Le présent chapitre traite des régimes de réparation en cas dincapacité (due à un accident ou à une maladie) ou de décès résultant de lemploi. Il ne cherche pas à énumérer ou à décrire les régimes en vigueur dans chaque pays, mais bien à expliquer les dispositions les plus courantes en la matière et à en souligner la diversité.
La réparation peut être assurée par:
La plupart des pays industriels recourent à une combinaison de ces différents régimes. La Partie 1 de ce chapitre traite des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et la Partie 2 des autres systèmes.
Bien que lon trouve des traces de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles dans des civilisations antérieures notamment dans le droit maritime , les régimes en place de nos jours ont été créés au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle ou au cours du XXe siècle.
La couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles par un régime de réparation est en général obligatoire soit dans un certain nombre de branches dactivité bien déterminées, soit dans toutes, à quelques exceptions près. En général, les mines, les industries manufacturières, la sylviculture, la pêche, les transports, le bâtiment et les travaux publics, la distribution, les soins de santé et autres services publics sont couverts par ce type de régime. Certaines législations excluent de leur champ dapplication lagriculture, les services (par exemple, les agences de voyages) et les services domestiques. La responsabilité de lemployeur (décrite dans la Partie 2) peut sappliquer aux branches exclues. En cas dexclusion dune branche, certaines législations autorisent lapplication de la couverture à la demande de lemployeur. Dans plusieurs Etats, les employeurs qui occupent un nombre de salariés inférieur à un minimum déterminé (en général entre trois et vingt) sont exclus de la couverture obligatoire.
Lorsquune branche dactivité est couverte, toutes les personnes qui y sont occupées bénéficient de cette protection, quelles travaillent de manière régulière ou occasionnelle, à temps plein ou à temps partiel, dans la production ou dans les bureaux. Les travailleurs migrants tombent généralement dans la catégorie des personnes dites protégées, mais ils peuvent en être exclus à dautres titres, par exemple sils travaillent dans une branche dactivité non couverte. Il ny a pas de délai de carence avant la prise en charge. Certaines législations protègent les administrateurs et les membres de la direction des entreprises, dautres non. Les classifications utilisées dans les lois relatives aux entreprises ou aux relations professionnelles ne sappliquent généralement pas à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il est des législations qui excluent les membres de la famille de lemployeur, et dautres les travailleurs dont les revenus dépassent un certain montant. Il est également courant dexclure les personnes exécutant des travaux occasionnels étrangers à lentreprise ou aux affaires de lemployeur. Dans la plupart des législations, le fait quun travailleur atteigne lâge auquel il a droit à une pension de retraite ne lexclut pas de la protection du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais il nest pas rare que les prestations soient alors réduites.
Il nest généralement pas tenu compte de la nationalité du travailleur. Toutes les personnes légalement employées dans une branche dactivité couverte sont généralement incluses, et certaines législations couvrent également les personnes employées illégalement. Ailleurs, lattribution des prestations est laissée à la discrétion des autorités lorsque le travailleur était occupé aux termes dun contrat illégal. Certaines législations étendent la protection à tout enfant né avec une incapacité résultant de lemploi de lun de ses parents; dans dautres, la question nest pas tranchée.
La protection sétend généralement aux personnes dont le lieu de travail habituel se trouve dans lEtat intéressé. Dans les branches dactivité mobiles, comme la pêche, les transports routiers et le transport aérien, il existe la plupart du temps un port dattache ou une base qui sont considérés comme le lieu de travail habituel de lintéressé. Ne sont pas pris en compte: le lieu choisi par lemployeur comme siège principal de son entreprise; le lieu où sont versés les salaires, encore que, pour les professions mobiles, il puisse faire partie des éléments pris en considération pour déterminer le port dattache ou la base de certains travailleurs; le lieu de résidence du travailleur ou des personnes à sa charge, sauf dans quelques législations qui le prennent en considération à certaines fins.
Dans certaines législations, les employeurs non constitués en société et les administrateurs dentreprise (lorsquils ne tombent pas dans le champ dapplication du régime obligatoire) peuvent choisir dêtre protégés en qualité de travailleurs. Vis-à-vis de la législation, ils ont alors à la fois les avantages et les obligations des travailleurs et ceux des employeurs.
Ce terme est employé ici pour désigner les personnes qui gagnent leur vie en travaillant, sans être ni employeurs ni salariés.
Les travailleurs indépendants sont:
Certaines législations considèrent les travailleurs indépendants comme des salariés en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les pêcheurs professionnels, par exemple, sont parfois traités comme des salariés et ils entrent dans le champ dapplication du régime obligatoire, quils soient ou non considérés comme salariés à dautres fins.
La distinction entre un salarié et un travailleur indépendant est souvent sujette à controverse en raison de lintérêt quun employeur ou un salarié peut avoir à traiter cette relation comme un accord entre contractants indépendants plutôt que comme un contrat de travail. Le fait de considérer ainsi cette relation peut en effet permettre de se soustraire à lobligation de cotiser à différentes caisses publiques et de ne pas respecter les autres obligations qui incombent à lemployeur. Il est donc courant de constater quune relation qui est à lévidence une relation demploi est présentée dans des documents officiels comme liant des entrepreneurs indépendants. Reconnaître ces documents comme valables aux fins de la réparation dun accident du travail ou dune maladie professionnelle est en général incompatible avec les dispositions réglementaires applicables lorsque la couverture est obligatoire. Lorsquune personne travaille exclusivement, ou presque exclusivement, pour une autre, il est incontestable que leur relation est une relation demploi. De même, un contrat précisant expressément quil ne sagit pas dune relation demploi est habituellement la preuve que cen est bien une.
Certains Etats utilisent le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles pour létendre aux non-salariés, ou à des incapacités de travail qui ne résultent pas de lemploi. Ces extensions sappliquent en général aux personnes envers lesquelles le gouvernement a contracté certaines responsabilités, telles que les sapeurs-pompiers bénévoles et les autres catégories de volontaires qui effectuent un travail non lucratif. Les détenus, les étudiants et les enfants sont encore dautres exemples, mais moins courants. Dans certains pays, la protection sétend à toute personne victime dun accident alors quelle agissait pour lintérêt public, comme, par exemple, en sauvant la vie dune personne en danger, ou en empêchant un crime. Lorsque le régime protège ces catégories, il est dordinaire financé par des fonds publics.
Certains Etats ont institué des régimes distincts pour telle ou telle branche dactivité particulière, par exemple, les gens de mer, les militaires ou les fonctionnaires. Dans les Etats fédératifs, il existe parfois un régime créé par le gouvernement fédéral et limité à certaines branches dactivité, tandis que les gouvernements des Etats constituants sont chargés dadministrer le régime général.
La plupart des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles relèvent de lun des trois grands types dorganisation suivants:
Quelques Etats utilisent une combinaison entre des compagnies dassurances et une caisse publique. Dans certains pays, les gros employeurs sont autorisés à supporter leurs propres risques, de sorte que la compagnie dassurances ne fait que soccuper des demandes de réparation, ou que lorganisme gouvernemental a une tâche administrative et décide dattribuer des prestations, mais ne joue quun rôle dappui en tant quassureur.
Dans les trois modèles décrits ci-dessus, le travailleur est tenu de déclarer laccident ou la maladie à son employeur, du moins lorsque cela lui est possible. Des règles précises doivent être suivies pour cette déclaration, puis pour la présentation du rapport sur laccident ou la maladie. En général, lassureur reçoit des rapports de lemployeur, de la victime et des médecins traitants. Dans certains systèmes dassurance sociale, lemployeur qui ne fournit pas de rapport dans les délais prescrits est frappé dune amende ou doit verser une cotisation plus élevée. Sinon, il peut être poursuivi devant les tribunaux. Lorsquun demandeur ne respecte pas les règles applicables à la présentation de son rapport, le versement des prestations peut être refusé ou suspendu, mais les demandeurs bénéficient souvent de dérogations en la matière, de sorte que le refus du droit à prestations nest pas automatique. Quant aux médecins traitants qui ne respectent pas les règles applicables à la présentation de leur rapport, le versement de leurs honoraires peut être suspendu.
Jusquà ces dernières années, les rapports reçus étaient présentés sur papier, et les fichiers des organismes gestionnaires étaient eux aussi constitués de documents écrits. Aujourdhui, on recourt aux moyens électroniques de communication et denregistrement des données.
La plupart des législations exigent que les demandes de prestations soient présentées dans des délais déterminés; quelques-unes, cependant, autorisent les versements avant réception du formulaire de demande dindemnités. Les organismes concernés ont habituellement le pouvoir de proroger les délais de présentation des demandes, mais même en ce cas, lexistence de délais légaux peut être source de graves injustices dans certains cas de maladie.
La décision initiale sur la suite à donner à une demande de réparation, bien que prise parfois par lemployeur, est le plus souvent prise par lassureur. Lorsquun régime est administré par des compagnies dassurances, la décision initiale consiste en lacceptation ou le rejet par lassureur dune demande ou dune offre présentée par le demandeur, ou inversement, en lacceptation ou le rejet par le demandeur dune offre faite par lassureur. Certaines législations contiennent des dispositions qui empêchent la compagnie dassurances dimposer un accord peu favorable au demandeur en différant les versements périodiques. Lorsquil ny a pas daccord, laffaire peut être portée devant les tribunaux ou devant un organisme compétent en matière dattribution des prestations qui prendra la décision initiale.
En général, lorsque le régime relève de lassurance sociale, lorganisme chargé de prendre la décision dattribuer des prestations est également lassureur, de sorte que la décision initiale est définitive. Lun des principes de base de lassurance sociale est que les travailleurs frappés dincapacité nont pas à négocier en position de faiblesse et doivent pouvoir exiger une décision rapide sur leurs droits statutaires. Lorsquune demande est acceptée, mais que le montant des prestations est inférieur à celui auquel le demandeur estime avoir droit, les versements sont effectués au taux fixé pendant la procédure dappel engagée par le demandeur.
Les décisions initiales sont en général fondées sur le dossier du demandeur. Ladministration et lattribution des prestations sont fortement centralisées dans les régimes qui recourent aux compagnies dassurances et dans certains de ceux qui relèvent de lassurance sociale. Le fait que ladministration et lattribution des prestations aient lieu au niveau local permet au décideur de disposer de preuves et darguments de première main et de mieux contrôler la véracité des preuves. Cest là une des raisons pour lesquelles quelques régimes relevant de lassurance sociale ont décentralisé leurs activités.
Dans les régimes relevant de lassurance sociale, il ny a généralement pas de procédure orale pour la prise des décisions initiales, et ce, même lorsque cette procédure est expressément prévue par la loi. Dans certains Etats et dans certains cas, cependant, la procédure orale est appliquée. Lorsquun régime est administré par des compagnies dassurances et quil fonctionne officiellement selon le modèle de la procédure contradictoire, le tribunal chargé de prendre la décision initiale entend normalement les parties au cours dune procédure orale, à moins que lemployeur, ou son assureur, naccepte les exigences du demandeur, ou que le différend soit réglé autrement. Certaines législations offrent la possibilité de recourir à un médiateur. Toutefois, en exigeant ou en autorisant une médiation alors que lune des deux parties na quun pouvoir de négociation réduit et quelle a besoin dun revenu, on risque de porter atteinte au droit du demandeur à une juste décision. Si un régime est censé assurer la continuité du revenu sans quil soit besoin de recourir à des avocats, il convient de prendre le plus rapidement possible la décision dattribuer des prestations, notamment afin déviter tout retard dans la réadaptation.
Lun des problèmes les plus couramment rencontrés en matière de décision initiale est celui du renvoi du dossier à dautres pour examen et décision: lemployé qui reçoit les renseignements du demandeur na quun pouvoir très limité, si bien que, dès que les questions sont un peu complexes, elles sont soumises à une autre personne qui, elle, ne tient pas de première main les preuves et les arguments. Il est courant que différentes décisions concernant la même demande soient prises par plusieurs personnes, avec tous les risques de malentendus, derreurs et dincohérences que cela implique. Ces systèmes de renvoi sont une source majeure de retards, de gaspillage, de dommages thérapeutiques, derreurs et dinjustices et ils peuvent porter atteinte au processus de réadaptation.
Dans les Etats qui utilisent le système de la procédure contradictoire, cest aux parties quil appartient de fournir les preuves des faits et de présenter les avis médicaux. Dans certains régimes relevant de lassurance sociale, les parties doivent fournir les preuves dont elles disposent et celles quil est en leur pouvoir dobtenir, mais cest à lorganisme chargé dattribuer les prestations quincombe la responsabilité de procéder aux enquêtes nécessaires pour produire dautres preuves. De même, les enquêtes permettant de sassurer de lexactitude des preuves fournies relèvent de la responsabilité des parties, de lassureur ou de lorganisme dattribution des prestations. Dans les régimes relevant de lassurance sociale, lenquête peut faire partie des fonctions normales du service qui prend les décisions dattribution, ou relever dun service spécialisé distinct (encore que cette structure soit moins efficace pour des enquêtes ordinaires).
Dans les régimes qui recourent à la procédure contradictoire, et dans quelques régimes relevant de lassurance sociale qui ne lutilisent pas, cest à la victime quil revient détablir les faits qui justifient sa demande, mais, parfois, la charge de la preuve peut incomber à lemployeur pour certaines questions particulières. Dans dautres, la charge de la preuve nincombe à personne dautre quà lorganisme dattribution. Il existe parfois des présomptions légales. Il ny a habituellement aucune présomption générale en faveur du travailleur ou à son encontre, mais il existe souvent des présomptions applicables à des situations particulières. Lexemple le plus fréquent à cet égard est le fait que, lorsquune lésion est due à un accident intervenu pendant la période dexercice de lactivité professionnelle, elle est présumée due à cette activité et, inversement, lorsque cette blessure est due à lactivité professionnelle, elle est présumée être intervenue pendant la période dexercice de cette activité, à moins que la preuve du contraire ne soit apportée. Certains Etats considèrent que, lorsquun travailleur est trouvé mort sur son lieu de travail, son décès est présumé dû à son activité professionnelle, à moins que lon napporte la preuve du contraire.
En matière de preuve, le niveau généralement requis est le critère de la plus forte probabilité, cest-à-dire, en dautres termes, la meilleure des hypothèses possibles. Toutefois, en ce qui concerne létiologie de la maladie et certaines autres questions médicales, lapport de la profession médicale nest pas toujours contrôlé selon les critères légaux en vigueur, ce qui a pour effet quun niveau de preuve plus élevé et illégal est souvent requis pour que la demande soit acceptée. Par exemple, lorsque des médecins sont invités à émettre un avis sur létiologie, ils répugnent dordinaire à conclure leur rapport sur un constat dignorance, même si celui-ci figure clairement dans le corps du rapport. Dès lors, la conclusion négative dun rapport médical ne reflète parfois rien de plus que le fait que le médecin-conseil, faute déléments positifs, a supposé pouvoir émettre un avis négatif. Il sagit donc dune conclusion dordre juridique (parfois erronée), et non dune conclusion médicale. Dans certaines législations, il est prévu que, lorsque les différentes possibilités séquilibrent, la décision prise doit être favorable au travailleur ou aux personnes à sa charge, sauf si lon apporte une preuve emportant une décision contraire.
Dans dautres, le niveau minimum requis en matière de preuve dans une affaire mettant en cause lactivité professionnelle de la victime nest pas le critère de la plus forte probabilité. Une demande doit être rejetée à moins quil ne soit prouvé que les éléments positifs présentés à son appui bénéficient dune probabilité plus forte que les éléments négatifs. Ce type de dispositions ne sapplique parfois quaux cas de maladie. Mais, même dans ces pays, la plus forte probabilité reste le niveau minimum requis en matière de preuve pour tous les autres cas, comme lorsquil y a incapacité.
Certains régimes disposent dun service chargé de détecter les abus. Sa compétence peut être limitée aux abus commis par les demandeurs, mais aussi sétendre à ceux quont commis les administrateurs du régime, les demandeurs, les employeurs, les compagnies dassurances et les prestataires de soins de santé et de services de réadaptation.
La préparation et le dépôt dune demande sont généralement des actes simples qui ne nécessitent pas de connaissances juridiques particulières et pour lesquels certains Etats interdisent dailleurs le paiement dhonoraires. Le recours à des avocats est en revanche courant lorsquune demande fait lobjet dun différend, et sa fréquence augmente au fur et à mesure que les affaires atteignent les niveaux de décision les plus élevés. En cas dévaluation des antécédents ou lorsque lemployeur a une assurance personnelle, il peut y avoir un avocat pour le travailleur et un autre pour lemployeur. Sinon, la défense nest normale que pour le travailleur.
Dans les régimes administrés par des compagnies dassurances, les défenseurs impliqués dans le processus dattribution sont généralement des juristes. Dans ceux qui relèvent de lassurance sociale, le défenseur peut être un avocat, un responsable syndical, ou un défenseur non professionnel spécialisé dans les affaires de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans certains Etats, le gouvernement ou lorganisme chargé de la réparation mettent à disposition un groupe de défenseurs pour assister les travailleurs et, dans certains autres, un groupe du même type est affecté à la défense des employeurs. Un travailleur peut parfois avoir droit à une assistance juridique aux termes dun plan mis sur pied par lEtat.
Lorsquun régime est administré par des compagnies dassurances, leurs dossiers ne sont généralement pas accessibles au demandeur; cependant, lorsquune affaire fait lobjet dun litige, certains documents du dossier peuvent être obtenus, et les deux parties ont dordinaire accès au dossier du tribunal. Lorsquil relève de lassurance sociale, cest en général le même organisme qui est à la fois lassureur et le responsable de lattribution des prestations et, selon de nombreuses législations, le demandeur peut avoir accès au dossier de cet organisme. Afin de garantir limpartialité de la procédure, quelques législations autorisent laccès au dossier et parfois même, dans certaines circonstances, à lemployeur, ce qui peut porter atteinte au caractère confidentiel des informations médicales. Laccès du demandeur au dossier peut aussi être autorisé aux termes des dispositions sur les droits de lhomme ou la liberté dinformation. Lemployeur na généralement pas accès à ce titre au dossier de demande de prestations, mais il peut consulter les pièces relatives à sa classification et à ses contributions.
Les employeurs ont parfois besoin dinformations médicales aux fins de la sécurité et de la santé au travail, ou de la réadaptation, mais il est des moyens plus efficaces de les obtenir que laccès au dossier de demande de réparation.
Le règlement des affaires de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles diffère de celui des autres affaires portées devant les tribunaux ordinaires sur le point de lirrévocabilité des décisions prises. Lorsquune demande personnelle de réparation est présentée devant les tribunaux aux termes de la législation générale, la décision de la cour est normalement définitive. Or, en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les dispositions prévoient presque toujours que les décisions peuvent être réexaminées lorsque certaines circonstances ont changé. A cet égard, lexemple le plus fréquent est celui où une pension a été attribuée au titre dune incapacité permanente partielle et où, quelques années plus tard, lincapacité a empiré (ou, mais cela est rare, a disparu).
Il est également normal dautoriser le réexamen des décisions lorsque la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est confiée à lassurance sociale, et ce, même si les circonstances nont pas changé. Si les dispositions prévoyant la réouverture du dossier ou le réexamen de la décision ont un but parfaitement louable, elles nen sont pas moins susceptibles dêtre employées à mauvais escient par les administrateurs du régime. La pratique courante qui consiste en effet à ouvrir systématiquement une procédure de réexamen pour chaque requête ou chaque recours entraîne un certain nombre de conséquences négatives. La première est de retarder la décision prise en appel, ce qui parfois retarde aussi la réadaptation. Deuxièmement, lorsquune demande suscite des doutes lors de la décision initiale, ou que les documents à lappui sont incomplets, la demande peut être rejetée et la décision réexaminée si le demandeur présente une réclamation ou forme un recours. Une enquête complémentaire peut alors être entreprise aux fins de la procédure de réexamen, alors quen fait, elle aurait dû être faite dès le début. Le recours à un réexamen a une influence négative sur la qualité de la décision initiale dattribution, et il apparaît comme une injustice aux yeux des partisans dune décision initiale négative.
