la perte de la capacité de gain. En conséquence, ce nest pas la perte réelle de gains entraînée par laccident du travail ou la maladie professionnelle qui sert de référence, mais bien la perte de la capacité de gain sur le marché du travail. La perte de la capacité de gain, qui dépend essentiellement de la gravité de la lésion, est évaluée par un médecin expert. Cette technique contribue à maintenir les frais administratifs à un niveau assez bas et à alléger la charge de lassuré et de lemployeur. Dans la plupart des cas, le barème indicatif pour le calcul des rentes sapplique de manière à ce que lassuré ne tombe pas dans une situation économique pire que celle qui était la sienne avant laccident. Dans de nombreux cas, on observe même une certaine amélioration de cette situation, en ce sens que les rentes contribuent de facto à la réparation des préjudices immatériels. Les principes du barème indicatif et de la priorité de la réadaptation sur lallocation de rentes sont censés lutter contre le danger de voir lassuré sinstaller dans la sinistrose et adopter une mentalité dassisté. Au contraire, les assurés sont incités, malgré leurs problèmes de santé persistants, à rechercher un travail rémunéré.
Le principe du barème indicatif est complété par lévaluation du préjudice subi afin quune réparation appropriée soit accordée dans tous les cas.
Le calcul des rentes se fonde aussi sur le revenu annuel, cest-à-dire la somme des salaires et du revenu dun travail indépendant de lassuré pendant lannée qui a précédé laccident. Les gains annuels devraient correspondre au niveau de vie de lassuré au moment de laccident du travail.
Dans certaines conditions, les rentes dinvalidité peuvent être versées en totalité ou en partie.
Les veuves, les veufs, les orphelins et, dans certaines conditions, les parents dun assuré décédé des suites dun accident du travail ou dune maladie professionnelle ont droit à des rentes de survivants qui réparent ainsi la perte des moyens dexistence de la famille. De même que pour les rentes dinvalidité, les rentes de survivants sont calculées sur la base du revenu du travail. Le montant est modulé en fonction des besoins des survivants, notamment des veuves avec ou sans enfants et des orphelins dun ou des deux parents. On tient compte, dans le calcul des rentes des survivants, du revenu du travail et du revenu de remplacement, à lexception des rentes pour orphelins de moins de 18 ans. Dans ce cas, le principe de la réparation du préjudice est ainsi respecté: seules les personnes véritablement dépendantes de cette aide reçoivent des prestations proportionnées à leurs besoins.
Outre les rentes de survivants, les frais de transport du corps et les frais funéraires sont pris en charge.
Le droit à la rente de veuf séteint par le remariage. En cas de remariage, la caisse verse une indemnité globale égale au double de la rente annuelle.
Le financement et la loi sur les primes dassurance diffèrent considérablement selon les domaines de lassurance contre les accidents (industrie, agriculture, secteur public). Nous ne traiterons ici que de lassurance contre les accidents dans lindustrie.
Les dépenses du régime dassurance contre les accidents dans lindustrie sont couvertes presque exclusivement par les primes versées par les employeurs; dautres ressources existent, mais elles sont plus modestes. Ce sont les dommages-intérêts payés par des tiers (par exemple, pour les accidents de la route), les gains en capital, les majorations imposées en cas de retard dans le versement des primes et les amendes. Il faut souligner que le régime dassurance contre les accidents dans lindustrie ne reçoit aucune subvention de lEtat. Les primes ne sont perçues que pour remplir une obligation légale, à lexclusion de tout bénéfice.
Les primes de chaque entreprise sont calculées en fonction des salaires assujettis à lassurance (ou du revenu du travail ou du montant de lassurance de lemployeur). La loi sur les primes dassurance tient particulièrement compte du nombre daccidents survenus et du risque couru dans les branches dactivité et dans chaque entreprise. Il faut distinguer ici trois niveaux:
Le premier niveau de prime est fixé en rassemblant une ou plusieurs branches dactivité dans une caisse dassociation professionnelle constituant une communauté de risques. Par exemple, lindustrie de la construction enregistre un nombre plus élevé daccidents et daccidents graves que lindustrie des instruments de précision. En conséquence, les primes de la première sont beaucoup plus élevées que celles de la seconde.
Dans un deuxième temps, on établit, à lintérieur de chacune des associations professionnelles où sont réunis différents métiers (par exemple, lindustrie de la construction regroupe les maçons, les couvreurs, les gardiens, etc.) un nouveau classement en fonction du coût des accidents dans les différentes communautés ou classes de risques. La division générale des branches dactivité en classes de risque donne lieu à une tarification (taux de risque) pour chacune des associations professionnelles. Chaque entreprise est inscrite par lassociation professionnelle dans une classe de risque; les secteurs dune même entreprise peuvent appartenir à des classes de risque différentes. Les taux sont revus tous les cinq ans, en prenant en compte les enquêtes statistiques sur la fréquence et les coûts des accidents. Le montant des primes, pour chacune des branches appartenant à une association professionnelle, est fixé en fonction des classes de risque.
Intervient alors une troisième modulation du montant de la prime pour chaque entreprise considérée individuellement. Les données prises en compte sont le nombre, la gravité et le coût des accidents du travail (à lexclusion des accidents de trajet) qui se sont produits durant les années dactivité antérieures (de un à trois ans). Si les statistiques révèlent une incidence des accidents inférieure à la moyenne dans une entreprise, lassociation professionnelle peut réduire sa prime et inversement. Les associations professionnelles ont toute latitude pour appliquer le système du bonus ou du malus, ou encore une combinaison des deux.
La progressivité des primes des entreprises en fonction de lévolution des accidents est censée convaincre les employeurs de leffet bénéfique des mesures de prévention, sur ce poste de dépense, et les encourager à accroître leurs efforts dans ce domaine.
Le régime dassurance contre les accidents est financé par une procédure de répartition rétroactive des dépenses dont le montant dépend de la balance entre dépenses et recettes pour chaque année budgétaire. Le solde débiteur, déterminé selon les mêmes critères que les primes (classe de risque des entreprises, total des salaires versés durant lannée en cause, éventuellement existence dun bonus ou dun malus), est réparti entre toutes les entreprises membres dune association professionnelle. Naturellement, les dépenses courantes doivent être financées à lavance, par la constitution dun fonds de roulement et par la perception de primes par anticipation. Pour équilibrer les variations à long terme des primes, les caisses dassurance contre les accidents sont tenues de constituer des réserves qui sont investies en priorité dans des institutions qui contribuent à la réalisation des tâches de lassurance contre les accidents, par exemple aux centres de formation ou aux hôpitaux spécialisés dans les soins à donner aux victimes daccidents du travail.
Comme les primes ne peuvent pas être fixées par lemployeur, cest la caisse dassurance contre les accidents qui sen charge et qui en donne notification à lemployeur.
