Depuis vingt-cinq ans, le développement rapide de structures nationales et internationales en matière de sécurité et de santé au travail traduit un souci de plus en plus prononcé pour la santé des travailleurs. Cette évolution sinscrit dans un contexte de changements économiques, sociaux et politiques.
Sur le plan économique, le pouvoir échappe aux travailleurs et passe aux mains dentreprises multinationales et dinstances supranationales; dans léconomie mondiale, la compétitivité relative des Etats est sujette à des modifications rapides et les changements technologiques recomposent le processus de production. Sur le plan social, signalons les progrès des sciences médicales et les attentes quils font naître en matière de santé, ainsi que le scepticisme croissant quant aux effets des innovations scientifiques et techniques sur lenvironnement à lintérieur comme à lextérieur des lieux de travail. Sur le plan politique, les appels à participer plus largement aux affaires publiques se succèdent dans nombre de pays depuis les années soixante; la sécurité sociale est en crise dans plusieurs vieux pays industriels; enfin, les pratiques des multinationales dans les pays en développement sont loin de laisser lopinion indifférente. Les structures organisationnelles reflètent ces changements.
Les organisations de travailleurs font appel à des techniciens de la sécurité et de la santé pour conseiller leurs membres et négocier en leur nom aux niveaux local et national. Les associations de victimes de maladies professionnelles se sont multipliées rapidement au cours des dix dernières années et lon peut y voir une réaction aux difficultés particulières que rencontrent ces victimes lorsque les prestations de sécurité sociale sont insuffisantes. Ces deux phénomènes se sont traduits, à léchelon international, par limportance accrue que les fédérations syndicales internationales et les conférences internationales de travailleurs de certaines branches de lindustrie accordent à la sécurité et à la santé. Les enjeux structurels et juridiques concernant les organisations de travailleurs, les associations demployeurs et les relations du travail font lobjet du chapitre no 21 «Les relations professionnelles et la gestion des ressources humaines» de lEncyclopédie.
On peut dire que les changements apportés récemment aux organisations patronales et aux services officiels relèvent en partie de la réaction et en partie de lanticipation. La législation adoptée au cours des vingt-cinq dernières années constitue, dune part, une réponse aux craintes exprimées par les travailleurs depuis la fin des années soixante et, dautre part, une façon dencadrer le développement rapide, après la guerre, des nouvelles technologies de production. Les structures constitutionnelles établies par les différents gouvernements reflètent bien évidemment la législation et la culture nationales dun pays, mais elles nen ont pas moins des points communs. Ainsi, on attache plus dimportance aux services de prévention et à la formation des travailleurs, des cadres et des spécialistes de la sécurité et de la santé, on instaure des organismes de participation ou de consultation sur les lieux de travail et au niveau national et on réorganise linspection du travail et les autres services officiels de contrôle. Des mécanismes distincts ont été établis dans plusieurs Etats pour garantir la protection sociale des travailleurs victimes daccidents du travail ou dune maladie professionnelle et pour associer les autres organes étatiques soccupant de lemploi et de lenvironnement au contrôle de lapplication de la législation en matière de sécurité et de santé.
Les changements touchant lorganisation créent de nouveaux besoins de formation pour les inspecteurs, les techniciens de la sécurité, les ergonomes, les hygiénistes et les psychologues du travail, les médecins et le personnel infirmier. La formation fait lobjet de débats au sein des organismes professionnels et aux niveaux national et international; les membres des professions qui jouent un rôle prépondérant en matière de sécurité et de santé au travail se rencontrent dans des congrès internationaux et élaborent des règles communes et des recueils de directives pratiques.
La recherche est un élément essentiel des programmes de prévention des risques anticipés ou encourus. Les gouvernements sont la principale source de financement de la recherche, organisée surtout sous forme de programmes nationaux. Au niveau international, en outre, les départements du Bureau international du Travail (BIT) et de lOrganisation mondiale de la santé (OMS), des instituts de recherche, tels lInstitut européen de la sécurité et le Centre international de recherche sur le cancer, (CIRC) mènent des programmes internationaux de recherche sur la sécurité et la santé au travail.
La santé au travail est inscrite dans les Constitutions de lOIT, de lOMS et dautres organisations des Nations Unies depuis la seconde guerre mondiale et même avant, mais de nombreux organismes internationaux semploient à la protéger depuis moins de vingt-cinq ans. Aujourdhui, les organisations qui soccupent du commerce mondial et des zones régionales de libre-échange tiennent compte de la sécurité et de la santé, et les répercussions sociales des accords commerciaux sont souvent débattues au cours des négociations. LOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue autant les règles en vigueur en matière de sécurité et de santé que les résultats strictement économiques des différents pays. Le long débat sur linscription dune clause sociale dans les négociations du GATT a mis en évidence la corrélation entre ces deux aspects.
Les organisations nationales et internationales ne peuvent fonctionner efficacement que si leur autorité est reconnue. Quant aux organes législatifs et de contrôle, cest la loi qui leur confère leur légitimité. Lautorité des instituts de recherche repose sur le respect de méthodes scientifiques reconnues. Néanmoins, ce glissement de lélaboration de la législation et de la négociation daccords en matière de sécurité et de santé au travail vers des institutions internationales pose des problèmes dautorité et de légitimité à des organisations telles que les associations demployeurs et les organisations de travailleurs.
Lautorité des employeurs découle de la valeur sociale des services ou des produits quils offrent, alors que les organisations de travailleurs doivent la place quelles occupent dans les négociations aux structures démocratiques qui leur permettent de parler au nom de leurs membres. Ces formes de légitimité sont plus difficiles à établir pour les organisations internationales. Lintégration croissante de léconomie mondiale risque dentraîner une coordination de plus en plus importante de la politique suivie dans tous les domaines de la sécurité et de la santé au travail, en ce qui concerne notamment la définition de normes généralement acceptées en matière de prévention, de réparation, de formation professionnelle et dapplication. Les organisations créées pour répondre à ces besoins devront asseoir leur autorité en renforçant leur capacité de réaction et en entretenant des relations étroites avec les travailleurs et les lieux de travail.
La convention (no 150) et la recommandation (no 158) sur ladministration du travail, 1978, sont le fondement de lorganisation et de la mise en uvre de tout système moderne dadministration du travail. Ces deux instruments internationaux sont une source dinspiration des plus utiles et un modèle auquel toute administration nationale du travail peut comparer son orientation, son rôle, son champ daction, ses structures et ses fonctions, ainsi que son efficacité pratique.
Ladministration du travail concerne la gestion des affaires publiques dans le domaine du travail qui, traditionnellement, englobe toutes les questions relatives à la population économiquement active, sans distinction de secteur. Cest une vaste notion, mais elle est étayée par la convention no 150, par laquelle ladministration du travail désigne «les activités de ladministration publique dans le domaine de la politique nationale du travail». Ces activités comprennent dordinaire:
Cette définition générale montre bien que ladministration du travail sétend au-delà des responsabilités et des activités dun simple ministère du travail (emploi, affaires sociales, etc.), puisque le domaine de la politique du travail peut relever de diverses administrations ministérielles, dorganismes paraétatiques et dautres institutions publiques.
Il faut donc viser un système dadministration du travail dont les divers organes sont coordonnés et interagissent de façon à créer une synergie. Lélément unificateur est la politique du travail, qui comprend toutes les activités exécutées à ce titre. Le système peut varier dun pays à lautre (pour des raisons historiques, politiques, économiques, sociales, etc.), mais il comprend normalement les relations professionnelles, linspection du travail, la sécurité au travail, lhygiène professionnelle, la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les services de lemploi, la promotion de lemploi, la formation et lorientation professionnelles, les tests professionnels et lattribution de certificats daptitude professionnelle, la planification du personnel, linformation sur lemploi et les professions, les travailleurs étrangers et les permis de travail, la sécurité sociale, les groupes vulnérables et défavorisés, les statistiques du travail, etc.
On voit donc quun système dadministration du travail est complexe, quil exige une coordination à tous les niveaux pour remplir son rôle et quil est dynamique puisque, conformément à la convention no 150, il vise «tous les organes de ladministration publique» et «toute structure institutionnelle» soccupant de la politique nationale du travail. Enfin, cet ensemble de normes internationales démontre à lévidence que linspection du travail doit faire partie intégrante de ladministration du travail et que, dans le domaine de la protection des travailleurs (qui comprend la sécurité et la santé au travail, mais qui est loin de se limiter à ces deux domaines), linspection du travail est linstrument pratique de tout système dadministration du travail pour assurer le respect de la politique et de la législation nationales. Pour reprendre la formule dun ancien Directeur général dans son rapport à la Conférence internationale du Travail en 1964, «une législation du travail [...] risque en effet de rester lettre morte sil nexiste pas dans le pays de système dinspection du travail chargé den contrôler lapplication».
En règle générale, dans le cadre de ladministration du travail, linspection du travail est généralement dotée dune structure à deux niveaux: les bureaux dinspection sur le terrain, chargés essentiellement dassurer lapplication des dispositions juridiques, et lautorité centrale, responsable de la mise au point et du suivi de la politique, ainsi que de la planification et de la gestion du programme. Les services extérieurs et lautorité centrale doivent évidemment travailler en étroite collaboration.
Le service dinspection du travail remplit ses fonctions dinspection et de conseil grâce à ses bureaux extérieurs, qui en sont la cheville ouvrière. Il a ainsi lavantage, par rapport à dautres services, dêtre en contact direct avec le monde du travail dans lentreprise avec les employeurs, les travailleurs, en bref, la population active du pays.
Inversement, le fait de procéder à des inspections dans les entreprises permet aux services dinspection de fournir à ladministration centrale des informations détaillées, recueillies lors des visites ou des réunions avec les partenaires sociaux et inaccessibles autrement, sur le climat social, les conditions de travail et le milieu de travail, ou encore sur les difficultés dassurer lapplication de la législation, comme linsuffisance de leffet dissuasif des sanctions imposées par les tribunaux, les problèmes avec les autorités régionales, les pressions exercées par certaines entreprises en raison de leur rôle économique et le manque de coordination entre les diverses administrations publiques. Les services extérieurs sont également bien placés pour mettre en lumière, comme lexigent les normes internationales, les déficiences ou les abus qui ne sont pas couverts par les dispositions juridiques.
Aux termes de la convention (no 81) concernant linspection du travail dans lindustrie et le commerce, 1947 (en en exemptant éventuellement, en vertu de larticle 2 (2), les entreprises minières et de transport), les inspecteurs ou les bureaux locaux sont «tenus de soumettre à lautorité centrale dinspection [...] des rapports périodiques dun caractère général sur les résultats de leurs activités». Cette disposition (art. 19), que lon retrouve dans la convention (no 129) sur linspection du travail (agriculture), 1969, donne beaucoup de latitude aux Etats quant à la forme, au contenu et à la fréquence des rapports, mais elle est dune importance capitale. En effet, dune part, elle assure un contact continu entre les inspecteurs et lautorité centrale; dautre part, elle permet à cette dernière dêtre au courant de la situation économique et sociale dans les régions, de définir et de mener une politique nationale dinspection, et de préparer et de publier un rapport annuel sur les activités des services dinspection, conformément à ses obligations internationales.
Lautorité centrale dirige linspection du travail (ou, dans le cas de nombreux Etats fédéraux, linspection des Etats constituants) et prend sa place dans le dispositif administratif du ministère chargé de ladministration de la politique du travail et de celle de lEtat. En fait, lexécution des tâches dinspection ne dépend pas seulement de linitiative personnelle des inspecteurs, bien que celle-ci soit dune importance fondamentale. Les inspecteurs du travail ne travaillent pas en vase clos; ils font partie dune administration et proposent des objectifs communs à atteindre dans tout le pays.
La première tâche dun organe dirigeant consiste à établir un budget, à le faire adopter et à le gérer. Le budget reflète les choix sociaux du gouvernement; son montant détermine léchelle des moyens accordés aux différents services. Il importe donc de consulter les organisations syndicales, qui ont tout intérêt à ce que linspection soit efficace.
Diriger consiste également à définir une politique de protection des travailleurs, à élaborer les principes de fonctionnement de linspection, à fixer un ordre de priorité selon les caractéristiques des diverses branches dactivité, la nature et les résultats des entreprises, à rationaliser les activités (politique dapplication), à parfaire les méthodes et le programme, à stimuler et à coordonner les différents services, à évaluer les résultats et à proposer des mesures visant à améliorer le fonctionnement de linspection.
Il incombe à lautorité centrale de donner des instructions suffisamment claires aux services extérieurs pour garantir une interprétation cohérente et logique des dispositions juridiques dans tout le pays. Elle le fait habituellement en adoptant une politique générale dapplication à léchelle nationale, conçue souvent (et de préférence) en collaboration avec les organisations les plus représentatives des partenaires sociaux. Enfin, elle doit gérer le personnel, veiller à sa formation et à son perfectionnement (politique de formation), garantir son indépendance et le respect de léthique professionnelle et évaluer périodiquement le travail des fonctionnaires.
Les conventions internationales du travail nos 81 et 129 obligent lautorité centrale à rédiger un rapport annuel sur les services dinspection; ces rapports doivent porter sur les points essentiels énumérés aux articles 20 et 21. Leur publication dans les douze mois suivant la fin de lannée à laquelle ils ont trait permet aux travailleurs, aux employeurs et aux autorités intéressés de mieux connaître le fonctionnement de linspection. Ces rapports, communiqués au Bureau international du Travail dans un délai de trois mois après leur parution, forment la base documentaire dune étude extrêmement utile des systèmes établis et des résultats obtenus dans les Etats Membres et permettent aux services compétents du BIT de rappeler aux gouvernements, sil y a lieu, leurs obligations. Malheureusement, cette obligation de publication et de communication est trop souvent négligée dans la pratique, bien quelle lie tous les Etats Membres qui ont ratifié la convention.
Il reste à lautorité centrale à transmettre linformation reçue des services dinspection aux organes consultatifs établis au sein du ministère (par exemple, le comité national de sécurité et dhygiène ou le conseil des conventions collectives), aux ministères concernés et aux partenaires sociaux. Elle doit elle-même utiliser les informations reçues et prendre les mesures appropriées, que ce soit à propos du fonctionnement de linspection ou de lélaboration de la législation. Dans lensemble, la publication est lun des moyens les plus utiles dont dispose linspection du travail pour présenter ses activités et ses réalisations sur le plan national ou international.
Aux termes des conventions internationales du travail nos 81 et 129, des arrangements appropriés doivent être pris pour favoriser la coopération entre les services dinspection, dautres services gouvernementaux et les institutions publiques ou privées exerçant des activités analogues.
La collaboration doit dabord être établie avec les autres services de ladministration du travail, tant au niveau national que local. Les problèmes dont soccupe ladministration du travail (conditions de travail, sécurité et santé, salaire, emploi, relations professionnelles, sécurité sociale et statistiques) sont souvent liés et doivent être considérés comme un tout.
Lautorité centrale doit assurer léchange dinformations et contribuer à lélaboration dune politique et de directives communes en vue des décisions à prendre par le ou les ministères compétents ou lorgane central de planification. Au niveau local, linspection du travail doit notamment entretenir des relations régulières avec les services de lemploi, les services qui soccupent des travailleurs étrangers et ceux qui sont chargés des relations professionnelles (lorsque ces tâches sont confiées à des services spécialisés).
Dans les pays où différents services dinspection du travail relèvent du même ministère (comme en Belgique) ou sont rattachés à des ministères différents, une collaboration très étroite est indispensable pour échanger des informations, définir des méthodes ou des procédés dintervention et établir des programmes daction communs. Lefficacité du travail effectué par plusieurs services est directement tributaire de la qualité de leur collaboration, mais lexpérience nous apprend quil est très difficile de mettre sur pied et de maintenir une telle collaboration et quelle exige temps et ressources, même dans les meilleures conditions. Ce choix est donc presque toujours un pis-aller qui nest pas propice à une approche globale de la prévention, objectif premier de linspection du travail.
Dans nombre de pays, certains services de la sécurité sociale, notamment ceux qui sont chargés de la réparation des accidents du travail et des assurances en cas daccidents ou de maladies professionnelles, soccupent de la prévention des risques au travail. Dautres fonctionnaires spécialisés effectuent des contrôles dans les entreprises pour voir quelles sont les mesures relatives à la sécurité et à la santé à y appliquer. Certains pays, comme lAustralie (Nouvelle-Galles du Sud) et le Zimbabwe, confient linspection du travail au système de sécurité sociale. LAllemagne et la France ont toutes deux un système dinspection distinct et parallèle à celui de la sécurité sociale; ailleurs, comme en Suisse, linspection du travail est remboursée au prorata de ses activités consacrées à la prévention des risques pour la sécurité et la santé dans les entreprises. Bien que laction des agents de la sécurité sociale, contrairement à celle des inspecteurs du travail, ne sappuie pas directement sur lautorité de lEtat sauf sils font partie de la fonction publique, comme cest le cas en Nouvelle-Galles du Sud et au Zimbabwe elle est assortie de pénalités financières sous la forme dune hausse des cotisations des entreprises où la fréquence des accidents est élevée et qui ne donnent pas suite aux recommandations. Par contre, les entreprises qui font un véritable effort de prévention peuvent bénéficier dune diminution de leurs cotisations ou obtenir des prêts à des conditions spéciales pour poursuivre leur action. Ce maniement de la carotte ou du bâton (bonus/malus) est évidemment un excellent moyen de pression.
Si elle est essentielle, la collaboration entre les services de la sécurité sociale et de linspection du travail nest pas toujours facile à établir: en effet, si les deux services relèvent en général du même ministère, ils tiennent à affirmer leur autonomie et à conserver leurs prérogatives. Cependant, lorsque lautorité de contrôle est efficace et la coordination des services bien assurée, les résultats, particulièrement sur les plans de la prévention et de la maîtrise des coûts, peuvent être remarquables.
La collaboration avec lautorité centrale doit se manifester par léchange dinformations, lutilisation des données et la préparation conjointe des programmes de prévention. Au niveau local, la collaboration peut prendre diverses formes: enquêtes conjointes (en cas daccident, par exemple), échange dinformations et possibilité dutiliser le matériel des services de la sécurité sociale (souvent mieux dotés sur le plan financier) aux fins de linspection du travail.
Linspection du travail ne peut travailler en vase clos; elle doit établir des liens étroits avec les instituts de recherche ou les universités, afin daccompagner les changements de la technologie et les progrès des sciences sociales et humaines, de disposer dinformations précises et de suivre les nouvelles tendances. La collaboration ne doit pas être à sens unique. Linspection du travail joue un rôle important auprès des instituts de recherche: elle peut leur signaler des sujets détude intéressants et les aider à vérifier les résultats sur le terrain. Il arrive quelle soit invitée à participer à des séminaires ou à des colloques portant sur des questions sociales ou à donner des cours spécialisés. Dans nombre de pays (République fédérale dAllemagne, Royaume-Uni, Fédération de Russie), cette collaboration, parfois régulière, se révèle dune très grande utilité.
En ce qui concerne la sécurité et la santé au travail, linspection du travail doit soit approuver le contrôle technique de certains types dinstallations et de matériel (appareils sous pression, appareils de levage, installations électriques), soit collaborer avec les organismes habilités à le faire. Ailleurs, par exemple en Afrique du Sud, cest linspection du travail qui sen charge le plus souvent. En faisant appel régulièrement à des organismes externes, elle obtient des avis techniques et peut observer les effets des mesures recommandées.
De nos jours, linspection du travail rencontre des problèmes tellement complexes, en particulier dans les domaines techniques et juridiques, quelle ne saurait effectuer son travail dans les entreprises sans laide de techniciens. La convention no 81 exige que les Etats prennent les mesures nécessaires pour «assurer [...] la collaboration dexperts et de techniciens, y compris des techniciens en médecine, en mécanique, en électricité et en chimie, au fonctionnement de linspection, [...] afin dassurer lapplication des dispositions juridiques relatives à lhygiène et à la sécurité [...] et de senquérir des effets des procédés employés, des matières utilisées et des méthodes de travail». La convention no 129 contient une disposition analogue.
Il nen est pas moins vrai que les multiples aspects des conditions de travail sont étroitement liés comme le confirment des études récentes et que les services dinspection du travail doivent être en mesure de les traiter comme un tout. Cest pourquoi une approche multidisciplinaire, qui permet de combiner les avantages de la spécialisation et de la polyvalence, lorsque les ressources financières sont suffisantes, semble particulièrement prometteuse.
Dans presque tous les pays, le territoire national est divisé en circonscriptions dénommées de diverses façons (régions, provinces, cantons, départements), elles-mêmes parfois subdivisées en unités plus petites dans lesquelles lautorité centrale est représentée par de hauts fonctionnaires (gouverneurs ou préfets). Le plus souvent, le personnel des services extérieurs des divers ministères relève de ces hauts fonctionnaires pour ce qui est des règles de la fonction publique et de linformation politique; ce sont leurs supérieurs qui veillent à linstallation des inspecteurs du travail aux postes auxquels ils sont nommés. Les inspecteurs (ou, sil y a lieu, les directeurs départementaux, provinciaux ou régionaux du travail) portent à la connaissance de ces hauts fonctionnaires tout événement dont ils devraient être informés. De même, les inspecteurs doivent collaborer avec eux afin de leur fournir, que ce soit directement ou par lentremise de leurs collaborateurs immédiats, toute information demandée. Néanmoins, les inspecteurs devraient toujours relever du ministre, généralement le ministre du travail, par lintermédiaire de leur supérieur hiérarchique (le directeur départemental, provincial ou régional), pour ce qui touche le contenu de leurs tâches, la façon de sen acquitter et la communication des résultats obtenus.
Les inspecteurs du travail peuvent se trouver dans une situation délicate du fait que les fonctionnaires représentant lautorité centrale sont rarement au courant des fonctions de linspection du travail et risquent dêtre tentés, particulièrement dans certaines affaires controversées, de justifier leurs décisions en invoquant la loi et lordre public, ainsi que la paix sociale. Les inspecteurs du travail doivent insister sur limportance dune application générale de la législation du travail lorsquelle est mise en question et, en cas de difficultés, ne pas hésiter à en référer à leurs supérieurs.
Les inspecteurs du travail ont normalement des relations administratives régulières avec les autorités judiciaires, dont lappui est essentiel à la prévention des infractions. Dans la plupart des pays, les inspecteurs nintentent pas de poursuites eux-mêmes: cest la prérogative du ministère public. Lorsquils constatent une infraction et jugent de leur devoir de prendre des mesures contre un employeur, ils rédigent un rapport à lintention du ministère public. Ce rapport est un document important qui doit établir clairement linfraction, préciser la disposition enfreinte et les faits observés par linspecteur. En général, le ministère public est investi du pouvoir discrétionnaire de donner suite au rapport et dengager des poursuites ou de classer laffaire.
On voit quil est non seulement important de rédiger un rapport dinfraction, mais encore éminemment souhaitable que les inspecteurs et les fonctionnaires du ministère public se rencontrent, ne fût-ce quune fois. Avant de recourir à cette mesure, linspecteur du travail qui signale une infraction a généralement essayé duser de persuasion pour faire respecter les dispositions légales, ce que les fonctionnaires du ministère public et les juges ignorent parfois; souvent, la méconnaissance des méthodes de travail des inspecteurs les amène à imposer des amendes dérisoires ou à classer laffaire. Cest pourquoi les échanges de vues entre les hauts fonctionnaires des différents ministères sont indispensables.
Dautres circonstances peuvent conduire les inspecteurs du travail à entrer en contact avec le pouvoir judiciaire, par exemple lorsquon leur demande un renseignement dans le cadre dune enquête préliminaire ou sils sont cités comme témoins. Le texte intégral des jugements dûment motivés doit leur être communiqué dès le prononcé, afin quils puissent signaler toute récidive. Si laffaire était classée ou si la sanction paraissait insuffisante, linspection du travail serait alors en mesure de demander au ministère public dinterjeter appel. Enfin, la communication du jugement est dautant plus utile si celui-ci établit un précédent.
Les inspecteurs du travail peuvent être appelés à entretenir des relations régulières ou sporadiques avec dautres autorités publiques. Par exemple, ils peuvent être invités à collaborer avec les services de la planification du développement. Leur rôle consiste alors à porter à lattention de ces services certains facteurs sociaux et les répercussions possibles de certaines décisions économiques. Quant à leurs rapports avec la classe politique (maires, députés, membres dun parti), comme dans le cas de demandes de renseignements, il importe que les inspecteurs du travail sen tiennent à une impartialité rigoureuse, règle de conduite à laquelle ils doivent absolument sastreindre, et quils fassent preuve de la plus grande prudence. Les relations avec la police doivent également faire lobjet dune procédure bien établie, notamment lorsquil sagit de contrôler la durée du travail dans les services publics de transport routier (seule la police a le droit darrêter un véhicule) ou lorsquon soupçonne lemploi dimmigrants illégaux. Il faut également garantir aux inspecteurs le droit de pénétrer dans les lieux de travail, avec laide de la police sil y a lieu; il nexiste souvent pas de procédure à cet effet.
Bien entendu, les services dinspection du travail maintiennent des rapports étroits et réguliers avec les employeurs, les travailleurs et leurs organisations. Du reste, les conventions nos 81 et 129 invitent lautorité compétente à prendre les mesures appropriées pour favoriser cette collaboration.
Les inspecteurs rencontrent les employeurs et les travailleurs tout dabord dans lentreprise, que ce soit à loccasion de visites, de réunions dorganismes tels que les comités de sécurité et de santé ou les comités dentreprise, ou encore lors de séances de conciliation pour prévenir ou tenter de régler des différends. Ils ont également des contacts fréquents avec des travailleurs et des employeurs en dehors de lentreprise. Très souvent, ils offrent conseils, informations et points de vue dans leurs bureaux. Quelquefois, ils président des comités conjoints, par exemple lors de la négociation des conventions collectives ou du règlement des conflits. Ils peuvent aussi donner des cours sur des sujets relatifs au travail à lintention des syndicalistes et des chefs dentreprise.
Etant donné que la responsabilité évidente et quotidienne des inspecteurs du travail est dassurer la protection des travailleurs, des liens très étroits se tissent tout naturellement entre inspecteurs et travailleurs. Le travailleur peut sadresser personnellement aux inspecteurs pour leur demander conseil ou les consulter sur une question quelconque, mais les organisations syndicales, les délégués syndicaux et les représentants des travailleurs servent le plus souvent dintermédiaires. Leur raison dêtre étant de défendre et de représenter les travailleurs, les syndicats jouent en général un grand rôle dans les relations avec linspection du travail.