Certaines législations exigent du demandeur ou du médecin traitant quils produisent un «certificat» médical. Dautres demandent au médecin traitant de faire un «rapport». Un «certificat» est parfois considéré comme décisif sur certains points, alors quun «rapport» médical est habituellement considéré comme lune des preuves à prendre en compte au même titre que dautres.
Les questions médicales sont habituellement traitées de la même façon que les autres points de fait. Certaines juridictions appliquent cependant des dispositions spéciales pour trancher les questions médicales. Les organismes dattribution des prestations disposent souvent, dans leur personnel, de médecins qui les conseillent ou prennent eux-mêmes les décisions en la matière. Dans de nombreux pays, le demandeur est tenu de se soumettre à tout examen médical exigé par lorganisme chargé de la réparation ou par un autre assureur. Dans certaines juridictions, le demandeur doit se soumettre à un examen médical effectué par un médecin nommé par lemployeur, mais ces dispositions sont controversées en raison du risque de préjudice thérapeutique et datteinte à la confidentialité des renseignements médicaux. Dans les cas mortels, les rapports dautopsie sont habituellement considérés comme faisant partie des preuves relatives aux causes du décès. Les certificats de décès sont parfois pris en considération, mais ils sont souvent peu fiables quant aux causes de celui-ci.
Linteraction médico-légale est à lorigine de certains des problèmes les plus fréquents et les plus difficiles à régler lors de la prise des décisions sur les demandes de réparation présentées par les travailleurs. Lexemple sans doute le plus courant est celui de la présentation de rapports médicaux par des médecins qui nont pas été informés des motifs juridiques pour lesquels on a besoin de preuves médicales. Lorsque tel est le cas, le «rapport médical» contient souvent, explicitement ou implicitement, en plus dun avis médical, des hypothèses concernant le contexte (hypothèses parfois erronées, dailleurs) et un avis juridique (la plupart du temps erroné). Pour démêler tous ces éléments du «rapport médical», il faut alors des compétences juridiques dont on ne dispose que rarement lors de la décision initiale. Pour éviter ce problème, certaines législations utilisent une procédure consistant à formuler les questions médicales pertinentes sur le plan juridique avant de demander à obtenir un avis médical.
Dans les régimes administrés par des compagnies dassurances, il est normal que lassureur ou lemployeur participent à la décision sur les questions médicales, et donc, quils aient accès aux informations nécessaires. En ce qui concerne ceux qui relèvent de lassurance sociale, en revanche, lune de leurs raisons dêtre est de préserver la confidentialité des informations médicales. Les employeurs nont parfois pas le droit de participer aux décisions portant sur ces questions, ou ne sont pas incités à le faire: cest le cas lorsque le taux de contribution retenu ne varie pas en fonction du coût de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles survenus. Au contraire, lorsque ce taux varie en fonction des antécédents de lentreprise, la procédure devient contradictoire, et des informations médicales concernant le travailleur sont dordinaire communiquées à lemployeur.
Les dispositions prévoient parfois le recours à un médecin-expert ou à une commission médicale. Dans certains Etats, les conclusions du médecin-expert ou de la commission médicale sont définitives et lient les parties. Dans dautres, ces conclusions peuvent être remises en cause par de nouvelles preuves ou de nouveaux arguments médicaux avancés dans la procédure ordinaire de recours.
Lorsquil existe une structure ou une procédure distincte pour régler les questions médicales, il faut décider quelles sont les questions qui relèvent de ce domaine. Cette responsabilité échoit normalement à ceux qui sont chargés de prendre une décision sur lensemble de laffaire. Sil existe un large consensus sur ce quest une question «médicale», il arrive cependant que les avis diffèrent. Par exemple, en cas dincapacité permanente, les Etats qui utilisent la méthode de lévaluation en pourcentage de latteinte à lintégrité physique pour le calcul du montant de la pension considèrent parfois cette évaluation comme une question médicale. Ailleurs, lévaluation est considérée comme une question dordre général nécessitant un avis médical.
Il est normal de disposer dun organe de recours. Lorsque le régime relève de lassurance sociale, cet organe peut être interne. On peut aussi faire appel à un tribunal externe, en général au dernier stade de la procédure, encore que, ici ou là, à un stade intermédiaire. Dans certains pays, les recours sont formés auprès dun tribunal ordinaire et, dans dautres, auprès dun tribunal spécialisé. Ici, la procédure orale est automatique pour les décisions sur les recours. Ailleurs, ce type de procédure nest utilisé que sur demande, ou lorsque lorgane de recours le juge nécessaire. Dans les régimes relevant de lassurance sociale, il est normal que lorgane de recours et, aussi, dans certains Etats, les parties elles-mêmes, aient accès au dossier utilisé pour prendre la décision initiale. Cela permet, dune part, déviter le gaspillage quimplique une double procédure et, dautre part, de faire en sorte que lorgane de recours examine si la décision initiale est ou non entachée dirrégularité. Les informations contenues dans le dossier peuvent être complétées ou contredites par les nouvelles preuves ou les nouveaux arguments présentés dans la procédure de recours.
Pour les demandes de prestations en espèces, le droit de former un recours nest généralement pas limité, mais il peut lêtre pour laide à la réadaptation. Les recours concernant lassistance médicale sont habituellement autorisés, bien quils soient rares dans nombre de pays.
Les motifs recevables sont généralement plus restreints lorsque le recours est formé devant un tribunal ordinaire que lorsquil lest devant un tribunal spécialisé. De même, une cour dappel ordinaire est moins encline quun tribunal spécialisé à réexaminer les preuves déjà présentées ou à prendre en considération de nouveaux éléments de preuve.
Dans certains Etats, il est possible de présenter des réclamations à un médiateur. Si elles peuvent porter sur le fond des conclusions retenues, elles sont parfois limitées aux questions de procédure.
Lorsque le régime relève de lassurance sociale, il existe en général un manuel sur lattribution des prestations contenant les dispositions y relatives auquel les responsables des décisions peuvent se référer. Il sagit le plus souvent dune synthèse du droit écrit, des règlements, de la jurisprudence et des décisions prises par lorganisme chargé de ladministration ou de la prise des décisions, conformément aux pouvoirs qui lui ont été délégués. Ce manuel est le plus souvent intitulé «manuel dorientation générale», mais ce terme induit en erreur. Seules certaines parties du manuel relatives à lexercice de pouvoirs discrétionnaires peuvent être considérées à juste titre comme une «orientation générale». Il sagit en fait, pour lessentiel, dun règlement faisant partie intégrante du droit public.
Longtemps, ces manuels ont été considérés et traités comme des documents secrets. Le terme «orientation» utilisé dans le titre visait à dissimuler le fait quil sagissait en réalité de recueils de lois secrètes. Ces dernières années, cependant, cette situation a été largement reconnue, et la publication de ces manuels a été rendue obligatoire soit par la loi, soit par une décision des organismes chargés de ladministration ou de lattribution des prestations.
Selon le principe général, une réparation est due pour les lésions et les décès résultant dun événement ou dune circonstance liés à lemploi. Dans de nombreux Etats, la législation se réfère à une lésion survenue «du fait et à loccasion de lemploi». En fait, il ny a habituellement aucune obligation que la lésion ou laccident surviennent en cours demploi. La condition essentielle est quils soient dus à lemploi. Par exemple, supposons quun après-midi, un travailleur A place un rat dans le panier-repas de son collègue B, soit dans lintention de lui nuire, soit tout simplement pour plaisanter. Lorsque B ouvre son panier-repas en arrivant chez lui, le rat le mord, occasionnant une incapacité importante. La lésion nest pas survenue en cours demploi et il nest absolument pas obligatoire quelle lait été. Elle résulte de lemploi (encore que lon puisse en discuter). Il existe des législations, cependant, qui exigent que l«accident» soit survenu au cours de lemploi.
Dautres législations se réfèrent à une lésion survenue «du fait ou à loccasion de lemploi», mais il semble quil ny ait que peu de cas où cette différence de terminologie se traduise par une différence de résultats. Certains Etats ne donnent pas de définition générale de ce quest une incapacité ouvrant droit à réparation. Ils préfèrent utiliser une liste de circonstances ayant un lien suffisant avec lemploi pour que lincapacité ouvre droit à réparation.
La plupart du temps, le lieu où les lésions ont été subies nest pas déterminant. Il nest quun des éléments de preuve retenus pour établir un lien de causalité avec lemploi. De même, il ny a habituellement aucune obligation que les lésions aient été subies pendant la durée normale du travail mais, si tel est le cas, cela fait partie, là aussi, des éléments de preuve retenus pour décider si la lésion résulte ou non de lemploi. Dautres législations accordent une plus grande importance au lien géographique ou chronologique avec lemploi, et plusieurs Etats disposent que les lésions doivent avoir été subies sur le lieu de travail, bien que cette expression englobe en fait tout endroit où le travailleur est censé se trouver dans lexercice de son activité professionnelle.
Certains Etats exigent que lincapacité de travail soit arrivée sur leur territoire, ce qui nest pas compatible avec le principe général selon lequel toute incapacité résultant de lemploi doit être couverte. En général, il suffit que le lieu de travail habituel de lintéressé se trouve dans lEtat où il présente sa demande. Ainsi, lorsquun emploi implique des déplacements internationaux, une demande de réparation présentée par le travailleur au titre dune incapacité survenue à létranger est normalement payée par le régime en place dans lEtat où se trouve son lieu de travail habituel.
Lexpression «lié au travail» figure souvent dans les publications relatives à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais elle est généralement inappropriée et trompeuse. La plupart des Etats nexigent pas, pour que la lésion ouvre droit à réparation, quelle résulte du travail lui-même (activité de production). Un petit nombre dEtats impose cependant cette condition, mais dans la plupart, il suffit que la lésion résulte de lemploi. Par exemple, une lésion subie lorsque le travailleur entre dans les locaux de lemployeur ou en sort, ou pendant une période de pause, ou au moment où il reçoit son salaire, ouvre droit à réparation dans presque tous les pays.
Certaines législations précisent que toute lésion subie pendant lentretien ou la préparation de loutil de travail doit être couverte. Dans de nombreux autres Etats, ce type de dommage est couvert automatiquement, au même titre que ceux qui surviennent en cours demploi ou du fait de lemploi.
Lune des conditions de la réparation a longtemps été que les lésions aient été provoquées par un «accident». Certaines législations lont abandonnée. Dans dautres, ce terme est en général superflu et induit en erreur. Que lon utilise ou non le terme «accident», la réparation ne se limite pas, en général, aux lésions intervenues à telle ou telle occasion, ou du fait dun «accident spécifique». La protection sétend aussi aux incapacités résultant de longues périodes de tension ou de fatigue répétées, ou dautres causes ayant un effet progressif et cumulatif; elle inclut les incapacités dues au caractère routinier du travail. Lorsque le terme «accident» apparaît dans la législation, il ne fait que semer la confusion et entraîne un surcoût inutile pour la prise des décisions dans les cas limites. Il est cependant vrai que, parfois, un événement inhabituel peut constituer une preuve capitale pour la recherche de la cause des lésions. En cas de crise cardiaque, par exemple, certains Etats recherchent sil ny a pas eu de stress ou defforts inhabituels pour déterminer si lemploi a été un facteur contributif à la crise cardiaque, ou si cette crise est seulement due à une dégénérescence naturelle le fait quelle soit intervenue en cours demploi nétant alors que pure coïncidence.
De nombreuses législations couvrent les dommages résultant du trajet entre le domicile et le travail, du moins lorsque le travailleur utilise litinéraire le plus direct et lorsquil ny a pas dinterruption significative du déplacement pour des affaires privées nayant aucune relation avec le but initial. Elles ont en général adopté des règles précises pour déterminer si la protection sapplique encore dans toutes les circonstances, comme, par exemple, lorsque le travailleur utilise un itinéraire plus long pour son plaisir personnel, ou lorsquil sarrête pour faire des achats. Certaines couvrent aussi les dommages résultant du trajet entre le lieu de travail et le lieu où le travailleur reçoit un traitement médical, si ce traitement doit avoir lieu pendant les heures de travail.
Dautres législations excluent de la protection les lésions résultant du déplacement entre le domicile et un lieu demploi fixe. Elles invoquent le principe suivant: puisque le travailleur a choisi à la fois son lieu de travail et son domicile, il a aussi choisi litinéraire à suivre et, par conséquent, les risques encourus lors de ce trajet ne peuvent pas être considérés comme des risques professionnels. Si le travailleur na pas de lieu de travail fixe, mais se déplace entre son domicile et différents endroits désignés par son employeur, ces déplacements sont considérés comme ayant lieu dans le cadre de lemploi et les lésions qui sont susceptibles den résulter ouvrent droit à réparation. Cette approche est courante dans les transports et les travaux publics. De même, lorsquun travailleur est normalement employé dans un lieu de travail déterminé, mais quil est temporairement affecté à un autre lieu de travail, toute lésion résultant du déplacement entre son domicile et le lieu de travail auquel il est temporairement affecté ouvre droit à réparation. Même les déplacements entre le domicile et le lieu demploi fixe sont parfois couverts dans certains cas, par exemple lorsque lintéressé ne fait pas partie de léquipe au travail, mais que son employeur fait appel à lui pour une urgence, ou encore lorsque le travailleur utilise un moyen de transport fourni par son employeur.
Un travailleur peut parfois bénéficier dune protection qui dure un peu plus que son contrat. Par exemple, lorsquun travailleur est victime dune lésion corporelle en entrant dans les locaux de son employeur pour sa première journée de travail, celle-ci ouvrira droit à réparation dans de nombreux pays, nonobstant le fait que les formalités relatives au contrat de travail nétaient peut-être même pas encore achevées. De même, dans de nombreux pays, si un travailleur qui a été licencié est blessé en quittant les locaux de son employeur, ou, parfois même avant darriver à son domicile, il peut avoir droit à réparation pour le dommage subi, et ce, indépendamment du fait que lemployeur a mis fin à son contrat de travail.
Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ont été créés pour remédier automatiquement aux incapacités dues à lemploi et éviter les coûts et les dommages thérapeutiques quimpliquerait la recherche de preuves pour déterminer qui est coupable, si tant est que quelquun doive lêtre. Dès lors, il ny a dordinaire pas lieu de déterminer sil y a eu ou non faute de lemployeur, du travailleur ou de quelquun dautre, à lexception de certains cas mentionnés ci-après.
Les points de vue sur louverture du droit à réparation diffèrent lorsque les lésions ou les décès résultent dun phénomène naturel. Par exemple, lorsquun travailleur est tué par la foudre, son décès ouvre droit à réparation dans certains Etats, mais non dans dautres. Certaines législations examinent si le type demploi exercé par le travailleur lexpose à un risque dune fréquence plus élevée que celle du même risque auquel la population est normalement exposée. Les phénomènes naturels ainsi visés comprennent aussi les lésions causées par des plantes ou des animaux.
On constate, en revanche, de plus grandes différences entre les Etats en ce qui concerne les critères dattribution des prestations en cas de maladie. Le terme «maladie professionnelle» est dusage courant, mais il induit en erreur et est source de confusion. Il tend à impliquer que les prestations ne sont dues que pour une certaine catégorie de maladies qualifiées de «maladies professionnelles», ce qui nest généralement pas le cas.
Certains Etats limitent étroitement la couverture. Elle peut, par exemple, ne sappliquer quaux maladies qui figurent sur une liste préalablement établie qui ne comprend pas toutes les maladies généralement considérées comme «professionnelles». Dans dautres, la couverture est définie de manière plus large, de sorte que les maladies sont indemnisées comme le sont les accidents, y compris celles qui sont susceptibles de toucher lensemble de la population et qui ne sont pas reconnues comme étant dorigine «professionnelle». Comme pour les accidents, ces Etats retiennent comme critère dattribution des prestations le fait que la maladie résulte de lemploi dans le cas particulier, et non pas quelle appartient à une catégorie de maladies qui résultent habituellement de lemploi. Par exemple, une demande de réparation présentée par un membre du personnel de santé atteint de tuberculose peut être acceptée sil est prouvé quen lespèce la maladie résulte de lemploi, indépendamment de sa prévalence dans la population en général.
Quelques Etats adoptent une position intermédiaire. La couverture nest alors pas confinée à une liste de maladies préétablie, mais elle est plus limitée que pour les accidents. Par exemple, certains dentre eux exigent que la maladie soit «particulière ou spécifique à lemploi», ou encore quelle soit «due à la nature de» lemploi. Dautres noffrent que des soins médicaux en cas de maladie, sauf lorsquil y a à la fois atteinte à lintégrité physique et perte de gain, et ce, même quand une pension serait versée en cas dincapacité permanente due à un accident sans quil soit tenu compte dune perte de gain. Certains Etats imposent des conditions ou des délais de déclaration qui ne sappliquent quaux cas de maladie. Ces délais sont parfois peu réalistes, compte tenu des périodes de latence communes à certaines des maladies les plus graves.
Lorsque la maladie résulte prétendument dune contamination, la preuve que lexposition du travailleur au contaminant a été supérieure au niveau maximum fixé par la réglementation est une preuve de causalité, mais elle ne permet pas de tirer une conclusion certaine et définitive. Quant à la preuve que lexposition du travailleur a toujours été inférieure à la limite prescrite, elle a habituellement beaucoup moins de poids, le principe général qui sapplique alors étant quil est plus difficile de faire valoir une preuve négative. Les relevés dexposition des années précédentes nont parfois pas grande signification; il arrive quils se rapportent au milieu de travail plutôt quà lexposition du demandeur, et celle-ci pourrait très bien être supérieure à la moyenne de celui-là. De toute façon, les variations de la sensibilité individuelle à un contaminant et les incertitudes scientifiques quant à la plupart des limites dexposition sont telles que la maladie du demandeur peut fort bien résulter de son exposition au contaminant, quand bien même elle aurait toujours été inférieure aux limites prescrites. La preuve de ce que lexposition du travailleur na jamais dépassé les limites prescrites nest donc pas forcément convaincante et ninterdit pas la recevabilité dune demande de réparation.
De tout temps, les maladies pulmonaires des mineurs et autres travailleurs de lindustrie lourde ont figuré aux premiers rangs des demandes de réparation pour maladie grave et mortelle. Ces dernières années, cependant, les législations ont eu tendance à reconnaître plus souvent les maladies des travailleurs de lindustrie légère et des employés de bureau, dont beaucoup ont des effets plus insidieux sur le fonctionnement du corps humain. Par exemple, certaines dentre elles reconnaissent aujourdhui quune demande peut aboutir en cas de syndrome des bâtiments malsains.
Dans de nombreux Etats, la législation établit une liste de maladies professionnelles qui comprend deux colonnes: la première énumère les maladies et, dans la seconde, en face de chacune de ces maladies, figurent la branche dactivité, le type de travail ou le procédé de travail connu pour exposer à ce risque. La liste na pas la même importance et la même signification dans tous les Etats. Elle peut être:
A lorigine, les situations exposées aux points 1 et 2 étaient courantes, mais, au cours des quarante dernières années, la situation indiquée au point 3 est devenue de plus en plus fréquente. La situation décrite au point 4 est rare. Dans de nombreux Etats, les listes sont trop restrictives et trop obsolètes pour être dune grande utilité dans le traitement administratif des incapacités observées aujourdhui.
Lun des risques inhérents aux listes qui ne sont pas conçues, au départ, pour être exclusives, est quelles ont parfois tendance, dans la pratique, à le devenir quand même. En théorie, lorsquune demande est présentée au titre dune maladie qui ne figure pas sur la liste, on recherche les preuves permettant de déterminer si elle résulte ou non de lemploi. Mais pour éviter que cela ne soit pas fait, on limite, dans la pratique, la couverture aux maladies qui figurent sur la liste. Certaines législations cherchent à pallier ce risque en nutilisant pas de liste du tout.