Dans le régime allemand dassurance contre les accidents, qui est organisé par branche dactivité, les changements structurels de léconomie peuvent entraîner pour certaines caisses une charge financière intolérable. Cest ce qui sest passé notamment pour les mines de charbon. Le nombre des mineurs a fortement décru ces dernières décennies, mais lassociation professionnelle doit continuer de verser des rentes qui remontent à la période où les houillères occupaient beaucoup plus de salariés quaujourdhui. Pour faire face à cette augmentation insupportable des primes, des mesures législatives ont été prises en 1968 pour répartir la charge financière entre les caisses des différentes associations professionnelles qui sont tenues de verser un supplément pour compenser les pertes de celles qui ont droit à cette péréquation. Ce faisant, le législateur a étendu à toutes les entreprises industrielles le principe de solidarité qui sapplique à lintérieur de chaque caisse dassurance contre les accidents.
En Israël, le régime de réparation des accidents du travail est placé sous le contrôle et ladministration de lInstitut national dassurance et se fonde sur la loi sur lassurance, telle que codifiée (1995-5775, chapitre 5 «Assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles»).
Le régime sapplique obligatoirement à tous les employeurs qui sont tenus dassurer tous leurs salariés (à lexception des policiers, des gardiens de prison et du personnel de la défense) occupés régulièrement ou temporairement, rémunérés à la journée ou au mois, à temps plein ou à temps partiel. Sont également couverts les travailleurs indépendants, les stagiaires, les détenus qui travaillent, les étrangers résidant en Israël, les personnes en stage de réadaptation professionnelle, les résidents israéliens travaillant à létranger pour un employeur israélien (sous certaines conditions) et les personnes dont le salaire est fixé par la loi (comme les membres de la Knesset, les juges et les maires) indépendamment de lâge ou de la nationalité.
La loi prévoit lallocation de prestations afin de protéger rapidement et équitablement les travailleurs contre les accidents du travail, les maladies professionnelles, linvalidité ou le décès liés au travail.
Si un assuré décède du fait dune lésion professionnelle (accident ou maladie), ses parents veuve/veuf, orphelins, père, mère ou autres parents (ci-après dénommés personnes à charge) ont droit, sous certaines conditions, à des prestations pour lésions professionnelles.
Le terme lésion professionnelle sapplique aux accidents, incapacités ou décès résultant de lemploi. Le terme accident du travail se réfère à tout accident «survenant au cours et du fait de lemploi et/ou dune activité exercée au nom de lemployeur de lintéressé». Dans le cas dun travailleur indépendant, la définition est différente: il sagit de tout accident dont lintéressé est victime «au cours et du fait de lexercice de son activité professionnelle».
Lassurance sapplique également à un accident qui survient alors que la victime se rend en voiture, comme conducteur ou comme passager, ou à pied de son domicile ou de lendroit où elle a passé la nuit à son lieu de travail, ou vice versa, ou dun lieu de travail à un autre, même si les dommages sont dus à un accident de la circulation, à condition que les obligations ou nécessités du travail de la victime constituent la raison principale de sa présence sur les lieux de laccident.
Lassurance sapplique également aux maladies professionnelles telles quelles sont définies à larticle 2 de la loi susmentionnée.
On entend par maladie professionnelle toute maladie contractée du fait du travail ou dune activité exercée au nom de lemployeur ou, dans le cas des travailleurs indépendants, toute maladie contractée du fait de la profession. Les maladies professionnelles sont énumérées dans une liste établie par lInstitut et publiée dans son règlement.
La liste comprend les maladies dues aux lésions professionnelles causées par des agents physiques, chimiques ou biologiques, ou par différentes formes de travail, et celles qui sont apparemment dues au travail.
Tous les salariés, sans exception, sont couverts par lassurance. Il appartient à chaque employeur dassurer ses salariés dans la catégorie correspondante. La couverture par lassurance est également obligatoire pour le gouvernement, lorsquil est lemployeur, et pour tous les employeurs du secteur public.
Une prestation pour lésion professionnelle est attribuée à tout assuré victime dun accident en cours demploi ou atteint dune maladie professionnelle, qui se trouve dans lincapacité dexercer son emploi initial ou tout autre emploi convenable, et qui, effectivement, ne travaille pas.
Une indemnité globale ou une rente dinvalidité (appelées ci-après prestations dinvalidité) est payée à condition que linvalidité ait été reconnue comme due à un accident du travail et que lassuré reste frappé dincapacité du fait de la lésion.
Les conséquences de la lésion sont évaluées en comparant létat de la victime avec celui dune personne du même âge et du même sexe en bonne santé. Les tests qui servent à déterminer le degré dinvalidité sont une combinaison de pourcentages fixés pour chaque type de lésion et de prise en compte subjective de certains facteurs; dans certaines professions, la perte de tel ou tel membre est affectée dun coefficient de pondération plus important dans lévaluation.
Le degré dinvalidité est déterminé par des commissions médicales qui se divisent en deux catégories:
Les commissions établissent dabord le lien de cause à effet entre laccident du travail ou la maladie professionnelle qui doit être reconnu comme étant à lorigine de linvalidité, de même que le degré de ce lien. Les commissions médicales indépendantes sont des institutions quasi officielles qui prennent des décisions plutôt que des mesures administratives et qui, à ce titre, sont soumises au contrôle des tribunaux du travail.
Pour avoir droit à une prestation pour personne à charge, une veuve doit être âgée de 40 ans ou plus, ou avoir un enfant qui vit avec elle, ou être incapable de subvenir à ses propres besoins; un veuf doit avoir un enfant qui vit avec lui. Définition de lenfant: tout enfant de lassuré âgé de moins de 18 ans, ou de moins de 22 ans dans certains cas.
Pour avoir droit à une réadaptation professionnelle, lassuré doit, du fait des lésions professionnelles dont il a été victime, se trouver dans lincapacité dexercer son activité antérieure ou doccuper tout autre emploi convenable; il doit avoir besoin dune réadaptation professionnelle et sy prêter.
Lexistence dun arriéré de cotisations met fin aux droits ou réduit le montant des prestations en espèces. Un travailleur indépendant non enregistré comme tel auprès de lInstitut national dassurance au moment où survient la lésion professionnelle na pas droit aux prestations.
La loi sur lassurance nationale prévoit quen cas daccident du travail ou de maladie professionnelle, lassuré a droit à deux principaux types de prestations:
Les prestations en nature comprennent les soins médicaux, les séjours de convalescence et la réadaptation médicale et professionnelle.
Les soins médicaux comprennent lhospitalisation, les médicaments et autres fournitures, la réparation et le remplacement des appareils orthopédiques et moyens thérapeutiques. Les soins médicaux en général sont fournis dans la mesure où la lésion professionnelle et ses effets tout au long de la vie de lassuré les rendent nécessaires. En fait, ils sont fournis au nom de lInstitut par les caisses maladie agréées et reconnues en tant que services médicaux. La réadaptation professionnelle est offerte par lInstitut, soit directement, soit par lintermédiaire des services dautres organismes.