Ce tissu de relations, dont la forme est fonction du pays et du problème à létude, est traité au chapitre no 21 «Les relations professionnelles et la gestion des ressources humaines». Rappelons que les normes internationales du travail, soit les conventions nos 81 et 129 et le Protocole de 1995 relatif à la convention no 81, 1947, établissent le principe de la collaboration tant pour les employeurs que pour les travailleurs: lautorité compétente doit «prendre les mesures appropriées pour favoriser [...] la collaboration entre les fonctionnaires de linspection du travail et les employeurs et les travailleurs ou leurs organisations». Il ne faut pas non plus oublier que les relations entre linspection du travail, les employeurs et les travailleurs ne peuvent être séparées de lensemble des relations professionnelles et quelles portent nécessairement lempreinte du système socio-économique dans lequel sinscrit linspection du travail et qui diffère dun pays à lautre.
La collaboration peut voir le jour de diverses façons, mais elle sinstaure notamment grâce à des relations directes ou par le biais des organismes créés dans lentreprise aux fins de la représentation ou de la participation. Certains pays pratiquent dautres formes de collaboration au niveau départemental ou régional, suivant diverses procédures.
Selon larticle 3 de la convention no 81, une des fonctions fondamentales de linspection du travail consiste à fournir des informations et des conseils aux employeurs et aux travailleurs, qui peuvent sadresser aux inspecteurs pour connaître leur opinion sur les problèmes relevant de leur compétence et leur demander dintervenir. Les travailleurs peuvent déposer une plainte ou une demande davis ou dintervention (visite dun lieu de travail, par exemple) au service dinspection par lintermédiaire des syndicats; bien que les inspecteurs du travail restent libres dagir et de choisir la forme de leur intervention, les travailleurs et leurs organisations disposent dune certaine marge de manuvre et dinitiative en matière dinspection.
Cette forme de collaboration est sans doute la plus apparente et la plus répandue. En raison de leur expérience et de leurs connaissances pratiques, les travailleurs sont particulièrement bien placés pour déceler les problèmes liés à leurs conditions de travail, en particulier sur le plan de la sécurité et de la santé, et pour proposer des solutions. Il est normal quils soient consultés et associés à létude et à la solution des problèmes, ainsi quà la prise de décisions qui les visent. Ces principes appellent au dialogue et à la participation dans lentreprise et, donc, tout naturellement à un échange dinformations et à la collaboration avec linspection du travail.
Lun des organes de participation les plus courants dans lentreprise est le comité de sécurité et de santé. Ce comité, composé de représentants de lemployeur et des travailleurs, poursuit dans son propre champ daction le travail de linspection du travail. Les représentants des travailleurs y sont habituellement les plus nombreux. Les coordonnateurs étant en général les chefs dentreprise ou leurs représentants, on peut être pratiquement certain que les décisions du comité seront mises à exécution. Des experts techniques médecins du travail et agents de sécurité participent aux travaux du comité dans la mesure du possible. A loccasion de ses réunions les plus importantes, le comité peut également faire appel à linspecteur du travail et au spécialiste des services de la sécurité sociale. Le comité de sécurité et de santé peut et, en fait, devrait faire des tournées et se rendre régulièrement sur les lieux de travail. Ces visites seraient loccasion de déceler les risques, dattirer lattention de la direction sur les problèmes et les plaintes en matière de sécurité et de santé, de proposer des améliorations, de vérifier la suite donnée aux décisions antérieures, de mener des enquêtes sur les accidents du travail et de prendre linitiative de former les travailleurs à la prévention élémentaire des risques professionnels, daméliorer leurs connaissances et damener lensemble du personnel de lentreprise, du haut en bas de la pyramide, à sinvestir dans la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dans nombre de pays, les membres du comité de sécurité et de santé ont le droit daccompagner les inspecteurs du travail lors de leurs visites. De fait, on constate que la collaboration avec linspecteur du travail est monnaie courante là où les comités de sécurité et de santé fonctionnent bien. Dautres organismes de représentation, notamment les comités dentreprise dont le champ daction est plus étendu, jouent le même rôle dappoint ou de relais. Bien des problèmes liés à lapplication de la législation du travail peuvent être réglés de cette façon: on trouve des solutions appropriées qui vont au-delà de lapplication à la lettre des textes de loi, et ce nest que dans les cas difficiles que lon fait appel à linspecteur du travail.
La législation de nombreux pays prévoit la nomination dans lentreprise de représentants du personnel ou de délégués datelier qui soccupent, entre autres, des conditions demploi et de travail et maintiennent le dialogue avec lemployeur. Toutes sortes de problèmes qui, autrement, seraient restés dans lombre, font lobjet de discussions: ils sont souvent résolus sans laide de linspecteur du travail qui nintervient quen cas de difficultés. Dans certains pays, les représentants du personnel sont chargés de présenter à linspection du travail les plaintes et les constatations concernant lapplication de la législation. Les inspecteurs ont souvent le droit et, quelquefois, lobligation dêtre accompagnés par des représentants du personnel durant leur visite. Ailleurs, les représentants des travailleurs doivent être informés de la visite de linspecteur ainsi que, parfois, de ses observations ou conclusions.
Une tâche très importante de linspection du travail consiste à assurer des conditions qui permettent aux organes de représentation ou de participation de fonctionner normalement, dont le respect des droits syndicaux, la protection des représentants des travailleurs et le bon déroulement des travaux de ces organes, conformément aux dispositions juridiques. Les inspecteurs du travail jouent un rôle de premier plan pour garantir aux organes de représentation et de participation une existence et une utilité réelles, et cest là lun des principaux domaines dans lequel les inspecteurs peuvent donner des conseils.
Dans certains pays, la législation prescrit expressément la participation des représentants des travailleurs (syndicats, délégués datelier ou représentants élus) aux tâches dinspection du travail dans certaines circonstances.
En Italie, dans certains cas précisés par la loi, linspection du travail est tenue de solliciter lavis des organisations syndicales avant dadopter une disposition. De plus, il est fréquent que les explications données aux inspecteurs par le ministère du Travail sur linterprétation et lapplication de la législation soient également communiquées aux organisations syndicales au moyen de circulaires, de réunions dinformation, etc. Conformément aux instructions ministérielles, les visites des inspecteurs du travail doivent être précédées et suivies de rencontres avec les syndicats qui, de plus, ont le droit de prendre connaissance des rapports sur les visites. Adoptée par un nombre croissant de pays et souvent imposée par la loi, cette pratique sest révélée un moyen très efficace de remédier aux manquements ou à la négligence de certains inspecteurs.
En Norvège, selon certaines dispositions de la loi du 4 février 1977 sur la protection du travail et le milieu de travail, linspection du travail, avant de prendre une décision, doit permettre aux représentants des travailleurs dexprimer leur opinion.
La participation des partenaires sociaux à linspection du travail a été renforcée dans divers pays, en particulier dans les pays nordiques.
En Suède, la loi sur le milieu de travail du 19 décembre 1977 prévoit la création dun comité de sécurité chargé de planifier et de suivre les activités en la matière, ainsi que la nomination dau moins un délégué des travailleurs à la sécurité ayant des pouvoirs étendus dinspection et daccès à linformation. Ces personnes sont autorisées à ordonner la suspension du travail lorsquelles considèrent quune situation est dangereuse, et ce, jusquà ce que linspection du travail se prononce et sans tenir compte de lopposition de lemployeur. Un délégué dont la décision de suspendre le travail nest pas entérinée par linspecteur du travail ne peut faire lobjet daucune sanction, et lemployeur ne peut réclamer un dédommagement ni au délégué, ni à lorganisation syndicale.
La loi norvégienne de 1977 susmentionnée contient des dispositions analogues relatives à la nomination et aux tâches des délégués à la sécurité. Elle prévoit également létablissement, dans toutes les entreprises occupant cinquante personnes ou plus, dun comité sur le milieu de travail qui participe à la planification et à lorganisation de la sécurité et qui est habilité à prendre des décisions; le coordonnateur de ce comité conjoint est élu pour un an, tour à tour par les représentants des employeurs et ceux des travailleurs et il a le droit de vote.
Au Danemark, le fonctionnement de linspection de sécurité, qui repose sur la collaboration de lemployeur et des travailleurs dans lentreprise, a été précisé et renforcé, de façon que les représentants syndicaux y jouent un rôle plus important. Selon le principe fondamental qui inspire la loi du 23 décembre 1975 relative au milieu de travail, la responsabilité dassurer la sécurité au travail doit être décentralisée et, en définitive, assumée entièrement par lentreprise; la plupart des problèmes peuvent et doivent être réglés à cet échelon, sans intervention extérieure.
En général, tout porte à croire que la participation des travailleurs à linspection des conditions et du milieu de travail continuera à se renforcer, en particulier dans les pays qui ont instauré des «régimes dauto-inspection» ou un contrôle interne, tels certains pays nordiques. Tout régime de ce type sappuie sur des organisations de travailleurs fortes et sur leur participation active au processus de contrôle dans lentreprise, qui est la pièce maîtresse de l«auto-inspection». Cest vers ce modèle que se dirigent de nombreuses organisations syndicales. Lors de maintes réunions internationales, on a pu juger de la détermination de ces organisations, toutes tendances confondues, à participer à lexamen et à lapplication de mesures visant à humaniser les conditions et le milieu de travail.
En particulier, lélection de délégués à la sécurité pour représenter les travailleurs de lentreprise dans toutes les affaires touchant la protection de la sécurité et de la santé est dune importance primordiale. Ces représentants devraient recevoir une formation appropriée aux frais de lentreprise. Ils devraient disposer du temps nécessaire pour effectuer des inspections et avoir le droit de suspendre toute opération leur paraissant dangereuse jusquà vérification par les autorités publiques (en principe, linspection du travail).
La participation des syndicats à la définition des critères dutilisation des substances et produits dangereux est un autre critère essentiel. Les représentants des travailleurs devraient pouvoir influencer la gestion relative à lutilisation des substances dangereuses, au choix des matériaux, à lélaboration des méthodes de production et à la protection de lenvironnement. De manière générale, les syndicats et les représentants des travailleurs devraient avoir le droit de participer, tant au niveau national que sur les lieux de travail, à la protection de la sécurité et de la santé de leurs membres.
La convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, vont dans ce sens. Aux termes de cette convention internationale du travail, la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail doivent faire lobjet dune «politique nationale cohérente» définie, mise en application et réexaminée périodiquement «en consultation avec les organisations demployeurs et de travailleurs les plus représentatives». Les deux instruments, qui établissent les principes de cette politique et indiquent les mesures à prendre au niveau national et dans lentreprise, demandent aux Etats de garantir lapplication de la législation concernant la sécurité, la santé et le milieu de travail au moyen dun système dinspection approprié, de fournir des conseils aux employeurs et aux travailleurs et dimposer des sanctions en cas dinfraction.
Les dispositions qui présentent le plus dintérêt du point de vue de linspection du travail et des dirigeants syndicaux locaux ont trait à lentreprise. Voici des passages de la convention:
a) les travailleurs [...] coopéreront à laccomplissement des obligations incombant à lemployeur;
b) les représentants des travailleurs dans lentreprise coopéreront avec lemployeur dans le domaine de la sécurité et de lhygiène du travail;
c) les représentants des travailleurs dans lentreprise recevront une information suffisante concernant les mesures prises par lemployeur pour garantir la sécurité et la santé; ils pourront consulter leurs organisations représentatives à propos de cette information, à condition de ne pas divulguer de secrets commerciaux;
d) les travailleurs et leurs représentants dans lentreprise recevront une formation appropriée dans le domaine de la sécurité et de lhygiène du travail;
e) les travailleurs ou leurs représentants et, le cas échéant, leurs organisations représentatives dans lentreprise seront habilités [...] à examiner tous les aspects de la sécurité et de la santé liés à leur travail et seront consultés à leur sujet par lemployeur; à cette fin, il pourra être fait appel, par accord mutuel, à des conseillers techniques pris en dehors de lentreprise;
f) le travailleur signalera immédiatement [...] toute situation dont il a un motif raisonnable de penser quelle présente un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé et, jusquà ce que lemployeur ait pris des mesures pour y remédier, en cas de besoin, celui-ci ne pourra demander aux travailleurs de reprendre le travail [...]
La recommandation no 164 qui accompagne la convention contient naturellement des dispositions plus précises et plus détaillées sur toute la question des conditions et du milieu de travail. Elle spécifie entre autres ce dont les représentants des travailleurs doivent bénéficier pour pouvoir exercer leurs fonctions: formation, information, consultation, temps libre rémunéré pendant les heures de travail, association aux décisions et aux négociations, accès à lintégralité des lieux de travail, possibilité de communiquer avec les travailleurs et liberté de prendre contact avec les inspecteurs du travail et davoir recours à des spécialistes. Les représentants doivent «être protégés contre le congédiement et autres mesures préjudiciables lorsquils accomplissent leurs fonctions dans le domaine de la sécurité et de lhygiène du travail».
Objet dun accord général conclu au niveau international par les gouvernements et les partenaires sociaux, la convention et la recommandation considérées comme un tout sont un bon indice de lorientation générale, non seulement de laction syndicale dans lentreprise sur le plan des conditions et du milieu de travail, mais également des activités de linspection du travail.
Il est évident que la collaboration entre les chefs dentreprise et les travailleurs ou leurs représentants évoluera en même temps que le renforcement de la participation des travailleurs à la surveillance de leurs conditions de travail. Le rôle de linspection du travail deviendra alors essentiellement consultatif dans un système où les partenaires sociaux seront plus actifs. Linspection du travail aura également la tâche de contrôler le bon fonctionnement du mécanisme de collaboration dans lentreprise, sans jamais perdre sa fonction dinspection dans les situations où les violations lexigent ou sur les lieux de travail; il ne fait aucun doute quil y a moins dinfractions, mais il en restera beaucoup encore durant un certain temps (en particulier dans les petites et moyennes entreprises) tant que cette collaboration ne sera pas solidement établie. Le contrôle extérieur par linspection du travail restera indispensable, même dans les pays où le dialogue social est le plus avancé, et la conscience des risques au travail la plus aiguë. Il restera le meilleur moyen dassurer la protection des travailleurs.
Il existe de par le monde une grande variété de formes et de systèmes dinspection du travail qui, au-delà de leurs différences, ont des objectifs fondamentaux communs qui déterminent leurs grandes fonctions. Quels sont ces objectifs? La convention no 81 de lOIT, qui a acquis un statut quasi universel à la suite de sa ratification par près de 120 Etats Membres, les définit ainsi, à larticle 3:
Le système dinspection du travail sera chargé:
a) dassurer lapplication des dispositions légales relatives aux conditions du travail et à la protection des travailleurs dans lexercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à lhygiène et au bien-être, à lemploi des enfants et des adolescents, et à dautres matières connexes, dans la mesure où les inspecteurs du travail sont chargés dassurer lapplication desdites dispositions;
b) de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces dobserver les dispositions légales;
c) de porter à lattention de lautorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.
La formulation, à la fois claire et souple, délimite un vaste champ dactivités. Linspection du travail doit «assurer lapplication des dispositions légales». Les auteurs de la convention ont choisi ces termes avec soin et ne se sont pas contentés dinviter les services de linspection du travail à «contrôler» ou à «promouvoir» lapplication des dispositions légales: ils déclarent tout net que ces services sont tenus de faire appliquer la loi.
Quelles sont donc les dispositions légales en question? Selon la convention, et outre la législation, elles comprennent les sentences arbitrales et les conventions collectives qui ont force exécutoire et que les inspecteurs du travail doivent faire appliquer. Ces dispositions constituent la base commune aux activités de tous les inspecteurs dans un pays et protègent les entreprises et les travailleurs de larbitraire, de liniquité et de linjustice. Le rôle des inspecteurs nest pas de faire valoir leurs propres idées, aussi nobles soient-elles, mais bien de sassurer que la législation en vigueur est respectée (autrement dit, ils sont les instruments fidèles et actifs des autorités législatives compétentes dans le domaine de la protection des travailleurs).
La référence aux dispositions légales peut sembler limiter le champ daction des inspecteurs dans la mesure où ils ne sont pas habilités à imposer toute amélioration des conditions de travail quils jugent souhaitable. En fait, lune des attributions de linspection du travail est «de porter à lattention de lautorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes». Cette attribution a la même importance que celle dassurer lapplication de la législation et fait de linspection du travail un instrument de progrès social en lui accordant un droit dinitiative en matière de protection des travailleurs.
Le champ de linspection du travail varie dun pays à lautre selon la portée et la nature de la législation en vigueur, les pouvoirs que lEtat confère aux inspecteurs et le domaine couvert par le système. Les pouvoirs des inspecteurs peuvent être généraux et se rapporter à toute législation traitant des conditions et du milieu de travail, ou bien se limiter à certaines questions, par exemple la sécurité et la santé ou les salaires. Le système peut viser tous les secteurs de léconomie ou quelques-uns seulement ou, encore, lensemble du territoire national ou uniquement une partie de celui-ci. La convention no 81 traite de toutes ces situations, de sorte que les tâches des services nationaux dinspection peuvent être étroitement circonscrites ou extrêmement vastes, selon le pays, tout en répondant à la définition internationale des objectifs de linspection.
Parmi les normes internationales, celles qui concernent linspection du travail paraissent indispensables à la formulation, à lapplication et à lamélioration de la législation du travail. Linspection du travail est lune des forces dimpulsion du progrès social, car elle garantit (à condition den avoir les moyens) la mise en uvre des mesures sociales adoptées et met en lumière les améliorations qui pourraient y être apportées.
On a vu que les objectifs de linspection du travail, selon la définition susmentionnée, englobent trois tâches principales: garantir lapplication de la législation, principalement en exerçant une surveillance et un contrôle; fournir des informations et des conseils aux employeurs et aux travailleurs; informer lautorité compétente.
Linspection consiste essentiellement en visites des lieux de travail et vise, par lobservation et la discussion, à déterminer tout dabord la situation qui y prévaut, puis à promouvoir et à assurer (par des méthodes dont il sera question ci-après) lapplication de la législation aux fins de la prévention.
Linspection ne doit pas viser la répression systématique des manquements; sa raison dêtre est de faire appliquer la législation et non de surprendre les contrevenants. Pourtant, les inspecteurs doivent pouvoir prendre des mesures coercitives, si besoin est, en rédigeant un rapport susceptible dentraîner des sanctions suffisamment lourdes pour avoir un effet dissuasif. Sil ny a pas de sanction, ou si les sanctions ne produisent pas le résultat souhaité dans un délai raisonnable, les inspecteurs du travail perdent toute crédibilité et leur travail toute efficacité. Cest le cas en particulier lorsque linspection du travail doit sadresser aux tribunaux civils pour quils formulent des injonctions, ordonnent à une entreprise de remédier à une situation dangereuse ou lui imposent des sanctions.
Le but de linspection est dassurer la protection future des travailleurs en mettant un terme aux situations dangereuses ou irrégulières. Dans le domaine de la sécurité et de la santé, son intervention se fait en trois occasions: au stade de la planche à dessin, cest-à-dire avant la construction dune usine, laménagement dune installation ou la fabrication dune machine, linspection veillera au respect de la législation pertinente à létape de la planification; cette vérification préliminaire sera suivie de linspection ordinaire, effectuée au cours de visites sur les lieux de travail; enfin, en cas daccident, linspection effectuera une enquête visant surtout à éviter un nouvel accident.
Linspection peut prendre diverses formes selon le système adopté par le pays et lobjectif précis qui est poursuivi. Dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, linspection consiste surtout en visites des ateliers et autres lieux de travail. En ce qui concerne la durée du travail, les salaires et le travail des enfants, les inspecteurs doivent exiger les livres et registres de lentreprise dont la tenue est prescrite par la législation et en vérifier lexactitude. Quant à la liberté syndicale, les inspecteurs doivent sassurer, conformément aux dispositions légales, que les élections prévues se déroulent correctement, que le syndicat est en mesure dexercer ses activités légales et que ses membres ne font pas lobjet de discrimination.
Dans lexercice de leurs fonctions, les inspecteurs peuvent faire appel à certaines ressources (voir la section précédente sur la collaboration), soit pour mieux comprendre la situation (organes de surveillance, experts désignés, services de la sécurité sociale chargés de la prévention des accidents, organes de lentreprise, comme le comité de sécurité et de santé), soit pour étendre leur propre champ daction (représentants du personnel, services de prévention susmentionnés, organisations demployeurs et de travailleurs). Les inspecteurs ninterviennent que de manière sporadique, et cest pourquoi un dispositif permanent dans lentreprise doit assurer le suivi de leur action.
La fonction dinformation et de conseil auprès des employeurs et des travailleurs a un dessein évident: indiquer aux intéressés «les moyens les plus efficaces dobserver les dispositions légales», selon le libellé même de la convention no 81. A linstar de la fonction dinspection, la fonction dinformation et de conseil contribue à lapplication effective de la législation. Les informations et les conseils font pendant à linspection puisque, répétons-le, la tâche de linspecteur du travail nest pas uniquement coercitive.
Ainsi, les conséquences des interventions nécessairement rapides des inspecteurs peuvent être durables sur les lieux de travail. Les conseils et les informations fournis par les inspecteurs sont donc axés sur lavenir. Les inspecteurs ne peuvent se limiter à une sorte de surveillance rétrospective pour voir si tout est en ordre; ils doivent donner des conseils sur les mesures à prendre pour: assurer la protection des travailleurs; expliquer les prescriptions légales concernant le paiement des salaires; dire où et comment les examens médicaux peuvent se dérouler; montrer limportance de limiter la durée de travail; discuter des problèmes existants ou potentiels avec lemployeur. Selon les milieux autorisés, les inspecteurs qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui consacrent la majeure partie de leurs efforts à convaincre et à former la direction ou ses agents et les représentants des travailleurs sur les lieux de travail. Cest une pratique courante dans plusieurs pays, dont la République fédérale dAllemagne, le Royaume-Uni, les pays nordiques et bien dautres encore.
En raison de son caractère éducatif, la fonction dinformation et de conseil peut avoir une incidence qui dépasse laffaire en cause et jouer un rôle dans la prévention: les effets bénéfiques sen feront sentir dans des circonstances analogues, voire différentes, et entraîneront éventuellement des améliorations allant au-delà des exigences légales.
A plusieurs reprises, nous avons souligné que la fonction dinspection, remplie principalement en visitant les lieux de travail, devrait nécessairement saccompagner dune mission dinformation et de conseil. Les inspecteurs du travail doivent répondre à toute question des employeurs, de leurs adjoints ou des représentants des travailleurs: il est tout à fait normal pour eux de donner avis et explications. En fait, la fonction dinformation et de conseil est tellement liée à celle dinspection quil est difficile de distinguer lune de lautre. Pourtant, le juste équilibre entre elles fait lobjet de vifs débats aux niveaux national et international. Cette question est au cur de tout énoncé global et cohérent dune politique nationale dapplication de la législation.
Les inspecteurs du travail doivent être faciles à joindre, et la porte de leur bureau grande ouverte à quiconque veut les consulter, leur exposer un problème ou se plaindre de certaines situations. Une seule et même préoccupation doit constamment les guider: favoriser le respect éclairé et toujours plus complet des dispositions légales.
Il faut établir un lien entre ces activités et la gestion des conflits individuels. En règle générale, les conflits portent sur lapplication de la législation et, dans certains pays, ils prennent beaucoup de temps au personnel responsable de linspection. Le problème que pose ce type dactivités est traité par les conventions nos 81 et 129, qui les permettent uniquement si elles nentravent pas lexercice des fonctions principales des inspecteurs et ne portent pas préjudice à leur autorité ou leur impartialité. Plusieurs pays considèrent que cest là un problème de dotation en personnel et que linspection du travail devrait disposer dun effectif suffisant pour que les inspecteurs puissent aussi sacquitter correctement des autres fonctions qui leur sont confiées.
Les informations et les conseils sont des tâches éducatives dans la mesure où ils sont dispensés non seulement pour être suivis à la lettre dans une situation donnée, mais encore pour être compris et assimilés, pour convaincre, bref, pour quils portent durablement des fruits. Cette activité peut également prendre la forme de cours, de conférences ou de discussions, comme le suggère du reste la recommandation no 81. Ces activités permettent évidemment de toucher un vaste public, dexpliquer à la fois la lettre et lesprit de la législation du travail et de sassurer que cette dernière est mieux comprise, mieux acceptée et, par conséquent, mieux appliquée. En Norvège, par exemple, il existe un comité national de formation composé de représentants de linspection du travail, des employeurs et des travailleurs.
Lignorance de la législation sociale et le refus den reconnaître la raison dêtre et lutilité comptent parmi les principaux obstacles rencontrés par linspection du travail, en particulier dans les pays en développement. Il est inutile dinsister sur le mérite de toute mesure qui favorise la diffusion dinformations sur la législation du travail et il ne faut rien négliger dans ce domaine où, dailleurs, les organisations demployeurs et de travailleurs peuvent jouer un rôle important. Signalons ici le travail des services dinformation de la Direction de la sécurité et de la santé du Royaume-Uni qui rassemblent et diffusent de très nombreux documents: ils mettent à la disposition des intéressés un service de documentation et de traduction, préparent des émissions de radio et de télévision, organisent des expositions, etc.
Souvent sous-estimée ou négligée, cette fonction est pourtant mentionnée expressément dans les conventions nos 81 et 129: linspection du travail a le devoir «de porter à lattention de lautorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes». Cette obligation imposée à lensemble de linspection du travail de linspecteur le moins expérimenté au cadre le plus élevé dans la hiérarchie complète le mandat qui fait de ce service un agent actif du progrès social. En raison de leur connaissance des problèmes et de la situation des travailleurs, notamment en ce qui concerne la protection que leur garantit la législation sociale, les inspecteurs sont très bien placés pour informer les autorités.
Dans nombre de pays, on confie dautres tâches aux services dinspection du travail. Les conventions nos 81 et 129 admettent cette situation, mais précisent que «si dautres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à lexercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice [...] à lautorité ou à limpartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs».
Les questions économiques et sociales sont souvent étroitement liées. Les relations que le service de linspection du travail entretient avec le monde du travail et les informations quil recueille dans le cours normal de ses activités le mettent en possession dune masse dinformations de nature sociale (sécurité et santé au travail, situation des travailleuses et des jeunes travailleurs, état des relations professionnelles, conclusion et signature des conventions collectives), ou de nature économique (nombre dentreprises, effectifs, durée du travail, salaires moyens payés dans les différents secteurs, besoins en main-duvre qualifiée dans les diverses branches dactivité ou régions, etc.).
Il nest donc pas surprenant que, dans maints pays, les autorités aient envisagé dutiliser une source dinformation aussi riche, en particulier pour élaborer des plans de développement. Linspection du travail, en raison de son caractère objectif et sérieux, peut certainement fournir des informations pertinentes et participer ainsi à ladministration et au développement du pays.