On part parfois du principe quun diagnostic est nécessaire pour traiter une demande de reconnaissance dune maladie; or, cela nest généralement vrai que dans les Etats où la réparation est limitée aux maladies qui figurent sur une liste exclusive, ou sur toute autre liste dite «close». Dans la plupart des autres Etats, un diagnostic est nécessaire en cas dapplication dune liste indicative, mais non lorsque létiologie professionnelle peut être établie sans diagnostic. Les conditions dattribution sont habituellement liées à létiologie et, lorsque celle-ci peut être prouvée, la maladie peut ouvrir droit à réparation en fonction des probabilités, sans quil soit besoin détablir un diagnostic.
De nombreux Etats appliquent des critères dattribution différents selon quil sagit dune maladie ou dun accident, et il faut donc parfois déterminer si lincapacité peut être considérée comme résultant dune maladie ou dun accident. La distinction est généralement faite de manière pragmatique, sans référence à un principe quelconque. Il nexiste par conséquent aucune règle préétablie pour distinguer un accident dune maladie, mais la pratique courante peut se résumer comme suit.
Les incapacités qui résultent dun traumatisme sont généralement classées comme des accidents, et toute maladie résultant dun accident (comme, par exemple, linfection dune plaie) est considérée comme faisant partie dudit accident. Lorsquune maladie figure sur la liste des maladies professionnelles, ou quelle est spécifiquement mentionnée dune autre manière par la législation, elle est classée dans la catégorie «maladies». Dans les autres cas, les incapacités résultant dun événement particulier sont habituellement classées dans la catégorie «accidents», alors que celles qui résultent dune exposition de plus longue durée sont généralement classées dans la catégorie «maladies», sans toutefois que ce soit toujours le cas, dautant plus quil nexiste aucune règle préétablie à cet effet. Par exemple, les entorses et les déchirures musculaires sont habituellement classées comme résultant dun accident, quelles soient dues à un phénomène brutal et unique ou à lusure. De même, les dermatoses sont en général classées comme des «maladies», quelles résultent ou non dune exposition unique ou dune exposition répétée, alors que les brûlures causées par un incident unique ayant impliqué une exposition à des produits chimiques peuvent être classées comme des accidents. Les pertes daudition dues à une exposition au bruit sont classées comme des accidents si elles résultent dune explosion, mais comme des maladies si elles sont dues à une exposition dune certaine durée. Les incapacités dues à labsorption progressive de produits chimiques ou biologiques sont classées comme des maladies. Les réactions allergiques sont généralement classées comme des maladies, quelles résultent ou non dun incident unique ou dune exposition dune certaine durée.
La réparation dune incapacité physique porte en général aussi sur tous ses aspects et conséquences psychiques. De même, lorsquun trouble mental résultant de lemploi entraîne une incapacité physique, celle-ci est généralement reconnue comme ouvrant droit à réparation. Les textes de lois ne se limitent dordinaire pas aux incapacités physiques, de sorte quil nexiste aucune raison de principe de ne pas attribuer des prestations pour des troubles mentaux résultant de lemploi sans quils soient accompagnés dune incapacité physique. Dans bon nombre de pays, ces cas sont couverts par la législation, mais les autorités font souvent preuve dune certaine réticence lorsquil sagit de reconnaître les droits aux prestations. Ces dernières années, le nombre des demandes de réparation au titre du stress professionnel sest accru, et de nombreuses législations classent le stress soit parmi les accidents, soit parmi les maladies. Parmi les demandes de réparation admises à ce titre figurent celles qui sont dues au milieu de travail par exemple, la température , à lattitude des collègues et des supérieurs hiérarchiques par exemple, le harcèlement sexuel , ou encore au mode de travail y compris les cas de karoshi (décès dû à un excès de travail). Les législations qui attribuent des prestations pour incapacité résultant du trajet tiennent compte des effets combinés du trajet et de ce qui se passe au cours du travail pour décider si le travailleur est frappé dincapacité ou sil est décédé du fait du stress professionnel.
Lévolution politique contemporaine, qui met laccent sur la «compétitivité» et la «déréglementation», notamment la déréglementation des heures supplémentaires, suscite des appréhensions quant à lincidence croissante du stress professionnel. Certains Etats ont réagi en adoptant de nouvelles dispositions législatives qui restreignent considérablement les possibilités de réparation au titre du stress psychologique.
Dans de nombreux pays, une grande partie des demandes de réparation controversées concerne des cas de dorsalgies. La plupart du temps, le travailleur souffre de fortes douleurs à la suite de mouvements de levage ou de rotation effectués dans lexercice de son activité professionnelle. Ces douleurs deviennent parfois chroniques.
Les demandes de réparation pour dorsalgies sont généralement traitées de lune des trois façons suivantes:
Le dilemme auquel on est le plus souvent confronté dans les dorsalgies tient au fait quen général, il nexiste aucune méthode scientifique permettant de déterminer une relation de cause à effet significative et à long terme entre les douleurs et tel ou tel événement particulier intervenu pendant le travail, ou entre les douleurs et lexercice normal de lactivité professionnelle, par rapport à une dégénérescence naturelle ou à dautres facteurs. Les cas de dorsalgies illustrent bien toute la difficulté quil y a à décider dindemniser ou non en se fondant sur la cause dune incapacité.
Dans les cas mortels, il nexiste généralement pas de condition selon laquelle le décès doit être intervenu au cours dune période donnée après laccident ou la maladie, et la demande de réparation peut ouvrir droit à réparation même si le décès intervient de nombreuses années après la cessation de lemploi qui en a été la cause. Un décès résultant dune lésion que le défunt sest infligée volontairement nouvre en général pas droit à réparation, encore que les cas de suicide puissent donner lieu à réparation dans certaines circonstances; par exemple, lorsque lintéressé a subi involontairement une lésion ouvrant droit à réparation et que celle-ci a entraîné chez lui des troubles dépressifs graves qui lont conduit à se suicider. Quelques demandes ont également été admises pour des suicides résultant du processus de négociation avec les autorités chargées de la décision dattribution.
Des controverses se font fréquemment jour lorsquune incapacité résulte des effets combinés dun événement ou de circonstances liés à lemploi et dun autre événement ou dautres circonstances étrangers à lemploi. Le cancer du poumon constitue un bon exemple de ce genre de situation lorsquil résulte des effets combinés dune contamination industrielle et de la consommation de tabac. Dans de nombreux pays, le demandeur a droit à une réparation si son emploi est un facteur contributif important de son incapacité et lon ne tient pas compte du fait que dautres facteurs non liés à lemploi puissent éventuellement aussi avoir été à lorigine de lincapacité. Certaines législations demandent à lorganisme qui décide de lattribution de déterminer la cause prédominante ou première; mais le résultat relève parfois dun choix arbitraire lorsque, en réalité, il ny aurait pas eu incapacité sans lintervention de lun ou de lautre facteur, ou lorsquon ne sait pas sil y aurait eu incapacité en labsence de lun ou de lautre facteur.
Certains droits nationaux contiennent des dispositions prévoyant une réparation proportionnelle: le demandeur a droit à des prestations, mais à un taux réduit. Lapplication de ces dispositions est difficile, notamment parce quaucune méthode scientifique ne permet de déterminer la part des différentes causes dans lincapacité. Une autre difficulté tient au fait que les prestations résultant de lapplication de ces dispositions peuvent être dun montant inférieur à celles de la sécurité sociale (assistance) auxquelles le demandeur aurait droit sil ne demandait pas réparation dun accident du travail ou dune maladie professionnelle. Pour éviter les inconvénients dun différend sur la demande de réparation, la victime est alors autorisée à demander et à recevoir les prestations de la sécurité sociale (assistance). En pareil cas, le coût de lincapacité professionnelle est alors transféré du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles au budget de lEtat.
Lorsque lune des causes ayant contribué à lincapacité est la prédisposition du demandeur ou un état préexistant propre au demandeur, il nen est pas plus tenu compte pour déterminer le montant de la réparation que pour décider de lattribution des droits. Cela semble juste lorsque lintéressé fonde sa demande sur le taux de salaire quil était en mesure de gagner dans sa situation antérieure. Toutefois, la prédisposition ou létat préexistant peuvent avoir une influence sur la durée de versement des prestations. Lorsquun état préexistant est aggravé par un événement ou une exposition intervenus du fait de lemploi, cette aggravation peut entraîner une incapacité ouvrant droit à réparation, mais si elle est temporaire, ce droit expirera lorsque laggravation elle-même prendra fin.
Dans les cas dallergie, lorsquun facteur lié à lemploi a contribué de manière significative à une incapacité, celle-ci ouvre généralement droit à réparation, que le demandeur ait ou non déjà été allergique à ce facteur avant doccuper lemploi incriminé. Lorsquun facteur lié à lune des conditions de lemploi provoque chez le travailleur une allergie dont il nétait pas atteint auparavant, toute période ultérieure dincapacité causée par des réactions allergiques ouvre dordinaire droit à réparation, que ces réactions aient été déclenchées ou non par lemploi. Ainsi, dans les législations qui exigent que lemploi ait constitué un facteur allergène important, il suffit, pour avoir droit aux prestations, que lemploi ait causé lallergie ou déclenché une réaction.
Lorsquune incapacité ouvre droit à réparation, toute autre incapacité qui intervient ultérieurement et qui est une conséquence de la première y ouvre également droit. Par exemple, si une plaie ouvrant droit à réparation sinfecte, toute maladie qui en résulte est couverte. Quand un travailleur est victime dune incapacité ouvrant droit à réparation pour laquelle il doit entreprendre un traitement médical lequel entraîne une autre incapacité, celle-ci ouvre, elle aussi, droit à réparation. Si, par exemple, un demandeur tombe dans les escaliers dun établissement de réadaptation alors quil y suivait un traitement, tout dommage résultant de cette chute est habituellement considéré comme ouvrant droit à réparation. Cependant, les avis divergent lorsque le lien entre lincapacité initiale et les incapacités ultérieures est indirect. Par exemple, une seconde blessure due à un accident de voiture intervenu lors du transport de la victime vers un établissement de réadaptation ouvre droit à réparation dans certains pays, mais non dans dautres.
Lorsquune incapacité ultérieure est plus distante dans le temps ou dans lespace, ou lorsquelle a un plus faible lien de cause à effet, elle peut être considérée comme trop éloignée pour ouvrir droit à réparation. Supposons quun demandeur subisse lamputation dune jambe et que cette amputation ouvre droit à réparation. Dix ans plus tard, il est renversé par une voiture alors quil était en vacances. On peut soutenir que lintéressé aurait pu éviter le second accident sil navait pas porté de prothèse et que le second accident est la conséquence du premier. Or, même si on parvient effectivement à démontrer quen lespèce, il existe un lien de cause à effet, on conclura probablement que toute incapacité résultant du premier accident est à présent trop «éloignée» pour être considérée comme une conséquence de lamputation ouvrant droit à réparation. De même, si lamputation de la jambe a donné lieu au versement dune pension dun montant calculé en fonction du degré dincapacité physique constaté après laccident, lun des facteurs pris en compte pour déterminer ce degré est la limitation de la fonction motrice. Dès lors, si celle-ci devait donner lieu à une autre réparation parce quelle entraîne une perte financière reconnue, on pourrait soutenir que le demandeur reçoit deux fois réparation au titre du même dommage.
Les plus courants des préjudices ouvrant droit à réparation sont ceux dordre économique. Les prestations les plus fréquentes sont donc les soins médicaux et les indemnités pour perte de revenu ou de capacité de gain; de nombreuses législations prévoient également des prestations en espèces en cas datteinte à lintégrité physique ou mentale, ou de préjudice esthétique, quelles quen soient les conséquences économiques pour lintéressé. Les dommages à la propriété sont généralement exclus de réparation, mais des indemnités sont couramment payées pour les lunettes, les appareils dentaires ou les prothèses détériorés. Quelques juridictions versent également des indemnités pour les vêtements endommagés.
Lorsquun demandeur souffre de deux ou de plusieurs incapacités ouvrant droit à réparation qui ont commencé à la même date, celles-ci sont généralement confondues aux fins du calcul de la réparation, mais le montant total payable ne peut pas dépasser ce quil aurait été en cas dinvalidité totale. Quand plusieurs incapacités ouvrant droit à réparation sont intervenues en différentes occasions, elles sont habituellement traitées comme des demandes distinctes. Les prestations sont calculées séparément pour chacune delles, et des montants de salaires différents peuvent être pris en compte. Un travailleur peut, par exemple, avoir droit à plusieurs prestations en même temps au titre de deux ou de plusieurs demandes. Cela est parfaitement normal lorsquun travailleur reçoit une pension calculée en fonction du degré de son handicap physique en cas dincapacité permanente partielle, quil reprend ensuite son travail et quil est victime dun nouvel accident qui le place en état dincapacité temporaire totale. Dans certaines législations, le montant total combiné des prestations payables à nimporte quel moment au titre de toutes les demandes déposées est plafonné, alors que dans dautres il ne lest pas.
Lorsquun demandeur est atteint de deux où de plusieurs incapacités, qui nouvrent pas toutes droit à réparation, il peut savérer difficile de déterminer les préjudices attribuables à chacune delles. Les choses sont plus simples quand lincapacité ouvrant droit à réparation est la plus récente. Selon les principes généraux de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, des prestations sont versées en cas de perte de gain, à condition quavant que ne survienne lincapacité ouvrant droit à réparation, le demandeur ait travaillé avec celle qui ne lui ouvre pas de droit. Lorsque des indemnités sont censées être versées au titre dune perte de gain effective et que lincapacité nouvrant aucun droit est la plus récente, il peut être difficile de déterminer si cest bien en raison de celle qui ouvre droit à réparation que le demandeur est absent de son travail.
Les exceptions dirrecevabilité les plus courantes sappuient dordinaire sur le fait que le demandeur ne remplit pas une, ou plusieurs, des conditions dattribution. Même lorsquil les remplit, il reste encore un certain nombre de motifs de rejet. Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ont en général été institués afin déviter davoir à rechercher des preuves de la faute, et une allégation selon laquelle une incapacité est due à la négligence du demandeur nentre dordinaire pas en ligne de compte, de même, dailleurs, quune allégation selon laquelle la cause de lincapacité du travailleur échappait au contrôle de lemployeur.
Une lésion que le demandeur sest lui-même infligée nouvre pas droit à réparation. Elle est habituellement exclue de la définition légale des accidents du travail ou des maladies professionnelles, et sa réparation est parfois expressément interdite. Pour être exclue, la lésion doit avoir été délibérément infligée par le demandeur lui-même. Le fait que lintéressé ait délibérément pris le risque de subir une lésion ne constitue pas une exception dirrecevabilité.
Certaines législations considèrent quune faute du demandeur entraîne ou peut entraîner le rejet de sa demande mais, dans la plupart dentre elles, cette exception ne peut être soulevée que dans des cas exceptionnels. Pour éviter davoir à établir une faute dans la procédure habituelle, cette exception est réservée à des cas sortant de lordinaire. Certains Etats ne ladmettent que si la faute relève du droit pénal ou si elle est flagrante, dautres, si elle est grave et volontaire. Quelques droits nationaux disposent que lexception est irrecevable dans les cas daccidents mortels ou lorsque lincapacité est grave ou permanente. Ailleurs encore, pour que lexception puisse être admise, la faute doit avoir été la «cause unique» de lincapacité; or, très peu de lésions ne sont causées que par un seul facteur.
Lorsquune faute entraîne le rejet dune demande, les prestations sont refusées, encore que, dans certaines législations, elles puissent être versées, mais à un taux réduit.
La réticence à prendre en compte les allégations de faute sexplique notamment par le fait que, dans les cas graves ou mortels, des ayants droit innocents pourraient en souffrir. Dans les cas de lésions mineures, admettre de telles allégations irait à lencontre des efforts déployés pour réduire les coûts liés à la décision dattribution. Dailleurs, la plupart des régimes ne sont pas organisés pour rechercher les preuves sur la base desquelles prendre leur décision initiale, et il ne serait pas opportun de permettre la prise en considération dallégations de faute si le régime nest pas conçu de manière à pouvoir trancher équitablement.
Il arrive parfois quune demande soit rejetée au motif que la faute commise par le travailleur la amené à sortir du champ de son emploi, mais il est très difficile de soulever une exception à ce titre. A moins de prendre toutes les précautions utiles, une telle exception pourrait en effet faire rejeter une demande au motif de faute grave, alors que les limites légales à cette exception ne sont pas applicables. Prenons lexemple de lésions subies à loccasion dun chahut. Un travailleur blessé lors dun chahut nest pas considéré comme blessé hors de lexercice de son emploi sil y a participé involontairement, ou sil ne sest pas distrait de manière importante de son activité de production, ou si le chahut faisait partie des habitudes dans le cours ordinaire de lemploi, ou encore sil sagissait simplement dune façon plus amusante deffectuer le travail. En revanche, si le travailleur a été entièrement détourné de son activité productive, et sil est linitiateur du chahut ou y a participé volontairement, il peut sembler légitime de décider que les lésions nont pas été subies au cours de lemploi. Dans dautres cas, une demande ne peut être rejetée au motif de chahut que si les critères légaux relatifs à ce type de faute sont remplis.
Dans certaines législations, la demande est rejetée lorsque lincapacité a été causée par une intoxication du travailleur due à la consommation dalcool ou de drogue. Cette exception nest pas forcément opposable à toutes les demandes et nest pas admise, par exemple, en cas de décès. Dans dautres pays, lintoxication nest généralement pas prise en considération, sauf lorsquelle constitue un type de faute, auquel cas le rejet est soumis aux limites qui sappliquent à toute allégation de faute.
Dans certains Etats, une demande peut être rejetée si lincapacité résulte dune non-observation, par le travailleur, des règles générales relatives à la sécurité et à la santé au travail, ou des règles de sécurité imposées par lemployeur. Toutefois, pareil rejet peut aller à lencontre des dispositions visant à encourager les employeurs à établir des plans de sécurité et de santé adéquats. Un employeur qui a la possibilité dimposer des règles qui lui sont propres, ou de chercher à faire adopter une réglementation exigeant des salariés quils se protègent eux-mêmes des risques en adoptant un comportement approprié, peut être moins disposé à éviter ou à réduire au minimum les situations potentiellement dangereuses par une bonne planification. Un autre problème, lié à celui-ci, tient au fait que le comportement des travailleurs dépend deux-mêmes, dans une certaine mesure, mais quil est également conditionné par les décisions des employeurs. Il serait donc difficile de légiférer sur le rejet des demandes sans sengager dans une recherche de preuves pour déterminer à qui incombe la faute. Ces raisons expliquent sans doute la rareté de ces rejets.
Dans certaines législations, une demande de réparation au titre dune maladie peut être rejetée au motif de fausses déclarations antérieures du travailleur. Ces dispositions posent des problèmes dordre pratique, car il serait notamment difficile de prouver quune déclaration a été faite de façon frauduleuse si le travailleur sest borné à signer un formulaire imprimé sans quon lui ait laissé loccasion de le lire et dy réfléchir.
On allègue parfois que le travailleur était prédisposé au type dincapacité dont il a été victime, mais ce genre dargument nest généralement pas retenu.
Dans certaines législations, les parents dun enfant qui a été tué nont droit à aucune réparation si leur enfant était employé en violation des lois relatives au travail des enfants.
Le fait dêtre au bénéfice dautres prestations est dordinaire sans effet. Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles se trouvent généralement en position de premier payeur, de sorte que le droit à des prestations dune autre source na pas deffet sur la recevabilité dune demande de réparation. Certaines juridictions contiennent cependant des dispositions qui prévoient de réduire les prestations en cas daccident du travail et de maladie professionnelle lorsque lintéressé a droit à des prestations servies par une autre source.
Le non-paiement des contributions par lemployeur nentraîne généralement pas le rejet dune demande par les régimes relevant de lassurance sociale. En revanche, dans ceux qui sont gérés par des compagnies dassurances, le non-paiement de la prime par lemployeur peut inciter lassureur à décliner toute responsabilité, ce qui ne laisse au demandeur que la possibilité de se retourner contre lemployeur.