Allocation pour lésion professionnelle: il sagit dune prestation versée pendant une période dincapacité de travail due à une lésion professionnelle, qui ne peut excéder 182 jours, à compter du lendemain du jour où est survenue la lésion; lallocation est journalière et son montant est égal à 75% des salaires assujettis à contributions pendant le trimestre qui précède laccident du travail ou la maladie professionnelle. Lallocation journalière est plafonnée (voir tableau 26.2).
Période |
Pensions pour personnes à charge1 |
Pensions d'invalidité permanente1 |
Prestations pour lésion professionnelle1 |
|||||
|
|
|
|
|
Nombre de jours payés aux |
Nombre de victimes |
||
|
Travailleurs indépendants |
Salariés |
Travailleurs indépendants |
Salariés |
Travailleurs indépendants |
Salariés |
Travailleurs indépendants |
Salariés |
1965 |
|
891 |
150 |
1 766 |
132 948 |
747 803 |
6 455 |
54 852 |
1975 |
|
2 134 |
508 |
4 183 |
237 112 |
1 067 250 |
10 819 |
65 291 |
19802 |
382 |
2 477 |
950 |
6 592 |
23 617 |
1 017 877 |
10 679 |
63 234 |
1985 |
445 |
2 841 |
1 232 |
8 640 |
165 635 |
921 295 |
6 619 |
50 302 |
1986 |
455 |
2 883 |
1 258 |
8 760 |
169 035 |
964 250 |
6 472 |
51 351 |
1987 |
470 |
2 911 |
1 291 |
9 078 |
183 961 |
1 026 114 |
6 959 |
50 075 |
1988 |
468 |
2 953 |
1 229 |
9 416 |
172 331 |
1 004 906 |
6 683 |
47 608 |
1989 |
481 |
2 990 |
1 375 |
9 824 |
240 995 |
1 126 001 |
8 259 |
51 197 |
1990 |
490 |
3 022 |
1 412 |
10 183 |
248 234 |
1 159 645 |
5 346 |
51 367 |
1991 |
502 |
3 031 |
1 508 |
10 621 |
260 440 |
1 351 342 |
8 470 |
55 827 |
1992 |
520 |
3 078 |
1 566 |
11 124 |
300 034 |
1 692 430 |
9 287 |
64 926 |
1993 |
545 |
3 153 |
1 634 |
11 748 |
300 142 |
1 808 848 |
8 973 |
65 728 |
1994 |
552 |
3 200 |
1 723 |
12 520 |
351 905 |
2 134 860 |
9 650 |
71 528 |
1995 |
570 |
3 260 |
1 760 |
12 600 |
383 500 |
2 400 000 |
9 500 |
73 700 |
1 Pour les pensions d'invalidité et la pension pour personnes à charge, le chiffre annuel indiqué correspond au nombre de bénéficiaires au mois d'avril de chaque année. Pour les prestations pour lésion professionnelle, il correspond au nombre total des bénéficiaires au cours de l'année. 2 Depuis 1980, le chiffre annuel indiqué pour les pensions d'invalidité est calculé sur la base d'une moyenne mensuelle du nombre de bénéficiaires.
Lallocation pour lésion professionnelle nest pas payée pendant les deux premiers jours qui suivent celui de laccident, à moins que lassuré ne soit incapable de travailler pendant 12 jours au moins.
Prestation pour incapacité de travail (pension pour incapacité de travail): cette prestation est servie aux personnes dont le degré dincapacité est égal ou supérieur à 20%. La pension mensuelle est fixée en fonction du degré dincapacité médicalement reconnu; son montant est proportionnel au salaire et au degré dincapacité. Les bénéficiaires de pensions pour incapacité de travail qui appartiennent aux catégories à faible revenu reçoivent en outre une pension complémentaire au titre de «soutien du revenu» (voir tableau 26.2).
Indemnité globale pour incapacité de travail: elle est payée en une seule fois aux personnes dont le degré dincapacité de travail est compris entre 5 et 19%; son montant est égal à celui de lallocation journalière pour lésion professionnelle multipliée par 21 fois le pourcentage dincapacité de travail.
Pension spéciale: elle est payée aux personnes dont le degré dincapacité de travail est égal ou supérieur à 75%, ou compris entre 65 et 74% pour les personnes qui éprouvent des difficultés à marcher; elle a pour but de fournir une aide financière supplémentaire pour payer les dépenses personnelles et les frais de transport et elle est plafonnée par la loi.
Indemnité spéciale: elle est payée aux personnes dont le degré dincapacité de travail est égal ou supérieur à 75%, ou compris entre 65 et 74% pour les personnes qui éprouvent des difficultés à marcher; elle aide à lachat dune voiture (sous conditions spéciales), à la solution des problèmes de logement et à lacquisition des appareils rendus nécessaires par linvalidité.
Prestation de réadaptation professionnelle: ces prestations comprennent laide au diagnostic, lorientation professionnelle, lallocation de réadaptation payée pendant les études (comme supplément à la pension dinvalidité), le remboursement ou le paiement de frais divers liés aux études, comme par exemple les voyages, les cours et le matériel pédagogique; dans certains cas, une indemnité est versée pour lachat dinstruments de travail.
Pension pour personnes à charge: son montant est compris entre 40 et 100% de la pension complète à laquelle lassuré aurait eu droit sil avait été handicapé à 100%; il est tenu compte du nombre des enfants. Les bénéficiaires dune pension pour personnes à charge qui appartiennent aux catégories à bas revenus reçoivent en outre une pension complémentaire au titre de «soutien du revenu» (voir tableau 26.2).
Indemnité globale pour personne à charge: cette prestation est payée à une veuve qui na pas denfants vivant avec elle et qui navait pas atteint lâge de 40 ans lors du décès de son conjoint assuré; elle est égale à 36 fois la pension mensuelle pour personnes à charge.
Indemnité globale en cas de mariage: elle est payée à une veuve ou à un veuf qui se remarie. Dun montant égal à 36 fois la pension mensuelle, elle est versée en deux fractions: une première fois immédiatement après le remariage, une seconde fois deux ans après le remariage (cest-à-dire au moment où séteint le droit à la prestation de survivant).
Réadaptation professionnelle: cette prestation couvre lenseignement professionnel formation professionnelle, allocation dentretien pendant les études, différentes dépenses liées aux études.
Allocation dentretien pour orphelins: elle est versée à un enfant qui passe la plupart de son temps à étudier dans un établissement du second degré ou à suivre une formation professionnelle. Son montant est de 9% du salaire moyen au 1er janvier de lannée; elle est versée sous condition de ressources du parent. Lallocation dentretien est indexée en fonction du taux de lindemnisation versée au cours de lannée.
Prime de Bar-Mitsva: elle est payée au parent dun garçon qui atteint lâge de 13 ans et dune fille qui atteint lâge de 12 ans. Son montant est égal aux deux tiers du salaire moyen au 1er janvier, et elle est indexée en fonction du taux de lindemnisation versée au cours de lannée.