Les conventions internationales du travail ne contiennent aucune disposition prévoyant dattribuer aux services de linspection du travail des fonctions de conciliation ou darbitrage. La recommandation (no 81) sur linspection du travail, 1947, va même jusquà les exclure explicitement parce quelles pourraient mettre en danger lindépendance et limpartialité des inspecteurs. Nous ne traiterons donc pas ici de ces fonctions de conciliation et darbitrage. Néanmoins, de nombreux pays les confient aux services de linspection du travail, surtout pour ce qui est de la conciliation. Depuis ladoption de la recommandation no 81 en 1947, cette question a toujours prêté à controverse. Dailleurs, la recommandation (no 133) sur linspection du travail (agriculture), 1969, est moins rigide à cet égard que la recommandation no 81: elle accepte que les inspecteurs du travail participent au règlement des différends du travail, à titre transitoire, lorsquil nexiste pas dorgane spécial chargé de la conciliation.
La convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, que complète la recommandation no 143 de la même année, dispose:
Les représentants des travailleurs dans lentreprise doivent bénéficier dune protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales, pour autant quils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur.
Certains pays exigent que les employeurs obtiennent laccord du syndicat ou une autorisation dun tribunal avant de licencier un représentant des travailleurs. Ailleurs, notamment en France et dans les pays dont ladministration est calquée sur le modèle français, le licenciement de délégués datelier ou de représentants élus du personnel est soumis à lautorisation de linspection du travail (à moins que le comité dentreprise ne donne son accord, ce qui arrive très rarement, on sen doute). Avant de prendre leurs décisions, les inspecteurs doivent essayer détablir si les fautes imputées aux représentants des travailleurs sont ou non en rapport avec leurs activités syndicales, telles que définies par la loi et la jurisprudence. Dans laffirmative, ils refusent le licenciement; dans le cas contraire, ils lautorisent (à condition, bien sûr, que les accusations portées soient suffisamment graves).
Dans de nombreux pays, en particulier ceux dont ladministration est de tradition française, les services de linspection du travail jouent un rôle important dans le domaine de lemploi, surtout en ce qui concerne le contrôle des licenciements. En France, une demande de licenciement collectif entraîne la vérification, par les fonctionnaires de linspection du travail, de la façon dont la procédure de consultation a été appliquée, de la validité des motifs du licenciement et de lampleur des mesures prises pour reclasser et dédommager les travailleurs. Après examen de la situation financière de lentreprise ou du marché du travail, linspecteur peut, en théorie, refuser le licenciement (en fait, ces refus ne concernent que 5% des cas).
Toujours dans le domaine de lemploi, on demande souvent aux inspecteurs du travail de veiller au respect du principe de non-discrimination lors de lembauche ou du licenciement (toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, les idées politiques, la nationalité et la situation familiale, par exemple, est interdite). Ils contrôlent les activités des agences de placement temporaire afin que lémergence des emplois précaires, en particulier le travail temporaire, nait pas de répercussions négatives sur les salariés. Les difficultés économiques et le chômage ont amené bon nombre de pays à être plus vigilants dans la lutte contre lemploi de travailleurs clandestins, le contrôle de la main-duvre étrangère ou la réglementation des heures supplémentaires, par exemple.
Linspection du travail peut être chargée dautres tâches encore, par exemple surveiller la protection de lenvironnement et lutter contre la pollution industrielle ou prévenir les incendies dans les lieux ouverts au public. Ces fonctions, que le service dinspection est quelquefois le seul à pouvoir remplir, ne relèvent pas directement de ses attributions et ne doivent pas faire obstacle à lexercice de ses tâches principales, qui consistent à protéger les travailleurs dans lentreprise.
Les services de linspection du travail diffèrent selon le pays, mais on peut les ranger en deux grandes catégories: dune part, ceux qui englobent tous les secteurs dactivité et, dautre part, ceux qui sont dotés de services spécialisés par secteur (mines, agriculture, industrie manufacturière, transport, etc.). Leur objet peut également varier: sécurité et santé, conditions de travail, salaires et relations professionnelles. Dans le même ordre didées, on peut établir une distinction entre les systèmes dont les fonctionnaires assurent lapplication des dispositions légales dans tous les domaines visés et ceux dont les sections sont spécialisées en fonction de lobjet de linspection. Dans quelques pays, certaines tâches dinspection sont confiées aux collectivités locales; quant à ceux qui ont une industrie minière, ils ont dordinaire institué un système spécial pour ce secteur.
Certains pays ont mis sur pied un seul service dinspection du travail ayant compétence pour toutes les branches de lactivité économique. Mis à part le secteur des mines qui, dans presque tous les pays, relève du ministère correspondant (à lexception, par exemple, du Mexique), ce type dorganisation prévaut dans les pays européens tels que lEspagne, le Luxembourg ou la Suisse. On le trouve également dans de nombreux pays dAfrique et dAsie. En Afrique francophone par exemple, les services dinspection relèvent du ministère du Travail et visent tous les secteurs dactivité.
Lavantage dun tel système, cest quil donne au service dinspection et, à léchelon supérieur, au ministère du Travail une vue densemble des divers secteurs, les problèmes liés à la protection des salariés étant souvent fort semblables. Dailleurs, ce système permet aux pays dont les ressources sont limitées de réduire le nombre de visites nécessaires pour surveiller différentes activités. Dans dautres pays, chaque secteur dactivité dispose dun service dinspection spécifique qui relève du ministère compétent.
A la fin du XIXe siècle, la plupart des pays européens sétaient dotés dun organe chargé de traiter les questions relatives à la législation du travail et habituellement rattaché à un ministère, que ce soit celui de lintérieur ou celui de lindustrie et du commerce. Un peu avant la première guerre mondiale, des ministères du travail autonomes ont été institués pour faire appliquer la législation du travail par une administration publique spécialisée. Cest ce qui explique que, dans certaines branches dactivité, le contrôle de lapplication des lois protégeant les travailleurs incombe encore à ladministration ministérielle anciennement habilitée à le faire.
Entre ces deux extrêmes un seul et unique service dinspection sous la houlette dun ministère habilité à soccuper de toutes les branches dactivité, dune part, et de nombreux services sectoriels spécialisés relevant de plusieurs ministères, dautre part , il existe des systèmes intermédiaires dans lesquels soit le service dinspection ne soccupe que de quelques branches, soit plusieurs services dinspection relèvent dun seul ministère.
Depuis plusieurs années, la tendance est au regroupement des services dinspection sous une seule autorité, dordinaire le ministère du Travail, dune part, parce que les problèmes qui surviennent dans la plupart des secteurs se ressemblent beaucoup, quand ils ne sont pas identiques et, dautre part, parce que lon favorise ainsi une administration plus efficace et plus économique. Un système unifié et intégré offre au gouvernement des possibilités daction accrues en matière de prévention des risques professionnels et de protection légale des travailleurs.
En 1975, la France a unifié les principaux services dinspection qui relèvent du ministère du Travail et elle a assujetti lensemble de lorgane interministériel ainsi créé aux mêmes conditions de service. La même année, le Royaume-Uni a décidé également de regrouper ses services dinspection dans la direction de la sécurité et de la santé au travail (Health and Safety Executive (HSE)) (auparavant, il y avait sept services relevant de cinq ministères). On a ainsi placé sous la responsabilité du seul ministère de lEmploi, le service dinspection des fabriques, les autres services dinspection (et, lune après lautre, linspection du travail dans les entreprises dextraction du pétrole et du gaz en mer et dans les transports publics), le service consultatif de médecine du travail et dautres organes officiels de prévention (ce ministère, toutefois, a été supprimé en 1995, et linspection du travail relève maintenant du ministère de lEnvironnement, suivant une tendance que lon peut constater ailleurs, par exemple en Allemagne.) Le souci de coordonner les efforts de prévention et damélioration des conditions de travail dans un contexte juridique de plus en plus complexe a également amené dautres pays à confier le contrôle de lapplication de la législation en matière de protection des travailleurs à un organe dinspection unique, qui relève habituellement du ministère du travail.
Les services dinspection du travail sont chargés dassurer le respect des dispositions légales dans de nombreux domaines: sécurité et santé, conditions de travail, salaires et relations professionnelles.
Dans certains pays, par exemple la Belgique, lItalie et le Royaume-Uni, linspection du travail comprend des unités spécialisées selon leur objet. La Belgique en compte ainsi plusieurs: un service technique, pour la prévention et la sécurité dans lentreprise; un service médical, qui soccupe de santé et dhygiène; un service contrôlant les conditions demploi (salaires, durée du travail, etc.); un service de contrôle du versement des cotisations sociales; enfin, des fonctionnaires chargés des questions liées aux relations professionnelles. Dans les systèmes de ce type, les divers services dinspection sont chacun spécialisés dans des domaines particuliers, mais ils sont généralement habilités à intervenir dans tous les secteurs de léconomie.
La spécialisation des fonctionnaires sefforce de répondre à la complexité grandissante des tâches de linspection. Pour les défenseurs de ce type dorganisation, aucun inspecteur ne saurait avoir les connaissances nécessaires pour régler tous les problèmes liés à la protection des travailleurs. La spécialisation est telle dans certains pays que les conditions de travail, au sens large, peuvent faire lobjet de quatre ou cinq sortes dinspection dans la même entreprise.
Dans dautres pays, cependant, il ny a quun seul système dans lequel les fonctionnaires ont compétence pour toutes les questions liées à linspection du travail. Cest le cas, par exemple, en Allemagne, en Autriche et dans les pays francophones dAfrique; pour des raisons évidentes, ces derniers ne se sont pas lancés dans la création fort onéreuse de plusieurs organes spécialisés et ne comptent donc quun seul service dinspection qui relève du ministère du Travail. Le service dinspection est alors chargé de toutes les tâches à exécuter sur place dans lentreprise, linspecteur ou le contrôleur étant le seul représentant du ministère à sen occuper.
Lavantage de ce système est quil donne aux inspecteurs une vue densemble des problèmes du travail, qui sont souvent interdépendants, et quil évite la prolifération des inspections et le manque de coordination; on peut toutefois se demander comment les inspecteurs peuvent mener à bien un programme aussi vaste, étant donné la complexité croissante des problèmes juridiques et techniques.
Il existe une solution médiane: le système dans lequel les inspecteurs du travail ont une compétence dans de nombreux domaines, mais possèdent les connaissances techniques nécessaires pour déceler les situations dangereuses et faire appel à des techniciens en médecine, en mécanique et en chimie, comme le prévoit la convention no 81. Cest la solution qui a été adoptée en France. Le Royaume-Uni offre un autre modèle: les inspecteurs généralistes dans le domaine de la sécurité et de la santé font appel à des inspecteurs spécialisés dans des domaines très techniques (électricité, chimie, énergie atomique) lorsque surgissent des problèmes spécifiques. Linspection du travail tend alors à la pluridisciplinarité; au Danemark et dans dautres pays nordiques, de même quaux Pays-Bas, elle est devenue vraiment multidisciplinaire, les équipes dinspection dans les districts étant composées dinspecteurs (qui ont reçu une formation technique), dingénieurs, de médecins, de psychologues, de juristes et dergonomes. La mise en place déquipes multidisciplinaires permet aux coordonnateurs davoir un aperçu général des divers aspects des conditions de travail et de fonder leurs décisions sur une synthèse des opinions exprimées. Pareille organisation coûte cher, mais elle est très efficace à condition que le travail des divers intervenants soit bien coordonné.
Les relations étroites entre les différents aspects des conditions de travail expliquent quun certain nombre de pays aient regroupé leurs services dinspection ou, à tout le moins, coordonnent plus fortement leurs activités. Ces mesures répondent aux vux exprimés aussi bien par les fonctionnaires chargés du contrôle que par les travailleurs et les syndicats. Les travailleurs aux prises avec des difficultés comprennent mal pourquoi ils devraient sadresser à plusieurs fonctionnaires habilités chacun à ne soccuper que dun aspect du problème, et recommencer leurs explications au risque de perdre beaucoup dheures de travail. Pour leur part, les syndicats veulent améliorer lefficacité de linspection du travail et faciliter les relations entre ce service et leurs membres.
Quelques Etats demandent encore aux collectivités locales daider les services de linspection du travail à sacquitter de leurs tâches dinspection, voire de se substituer aux services de lEtat.
La Suède, par exemple, a confié le contrôle de lapplication des dispositions de la loi sur le milieu de travail du 19 décembre 1977 et de son règlement dapplication au conseil de protection du travailleur et au service dinspection du travail qui en dépend. La loi exige quen collaboration avec le service de linspection du travail, chaque commune désigne un ou plusieurs agents de contrôle chargés daider le service dinspection à remplir sa mission, habituellement en veillant au respect de la législation dans les entreprises de moins de dix salariés et nutilisant pas de machines. Toutes les communes doivent présenter un rapport annuel au service dinspection, dans lequel elles expliquent la façon dont elles ont exercé ce contrôle.
En Italie, la loi du 23 décembre 1978 portant institution du service national de santé a eu pour effet de décentraliser la responsabilité de la santé publique, y compris la sécurité et la santé au travail, et de la confier aux autorités sanitaires régionales et locales. Les unités sanitaires locales, dont les membres sont nommés par les autorités communales, soccupent de tout ce qui concerne la santé publique: administration des hôpitaux, organisation des services sanitaires locaux, sécurité et santé dans les entreprises, etc. Ainsi, cette réforme a retiré à linspection du travail, service de lEtat qui relève du ministère du Travail, la fonction pour laquelle elle avait été créée.
Le transfert des fonctions autrefois assumées par linspection du travail aux unités sanitaires locales a entraîné la création de deux services dinspection du travail: lun relève du ministère du Travail et continue de contrôler lapplication de la législation sociale (salaires, durée du travail, congés payés, etc.) et de sacquitter de quelques tâches liées à la sécurité et à la santé (contrôle des rayonnements ionisants, contrôle des chemins de fer, en collaboration avec les fonctionnaires de ce secteur, etc.); lautre, habilité à soccuper de la plupart des questions de sécurité et de santé, fait partie intégrante du service national de santé et sappuie sur des organes municipaux, à savoir les unités sanitaires locales.
En Ouganda, un grand mouvement de décentralisation a placé linspection du travail, à lexception de linspection des fabriques, sous la tutelle directe des autorités des districts. Ces quelques exemples sont cependant lexception. Ils soulèvent également un doute sérieux quant à leur compatibilité avec les normes importantes figurant dans les conventions internationales du travail pertinentes (notamment larticle 4 de la convention no 81), selon lesquelles linspection du travail doit relever dune autorité centrale.
Dans presque tous les pays ayant une industrie minière, linspection du travail dans les mines est calquée sur celle qui existe depuis des générations dans les vieux pays miniers dEurope: République fédérale dAllemagne, Belgique, France, Royaume-Uni.
Les systèmes en vigueur ont deux grandes caractéristiques communes: le contrôle des conditions de travail en surface est du ressort de linspection du travail, tandis que linspection de la sécurité et de la santé dans les travaux souterrains, sauf dans quelques pays dont le Mexique, relève des ingénieurs des mines qui forment un corps spécialisé. Tous ces systèmes associent des délégués des mineurs à linspection des lieux de travail, et ce, dune manière plus ou moins étroite et avec des pouvoirs variables.
Le premier pouvoir de linspecteur, sans lequel il y aurait évidemment fort peu de contrôle, est celui de visiter les entreprises. La convention no 81 et la convention (no 129), sur linspection du travail (agriculture, 1969) disposent:
Les inspecteurs du travail munis de pièces justificatives de leurs fonctions seront autorisés:
a) à pénétrer librement sans avertissement préalable à toute heure du jour et de la nuit dans tout établissement assujetti au contrôle de linspection;
b) à pénétrer de jour dans tous les locaux quils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer être assujettis au contrôle de linspection.
Au cours de la rédaction des normes internationales, linstauration du droit de pénétrer dans les lieux de travail a suscité une très vive controverse. Les obstacles nont pas manqué non plus lors de linscription de ce droit dans les législations nationales. Daucuns soutenaient notamment que cétait une atteinte inacceptable au droit de propriété. La possibilité de pénétrer en tout temps dans les établissements a fait lobjet dune résistance très marquée: or, de toute évidence, les inspecteurs ne peuvent établir lemploi illégal de travailleurs, le cas échéant, quen effectuant des vérifications à des heures inhabituelles. En pratique, le droit de libre accès est entré dans lordre des choses dans tous les pays où existent des services dinspection.
Cette question (et dautres, liées aux pouvoirs dinspection) a également suscité dâpres discussions à la Conférence internationale du Travail, lors de sa 82e session, 1995, lorsquon a abordé linspection du travail dans le secteur des services non commerciaux. La Conférence a adopté un protocole relatif à lapplication de la convention no 81 à ce secteur, qui a essentiellement confirmé les pouvoirs fondamentaux des inspecteurs, tout en prévoyant certaines exceptions et restrictions, par exemple pour des motifs de sécurité nationale ou dexigences de service précises en ce qui concerne les lieux de travail relevant des forces armées, de la police, des services pénitentiaires, des services de lutte contre lincendie et de secours, etc. (voir les articles 2 à 4 du protocole de 1995 relatif à la convention (no 81) sur linspection du travail, 1947 (BIT, 1996a).
Aux termes des conventions nos 81 et 129, les inspecteurs doivent être autorisés «à procéder à tous examens, contrôles ou enquêtes jugés nécessaires pour sassurer que les dispositions légales sont effectivement observées», ce qui implique, selon le libellé de ces deux instruments, que les inspecteurs ont le droit dinterroger, seuls ou en présence de témoins, lemployeur ou le personnel, de demander communication de tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la législation nationale et de prélever des échantillons aux fins danalyse. Ces droits sont généralement reconnus, bien que certains pays imposent des restrictions à la consultation des documents financiers.
Il semble donc quà de rares exceptions près, les pouvoirs de contrôle des inspecteurs soient acceptés et ne donnent plus lieu à une opposition systématique. La possibilité de faire appel à la police, prévue dans la plupart des législations, exerce sans aucun doute un effet dissuasif suffisant, à condition quune procédure efficace à cette fin ait été établie entre les divers ministères intéressés.
Ces pouvoirs ont naturellement des limites, comme tout autre pouvoir. Si on ne les exerce pas judicieusement, le résultat final risque dêtre contraire à leffet recherché. On accorde ces droits aux inspecteurs pour quils les exercent avec discernement et, comme le révèle lexpérience, leur capacité dagir de la sorte dépend dans une large mesure de la qualité de leur formation.
La convention no 81 dispose que «les inspecteurs du travail seront autorisés à provoquer des mesures destinées à éliminer les défectuosités constatées dans une installation, un aménagement ou des méthodes de travail quils peuvent avoir un motif raisonnable de considérer comme une menace à la santé ou à la sécurité des travailleurs». Cette disposition est reprise dans la convention no 129, qui y ajoute lutilisation de substances dangereuses, parce que lagriculture fait de plus en plus usage de produits chimiques.
Si linspection du travail était privée des moyens de corriger les irrégularités constatées dans les entreprises, son efficacité serait évidemment limitée. Celle-ci se mesure le plus souvent à laune de létendue réelle de leurs pouvoirs, de la façon dont ils sont exercés, ainsi que de leffet de leurs avertissements et de leurs injonctions.
Bien que les deux conventions et le protocole soulignent limportance de principe des pouvoirs dinjonction, ils laissent aux gouvernements une certaine marge de manuvre. Ces trois instruments disposent tout dabord que les inspecteurs «auront le droit dordonner ou de faire ordonner» de prendre les mesures qui simposent, de faire apporter des modifications dans un délai fixé ou de prendre des mesures immédiatement exécutoires, puis ils précisent quen cas dincompatibilité de la procédure avec la pratique administrative ou judiciaire de lEtat, les inspecteurs peuvent «saisir lautorité compétente pour quelle formule des injonctions ou fasse prendre des mesures immédiatement exécutoires». Il a fallu tenir compte ici de limpossibilité, aux termes de la Constitution de certains Etats, de confier de tels pouvoirs à une autorité administrative. Les pouvoirs des inspecteurs varient donc dun pays à lautre, même chez ceux qui ont ratifié la convention no 81.
Afin d«éliminer les défectuosités constatées», linspecteur peut soit imposer à un employeur un délai déterminé pour apporter la modification nécessaire, soit, en cas de danger imminent, lui enjoindre de prendre des mesures immédiatement exécutoires. Les pays sont de plus en plus nombreux à conférer aux inspecteurs ce pouvoir dinjonction en cas de danger imminent; cest notamment le cas en Afrique du Sud, en République fédérale dAllemagne, en Belgique, au Japon, au Royaume-Uni, dans les pays nordiques et dans beaucoup dautres pays qui ont modifié leur législation en matière de sécurité et de santé au travail dans les années quatre-vingt et au début des années quatre-ving-dix. Ailleurs, il se peut que seuls les tribunaux soient habilités à faire usage de telles mesures, mais avant quils prennent leur décision et quelle soit mise à exécution, un accident risque de se produire. De plus, les juges des tribunaux civils ont rarement reçu la formation nécessaire en matière de protection des travailleurs et se révèlent souvent insensibles aux infractions; les amendes sont plutôt faibles, ce qui, en plus de nombreux autres facteurs, tend à saper lautorité des services dinspection. Tout cela renforce la tendance à éviter les procédures judiciaires, même pour des violations mineures qui relèvent du droit pénal et à privilégier la voie administrative, sur laquelle les services dinspection ont plus dinfluence. Afin de réduire les délais, certains pays ont établi une procédure durgence qui permet à linspecteur de sadresser au président du tribunal en tout temps, même à son domicile, pour obtenir une ordonnance immédiatement exécutoire.
De toute évidence, les décisions contraignantes dun inspecteur peuvent dordinaire faire lobjet dun recours de lemployeur; il faut en effet prévenir ou corriger tous les abus possibles. En règle générale, le recours a pour effet de suspendre les ordonnances à exécuter dans un délai déterminé, mais non celles qui sont immédiatement exécutoires en raison de limminence du danger qui les justifie.
«Les personnes qui violeront ou négligeront dobserver les dispositions légales dont lexécution incombe aux inspecteurs du travail seront passibles de poursuites légales immédiates, sans avertissement préalable». La rigueur de ce principe, énoncé dans la convention no 81 et repris dans la convention no 129, est cependant atténuée par les deux dispositions ci-après: «la législation nationale pourra prévoir des exceptions pour les cas où un avertissement préalable devra être donné afin quil soit remédié à la situation ou que des mesures préventives soient prises»; «il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu dintenter ou de recommander des poursuites».
Cette dernière disposition laisse à linspecteur le choix du moyen conseil, avertissement ou action en justice quil juge être le meilleur pour assurer le respect de la législation. La mesure retenue doit sinscrire dans un plan adapté à la nature de lentreprise et être conforme à une série dobjectifs classés par ordre dimportance.
Si linspecteur choisit dintenter des poursuites, il peut soit les engager lui-même (comme cest le cas dans les pays dont ladministration sinspire de la tradition britannique), soit recommander au ministère public ou au pouvoir judiciaire de le faire (cest la situation la plus courante). Il rédige alors un rapport qui est considéré comme faisant foi selon la pratique nationale soit jusquà ce quil soit infirmé, soit jusquà ce que sa véracité soit contestée en justice.
Les conventions nos 81 et 129 précisent que «des sanctions appropriées pour violation des dispositions légales [...] seront prévues par la législation nationale et effectivement appliquées». Bien que toutes les législations nationales prévoient des sanctions en cas de violation, trop souvent ces dernières ne sont pas «appropriées». Les amendes, dont le montant est souvent fixé au moment de ladoption des dispositions légales, restent inchangées pendant des années et sont tellement légères quelles nont guère deffet dissuasif. Si le tribunal prononce une peine demprisonnement, elle est habituellement assortie de sursis, bien quelle puisse être exécutée en cas de récidive. Les tribunaux ont toujours un plein pouvoir dappréciation. Il faut bien comprendre que la volonté dun gouvernement dappliquer la législation protégeant les travailleurs peut se mesurer à limportance des peines infligées et à la façon dont les tribunaux les appliquent.
Faire obstruction aux inspecteurs du travail dans lexercice de leurs fonctions, ou contester lautorité de lEtat, font habituellement lobjet de sanctions sévères en vertu des législations nationales qui doivent, en outre, donner la possibilité de faire appel aux forces de police. En fait, il est rare que les chefs dentreprise usent de tactiques dobstruction.
Selon les conventions nos 81 et 129, les inspecteurs du travail «nauront pas le droit davoir un intérêt quelconque direct ou indirect dans les entreprises placées sous leur contrôle». Dans la plupart des pays, cette interdiction figure dans les conditions demploi des fonctionnaires et dans des dispositions spéciales.
Les inspecteurs «seront tenus, sous peine de sanctions pénales ou de mesures disciplinaires appropriées, de ne point révéler, même après avoir quitté leur service, les secrets de fabrication ou de commerce ou les procédés dexploitation dont ils peuvent avoir eu connaissance dans lexercice de leurs fonctions». Les inspecteurs sont habituellement tenus au secret professionnel, conformément au statut de la fonction publique. Cette obligation est souvent inscrite dans lengagement écrit quils doivent signer au moment de leur entrée en fonctions ou du serment quils doivent prêter alors. Ils sengagent à respecter le secret professionnel, non seulement pour la durée de leur emploi, mais pour la vie.
Les inspecteurs «devront traiter comme absolument confidentielle la source de toute plainte [...] et devront sabstenir de révéler à lemployeur ou à son représentant quil a été procédé à une visite dinspection comme suite à une plainte». Cette obligation est dictée par la double préoccupation de protéger les travailleurs qui se sont plaints et de rendre le travail de linspecteur plus efficace. Elle est impérative. Comme les obligations susmentionnées, celle-ci fait généralement lobjet dune disposition légale ou dune clause dans les conditions demploi des inspecteurs et figure habituellement dans les engagements quils prennent lors de leur prestation de serment, comme nous venons de le voir.
Lindépendance est à la fois une obligation imposée aux inspecteurs et une garantie qui leur est accordée. Les conventions nos 81 et 129 disposent que «le personnel de linspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue», par exemple celle que certains chefs dentreprise sans scrupule ou des personnalités politiques pourraient essayer dexercer sur eux.
En cette fin du XXe siècle, de nombreuses institutions dans le secteur du travail et de la politique sociale, dont les origines remontent souvent, telle linspection du travail, au XIXe siècle et qui sintéressent de très près à la prévention, subissent des changements profonds, rapides et spectaculaires. Ces changements sont dus à une combinaison de facteurs internes et externes dordre politique, social, économique, administratif et technologique. Ils auront une incidence profonde sur le rôle, le champ daction et les fonctions de ces institutions et sur leurs relations entre elles et avec leurs principaux clients à laube du XXIe siècle. Il convient donc de comprendre et danalyser la nature de ces changements, leur influence sur la capacité, la performance, limpact et les relations des principaux acteurs et la réalité sociale dans laquelle ils sinscrivent.