Lorsquune exception opposée à une demande est considérée comme valable, elle constitue généralement une fin de non-recevoir définitive. Plusieurs législations estiment cependant que certaines exceptions peuvent avoir pour effet de réduire les prestations. Un petit nombre dentre elles considèrent, par exemple, que la faute commise par le travailleur peut avoir pour effet de supprimer ses droits aux prestations en espèces pendant une période initiale de une ou deux semaines.
La plupart des législations ne prennent pas la faute de lemployeur en considération pour déterminer la validité dune demande, sauf lorsque cette faute fait partie des preuves sur la base desquelles sera tranchée la question plus générale de savoir si lincapacité résulte ou non de lemploi. Dans certains pays, toutefois, des prestations supplémentaires ou dun montant plus élevé, sont payables lorsque lincapacité résulte de la faute de lemployeur. Quelques-unes de ces dispositions sont relativement restrictives dans leur application, puisquelles ne concernent que les fautes qui constituent un délit, les négligences «graves», ou les fautes graves et volontaires. Dautres sont dune application plus large et se réfèrent à toute négligence ou violation de la réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. Ces dispositions sont celles des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et nont pas de rapport avec la «responsabilité de lemployeur» (examinée dans la Partie 2). On peut leur opposer les mêmes exceptions quaux dispositions relatives aux fautes des travailleurs, cest-à-dire quelles peuvent appeler une enquête ou des recherches de preuves dans un système conçu pour fonctionner dans la mesure du possible sans ce type denquête. Cest pourquoi certaines législations restreignent ce genre de dispositions aux cas dans lesquels lemployeur a été reconnu coupable par un tribunal pénal.
Daprès certaines législations, une demande de réparation peut être rejetée si le travailleur était en état débriété ou sil a commis délibérément une faute grave. Néanmoins, cette disposition ne sappliquera pas si la faute peut être reportée sur lemployeur.
Certaines législations traitent les incapacités résultant de lemploi de la même façon que les autres incapacités reconnues aux termes dun régime public de soins médicaux. Dans dautres pays, cest le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles qui fournit une assistance médicale en cas dincapacité y ouvrant droit. Cette assistance peut être extrêmement complète et comprendre, notamment, les soins des médecins praticiens et autres professionnels de la santé, les soins hospitaliers, la chirurgie, les prothèses, les appareils, les médicaments, les soins dentaires, les chaussures orthopédiques et les diverses thérapies de réadaptation. Lorsquun demandeur a droit à une prothèse ou à un autre appareil en cas dincapacité permanente, le régime lui fournit également les services dentretien et lappareil de remplacement dont il aura besoin ultérieurement. Lassistance médicale est souvent fournie sur la base dune prise en charge à 100% de tous les services nécessaires, et ce, même lorsque les prestations en espèces pour pertes économiques sont inférieures à une indemnisation pleine et entière. Ainsi, dans certains Etats, la couverture offerte en matière dassistance médicale par les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est plus complète que celle du régime public général. Dans les pays qui ne disposent pas dun régime public de soins médicaux, lassistance médicale fournie en cas daccident du travail ou de maladie professionnelle constitue un contraste frappant avec les soins médicaux dispensés par dautres sources et avec les prestations dassurance médicale offertes par ailleurs aux travailleurs. Certains pays imposent toutefois des restrictions à lassistance médicale susceptible dêtre fournie. Par exemple, les traitements considérés comme «expérimentaux» sont parfois exclus.
Les frais de déplacement et autres dépenses encourues par un demandeur pour recevoir une assistance médicale sont habituellement couverts, mais de nombreux régimes plafonnent le montant du remboursement au coût dutilisation des transports publics, à moins que ceux-ci soient inexistants ou insuffisants.
Dans certaines législations, les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles disposent de leurs propres hôpitaux, cliniques de réadaptation et autres établissements de santé. Lorsque tel nest pas le cas, les victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles sont traitées dans les mêmes hôpitaux et autres établissements et par le même personnel que les patients ordinaires. En général, la seule différence entre les victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles et les autres patients tient aux sources de paiement. Mais il existe parfois dautres différences encore. Par exemple, un organisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles peut conclure un contrat avec un hôpital général afin que les personnes dont il soccupe bénéficient de services supplémentaires.
Le droit à une assistance médicale ne dépend pas dordinaire de lincapacité de travail ou de la perception de prestations en espèces. Aussi une grande partie des demandes de réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne concerne-t-elle que lassistance médicale. Dans les Etats où lon tient compte des antécédents de lentreprise en matière daccidents du travail et de maladies professionnelles, les pressions exercées afin que ces accidents et maladies ne soient pas déclarés à lorganisme chargé de la réparation ou à lassureur aboutissent à ce que, parfois, les soins médicaux aux victimes soient dispensés par le régime général de soins de santé, alors quils devraient lêtre par celui de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Cest en général à lassureur que revient lobligation de fournir une assistance médicale (et ce, quil soit un organisme public ou une compagnie privée), mais lemployeur est tenu, lui aussi, la plupart du temps, de fournir une assistance médicale au moment de laccident, notamment les premiers secours et le transport en ambulance. Habituellement, lassureur paie directement au prestataire le service ou le traitement dispensé. Presque toutes les législations considèrent inapproprié dexiger de lintéressé quil paie avant de demander à être remboursé. En effet, ce système pourrait poser des problèmes financiers à des personnes dont le revenu est déjà réduit du fait de leur incapacité et faciliter également une surfacturation des services par les prestataires, le demandeur se retrouvant alors pris entre deux feux et se voyant contraint de supporter les coûts supplémentaires.
Les régimes gérés par des compagnies dassurances traitent les soins médicaux comme des produits soumis à la loi du marché et nexercent aucun contrôle sur la prestation de services qui ne sont pas indispensables; les personnes qui demandent la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont parfois tenues de recevoir des soins dans un petit nombre dhôpitaux et autres établissements de santé, et leur liberté de choisir leur médecin traitant peut être limitée.
Certaines législations prévoient que les prestations peuvent ou doivent être suspendues ou supprimées lorsque le demandeur refuse sans raison valable daccepter le traitement médical qui lui est proposé; mais ces dispositions ne sappliquent en fait que dans des cas très exceptionnels où le refus équivaut pour lintéressé à sinfliger lui-même des lésions. En général, la législation sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles navait pas lintention de limiter les choix du patient en matière de soins médicaux, ou de nier ce droit fondamental quest la liberté daccepter ou de refuser un traitement. Il faut dire aussi que, du moins dans certains Etats, les autorités responsables de la réparation se soucient plus dempêcher une surconsommation de médicaments et dopérations chirurgicales que den éviter la sous-utilisation.
Quelques législations imposent des limites temporelles ou territoriales à la fourniture de lassistance médicale. Dans dautres, lassistance médicale en cas dincapacité ouvrant droit à réparation est fournie à lintéressé en fonction de ses besoins et pendant sa vie entière, quels que soient ses changements de résidence; cette caractéristique distingue lassistance médicale fournie au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles de celle quassure le régime public général de soins médicaux.
Le calcul du montant des prestations en espèces commence généralement par la détermination du montant des gains ou du taux de salaire à prendre en considération dans le traitement de la demande. Il sagit habituellement du montant brut des gains du travailleur (y compris la rémunération des heures supplémentaires) au moment où est intervenue lincapacité, ou des gains moyens au cours dune période de référence antérieure, qui va en général de quatre semaines à trois ans. Le taux des prestations est alors fixé en fonction du taux de salaire. Il existe parfois des dispositions prévoyant que le taux de salaire doit être déterminé en fonction du salaire moyen dans telle ou telle branche dactivité, ou du salaire moyen national, mais elles ne sappliquent que dans des circonstances exceptionnelles.
Contrairement à ce qui se passe pour lévolution des dommages-intérêts dans les systèmes fondés sur la responsabilité de lemployeur, le processus qui permet de déterminer le taux de salaire ne conjecture en rien sur lévolution future quauraient connue les gains de lintéressé sil navait pas été victime de laccident du travail ou de la maladie professionnelle ouvrant droit à réparation. Pour les cas dinvalidité permanente et de longue durée, cependant, il existe en général des dispositions prévoyant que, lorsquun travailleur a été frappé dincapacité alors quil était débutant, apprenti ou étudiant, cest-à-dire au cours des premières phases de sa carrière, le taux de salaire doit être majoré et porté au niveau des gains de base offerts dans sa branche.
Chaque Etat établit en général ses propres règles pour le calcul des gains antérieurs et décide, par exemple, si on doit attribuer ou non des gains théoriques au demandeur parce que celui-ci était logé et nourri par son employeur, sil faut exclure ou intégrer partiellement les gains tirés dun autre emploi ou dune activité indépendante, ou si les gains provenant dun emploi saisonnier doivent ou non être ajustés à une moyenne annuelle.
Certaines maladies ont parfois pour conséquence une diminution progressive de la capacité de gain de lintéressé, car elles lobligent à prendre un emploi moins contraignant, mais aussi moins bien rémunéré. En pareil cas, si la demande de prestations nest pas déposée avant larrêt total du travail, elle ne permet pas de compenser la perte réelle lorsque le niveau de gains immédiatement antérieur est utilisé comme taux de salaire dans la demande. Pour éviter ce problème, certaines législations prévoient que le taux de salaire est fixé en fonction des gains des membres de la profession quexerçait le demandeur au moment où il a contracté sa maladie.
Lorsquil sagit dun travailleur indépendant, le taux de salaire est habituellement fixé au moment de son affiliation au régime de réparation. Dans les Etats où les travailleurs indépendants ne sont protégés que sils saffilient au régime de réparation, le travailleur candidat peut être autorisé à déclarer lui-même le taux de salaire, avec un plancher et un plafond, étant entendu que sa demande daffiliation est susceptible dêtre rejetée si le taux indiqué semble hors de proportion avec ses gains potentiels. Le taux fixé au moment de laffiliation est alors utilisé pour calculer la cotisation (la prime), ainsi que les prestations en cas dincapacité ouvrant droit à réparation.
Dans certaines législations, le taux de salaire reste fixe pendant toute la durée de la demande. Dans dautres, il peut changer après une période déterminée. Pareil changement se justifie par le fait quil faut modifier le taux de salaire pour les incapacités permanentes et de longue durée afin de tenir compte dune plus longue période de gains moyens avant lincapacité. Il est ainsi plus facile dinclure les gains de toutes provenances et de tenir compte de lévolution du nombre des heures supplémentaires et des variations saisonnières et autres dans la continuité de lemploi.
Habituellement, le taux de salaire reflète les gains bruts moyens de lintéressé (à lexclusion des contributions de lemployeur aux prestations) mais, dans certains Etats où les prestations du régime de réparation ne sont pas soumises à limpôt sur le revenu, il est ajusté aux gains «nets» de principe ou théoriques avant dêtre utilisé pour calculer le taux de réparation. Par «nets», il faut entendre le montant brut moins limpôt sur le revenu et les autres versements aux caisses publiques déductibles des gains.
En général, il existe une formule qui permet de tirer du taux de salaire celui de la prestation payable en cas dincapacité totale. Celui-ci est habituellement fixé en pourcentage du taux de salaire ou des gains «nets» théoriques dérivés du taux de salaire. Il est en général inférieur à une compensation totale de la perte de gain, conformément à la théorie selon laquelle la différence entre le taux de salaire et celui des prestations représente la contribution du travailleur au coût de son incapacité professionnelle. Cest là un raisonnement boiteux, car la contribution (prime) représente, dans une certaine mesure, un coût dopportunité de la main-duvre. Un autre argument, plus réaliste celui-ci, est que cette différence entre le taux de salaire et celui des prestations incite le travailleur à reprendre un travail. Une différence de 10% est considérée comme suffisamment motivante à cette fin. Ce raisonnement nest pas fondé en cas dincapacité grave ou permanente.
En général, le taux de salaire et celui de la prestation sont plafonnés (cest-à-dire quils ne peuvent pas dépasser un maximum déterminé). Historiquement, lune des raisons de lexistence de ces plafonds est que les travailleurs dont les gains leur étaient supérieurs pouvaient, sils le désiraient, les assurer en souscrivant leurs propres polices dassurance accident et maladie. En fait, il nen a jamais été ainsi. Il nexistait sur le marché aucune police dassurance susceptible de donner lieu ensuite aux versements de prestations pour pertes de gains supérieures au plafond pendant toute la durée de lincapacité.
Lorsque le taux de salaire est plafonné et que le travailleur est atteint dune incapacité ouvrant droit à réparation, mais quil a encore des gains supérieurs au plafond, il peut paraître injuste quil subisse une perte de gain du fait de son incapacité professionnelle et quil ne soit pas indemnisé. On peut éviter ce problème en plafonnant le taux des prestations, en calculant leur taux en fonction du degré dincapacité physique, quelle que soit la perte de gain, ou en nétablissant aucun plafond.
Le plafonnement du taux de salaire pose également un autre problème: en général, cest en effet le même plafond que lon utilise pour calculer le niveau des gains aux fins du paiement des contributions (primes). Par exemple, si le plafond est de 50 000 unités monétaires par an, cela signifie que le niveau maximum des prestations sera un certain pourcentage de 50 000 unités monétaires par an. La contribution versée par lemployeur correspondra à un certain pourcentage de la masse salariale plafonnée à 50 000 unités monétaires par an et par travailleur. Ce plafonnement est sans doute lun des facteurs qui incitent les employeurs à demander à leurs salariés de faire régulièrement des heures supplémentaires plutôt quà augmenter leurs effectifs. Il peut donc être considéré comme contre-productif en termes de politique sociale, de stress au travail et de réadaptation des travailleurs frappés dincapacité.
Certaines législations classent les incapacités en plusieurs catégories: les incapacités temporaires totales, les incapacités permanentes totales, les incapacités temporaires partielles, les incapacités permanentes partielles; il est fréquent que la même incapacité change de catégorie. Quelques pays nutilisent pas toutes ces catégories, tandis que dautres y recourent, mais sous des appellations différentes, ou appliquent des principes similaires sans pour autant les classer ainsi. Ces dernières années, certains Etats censés réparer les lésions professionnelles en fonction de la perte de gain réelle ont abandonné toute classification.
La plupart des Etats versent des prestations en cas dincapacité temporaire totale. En plus des incapacités passagères, cette catégorie comprend la phase initiale de la plupart des incapacités permanentes. Dans certains pays, la durée de versement de ces prestations est limitée, mais la plupart du temps, ce nest pas le cas. Les prestations continuent dêtre versées jusquà ce que le demandeur soit totalement, ou partiellement rétabli, jusquà ce que lincapacité soit classée comme permanente, ou jusquau décès du demandeur. Dans des cas exceptionnels, le versement des prestations peut cesser pour perte de droit, par exemple, lorsque le demandeur a quitté le pays pendant le temps où il devait recevoir une assistance médicale.
Etant donné que la grande majorité des incapacités professionnelles sont mineures et temporaires, ces prestations ne sont versées dans la plupart des cas que pendant quelques jours, ce qui est bien souvent trop court pour quil vaille la peine dexaminer si le cas doit être traité comme une incapacité temporaire partielle. Dans certaines législations, le montant de la prestation est réduit après une certaine période, ou réduit progressivement au bout de deux ou trois périodes prédéterminées, par exemple trois et six mois. Ces réductions ne sont pas courantes dans les pays industriels.
Le paiement de la prestation commence le lendemain du jour où est intervenue lincapacité, mais quelques Etats imposent un délai de carence de trois jours. Dans certains régimes, cest lemployeur qui est tenu de payer la prestation pendant une brève période initiale, puis cest à lassureur que revient cette obligation. Ces dispositions posent parfois des problèmes dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles: elles peuvent, par exemple, retarder le rassemblement, par lassureur, des preuves sur la cause de lincapacité.
Outre la réparation, certaines législations exigent de lemployeur quil continue à payer le salaire du travailleur pendant une très brève période initiale correspondant habituellement à la journée au cours de laquelle est intervenu laccident.
Il est des législations qui ne retiennent pas cette catégorie. Dautres lutilisent lorsquun demandeur est suffisamment rétabli pour pouvoir exercer une certaine activité, mais pas assez pour reprendre son emploi normal. Dans la plupart des cas, il ne vaut pas la peine de la prendre en compte et den payer le coût sur le plan de ladministration et de lattribution, parce que le demandeur sera de toute façon capable de reprendre son emploi normal au bout de quelques jours.
Dans les Etats où les entreprises paient des contributions calculées en fonction de leurs antécédents en matière daccidents du travail et de maladies professionnelles, ou qui ont adopté des mesures dordre financier pour encourager les employeurs à se prévaloir de cette classification, il est relativement difficile, tant au niveau de ladministration quà celui de lattribution des prestations, de déterminer le type de travail qui convient à létat actuel du demandeur. La crainte des abus fait que lon hésite à laisser à lintéressé le soin de décider lui-même du travail qui lui convient et lon pressent des difficultés comparables si cétait à lemployeur de prendre cette décision. Confier la décision à lorganisme chargé de lattribution des prestations ne va pas non plus sans poser quelques problèmes, car, sans une enquête préalable permettant de recueillir des preuves, il est impossible de régler de manière juste et efficace les différends relatifs au type de travail qui convient à tel ou tel état de santé. La plupart des régimes ne sont pas conçus pour mener rapidement ce genre denquête, et certains nen effectuent même pas du tout, sauf en cas de recours. Les décisions prises à lemporte-pièce sont sources de dommages thérapeutiques, dinjustice et de gaspillage. Elles peuvent également créer dans la relation demploi des tensions qui font obstacle à la réadaptation. Cest notamment pourquoi certaines législations préfèrent, dans la mesure du possible, éviter dutiliser cette catégorie.
Dans les cas dincapacité temporaire partielle, le montant de la prestation correspond habituellement à un pourcentage de la différence entre les gains antérieurs et les gains actuels du demandeur, ou à ce quil aurait pu gagner (gains «estimés»). Dans un petit nombre de pays, le montant de la prestation doit être calculé en fonction du degré dincapacité physique, mais ce système nest pas réaliste. La période pendant laquelle cette classification peut sappliquer est en général trop brève, et la gravité de lincapacité peut évoluer trop rapidement pour que le montant de la prestation puisse être calculé de cette façon. Certaines législations excluent toute compensation en cas dincapacité temporaire partielle lorsque leffet de la lésion sur la capacité de gain ou sur les gains est mineur.
Certains Etats exigent du demandeur quil soit présent sur leur territoire afin de continuer à avoir droit aux prestations temporaires. Dautres ne lexigent que pour les périodes au cours desquelles le demandeur a besoin dun traitement médical.
De nombreuses législations classent les incapacités graves dans la catégorie des incapacités totales, indépendamment de leur effet sur les gains ou la capacité de gain. Par exemple, la cécité totale, la paraplégie ou la perte de deux membres sont considérées dordinaire comme des incapacités permanentes totales, et cela pour plusieurs raisons: tout dabord, la réparation est versée pour lincapacité elle-même, sans égard à ses conséquences économiques; ensuite, lincapacité a en général un coût financier pour lintéressé: quelle se répercute ou non sur ses gains, elle signifie pour lui une perte économique; enfin, et cest sans doute là la raison la plus importante, le paiement dune pension fixe sans enquête sur les pertes économiques subies permet de préserver la liberté de lindividu, datténuer son angoisse et de linciter plus efficacement à entreprendre une réadaptation. Un petit nombre dEtats versent une somme forfaitaire en plus de la pension.
Dans dautres législations, les prestations pour incapacité permanente totale sont payables en fonction de la perte de gain, de sorte quelles ne sont versées que si lon estime que cette perte sera totale et permanente. Dans certains cas, notamment pour les travailleurs âgés, on prend en compte limportance économique de lincapacité, même si latteinte à lintégrité physique est faible, car on hésite alors, en général, à reconnaître que la perte de gain résultant de lincapacité sera vraisemblablement permanente et totale.