Indemnité globale en cas de décès: cette prestation est versée lors du décès dune personne dont le degré dincapacité de travail était égal ou supérieur à 50% et à laquelle était payée une pension dinvalidité, ou lors du décès dune personne handicapée âgée dau moins 65 ans (homme) ou 60 ans (femme), ou encore lors du décès dune personne qui recevait une allocation pour personnes à charge; elle est égale au salaire moyen au 1er janvier de lannée au cours de laquelle a eu lieu le décès et elle est indexée en fonction du taux de lindemnisation versée au cours de lannée; elle est payée au conjoint du défunt (ou, à défaut, à lenfant du défunt). Pour les bénéficiaires du soutien du revenu, lindemnité de décès est égale à 150% du salaire moyen tel que défini ci-dessus.
Le principal objectif de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles est daméliorer le bien-être des victimes en les encourageant à reprendre le travail. LInstitut finance les services de réadaptation professionnelle fournis aux personnes dont le degré dinvalidité médical est égal ou supérieur à 10%. En outre, la personne frappée dinvalidité conserve le droit de tirer un revenu supplémentaire dun travail sans perdre son droit à la pension dinvalidité servie par lInstitut.
Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, les personnes qui ne sont pas des travailleurs au sens administratif strict du terme, tels que les travailleurs indépendants, les stagiaires, etc., sont elles aussi assurées par lInstitut.
La première loi sur le travail, promulguée sous le mandat britannique en Palestine (1922 à 1948), a été lordonnance de 1922 sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle a été remplacée en 1947 par une loi plus moderne, fondée sur la loi anglaise de 1925. Le principal avantage de ces lois a été de permettre lintroduction en Israël des innovations britanniques dans le domaine de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Les lois susmentionnées sont restées en vigueur jusquau 1er avril 1954, date à laquelle la Knesset a adopté la loi sur lassurance nationale. Cette loi a autorisé lInstitut national dassurance à agir conformément aux dispositions établies. Cest le premier texte général sur la sécurité sociale aux termes duquel a été créé un large éventail de régimes dassurance et de prestations obligatoires inexistants jusqualors.
Cette loi instituait trois grands régimes dassurance:
Au fil des ans, la loi sur lassurance a été modifiée à plusieurs reprises. Voici les principales modifications apportées à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles:
Lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles est administrée par lInstitut national dassurance. Elle fournit à la fois des prestations en nature et des prestations en espèces. Les employeurs qui cotisent à cette assurance pour leurs salariés sont dégagés de leur responsabilité délictuelle, bien quils puissent être tenus pour responsables en cas de négligence. Les prestations payées par lassurance nationale sont déduites de la rémunération perçue par le salarié.
En plus des accidents du travail, lInstitut couvre les maladies professionnelles. Une liste de ces maladies figure dans la deuxième annexe aux points 44 et 45 du règlement de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette liste est presque complète et contient 49 types de maladies liées au travail. Le système de reconnaissance des maladies professionnelles est un système mixte. Il comprend les maladies professionnelles qui figurent sur la liste, mais dautres maladies dorigine professionnelle peuvent également ouvrir droit à réparation, sous certaines conditions.
Aux termes de la loi sur lassurance nationale, est considérée comme «maladie professionnelle» toute maladie définie comme telle par la loi (chap. 85) et contractée du fait du travail, ou dans lexercice dune activité exercée au nom de lemployeur ou, dans le cas dun travailleur indépendant, du fait de sa profession.
En vertu de la loi sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la victime a droit aux prestations prévues par la loi, que son employeur ait ou non versé des contributions à lInstitut; elle a le droit de déposer une demande afin dobtenir lesdites prestations.
Le fonctionnaire chargé du traitement des demandes de prestations est habilité par le conseil dadministration de lassurance nationale à statuer sur la validité dune demande relative à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Si le demandeur nest pas satisfait de cette décision, il peut porter laffaire devant le tribunal du travail et, ensuite, interjeter appel auprès de la cour dappel du travail.
Le requérant auprès du tribunal du travail bénéficie dune assistance juridique gratuite qui lui est accordée par lInstitut national dassurance.
Les prestations de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles sont adaptées à partir du 91e jour en fonction de laugmentation du salaire moyen au 1er janvier qui suit le paiement, puis au cours de lannée, en fonction de laugmentation du salaire moyen dont les travailleurs bénéficient pour tenir compte de linflation.
Lallocation pour lésion professionnelle servie pendant 182 jours est imposable à la source. Les prestations dinvalidité et les prestations de longue durée sont adaptées en fonction de laugmentation du coût de la vie et de lévolution du salaire moyen au 1er janvier; elles ne sont pas assujetties à limpôt.
Lorsquun assuré atteint lâge de louverture du droit à une pension de vieillesse (65 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes), il a la possibilité de choisir entre les deux types de prestations.
Tous les employeurs doivent verser des contributions pour leurs salariés. Lorsquun assuré travaille pour plusieurs employeurs, chacun deux doit sen acquitter comme sil était le seul employeur. Les travailleurs indépendants et les personnes qui ne sont ni des salariés ni des travailleurs indépendants doivent cotiser pour eux-mêmes. Lemployeur verse ses contributions à lInstitut national dassurance. Jusquau 31 mars 1970, le taux de contribution moyen se situait entre 0,5% et 3,0% et, depuis le 1er avril 1971, entre 0,7% et 4,0%. A partir du 1er octobre 1981, le taux minimum a été de 0,7% et le taux maximum de 2,4%. Depuis le 1er juillet 1986, le taux standard des contributions à lassurance (0,7%) est déterminé indépendamment de lampleur du risque dans les différentes branches dactivité, contrairement à ce qui se faisait avant 1986. Depuis le 1er avril 1987, les taux ont baissé en raison du faible coût de la main-duvre.
Pour les salariés, le taux de la cotisation mensuelle est un pourcentage du montant de leur revenu mensuel. Pour les autres travailleurs, le pourcentage est fondé sur leur revenu trimestriel.
Le revenu assujetti aux cotisations est limité par un plancher et un plafond. Pour les salariés et les non-salariés, le plafond de revenu pris en compte pour le recouvrement des cotisations est égal à quatre fois le salaire moyen.
La loi sur lassurance nationale prévoit un certain nombre dexonérations de cotisations, par exemple pendant la période où un salarié a perçu des prestations en cas daccident.
La loi sur lassurance ne traite pas de la prévention des accidents du travail. Larticle 82 de la loi se réfère aux lésions provoquées du fait de la négligence de lassuré. Des sanctions sont appliquées sous la forme dun non-paiement des prestations lorsque lincapacité de travail de lassuré est inférieure à dix jours.
LInstitut national dassurance participe au financement des associations actives dans le domaine de la prévention des accidents du travail, comme par exemple lInstitut de sécurité et dhygiène du travail.
LInstitut national dassurance dispose dun fonds spécial pour financer les activités de prévention des accidents du travail, comme la recherche et la mise au point de moyens expérimentaux utilisables dans des domaines tels que la sécurité, la technique, la médecine, la chimie industrielle et lhygiène.