La prévention, dans le contexte de la protection des travailleurs, tout comme le rôle de linspection du travail à cet égard, est évoquée dans de nombreuses normes internationales du travail (par exemple, les conventions de lOIT nos 81, 129, 155 et 174). Toutefois, les instruments portant sur linspection du travail (les conventions nos 81 et 129 et les recommandations nos 81, 82 et 133), même sils sont généralement favorables aux principes de la prévention et en préconisent lapplication, nabordent spécifiquement cette question quavant louverture de nouveaux établissements ou ladoption de nouveaux procédés de travail (voir les paragraphes 1, 2 et 3 de la recommandation no 81 et le paragraphe 11 de la recommandation no 133).
Depuis ladoption de ces normes sur linspection du travail (en particulier la convention no 81 concernant linspection du travail dans lindustrie et le commerce, qui a acquis un caractère universel grâce à sa ratification par près de 120 Etats Membres de lOIT), la notion de prévention a grandement évolué. Parler de prévention suppose dabord et avant tout un effort de volonté pour éviter incidents, accidents, différends, conflits, etc. Or, il est plus facile détayer par des documents, de mesurer et dexploiter des faits qui se sont produits et ont entraîné une intervention et des sanctions, que des risques qui ont été évités. Comment dénombrer des accidents qui ne se sont pas produits et en évaluer les effets hypothétiques? A supposer que cela soit possible, comment établir lefficacité de la prévention, quelle valeur attacher aux données que lon pourrait en tirer?
De nos jours, lorientation vers la prévention en tant que modèle de la politique sociale et du travail vise globalement à permettre aux personnes de mener une vie longue, productive et saine et à réduire ainsi la croissance exponentielle du coût des différents éléments de la sécurité sociale pour les personnes, les entreprises et la société. De plus, la prévention dans le monde du travail se définit désormais non seulement par les avantages à court terme quelle offre, mais aussi comme un apport à la capacité de travail, à la productivité et à la qualité, à la sécurité de lemploi, etc.; elle est aussi perçue de plus en plus comme la condition sine qua non de la dignité de lhomme dans la société. La prévention se définit ainsi comme un concept holistique «ouvert», ou pluraliste, visant à éliminer une multitude de risques sociaux, techniques, médicaux, psychologiques, économiques et autres; son efficacité dépend de plus en plus de la reconnaissance, de lanalyse et de lexamen des premiers indices de risque.
La très grande expérience acquise par lOIT et ses mandants dans le monde au cours des dix dernières années nous a appris que le passage du concept assez rigide du contrôle a posteriori à celui de lanticipation précoce conduit nécessairement à dimportants progrès des activités de ladministration du travail et des résultats obtenus. Pourtant, cette vaste expérience montre aussi les difficultés rencontrées pour accomplir cette évolution indispensable et maintenir le cap en dépit des obstacles.
De plus, pour quune politique de prévention porte des fruits, elle doit sassurer la participation de toutes les parties et personnes directement intéressées. Son efficacité passe donc souvent par lengagement des organisations représentant les partenaires sociaux et leur volonté de soutenir activement toute initiative de cette nature. En outre, les objectifs de prévention visés doivent être complètement intégrés à ceux de chaque entreprise, ce qui suppose la participation active, voire le leadership, de la direction. Ces conditions sont loin dêtre réunies partout dans le monde, même dans les économies de marché des pays industriels les plus développés.
Sajoutent à cela les contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur les gouvernements, pays développés et pays en développement confondus, et qui réduisent les ressources des administrations du travail, de leurs services extérieurs et de linspection du travail (souvent même de manière disproportionnée), risquant ainsi de compromettre ou daffaiblir toute lorientation ou la réorientation des politiques, puisque ces dernières exigent, du moins au départ, beaucoup de temps et de ressources et peuvent nous lavons dit être difficiles à mesurer et, par conséquent, à justifier.
Dans les pays industriels, les coûts économiques et sociaux de labsence de prévention augmentent au point de devenir financièrement insupportables et politiquement inacceptables. Ajoutons à cela la reconnaissance de linsuffisance générale des interventions correctives a posteriori. Une conclusion simpose: les composantes préventives de tout système de protection sociale et de protection des travailleurs doivent absolument être renforcées. Cest pourquoi un vaste débat sest ouvert aux niveaux national et international sur lélaboration de concepts valables et pratiques pour une inspection préventive du travail.
Le rythme de plus en plus rapide du changement et de linnovation dans le monde du travail (relations sociales, organisation du travail, technologie de production, conditions demploi, informatique, nouveaux risques, etc.) lance un grand défi aux services de linspection du travail. Ses membres doivent non seulement se tenir au courant des innovations dans les domaines toujours plus complexes, divergents et spécialisés qui relèvent de leur compétence, mais encore effectivement anticiper les tendances et les développements, en imaginer et en prévoir les conséquences pour la protection des travailleurs et, partant, élaborer et mettre en uvre de nouvelles stratégies de prévention.
Dans le monde du travail, linspection est lun des signes les plus importants, sinon le plus important, de la présence et de lintervention de lEtat pour concevoir et promouvoir une culture de la prévention sous tous les aspects relevant de sa compétence et pour contribuer à son essor: relations professionnelles, conditions générales de travail, sécurité et santé au travail, sécurité sociale. Pour remplir avec succès leurs fonctions premières, les services dinspection doivent redéfinir leur politique, influer sur la réforme de la législation et des méthodes, sur les relations, etc., et sorienter vers la mise en place dune capacité de prévention à lintérieur comme à lextérieur. Cela sapplique aux politiques et aux procédés que lautorité centrale de linspection doit suivre, ainsi quaux méthodes que les inspecteurs doivent adopter sur les lieux de travail.
Dans ce contexte, les principaux facteurs déterminants sont les remises en cause et les pressions économiques, politiques et administratives exercées sur linspection du travail. Des concepts tels que la déréglementation, la privatisation, lajustement structurel et les expérimentations sur le marché sont généralement évoqués pour les décrire. En pratique, ces politiques tendent à entraver et à compliquer le fonctionnement de linspection du travail, bien quelles puissent également stimuler linnovation. Néanmoins, elles ont pour résultat daggraver le manque de ressources, déjà chronique en général. La protection du travail doit donc chercher dautres sources pour mieux contribuer à la prévention.
Lobjectif final est de créer et de perpétuer une culture globale de la prévention sur les lieux de travail (et dans la société), en tenant compte de la dynamique du changement dans les relations sociales à lintérieur de lentreprise, de la remise en question des notions traditionnelles dautorité et de légitimité à la suite des changements dans les attitudes et lorganisation du travail, des niveaux supérieurs (et qui ne cessent de sélever), de la formation et de léducation des employeurs et des travailleurs en général, des nouvelles formes de participation qui créent un environnement favorable, etc. Tout cela requiert de nouvelles formes de collaboration entre les inspecteurs du travail et les employeurs, les travailleurs et dautres institutions: il sagit non seulement de contrôler lapplication des normes et de la réglementation sur la protection des travailleurs, mais également de rallier tous les intéressés autour des objectifs de prévention que se proposent la nouvelle politique et la nouvelle législation en matière de protection sociale et de protection du travail.
* Le présent article est tiré de Morganstern, F.: Deterrence and Compensation: Legal Liability in Occupational Safety and Health (Genève, BIT, 1982.).
En droit, la responsabilité comporte deux volets: dune part, lobligation de faire ou de ne pas faire quelque chose et, dautre part, lobligation de répondre de ce qui a été fait, ou de ce qui na pas été fait. Avant dexaminer la manière dont différentes catégories de personnes peuvent être amenées à répondre, au niveau national, des causes daccidents du travail ou de maladies professionnelles, il convient de résumer les obligations qui leur incombent en matière de prévention de ces accidents et maladies. Souvent, ces obligations sont expressément imposées par des normes internationales ou les législations nationales, mais elles peuvent également être définies par la jurisprudence. Certains se sont demandé sil était vraiment opportun de déterminer, dans une procédure civile ultérieure, quelle aurait dû être la conduite des intéressés avant la survenue de laccident. Mais il est bien clair que certains arrêts rendus, de même que la publicité qui les a entourés, ont encouragé la prévention.
Les organismes publics (ministères, directions de la sécurité et de la santé ou autres, organismes indépendants) jouent un rôle important dans la définition du cadre dans lequel la responsabilité entre en jeu en formulant des règles, tant générales que particulières, relatives aux obligations des différentes catégories de personnes et en participant à leur mise en uvre.
Les règles générales en matière de sécurité et de santé au travail, ainsi que les prescriptions propres à certaines industries ou visant des risques particuliers, peuvent être imposées par la législation, par des recueils de directives pratiques et par des normes techniques approuvées par les organismes publics. Plusieurs conventions internationales du travail exigent ladoption de règles portant sur lensemble du domaine quelles couvrent; dautres invitent les Etats à imposer des interdictions, ou à définir des critères et des limites dexposition. La législation nationale, que ce soit sous la forme de codes du travail ou de lois spécifiques touchant la sécurité et la santé des travailleurs, confie souvent à des organismes publics le soin de définir des normes ou des règlements détaillés, quils aient un caractère obligatoire ou quil sagisse de directives dûment approuvées; en règle générale, ces organismes jouissent dune grande latitude pour ce qui est du choix des domaines à réglementer et de la teneur des règles à adopter. Aux fins du présent article, il est important que ces règles précisent les personnes ou les organismes qui ont lobligation de les faire respecter. Plusieurs conventions internationales du travail le prévoient, comme par exemple, la convention (no 139) sur le cancer professionnel, 1974.
Linobservation de dispositions inscrites dans des règles nayant pas un caractère obligatoire comme les recueils de directives pratiques ne fournit pas, à elle seule, de motif suffisant à une procédure civile ou pénale. Pourtant, ce manquement peut être pris en compte dans une procédure concernant la non-application dune règle plus générale de caractère obligatoire, parce quil montre que tout le nécessaire na pas été fait pour en assurer le respect.
Labsence de règles générales ou le fait que ces règles ne correspondent pas à létat actuel des connaissances nexonère pas nécessairement les employeurs, les fabricants et les autres intéressés de leur responsabilité: certains tribunaux ont considéré que les employeurs ne pouvaient pas sexonérer en arguant de linaction des organismes publics. Ainsi, en 1971, la Haute Cour dAngleterre a conclu, sur une plainte en dommages-intérêts relative à un grave accident de décompression ayant provoqué une ostéonécrose, quau moment de laccident, les personnes qui utilisaient de lair comprimé lors de travaux de percement dun tunnel savaient pertinemment que la table de décompression prévue par la loi était inadéquate; le tribunal a déclaré que lemployeur avait le devoir de mettre ses connaissances à jour (Ransom v. Sir Robert McAlpine and Sons Ltd., 1971). Dans certains pays, linspection du travail paraît avoir le pouvoir de demander aux employeurs de remédier à une situation dangereuse qui ne fait lobjet daucune norme ayant un caractère obligatoire.
La plupart des pays ont adopté des lois ou des directives concernant les obligations des fabricants, des fournisseurs, etc., en matière de sécurité et de santé au travail. En général, ces règles visent les machines et les matériels, dune part, et les substances dangereuses, dautre part. On peut considérer que les normes de sécurité et de santé applicables aux machines et aux matériels avant leur utilisation sur les lieux de travail relèvent de trois catégories: leur conception et leur construction doivent respecter les meilleures conditions possibles de sécurité; elles doivent être soumises à des essais pour sassurer de la sécurité de leur fonctionnement; elles ne doivent être mises sur le marché (vente, location, importation ou exportation) quune fois démontrée la sûreté de leur fonctionnement. A cet égard, lobligation principale peut incomber au vendeur, au fabricant ou à tous les intéressés.
Si les prescriptions générales concernant les substances utilisées au travail ressemblent parfois à celles qui touchent les machines, il est souvent beaucoup plus difficile de déterminer les effets de telle ou telle substance sur la santé. Aussi certaines lois nationales précisent-elles de la même façon les obligations qui concernent ces substances et celles qui sappliquent aux machines, tandis que dautres sattaquent directement à cette difficulté. Par exemple, le Code du travail français, tel que modifié en 1976, dispose quavant toute mise sur le marché dune substance qui peut faire courir des risques aux travailleurs, les «fabricants, importateurs et vendeurs» doivent fournir aux organismes approuvés les informations nécessaires à lappréciation des risques encourus (art. L. 231-7); obligation peut en outre leur être faite de participer à cette appréciation. Nombre de pays exigent notamment, à cet égard, létiquetage des substances dangereuses, ainsi que des informations sur leur usage correct et les précautions à prendre lors de leur manipulation. Cette obligation ne se limite pas nécessairement à la seule période de lancement du produit: au Royaume-Uni, par exemple, on peut exiger que les intéressés prennent toutes les dispositions raisonnables dans les circonstances afin de se tenir au courant des nouvelles connaissances et de prendre sans délai les mesures qui simposent en fonction de celles-ci. Les mesures à prendre dépendent de la gravité des conséquences probables des risques et de celles quentraînerait la décision de retirer la substance dangereuse (Wright v. Dunlop Rubber Co. and another, 1971). Il faut relever également que la communauté internationale sintéresse de plus en plus à lharmonisation de létiquetage des substances dangereuses et quelle agit en ce sens. Par exemple, les conventions nos 170 et 174 de lOIT contiennent des dispositions relatives aux informations exigées des Etats exportateurs.
Le manquement à une obligation peut être sanctionné de deux façons: soit le contrevenant est appelé à répondre de linfraction proprement dite, quelle ait ou non entraîné des conséquences; soit il peut être tenu pour responsable des conséquences de linfraction.
Dans la plupart des pays, il est extrêmement difficile dobtenir, par une action en justice, que les organismes publics exercent les pouvoirs de réglementation que leur confèrent certaines conventions internationales du travail et la plupart des lois nationales, qui les obligent pourtant à adopter des règlements en matière de sécurité et de santé au travail. Dans certains pays de «common law», la personne directement intéressée peut notamment demander une ordonnance dinjonction, afin dobliger les fonctionnaires à sacquitter des obligations que leur impose la «common law» ou la loi (on ne voit toutefois guère de procédures engagées dans ce domaine). Quoi quil en soit, il est plus difficile dengager une action lorsque, comme cela se produit très souvent, la législation en question accorde aux organismes publics une grande marge de manuvre quant aux domaines à réglementer, aux moyens à utiliser et aux délais pour le faire. Les principaux moyens damener les organismes publics à agir se situent en dehors du champ de la législation: il en va ainsi des pressions exercées par les syndicats, les groupes de consommateurs ou lopinion publique (ces méthodes ne constituent toutefois pas des mesures dapplication au sens strict du terme).
Dune manière plus générale, les mesures adoptées par les autorités publiques peuvent être annulées parce quelles ne sont pas en conformité avec la loi, ou parce quelles constituent un abus de pouvoir (ultra vires), ou encore parce quelles sont inopportunes ou déraisonnables. Encore une fois, il ne sagit pas à proprement parler de lexécution dune obligation, mais plutôt dune définition de ses limites.
Lorsque la législation en matière de sécurité et de santé impose expressément des obligations aux fabricants et aux fournisseurs, elle prévoit le plus souvent des sanctions en cas dinfraction (par exemple, au Danemark, en France, au Royaume-Uni et en Suède). Dans certains pays, la peine ne peut être que dordre pécuniaire; cela paraît être le cas au Royaume-Uni, sauf lorsquune interdiction na pas été respectée. Dans quelques pays, des violations répétées sont susceptibles dentraîner une peine demprisonnement, notamment en France et au Venezuela. Ailleurs encore, les sanctions sont soit lamende, soit lemprisonnement; cest ce que prévoit notamment la loi suédoise de 1978 sur le milieu de travail au chapitre 8, article 1.
Empêcher la distribution des machines et des substances qui ne répondent pas aux prescriptions en matière de sécurité et de santé doit être lun des premiers objectifs des mesures dapplication visant les fabricants et les fournisseurs. Un certain nombre de dispositions législatives expriment directement cette préoccupation (en France, par exemple, le Code du travail prescrit des procédures durgence qui permettent dinterrompre la commercialisation de substances dangereuses ou lutilisation de machines présentant des risques; il autorise également lannulation de la vente ou de la location de matériels dangereux).
Les dernières conventions internationales du travail portant sur la sécurité et la santé confient toutes aux services dinspection appropriés le soin de contrôler lapplication de leurs dispositions. On trouvera une analyse approfondie des services de linspection du travail dans larticle du présent chapitre intitulé «Linspection du travail». Toutefois, limportant ici est de savoir si les inspecteurs du travail peuvent eux-mêmes intenter des poursuites, sils sont tenus de passer par la voie hiérarchique, ou encore sils doivent soumettre leurs recommandations à dautres autorités, tel le ministère public. Diverses statistiques révèlent que le nombre des poursuites est très faible par rapport à celui des violations des dispositions en matière de sécurité.
Lorsquun employeur peut déléguer sa responsabilité en matière de sécurité et de santé, ou lorsque la loi applicable impose directement certaines obligations au personnel technique ou aux cadres, les tâches des intéressés sont dordinaire accomplies dune manière analogue à celles de lemployeur. Certaines lois autorisent expressément linspection du travail à donner des ordres à ces personnes ou prononcer des interdictions (cest le cas au Royaume-Uni et en Suède). De même, les dispositions légales prévoyant des sanctions visent souvent tant ces personnes que les employeurs; en outre, elles peuvent faire lobjet de mesures quil nest pas possible de prendre contre un employeur.
Plusieurs juridictions connaissent des pouvoirs disciplinaires relatifs aux obligations des travailleurs en matière de sécurité et de santé au travail. En cas de faute mineure, les sanctions vont de lavertissement verbal à la retenue dune journée de salaire; sil sagit dune infraction grave, lintéressé sera réprimandé publiquement, muté ou suspendu pendant quelques jours, ou encore il sera privé de toute possibilité davancement durant une période maximale dun an; sil sagit dune infraction très grave, il risque de perdre de sept à quinze jours de salaire, dencourir une suspension maximale de deux mois, dêtre privé de toute possibilité davancement durant deux ans, voire dêtre licencié.
Le travailleur qui manque à ses obligations en matière de sécurité et de santé est aussi passible de poursuites pénales. Dans certains cas, sa responsabilité se limite expressément aux infractions graves (par exemple, en Espagne); dans dautres, cette responsabilité est limitée à des tâches précises. Ainsi, aux termes de larticle L. 263-2 du Code du travail français, tel que modifié en 1976, la responsabilité pénale dun simple salarié nentre en jeu que sil introduit ou distribue des boissons alcoolisées sur les lieux de travail. Ailleurs, la responsabilité est de nature plus générale (au Danemark, au Royaume-Uni et en Suède, pour ne citer que ces pays), mais le montant de lamende éventuelle peut néanmoins comporter un plafond (au Mexique, par exemple, lamende est au maximum dune semaine de salaire). Dautres pays considèrent que les travailleurs qui nexercent aucune fonction dencadrement nont pas de responsabilité pénale et nutilisent pas celle-ci comme un moyen de les inciter à sacquitter de leurs obligations. Cela paraît être le cas des codes du travail de certains pays de lEurope orientale. De même, en vertu de la loi de 1970 sur la sécurité et la santé au travail des Etats-Unis, seul lemployeur est passible dune sanction civile en cas dinobservation des dispositions en la matière.
Après un accident du travail ou en cas de maladie professionnelle, une des premières préoccupations est dassurer la subsistance de la victime et de sa famille, principalement grâce aux régimes de réparation des accidents du travail. Un examen de ces régimes sortirait du champ du présent chapitre, mais certains aspects de la question nen présentent pas moins de lintérêt.
Premièrement, dans bon nombre de pays, les prestations en cas daccidents du travail sont versées au titre de régimes fondés sur le principe de la responsabilité individuelle de lemployeur. Dans quelques pays, cette responsabilité fait lobjet dune assurance obligatoire alors que, dans beaucoup dautres, il appartient à lemployeur de décider sil doit ou non sassurer; même sil est assuré, il peut être déclaré conjointement et solidairement responsable avec lassureur. En outre, les régimes nationaux dassurance sociale de plusieurs pays ne protègent pas tous les travailleurs; ceux qui nen bénéficient pas sont couverts par un régime fondé sur la responsabilité de lemployeur, donc sur le risque et non sur la faute; en dautres termes, lemployeur doit répondre des conséquences dun accident ou dune maladie liés directement à lemploi, dans des limites précises et dans les conditions prescrites. Une prestation supplémentaire est parfois prévue en cas de «faute grave» de lemployeur.
Deuxièmement, on peut tenir compte, dans le financement du régime dassurance contre les accidents du travail, des statistiques des accidents dans certaines industries ou chez un employeur en particulier (ce principe général de financement nest appliqué que lorsque les accidents du travail forment une branche distincte de la sécurité sociale et encore, tel nest pas toujours le cas). Dans plusieurs pays, le barème collectif ou individuel des cotisations est établi de manière que leur taux corresponde aux dépenses proba-bles, mais il existe également des systèmes de cotisation individuelle conçus pour couvrir les frais réels durant la période de référence (Etats-Unis, France), ou permettant daugmenter ou de réduire la cotisation collective dune entreprise donnée en fonction des dépenses occasionnées par les accidents dans cette entreprise ou de lefficacité des mesures de prévention adoptées (Allemagne, Canada, Italie, Japon). Quel que soit le principe général de financement, lemployeur qui ne prend pas les mesures de prévention prescrites sexpose à des sanctions qui sajoutent à la cotisation; de nombreux pays ont adopté des dispositions spéciales dans leur régime de sécurité sociale qui, là encore, quel que soit le principe général de financement, permettent dimposer des sanctions pécuniaires aux entreprises dans lesquelles des accidents se produisent à la suite dune faute grave ou dune lourde négligence de lemployeur; dans certains pays, lemployeur est alors tenu de rembourser intégralement les dépenses engagées par lorganisme dassurance. Les opinions divergent quant à la valeur de ces différents régimes. Chacun à sa manière, ou à des titres divers, tous exigent la mise en place dune infrastructure administrative qui nest pas à la portée des pays en développement et qui coûte cher partout. En outre, il est difficile de fixer la cotisation des petites entreprises en se fondant sur le nombre des accidents déclarés.
Troisièmement, dans plusieurs pays, les institutions de sécurité sociale jouent un rôle actif dans la promotion de la sécurité et de la santé au travail. Ce rôle comprend parfois non seulement létablissement de normes de sécurité, mais également le contrôle de leur application, y compris limposition de sanctions. Il en est ainsi en Allemagne, au Canada, au Chili, en France et au Luxembourg.
Enfin, la possibilité pour le travailleur ou ses survivants de poursuivre son employeur ou ses collègues de travail est souvent restreinte par lexistence même dun régime de sécurité sociale. On distingue trois approches principales.
La première approche est celle de certains pays qui ont des régimes de réparation des accidents du travail fondés sur le principe de la responsabilité individuelle de lemployeur et dans lesquels le travailleur peut choisir soit dinvoquer les dispositions législatives relatives à la réparation des accidents du travail (responsabilité sans faute), soit dintenter un procès en vertu des principes généraux de la responsabilité quasi délictuelle, qui exigent généralement quil y ait eu faute. Ce choix est définitif, et lintéressé ne peut le modifier quaprès avoir présenté une réclamation ou introduit une procédure. Par conséquent, le travailleur qui décide dengager une action civile dont il attend une prestation plus élevée court également le risque de ne rien obtenir sil est débouté.
La deuxième approche que lon retrouve dans plusieurs pays dEurope occidentale et de lAfrique francophone, au Canada, au Mexique et au Pakistan consiste à interdire toute poursuite contre lemployeur et les collègues de travail dans les situations visées par le régime de réparation des accidents du travail. Laction civile demeure possible en théorie plus quen pratique lorsque le travailleur peut démontrer que lemployeur ou le collègue de travail a agi délibérément. Dans certains pays, elle est également possible lorsquil y a eu une sanction pénale (Italie), négligence grave (Norvège) ou faute grave (Suisse), alors quailleurs, la faute «inexcusable», ou autre faute grave de lemployeur entraîne une augmentation des prestations de la sécurité sociale à la charge de lemployeur (Espagne, France, Mexique et dans plusieurs pays francophones dAfrique). La notion de faute grave ou inexcusable a été définie par la jurisprudence ou la législation des pays en question; la gravité de la faute est le plus souvent fonction du degré de négligence quant aux conséquences probables dune action ou dune omission, ou elle découle du fait que lemployeur na pas tenu compte des dangers qui lui ont été signalés expressément à la suite daccidents antérieurs ou autrement. Dans certains pays qui ont adopté cette approche, la poursuite civile demeure possible afin de demander la réparation déléments tels que le pretium doloris, lorsque le régime obligatoire ne la prévoit pas (Autriche, Belgique, Suisse).
La troisième approche consiste à autoriser un recours illimité aux actions en responsabilité civile, afin de compléter les prestations versées au titre de la sécurité sociale. Dans certains pays Grèce, Japon, Royaume-Uni, Suède ce recours sapplique tant aux actions en responsabilité pour faute quà celles en responsabilité sans faute, le cas échéant; dans dautres, il ne sapplique quà la responsabilité pour faute, ou délictuelle (Chili, Colombie, Pérou). Les Pays-Bas et certains pays dEurope occidentale, où les accidents du travail et les maladies professionnelles ne constituent pas une branche distincte de la sécurité sociale, ont également adopté cette approche.
Il faut ajouter que, si les régimes de sécurité sociale relatifs aux accidents du travail tendent à inclure tous ces accidents, ils ne couvrent pas, et de loin, toutes les maladies professionnelles. Il est parfois plus difficile détablir un lien de causalité dans les cas de maladie professionnelle et la question de la responsabilité se complique encore si la maladie progresse lentement et ne se manifeste que plusieurs années après la cessation de lemploi. Les règles ordinaires de la responsabilité civile sappliquent aux maladies qui ne figurent pas, par exemple, dans la liste des maladies professionnelles ouvrant droit à prestations.
La possibilité dintenter une action civile pour réparer les conséquences des accidents du travail et des maladies professionnelles est loin dêtre monnaie courante. Lorsquune action contre lemployeur et les collègues de travail est exclue ou strictement limitée, lintéressé peut se retourner contre le fabricant ou le fournisseur, mais uniquement pour ce qui est des conséquences des défectuosités constatées dans les machines, les matériels ou lutilisation de substances dangereuses. De plus, dans certains pays qui autorisent le recours à une procédure civile, le nombre des plaintes et la proportion de celles qui vont en justice sont relativement faibles (il en va ainsi des affaires concernant les accidents du travail, les maladies professionnelles, ainsi que la discrimination).