Lorsquun cas a été classé dans la catégorie des incapacités permanentes totales, la pension peut être payée à vie ou jusquà lâge normal de la retraite, mais dans certains pays, elle ne lest que pendant une période limitée. La formule de calcul de la pension est souvent la même que pour les prestations en cas dincapacité temporaire totale, sauf dans certains Etats. Le taux de salaire, notamment, peut être ajusté comme nous lavons indiqué plus haut, sous le titre «Le taux de salaire».
Dans les régimes gérés par des compagnies dassurances, les versements périodiques en cas dincapacité permanente sont souvent convertis en une somme forfaitaire, mais certaines législations imposent le paiement de rentes annuelles.
Cette catégorie regroupe toutes les incapacités permanentes qui ne sont pas classées comme totales. Les méthodes (décrites ci-après) utilisées pour évaluer le degré dincapacité partielle permettent aussi de distinguer une incapacité totale dune incapacité partielle. La compensation dune incapacité permanente partielle est généralement versée sous la forme dune somme forfaitaire lorsque lincapacité est mineure ou bénigne et sous forme de pension pour les incapacités plus graves. Une pension peut être versée à vie ou jusquà lâge normal de la retraite, mais dans certaines législations, elle ne lest que pendant une période limitée.
Sauf en cas dincapacité mineure, une pension fixe présente beaucoup plus davantages quune somme forfaitaire. Lorsque lindemnisation vise avant tout à compenser toute perte future de gain et certains des coûts futurs liés à lincapacité, la pension a le grand avantage de pouvoir être versée pendant toute la durée de cette perte. Le paiement dune somme forfaitaire exigerait une estimation de lespérance de vie qui, dans presque tous les cas, serait erronée. Les sommes forfaitaires ont également tendance à être dépensées assez rapidement, et le demandeur peut ensuite devoir être aidé financièrement par lEtat. Une pension fixe est la meilleure protection pour le budget de la sécurité sociale.
Le mode de calcul des prestations versées en cas dincapacité permanente partielle a été le problème le plus difficile à résoudre de toute lhistoire de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il existe pour cela trois méthodes.
Cette méthode de calcul dune pension fixe est traditionnellement utilisée aux fins de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que du calcul des pensions militaires. Les prestations sont calculées en fonction du degré estimé de latteinte à lintégrité physique et mentale qui résulte de lincapacité. Des barèmes sont généralement utilisés pour assigner un taux à chaque incapacité. Certains Etats respectent le barème à la lettre, dautres lutilisent comme un guide. Des variations sont parfois autorisées ou prescrites, par exemple en cas de facteur aggravant.
Le contenu de ces barèmes est souvent critiqué pour leur orientation trop orthopédique. Par exemple, les amputations sont en général affectées dun taux qui semble relativement élevé au regard des prothèses qui existent aujourdhui. Or, un certain nombre de troubles moins apparents de la fonction motrice sont habituellement affectés dun faible taux, alors quils pèsent lourdement sur la vie des demandeurs. LAssociation médicale américaine (American Medical Association (AMA)) publie un barème plus complet que certains Etats considèrent comme le seul applicable, ou comme une référence lorsque le barème initial ne couvre pas une incapacité particulière.
Quel que soit le mode de détermination du taux dincapacité, la pension est ensuite calculée en lappliquant à la prestation qui aurait été versée si le demandeur avait été reconnu comme atteint dune incapacité totale. Dans les Etats qui recourent à cette méthode, il est courant dutiliser aussi le barème pour distinguer une incapacité totale dune incapacité partielle. Lorsque lincapacité est affectée dun taux inférieur à un certain minimum (en général 10%), cest habituellement une somme forfaitaire qui est versée au lieu dune pension. Cette somme peut être calculée en utilisant la même formule que pour une pension, puis en convertissant la pension obtenue en somme forfaitaire; elle peut aussi lêtre selon une autre méthode. Etant donné que la plupart des incapacités permanentes sont mineures, la majorité des indemnités versées en cas dincapacité permanente partielle prennent la forme dune somme forfaitaire. Quelques pays considèrent que les incapacités minimes ne peuvent faire lobjet de réparation.
Le fait de verser une somme forfaitaire, plutôt quune pension, en cas dincapacité mineure a lavantage déviter des coûts administratifs, mais aussi linconvénient de créer des difficultés dans certains cas, par exemple lorsque le travailleur est frappé successivement de plusieurs incapacités mineures dont les effets sont cumulatifs. Il existe alors un risque que linvalidité saggrave sérieusement sans pour autant ouvrir droit à une pension. Un problème du même type se pose lorsquune somme forfaitaire a été versée pour une incapacité mineure qui saggrave ensuite. Si la détérioration est progressive, plusieurs sommes forfaitaires peuvent successivement être octroyées à lintéressé au titre de la même incapacité, mais, là encore, une incapacité relativement importante nouvre pas droit à pension. Afin déviter ce problème, certaines législations insistent pour que lintéressé reçoive une pension plutôt quune somme forfaitaire, et ce, même en cas dincapacité mineure si létat du patient nest pas stabilisé et risque de saggraver ultérieurement.
Sagissant des incapacités qui ne figurent pas dans le barème, la plupart des Etats adoptent lune des quatre positions ci-après.
Le grand avantage de la méthode du degré datteinte à lintégrité physique est quelle maximise lincitation à la réadaptation tout en préservant le caractère volontaire et en respectant la liberté individuelle du demandeur. Dans les Etats qui plafonnent le taux de salaire pris en compte lors de lexamen de la demande, cette méthode présente également lavantage dautoriser le versement dune pension, même lorsquil ny a pas de perte de gain inférieure au plafond.
Etant donné que cette méthode nexige pas que lon apporte la preuve dune perte réelle de gain, la pension est versée de toute façon, quil y ait ou non perte de gain. On considère quil vaut la peine de payer ce prix pour maximiser lincitation à la réadaptation et éviter les autres inconvénients (décrits ci-après) quil peut y avoir à calculer la réparation en fonction de la perte réelle de gain. A noter également que les cas dans lesquels il ny a pas de perte apparente de gain sont habituellement ceux dans lesquels le demandeur continue de travailler pour le même employeur. Leffet économique de lincapacité peut être plus grave lorsque le demandeur doit par la suite chercher un emploi sur le marché du travail. De plus, la pension versée selon cette méthode est en général la seule réparation des préjudices non monétaires subis par la victime; or, la véritable raison dêtre dune pension est indépendante dune perte de gain réelle.
Les pensions ainsi attribuées peuvent faire lobjet dun réexamen si lintéressé en fait la demande en raison dune aggravation de son état. Dans certains pays, la pension peut également être réexaminée à linitiative de lorganisme chargé de lattribution, de lassureur ou de lemployeur en cas de guérison. Le cas est rare, car les incapacités ne sont généralement pas reconnues comme permanentes tant quil existe une perspective sérieuse damélioration. Mais cela peut arriver à loccasion, lorsque les progrès de la recherche médicale permettent un traitement révolutionnaire.
Cette méthode est parfois abandonnée au profit de celle de la perte de gain réelle (voir ci-après), mais il arrive que la première soit reprise après la découverte des difficultés dapplication et du caractère injuste de la seconde.
Cette méthode est utilisée par un petit nombre dEtats pour le calcul dune pension fixe. Il sagit de déterminer dans quelle mesure les gains du demandeur risquent de diminuer avec le temps, du fait de lincapacité ouvrant droit à réparation. Dans la plupart des cas, le demandeur reprend son emploi avant que le calcul ne soit effectué, de sorte que ce sont ses gains actuels qui sont utilisés comme base. Il convient alors de déterminer si ces gains sont inférieurs ou supérieurs au potentiel de gains à long terme. Lorsque le demandeur na pas repris un emploi, le calcul est plus difficile, mais, comme on ne doit le faire quune fois, on peut se fonder sur une recherche de preuves lorsque cela est obligatoire ou paraît approprié. Les statistiques ne sont généralement pas dune grande utilité dans ce type de calcul. On ne peut les utiliser ni de manière exclusive, ni comme preuve principale et, lorsquon le fait, elles risquent de détourner lenquête des faits propres au cas particulier.
Tout comme la méthode du degré datteinte à lintégrité physique, cette méthode naffaiblit pas les mesures dincitation à la réadaptation et en préserve le caractère volontaire, comme aussi la liberté individuelle du demandeur. De même, une pension attribuée selon cette méthode peut faire lobjet dun nouvel examen en cas daggravation de létat du demandeur, mais non en cas de changement dans la perte réelle de gain. Cette méthode permet donc déviter la plupart des problèmes (voir ci-après) de la méthode de la perte réelle de gain. Comme elle ne prend en considération ni les dépenses dues à lincapacité, ni les préjudices non monétaires, elle peut être servie conjointement avec dautres prestations.
Cette méthode de réparation des incapacités permanentes, qui est utilisée dans certains pays, ne permet pas le versement dune pension fixe. Les versements périodiques sont supposés correspondre à la perte réelle de gain que lon estime due à lincapacité. Ils sont sujets à des variations en fonction des changements dans lappréciation de la perte réelle de gain. Dans certains Etats, les paiements font de temps en temps lobjet dun réexamen, lorsquil y a un changement dans les gains réels. Dans dautres, ils sont revus à intervalles réguliers, parfois chaque année.
Lun des inconvénients de cette méthode est la difficulté dapprécier, au fur et à mesure que le temps passe, limpact de lincapacité ouvrant droit à réparation sur les gains du demandeur par rapport à celui des autres facteurs, tels que les incapacités ultérieures, le vieillissement, les progrès technologiques, ou encore les changements économiques ou politiques qui ont une influence sur le marché du travail.
Un autre problème majeur de cette méthode tient à la façon dont elle permet de réagir au risque de voir le demandeur gagner moins quil ne pourrait le faire. La réponse habituelle est de considérer que chaque demandeur gagne ce quil est censé être capable de gagner. Or, lapplication des dispositions relatives à cette «appréciation» a été lune des causes dinjustice et de mécontentement les plus importantes dans lhistoire de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Lintention initiale était, le plus souvent, de ne recourir quexceptionnellement à lappréciation, mais celle-ci est devenue la norme avec le recours à la méthode de la perte réelle de gain. Les demandeurs sont «censés» être capables de gagner leur vie en occupant un «emploi fantôme», cest-à-dire un emploi auquel ils nont pas accès dans la réalité. L«appréciation» sapplique également dans le cas où le demandeur refuse daccepter un emploi pour des raisons morales ou de santé. Le versement des prestations est en général suspendu, alors même que lincapacité et les préjudices économiques quelle entraîne demeurent. Dans les Etats qui utilisent cette méthode, les versements périodiques sont habituellement la seule réparation dont le demandeur bénéficie pour les préjudices économiques qui résultent dune incapacité permanente. Bien que la législation ne dispose pas que ces versements périodiques devraient être temporaires, cest pourtant le résultat pratique de l«appréciation».
Une autre injustice tient à la façon dont cette méthode tient compte de lavancement dans la carrière. Dans le système de pensions fixes, le demandeur perd le bénéfice dun avancement dans lemploi quil occupait avant lincapacité, mais il profite de toute promotion dans ses emplois ultérieurs. Avec la méthode de la perte de gain réelle, il perd le bénéfice de toute promotion à la fois dans lemploi quil occupait avant lincapacité et dans ses emplois ultérieurs éventuels.
Lapplication des dispositions laissant le champ libre à l«appréciation» nest pas sans exercer une pression sur le demandeur, incité à se réadapter comme lorganisme de réparation le lui recommande (ou lexige), que cela corresponde ou non à ses aspirations; la réadaptation perd ainsi son caractère volontaire, et cette façon de procéder est susceptible de porter atteinte à la liberté de lindividu. Cette méthode peut même faire perdre au demandeur son droit fondamental de libre circulation dun pays à un autre ou, en tout cas, le restreindre fortement et, dans le cas dun travailleur migrant frappé dune incapacité, se révéler très injuste.
La méthode de la perte réelle de gain provoque, en outre, des appréhensions inutiles quant à la réadaptation et décourage lintéressé de faire usage des services mis à sa disposition. Lorsquils ne sont pas certains de réussir dans le nouvel emploi qui leur est proposé, les demandeurs ont parfois peur de laccepter. Il existe alors un risque dattribuer la cessation de lemploi à des raisons autres que lincapacité et, en pareil cas, le versement des prestations périodiques nest pas rétabli.
Autre inconvénient de cette méthode, limpossibilité, dans de nombreux cas, de prendre des décisions justes et appropriées sans rechercher des preuves. De toute façon, ce type denquête nest généralement pas considéré comme réalisable, vu le nombre de décisions quil faudrait prendre lorsque le montant des prestations périodiques est appelé à changer dans le temps.
Il existe de nombreuses variantes de ces méthodes, et quelques Etats vont jusquà les combiner. Certains recourent à une méthode hybride qui tire ses caractéristiques des trois méthodes décrites ci-dessus. Lune delles consiste à attribuer une pension en utilisant la méthode de la perte de gain prévisible, assortie de deux réexamens, par exemple deux ans après lévaluation initiale, puis cinq ans plus tard. Elle présente lavantage de permettre la correction de toute erreur de prévision, mais elle a également de graves inconvénients. Elle prolonge linsécurité et, si le demandeur a une propension à une névrose compensatoire ou à toute autre forme danxiété, ces affections pourraient senraciner. Cette méthode fait également perdurer les facteurs qui font obstacle à ce que le demandeur sengage dans une réadaptation professionnelle et la réussisse. Elle prête enfin le flanc à certaines des critiques que lon peut adresser à la méthode de la perte réelle de gain, par exemple, latteinte au droit fondamental à la libre circulation.
Etant donné que, dans les cas non mortels, le montant des prestations est dordinaire lié aux gains, il nest pas courant de faire varier celles qui sont dues pour les personnes à charge; des prestations supplémentaires pour personnes à charge sont cependant versées dans certains Etats.
Dans les pays qui soumettent les prestations à limpôt sur le revenu, lexistence de personnes à charge peut avoir une influence sur le montant net des prestations reçues, de la même façon quelle peut en avoir une sur le montant net des salaires. Dans les Etats où les prestations ne sont pas soumises à limpôt sur le revenu, mais où le taux de réparation correspond à un pourcentage des gains «nets» estimés, le nombre des personnes à charge est parfois pris en compte lors du calcul de limpôt sur le revenu qui aurait été dû sur les salaires; ainsi, lexistence de personnes à charge a, là aussi, une influence sur le taux de réparation.
De nombreux Etats prévoient réparation en cas de préjudice esthétique. Dans certains pays, cette réparation prend la forme dune somme forfaitaire et elle est distincte de la prestation pour perte de gain. Dans dautres, le préjudice esthétique est pris en compte dans le calcul de la somme forfaitaire ou de la pension pour incapacité permanente partielle.
Contrairement à ce qui se passe avec la responsabilité civile de lemployeur, les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne prévoient habituellement pas de prestations spéciales au titre de la douleur, de la souffrance, de la diminution de lespérance de vie, de la perte de la qualité de vie, ou de la perte de vie sociale. Ces pertes sont cependant réparées dans une certaine mesure. Lorsque pour calculer une pension pour incapacité permanente, on évalue le degré datteinte à lintégrité physique, la pension est payable normalement sans égard à la perte de gain. On peut donc considérer quil sagit là dune compensation aussi bien des préjudices non économiques que des pertes financières. Dans les Etats où les prestations payables en cas dincapacité permanente sont censées être calculées en fonction de la perte réelle de gain, il existe parfois une prestation distincte pour lincapacité elle-même, cest-à-dire pour les préjudices non économiques. Cette prestation est habituellement une somme forfaitaire, mais certains Etats la servent sous forme de pension dans les cas très graves.
En général, aucune prestation nest prévue au titre des pertes économiques qui résultent indirectement de lincapacité ou de laccident. Par exemple, lorsque le travailleur a payé ses vacances davance et quil se trouve ensuite dans limpossibilité de partir parce quil a été entre-temps victime dun dommage corporel ouvrant droit à réparation, la perte financière quil a ainsi subie ne donne pas lieu à réparation.
Il est normal quun régime couvre les dépenses qui résultent dune incapacité ouvrant droit à réparation ou, du moins, certaines dentre elles. Par exemple, les demandeurs sont habituellement remboursés des dépenses encourues pour examens médicaux ou engagées pour faire valoir leur droit à réparation. Les dépenses occasionnelles sont en général remboursées sur la base du coût réel, de même, parfois, que les dépenses récurrentes. Ces dernières peuvent également être couvertes par une allocation comme celle qui sert à rémunérer la personne qui dispense soins et assistance; cette allocation est sans doute la plus fréquente et la plus importante de toutes. Autres exemples courants, lallocation pour les frais supplémentaires dhabillement quentraîne le port dune prothèse, le supplément de pension pour les personnes incapables de se déplacer et des «allocations pour la gêne et les désagréments occasionnés» par toute une série dincapacités. Exemple encore plus spécifique de prestation versée au niveau local, celui de lallocation pour carburant non polluant.
Lorsque des prestations sont payables à un demandeur en application de plusieurs articles de la loi sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la règle générale est que ces prestations peuvent être cumulées, que ce soit au titre dune même demande ou de demandes distinctes. Il ny a aucune interdiction de cumul à moins que la législation nen dispose autrement. Néanmoins, il arrive de temps en temps que le montant des prestations cumulées soit plafonné. Lexception de cumul est parfois implicite lorsque dautres prestations sont payables au titre du même dommage, par exemple lorsquune pension pour incapacité permanente partielle a été attribuée à un demandeur qui est ensuite victime dune rechute entraînant une incapacité permanente totale due au même accident. Si un nouveau taux de salaire nest pas utilisé pour calculer les prestations temporaires, il serait normal de suspendre le versement de la pension pendant que la prestation pour perte de salaire est versée au titre de lincapacité temporaire totale, ou de continuer à verser la pension et den déduire le montant de la prestation due pour perte temporaire de salaire.
Une même personne peut avoir droit à des prestations pour une incapacité ouvrant droit à réparation et à des prestations pour conjoint à charge survivant dun travailleur décédé. Il sagit là de deux demandes distinctes. Il nexiste généralement pas de dispositions interdisant ce type de cumul ou plafonnant le montant total des deux prestations.
Par rapport aux prestations servies par dautres régimes (en général, par lassurance), lorganisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est en règle générale le premier payeur; il ny a donc ni interdiction de cumul, ni réduction des prestations du fait des sommes reçues dun autre régime. Parfois les autres régimes peuvent suspendre ou réduire leurs prestations lorsque le demandeur en reçoit au titre dun accident du travail ou dune maladie professionnelle. Dans certains Etats, cependant, lorganisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles déduit de ses prestations toute autre somme versée au demandeur par dautres systèmes comme la sécurité sociale ou lassurance sociale, ou payée en application de dispositions prises par lemployeur.
La règle veut quaucune indemnité ne soit payable au titre des dommages à la propriété subis par le travailleur, mais elle souffre des exceptions. De nombreux Etats versent des indemnités pour les dommages aux appareils dentaires, aux lunettes, aux appareils de correction auditive ou aux prothèses. Quelques-uns le font aussi pour les vêtements endommagés. Lorsque des indemnités sont payables en cas de dommages matériels, les critères dattribution sont dordinaire les mêmes que pour les dommages corporels, encore que pour les demandes dindemnisation de dommages matériels, certains Etats exigent quils soient dus à un «accident», alors quils nimposent pas cette condition pour les demandes dindemnisation de réparation des dommages corporels.
Les dispositions susmentionnées concernent les dommages matériels intervenus en cours demploi. Il existe aussi un certain nombre de dispositions concernant les dommages matériels qui résultent dune incapacité ouvrant droit à réparation. A cet égard, lexemple le plus courant est lallocation pour vêtements (précédemment mentionnée sous le titre «Les dépenses et les allocations») versée pour aider lintéressé à payer les dépenses entraînées par le port dune prothèse.