Le régime japonais de réparation des accidents du travail est placé sous le contrôle du gouvernement et il est régi par la loi sur la réparation des accidents du travail de 1947. Ses prestations ont pour but de protéger les travailleurs, dune manière rapide et équitable, contre les accidents, maladies, incapacités ou décès dus à «lexercice de (leurs) fonctions». La loi ne définit pas «lexercice des fonctions». Daprès les critères utilisés par ladministration publique, cependant, le régime sapplique en cas daccident, de maladie ou de décès résultant de lemploi, survenus «pendant une période dexercice de fonctions durant laquelle le travailleur est sous le contrôle dun employeur aux termes dun contrat de travail», et «résultant dun accident ou de circonstances provoqués par lexercice de ces fonctions». Le régime sapplique donc à tous les accidents, invalidités ou décès survenus alors que les victimes travaillaient ou se rendaient à leur travail. Il sapplique également aux «maladies ou troubles dont sont victimes les travailleurs exposés, de par leurs fonctions, à des risques aux conséquences soudaines ou chroniques nuisibles à leur santé». Ces maladies dues à lexercice des fonctions comprennent les maladies provoquées par des lésions résultant de lemploi, les maladies professionnelles causées par des agents physiques, chimiques et biologiques ou par certaines formes particulières dexercice de lactivité professionnelle et les maladies apparemment causées par le travail.
Le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sapplique obligatoirement à tous les travailleurs salariés employés par des entreprises assujetties à la loi sur les normes du travail. Ces travailleurs comprennent les personnes employées régulièrement ou temporairement, les travailleurs journaliers et les travailleurs à temps plein et à temps partiel, quelle que soit la taille de lentreprise.
Toutes les branches dactivité sont couvertes par le régime, à lexception dune partie de lagriculture, de la foresterie et de la pêche. Ces exceptions sont les exploitations agricoles individuelles qui emploient moins de cinq personnes, les entreprises forestières qui noccupent pas de travailleurs réguliers et les entreprises du secteur de la pêche qui emploient moins de cinq personnes et opèrent dans des zones maritimes où la fréquence des accidents est peu importante. Les fonctionnaires, les employés des collectivités locales et les marins sont couverts par des régimes de réparation distincts.
Les accidents du travail et les maladies professionnelles ouvrent droit aux prestations suivantes:
En cas daccident, de maladie, dinvalidité ou de décès survenant pendant le trajet, la victime bénéficie des prestations suivantes: a) prestation médicale; b) prestation en cas dincapacité temporaire; c) pension en cas daccident ou de maladie; d) prestation dinvalidité; e) prestation de survivants; f) indemnité pour frais funéraires; g) prestation pour soins infirmiers. Ces prestations sont les mêmes que celles qui sont servies lorsque laccident du travail ou la maladie professionnelle surviennent sur le lieu de travail.
Les prestations en espèces sont calculées sur la base du salaire journalier moyen des travailleurs concernés. La prestation pour incapacité de travail temporaire est égale à 60% du salaire journalier moyen et elle est versée à partir du quatrième jour dabsence au travail, en même temps que le supplément spécial pour incapacité temporaire, qui est égal à 20% du salaire journalier moyen (lemployeur doit verser pendant les trois premiers jours une indemnisation égale à 60% du salaire moyen). Le montant de la pension servie en cas daccident du travail ou de maladie professionnelle lorsque le travailleur na toujours pas recouvré la santé après un an et demi est compris entre 245 et 313 jours de salaire journalier moyen. La prestation dinvalidité est comprise entre 131 et 313 jours de salaire journalier moyen. Le montant de la somme forfaitaire versée aux survivants est compris entre 153 et 245 jours du salaire journalier moyen.
La prestation en cas dincapacité temporaire, la pension et la somme forfaitaire sont soumises au système de léchelle mobile qui reflète lévolution des salaires. Lorsque pendant un trimestre, le salaire moyen de tous les travailleurs est supérieur de 110% ou inférieur de 90% au salaire moyen du trimestre pendant lequel est survenu laccident ou la maladie du travailleur concerné, le salaire journalier moyen utilisé pour le calcul de la prestation dincapacité de travail temporaire est automatiquement révisé en fonction du taux de variation du salaire moyen. Des calculs semblables sappliquent à la pension et à la somme forfaitaire lorsque pendant une année le salaire moyen de tous les travailleurs est supérieur ou inférieur au salaire moyen pour lannée pendant laquelle le travailleur concerné est décédé ou est tombé malade.
Lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles a pour objectif daméliorer le bien-être des travailleurs en encourageant et facilitant leur retour au travail ou à la vie sociale, en leur apportant une aide en cas de besoin ou en aidant leur famille en cas de décès, et en leur assurant des conditions de travail appropriées. Le régime comporte donc des dispositions relatives à différents services daide sociale et à un certain nombre de mesures de prévention. Certains de ces services sont gérés par lassociation des services sociaux du travail, qui est financée par le régime dassurance. Les services daide sociale comprennent la création et la gestion dhôpitaux et de centres spécialisés dans le traitement des lésions professionnelles, dont les lésions de la moelle épinière; des ateliers de réadaptation; des prêts au logement; des caisses de secours pour léducation et les soins infirmiers de longue durée; la mise en place et ladministration détablissements de soins spéciaux pour les travailleurs victimes de lésions professionnelles; des services daide à domicile; la location dappareils de prothèse et dorthopédie avec option dachat.
Les employeurs des petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants auxquels, compte tenu de la nature de leur activité, il convient doffrir la même protection quaux salariés, peuvent être couverts par le régime dassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Laffiliation au régime est autorisée pour les employeurs des petites et moyennes entreprises qui sont assurés, au niveau général, auprès dune compagnie dassurances, de même que pour les travailleurs indépendants qui sont affiliés à un organisme dassurance générale.
Les travailleurs envoyés en poste à létranger par leurs employeurs japonais, ou ceux qui sont détachés comme représentants de petites et moyennes entreprises étrangères sont, eux aussi, couverts.
La nécessité de réparer les lésions dont les travailleurs sont victimes sur leur lieu de travail a été reconnue pour la première fois dans la loi sur les fabriques (1911) et la loi sur les mines (1905). Ces lois disposaient que les employeurs étaient tenus de prêter assistance aux victimes de lésions professionnelles. La loi sur lassurance maladie (1922) couvrait les lésions de courte durée dont étaient victimes, sur leur lieu de travail ou non, les travailleurs occupés par les entreprises visées par la loi. La couverture a ensuite été élargie aux lésions de longue durée, ainsi quaux travailleurs du génie civil, de la construction et des transports. Une nouvelle étape a été franchie lorsque les deux principales lois susmentionnées sont entrées en vigueur en 1947, après la fin de la seconde guerre mondiale. La loi sur les normes du travail a introduit pour la première fois lidée de la responsabilité des employeurs et dune réparation au lieu dune «assistance» en cas de lésion professionnelle. La loi a placé le régime dassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles sous la tutelle du ministère du Travail nouvellement créé. Le régime dassurance a été amélioré par des révisions successives de cette loi. Il fonctionne indépendamment des programmes de sécurité sociale en vigueur dans le pays.
Lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles est un régime dassurance public administré par le gouvernement. Elle sétend à tous les accidents du travail, maladies professionnelles et aux accidents de trajet. Elle fournit des prestations médicales et des prestations en espèces. Les frais médicaux et de réadaptation des travailleurs victimes de lésions professionnelles couvertes par le régime sont payés par lassurance; ce traitement nest pas couvert par les régimes dassurance maladie.
Dans les cas couverts par lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, les employeurs ne sont plus tenus dindemniser les victimes comme le prévoyait la loi sur les normes du travail. Il existe cependant des conventions collectives qui prévoient une réparation qui va au-delà de celle de lassurance publique. En outre, certaines entreprises privées se sont affiliées à des régimes de réparation gérés par des compagnies dassurances privées.
Les différends relatifs au montant des indemnités supplémentaires payées aux victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles et à leurs familles sont souvent portés devant les tribunaux.
Tous les types daccidents du travail et daccidents de trajet sont couverts. En ce qui concerne les maladies, une liste des maladies professionnelles est annexée à larticle 35 du décret dapplication de la loi sur les normes du travail (révisée en 1978). Cette liste est complète et elle inclut en fait tous les types de maladies liées au travail et classées en neuf catégories:
Lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles a dabord été un régime dassurance entièrement financé par les employeurs. Son financement partiel par lEtat a débuté en 1960, lorsque la réparation de lincapacité de longue durée a été adoptée et lorsque le versement dune somme forfaitaire aux personnes handicapées physiques a été remplacé par le paiement dune rente. En 1965, lEtat a commencé à subventionner les dépenses de gestion et les prestations en espèces de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il a fallu pour cela adopter différentes modifications à la loi sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui nétait applicable, à lorigine, quaux entreprises occupant régulièrement cinq travailleurs au moins, à lexception de lagriculture, de la foresterie et de la pêche. Les entreprises étaient tenues de saffilier au régime dassurance dès le début de leurs activités. Ladministration du régime dassurance est placée sous le contrôle du bureau des normes du travail du ministère du Travail. Des sanctions sont appliquées en cas dinfraction. Les rôles respectifs des employeurs et des travailleurs sont restés fondamentalement les mêmes que ce quils étaient au début du régime.
Les prestations dont bénéficient les travailleurs victimes de lésions et les survivants ont été revues à la hausse à la suite de plusieurs modifications de la loi, qui ont permis: daméliorer les prestations de longue durée et les pensions versées aux survivants; dintroduire lindexation des prestations sur les salaires; détendre lensemble des prestations à tous les accidents de trajet; dinstaurer un régime de supplément spécial et des services daide sociale en 1976. Cest en 1981 quont été adoptées les règles sur lajustement entre prestations de lassurance et dommages-intérêts. Des prestations pour soins infirmiers sont en cours dinstauration.
La décision de considérer un accident ou une maladie comme ayant été causés par lexercice des fonctions fait lobjet dune interprétation administrative. Les personnes qui ne sont pas satisfaites des décisions ont la possibilité de demander un examen de leur cas ou un arbitrage par arbitre-expert de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, lequel est nommé par le ministre du Travail. Si elles ne sont pas satisfaites de la décision de larbitre-expert, elles peuvent demander un réexamen de leur cas par le conseil de lassurance du travail. Enfin, les personnes qui ne sont pas satisfaites non plus de la décision de ce conseil peuvent saisir les tribunaux.
Le mode de fonctionnement du régime dassurance est approuvé par le conseil de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui comprend des représentants des employeurs, des travailleurs et des milieux universitaires. Le développement du régime et les modifications des prestations sont examinés par le conseil dont les travaux ont abouti à plusieurs révisions de la loi sur lassurance.
Les décisions de la cour dappel et des tribunaux civils sur les cas de réparation sont prises en compte pour la mise à jour du montant des prestations et des conditions dattribution.
Le gouvernement recouvre les primes dassurance auprès des employeurs. La prime est calculée en multipliant le total des salaires payables à tous les travailleurs de lentreprise durant lannée dassurance par le taux de prime. Celui-ci est calculé pour chaque catégorie dentreprise, en tenant compte des taux daccidents antérieurs et dautres facteurs. Un système au mérite est utilisé pour déterminer le taux de prime de chaque branche dactivité. Les taux des différentes branches au mois davril 1992 sont indiqués dans le tableau 26.3.
Branche d'activité |
Type d'entreprise |
Taux de prime |
Foresterie |
Abattage et transport de bois |
0,142 |
Pêche |
Pêche en mer (sauf cas ci-dessous) |
0,067 |
Mines |
Mines de charbon |
0,111 |
Construction |
Nouvelles constructions, centrales électriques, tunnels |
0,149 |
Industries manufacturières |
Céramique |
0,020-0,027 |
Transports |
Chargement/déchargement de bateaux |
0,053 |
Fourniture d'électricité, de gaz, d'eau ou de chauffage |
|
0,006 |
Autres |
Nettoyage, incinération ou transformation de la viande |
0,014 |
Des mesures exceptionnelles visant à augmenter ou réduire le taux de prime déterminé par le système au mérite sont applicables depuis 1997 aux petites et moyennes entreprises qui ont adopté des dispositions spéciales pour assurer la sécurité et la santé de leur personnel.
Les travailleurs victimes de lésions professionnelles, ou les survivants, sont censés fournir les informations nécessaires lorsquils déposent une demande de prestations. Les travailleurs qui reçoivent des soins médicaux pour accident de trajet doivent contribuer eux-mêmes aux dépenses jusquà un maximum de 200 yens pour le premier traitement médical.
Un certain nombre de mesures de prévention sont prises par les services daide sociale qui relèvent de lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles:
Des mesures de prévention fort diverses sont donc financées par des fonds de lassurance.
Lévolution du nombre des entreprises et des travailleurs couverts par le régime dassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et le montant annuel total des paiements de lassurance sont indiqués au tableau 26.4. Il convient de noter que léchelle mobile des pensions a été appliquée pour la première fois en 1983 et que le plafond et le plancher du salaire journalier moyen utilisé pour le calcul du montant de la prestation pour incapacité temporaire servie aux personnes ayant besoin de soins de longue durée ont été instaurés en 1990. Le tableau montre que le nombre des travailleurs protégés par le régime dassurance a augmenté de façon régulière, mais que le nombre des cas ayant bénéficié de prestations a diminué depuis 1988.