Une action en responsabilité civile peut être fondée sur plusieurs motifs. Elle peut invoquer linexécution dune obligation contractuelle (aux termes dun contrat demploi, de service voire de fourniture). Le plus souvent, il sagit dune action en responsabilité quasi délictuelle, fondée sur un délit civil ou sur le manquement à une obligation légale. Ce type daction peut également se fonder sur linexécution dune obligation née de la «common law» ou des termes généraux dun code civil ou dun code du travail, ou encore sur la violation dune obligation imposée par la législation en matière de sécurité et de santé. Enfin, on peut intenter une action en responsabilité quasi délictuelle pour faute, ou fonder laction sur la responsabilité «objective» ou sans «faute», cest-à-dire fondée sur le risque.
Lorsque le régime de réparation des accidents du travail nexclut pas une action civile, les victimes dun accident imputable à la violation dune obligation, que ce soit à la suite dune faute ou par la réalisation dun risque, peuvent avoir recours aux tribunaux. La première personne à pouvoir engager des poursuites est le travailleur qui a subi laccident à cause de cette infraction. En règle générale, les survivants du travailleur décédé bénéficient du même droit, même si leur nombre se limite parfois aux personnes à la charge du travailleur, que ce soit en fait ou en droit. Quelques décisions judiciaires ont reconnu que, dans certaines circonstances, les syndicats peuvent avoir intérêt à agir dans un procès civil indépendant (cela sest produit, par exemple, en France et en Italie). Ailleurs, rien nindique que les syndicats tentent systématiquement dintenter des actions civiles afin de défendre leurs propres intérêts en la matière; la situation la plus courante est celle de syndicats qui soutiennent, financièrement ou par dautres moyens, les demandes des intéressés. Dans certains pays, les poursuites intentées aux termes de la législation en matière de sécurité sociale en vue dobtenir le relèvement dune prestation au motif dune faute inexcusable de lemployeur peuvent être engagées par lorganisme de sécurité sociale compétent, de même que par les premiers intéressés. De plus, les organismes de sécurité sociale qui ont servi des prestations peuvent poursuivre la personne civilement responsable de laccident professionnel aux fins de récupérer le montant versé à laccidenté.
Une action civile peut être ouverte contre une série de personnes ou dorganismes qui exercent des responsabilités dans le domaine de la sécurité et de la santé. En pratique, lorsquelles ne sont pas interdites par la législation sur la sécurité sociale, les poursuites civiles sont le plus souvent intentées contre lemployeur. Presque partout dans le monde, lemployeur est également tenu de réparer les dommages causés par les actes ou omissions illicites de ses salariés dans lexercice de leurs fonctions, quel que soit leur rang dans la hiérarchie, bien que le fondement de cette responsabilité varie dun pays à un autre. Les pays de «common law» ont adopté le principe de «la responsabilité du fait dautrui»; certains pays de droit civil fondent cette responsabilité sur le rôle de commettant de lemployeur, cest-à-dire la personne qui a commis lacte. Ces deux notions sont proches de celle de mandat, et leurs effets pratiques sont très semblables. Ailleurs, la responsabilité de lemployeur découle de la faute quil a commise dans le choix de son personnel ou dans son encadrement. En règle générale, la responsabilité de lemployeur nempêche pas louverture dune procédure simultanée ou parallèle contre le salarié qui a causé le dommage. Quoi quil en soit, la victime préfère le plus souvent poursuivre lemployeur.
La question de savoir dans quelle mesure lemployeur doit répondre des accidents causés par les actes ou les omissions de personnes autres que ses salariés est plus délicate. Dans certains pays, la législation ou la jurisprudence tiennent lentreprise pour responsable, dans certaines circonstances, du respect des obligations relatives à la sécurité et à la santé sur les lieux de travail placés sous son contrôle, même si les risques en cause ont été causés par des tiers, notamment par des sous-traitants, ou encore, elles lui reconnaissent des obligations à légard de ses salariés qui travaillent à lextérieur de létablissement, même lorsque cest une autre entreprise qui contrôle le lieu de travail. A lexception des cas où les dispositions législatives sont plus contraignantes, la responsabilité semble être fondée sur la notion de faute de lemployeur qui ne sest pas acquitté des obligations qui lui incombent et dont il ne peut se décharger par des relations contractuelles ou autres conclues avec un tiers; sil a fait tout ce quun employeur raisonnable aurait pu faire, aucune responsabilité ne saurait lui incomber.
Il se pose également la question des recours, plusieurs personnes pouvant être conjointement responsables de la situation qui a conduit à un accident du travail: fabricant et employeur, employeur et entrepreneur, etc., ou encore, lemployeur pouvant avoir été tenu responsable des actes dautrui. Lorsque le travailleur décide de poursuivre ou est forcé de demander réparation contre un seul des «coauteurs du délit», ou contre lemployeur plutôt que contre ceux dont les actes engagent sa responsabilité, la personne poursuivie est en général en mesure dexiger une contribution des autres personnes responsables.
Dans une action civile, le fardeau de la preuve incombe au demandeur: cest à lui de démontrer que son action est fondée. Le demandeur doit tout dabord établir lidentité du défendeur. En règle générale, dans une procédure engagée contre lemployeur, ce point ne pose pas de problème, mais on peut se heurter à une réelle difficulté surtout dans le cas dune maladie à évolution lente lorsquil sagit de désigner le fabricant de la machine ou le fournisseur des substances prétendument dangereuses. De nos jours, dans certaines affaires liées aux accidents du travail, notamment la fabrication de lamiante, des poursuites sont engagées conjointement contre tous les principaux fabricants lorsquil est impossible, de prime abord, dimputer la responsabilité à une seule société.
Ensuite, le demandeur doit établir le bien-fondé de sa plainte contre le défendeur. Lorsque la plainte est fondée sur la responsabilité sans faute du défendeur, en ce qui concerne soit les accidents du travail en général, soit les accidents causés par une certaine catégorie dobjets dangereux, il lui suffit détablir que laccident a réellement été causé par son travail ou par le risque en question. Lorsquune plainte est fondée sur linobservation dune obligation légale et que celle-ci ne laisse aucune latitude quant à ses modalités dexécution, le demandeur doit apporter la preuve que lobligation na pas été remplie comme elle aurait dû lêtre; étant donné quil sagit dune question de fait, cela ne devrait pas poser de problèmes insurmontables. En revanche, lorsque la loi accorde une certaine latitude par exemple en utilisant des termes tels que «raisonnablement et pratiquement réalisable» ou lorsque la plainte est fondée sur une obligation de diligence (en vertu de la «common law» ou des dispositions générales des codes civils ou des codes du travail), il nest pas toujours facile détablir que lobligation na pas été remplie. Cest pourquoi les tribunaux sont amenés à déterminer dans quelle mesure le fardeau de la preuve de lexistence ou de linexistence dune faute devrait incomber à lemployeur ou à un autre défendeur plutôt quau travailleur.
Si certains pays libèrent le demandeur de lobligation de démontrer comment un employeur consciencieux aurait pu empêcher laccident ou la maladie, ils ne garantissent pas pour autant le succès de la procédure engagée. Il arrive parfois que le défendeur soit en mesure dapporter la preuve quen loccurrence, il a exercé la plus grande diligence possible (cest-à-dire quil na pas commis de faute). Cest notamment le cas lorsque la faute doit être dune gravité particulière pour que le plaignant obtienne gain de cause, à linstar des actions intentées aux fins dobtenir une prestation supplémentaire de sécurité sociale en cas de «faute inexcusable» de lemployeur.
Que laction civile soit fondée sur la faute ou sur le risque, le demandeur doit apporter la preuve que laccident est le résultat de cette faute ou de ce risque (cest-à-dire établir un lien de causalité entre les deux). En règle générale, la faute ou le risque nont pas à constituer la cause unique ou déterminante de laccident, mais bien une cause immédiate de celui-ci. Il est particulièrement difficile dapporter la preuve dun rapport de causalité dans les cas de maladie dont lorigine nest pas encore entièrement élucidée, bien que les tribunaux aient quelquefois interprété la loi de manière à accorder le bénéfice du doute au travailleur. Cette difficulté peut être due à plusieurs facteurs, tels lexposition à une nouvelle technologie ou à une nouvelle substance dont les effets ne sont pas encore connus; la maladie peut avoir une longue période de latence, ou le travailleur peut avoir été exposé à plusieurs substances. Même dans les cas daccident, il nest pas toujours possible dapporter la preuve que, «selon la prépondérance des probabilités» (le degré de preuve requis dans les actions civiles), laccident est dû à la faute établie. Il existe aussi des cas où le rapport de cause à effet entre une faute établie et un accident soit rompu par lacte délictuel dun tiers dont le défendeur nest pas responsable, bien que cet acte nait pas nécessairement cet effet.
Même lorsque la faute ou le risque et le lien de cause à effet avec un accident ont été établis, le défendeur dispose de plusieurs moyens qui lui permettront éventuellement datténuer sa responsabilité, voire de sen décharger.
La faute du travailleur accidenté est le premier de ces moyens de défense: non-respect des consignes de sécurité, imprudence allant au-delà de la simple inattention, comportement déplacé sur le lieu de travail (sans rapport avec lexécution normale des tâches), violation des instructions, état débriété. Les différents ordres juridiques cherchent à mettre en balance limportance de la faute du demandeur et de celle du défendeur pour fixer le montant de la réparation.
Certains pays connaissent un autre moyen de défense, le principe volenti non fit injuria, selon lequel le travailleur accidenté a, volontairement et en connaissance de cause, pris le risque qui a conduit à laccident. Etant donné linégalité de statut entre employeur et travailleur, les tribunaux manifestent une certaine réticence à accepter ce moyen dans les cas courants où le travailleur a accompli une tâche, en protestant ou non, alors quil savait quelle comportait un risque supérieur au risque normal inhérent au travail. Autrefois, une pratique courante consistait à verser aux travailleurs affectés à des opérations reconnues dangereuses, une «prime de risque» en contrepartie du risque encouru, mais on peut douter de la validité de contrats en vertu desquels un travailleur accepte même denvisager de supporter les conséquences des risques dont lemployeur serait normalement responsable; dailleurs, ces contrats peuvent être expressément interdits. Dautre part, la loi considère avec bienveillance un travailleur qui prend volontairement et en toute connaissance de cause des risques afin de sauver des tiers. La loi protège de plus en plus les travailleurs qui se retirent dune situation présentant un péril imminent ou qui dénoncent les violations des lois relatives à la sécurité et à la santé.
Il est trop tôt pour dire leffet quaura ce moyen de défense sur les dispositions légales qui permettent ou qui exigent que les travailleurs cessent de travailler lorsquils estiment se trouver en péril grave et imminent. Quoi quil en soit, la protection des travailleurs qui interrompent le travail (ou qui dénoncent une violation) contre des récriminations et des représailles mérite une attention accrue de toutes les juridictions.
De temps à autre, les défendeurs ont tenté dinvoquer le fait que, dans la branche dactivité en cause, la pratique de travail dangereuse qui a entraîné laccident était dusage courant. Cet argument ne semble jamais avoir été retenu pour limiter la responsabilité. En revanche, le fait quune branche ait adopté des bonnes pratiques a été considéré comme une preuve de la faute dun défendeur qui ne les avait pas suivies.
Dans la plupart des ordres juridiques, le délai accordé pour intenter une action civile est relativement bref; il court à compter de la date des faits à lorigine de laction en justice et est, en règle générale, de deux ou trois ans, parfois de douze mois seulement. Les délais servent les intérêts de toutes les parties puisque le temps accroît la difficulté détablir les faits.
Toutefois, certaines maladies professionnelles ne se manifestent que des années après lexposition aux substances ou aux agents dangereux; cest le cas notamment, mais pas exclusivement, des diverses formes de cancer professionnel. Il est donc apparu que, dans des circonstances particulières, le délai prescrit pour la présentation des plaintes ne devait commencer à courir quà partir du moment où le travailleur intéressé a eu connaissance de son intérêt à agir. Aujourdhui, la législation en la matière, ou une disposition spécifique des lois générales sur la prescription en tiennent dûment compte, sans pourtant régler tous les problèmes. En effet, il nest pas toujours possible de déterminer le moment précis où le demandeur a eu, ou aurait dû avoir connaissance, de tous les éléments lui permettant dagir. Les choses sont un peu plus faciles lorsque la maladie figure dans une liste ou une classification de maladies professionnelles.
On peut répartir en trois grandes catégories les dommages-intérêts susceptibles dêtre obtenus à la suite dune action civile, même si tous les pays ne prévoient pas den accorder: a) le paiement de tous les frais médicaux et de réadaptation non couverts par la sécurité sociale; b) la prestation pour perte de gain qui nest octroyée, dans la plupart des pays, que dans la mesure où elle nest pas prise en charge par la sécurité sociale; c) les dommages-intérêts au titre du pretium doloris, pour préjudice esthétique et atteinte à la qualité de la vie et à lespérance de vie. La principe de la responsabilité quasi délictuelle est la réparation: le demandeur devrait se retrouver dans une situation qui ne serait pas pire quelle ne laurait été si le délit navait pas été commis.
Dans certaines circonstances, la perte de gain est compensée par des versements périodiques qui viennent sajouter à ceux de la sécurité sociale et aux gains que le travailleur est en mesure dobtenir après son accident, de manière à porter son revenu total au niveau de ses gains antérieurs. Le plus souvent, la réparation prend la forme dune somme forfaitaire. Dans les cas dinvalidité permanente ou de décès, lévaluation des pertes futures repose forcément sur des conjectures concernant le montant des gains comme aussi lespérance de vie. Lorsque la réparation est accordée aux survivants, il faut estimer non seulement les gains futurs éventuels du salarié, mais aussi ses moyens dexistence éventuels. Bien que lon cherche à tenir compte de linflation et de la fiscalité, il est extrêmement difficile de faire une estimation réaliste lorsquil sagit dune somme forfaitaire. Rien détonnant donc à ce que les sommes forfaitaires pour perte de gain varient fortement et quune prestation périodique leur soit parfois préférable (les versements périodiques tiennent plus facilement compte de la fiscalité et de linflation).
La réparation des pertes non pécuniaires (notamment le pretium doloris) ne peut être quune estimation de ce qui paraît raisonnable au vu des circonstances. Encore une fois, ce mode de réparation entraîne des variations entre les montants accordés. Certains ordres juridiques autorisent les tribunaux à accorder parfois des dommages-intérêts très élevés, à titre dexemple.
Il convient dexaminer ce qui se passe en matière de responsabilité civile lorsquun accident du travail a lieu dans des circonstances liées éventuellement à plusieurs ordres juridiques. De nos jours, certaines activités dangereuses, telles que la construction de plates-formes pour le forage de pétrole en mer, sont exercées dans un pays par une entreprise ayant la nationalité dun autre pays et occupant des travailleurs originaires de pays tiers. Si un travailleur subit un accident ou est atteint dune maladie en pareil cas, les règles relatives aux conflits de lois (dénommées aussi droit international privé) entrent en jeu. Ces règles ne sont pas internationales en ce sens quelles ne sont pas universelles, ni même reconnues par tous les ordres juridiques, mais elles constituent une branche propre à tout système de droit privé. Toutefois, sur de nombreux points, il nexiste guère de divergences, et celles qui subsistent tendent à disparaître, en particulier grâce à ladoption de conventions internationales. Lorsque les règles du droit international privé sont invoquées dans un ordre juridique national donné, elles ne permettent de trancher que trois questions préliminaires. Tout dabord, il sagit de savoir si les tribunaux de cet ordre sont compétents et peuvent connaître de laffaire en question. Dans laffirmative, ils doivent ensuite déterminer sil y a lieu dappliquer leurs propres règles ou celles dun autre ordre intéressé. Enfin, ils doivent décider de reconnaître ou non un jugement étranger déjà rendu en la matière, ou de faire respecter un droit conféré à une partie en vertu dun jugement étranger ou, au contraire, de traiter ce jugement et ces droits comme nuls et non avenus. Les liens entre un accident et plusieurs pays peuvent inciter le demandeur à choisir son tribunal (cest-à-dire à intenter une action dans le pays où il a une chance dobtenir les dommages-intérêts les plus élevés).
On peut encourir une responsabilité pénale à la suite dun accident du travail (au sens large dun acte punissable) sous quatre chefs.
Premièrement, les dispositions relatives à lapplication de la législation en matière de sécurité et de santé au travail sappliquent dès la survenue dun accident du travail ou lincidence apparente dune maladie professionnelle. Dans la plupart des pays, les services dinspection ne disposent pas dun personnel suffisant pour exercer une surveillance constante sur tous les dangers possibles. Par contre, lorsque des accidents ou des maladies sont déclarés, notamment quand leur notification est obligatoire, des inspecteurs visitent les lieux et, le cas échéant, entament des poursuites pénales.
Deuxièmement, certains textes législatifs concernant la sécurité et la santé au travail prévoient des sanctions en cas daccident ou de maladie, en particulier lorsque cet accident ou cette maladie sont graves. La plupart des systèmes de réparation des accidents du travail tiennent compte aussi de ces facteurs en relevant les cotisations des entreprises où les conditions de sécurité et de santé sont notoirement mauvaises.
Troisièmement, les accidents du travail, surtout sils sont graves ou mortels, peuvent déclencher lapplication de règles de droit pénal qui ne sont pas spécifiquement liées à la sécurité et à la santé au travail, notamment les dispositions relatives à lhomicide involontaire, aux incendies, aux explosions, etc. Dans certains pays (par exemple, en Italie et aux Pays-Bas), les sanctions ordinaires prévues pour réprimer ces délits sont aggravées sils ont été commis sur les lieux de travail.
Enfin, certains codes pénaux contiennent des dispositions précises visant les accidents résultant de violations des prescriptions de sécurité et de santé au travail.
Quelquefois, il est expressément prévu quune action intentée sous lun des quatre chefs susmentionnés nen exclut pas une autre, fondée sur un chef différent. Dans quelques pays, cest le contraire qui est vrai. En Suède, par exemple, lusage par les inspecteurs du travail de leur pouvoir dimposer des mesures correctrices ou de prononcer des interdictions sous peine damende exclut toute poursuite pénale. Dans des cas précis, mais pas toujours, la façon denvisager la pluralité des sanctions dépend de la nature civile, administrative ou pénale de celles qui ont précisément pour objet dassurer lapplication de la loi. Il semble fort probable, même si lon ne dispose pas de statistiques à lappui, que la plupart des rares poursuites engagées pour infraction à la sécurité et à la santé au travail résultent dune violation ayant entraîné un accident. De même, il nexiste pas de données statistiques concernant lapplication des règles générales de droit pénal aux accidents du travail. Toutefois, sur ce plan, les différences dun pays à lautre paraissent plus marquées en matière pénale que dans dautres domaines.
Le principe de la légalité de la peine (nulla poena sine lege) est largement admis. Dans une action civile, le tribunal peut reconnaître lexistence dune obligation qui na pas encore été définie mais, en règle générale, cela nest pas possible dans une affaire pénale. Dautre part, dans une procédure pénale, on peut déterminer les effets concrets dune obligation imposée par lautorité: en pratique, la distinction entre responsabilité pénale et responsabilité civile nest peut-être quaffaire de degré. Différents ordres juridiques paraissent saccorder sur le fait que lintention ou, bien souvent, la négligence coupable est lélément essentiel de linfraction, à moins que la loi nen dispose autrement.
Les dispositions dapplication de certaines lois en matière de sécurité et de santé au travail, à linstar de certains articles des codes pénaux, érigent en infraction le fait de ne pas respecter les exigences légales en la matière, quil y ait ou non intention ou négligence coupable, comme le confirme dailleurs la jurisprudence. Ainsi, dans une décision du 28 février 1979, la Cour suprême dEspagne a statué que le seul fait de ne pas observer les mesures de sécurité prescrites dans lindustrie de la construction justifiait limposition des sanctions prévues par les dispositions dapplication y relatives. A loccasion, cette responsabilité sans faute nentraîne que des sanctions administratives ou civiles. Dans de nombreux pays, la différence entre, dune part, la responsabilité sans faute et, dautre part, lexigence dune action délibérée nest pas, en pratique, aussi grande quil semblerait à première vue. Les différents ordres juridiques nont pas les mêmes règles en ce qui concerne le degré de négligence permettant de la qualifier de «coupable» et justifiant des sanctions.
En principe, toute procédure pénale est laffaire des autorités publiques compétentes; les sanctions pénales visent à protéger les intérêts de la collectivité, et non ceux de lindividu. Toutefois, dans des circonstances particulières, les poursuites privées sont autorisées, notamment en Autriche, en Finlande, en France, au Royaume-Uni et en Suisse. Quelquefois, un inspecteur du travail peut intenter des poursuites mais, le plus souvent, laction est engagée par le ministère public, les procureurs de district ou dautres autorités. Ils agissent en se fondant sur les renseignements fournis par les inspecteurs, les organismes de sécurité sociale, la victime de laccident ou les simples citoyens, mais la décision définitive dintenter des poursuites leur appartient. En principe, ils devraient agir sils sont convaincus quune infraction paraît avoir été commise.
Deux autres commentaires simposent. Premièrement, en ce qui concerne les poursuites pénales, les délais de prescription ne semblent pas avoir posé de problème jusquà présent (peut-être en raison de leur longueur). Deuxièmement, la législation pénale est territoriale et ne sapplique quaux infractions commises dans son champ dapplication. Dans une situation de travail de nature transnationale, cette limitation de la compétence peut poser la question de savoir quelle est lautorité de contrôle en matière de sécurité et de santé.
En principe, une procédure pénale comme une procédure civile peuvent être ouvertes contre toute personne qui a des obligations dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Le problème qui se pose est celui de la responsabilité des personnes morales (cest-à-dire des sociétés qui ont des obligations à titre de fabricant ou demployeur). Selon un principe largement reconnu en droit pénal, seules les personnes physiques peuvent être tenues pour responsables: il sagit souvent dun principe absolu, mais il arrive quil ne sapplique quà certaines infractions. Certains pays envisagent expressément la possibilité dune responsabilité pénale des personnes morales en matière de sécurité et de santé au travail. Les principes généraux du droit pénal conduisent certains dentre eux à nadmettre cette possibilité quen ce qui concerne les sanctions pénales imposées par linspection du travail ou les sanctions administratives et civiles (cest le cas notamment de certains pays nordiques, de la Belgique et de lEspagne), tandis que dautres pays (Etats-Unis et Royaume-Uni, par exemple) ne font pas cette distinction. Il est quelquefois précisé que la responsabilité des sociétés ne peut être sanctionnée que par des amendes. Au Royaume-Uni, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de pays, les poursuites sont intentées contre la société employeur plutôt que contre une personne quelconque travaillant dans lentreprise, dans lidée que la société dispose dun pouvoir de contrôle bien supérieur à celui de lindividu.
Les individus quil sagisse demployeurs qui ne sont pas constitués en personnes morales, dadministrateurs ou de directeurs de sociétés peuvent être tenus personnellement responsables des violations des obligations qui incombent aux employeurs, les administrateurs ou les directeurs étant tenus pour responsables à la place des sociétés ou avec elles. Il faut, pour cela, que lindividu ait commis une faute personnelle. Compte tenu du caractère général des obligations imposées à lemployeur, les tribunaux nont guère de difficulté à conclure à quelque omission de leur part. Néanmoins, il existe des cas dacquittement au motif quil ny avait pas eu faute personnelle de lemployeur ou du directeur. Dans certaines circonstances, lemployeur peut se décharger de ses obligations en matière de sécurité et de santé au travail (et de la responsabilité pénale correspondante) sur des cadres supérieurs, ou encore sur le personnel technique ou les agents de maîtrise. La jurisprudence montre que la responsabilité pénale ainsi conférée au personnel en question nest pas simplement théorique. En France, en 1974, un coup de grisou avait coûté la vie à quarante personnes; le 22 janvier 1981, la cour dassises de Béthune a considéré que lingénieur en chef de la mine avait commis une faute grave en omettant dinstaller un détecteur de grisou et la reconnu coupable dhomicide involontaire. En Italie, dans laffaire de 1977 concernant lutilisation de benzène dans une fabrique de colorants, le directeur général, le directeur technique et le médecin de lentreprise, ainsi que les propriétaires et ladministrateur délégué ont été déclarés coupables dhomicide involontaire. Selon une étude effectuée en Finlande, en 1979, sur la responsabilité pénale, 19% des accusations et 15% des condamnations visaient des directeurs, 36% des administrateurs dans les deux cas, et respectivement 35 et 38% du personnel dencadrement. Dans un certain nombre de pays, mais la pratique nest pas universelle, il est possible dintenter des poursuites pénales contre des travailleurs qui nont aucune responsabilité technique ou dencadrement; on ny recourt quassez rarement, semble-t-il, et seulement dans les cas de faute personnelle grave.
Lignorance de la loi nest en général pas considérée comme un moyen de défense recevable. En revanche, on insiste souvent sur lobligation de sinformer qui incombe à lemployeur, au personnel technique et au personnel dencadrement.
Dans une procédure pénale, contrairement à ce qui se passe au civil, le fait que la négligence de la victime a contribué à un accident nest généralement pas un moyen de défense recevable. Ainsi, en 1972, un tribunal suisse a condamné un employeur à la suite de lélectrocution dun salarié qui chargeait des objets métalliques sur un camion situé près dun câble électrique sous tension; le tribunal a statué que le travailleur aurait pu avoir pris lui-même la précaution élémentaire de couper le courant, mais quil appartenait au surveillant (en loccurrence, lemployeur) dassurer la sécurité du travailleur en coupant le courant.
En revanche, les tribunaux tiennent parfois compte, au moment de fixer la peine, de circonstances atténuantes (par exemple, des conditions de travail notoirement satisfaisantes). En Suisse, dans une affaire où une tranchée de drainage avait été mal étayée, ce qui avait provoqué un accident, le tribunal a pris en compte le fait que lemployeur avait voulu écourter les heures de travail de ses employés rémunérés à la pièce, bien que cela ne constituât pas un moyen de défense.
La section consacrée au contrôle de lapplication contient quelques exemples des sanctions qui peuvent être imposées en matière de sécurité et de santé au travail. Souvent, les amendes imposées sont plus élevées que ne le prévoient les codes et la législation en matière pénale.
Il faut cependant préciser que la gamme des peines demprisonnement est souvent beaucoup plus étendue aux termes des codes et de la législation en matière pénale.
Dans quelques circonstances, dautres types de sanctions sont envisagées comme linterdiction dexercer la profession dans laquelle lhomicide a été commis. Qui plus est, larticle L. 263-3-1 du Code du travail français, tel que modifié en 1976, dispose quen cas daccident du travail survenu dans une entreprise où ont été relevés des manquements graves ou répétés aux règles dhygiène et de sécurité, la juridiction saisie enjoint à lentreprise de lui présenter, pour approbation, un plan de nature à rétablir des conditions normales, sous peine de se voir imposer lexécution dun plan arrêté par le tribunal.