En général, lorsquun demandeur au bénéfice de prestations pour incapacité temporaire reprend un emploi régulier, le versement de ces prestations cesse, mais il peut continuer de recevoir une pension et dautres prestations au titre dune éventuelle incapacité résiduelle. En cas dune seconde incapacité temporaire totale, le demandeur peut avoir droit à une reprise du versement des prestations temporaires, mais il est possible, entre-temps, que ses gains se soient établis à un niveau différent. Certains Etats considèrent que, si cet élément nouveau implique une situation plus favorable pour le demandeur parce que les gains sont supérieurs à ceux qui avaient été pris en compte antérieurement, il doit ou peut être retenu pour calculer le montant des prestations à verser après la seconde incapacité. Ces dispositions sont particulièrement importantes dans les Etats où le taux de salaire pris en compte pour lexamen de la demande nest pas indexé sur linflation, mais elles ne sappliquent le plus souvent quaprès un nombre déterminé dannées après lincapacité initiale.
Lorsquune personne qui recevait une pension pour incapacité permanente, ou qui y avait droit, décède sans que sa mort ouvre droit à réparation parce quelle ne résulte ni de lincapacité, ni de lemploi, la règle veut que le versement des prestations cesse à la date du décès (ou à la fin du mois au cours duquel il est intervenu), mais elle souffre des exceptions.
Pour ouvrir droit à réparation, un décès doit être dû à lemploi ou résulter dune incapacité ouvrant droit à réparation. Dans la plupart des Etats, le fait que le décès est intervenu à tel ou tel moment particulier après la date de lincapacité est sans effet mais, parfois, la période écoulée entre lincapacité et le décès peut constituer un des éléments de preuve permettant de déterminer si le décès résulte de lincapacité.
Les prestations pour frais funéraires sont dusage courant. Certains Etats versent une somme forfaitaire sans égard au coût réel des obsèques. Dautres remboursent le coût réel sous réserve quil ne dépasse pas un certain plafond. La législation ne précise généralement pas le bénéficiaire de cette prestation qui peut donc être demandée par quiconque a payé les obsèques.
Dans les cas mortels, les prestations les plus importantes sont celles qui sont payées aux survivants à charge. Il peut sagir de montants forfaitaires, de versements périodiques, ou des deux à la fois. Certains Etats versent un montant forfaitaire à chaque personne à charge, par exemple, une certaine somme par mois pour le conjoint à charge survivant et une autre pour chaque enfant. Dautres versent des sommes calculées en fonction des gains antérieurs du travailleur décédé. On calcule généralement les pensions des survivants à charge en pourcentage de la prestation pour incapacité totale. Certains Etats utilisent une formule mixte fondée à la fois sur un montant forfaitaire et sur un montant qui varie en fonction des gains antérieurs du travailleur décédé.
Lorsque les prestations correspondent à un montant forfaitaire pour chaque survivant à charge qui nest généralement pas plafonné, il peut arriver que le total des sommes versées soit supérieur à celle qui aurait été attribuée au travailleur décédé en cas dincapacité totale. Lorsque les prestations sont calculées en fonction des gains, elles sont parfois plafonnées pour correspondre au montant qui aurait été versé au défunt en cas dincapacité totale, ou à un pourcentage de cette somme; il arrive parfois que ce plafond soit moins élevé lorsquil ny a pas de conjoint survivant. Certains Etats qui utilisent une formule mixte imposent un plafond, dautres non.
A lorigine, les prestations de décès étaient versées aux veuves ou aux veufs handicapés. Cest encore le cas aujourdhui dans de nombreux pays. Dans dautres, lévolution vers légalité des sexes a abouti à la suppression de cette distinction; la plupart du temps, les prestations payables aux veuves ont été réduites et, parfois même, complètement supprimées. Les pensions de veuves nétaient en général plus servies après le remariage de lintéressée qui, souvent, recevait alors une somme forfaitaire. Certaines législations ont aboli ces dispositions mais, lorsquelles sappliquent encore, les allocations pour enfants continuent dêtre versées. Dans les Etats où la pension de veuve cesse dêtre versée dès le remariage de lintéressée, cette disposition ne sapplique que sil ny a pas denfants. Lorsquune pension de veuve cesse dêtre servie au motif de remariage, elle peut être rétablie en cas de divorce aux termes de certaines législations. Dans quelques pays, la pension dun conjoint survivant peut également être suspendue en cas dabandon des enfants.
Les prestations sont parfois payables par simple référence à un lien familial. Dans dautres cas, il faut prouver lexistence dun lien familial et dun lien de dépendance. Pour apporter la preuve dun lien de dépendance, il suffit habituellement que le demandeur ait vécu sous le même toit que le travailleur défunt, ou quil en ait reçu un soutien financier. Le fait que le demandeur ait exercé lui-même une activité rémunérée nest en général pas un motif de lui refuser un droit à prestations, mais, sil ne vivait pas sous le même toit que le défunt et ne recevait de lui aucune aide financière, cela peut suffire pour prouver quil nétait pas à sa charge.
Certains Etats reconnaissent les cas de dépendance partielle, généralement lorsque le demandeur et le défunt ne faisaient pas ménage commun. Sils considèrent que le demandeur était partiellement à la charge du travailleur décédé, ils servent des prestations dont le montant est un pourcentage de la somme quils auraient versée si le demandeur avait été reconnu comme étant entièrement à la charge du défunt. Dautres Etats ne reconnaissent pas la dépendance partielle, de sorte quils ont simplement à décider si le demandeur était ou non à la charge du travailleur décédé.
Les prestations pour personnes à charge sont payables directement aux intéressés (ou à la personne qui élève lenfant ou les enfants à charge), et non aux héritiers du défunt. Dans certaines législations, les prestations de survivants à charge sont réservées au conjoint et aux enfants. Dans dautres, elles peuvent être versées aux frères et surs, aux parents, aux grands-parents, aux petits-enfants et à dautres membres de la famille. En pareil cas, le conjoint et les enfants du défunt, sil en avait, sont généralement prioritaires. Cela étant, des prestations peuvent également être versées à dautres membres de la famille qui étaient, ou qui auraient probablement été ultérieurement à la charge du travailleur décédé.
Les pensions pour conjoint survivant sont en général payées à vie. Certains Etats ne les servent que pendant un nombre dannées prédéterminé, ou jusquà ce que le bénéficiaire atteigne lâge de la retraite. Les versements périodiques au titre dun enfant cessent généralement lorsquil atteint un certain âge. Des dispositions sont prises pour maintenir ces versements au-delà de lâge limite si lenfant est élève ou étudiant à plein temps, et toute la vie si lenfant est handicapé.
Lorsquil y a des enfants survivants, mais pas de conjoint survivant, une allocation est généralement versée au parent nourricier. Son montant est souvent le même que celui qui aurait été payé au conjoint survivant à charge, mais sa durée varie. Lallocation pour parent nourricier cesse habituellement dêtre versée lorsque le dernier enfant atteint un certain âge, ou plus tôt si les soins nourriciers prennent fin.
Le droit aux prestations pour conjoint ne dépend pas dordinaire dun mariage en bonne et due forme. Les membres dun couple qui cohabitait au moment du décès et pendant une certaine période avant le décès sont considérés comme des conjoints. Si un enfant est né de leur union, aucune période minimale nest généralement applicable, ou alors sa durée est réduite.
Un conjoint marié légalement, mais séparé au moment du décès du travailleur peut, dans certains Etats, perdre ses droits aux prestations ou, en tout cas, navoir droit quà des prestations réduites. Lorsque le travailleur décédé avait à sa charge un conjoint dont il était séparé, et quil avait un concubin, certaines législations prévoient de partager les prestations entre eux sans pour autant augmenter le montant total des prestations. En ce qui concerne les modalités de ce partage, si le conjoint légalement marié a longtemps eu la priorité, la tendance actuelle laccorde au concubin.
La plupart des Etats considèrent que le fait que le mariage ait eu lieu (ou que la cohabitation ait commencé) après lincapacité qui est la cause du décès nest pas un motif de perte du droit à prestations.
Dans certains pays, les prestations en espèces ne sont pas ajustées automatiquement à lévolution du coût de la vie; aussi, leur valeur se détériore-t-elle avec le temps, en dépit des variations épisodiques imposées par la législation. Dans dautres, les prestations gardent leur valeur grâce à la compensation de linflation. Cette indexation peut prendre deux formes: premièrement, lindexation des prestations correspondant aux nouvelles demandes, y compris celle du plafond; deuxièmement, lindexation des versements périodiques en cours correspondant aux demandes antérieures. Lindexation peut sappliquer directement aux prestations, ou indirectement au taux de salaire, avec des ajustements ultérieurs des prestations elles-mêmes.
Certaines législations assujettissent toutes les prestations, ou quelques-unes dentre elles seulement, à limpôt sur le revenu et le prélèvent dordinaire à la source. Dautres ne les considèrent pas comme un revenu imposable. En pareil cas, on utilise le plafonnement du taux de salaire ou du montant des prestations pour que le travailleur ne reçoive pas des prestations dun montant plus élevé que celui des gains tirés de son activité professionnelle. Le même résultat peut être obtenu en calculant les prestations en pourcentage du taux de salaire et en appliquant aux tranches de revenu plus élevées un barème décroissant.
Pour sassurer que les prestations sont bien utilisées pour subvenir aux besoins du travailleur handicapé et des personnes à sa charge, certaines législations interdisent leur saisie au bénéfice de créanciers ou dautres personnes et les soustraient à toute exécution forcée. Forts de ce principe, certains organismes de réparation refusent daccéder à la demande dun bénéficiaire qui souhaiterait que ses prestations soient versées à un avocat.
Cette règle souffre plusieurs exceptions. Lorsque lemployeur a continué à payer un salaire ou a versé dautres prestations au travailleur atteint dune incapacité ouvrant droit à réparation, certains Etats demandent à lorganisme de réparation de rembourser à lemployeur soit les sommes quil a versées au travailleur, soit les prestations auxquelles le travailleur a droit, le plus faible de ces deux montants étant retenu. Quand un demandeur a reçu des prestations de la sécurité sociale en attendant le résultat de lexamen de sa demande de réparation dun accident du travail ou dune maladie professionnelle, certaines législations considèrent que le régime de réparation (ou lassureur) doit rembourser la sécurité sociale (ou lassurance sociale). Lorsquun demandeur victime dune incapacité ouvrant droit à réparation ne subvient pas aux besoins des personnes à sa charge, certains Etats considèrent quune partie des prestations dues doit être versée directement à ces personnes.
Diverses dispositions prévoient la suspension des versements périodiques. Cette suspension intervient, par exemple, lorsque le demandeur dune prestation dinvalidité sabsente du pays pendant une période où il a besoin dun traitement médical ou refuse sans motif valable de recevoir des soins médicaux, lorsque le conjoint survivant à charge cohabite avec une autre personne, ou lorsque le bénéficiaire est placé en détention. La législation ne donne pas toujours une définition claire du terme «suspension». Lorsque ce mot est utilisé seul, sans indication dune perte du droit à prestation, il peut sagir dun simple report des versements, le droit restant alors entier de sorte que les arriérés sont payables à la fin de la période de suspension. Parfois, les textes mentionnent expressément la perte du droit à prestation, ou encore il ressort du contexte quaucune prestation nest payable au titre de la période de suspension.
Le terme «trop-perçu» se réfère aux paiements auxquels le bénéficiaire navait pas droit, ou aux paiements dont le montant dépasse celui qui était effectivement dû. Un trop-perçu peut résulter dune erreur de lassureur, du bénéficiaire ou dun tiers, ou encore dune fraude du bénéficiaire ou dun tiers. Lobligation de remboursement dépend parfois des circonstances et, en particulier, de la culpabilité du bénéficiaire. Ce dernier peut:
Aux termes du règlement de certains régimes de réparation, lassureur est fondé à demander le remboursement du trop-perçu, encore que ce ne soit pas toujours le cas. Lorsque le législateur na pas envisagé la question, les trop-perçus peuvent être recouvrés en application des principes juridiques généraux, mais cela dépend des circonstances. Dans certains Etats, par exemple, le remboursement du trop-perçu ne peut pas être exigé lorsque lassureur a commis une erreur de droit et que celle-ci na pas été provoquée par le bénéficiaire.
Lorsquun trop-perçu est recouvrable légalement, les méthodes de recouvrement utilisées sont généralement celles auxquelles peut avoir recours nimporte quel autre créancier dans la juridiction concernée. Il peut sagir, par exemple, dune procédure pour dettes engagée devant les tribunaux, lexécution du jugement pouvant alors donner lieu à une saisie des biens du bénéficiaire. Lorganisme de réparation peut ne pas avoir le droit ou navoir quun droit limité de recouvrer un trop-perçu en le déduisant des prestations futures. Compte tenu du fait que celles-ci sont habituellement dépensées par le bénéficiaire au fur et à mesure de leur paiement, et quelles visent à satisfaire les besoins de demain, la législation relative à la réparation précise parfois que tous les paiements futurs doivent être effectués à léchéance prévue, sans déduction des éventuels trop-perçus antérieurs. Dans ce cas, ceux-ci ne sont récupérables que par les autres méthodes de recouvrement.
Dans la réalité, les pratiques diffèrent. Si lon saperçoit que le trop-perçu a été obtenu par fraude, il est normal de chercher à le recouvrer par toutes les méthodes légales de recouvrement à disposition, y compris les poursuites judiciaires. Si le trop-perçu est dû à une erreur, il peut être passé par pertes et profits, surtout sil a été obtenu en toute innocence. Sinon, il peut être recouvré par les voies juridiques ordinaires et, dans les Etats où il est légal de le faire, en les déduisant des prestations futures; cette déduction peut seffectuer en plusieurs fois. Les organismes de réparation sefforcent toutefois déviter toute déduction sur les prestations futures, même lorsque la loi lautorise.
Lorsque le bénéficiaire du trop-perçu est un médecin ou un autre prestataire de services, la situation légale est généralement la même que celle dun travailleur frappé dincapacité, mais la compensation est beaucoup plus courante, et le recouvrement des sommes dues se fait alors normalement par des déductions sur les factures ultérieures.
Lorsque le bénéficiaire du trop-perçu est un travailleur invalide décédé par la suite, les sommes dues peuvent être réclamées aux héritiers du défunt, mais il nest en général pas permis dopérer des déductions sur les prestations dues aux personnes à charge.
Certaines législations autorisent la conversion de la totalité ou dune partie de la pension en une somme forfaitaire. Cette conversion peut prendre diverses formes:
Les Etats qui autorisent la conversion sont nombreux à ne pas en admettre toutes les formes. La forme de conversion la plus courante est la première de la liste ci-dessus.
Les dispositions relatives à la conversion laissent la porte ouverte à des abus de la part des administrateurs qui, pour calculer la somme forfaitaire, peuvent utiliser une formule qui aboutit à un montant beaucoup moins élevé que la valeur réelle de la pension en capital. Les possibilités de conversion rendent, en outre, le demandeur beaucoup plus vulnérable à la rapacité de certains prestataires de services. Par ailleurs, il ne faut pas oublier quen empêchant les demandeurs de dépenser rapidement une somme forfaitaire et, donc, de tomber à la charge de la collectivité, les régimes de réparation cherchent aussi à protéger le contribuable.
Pour éviter ces difficultés, certains Etats ont interdit les conversions ou nont pas adopté de dispositions les autorisant. Dautres considèrent que les autorisations de conversion relèvent du pouvoir discrétionnaire de lorganisme de réparation, et ce pouvoir peut être défini par la législation ou par lorganisme lui-même de manière à ne permettre les conversions quà des fins bien précises. Dans certains pays, même lorsque la décision relève dun pouvoir discrétionnaire, le rejet de la demande de conversion peut faire lobjet dun recours. Dans ce cas, le coût administratif et le coût lié à lattribution de la prestation de ces pouvoirs discrétionnaires peuvent être excessivement élevés par rapport aux montants en jeu.
Dans les Etats où le régime est géré par des compagnies dassurances, lassureur (ou lemployeur) ou le travailleur, ou les deux à la fois, peuvent demander, après une période initiale (par exemple, douze mois) la conversion de tous les versements périodiques futurs en une somme forfaitaire. Lorsque les parties ne parviennent pas à un accord, le montant de cette somme peut être fixé par le tribunal. Toutefois, on peut objecter à ce système que, dans la pratique, le travailleur recevra nettement moins que la pleine valeur en capital des versements périodiques dont il aurait bénéficié par la suite et que, pour satisfaire ses besoins futurs, il tombera à la charge de la collectivité.
Les établissements de réadaptation, les services des médecins et ceux des autres thérapeutes sont généralement fournis au titre de lassistance médicale. Les dispositions, dans les règlements des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, traitent de la réadaptation à des titres différents: ainsi, certains articles, comme les prothèses, sont fournis au titre de la réadaptation dans certains Etats et de lassistance médicale (ou des soins de santé) dans dautres.
Laide à la réadaptation fait partie des prestations offertes par de nombreux régimes de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, de même que les soins permanents. Les personnes qui demandent réparation dun accident du travail ou dune maladie professionnelle peuvent y avoir droit au titre du système général de sécurité sociale qui couvre lensemble des handicapés. Dans certains Etats, la sécurité sociale exclut les cas daccident du travail ou de maladie professionnelle mais, dans dautres, il ne les exclut pas, si bien quil peut y avoir chevauchement des deux couvertures et que lintéressé peut recevoir une aide de lune ou de lautre.
Il est rare que les objectifs de laide à la réadaptation soient définis. On trouve bien de telles définitions dans les publications sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais elles sont rarement utilisées dans la pratique quotidienne. De nombreuses législations entretiennent lambiguïté sur le point de savoir si un programme de réadaptation professionnelle devrait avoir pour objectif de maximiser ou daméliorer les possibilités demploi des demandeurs, ou de les obliger à retourner au travail.
Dans une certaine mesure, cependant, les objectifs de la réadaptation professionnelle ressortent implicitement de la méthode choisie pour attribuer les prestations en cas dincapacité permanente. Une pension versée selon la méthode du degré datteinte à lintégrité physique est tout à fait compatible avec le caractère volontaire de la réadaptation, tout programme daide à la réadaptation devant dès lors avoir pour but principal délargir léventail des possibilités offertes au demandeur, de telle sorte que, dans chaque cas particulier, lobjectif puisse être le même que celui de lintéressé. Le recours à la méthode de la perte réelle de gain implique que la réadaptation est obligatoire, que lon ne saurait la distinguer du contrôle des prestations et que, dans chaque cas, le programme a pour objectif de faire reprendre un emploi au demandeur ou dapporter la preuve qui permettra de justifier la cessation des prestations.
Lorsque laide à la réadaptation est fournie par un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les services sont habituellement discrétionnaires, notamment lorsquil en existe un large éventail. On a pu observer ces dernières années une certaine tendance à faire reconnaître par la législation un «droit» théorique à la réadaptation, mais il est difficile, dans ce contexte, de définir un «droit» susceptible dêtre imposé. Les tentatives pour y parvenir ont en général été accompagnées dune réduction des prestations en espèces et de limposition de nouvelles limites à laide à la réadaptation.
En ce qui concerne la réadaptation professionnelle, laide offerte peut comprendre des conseils, une préparation aux entretiens dembauche, un service de placement, un soutien pendant la période de recherche demploi, un recyclage, une formation complémentaire et, parfois, des indemnités de déménagement. Outre une aide à la réadaptation professionnelle, certains Etats offrent une aide à la réinsertion sociale, par exemple, sous forme déquipements pour le sport ou les loisirs, de cours de maquillage, daide à ladaptation sociale ou de services de conseil conjugal. La réinsertion sociale peut être un but en soi, ou une aide à la réadaptation professionnelle. Les soins permanents peuvent prendre la forme dune aide à domicile, ou dappareils électroniques, pneumatiques ou mécaniques. Ces aides sont habituellement fournies au titre de la «réadaptation», alors que, dans bien des cas, il sagit en réalité de soins permanents.