Exercice budgétaire |
Etablissements |
Travailleurs |
Prestations |
Nouveaux bénéficiaires |
1960 |
808 |
16 186 |
27 172 |
874 |
1965 |
856 |
20 141 |
58 372 |
1 341 |
1970 |
1 202 |
26 530 |
122 019 |
1 650 |
1975 |
1 535 |
29 075 |
287 640 |
1 099 |
1980 |
1 840 |
31 840 |
567 288 |
1 099 |
1985 |
2 067 |
36 215 |
705 936 |
902 |
1986 |
2 110 |
36 697 |
724 260 |
859 |
1987 |
2 177 |
38 800 |
725 922 |
847 |
1988 |
2 270 |
39 725 |
733 380 |
832 |
1989 |
2 342 |
41 249 |
741 378 |
818 |
1990 |
2 421 |
43 222 |
753 128 |
798 |
1991 |
2 492 |
44 469 |
770 682 |
765 |
1992 |
2 542 |
45 832 |
791 626 |
726 |
1993 |
2 577 |
46 633 |
799 975 |
696 |
1994 |
2 604 |
47 008 |
806 932 |
675 |
En 1994, 25% du total des prestations de lassurance étaient consacrés aux soins médicaux, 14% aux prestations pour incapacité temporaire, 6% aux sommes forfaitaires payées en cas dinvalidité, 39% aux pensions et 14% aux indemnités spéciales. On trouvera la répartition des prestations de lassurance par branche dactivité au tableau 26.5.
Branche d’activité |
Entreprises1 |
Travailleurs1 |
Prestations2 |
|||
|
Nombre |
(%) |
Nombre |
(%) |
(en milliers de yens) |
(%) |
Foresterie |
26 960 |
(1,0) |
126 166 |
(0,3) |
33 422 545 |
(4,2) |
Pêche |
6 261 |
(0,3) |
56 459 |
(0,1) |
3 547 307 |
(0,4) |
Mines |
6 061 |
(0,2) |
55 026 |
(0,1) |
58 847 081 |
(7,3) |
Construction |
666 500 |
(25,6) |
5 886 845 |
(12,5) |
268 977 320 |
(33,6) |
Industries manufacturières |
544 275 |
(20,9) |
11 620 223 |
(24,7) |
217 642 629 |
(27,2) |
Transports |
70 334 |
(2,7) |
2 350 323 |
(5,0) |
64 536 818 |
(8,1) |
Fourniture d’électricité, de gaz, d’eau ou de chauffage |
1 962 |
(0,1) |
188 255 |
(0,4) |
1 344 440 |
(0,2) |
Autres |
1 281 741 |
(49,2) |
26 724 978 |
(56,9) |
151 657 177 |
(19,0) |
Total |
2 604 094 |
(100,0) |
47 008 275 |
(100,0) |
799 975 317 |
(100,0) |
1 A la fin de l’exercice budgétaire 1994. 2 A la fin de l’exercice budgétaire 1993.
Le régime suédois de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles a été instauré par la loi de 1993 sur lassurance invalidité professionnelle (Lagen om arbetsskadeförsäkring). Il fait partie intégrante du système suédois de sécurité sociale. Il est financé par le budget général de lEtat, mais également par les contributions recouvrées auprès des employeurs.
Aux termes de la loi, le régime se propose de compenser la perte de revenu et la perte évaluée de la capacité de gain. Un grand nombre de participants au marché du travail disposent en outre dun régime complémentaire fondé sur les conventions collectives conclues entre les partenaires sociaux (organisations demployeurs et syndicats des secteurs public et privé); il prévoit de réparer la peine et la souffrance, linvalidité et autres types dincapacité. Ce régime dassurance collective couvre la responsabilité civile sans faute (TFA, selon le sigle suédois): pour quune demande soit acceptée, lintéressé na donc pas à apporter la preuve dune négligence de son employeur ou dune tierce partie. Ce régime dassurance complémentaire nest ni imposé ni régi par la loi; il est administré conjointement, sur la base du partenariat, par les organisations demployeurs et les syndicats. Il ne sera ici question que du régime suédois obligatoire établi par la loi.
Le régime fonctionne sur la base des déclarations faites par les assurés en cas daccident ou de maladie. La population assurée comprend quiconque est employé sur le marché du travail au moment où la maladie ou les problèmes de santé se manifestent. La déclaration qui implique que la victime remplisse un formulaire est faite à lemployeur, qui est tenu de la transmettre au bureau local ou régional de lassurance sociale. Après examen du dossier et des justificatifs annexés à la déclaration, le conseil régional de lassurance sociale décide daccepter ou de rejeter la demande.
Lorsque le demandeur ou une tierce partie nest pas satisfait de la décision prise par le conseil régional de lassurance sociale, il peut porter laffaire devant une cour dappel administrative. Cette cour fait partie du système judiciaire suédois.
Le régime est entré en vigueur le 1er janvier 1993 et fonctionne sur la base de trois grands principes:
La notion de lésion professionnelle comprend deux éléments principaux: les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le mot important ici est celui de lésion. Cette lésion peut être causée soit par un accident survenu au travail, soit par lexposition à un risque provoquant une maladie sur le lieu de travail actuel ou sur un lieu de travail précédent. La notion de lésion comprend donc à la fois les conséquences des dommages corporels causés par les accidents et les maladies ou les atteintes à lintégrité physique considérées comme causées par dautres agents physiques, chimiques, psychologiques ou dautres facteurs liés au milieu de travail. La notion de maladie, telle quelle est retenue par le régime suédois, est très large. Elle comprend à la fois les maladies qui figurent, par exemple, dans la Classification internationale des maladies de lOMS, et les troubles fonctionnels, affections ou atteintes à lintégrité physique perçus par lintéressé comme des altérations de sa santé. La Suède na donc pas établi de liste officielle des maladies professionnelles ou liées au travail. Toute maladie ou atteinte à lintégrité physique, telles que définies ci-dessus, peuvent être considérées et reconnues comme étant dorigine professionnelle, daprès les éléments de preuve présentés à lappui de la demande de réparation. Cela implique que, outre les maladies ou les problèmes de santé directement causés par le travail ou par des facteurs propres au lieu de travail, il faut inclure également dans la notion de lésion professionnelle les facteurs suivants:
Cette notion très large des lésions professionnelles est appliquée depuis 1977 et elle na pas subi de changement dans la loi telle que modifiée, en vigueur depuis le 1er janvier 1993. Cela signifie quil nexiste pas de liste «fermée» des maladies professionnelles. Il ny a pas non plus de distinction entre les maladies causées par lexercice de lactivité professionnelle et celles qui sont liées au travail. La reconnaissance dune maladie ou dun trouble fonctionnel notifiés par une victime (couverte par le système de sécurité sociale) comme étant une maladie professionnelle dépend des éléments de preuve présentés par le demandeur.
Le recours à une notion aussi large permet au régime didentifier tout problème de santé dont la cause pourrait être les conditions de travail ou auquel celles-ci auraient pu contribuer.
La reconnaissance dune maladie professionnelle dépend de lidentification dun facteur de risque sur le lieu de travail. Lorsque ce facteur ne peut pas être identifié et évalué comme étant assez significatif dans le type de lésion en cause, la maladie ou lincapacité fonctionnelle ne peuvent pas non plus être reconnues comme étant dorigine professionnelle.
Par facteur de risque, il faut entendre tout agent physique, chimique ou autre susceptible davoir un effet négatif sur létat de santé des travailleurs. Cette notion est cependant limitée: la loi ne considère pas comme facteurs de risque ceux qui sont liés à la fermeture des entreprises, aux conflits du travail, à labsence de tout soutien social, à la non-adaptation à la culture de lentreprise et à dautres considérations de même ordre.