Comme dans dautres domaines du droit pénal, les tribunaux font rarement usage, semble-t-il, de toutes les possibilités de peines et ne prononcent pas la peine maximale. On connaît des cas de condamnation à des peines demprisonnement, mais ils sont rares. Les tribunaux imposent des amendes, mais elles ne se montent quexceptionnellement au maximum prévu.
Il est extrêmement difficile, le plus souvent faute de statistiques précises sur ce point et de la rareté des procédures en matière de sécurité et de santé portées devant la justice, dévaluer les effets dissuasifs respectifs de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale, que ce soit en termes absolus ou en termes relatifs. Il est également difficile de déterminer les rôles respectifs, dans la prévention, de la responsabilité civile, des mesures de sécurité sociale et du respect volontaire des prescriptions. Le droit pénal nen demeure pas moins un facteur de dissuasion, au même titre que les réparations prévues par le droit civil, et ils sont tous deux au service de la prévention des violations en matière de sécurité et de santé au travail.
* Le présent article est fondé sur un texte présenté aux séminaires sur le travail et l'emploi qui ont eu le 13 février 1995 à l'Université de Columbia, sous le patronage du Centre d'études des droits de l'homme.
«La possession du meilleur état de santé quil est capable datteindre constitue lun des droits fondamentaux de tout être humain [...] . Les résultats atteints par chaque Etat dans lamélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous» (Préambule de la Constitution de lOrganisation mondiale de la santé (OMS)).
Luniversalité est un principe fondamental du droit international. Les questions relatives à la sécurité et à la santé au travail lillustrent bien, car aucun travail nest à labri des risques professionnels (citons quelques ouvrages dans lesquels sont exposés les risques en matière de sécurité et de santé encourus dans différents types demplois: Corn, 1992; Corn, 1985; Faden, 1985; Feitshans, 1993; Nightingale, 1990; Rothstein, 1984; Stellman et Daum, 1973; Weeks, Levy et Wagner, 1991).
Les instruments internationaux relatifs aux droits humains et les normes internationales du travail témoignent de la menace universelle que des conditions de travail insatisfaisantes sur le plan de la santé présentent pour les droits fondamentaux de lhomme à la vie et à la sûreté de sa personne. En vertu de larticle 3 de la Déclaration universelle des droits de lhomme proclamée en 1948 (Nations Unies, 1948), «tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne». Dans son Préambule, la Constitution de lOIT déclare que «la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail» est une condition préalable à «une paix universelle et durable». En conséquence, lamélioration des conditions de vie et de travail représente pour lOIT un élément essentiel des droits humains universels.
Comme la montré une exposition organisée au Secrétariat des Nations Unies à New York, des membres du personnel des Nations Unies ont été torturés, emprisonnés, kidnappés et même tués par des terroristes. Dans sa résolution 1990/31, la Commission des droits de lhomme des Nations Unies signale ces risques et fait appel aux Etats Membres pour quils respectent et fassent respecter les droits de lhomme des fonctionnaires internationaux. Ces personnes, qui mettent tout en uvre pour sauver la vie dautres gens en dénonçant publiquement le sort qui leur est réservé et qui adhèrent pleinement aux principes de leur employeur courent autant, sinon plus, de risques que les autres travailleurs, sans que lon se préoccupe de leur sécurité et de leur santé au travail lorsquils établissent leur plan dactivités.
Comme le préconisent les instruments internationaux relatifs aux droits humains, tous les travailleurs ont droit à des conditions de travail sûres et saines, quils exercent leur activité dans les champs, les bureaux ou autres lieux de travail, ou quils soient des télétravailleurs. Ce principe de sécurité et de santé au travail, inscrit dans ces instruments internationaux, a été consacré dans la Charte des Nations Unies (Nations Unies, 1944) et dans la Déclaration universelle des droits de lhomme (Nations Unies, 1948), avant dêtre développé dans les principaux pactes internationaux relatifs aux droits de lhomme tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies, 1966). Il figure dans les grands traités sur les droits humains, comme la Convention internationale sur lélimination de la discrimination à légard des femmes (Nations Unies, 1979), et il sinscrit dans les travaux de lOIT et de lOMS, ainsi que dans des accords régionaux (voir ci-après).
Définir la santé au travail de façon à saisir lampleur des responsabilités des gouvernements et des employeurs aux termes du droit international est tâche difficile; lénoncé le plus pertinent à cet égard se trouve dans le Préambule de la Constitution de lOMS: «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmité.» Le terme «bien-être» est extrêmement important, car il est constamment employé dans les instruments relatifs aux droits humains et dans les conventions internationales se rapportant à la santé. La définition elle-même est tout aussi importante; en effet, son libellé révèle un consensus: la santé est le résultat dune interaction de plusieurs facteurs complexes, à savoir le bien-être physique, mental et social, le tout étant évalué en fonction dun niveau suffisant de bien-être, qui va au-delà de la simple «absence de maladie ou dinfirmité». Le sens même de cette expression ne se rapporte pas à des normes de santé précises, mais elle se prête à une interprétation et à une application souples.
La sécurité de la personne est un aspect de la protection du droit à la santé, et les bases légales de lapplication des droits humains à cette protection constituent un solide corpus de normes internationales du travail. Par conséquent, il faut encore déterminer si le droit à la sécurité et à la santé au travail relève des droits humains internationaux et, dans laffirmative, trouver des mécanismes qui en garantissent lapplication. Par la suite, il faudra mettre au point de nouvelles méthodes pour régler les questions touchant au respect des normes, afin de protéger effectivement les droits humains au siècle prochain.
La protection du droit à la santé est lun des principes constitutionnels fondamentaux de nombreux pays. En outre, chacun saccorde à penser quil importe de garantir des emplois sûrs et sains, comme en témoignent plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits humains, faisant ainsi écho aux principes juridiques reconnus, en vertu desquels la législation nationale ou locale ou la constitution garantissent la protection de la santé. Des lois exigeant des inspections en vue de prévenir les accidents du travail ont été adoptées en Belgique en 1810, en France en 1841 et en Allemagne en 1839 (les examens médicaux y ont été rendus obligatoires en 1845). La question «des droits» aux soins médicaux et à des mesures de protection sanitaire a été soulevée lors de lexamen dune ratification éventuelle, par les Etats-Unis, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Grad et Feitshans, 1992). Des questions plus vastes, portant sur le droit de toute personne de préserver sa santé ont été abordées, sans être totalement réglées, dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration universelle des droits de lhomme, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 7 et 12) et dans le cadre des normes adoptées ultérieurement par lOIT, lOMS et dautres institutions spécialisées des Nations Unies.
Dans la Charte des Nations Unies, les Etats Membres se déclarent résolus «à favoriser» le progrès économique et social et à «instaurer de meilleures conditions de vie», notamment à «faciliter [...] la jouissance des droits de lhomme» (art. 13). Reprenant les termes du mandat constitutionnel donné à lOIT par le Traité de Versailles, larticle 55 établit expressément un lien entre la création de «conditions de stabilité et de bien-être nécessaires» pour assurer la paix, le «relèvement des niveaux de vie» et le «respect universel et effectif des droits de lhomme et des libertés fondamentales pour tous». Le débat sur linterprétation de ces expressions, et la question de savoir si elles englobent tout ou une partie des droits constitutionnels reconnus aux Etats Membres des Nations Unies, a été politisé à lexcès durant toute la guerre froide.
Ces documents fondamentaux présentent tous une lacune: ils décrivent en termes vagues ce que sont la protection de la vie, la sûreté de la personne et les droits économiques liés à lemploi, sans faire explicitement mention de la sécurité et de la santé au travail. Chacun dentre eux utilise la rhétorique des droits humains garantissant un état de santé «satisfaisant» et des droits connexes, mais il est difficile den dégager un consensus sur la qualité des soins ou les «meilleures conditions de vie» nécessaires pour assurer cette protection.
Bien quaucune interprétation nen ait été donnée par la jurisprudence, larticle 3 de la Déclaration garantit le droit à la vie de tout individu et, donc, le protège contre les risques professionnels et les conséquences des accidents du travail et des maladies professionnelles.
La Déclaration universelle des droits de lhomme contient un ensemble restreint, mais important, de droits relatifs à lemploi et à des «conditions [...] satisfaisantes de travail». Les principes énoncés dans ces trois articles découlent de lhistoire, et lon en trouve même la trace dans des lois plus anciennes. Qui veut étudier la santé au travail se heurte ici à une difficulté: en effet, la Déclaration est un document très important et très largement accepté par la communauté internationale, mais elle ne traite pas expressément de la sécurité et de la santé au travail. Elle mentionne la sûreté de la personne, la qualité des conditions de travail et la qualité de la vie et lon peut en déduire que la sécurité et la santé au travail sinscrivent dans les droits quelle proclame. Par exemple, bien quelle ne définisse pas le droit à des «conditions [...] satisfaisantes de travail», il ne fait aucun doute que les risques en matière de sécurité et de santé au travail influent sur le respect de ces valeurs sociales. De plus, la protection des droits de la personne sur les lieux de travail doit préserver la «dignité humaine», ce qui a des conséquences non seulement pour la qualité de la vie, mais également pour la mise en uvre de programmes et de stratégies visant à empêcher la dégradation des conditions de travail. La Déclaration universelle des droits de lhomme ne dessine à grands traits quun schéma dont, pourtant, lutilité pour laction internationale en matière de sécurité et de santé au travail ne saurait être contestée.
Les principes énumérés aux articles 6 et 7 b) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui reconnaissent à tous les travailleurs le droit à des «conditions de travail justes et favorables», renforcent le sens et lapplication de ces droits. Aux termes de larticle 7, ce droit comprend la rémunération et la durée du travail (art. 7 (1) a) i)), ainsi que «la sécurité et lhygiène du travail» (Summers, 1992). La mention de ce dernier point, qui illustre ce quil faut entendre par «conditions de travail favorables», donne plus de poids à la protection accordée par la Déclaration universelle des droits de lhomme et montre clairement le lien qui existe entre les principes en la matière et la protection de la sécurité et de la santé au travail, sur laquelle insiste encore larticle 12 du pacte.
De tous les documents des Nations Unies sur les droits de lhomme, cest le Pacte qui, à larticle 12, traite le plus clairement et le plus résolument de la santé: il mentionne le droit à la protection de la santé, qui doit être assuré grâce à lamélioration de l«hygiène industrielle» et à la prévention des «maladies professionnelles». On peut noter aussi la concordance de larticle 12 sur lamélioration de lhygiène industrielle et de larticle 7 b) sur la sécurité et lhygiène du travail. Pourtant, cette garantie expresse de protection en la matière noffre aucune explication détaillée de ces droits et nénumère pas les mesures qui pourraient être prises pour atteindre les objectifs du Pacte. Dans la même ligne que les principes énoncés dans nombre de documents internationaux relatifs aux droits de lhomme, larticle 12 reprend délibérément la notion de santé qui figure dans la Constitution de lOMS. Il ne fait pas de doute que, selon larticle 12, la sécurité et la santé au travail sont partie intégrante des préoccupations concernant la santé et le bien-être personnel:
1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qua toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental quelle soit capable datteindre [...].
2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue dassurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer: [...]
b) lamélioration de tous les aspects de lhygiène du milieu et de lhygiène industrielle;
c) la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies; [...]
Fait révélateur, larticle 12 mentionne les conséquences des maladies professionnelles sur la santé, reconnaissant et justifiant ainsi quun domaine quelquefois controversé de la médecine du travail relève de la protection des droits de lhomme. Toujours selon cet article, les Etats parties reconnaissent le droit à la santé physique et mentale indirectement proclamé dans la Déclaration universelle des droits de lhomme (art. 25), dans la Déclaration américaine des droits et des devoirs de lhomme, dans la Charte africaine des droits de lhomme et des peuples, dans la Charte sociale européenne et dans la nouvelle version de la Charte de lOrganisation des Etats américains (OEA) (voir ci-après). De plus, au paragraphe 2, ils sengagent à prendre au moins quatre «mesures» pour assurer «le plein exercice» de ce droit.
Comme nous lavons dit, larticle 12 ne donne pas une définition de la «santé», mais utilise en partie celle qui figure dans la Constitution de lOMS. Selon Grad et Feitshans (1992), le premier paragraphe du projet de pacte préparé sous les auspices de la Commission des droits de lhomme définissait bel et bien le terme en reprenant toute la définition figurant dans la Constitution de lOMS, soit: «un état de complet bien-être physique, mental et social, et non seulement labsence de maladie ou dinfirmité». A linstar de lOIT, qui a participé à la mise au point des articles 6 à 11 du Pacte, lOMS a apporté une aide technique à la rédaction de larticle 12. La Troisième Commission des Nations Unies na pas accepté, malgré les efforts de lOMS, dinclure une définition de la santé, arguant quun détail de ce genre navait pas sa place dans un texte juridique, quaucune autre définition ne figurait dans les autres articles du pacte et, enfin, que la définition proposée était incomplète.
Les expressions «hygiène du milieu» et «hygiène industrielle» figurent dans les travaux préparatoires, mais sans être assorties dune interprétation. Citant dautres résolutions adoptées par la 32e Assemblée mondiale de la santé, en 1979, lOMS se déclare préoccupée de «lintroduction non contrôlée de certains procédés industriels et agricoles comportant des risques sur les plans physique, chimique, biologique et psychosocial» et note que lAssemblée demande instamment aux Etats Membres de «développer et de renforcer les institutions de médecine du travail et de prendre des mesures pour écarter les risques sur les lieux de travail» (Grad et Feitshans, 1992). Bien quil ait été reconnu dans de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de lhomme, le «droit qua toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale quelle soit capable datteindre» est un objectif que se proposent manifestement les employeurs, les travailleurs et les gouvernements de nombreux pays, mais qui, malheureusement, est toujours aussi imprécis quuniversel.
La Convention sur lélimination de la discrimination à légard des femmes (1979) proclame, à larticle 11 (1) a), le «droit au travail en tant que droit inaliénable de tous les êtres humains» et, à lalinéa f) du même article, «le droit à la protection de la santé et à la sécurité des conditions de travail, y compris la sauvegarde de la fonction de reproduction».
Larticle 11 (2) a) interdit, «sous peine de sanctions, le licenciement pour cause [...] de congé de maternité», sujet qui est, depuis longtemps, source de graves différends et de violations des droits humains dans lordre juridique de nombreux Etats Membres des Nations Unies. Ces questions importantes nont pas encore été réglées dans la jurisprudence relative à la grossesse. Ainsi, larticle 11 (2) vise clairement à faire disparaître une discrimination institutionnelle qui est ancrée dans la loi depuis des générations et qui est le fruit dune fausse idée sur la capacité de travail des femmes enceintes ou des mères de famille. La jurisprudence relative à la grossesse montre bien les hésitations de la justice entre protectionnisme et paternalisme pendant tout le XXe siècle. [Les décisions de la Cour suprême des Etats-Unis oscillent entre le désir de limiter la durée de travail des femmes, au motif quelles doivent rester au foyer pour élever les enfants (Muller v. the State of Oregon, 208 U.S. 412 (1908)) et linterdiction de la stérilisation forcée des femmes exposées sur leur lieu de travail à des produits nocifs pour la reproduction (UAW v. Johnson Controls, 499 U.S. 187 (1991)) (Feitshans, 1994)]. Il reste une trace de ces hésitations dans le texte de larticle 11 (2) d) puisque la «protection spéciale», qui est souvent indispensable pour prévenir les effets inégalement dangereux des conditions de travail, est souvent jugée à tort comme étant bénéfique.
Aux termes de larticle 11 (2) d) de la Convention, les Etats Membres sengagent à «assurer une protection spéciale aux femmes enceintes dont il est prouvé que le travail est nocif». Cette disposition suscite de nombreuses questions: quentend-on par «protection spéciale»? Les effets dun travail nocif sexercent-ils seulement pendant la grossesse? Que fait-on pour protéger le ftus? Par ailleurs, la Convention ne précise pas le niveau de preuve exigé pour rendre «la protection spéciale» nécessaire ou acceptable, ni la portée dun mécanisme de protection approprié.
Larticle 11 (3) limite la portée de la «protection spéciale» en spécifiant que la mise en uvre de mesures visant à protéger la santé et à assurer la sécurité au travail doit être fondée sur des connaissances scientifiques, et non sur des valeurs sociales: «Les lois visant à protéger les femmes dans les domaines visés par le présent article seront revues périodiquement en fonction des connaissances scientifiques et techniques et seront révisées, abrogées ou étendues, selon les besoins.» Il faut également définir des méthodes de contrôle et dévaluation des risques, afin que les mesures dexclusion inappropriées, par exemple la stérilisation obligatoire pour conserver ou obtenir un emploi, soient considérées comme des violations graves des droits humains et, donc, condamnées par la Convention. Ces problèmes épineux ont été portés devant la justice et soulèveront des questions de plus en plus délicates sur la mise en uvre et le respect des principes inscrits dans la Convention, au fur et à mesure que lépidémiologie professionnelle découvrira dautres risques pour la reproduction et mettra en lumière la nécessité de mesures de prévention efficaces.
Les auteurs de la Convention ont suivi le modèle établi par lOIT et prévu un mécanisme détaillé dexamen et de contrôle de son application, à savoir la présentation de rapports périodiques obligatoires au Comité pour lélimination de la discrimination à légard des femmes. Conformément à la procédure de celui-ci, telle quétablie à larticle 18, les Etats parties à la Convention «sengagent à présenter [...] un rapport sur les mesures dordre législatif, judiciaire, administratif ou autre quils ont adoptées pour donner effet [à ces] dispositions» dans lannée suivant leur entrée en vigueur et, par la suite, tous les quatre ans; les difficultés dapplication rencontrées peuvent être signalées dans les rapports. La mise au point des normes requises pour définir les stratégies de prévention des risques professionnels concernant la reproduction est une question qui doit trouver sa place dans les rapports, aux fins dun échange dinformations essentielles sur lapplication de la Convention.
Le préambule de la Convention (adoptée à San José de Costa Rica en novembre 1969) se réfère aux droits économiques et sociaux et, larticle 4, au droit à la vie. Ce texte ne mentionne pas expressément que la santé ou les conditions de travail sont des droits fondamentaux protégés dans dautres traités. Cependant, point important pour la mise en uvre des droits de lhomme, la Convention établit une commission et une cour des droits de lhomme; la Commission interaméricaine des droits de lhomme est habilitée à demander des renseignements sur les mesures prises en la matière aux gouvernements des Etats Membres soupçonnés davoir violé les droits de lhomme. La Convention ne traite toutefois pas directement des problèmes de sécurité et de santé au travail que rencontrent les travailleurs dans le système interaméricain.
La Charte africaine des droits de lhomme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Banjul (Gambie) (Nations Unies, 1990), a des vues originales sur les concepts établis en matière de droits de lhomme tels quils sont exposés dans les instruments internationaux. Comme Alston (1984) la analysée sur le plan théorique et sans nommer cet instrument cette charte a manifestement opéré une percée en matière de protection internationale et dapplication des droits de lhomme à tout être humain. Cet instrument, de large portée, reconnaît le droit à un environnement sain, les droits politiques et les droits relatifs aux aspects durables du développement. Il est intéressant de noter quelle ne traite ni de la protection des conditions de travail ni de la sécurité et de la santé au travail, contrairement à la Charte sociale européenne. Dans la même veine que la Déclaration universelle des droits de lhomme, larticle 4 de la Charte africaine interdit les violations des droits de lhomme, tout être humain ayant «droit au respect de sa vie et à lintégrité [...] de sa personne». De même, larticle 6 de la Charte garantit la sécurité de la personne, comme le fait larticle 3 de la Déclaration universelle.
Reprenant en partie le libellé de la Constitution de lOMS, qui est devenue la référence en matière des droits de la personne humaine à la santé, larticle 16 déclare que «toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale quelle soit capable datteindre» et que les Etats parties à la Charte «sengagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer lassistance médicale en cas de maladie».
A linstar de nombreux autres instruments internationaux relatifs aux droits humains, la Charte africaine établit un mécanisme dexamen et de contrôle de son application, la Commission africaine des droits de lhomme et des peuples. Les Etats peuvent demander lexamen des cas de violation des droits de lhomme par dautres Etats, à condition davoir épuisé tous les recours prescrits. Cette procédure est décrite en détail aux articles 30 à 59 de la Charte.
La première partie de la Charte sociale européenne (signée à Turin le 18 octobre 1961 et promulguée en 1965) déclare, aux points 2 et 3, respectivement, que «tous les travailleurs ont droit à des conditions de travail équitables» et que «tous les travailleurs ont droit à la sécurité et à lhygiène dans le travail». Larticle 3 de la partie II de la Charte, qui porte sur «le droit à la sécurité et à lhygiène dans le travail», précise les engagements des parties contractantes en vue dassurer lexercice effectif de ce droit. Contrairement à dautres instruments internationaux relatifs aux droits humains, la Charte sociale européenne mentionne ladoption de mesures de contrôle de lapplication des règlements de sécurité et dhygiène, comme aussi la mise en uvre et le respect des normes internationales. Ainsi, aux termes de larticle 3 (2) et (3), respectivement, les parties contractantes sengagent «à édicter des mesures de contrôle de lapplication de ces règlements» et «à consulter, lorsquil y a lieu, les organisations demployeurs et de travailleurs sur les mesures tendant à améliorer la sécurité et lhygiène au travail». Cet article capital est renforcé par un mécanisme, défini aux articles 21 et 22, qui prévoit lexamen, par un comité dexperts, des rapports périodiques sur lapplication des dispositions acceptées.
En plus de son approche remarquablement générale des mesures de protection des droits humains, en particulier sur le plan de la sécurité et de la santé au travail, il faut relever que la Charte sociale européenne présente de façon claire et concluante le canevas des activités futures en vue de lapplication et du respect de ses dispositions. Par exemple, la réglementation et le contrôle mentionnés à larticle 3 sont conciliables avec le contrôle de lapplication au niveau international par les parties contractantes et par les organisations non gouvernementales, tant dans le système européen que dans leur domaine de juridiction. Le concept de la consultation entre les employeurs et les travailleurs, énoncé à larticle 3 (3), est plus quun simple reflet de la structure tripartite de lOIT; il laisse présager la généralisation des comités de sécurité réunissant les travailleurs et les directions pour assurer le respect des droits internationaux de lhomme en matière demploi.
Dans son Préambule, la Constitution de lOIT déclare que «la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail» est une condition préalable à une «paix universelle et durable». Lamélioration des conditions de vie et de travail est donc un élément fondamental des conventions et des recommandations internationales du travail. Selon Johnston (1970), le principe sous-jacent est lexclusion souhaitable de la concurrence internationale de certains besoins fondamentaux de lhomme, afin dassurer des normes minimales de solidarité et de dignité humaine. Bien quaujourdhui, lOIT nait pas lautorité universelle lui permettant dexclure du marché du travail légitime un employeur qui ne se conforme pas à ses normes, Friedman (1969) envisage un plus grand rôle pour lOrganisation lorsquil déclare que le jour nest pas loin où les normes et les directives de lOIT lui donneront cette autorité et que la dénonciation de la non-observation des règles entraînera lexclusion du marché international du travail.
LOIT a encouragé la création de normes cohérentes sur les problèmes de sécurité quune convention ne saurait traiter sans empiéter sur les compétences des Etats souverains. Par exemple, les Recueils de directives pratiques du BIT ont servi de base à la législation nationale dans des domaines tels que les manutentions portuaires, les transferts de technologies dans les pays en développement, la construction et les diverses industries lourdes. Ces recueils, qui servent parfois de modèles, après quelques modifications, à des projets de loi, témoignent des préoccupations exprimées dans plusieurs conventions internationales du travail relatives à la sécurité et à la santé au travail: la convention (no 32) sur la protection des dockers contre les accidents (révisée), 1932, la convention (no 62) concernant les prescriptions de sécurité (bâtiment), 1937, la convention (no 77) sur lexamen médical des adolescents (industrie), 1946, la convention (no 78) sur lexamen médical des adolescents (travaux non industriels), 1946, la convention (no 119) sur la protection des machines, 1963, la convention (no 120) sur lhygiène (commerce et bureaux), 1964, la convention (no 152) sur la sécurité et lhygiène dans les manutentions portuaires, 1979, et la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981 (cette dernière est discutée plus en détail ci-après).
Depuis sa création, lOIT encourage la promotion de meilleures conditions de travail. Au début, ses efforts visaient particulièrement les accidents et les réparations dues aux travailleurs accidentés, comme en témoignent les premières conventions, par exemple la convention (no 32) sur la protection des dockers contre les accidents (révisée), 1932, la convention (no 62) concernant les prescriptions de sécurité (bâtiment), 1937, et les conventions sur les examens médicaux des travailleurs et la protection des machines. En posant des exigences précises aux fins de la prévention des accidents, ces conventions ont servi de précédents à des normes reprises aujourdhui dans les règlements de sécurité au travail de nombreux pays. Elles reflètent la ferme conviction que la protection contre les accidents du travail est un droit dont jouissent tous les travailleurs.
Conformément à ce principe, larticle 3 e) de la convention no 155 déclare que «le terme santé, en relation avec le travail, ne vise pas seulement labsence de maladie ou dinfirmité; il inclut aussi les éléments physiques et mentaux affectant la santé directement liés à la sécurité et à lhygiène du travail». Cette définition a lair simple et complète à la fois, mais elle témoigne de linteraction complexe entre les expositions dangereuses sur les lieux de travail, le mode de vie de chacun et les facteurs environnementaux qui influent sur les conditions de travail (Mausner et Kramer, 1985). De plus, cette approche est multidimensionnelle, puisquelle prend en considération des éléments tant physiques que mentaux de la santé et du bien-être et, donc, les effets du stress professionnel et dautres problèmes mentaux.
La convention no 155 contient un point essentiel: la création de mécanismes efficaces dapplication et de contrôle dautres normes de lOIT au niveau national et dans lentreprise. Telle quelle a été adoptée par la Conférence internationale du Travail, à sa 67e session, 1981, la convention no 155 favorise la définition, la mise en application et le réexamen périodique des normes en matière de sécurité et de santé au travail parmi les Etats Membres de lOIT. Par exemple, larticle 4 (1) expose lobjet de la convention, à savoir définir une «politique nationale cohérente» en matière de sécurité et de santé au travail. A cette fin, la convention oblige les Etats Membres qui la ratifient à favoriser la recherche, à rassembler des données statistiques sur lexposition à des substances dangereuses (mesures de surveillance médicale, normes techniques) et à encourager léducation et la formation des travailleurs. La terminologie est générale de façon que la convention serve de cadre à la réglementation. Un Etat ne peut exclure de lapplication de la convention des catégories de travailleurs quaprès avoir consulté les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs et, aux termes de larticle 2 (3), cette exclusion entraîne lobligation de rendre compte de «tout progrès accompli sur la voie dune plus large application». La convention favorise enfin la formation des «organisations représentatives», ainsi que la participation des travailleurs à lélaboration et à lapplication des règlements en matière de sécurité et de santé au travail dans lentreprise et au niveau national.