Dans certains Etats, les services de réadaptation ont atteint leur niveau de développement record dans les années soixante-dix avant de décliner. Les services de placement, notamment, se sont faits plus rares, et des retards ont affecté loffre de bon nombre dautres services. Lorsquil existe encore des services de placement, on assiste à une érosion du principe traditionnel selon lequel les travailleurs handicapés devraient être placés dans des emplois productifs. De nos jours, par exemple, ils sont parfois contraints ou incités à travailler dans la télécommercialisation (qui consiste à téléphoner aux gens chez eux pour faire de la publicité non sollicitée), en dépit des critiques selon lesquelles il sagit là dune forme de nuisance publique et dintrusion dans la sphère privée par un moyen électronique. Cette détérioration sexplique notamment par limage de laide à la réadaptation, perçue aujourdhui comme un travail demployé de bureau non qualifié et non comme celui dun enquêteur professionnel qualifié et bien formé.
La réadaptation est habituellement envisagée après que lincapacité de travail sest installée. Certains Etats, néanmoins, reconnaissent la valeur de la rééducation préventive qui entre en jeu avant que le handicap soit manifeste. Par exemple, les dorsalgies et certaines maladies dues à lexposition à des produits toxiques sont souvent prévisibles, et laide apportée à un travailleur pour trouver un autre emploi peut parfois constituer une bonne mesure de prévention. Il est rare que lon accorde une aide à la réadaptation à cette fin, mais cest pourtant le cas dans certains pays et dans certaines circonstances. Laide à la réadaptation peut alors être un remède mis à la disposition des salariés par un programme de sécurité et de santé au travail. Un petit nombre dEtats ont adopté des mesures de réadaptation aux fins de la protection du ftus, ou du nouveau-né nourri au sein par la travailleuse, lorsque lexposition de la mère à une contamination ou à dautres risques professionnels pourrait mettre en danger la santé de lenfant.
Dans certains pays, les décisions en matière de réadaptation et de réparation sont prises de la même façon. Dans dautres, le processus met laccent sur la discussion et le consensus, et les décisions dattribution et les recours y jouent un rôle moins important.
Certains Etats financent les coûts de laide à la réadaptation de la même façon que les prestations en espèces. Dautres les imputent au régime général qui répartit ensuite les coûts entre les différentes catégories de prestations, encore quune classification en fonction des antécédents des entreprises soit parfois prise en compte pour le financement des prestations en espèces. En général, les cas qui appellent une aide à la réadaptation professionnelle sont habituellement les mêmes que ceux dans lesquels lemployeur ne continue pas à occuper la victime de laccident; ainsi, cette méthode de financement des coûts permet de prendre les décisions concernant la réadaptation sans que lemployeur chez lequel laccident est survenu soit impliqué comme partie prenante. De cette façon, on évite les dommages thérapeutiques quentraîne souvent une procédure contradictoire. Lorsque le coût de laide à la réadaptation est financé par le régime général, celui de la réparation des lésions subies au cours de la réadaptation peut lêtre de la même façon.
Ces dernières années, certains Etats ont décidé de contraindre lemployeur à maintenir en emploi un travailleur qui a subi une incapacité de travail suite à un accident ou à une maladie professionnelle indemnisables. En général, cette obligation commence lorsque le travailleur sest suffisamment rétabli pour pouvoir reprendre un type de travail auquel lemployeur peut laffecter et elle est maintenue pendant un ou deux ans. Lapplication de ces dispositions est habituellement accompagnée ou suivie dune réduction des prestations pour incapacité permanente.
Dans les pays où léconomie de marché est très déréglementée et où la plupart des emplois ne sont pas couverts par des conventions collectives, ces dispositions peuvent aller à lencontre du but recherché. Elles portent atteinte aux véritables services de réadaptation et tendent à en saper lefficacité. Un travailleur atteint dune incapacité permanente ne trouve dordinaire aucune aide dans un droit temporaire à lemploi. De plus, limage du travailleur frappé dincapacité sen trouve modifiée: une personne dont on aurait pu attendre quelle continue de travailler avec le même employeur si rien ne lui était arrivé se transforme en une autre, qui tombe à la charge de lemployeur. Ce changement dimage ne se limite pas aux cas où, de toute façon, un problème de réadaptation se serait posé, et ces dispositions peuvent en créer un.
Etant donné que ce prétendu «droit» ne peut être invoqué que dans les cas où lemployeur souhaiterait mettre fin à la relation demploi, il est inévitable quil soit fragile. Dans la plupart des législations, on peut mettre fin à une relation demploi pour toutes sortes de motifs qui ne sont habituellement pas appelés à seffacer devant le «droit» du travailleur à rester en emploi. Même si la cessation demploi est illégale, les mesures de réparation peuvent être difficiles à mettre en uvre. Ce «droit» est donc particulièrement fragile et, malgré cette fragilité, son exercice par le travailleur, ou son refus de lexercer, sont deux motifs de cessation de versement des prestations.
En cas dincapacité résiduelle, les différends sur ce qui constitue un emploi convenable sont légion et sont difficiles à régler sans une enquête permettant de recueillir des preuves. Même lorsquune enquête a permis de prendre une décision solidement fondée, elle peut navoir quune importance limitée, notamment si létat de lintéressé a changé, ou si lobligation de lemployeur prend fin. Lorsquun différend sur lobligation de lemployeur est réglé en faveur du travailleur, cette décision nimplique pas forcément un maintien en emploi. En fait, les parties saccordent généralement sur le versement dune somme en espèces. Ainsi, même lorsque le résultat de lenquête et la décision sont «favorables» au travailleur, le résultat final est le versement dune prestation en espèces au terme dun processus très inefficace qui peut entraîner des dommages thérapeutiques.
La promulgation de ce «droit» détourne aussi le travailleur dune véritable réadaptation. Le bénéfice dun prétendu «droit» à retourner chez le même employeur tend à être perçu comme ce qui doit arriver, si bien que lon sera moins enclin à envisager une aide pour dautres formes de réadaptation. Ainsi, une législation conçue pour imposer une obligation à lemployeur et offrir un choix au travailleur revient en fait à imposer une obligation au travailleur et à offrir un choix à lemployeur.
Certaines législations exigent le maintien en emploi dun travailleur frappé dune incapacité, quelle quen soit la cause. Ces dispositions ne sont probablement applicables que dans le cadre de la négociation collective ou dun marché du travail fortement réglementé.
Quelques Etats interdisent tout licenciement dun salarié qui a cessé de travailler pour cause dincapacité ouvrant droit à réparation, mais elles ne linterdisent pas une fois le salarié rétabli.
La réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est généralement financée par les primes ou les contributions payées par les employeurs. On en déduit souvent que ce sont ces derniers qui supportent la charge financière du régime, ce qui est manifestement inexact. En fait, la charge de toute cotisation peut être transférée de la partie qui avait au départ lobligation de la verser à une autre partie, et une abondante littérature économique explique quune contribution sur la masse salariale nest rien dautre que le coût dopportunité de la main-duvre. Une partie du coût des contributions (primes) qui financent le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est bien à la charge de lemployeur, mais une autre partie est reportée sur la main-duvre sous forme de salaires plus faibles ou davantages sociaux limités, et une autre partie encore peut lêtre sur les consommateurs. En outre, les prestations servies en cas daccident du travail ou de maladie professionnelle ne permettent pas de compenser complètement les pertes économiques des travailleurs qui en sont victimes. La différence entre ces pertes et les prestations représente un coût de lincapacité professionnelle qui nest pas pris en compte par le régime de réparation. Ce coût est pour lessentiel supporté par les travailleurs, encore quil puisse, dans une certaine mesure, être transféré à dautres personnes, tels les membres de la famille ou les créanciers.
La première étape dans larchitecture financière dun régime est ladoption dun critère permettant déquilibrer les comptes, afin quavec le temps, les recettes totales soient à peu près égales aux dépenses totales. Dans les régimes gérés par des compagnies dassurances, cet équilibre est censé être obtenu en ajustant les primes de telle sorte que les recettes reflètent le coût des dépenses engagées pour le financement des prestations. Dans les régimes dassurance sociale, la législation exige habituellement que les comptes soient équilibrés de la même façon, mais des pressions politiques sexercent souvent en faveur dune réduction des contributions, puis dun ajustement des dépenses aux décisions prises en ce qui concerne les contributions. A moins que le gouvernement ne refuse de céder à ces pressions, le conflit entre la législation et les pressions politiques est source dincessantes frictions dans ladministration du régime et les décisions dattribution. Il peut en résulter également un passif non consolidé.
La plupart des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles utilisent un système de classification des activités industrielles et fixent le taux des primes ou des contributions à un niveau donné pour chaque catégorie ou sous-catégorie dactivité. Cette classification se fonde soit sur le produit final, soit sur les fonctions exercées par les salariés. La première est plus facile à utiliser du point de vue de ladministration et de lattribution des prestations. La seconde risque de rendre les vérifications plus complexes, notamment lorsque certains salariés exercent des fonctions multiples.
Une fois déterminé le taux de contribution à la charge de lemployeur, il est généralement appliqué à la masse salariale. Dans les Etats où le taux de salaire pris en compte lors dune demande de prestations est plafonné, le même plafond sapplique la plupart du temps à la rémunération par travailleur utilisée comme base de calcul des contributions. Par exemple, un employeur peut être tenu de payer 2 unités monétaires par tranche de 100 unités monétaires de salaire, jusquà un plafond de 50 000 unités par travailleur et par an. Les taux sont normalement révisés chaque année. La méthode consistant à calculer les contributions en pourcentage de la masse salariale est la plus courante, mais il existe parfois dautres méthodes, comme, par exemple, le calcul en fonction de la valeur estimée des actifs, ou du prix des produits vendus. Certains régimes sont également subventionnés en partie par lEtat.
Dans de nombreux régimes, la prime ou la contribution exigible de lemployeur sécarte du taux normal fixé pour la catégorie ou la sous-catégorie à laquelle il appartient en fonction de ses antécédents cest-à-dire les demandes de réparation pour les accidents du travail et les maladies professionnelles survenus dans son entreprise comparés à ceux des autres employeurs. Cest ce que lon appelle le «taux calculé en fonction des antécédents». On lappelle aussi parfois «taux au mérite», mais cette dénomination est impropre, car les variations du taux nont rien à voir avec quelque mérite que ce soit. En général, la formule utilisée pour le calcul des variations du taux repose essentiellement sur les antécédents en matière de coût des demandes de réparation, mais elle peut aussi se référer à dautres facteurs, tels que la fréquence de ces demandes. Pour les cas mortels, on tient parfois compte dun coût minimum estimé. Les petits employeurs sont généralement exclus du système de prise en compte des antécédents ou, dans le cas contraire, les variations du taux qui leur sont appliquées sont plus limitées.
Les régimes gérés par des compagnies dassurances appliquent couramment ce système de prise en compte des antécédents de lemployeur. Les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles de lassurance sociale y ont eu de plus en plus fréquemment recours ces dernières années, bien quil soit dans une large mesure incompatible avec les raisons mêmes de leur création. En effet, lun des principaux avantages dun régime dassurance sociale est que, pour décider de lattribution des prestations, il ny a pas besoin de sengager dans une procédure contradictoire. Or, la prise en compte des antécédents de lemployeur prive lassurance sociale de cet avantage.
Dans les régimes gérés par des compagnies dassurances, la prise en compte des antécédents de lemployeur sapplique habituellement à toutes les dépenses engagées au titre dune demande. Il en va parfois de même pour les régimes dassurance sociale, mais, dans certains dentre eux, ce système ne sapplique quaux prestations en espèces, et non aux dépenses dassistance médicale ou de réadaptation. Cela permet de réduire le nombre de cas où lon doit recourir à une procédure contradictoire pour prendre une décision concernant lengagement des dépenses.
Lun des motifs les plus fréquemment invoqués pour justifier lapplication du système de prise en compte des antécédents est le fait quil incite lemployeur à réduire la fréquence et la gravité des incapacités professionnelles dans son entreprise; mais rien ne prouve de manière convaincante que les choses se passent ainsi. Les seules «études» visant à démontrer leffet bénéfique sur la sécurité et la santé au travail de ce système utilisent, pour le mesurer, les statistiques relatives aux demandes de réparation. Or, ces données ne sauraient être interprétées dans ce sens, et ce, pour plusieurs raisons. Le système de la prise en compte des antécédents de lemployeur encourage en effet les employeurs, pour des motifs dordre économique, à empêcher ou à décourager le dépôt des demandes de réparation, à ne pas divulguer certaines informations favorables au demandeur, à rejeter les demandes, à former un recours lorsque la décision leur est défavorable, à faire pression sur les travailleurs afin quils reprennent prématurément leur activité, à chercher à obtenir des renseignements médicaux personnels sur les demandeurs et à exiger que ces derniers passent de nouveaux examens médicaux. Bien que certaines de ces pratiques soient légitimes, les employeurs y ont parfois si systématiquement recours quil est impossible dutiliser le nombre des demandes pour déterminer dans quelle mesure le système de prise en compte des antécédents permet daméliorer la sécurité et la santé au travail. Ces pratiques augmentent aussi les coûts liés à ladministration et à lattribution des prestations et, du fait des retards et des dommages thérapeutiques quelles entraînent, elles augmentent probablement aussi le coût de la réparation.
Dans certains cas, le système de la prise en compte des antécédents de lemployeur peut effectivement inciter ce dernier à faciliter la réadaptation dun travailleur frappé dincapacité, mais, dans lensemble, son influence est probablement négative sur cet aspect. Lune des conséquences de ce système est que toutes les lésions des tissus mous sont considérées avec suspicion. Pareille attitude est source dangoisse et constitue un obstacle à la réadaptation. Le système peut également dissuader lemployeur dembaucher des travailleurs handicapés et de maintenir en emploi les travailleurs frappés dune incapacité. En effet, la réparation de toute nouvelle incapacité peut coûter plus cher si son effet est aggravé par la première. Pour pallier ce défaut, certains Etats ont institué une «caisse de réparation de la seconde incapacité». Une partie du coût de cette réparation peut alors être payée par cette caisse, et non portée au compte des antécédents de lemployeur. Cette caisse est financée par lensemble des employeurs, quelle que soit la classe de contribution à laquelle ils appartiennent. Le règlement de la caisse varie dun Etat à un autre, mais, en principe, lorsque lincapacité ou une condition préexistante a contribué à la cause dune incapacité ouvrant droit à réparation, a aggravé cette incapacité ou en a accru les effets sur la réparation, la caisse prend à sa charge une partie du coût de la réparation de la seconde incapacité.
Ces caisses natteignent pas leurs objectifs, notamment parce que, pour diverses autres raisons (réelles ou perçues comme telles), de nombreux employeurs évitent demployer des travailleurs handicapés et que le transfert des coûts à une caisse de réparation de la seconde incapacité dépend du sort de la demande relative à lincapacité ultérieure. Le coût de lexamen des demandes de prise en charge par la caisse explique lui aussi que le système de prise en compte des antécédents de lemployeur alourdit le coût total du régime.
A première vue, le système de prise en compte des antécédents est un facteur déquité dans la répartition des coûts entre les employeurs. Il lest effectivement dans une certaine mesure, mais non sans créer aussi de nouvelles inégalités. On observe, par exemple, que les demandes de transfert des coûts à la caisse de réparation de la seconde incapacité ou à dautres caisses générales sont, la plupart du temps, présentées par les plus gros employeurs qui, pour ce faire, disposent du personnel nécessaire, ou ont les moyens dengager des consultants. Ces transferts ont pour effet de relever le taux type de contribution pour la catégorie ou la sous-catégorie concernée, ce qui revient à faire subventionner les plus grands employeurs par les plus petits.
Du point de vue du temps, le financement de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles peut se faire de deux façons:
Il existe différentes variantes de ces systèmes, et certains régimes recourent à un moyen terme. La capitalisation nécessite la constitution dimportantes réserves dont il faut, en général, vérifier chaque année ladéquation. Le système de répartition exige de pouvoir compter sur certaines réserves pour parer à toute éventualité, mais sans appeler des calculs actuariels répétés.
Lorsque le régime est géré par des compagnies dassurances, les principes généraux du droit des assurances exigent quil soit financé par capitalisation. Un régime dassurance sociale constitue une situation différente parce que lEtat peut, en légiférant, imposer le futur taux de contribution. Dans la pratique, certains régimes relevant de lassurance sociale sont tenus par la loi dêtre entièrement capitalisés; dautres fonctionnent selon le système de répartition. Quelques Etats ont adopté un système différent capitalisation partielle, ou capitalisation pour certains coûts futurs, mais non pour dautres.
A long terme, le système de répartition est légèrement moins onéreux, mais la capitalisation est essentielle pour de nombreux pays, notamment les plus petits et ceux qui dépendent lourdement de la production de matières premières.
Dans les régimes gérés par des compagnies dassurances, lassureur peut être autorisé à mettre fin à la couverture si la prime nest pas versée. Cest alors à lemployeur quil revient de payer les prestations relatives aux futures demandes dont le sort dépend de la solvabilité de lemployeur. Lorsque la législation rend obligatoire lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et que lemployeur na pas payé une prime, il existe habituellement des dispositions prévoyant des sanctions pénales, en général une amende ou une peine demprisonnement, qui viennent sajouter aux obligations découlant de la responsabilité civile. Certains Etats peuvent également ordonner la fermeture de lentreprise.
Lorsque le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est un régime relevant de lassurance sociale, certains Etats exigent ou autorisent la fin du bénéfice de lassurance lorsque lemployeur na pas payé ses contributions. Toutefois, la plupart du temps, le versement des prestations ne dépend pas du paiement ou du non-paiement des contributions, et il est interdit de mettre fin à la protection de lassurance au motif que celles-ci nont pas été payées. Chaque demande est imputable à la caisse correspondant à la catégorie concernée et, dans certains Etats, au régime général.
Différents mécanismes sont utilisés pour imposer le paiement dune contribution. Ils sont en général semblables à ceux qui sont mis en uvre pour recouvrer dautres taxes ou impôts, notamment la saisie des biens de lemployeur (y compris ses terrains et ses marchandises), la saisie de ses comptes bancaires et lordre de fermeture de son entreprise. Pour certaines législations, le non-paiement des contributions est un délit. Des amendes peuvent être infligées en plus du paiement des sommes dues, et lemployeur peut également être contraint de rembourser à lorganisme gestionnaire le montant des demandes déposées au cours de la période de non-paiement. Lorsque lemployeur est constitué en société, les directeurs de la société peuvent aussi être rendus responsables sur leurs biens personnels.
Ce terme désigne les cas où une personne peut être tenue pour responsable des obligations dun tiers. Quand les salariés dun employeur sont mis à la disposition dun autre pour effectuer un travail, il est des Etats pour considérer que, dans certains cas, ce second employeur est en fait le garant des obligations du premier en matière de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces dispositions sappliquent habituellement aux chantiers de construction, mais parfois aussi à dautres situations.
Dans les régimes gérés par des compagnies dassurances, le rôle joué par lassureur en matière de sécurité et de santé au travail si tant est quil en joue un varie selon les Etats et les compagnies. Parfois, lassureur ne sintéresse guère, voire pas du tout à cette question, parfois il se borne à étudier une série déventualités types, ou encore il procède plus sérieusement à une étude des risques. Cest souvent le cas dans les branches dactivité où lassureur fournit également dautres types de couverture que la réparation des accidents du travail et des risques professionnels. Lorsque de telles études sont effectuées, elles peuvent être répétées ou nêtre utilisées quaux fins de la détermination du montant de la prime initiale, lassureur se fondant ensuite sur les antécédents de lemployeur pour procéder à des ajustements ultérieurs.
Lorsque le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles relève de lassurance sociale, il est courant quil apporte son soutien à lorganisme public responsable de la sécurité et de la santé au travail. Ce soutien consiste le plus souvent à transmettre des données statistiques et à envoyer aux employeurs, aux syndicats et aux travailleurs des messages relatifs à la sécurité et à la santé au travail. Le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles peut également fournir directement aux employeurs certains autres services liés à la sécurité et à la santé au travail, par exemple des conseils techniques, ou financer la fourniture de services par des associations professionnelles (encore que cette activité soit controversée).