La législation en vigueur depuis le 1er janvier 1993 dispose qu«un facteur de risque est celui dont il existe une forte probabilité quil provoque une maladie ou une atteinte à lintégrité physique».
Ce libellé impose des règles plus strictes par comparaison avec la loi en vigueur jusquau 31 décembre 1992 sur les éléments de preuve à soumettre à lexamen des conseils de lassurance sociale. Les textes explicatifs annexés à la loi précisent également que lévaluation des risques que présente le facteur en cause doit être conforme à lopinion dominante ou, idéalement, au consensus des experts médicaux qualifiés. Si les opinions divergent sur lévaluation des propriétés dangereuses du facteur, celui-ci ne sera pas considéré comme ayant satisfait à la condition de la plus forte probabilité.
Lévaluation du facteur de risque implique aussi une évaluation quantitative. Lexposition au facteur en cause doit donc être prise en compte sous ses différents aspects, tels que la durée, lintensité et autres critères à considérer pour en déterminer les propriétés dangereuses.
Une fois établie comme fortement probable lexistence ou lintervention antérieure dun facteur de risque ce qui comprend également une évaluation quantitative , la prochaine étape consiste à parvenir à une conclusion quant à la plausibilité dun lien de cause à effet dans le cas individuel en examen. Voici la règle générale à suivre en la matière: le poids des éléments de preuve devrait faire apparaître un lien de cause à effet entre lexposition au risque et la maladie ou le problème de santé pour quelle puisse être reconnue comme une lésion professionnelle. Dans la législation en vigueur jusquau 31 décembre 1992, la notion de lien de cause à effet était nettement plus large. On présumait en effet lexistence dun lien de cause à effet dès que la présence dun facteur de risque avait été acceptée comme probable et quaucune preuve du contraire ne pouvait être apportée. La charge de la preuve a maintenant été renversée. Il faut aujourdhui disposer dune preuve de lexistence dun lien de causalité. Dans la pratique, cela signifie quil faut également prendre en considération dautres causes, par exemple certains aspects du mode de vie du demandeur, ses activités de loisirs ou sa situation personnelle en général.
Le principe fondamental, dans lapplication de la législation, est que tous les assurés doivent être acceptés, quels que soient leur faiblesse de constitution et leur degré de vulnérabilité. Il peut soulever des difficultés considérables, par exemple en ce qui concerne lévaluation des problèmes de santé liés à des réactions dhypersensibilité et à des allergies. Il peut être très difficile de porter un jugement, pondéré sur limportance relative de la constitution dune personne et des facteurs professionnels ou liés au milieu de travail. En lespèce, la difficulté réside dans la définition et lévaluation des propriétés du facteur de risque. Lagent (par exemple, lexposition à un produit chimique sur le lieu de travail ou à un polluant atmosphérique) peut être sans danger pour les personnes les plus exposées, mais non pour celles qui y sont particulièrement sensibles.
En Suède, le régime public de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et les systèmes publics dapplication des mesures de prévention en faveur de la santé au travail sont séparés et nont aucun lien direct. Le taux daccidents du travail et de maladies professionnelles na pas deffet sur le montant des contributions financières des employeurs ou des entreprises: cest un système de paiement à un taux forfaitaire.
Le régime de réparation ne fournit des prestations quaux personnes victimes de lésions dont lorigine professionnelle a été reconnue et il na aucun rapport avec la mise en uvre des mesures de prévention.
Il en va de même en ce qui concerne la réadaptation professionnelle, et ce, que laccident ou la maladie aient été ou non reconnus comme étant dorigine professionnelle. Lemployeur a une obligation de principe: prendre des mesures en vue dune réadaptation lorsque le travailleur a été absent de son poste pendant quatre semaines ou plus.
La législation relative à lassurance sociale naccorde aucun rôle aux partenaires sociaux (cest-à-dire aux organisations demployeurs et aux syndicats) dans le rejet ou lacceptation des demandes de réparation des lésions professionnelles. Dans lentreprise, lemployeur est tenu par la loi de transmettre au régime dassurance sociale toute demande de réparation présentée par lun de ses salariés. Les organisations syndicales fournissent généralement des conseils et un appui à ceux de leurs membres qui déposent des demandes. Cet appui comprend la rédaction de la demande, lexamen des conditions de travail, etc.
Depuis que la législation actuelle est entrée en vigueur, les autorités de contrôle ont passé beaucoup de temps à traiter le grand nombre de cas notifiés aux termes de la législation antérieure. Cela explique que les effets de la nouvelle loi soient encore peu connus et que les statistiques officielles soient incomplètes.
Il est devenu nécessaire aujourdhui de mettre au point des directives pratiques pour la mise en uvre de la législation. Le régime dassurance TFA a récemment publié, conjointement avec linstitut national de la vie professionnelle, un rapport qui fait le point des connaissances actuelles sur les maladies et les facteurs professionnels liés à certaines catégories de maladies. De telles descriptions existent aujourdhui pour les tumeurs, les maladies du système nerveux, les maladies des poumons et de la plèvre, les maladies malignes, les maladies cardio-vasculaires, les dermatoses et le déficit auditif lié à lexercice de la profession (National Institute for Working Life and Labour Market No-Fault Liability Insurance Trust, 1995). Un autre volume consacré aux troubles psychologiques et aux troubles mentaux liés au stress est en préparation.
Avant le changement de la législation sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, le nombre des cas de maladies professionnelles ayant ouvert droit à réparation au début des années quatre-vingt-dix était denviron 50 000 à 55 000 par an. Le nombre des accidents du travail déclarés et reconnus à la même époque était de 20 000 à 22 000 par an. Les affections musculo-squelettiques représentaient lessentiel (80%) des cas de maladies déclarés.
La coordination automatique des paiements effectués par le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et par le régime général dassurance maladie est un facteur important, qui a des répercussions sur le nombre des lésions professionnelles déclarées. En 1993, le temps nécessaire à cette coordination est passé de 90 à 180 jours. Ainsi, une maladie ou un accident, même lorsquils ont un lien de cause à effet avec lactivité professionnelle, nouvrent droit à réparation que sils entraînent une longue absence au travail (plus de 180 jours) ou une invalidité permanente. Pendant les 180 premiers jours, les prestations sont assurées par le régime général dassurance maladie.
On sattend que le nombre des accidents du travail et des maladies professionnelles déclarés et, par conséquent, le nombre des cas reconnus commence à diminuer de façon importante dans un proche avenir. Les procédures utilisées pour létablissement des statistiques officielles nont pas encore été adaptées aux changements intervenus dans la législation. En conséquence, le nombre des déclarations et des lésions professionnelles reconnues et enregistrées aujourdhui est une combinaison des demandes déposées aux termes de la législation antérieure et des demandes relevant de la législation en vigueur depuis le 1er janvier 1993. Les statistiques officielles ne montrent donc pas encore leffet des modifications apportées à la législation.