Le BIT est à lorigine de plusieurs conventions traitant de la réparation des accidents du travail qui ont été adoptées par la Conférence (BIT, 1996a).
Mentionnons la convention (no 12) sur la réparation des accidents du travail (agriculture), 1921, la convention (no 17) sur la réparation des accidents du travail, 1925, la convention (no 18) sur les maladies professionnelles, 1925, la convention (no 24) sur lassurance-maladie (industrie), 1927, la convention (no 25) sur lassurance-maladie (agriculture), 1927, et la convention (no 130) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969. En règle générale, presque tous les Etats Membres de lOIT ont adopté des mesures législatives sur lindemnisation des travailleurs. Ces dispositions représentent un compromis, motivé par des considérations économiques, plutôt que par les droits de lhomme; en effet, elles assurent soins et assistance aux travailleurs accidentés, elles remplacent les aléas dune action en justice par un système de paiement déterminé à lavance qui nexamine pas la question de la faute, et elles fixent un plafond aux prestations versées aux victimes daccidents du travail ou de maladies professionnelles (cest ainsi quaux Etats-Unis la loi annotée de 1982 sur les accidents du travail de la Virginie prévoit que les actes volontaires qui ont un lien avec les obligations du contrat de travail ouvrent droit à réparation). Délais, déclarations incomplètes, montant des prestations peu élevé et les conflits sont monnaie courante lorsque les soins médicaux sont couverts par ces systèmes distincts. Malgré ces limites pratiques à son efficacité, l«universalité» de ces protections aux Etats-Unis et en droit international témoigne dune volonté de la société de faire payer cher les conditions de travail dangereuses et dapporter un secours financier aux travailleurs accidentés.
Selon Alston (1984), lOIT est un modèle international pour les exigences en matière de procédure, et cest ce qui, selon lui, légitime la proclamation de nouvelles normes. Les procédures de lOIT comprennent notamment: la rédaction dune étude préliminaire des lois pertinentes dans les Etats Membres, suivie dune décision du Conseil dadministration dinscrire la question à lordre du jour de la Conférence internationale du Travail qui a lieu une fois lan, et lenvoi par le BIT dun questionnaire aux Etats Membres. Une fois le projet confié à une commission technique, un instrument provisoire est présenté, pour observations, aux Etats Membres et aux représentants des travailleurs et des employeurs; une version révisée est ensuite préparée et soumise à la commission technique compétente, examinée en séance plénière, envoyée au comité de rédaction et soumise à la Conférence pour adoption. Cette façon de procéder permet une large discussion entre tous les mandants de lOrganisation. Pour un examen approfondi des mécanismes de présentation des rapports à lOIT, voir la section du présent chapitre intitulée «LOrganisation internationale du Travail».
Ces procédures, établies en 1926 au moment de la création de la Commission dexperts pour lapplication des conventions et recommandations, ont éveillé un écho dans le système international. Par exemple, la formule de rapport du BIT a servi de modèle à la Convention sur lélimination de toutes les formes de discrimination à légard des femmes: aux termes de son article 18, les Etats parties doivent présenter au comité constitué à cette fin un rapport sur les mesures prises en vue de la mise en demeure et de lapplication des dispositions de la Convention un an après la ratification de cette dernière et, par la suite, tous les quatre ans. Dautres procédures de contrôle de lapplication des normes et des conventions internationales du travail comprennent, entre autres, les missions de contacts directs (pour un excellent exposé des fonctions de médiation et de conciliation du BIT dans les missions de contacts directs, voir Samson, 1979), les commissions denquête, qui sont chargées de faire la lumière sur les manquements graves aux conventions ratifiées et le contrôle périodique au moyen de rapports à la Conférence et au Conseil dadministration. Les mécanismes de présentation et dexamen des rapports sont lents, mais leur valeur est indiscutable; ils constituent un élément important dun processus beaucoup plus vaste de mobilisation de lopinion mondiale en faveur dun changement dattitude à légard des questions de travail.
Dans un hommage rendu à M. José María Ruda, président de la Commission dexperts pour lapplication des conventions et des recommandations, on peut lire dans Travail (BIT, 1994): «Ni la Commission dexperts ni la Commission des normes de la Conférence na compétence pour imposer des sanctions quelles quelles soient. Il nen demeure pas moins que leurs conclusions sont considérées le plus souvent comme des sanctions politiques ou morales». Cette observation souligne un fait qui a toujours été une source de frustrations pour la Commission, même si elle senorgueillit de sa capacité dinfluencer certains gouvernements lorsque les conditions sy prêtent.
Dans la Déclaration dite dAlma-Ata, issue de la Conférence internationale sur les soins de santé primaires organisée par lOMS et lUNICEF à Alma-Ata (URSS), du 6 au 12 septembre 1978, lOMS a lancé un programme international, connu sous le nom de «La santé pour tous dici lan 2000» (OMS, 1978). Il sagit dun effort concerté pour améliorer, partout dans le monde, la qualité de la santé et la prestation des services de santé, en particulier en ce qui concerne les soins primaires. Bien que la sécurité et la santé au travail ne figurent pas en toutes lettres dans la déclaration, elles sont mentionnées parmi les questions qui font lobjet de la stratégie adoptée; la mise en place de mesures sanitaires de base a été encouragée par la publicité qui leur a été faite et lélaboration de programmes visant à ce que la santé pour tous dici lan 2000 devienne une réalité.
En conformité avec la lettre et lesprit de la Constitution de lOMS, la Déclaration dAlma-Ata souligne «la nécessité dune action urgente de tous les gouvernements, de tous les personnels des secteurs de la santé et du développement ainsi que de la communauté internationale pour protéger et promouvoir la santé de tous les peuples du monde». Il convient de souligner que larticle I de la Déclaration réaffirme que «la santé [...] est un droit fondamental de lêtre humain, et que laccession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier». Larticle III déclare que «la promotion et la protection de la santé des peuples sont la condition sine qua non dun progrès économique et social soutenu en même temps quelles contribuent à une meilleure qualité de la vie et à la paix mondiale». De plus, la conférence dAlma-Ata a jeté les bases de stratégies concrètes permettant datteindre ces objectifs et, sur le plan de la sécurité et de la santé au travail, la déclaration a entraîné la mise en place déquipements de santé au travail dans les stratégies nationales, régionales et internationales. Donnant suite au plan daction de lOMS «La santé pour tous dici lan 2000: stratégies», lOrganisation panaméricaine de la santé (OPS) a lancé des activités régionales où les questions de sécurité et de santé au travail sont prises en compte dans la mise en place détablissements de formation et lélaboration de programmes de santé (OPS, 1990).
Lors de la deuxième réunion des Centres collaborateurs de lOMS pour la santé des travailleurs (Beijing, octobre 1994), les participants ont approuvé la Déclaration sur la santé pour tous au travail. Cette déclaration, dite de Beijing, sinspire manifestement de la Déclaration dAlma-Ata sur les soins primaires et de nombreux instruments de lOIT concernant la sécurité et la santé au travail. En soulignant que 100 millions de travailleurs sont blessés et que 200 000 meurent chaque année dans des accidents du travail, et quentre 68 et 157 millions de cas nouveaux de maladies professionnelles sont dus à «des charges de travail et à des expositions nocives», la Déclaration de Beijing préconise «partout dans le monde des stratégies et des programmes nouveaux en matière de santé des travailleurs» et affirme que les programmes de santé au travail «ne sont pas une charge vaine, mais quils ont un effet positif et productif sur léconomie de lentreprise et celle du pays», doù leur lien avec la notion de développement durable. La Déclaration invite également les gouvernements à mettre en place les infrastructures nécessaires, notamment des services de santé au travail avec surveillance médicale et promotion de la santé, et à resserrer les liens entre les activités de santé au travail et autres activités connexes, dune part, et les politiques et programmes parrainés par lOMS, dautre part.
LOMS collabore avec lOIT dans le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail institué en 1946. Au cours de sa première session (1950), le Comité a adopté la définition suivante: «La médecine du travail a pour but de promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; de prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de leur travail; de les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence dagents préjudiciables à leur santé; de placer et de maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme, dadapter le travail à lhomme et chaque homme à sa tâche.»
Etant donné quil nexiste aucun mécanisme expressément conçu pour faire respecter les droits en matière de sécurité et de santé au travail, on pourrait soutenir quil ny a aucune jurisprudence concernant le droit qua toute personne de protéger sa vie ou sa santé sur les lieux de travail, si ce nest quelques interprétations inhabituelles et, au mieux, forcées et contraintes des principaux instruments concernant les droits de lhomme. Par exemple, larticle 3 de la Déclaration universelle des droits de lhomme affirme que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne, sans faire mention de lenvironnement ou du milieu de travail dans lequel cette protection peut ou devrait sexercer. En outre, étant donné quaucune sanction pénale ou autre nest prévue en cas de violation des droits de lhomme en général (à moins quil ne sagisse de violations grossières telles que lesclavage, le génocide, les crimes de guerre et lapartheid) et quaucune norme nexige des sanctions internationales en cas datteintes à la sûreté de la personne provoquées par des risques pour la sécurité et la santé au travail, il faut envisager des solutions de rechange à lapplication traditionnelle des lois, si lon veut que les mesures de protection en matière de sécurité et de santé au travail deviennent réalité.
Comme nous lavons vu, de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits humains expriment lidée que la sécurité et la santé au travail sont un droit fondamental de la personne humaine, notamment lorsquil est question du droit de tout individu à la vie, au bien-être et à la sûreté de sa personne. La protection de ces droits est également prévue dans un ensemble dinstruments internationaux qui ne relèvent pas habituellement des droits de lhomme. Tout bien considéré, on peut donc conclure que le droit à un lieu de travail salubre est une norme acceptée en droit international. Le droit interne des Etats se heurte toutefois au même problème que le système international: la faible protection des conditions de travail en général et de la santé au travail en particulier soulève des questions complexes qui découlent des contradictions entre, dune part, les stratégies de prévention, qui visent de larges segments dune population donnée afin de réduire la propagation de la maladie ou les effets de risques précis et, dautre part, lopinion populaire, qui soppose à labrogation provisoire de certains droits individuels de voyager, dentreprendre certaines activités ou de faire du commerce, afin de protéger le droit qua tout individu de bénéficier de mesures de protection de la santé au travail. Il est donc difficile de déterminer avec certitude dans quelle mesure cette gamme de droits en matière de sécurité et de santé au travail pourrait être appliquée au niveau international ou dans chacun des Etats en vue daméliorer concrètement les conditions de travail de tous. Peut-on tenir la promesse de protéger ces droits de lhomme dans les nouveaux établissements et lieux de travail et dans les règles établies du système international?
La codification de la notion jurisprudentielle de protection en matière de sécurité et de santé au travail se retrouve donc dans le domaine des droits de lhomme. Par conséquent, la mise en uvre et le contrôle de ces mesures de protection représentent une première étape dans la défense des droits de lhomme au XXIe siècle. Voyons maintenant quelles nouvelles approches permettraient de régler ces problèmes.
Dès ladoption de la Charte des Nations Unies, les sceptiques ont mis en doute la possibilité de faire appliquer le droit international public, en particulier dans les domaines liés à la prévention des graves violations des droits de lhomme. Dans le système international, cette prévention comporte au moins deux étapes: 1) la codification des principes; 2) les mesures touchant la mise en uvre et le respect des normes. En règle générale, cela suppose une société organisée, disposant des institutions judiciaires traditionnelles et des procédures dexécution pour réprimer et décourager les «vilains» qui refusent de respecter les objectifs et les valeurs communes du système. Il est difficile de mettre en uvre et de faire respecter les droits de lhomme en général et la salubrité des lieux de travail en particulier. Cinquante ans après la rédaction de la Charte des Nations Unies, il existe un système international viable et relativement efficace pour mettre des normes par écrit, mais tout reste à faire pour mettre en place des mécanismes de contrôle de leur application. Il faut donc examiner les questions essentielles qui surgissent: quels sont les modèles non coercitifs permettant dassurer la meilleure protection possible de la sécurité et de la santé au travail? Comment encourager, sans recourir à la loi, le respect des mesures de protection des droits de lhomme en matière de sécurité et de santé au travail?
Les limites inhérentes au système international lempêcheront dassurer lapplication de tout ensemble de principes ou de normes de protection en matière de sécurité et de santé au travail tant que ce système ne disposera pas de pouvoir dexécution ou nencouragera pas le respect des normes par des mesures positives. Il nest toutefois pas dusage, au niveau international, de prendre des mesures quantifiables en matière de sécurité et de santé au travail, comme le montre la convention (no 162) sur lamiante, 1986. Larticle 11 (1) de cette convention interdit lutilisation du crocidolite, mais le paragraphe 2 du même article en restreint la portée. En effet, aucun mécanisme officiel dinspection nest institué et chargé de veiller à la suppression des risques ou dimposer des sanctions; seule est prévue une surveillance limitée par les institutions aux fins de la présentation de rapports. En outre, la convention ne fixe aucune limite dexposition et laisse le soin à lautorité compétente du pays de le faire. Par conséquent, en labsence de pouvoir exécutif et de mesures incitant au respect des normes par les Etats ou les organisations demployeurs, la présentation des rapports à elle seule limite en pratique lapplication des principes et des lois relatifs aux droits de lhomme (Henkin, 1990). Pour cet auteur, «le droit international est toujours en train de sexcuser [...] pour justifier sa propre existence parce quil na ni gouvernement ni organes exécutifs».
Bien que le système international ait la capacité reconnue de limiter les agressions entre les Etats, comme en témoignent les relations diplomatiques, il est rare quil puisse imposer à ceux quon appelle les «vilains» les sanctions ou les peines couramment appliquées en vertu des lois nationales. Cest pourquoi on commence à entendre, dans les couloirs des Nations Unies et dans les conférences internationales auxquelles participent des ONG, des plaidoyers en faveur de lapplication des mesures internationales de protection des droits de la personne humaine. Faute dun système prévoyant lapplication de sanctions, damendes ou de peines pour punir et dissuader, il faut songer à instituer sans tarder des mécanismes efficaces de mise en uvre et de contrôle de lapplication des mesures internationales de protection des droits humains en matière de sécurité et de santé au travail. Ces méthodes, destinées à assurer un contrôle «interactif», permettraient de combler cette lacune, à condition dêtre associées avec des stratégies pratiques visant à encourager lamélioration des conditions de travail dans tout le système international (Feitshans, 1993). Il y a donc une demande réelle de mécanismes de contrôle qui donneront au système de présentation des rapports, fragile et sous-estimé, une dimension allant au-delà du dialogue, pour reprendre les termes de K. T. Samson, ancien chef du Service de lapplication des normes du Bureau international du Travail.
Maintenant que le système international a réussi à codifier les normes universelles relatives aux droits humains, daucuns suggèrent que le moment est venu de faire porter les efforts de la communauté internationale sur leur mise en uvre et le contrôle de leur application. Sigler et Murphy (1988), par exemple, ont émis une hypothèse de travail intéressante quil conviendrait de développer: la concurrence entre les organismes, quil sagisse des associations demployeurs ou des Etats Membres des Nations Unies, pourrait être linstrument dune protection efficace en matière de sécurité et de santé au travail, à condition dêtre nourrie par des mesures positives dencouragement plutôt que par le modèle traditionnel de sanctions et de dissuasion. Selon Joseph Murphy, avocat et rédacteur adjoint de Corporate Conduct Quarterly, un bulletin sur lapplication des normes et léthique, on tend désormais à inciter les organisations à exercer elles-mêmes le contrôle nécessaire.
Au cours des cinquante premières années de son existence, lOrganisation des Nations Unies a réussi à codifier les normes internationales concernant le droit de lêtre humain à un milieu de travail sain. Les instruments internationaux relatifs aux droits humains ont toutefois une efficacité implicitement limitée: à part le suivi administratif, aucun mécanisme dapplication et de dissuasion nen assure la mise en uvre. Cette efficacité réduite du système international engendre des frustrations, malgré le nombre impressionnant de documents et de rapports qui saccumulent sur les bureaux de nombreux organes des Nations Unies, parce que, au-delà de la présentation de rapports, ces efforts naboutissent quà une surveillance et à un contrôle restreints. Les traités et les conventions sur lapplication ou la protection des droits à la santé examinés ici ont une part dans cette frustration, malgré les bons résultats obtenus grâce à lutilisation appropriée des mécanismes de présentation de rapports.
Les instruments internationaux relatifs aux droits humains considèrent que les maladies professionnelles sont un aspect de lindustrialisation qui pourrait être évité et ils témoignent également dune conviction partagée, encore que floue, selon laquelle le travail ne devrait ni entraîner la mort ni causer de graves accidents. Conçus pour protéger le droit de toute personne à la sécurité sur les lieux de travail, ces instruments et les principes qui les sous-tendent ne sont pas parfaits. Ils énoncent les droits fondamentaux à la sécurité et à la santé au travail, mais il ne sont pas le nec plus ultra de la qualité de la vie des travailleurs, ni le niveau le plus élevé des améliorations réalisables par des mesures dencouragement positives. Les normes actuelles représentent plutôt le niveau «minimal» de la protection des droits de lhomme sur les lieux de travail et se proposent daméliorer la qualité de la vie de tous les travailleurs.
Au cours des vingt dernières années, les groupes communautaires et les organisations bénévoles ont joué un rôle de plus en plus grand dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Des centaines de groupes dispersés dans une trentaine de pays se portent à la défense des travailleurs et des victimes de maladies professionnelles, en particulier de ceux dont les besoins sur les lieux de travail sont négligés par les syndicats ou les structures administratives. La sécurité et la santé au travail font partie de la mission de nombreuses autres organisations qui luttent pour les droits des travailleurs, ou qui se battent pour des enjeux plus larges comme la santé en général ou les questions féminines.
Parfois, la durée de vie de ces groupes nest pas longue parce que les besoins auxquels ils ont répondu sont pris en considération par des organisations mieux structurées. Cependant, de nombreuses associations communautaires et bénévoles ont maintenant dix ou vingt ans et adaptent leur ordre de priorité et leurs méthodes à lévolution du monde du travail et aux besoins de leurs membres.
Ces organisations ne datent pas dhier. Déjà, au milieu du XIXe siècle, lassociation des soins de santé du syndicat des travailleurs berlinois regroupait des médecins et des travailleurs et dispensait des soins médicaux à 10 000 travailleurs. Avant lessor des syndicats industriels au XIXe siècle, de nombreuses organisations luttaient en faveur dune réduction de la durée hebdomadaire du travail et défendaient les droits des jeunes travailleurs. Aux Etats-Unis, au milieu des années soixante du XXe siècle, les victimes de certaines maladies professionnelles et leurs ayants droit ne parvenant pas à obtenir réparation se sont constituées en organisations.
Néanmoins, ce sont les changements politiques survenus à la fin des années soixante et soixante-dix qui sont à la base de la prolifération récente des groupes communautaires et des organisations bénévoles. Les conditions de travail et les salaires étaient alors au cur de conflits de plus en plus nombreux entre travailleurs et employeurs.
Les nouvelles lois sur la sécurité et la santé dans les pays industriels font écho aux préoccupations accrues des travailleurs et des syndicats en la matière et ont amené, à leur tour, une prise de conscience de la population à cet égard. Bien que, dans la plupart des pays, ces textes aient fait de la sécurité et de la santé un sujet de négociation directe entre employeurs, syndicats et gouvernements, les travailleurs et les victimes de maladies professionnelles et daccidents du travail ont souvent choisi dexercer des pressions en dehors de ces discussions tripartites: à leurs yeux, il ne saurait y avoir de négociation sur des droits aussi fondamentaux que la sécurité et la santé au travail.
Nombre des nouvelles associations bénévoles ont aussi profité du changement dattitude vis-à-vis du rôle de la science dans la société; en effet, les scientifiques sont toujours plus conscients de la nécessité de répondre aux besoins des travailleurs et des communautés, et les qualifications scientifiques des travailleurs se sont améliorées. Plusieurs organisations reconnaissent cette communauté dintérêts dans le nom quelles se sont choisi: par exemple, lAction universitaire et travailleurs (Academics and Workers Action ou AAA, selon le sigle danois), au Danemark, ou la Société pour la recherche participative en Asie (Society for Participatory Research in Asia) dont le siège social est situé en Inde.
Le secteur bénévole lui-même décrit ainsi ses points forts: réaction immédiate aux nouveaux problèmes de sécurité et de santé au travail, structure organisationnelle ouverte, accueil des travailleurs et des victimes de maladies professionnelles et daccidents du travail marginalisés, absence de contraintes institutionnelles sur le plan de laction et de lintervention publiques. La précarité du financement et la difficulté de concilier les manières dagir des bénévoles et des salariés et daffronter les innombrables besoins insatisfaits des travailleurs et victimes de maladies professionnelles sont les principaux obstacles que ce secteur doit surmonter.
La nature éphémère de bon nombre de ces associations a déjà été mentionnée: des seize recensées au Royaume-Uni en 1985, sept subsistaient encore en 1995. Par ailleurs, dans la même période, vingt-cinq autres avaient été créées. Cest là une particularité propre à toutes les organisations bénévoles. Sur le plan interne, elles nont souvent pas de structure hiérarchique et réunissent des délégués ou des membres de syndicats et autres organisations, aussi bien que des victimes daccidents ou de maladies professionnelles. Même si elles ne peuvent se passer des syndicats, des partis politiques et des organes gouvernementaux pour réussir à améliorer les conditions de travail, la plupart choisissent dentretenir avec eux des rapports indirects et de trouver des fonds en puisant à plusieurs sources de financement en règle générale, lEtat, les syndicats, les sociétés commerciales ou dautres sociétés de bienfaisance. De nombreuses autres associations sont entièrement bénévoles, ou font paraître des publications sur abonnements qui ne couvrent que les frais dimpression et de distribution.
Les activités des associations bénévoles peuvent être sommairement classées comme suit: intéressées à un risque précis (maladies, multinationales, secteurs demploi, groupes ethniques, femmes); centres de consultation; services dhygiène professionnelle; publication de bulletins et de magazines; instituts de recherche et établissements déducation; réseaux supranationaux.
Certaines des plus anciennes associations luttent pour les victimes de maladies professionnelles; voici une liste de leurs principaux sujets dintérêt: syndrome dintolérance aux produits chimiques, amiantose, anthracose, byssinose, syndrome de karoshi (mort subite due au surmenage), lésions dues à une hypersollicitation, victimes daccidents, sensibilité à lélectricité, santé des travailleuses, santé des travailleurs issus de la communauté noire et des minorités ethniques, asbestose, pesticides, fibres minérales artificielles, micro-ondes, terminaux à écran de visualisation, risques inhérents aux métiers artistiques, travaux de construction, Bayer, Union Carbide, Rio Tinto Zinc.
Le fait de concentrer ainsi les efforts peut être particulièrement efficace: les publications du Center for Art Hazards à New York sont des modèles du genre, et des campagnes de sensibilisation aux besoins spéciaux des travailleurs migrants issus des minorités ethniques ont été couronnées de succès aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et ailleurs.
Une douzaine dassociations dans le monde luttent contre les problèmes de santé propres aux travailleurs des minorités ethniques, notamment les travailleurs latino-américains aux Etats-Unis, les travailleurs bengalis, pakistanais et yéménites en Angleterre, les travailleurs algériens et marocains en France et les travailleurs du Sud-Est asiatique au Japon. Etant donné la gravité des accidents et des maladies dont sont victimes ces travailleurs, lexigence première consiste dans une réparation suffisante, ce qui veut souvent dire, dans leur cas, la reconnaissance de leur statut légal. La tâche principale consiste cependant à mettre fin à la pratique du deux poids deux mesures, selon laquelle les travailleurs issus des minorités ethniques endurent des conditions de travail que les groupes majoritaires ne toléreraient pas. Ces associations ont fait beaucoup, notamment en diffusant dans les langues minoritaires des informations sur les droits des travailleurs en matière de santé, de sécurité et demploi.
Les efforts déployés par le Pesticide Action Network (réseau de lutte contre les pesticides) et ses organisations affiliées pour faire interdire certains pesticides (campagne Dirty Dozen) ont eu un franc succès. Ces problèmes et les abus systématiques du milieu de travail et de lenvironnement commis par certaines multinationales sont très difficiles à abolir, mais les associations qui se vouent à cette tâche ont, dans bien des cas, remporté des victoires partielles, qui les ont portées à se fixer de nouveaux objectifs.
La complexité du monde du travail, la faiblesse des syndicats dans certains pays et loffre insuffisante de conseils en matière de sécurité et de santé sur les lieux de travail ont conduit à ouvrir des centres de consultation dans de nombreux pays. Très denses, les réseaux des pays anglophones reçoivent des dizaines de milliers de demandes de renseignements par année. Ils fonctionnent pour une grande part en réponse aux demandes qui leur sont adressées. Grâce aux changements survenus dans la structure des économies avancées, à savoir la réduction de la taille des lieux de travail, la précarisation de lemploi et la montée du travail clandestin et à temps partiel (qui soulèvent chacun des problèmes quant à la réglementation des conditions de travail), les centres de consul- tation ont pu obtenir des fonds de lEtat ou des autorités locales. Le réseau européen sur les risques professionnels, composé de travailleurs et de conseillers en matière de sécurité et de santé au travail, a reçu des subventions de lUnion européenne (UE). En Afrique du Sud, le réseau des centres de consultation a lui aussi reçu des fonds de développement de lUE et, aux Etats-Unis, des groupes communautaires de sécurité et de santé au travail (Committees on Occupational Safety and Health (COSH)) ont bénéficié à un moment donné de fonds au titre du programme «New Directions» de lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)).
Les associations bénévoles ont remporté des succès, dont lun des plus éclatants est le relèvement du niveau de prestation des services de santé professionnelle: des organisations de travailleurs et de personnels ayant reçu une formation médicale et technique en ont montré la nécessité et ont adopté de nouvelles méthodes. Les services sectoriels de santé professionnelle, qui ont progressive-ment été mis sur pied au cours des quinze dernières années au Danemark, ont reçu lappui massif de lAAA en faveur, notamment, du rôle des représentants des travailleurs dans la gestion de ces services. Citons dautres exemples: lextension des services de soins primaires, au Royaume-Uni, et loffre de services aux victimes de lésions aux membres supérieurs, en Australie, qui profitent de lexpérience des centres de santé au travail.