Dans certains Etats, lorganisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles a également des pouvoirs réglementaires en matière de sécurité et de santé au travail. Il peut alors être utilisé et il lest dailleurs parfois largement pour améliorer la sécurité et la santé au travail, notamment par la divulgation de renseignements tirés des dossiers de demandes de réparation qui peuvent être utiles lors des inspections ou à dautres fins, le partage de ses ressources techniques et professionnelles et la mise à disposition de ses services dappui. Le gros avantage du lien entre ces deux fonctions du régime est de pouvoir utiliser les ajustements de contributions comme moyen de pression pour faire appliquer la réglementation et les décisions en matière de sécurité et de santé au travail. La contribution payable par un employeur peut être majorée lorsquune inspection dans son entreprise (sans référence à ses antécédents) révèle des installations ou des pratiques dangereuses. Cest la seule sanction appropriée dont on dispose pour faire appliquer les normes de sécurité et de santé au travail; et cela dans les situations les plus diverses, alors que les sanctions pénales sont parfois inadéquates ou insuffisantes (même dans les cas dexposition à des concentrations élevées de substances toxiques).
Le régime de réparation peut également être utilisé de plusieurs autres façons pour sanctionner le non-respect de la réglementation en matière de sécurité et de santé au travail. Par exemple, lorsquune incapacité est la conséquence dune inobservation flagrante de la réglementation par lemployeur, ou dune autre négligence grave, lemployeur peut être contraint de payer tout ou partie du coût de la réparation. Ainsi, alors quune faute de lemployeur na généralement pas deffet administratif ou juridique en ce qui concerne la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, elle peut être invoquée, dans certains Etats et dans certains cas exceptionnels et graves, pour réprimer une violation de la réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. Lajustement des contributions sur la base dun rapport défavorable de linspecteur de sécurité et de santé au travail na pas beaucoup deffet à grande échelle, mais il peut être efficace dans certains cas particuliers.
Cette rubrique traite des procédures civiles quun travailleur frappé dincapacité peut engager contre quiconque est présumé en être la cause, à lexception de lemployeur. Dans quelques Etats, la législation relative à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles en exclut certaines. Lorsquelles ne sont pas exclues, certains pays considèrent que le travailleur a le droit de les engager, mais que les prestations en espèces quil a reçues, ou quil recevra, du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles doivent être déduites des dommages-intérêts payables par la partie défenderesse.
Dautres législations considèrent que lassureur (lorganisme de réparation, la compagnie dassurances ou lemployeur, selon les cas) peut reprendre le droit de poursuivre le tiers incriminé. Ce système est appelé «subrogation». Dans certains Etats, ce droit de subrogation est entier. Lassureur reprend lensemble de la procédure mais, sil recouvre un montant supérieur aux prestations qui ont été versées ou le seront, il doit le verser au travailleur. Dans dautres Etats, le droit de subrogation est partiel. La législation peut, par exemple, disposer que lassureur a le droit de poursuivre un tiers afin dobtenir le montant des prestations payées ou dues, et que le travailleur peut poursuivre celui-ci pour obtenir lexcédent. Elle peut aussi prévoir que lassureur peut poursuivre le tiers incriminé pour obtenir réparation des pertes financières subies, et que le travailleur peut le poursuivre pour obtenir réparation des pertes autres que financières.
Le terme «assurance sociale» se réfère habituellement à un système dassurance obligatoire administré par lEtat et financé par les cotisations payées par les employeurs, les salariés ou les deux à la fois, voire sur le budget de lEtat. Ce type de régime couvre en général les salariés et, parfois aussi, les travailleurs indépendants, du moins dans une certaine mesure. Il peut être spécifique, comme, par exemple, un régime dassurance sociale chargé exclusivement de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles; sa portée peut être plus vaste, avec des prestations payables en cas de chômage, de maladie, dinvalidité, de maternité, de retraite et de décès. Les systèmes examinés ici sont les systèmes généraux dassurance sociale. Leurs prestations peuvent être forfaitaires ou liées aux gains. Certaines branches dactivité, ou certaines catégories de salariés, peuvent être exclues de la couverture, mais ces exclusions sont en général moins étendues que dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Il existe plusieurs acceptions du terme «sécurité sociale». Dans la plus étroite, il sagit le plus souvent dun système financé sur le budget de lEtat, qui fournit des prestations aux ayants droit en cas dinvalidité, de vieillesse, de chômage, etc. Ces prestations sont habituellement versées sous condition de ressources. La couverture sétend en général à toutes les personnes qui résident habituellement sur le territoire de lEtat. Les prestations sont la plupart du temps forfaitaires, bien quelles puissent varier en fonction des personnes à charge. Le terme «sécurité sociale» est également utilisé dans un sens beaucoup plus large, auquel cas il inclut les prestations susmentionnées, plus lassurance sociale, les soins médicaux et les services sociaux. Ce terme est utilisé ici dans son acception la plus étroite et se réfère donc aux prestations en espèces autres que celles de lassurance sociale.
De nombreux pays ne disposent pas dun régime distinct de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les incapacités et les décès résultant de lemploi sont couverts par un système général de sécurité sociale ou dassurance sociale qui couvre également les incapacités et les décès dus à dautres causes. Dans ces pays, lassistance médicale en cas dincapacité résultant de lemploi est dordinaire fournie par le même régime public de soins médicaux que celui qui sapplique aux incapacités dues à dautres causes. Dans certains Etats, des soins médicaux supplémentaires (autres types de soins ou soins de niveau plus élevé) sont parfois dispensés lorsque lincapacité résulte de lemploi; certains services ou traitements peuvent aussi être gratuits alors quils ne le sont pas lorsque lincapacité nest pas dorigine professionnelle.
En ce qui concerne les prestations en espèces, les incapacités et les décès résultant de lemploi peuvent être traités de la même façon que ceux qui sont dus à dautres causes, et cest très souvent le cas pour les prestations de courte durée. De nombreux Etats accordent cependant une prestation supplémentaire ou majorent la prestation ordinaire lorsque lincapacité est dorigine professionnelle. Cette pratique, qui est courante pour les incapacités permanentes, est parfois suivie aussi pour les cas mortels. Cela tient souvent au fait que, dans de nombreux pays, le système général dassurance sociale est venu remplacer un régime ancien de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cest aussi, parfois, une façon de se conformer aux conventions internationales du travail. Certains régimes servent aussi des prestations spéciales, ou majorent les prestations existantes, pour les personnes qui exercent des professions particulières.
La couverture offerte par les systèmes généraux dassurance sociale est en général universelle et sapplique à tous ceux qui vivent ou travaillent dans le pays, encore quil existe souvent des exceptions pour les ressortissants étrangers.
Les cotisations qui permettent de financer le système sont le plus souvent payées par les salariés et par les employeurs au titre de leurs salariés. Leur taux peut être fixe (ce qui est généralement le cas lorsque les prestations sont forfaitaires) ou lié aux gains (lorsque les prestations sont elles-mêmes liées aux gains). Le droit aux prestations est parfois assorti dune période de stage, et les cotisations des travailleurs et des employeurs peuvent avoir une influence sur le montant des prestations. Lorsque des prestations supplémentaires ou majorées sont payables en cas dincapacité ou de décès résultant de lemploi, ce surcoût est financé dordinaire par les contributions des employeurs.
Lorsque les cotisations et les prestations sont liées aux gains, elles sont habituellement plafonnées. La couverture de lassurance ne sapplique donc quaux revenus les plus faibles, et le coût du système est en général entièrement ou essentiellement à la charge des revenus les plus faibles. Les prestations dun système général dassurance sociale sont habituellement dun montant moins élevé que celles des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais elles sont très souvent complétées, par exemple, par des prestations pour personnes à charge.
Ladministration et lattribution des prestations relèvent généralement dun service public. Les différends mettent en présence le demandeur et ce service. Les antécédents de lemployeur ne sont généralement pas pris en compte par les systèmes dassurance sociale. De ce fait, lemployeur nest normalement pas considéré comme ayant un intérêt direct dans le traitement dune demande et comme partie prenante, encore quil soit parfois invité à fournir des informations. Les recours peuvent être formés auprès du service compétent ou auprès dun tribunal spécialisé. Les recours formés auprès dun tribunal de droit commun sont parfois possibles, mais ces tribunaux ne sont pas prêts à statuer rapidement sur un nombre très important daffaires concernant lassurance sociale.
Les systèmes généraux dassurance sociale imposent souvent un délai de carence de trois jours. Des versements périodiques sont effectués en cas dincapacité temporaire et pendant la phase initiale des incapacités permanentes. Ces «indemnités de maladie», comme on les appelle, sont également servies en cas daccident. La cause de lincapacité nest généralement pas recherchée, mais la prestation nest la plupart du temps payable que si lincapacité contraint lintéressé à sabsenter de son travail.
En cas dincapacité permanente totale, le demandeur reçoit généralement une pension. Dans de nombreux Etats, une pension est également payée en cas dincapacité permanente partielle, encore que dans certains dentre eux, cette pension soit limitée aux incapacités résultant de lemploi. Les incapacités partielles classées comme mineures peuvent faire lobjet dune réparation sous forme de versement dune somme forfaitaire, ou ne pas donner lieu à indemnisation. La distinction entre incapacité totale et incapacité partielle, ainsi que le montant de la pension en cas dincapacité partielle, dépendent, selon certaines législations, de leffet probable que lincapacité du demandeur aura sur sa capacité de gain. Dautres pays lévaluent à proportion de la diminution de lintégrité physique ou mentale. Il existe parfois une formule mixte qui tient compte de ces deux facteurs. Dans certaines juridictions, une incapacité partielle est classée comme totale au cours de toute période dhospitalisation nécessaire à son traitement. En général, des prestations supplémentaires sont servies en cas de besoins particuliers, par exemple, lorsque létat de lintéressé nécessite la présence dune personne pour lui donner des soins.
Les prestations en cas de décès comprennent généralement une somme forfaitaire pour le paiement des obsèques, une pension pour léventuel conjoint survivant ou, dans certains Etats, pour les veuves seulement, ainsi que des versements périodiques pour les enfants survivants.
De nombreuses caractéristiques que lon retrouve fréquemment dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne sont pas courantes, ou même inexistantes dans les systèmes généraux dassurance sociale. Cest le cas, notamment, de la couverture facultative, des conversions des pensions en sommes forfaitaires, des classifications par branche dactivité, de la prise en compte des antécédents de lemployeur et de la participation à la sécurité et à la santé au travail.
Dans certains Etats qui disposent dun régime distinct de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les personnes qui déposent une demande de réparation auprès de ce régime perdent le droit de recevoir les prestations pour incapacité du système général dassurance sociale ou de sécurité sociale. Dautres, qui disposent, eux aussi, dun régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, autorisent le cumul total ou partiel des prestations. Dans quelques-uns de ces Etats, le système général dassurance sociale est le premier payeur, tant en ce qui concerne les soins médicaux que les prestations en espèces, et le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles complète ces prestations et va parfois jusquà compenser totalement tous les préjudices.
Laide à la réadaptation est dordinaire fournie aux termes de programmes de lassurance sociale et de la sécurité sociale. Comme dans les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, cette aide prend des formes diverses. On constate aujourdhui, dans certains pays, une tendance à réduire limportance des pensions pour incapacité et à mettre laccent sur laide à la réadaptation professionnelle. Cette évolution a un défaut: en effet la réduction des prestations en espèces peut être réelle, alors que leur remplacement par une aide à la réadaptation est parfois illusoire, compte tenu de la situation économique et politique qui la rende plus difficile. De plus, la viabilité des systèmes dassurance sociale est actuellement menacée dans certains pays par laffaiblissement de lEtat et de lemploi structuré, ainsi que par lextension de l«économie parallèle», du travail indépendant et des très petites entreprises.
Ces systèmes sont étudiés de manière approfondie dans les ouvrages consacrés à la sécurité sociale et à lassurance sociale.
Un petit nombre de pays disposent dun système de réparation ou dune assurance accidents administrés par lEtat, qui diffèrent des régimes habituels en ce sens quils couvrent tous les accidents, quelle quen soit la cause, et toutes les maladies dues à lemploi. Ils tiennent lieu à la fois de régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et dassurance automobile (dommages corporels) et ils couvrent également les accidents qui surviennent à domicile, lors de la pratique dun sport, ou dans dautres circonstances. Leurs prestations sont celles que servent habituellement les régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, comme lassistance médicale, les prestations en espèces et laide à la réadaptation. Ces programmes diffèrent aussi des systèmes généraux dassurance sociale: en effet, ils ne couvrent pas la plupart des incapacités et des décès dus à des maladies dont il na pas été prouvé quelles résultent de lemploi, donc la majorité de ces éventualités.
Certaines législations du travail exigent de tous les employeurs, ou de quelques-uns dentre eux, quils continuent à verser le salaire du travailleur, du moins dans une certaine mesure, lorsque lintéressé se trouve dans lincapacité de travailler pour cause de maladie ou daccident. Il est dailleurs courant que, quelles que soient ses obligations légales, lemployeur continue à verser pendant une certaine période le salaire dun travailleur incapable de travailler. Ces versements sont souvent appelés indemnités de maladie, mais, en général, ils sappliquent aux absences résultant tant dun accident que dune maladie. Ces arrangements relèvent la plupart du temps de lusage, notamment dans les petites entreprises. Les entreprises plus importantes disposent de régimes contractuels dindemnités de maladie qui sont souvent le fruit de négociations collectives. Certains Etats ont adopté un programme obligatoire dindemnités de maladie.
Un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est en général en position de premier payeur, de sorte que les indemnités de maladie ne sont pas dues dans les cas déjà couverts par ledit régime, ou alors elles constituent un revenu complémentaire. Lemployeur peut aussi continuer à verser le salaire de lintéressé et être totalement ou partiellement remboursé par lorganisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans un petit nombre de pays, les indemnités de maladie couvrent une période initiale pour toutes les incapacités et, après cette période, le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles verse des prestations pour les incapacités qui y ouvrent droit.
Dans les Etats qui ne disposent pas dun régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les indemnités de maladie sont généralement versées aussi bien au titre des incapacités qui résultent de lemploi quà celui des incapacités dues à dautres causes. Elles peuvent alors soit constituer la totalité des revenus du travailleur, soit venir compléter une prestation de lassurance sociale.
Au lieu de verser directement des indemnités de maladie, les employeurs de certains pays mettent en place une assurance pour incapacité de courte durée (appelée aussi «assurance indemnités hebdomadaires»). Cet arrangement est semblable au précédent (indemnités de maladie), mais il est géré par des compagnies dassurances.
Dans de nombreux Etats, un grand nombre demployeurs offrent à leurs salariés une assurance en cas dincapacité de longue durée en souscrivant une police de groupe auprès dune compagnie dassurances. Dans le secteur structuré, cest là souvent le résultat de négociations collectives. Dans le secteur non structuré, cette assurance est parfois souscrite à linitiative de lemployeur. Les primes sont habituellement payées par lemployeur, mais quelquefois aussi par les salariés, totalement ou partiellement.
Dans les pays qui disposent dun régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, ces polices de groupe excluent généralement les incapacités couvertes par ce régime. Dans dautres, elles peuvent inclure les incapacités qui résultent de lemploi. Les prestations sont habituellement servies sous forme de versements périodiques, bien quelles puissent être converties en une somme forfaitaire.
Ces polices ne couvrent en général que les cas dincapacité totale et, lorsquelles incluent certains cas dincapacité partielle, ce nest que pour une période limitée. A bien dautres égards aussi, leur couverture est plus restreinte que celle des régimes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Par exemple, le paiement des prestations peut cesser au bout de deux ans si le demandeur est capable dexercer une activité quelconque, même lorsquelle est nettement moins bien rémunérée et même si le demandeur ne peut lexercer que quelques heures par semaine. En général, le paiement des prestations cesse aussi après une période initiale, lorsque le demandeur est considéré comme capable dexercer un certain type de travail, même si ce type de travail ne lui est pas offert.
La plupart des Etats ont, ou ont eu, une législation qui, dans certaines circonstances, rend lemployeur civilement responsable des incapacités subies par ses salariés. Habituellement, les critères de responsabilité retenus sont la négligence de lemployeur, du personnel dencadrement ou dun collègue de lintéressé, ou une violation de la loi ou de la réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. Cette responsabilité peut être retenue par les tribunaux sur la base de la jurisprudence, inscrite dans la loi ou dans le code civil.
La réparation prend la forme dune somme forfaitaire, les «dommages-intérêts». Son montant correspond en général à une estimation des pertes économiques (habituellement la perte de gain) à laquelle vient sajouter une indemnité, fixée par appréciation, pour les pertes autres quéconomiques (comme, par exemple, le pretium doloris, le préjudice esthétique, le dysfonctionnement sexuel, la difficulté davoir des activités sociales et la diminution de lespérance de vie). Cette somme forfaitaire couvre les pertes estimatives futures et passées. Dans les cas mortels, les dommages-intérêts attribuables aux personnes à la charge du défunt comprennent la perte de la participation aux gains futurs du travailleur décédé. Dans certains Etats, les personnes à charge peuvent être indemnisées pour des pertes non économiques. Lorsque laccident ou la maladie est dû à la négligence du travailleur, les demandes de réparation présentées par les personnes à la charge du défunt ne sont parfois pas admises ou aboutissent au versement de dommages-intérêts moins importants.
Dans les Etats qui nont pas de régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la législation relative à la responsabilité de lemployeur demeure pleinement applicable, mais le montant des dommages-intérêts est parfois réduit lorsque lintéressé reçoit des prestations dun système général dassurance sociale ou de sécurité sociale. Ailleurs, la législation relative à la responsabilité de lemployeur demeure applicable, mais sa portée est plus limitée. Lorsquun travailleur frappé dincapacité reçoit des prestations dun système général dassurance sociale, celui-ci se substitue par subrogation au travailleur dans la demande de dommages-intérêts à lemployeur.
Dans les Etats dont le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne couvre pas toutes les branches dactivité ou toutes les professions, la législation relative à la responsabilité de lemployeur reste dordinaire pleinement applicable aux personnes non protégées par ledit régime.
La couverture dune incapacité ou dun décès par un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles entraîne généralement lune des conséquences ci-après pour la responsabilité de lemployeur:
Dans les Etats où la responsabilité de lemployeur reste engagée, même lorsque le travailleur est protégé par un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les prestations de ce régime paraissent être plus réduites, comme on peut sans doute sy attendre.
Lorsque le travailleur na pas le droit dinvoquer la responsabilité civile de lemployeur, cette interdiction sapplique uniquement aux demandes de dommages-intérêts pour laccident ou la maladie eux-mêmes. Ainsi, dans certaines législations, la demande peut se fonder sur dautres motifs. Par exemple, une demande de dommages-intérêts peut être formée contre un employeur qui empêche le traitement administratif normal de la demande déposée par son salarié auprès du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, notamment en ne respectant pas son obligation de tenir à jour et de fournir les informations relatives à lexposition du salarié à une contamination. Linterdiction de présenter une demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité civile de lemployeur ne sapplique en général quaux incapacités ouvrant droit à réparation par le régime. Ainsi, lorsquun travailleur subit une incapacité par suite dune négligence de lemployeur, mais quil na pas droit aux prestations du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, on ne peut pas lui interdire de poursuivre son employeur devant les tribunaux afin dobtenir des dommages-intérêts. Par exemple, certains régimes ne paient pas dindemnités en cas de stress professionnel, ou lorsque lincapacité dont est atteint un enfant est due au fait quavant sa naissance sa mère a été blessée ou exposée à des substances dangereuses. En pareils cas, la législation relative à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ninterdit pas douvrir une action en dommages-intérêts contre lemployeur.