Les progrès des sciences dans les années soixante et soixante-dix ont permis lexpérimentation de nouvelles méthodes denquête décrites comme la recherche-action, la recherche participative ou lépidémiologie profane. La définition, par les travailleurs et les syndicats, de leurs besoins en matière de recherche a incité un certain nombre de centres spécialisés à tenter dy répondre; parmi les plus anciens, mentionnons le réseau des ateliers de sciences aux Pays-Bas; le DIESAT (centre syndical de ressources en matière de sécurité et de santé) au Brésil; la Société pour la recherche participative en Asie (SPRIA) en Inde, et le réseau des centres de la République dAfrique du Sud. Les recherches effectuées par ces centres contribuent à faire admettre le point de vue des travailleurs sur les risques professionnels par la médecine du travail officielle.
De nombreuses associations sectorielles bénévoles publient des périodiques dont les plus importants se vendent à des milliers dexemplaires, paraissent jusquà vingt fois par an et sont lus aussi bien par les organes officiels, les organismes de réglementation et les syndicats que par les travailleurs. Ces publications facilitent la mise en place de réseaux au niveau national (par exemple, Hazards, au Royaume-Uni, et Arbeit und Ökologie, en Allemagne). Si les mesures préconisées dans ces périodiques peuvent au départ traduire les différences culturelles par rapport à dautres organisations, par la suite, elles prennent souvent une bonne place dans lordre de priorité des syndicats et des partis politiques. Parmi les thèmes qui reviennent, mentionnons les plaidoyers en faveur de sanctions plus sévères pour les infractions à la législation sur la sécurité et la santé, ainsi que pour les accidents du travail, mortels ou non.
La mondialisation rapide de léconomie sest traduite, dans le mouvement syndical, par limportance accrue des secrétariats professionnels internationaux, les affiliations syndicales régionales, telle lOrganisation de lunité syndicale africaine (OUSA), et les assemblées de travailleurs occupés dans des secteurs particuliers. Il arrive souvent que ces nouveaux organismes prennent en main les questions de sécurité et de santé; à titre dexemple, lOUSA a élaboré une charte africaine de la sécurité et de la santé au travail. Dans le secteur bénévole, des liens internationaux ont été établis, dune part, par des groupes qui se concentrent sur les activités de certaines multinationales (comparaison des pratiques en matière de sécurité et des registres de sécurité et de santé des entreprises quelles possèdent partout dans le monde, ou comparaison des registres des accidents et maladies dans certaines branches dactivité, telles que la production de cacao ou la fabrication de pneus) et, dautre part, par des réseaux formés dans les principales zones de libre-échange, à savoir lALENA, lUE, le MERCOSUR et lAsie de lEst. Tous ces réseaux internationaux réclament lharmonisation des normes de protection des travailleurs, la reconnaissance et la réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail, ainsi que la présence des travailleurs dans les structures de sécurité et de santé au travail. Lalignement sur la meilleure norme existante est une demande constante.
Beaucoup de ces réseaux internationaux se sont développés dans une culture politique différente de celle des organisations des années soixante-dix: ils établissent un lien direct entre le milieu de travail et lenvironnement extérieur. Ils réclament des normes plus élevées pour la protection de lenvironnement et forment des alliances entre les travailleurs dune entreprise et les personnes touchées par les activités de cette dernière, à savoir les consommateurs, les populations indigènes vivant près des exploitations minières et les autres habitants. Le tollé international qui a suivi la catastrophe de Bhopal a débouché sur la création dun tribunal populaire permanent sur les risques professionnels et les droits de lhomme, qui a demandé que les activités des entreprises internationales soient soumises à réglementation.
Lefficacité des associations bénévoles se mesure de diverses façons, notamment aux services quelles offrent aux particuliers et aux groupes de travailleurs, ou aux changements quils réussissent à imposer dans les pratiques et la législation du travail. Lélaboration dune politique est un processus global, et les propositions émanent rarement dune seule personne ou dune seule organisation. Pourtant, le secteur bénévole a réussi à insister sur des revendications qui, au début, paraissaient exorbitantes avant de se faire accepter.
Les associations bénévoles et les groupes communautaires réclament notamment:
Le maintien dun milieu de travail salubre et de services appropriés, ainsi que lindemnisation des victimes de mauvaises conditions de travail coûtent cher, et cest la raison pour laquelle il existe des associations bénévoles dans ce domaine. Même les systèmes de prestations les plus élaborés, comme ceux que lon trouve en Scandinavie, présentent des lacunes que le secteur bénévole sefforce de combler. Dans les vieux pays industriels, certains plaident pour la déréglementation de la sécurité et de la santé afin de résister à la concurrence que leur livrent les économies en transition; aussi les associations bénévoles ont-elles lancé une nouvelle campagne sur le thème: maintien de normes élevées et alignement sur les meilleures normes existantes.
Bien que les associations bénévoles soient considérées comme des acteurs essentiels dans la préparation de nouvelles lois, elles manifestent une certaine impatience devant la lenteur des progrès. Elles continueront de prendre de limportance partout où les travailleurs pensent que les dispositions légales et réglementaires ne répondent pas aux besoins.
En matière de sécurité et de santé au travail, le «droit à linformation» renvoie généralement aux lois, règles et règlements disposant que les travailleurs doivent être informés des risques pour la santé que présente leur emploi. En vertu de ce droit, les travailleurs qui manipulent une substance chimique potentiellement toxique dans lexercice de leurs fonctions ne peuvent pas être tenus dans lignorance de ce risque. Leur employeur est obligé par la loi de leur faire savoir quelle est la composition chimique exacte de la substance en question et quels sont les dommages quelle peut causer. Parfois, lavertissement doit aussi inclure des conseils sur la façon déviter lexposition et expliquer le traitement recommandé en cas dexposition. Cette politique tranche nettement avec la situation que lon a voulu ainsi redresser et qui, malheureusement, persiste dans de nombreux établissements où les travailleurs ne connaissent les produits chimiques quils utilisent que par leur dénomination commerciale ou leur nom générique (du genre «nettoyant numéro neuf») et nont aucun moyen de savoir sils courent un risque pour leur santé.
En vertu du droit à linformation, les dangers sont dordinaire signalés sur les étiquettes placées sur les récipients et les matériels, et les travailleurs reçoivent une formation à la sécurité et à la santé. Aux Etats-Unis, linstrument principal du droit des travailleurs à linformation est lOccupational Safety and Health Administrations Hazard Communication Standard (norme relative à la communication dinformations sur les matières dangereuses de lOSHA), établie en 1986. En vertu de cette norme réglementaire fédérale, les produits chimiques dangereux utilisés dans tous les lieux de travail du secteur privé doivent être étiquetés. Les employeurs sont également tenus de garantir aux travailleurs laccès à une fiche de données de sécurité pour chaque produit chimique étiqueté et dassurer la formation des travailleurs à la manipulation des produits chimiques dans des conditions de sécurité. La figure 23.1 représente une étiquette de mise en garde typique aux Etats-Unis.
Il convient de relever que cette politique générale dinformation sur les risques encourus diffère considérablement du contrôle réglementaire direct du risque lui-même. La stratégie de létiquetage témoigne dune conception fondée sur la responsabilité individuelle, la décision éclairée et le libre jeu des forces du marché. Une fois informés, les travailleurs sont censés agir dans leur meilleur intérêt, cest-à-dire exiger des conditions de travail sûres ou, le cas échéant, chercher un autre emploi. En comparaison, une réglementation directe des risques professionnels obligerait lEtat à intervenir plus activement pour parer au déséquilibre des pouvoirs dans la société qui empêche certains travailleurs dutiliser intelligemment et de leur propre chef les informations sur les risques courus. Etant donné que létiquetage laisse entendre que les travailleurs avertis sont en définitive responsables de leur propre sécurité au travail, le droit à linformation est considéré comme lourd dambiguïté sur le plan politique: dun côté, les défenseurs des travailleurs le saluent comme une victoire parce quil assure une meilleure protection; dun autre côté, les intérêts des travailleurs pourraient être menacés si le droit à linformation devait remplacer les autres règlements en matière de sécurité et de santé au travail ou en affaiblir la portée. Ainsi que nont pas tardé à le souligner les militants, le «droit à linformation» est un point de départ, il doit être complété par «le droit de comprendre» et «le droit dagir» et il ne doit pas ralentir les efforts visant à limiter directement les risques professionnels.
Les associations locales ont un rôle important dans la traduction pratique du droit des travailleurs à linformation. Dabord et avant tout, ces droits doivent souvent leur existence à des groupes de défense de lintérêt public, dont beaucoup ont un caractère communautaire. Ainsi, les Comités de sécurité et de santé au travail (Committees on Occupational Safety and Health (COSH)) ont été au cur du long processus législatif et des différends qui ont conduit à ladoption de la norme américaine relative à la communication dinformations sur les matières dangereuses. Pour plus de détails sur les groupes COSH et leurs activités, voir lencadré.
Créés dans la foulée de la loi américaine de 1970 concernant la sécurité et la santé au travail, les comités de prévention dans lentreprise (Committees on Occupational Safety and Health (COSH)) étaient au départ des associations locales de partisans de la santé publique, de spécialistes inquiets et de simples militants qui se réunissaient pour essayer de régler les problèmes dus à la présence de substances toxiques sur les lieux de travail. Les premiers COSH se sont constitués à Chicago, à Boston, à Philadelphie et à New York. Dans le Sud des Etats-Unis, ils se sont développés en même temps que les organisations populaires comme la Carolina Brown Lung, un groupe de lEtat de Caroline du Nord qui représente les travailleurs des usines textiles atteints de byssinose. A lheure actuelle, on compte vingt-cinq COSH dans tout le pays; ils sont plus ou moins bien organisés, et leurs modes de financement sont divers. Conscients du fait que les travailleurs syndiqués sont les mieux placés pour lutter en vue dobtenir des conditions de travail sûres, nombre dentre eux ont décidé de travailler de concert avec les syndicats et par lentremise de ceux-ci. Les COSH rassemblent des organisations et des membres de syndicats, des représentants des milieux intéressés par la santé publique et lenvironnement, ainsi que de simples militants de la sécurité et de la santé, des universitaires, des avocats, des médecins, des spécialistes de la santé publique et des travailleurs sociaux. Les COSH offrent des lieux déchanges entre des groupes dintérêts travailleurs, universitaires, experts médicaux qui, dordinaire, signorent, mais qui sy retrouvent pour évoquer les problèmes de sécurité et de santé avec lesquels ils sont aux prises sur leur lieu de travail. Grâce à ces débats, la recherche universitaire et médicale peut se révéler utile aux travailleurs et donner lieu à des applications concrètes. Les COSH sont très actifs sur le plan politique: ils recourent aussi bien aux moyens habituels (par exemple, les pressions exercées sur les politiciens) quà des méthodes plus pittoresques (par exemple, les piquets et les défilés de cercueils devant le domicile des élus hostiles aux revendications ouvrières). Ces comités ont joué un rôle de premier plan dans les luttes pour une législation locale et dEtat garantissant le droit à linformation; à cet effet, ils ont rassemblé en un large mouvement syndicats, associations écologistes et sociétés dintérêt public pour défendre leur cause. Par exemple, le COSH de la région de Philadelphie (PHILAPOSH) a mené une campagne qui a abouti à ladoption de la première loi municipale qui a consacré le droit à linformation. La campagne a atteint son point culminant lorsque des membres de PHILAPOSH ont voulu démontrer la nécessité de linformation sur les risques: lors dune séance publique, ils ont ouvert un récipient sous pression sur lequel ne figurait aucune indication, épouvantant les membres du conseil municipal qui se précipitèrent sous leur pupitre dès que le gaz (en loccurrence de loxygène) commença à séchapper. Les campagnes locales en faveur du droit à linformation ont finalement amené vingt-trois villes et Etats à adopter une loi à cet effet. Les prescriptions étaient tellement différentes dun endroit à un autre que les sociétés de produits chimiques ont fini par exiger une norme nationale afin dharmoniser le tout. Laction des COSH pour le droit à linformation illustre à merveille la façon dont un mouvement unitaire de travailleurs et de citoyens peut exercer une influence déterminante sur la politique de leur pays en matière de sécurité et de santé au travail. Joel Shufro |
Les organisations communautaires jouent un autre rôle primordial: elles aident les travailleurs à faire meilleur usage des droits à linformation que leur confère la loi. Par exemple, les groupes COSH conseillent et aident les travailleurs qui craignent des représailles sils cherchent à se renseigner sur les risques liés à leur travail, ils leur font prendre conscience de limportance de lire les étiquettes et dobserver les avertissements et, enfin, ils aident à dénoncer les infractions commises par les employeurs. Cet appui est particulièrement utile aux travailleurs qui ont peur de faire valoir leurs droits en raison de leur faible niveau dinstruction, de la précarité de leur emploi et de labsence de soutien de leur syndicat. Les groupes COSH aident également les travailleurs à comprendre les informations figurant sur les étiquettes et les fiches de données de sécurité. Les travailleurs quasiment illettrés ont grand besoin de ce genre daide; ceux qui savent lire, mais qui nont pas les connaissances techniques nécessaires pour comprendre les fiches de données de sécurité, souvent rédigées dans un jargon scientifique difficile à comprendre par un non-initié, peuvent également en profiter.
Le droit des travailleurs à linformation ne donne pas seulement accès à des données factuelles, il a également un côté émotionnel. En effet, les travailleurs risquent de découvrir que les fonctions quils exercent comportent des risques quils ne soupçonnaient pas, de se sentir bernés et déprouver alors des sentiments, parfois très forts, dindignation, dhorreur et dimpuissance. Le troisième rôle important joué par les organisations communautaires consiste donc à apporter un soutien psychologique aux travailleurs qui ont de la difficulté à accepter les conséquences personnelles des risques quils encourent. En participant à des groupes dauto-assistance ou dentraide, les travailleurs peuvent exprimer leurs sentiments, se sentent reconnus et appuyés par le groupe et reçoivent des conseils pratiques. Aux Etats-Unis, à part les groupes COSH, mentionnons les associations suivantes: Injured Workers, un réseau national de groupes dentraide, qui publie un bulletin et organise des rencontres locales de soutien à lintention des travailleurs qui envisagent de présenter une demande de réparation dun accident de travail, ou qui lont déjà fait; le Centre national de stratégies pour la santé environnementale (National Center for Environmental Health Strategies), une organisation du New Jersey qui défend les intérêts des personnes sensibles à laction des produits chimiques; et les Victimes américaines de lamiante (Asbestos Victims of America), un réseau national situé à San Francisco, qui offre informations, conseils et assistance à ces travailleurs.
Une application particulière du droit à linformation consiste à rechercher les travailleurs qui ont été exposés à des risques professionnels dans le passé et à les en informer. Aux Etats-Unis, ce genre dintervention sappelle «avis aux travailleurs ayant couru des risques élevés». De nombreux organismes relevant de lEtat fédéral et des Etats, de certains syndicats et de quelques grandes entreprises ont lancé des programmes avertissant ainsi les travailleurs. LInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) est, à lheure actuelle, le principal organisme fédéral dintervention en la matière. Au début des années quatre-vingt, il a mené à bien plusieurs programmes pilotes ambitieux au niveau communautaire afin de retrouver les travailleurs menacés; aujourdhui, lavertissement des travailleurs fait partie intégrante de ses projets de recherches épidémiologiques.
Les résultats ainsi obtenus par le NIOSH sont instructifs. Pour ses programmes pilotes, le NIOSH sest chargé de dresser la liste exacte des travailleurs ayant probablement été exposés à des produits chimiques dangereux dans une usine en particulier, denvoyer une lettre à chaque personne inscrite sur la liste, afin de linformer du risque éventuel quelle a couru et, si possible, de lui offrir ou de lui recommander un examen médical. Il est toutefois vite apparu que lavis ne reste pas longtemps une affaire privée car, à toutes les étapes, le NIOSH a dû composer avec les organisations communautaires et les institutions locales.
Lavis du NIOSH qui a suscité le plus de controverses remonte au début des années quatre-vingt. Il concernait 1 385 travailleurs dune usine chimique dAugusta, en Géorgie, qui avaient été exposés à un puissant agent cancérogène (la b-naphtylamine). Ces travailleurs, en majorité des hommes afro-américains, nétaient pas syndiqués et manquaient de ressources et dinstruction. Selon le personnel chargé du programme, le climat social dans la communauté était «très marqué par la discrimination raciale, la pauvreté et une grande ignorance des risques dintoxication». Afin dencourager la participation de tous, le NIOSH a contribué à la formation dun groupe consultatif local, qui a rapidement volé de ses propres ailes après larrivée dorganisations populaires plus militantes de défenseurs des droits des travailleurs, venues lui prêter main forte. Certains des travailleurs ont intenté un procès à la société, compliquant ainsi les controverses entourant le programme. Des organisations locales, comme la chambre de commerce et lordre des médecins du comté, sen sont également mêlées. Bien des années plus tard, on entend encore parler des conflits entre les organisations locales à ce sujet. En définitive, le programme a tout de même permis dinformer les travailleurs concernés du risque permanent de cancer de la vessie, maladie que lon peut assez facilement traiter si le diagnostic est précoce. Plus de 500 de ces personnes ont subi un examen médical grâce au programme, voire une intervention qui leur a peut-être sauvé la vie.
Fait à souligner dans laffaire dAugusta: le rôle joué par les médias locaux. Ceux-ci ont fait grand cas du programme: plus de cinquante articles ont paru dans les quotidiens, et un documentaire Lethal Labour sur lexposition aux produits chimiques a été diffusé par une station locale de télévision. Cette publicité a touché un vaste public et a eu un impact énorme sur les travailleurs intéressés et sur lensemble de la communauté, ce qui a fait dire au directeur du programme du NIOSH que, «en vérité, ce sont les médias qui ont averti les gens». Dans certains cas, il serait peut-être bon de sassurer le concours des journalistes locaux dans toute affaire concernant le droit à linformation et de leur réserver un rôle officiel dans le lancement des avertissements, afin de favoriser la diffusion de reportages plus exacts et constructifs.
Ces exemples viennent des Etats-Unis, mais le monde entier connaît les mêmes problèmes. Laccès des travailleurs à linformation sur les risques professionnels représente une étape importante vers le respect des droits humains fondamentaux et il occupe une place centrale dans les politiques et les services des organisations communautaires de nombreux pays. Plus les travailleurs jouissent dune faible protection légale et plus le mouvement syndical est impuissant, plus les organisations communautaires sont importantes pour remplir les trois rôles que nous avons mentionnés: militer pour une législation plus rigoureuse concernant le droit à linformation (et le droit dagir); aider les travailleurs à utiliser judicieusement les renseignements obtenus en vertu de ce droit; apporter un soutien social et psychologique à ceux qui apprennent quils courent des risques professionnels.
LUnion européenne (UE) exerce aujourdhui une grande influence sur la législation et la politique mondiales en matière de sécurité et de santé. En 1995, lUnion était composée des Etats Membres suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède. Elle accueillera vraisemblablement dautres pays dans les années à venir.
LUnion a succédé à la Communauté européenne, constituée dans les années cinquante aux termes de trois traités: le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de lacier (CECA), signé à Paris en 1951, ainsi que le Traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), et le Traité instituant la Communauté européenne de lénergie atomique (CEEA), signés à Rome en 1957. LUnion européenne est née lors de lentrée en vigueur du Traité de Maastricht (conclu en 1989) le 1er janvier 1992.
La Communauté comprend quatre institutions: la Commission, le Conseil, le Parlement et la Cour européenne de justice, qui tirent leurs pouvoirs des traités.
La Commission est lorgane exécutif de la Communauté. Elle est chargée détablir, de proposer et de mettre en uvre la politique communautaire. Si un Etat Membre ne sacquitte pas des obligations que lui imposent les traités, la Commission peut engager une action contre lui devant la Cour européenne de justice.
La Commission se compose de 17 membres nommés par les gouvernements des Etats Membres pour une période renouvelable de quatre ans. Chaque commissaire est responsable dun portefeuille et exerce son autorité sur une ou plusieurs directions générales. Lune de ces directions générales, la DG V, est chargée de lemploi, des relations industrielles et des affaires sociales, et cest de cette direction générale (la DG V/F) quémanent les projets de politiques de sécurité et de santé au travail et de santé publique. Dans son rôle de législateur et dorgane directeur en matière de sécurité et de santé, la Commission est secondée par le Comité consultatif pour la sécurité, lhygiène et la protection de la santé sur le lieu du travail et par la Fondation européenne pour lamélioration des conditions de vie et de travail.
Créé en 1974, le Comité consultatif est présidé par le commissaire chargé de la direction générale de lemploi, des relations industrielles et des affaires sociales. Il est composé de 96 membres titulaires: le gouvernement, les organisations demployeurs et les organisations de travailleurs des Etats Membres ont chacun deux représentants.
Le Comité est chargé «dassister la Commission dans la préparation et la mise en uvre des activités dans les domaines de la sécurité, de lhygiène et de la protection de la santé sur le lieu du travail». En raison de sa constitution et de sa composition, le Comité consultatif est beaucoup plus important et actif que ne le laisserait supposer son titre et il a exercé une influence considérable, au fil des ans, sur lélaboration de la politique stratégique, de concert avec le Parlement européen et le Comité économique et social. Voici, plus précisément, les fonctions quil doit remplir dans le cadre de son mandat général:
Le Comité établit annuellement un rapport dactivités que la Commission transmet ensuite au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social.
La Fondation européenne pour lamélioration des conditions de vie et de travail, qui a son siège à Dublin, a été établie en 1975 en tant quorgane spécialisé et autonome de la Communauté. Elle soccupe essentiellement de recherches appliquées dans les domaines liés à la politique sociale, à lapplication des nouvelles technologies, ainsi quà lamélioration et à la protection de lenvironne- ment, pour déceler, résoudre et prévenir les problèmes en milieu de travail.
Cest à Bilbao, en Espagne, que le Conseil européen a établi lAgence européenne pour la sécurité et la santé au travail, qui est chargée de réunir et de diffuser des renseignements dans le champ qui lui est départi. LAgence devra également organiser des cours de formation, fournir un soutien technique et scientifique à la Commission et nouer des liens étroits avec les organismes nationaux spécialisés. Elle organisera aussi un réseau aux fins de léchange dinformations et dexpériences entre les Etats Membres.
Le Parlement européen joue un rôle consultatif de plus en plus important dans le processus législatif de la Communauté; il contrôle, conjointement avec le Conseil, une partie du budget communautaire, approuve les accords dassociation de la Communauté avec des pays tiers et les traités dadhésion de nouveaux membres, et constitue lorgane de contrôle de la Communauté.
Le Comité économique et social est un organe consultatif qui est appelé à donner son avis sur une série de questions sociales et professionnelles, dont la sécurité et la santé au travail. Ses membres proviennent de trois groupes principaux: les employeurs, les travailleurs et un groupe indépendant dont les membres représentent les intérêts des milieux professionnels, du monde des affaires, de lagriculture, du mouvement coopératif et des associations de consommateurs.
Le législateur de la Communauté dispose de quatre instruments principaux. Larticle 189, tel que modifié, du Traité instituant la CEE dispose que «pour laccomplissement de leur mission et dans les conditions prévues au présent Traité, le Parlement européen conjointement avec le Conseil, le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis».
«Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat Membre.» La réglementation est immédiatement exécutoire dans les Etats Membres. Il ny a pas dautres étapes à franchir avant sa mise en application et même, il nest pas permis aux organes législatifs denvisager une mise en uvre ultérieure. Les règlements dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail sont rares, et ceux qui ont été arrêtés sont dordre administratif.
«La directive lie tout Etat Membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.» Les directives sont des instructions aux Etats Membres pour quils adoptent des lois visant un but précis. Dans la pratique, elles servent principalement à assurer lharmonisation ou le rapprochement des législations nationales avec larticle 100. Elles sont donc les instruments les plus appropriés et dusage le plus courant en matière de sécurité et de santé au travail. Par ailleurs, «la décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires quelle désigne».
Les recommandations et les avis ne lient pas, ils expriment simplement des positions de principe.
Au milieu des années quatre-vingt, la Communauté européenne a décidé daccélérer sa démarche vers lharmonisation dans le domaine de la sécurité et de la santé. La nouvelle importance que prend ce secteur sexplique par plusieurs raisons, dont quatre peuvent être considérées comme décisives.
Premièrement, les normes communes en matière de sécurité et de santé favorisent lintégration économique, car les produits ne peuvent circuler librement dans la Communauté si les prix darticles semblables varient dun Etat Membre à un autre en raison de la disparité des coûts entraînés par les mesures de protection de la sécurité et de la santé. Deuxièmement, les accidents du travail font chaque année 10 millions de victimes et entraînent 8 000 décès (sur une population active évaluée à 138 millions de personnes en 1994). Ces sombres statistiques se traduisent par une note annuelle évaluée à 26 milliards décus pour la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Au Royaume-Uni seulement, daprès le bilan quen a fait la Cour des comptes dans son rapport sur les mesures dapplication en matière de sécurité et de santé au travail, les accidents du travail coûteraient 10 milliards de livres par année à lindustrie et aux contribuables. Une réduction des coûts humains, sociaux et économiques des accidents du travail et des maladies professionnelles permettrait non seulement de réaliser dénormes économies, mais aussi daméliorer grandement la qualité de la vie dans lensemble de lUnion. Troisièmement, ladoption de meilleures pratiques de travail entraînerait des gains de productivité, une baisse des coûts dexploitation et une amélioration des relations professionnelles.
Enfin, la réglementation visant certains risques, tels ceux que présentent les explosions, devrait être harmonisée au niveau supranational en raison de lampleur du coût des ressources et, en écho au premier argument susmentionné, parce que toute disparité quant au fond et à lapplication de telles dispositions provoque des distorsions de concurrence et se répercute sur le prix des produits.
La campagne menée par la Commission, en collaboration avec les douze Etats Membres, à loccasion de lAnnée européenne de la sécurité et de la santé, inaugurée le 1er mars 1992, a vivement encouragé ce programme. La campagne visait lensemble de la population active de lUnion et, tout particulièrement, les industries présentant des risques élevés, ainsi que les petites et moyennes entreprises.
Chacun des traités fondateurs a jeté les bases dune nouvelle législation en matière de sécurité et de santé. Le traité de la CEE, par exemple, renferme deux dispositions les articles 117 et 118 qui sont consacrées, du moins en partie, à la promotion de la sécurité et de la santé.
Pour relever le défi, la Commission proposa en 1987 un vaste programme, adopté par le Conseil lannée suivante, qui prévoyait un train de mesures en matière de sécurité et de santé groupées sous les rubriques sécurité et ergonomie, santé et hygiène, information et formation, initiatives concernant les petites et moyennes entreprises, dialogue social. La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée à Strasbourg en décembre 1989 par onze des douze Etats Membres (le Royaume-Uni sest abstenu), a donné une nouvelle impulsion à ces mesures.
La Charte, adoptée en décembre 1989, porte sur douze catégories de «droits sociaux fondamentaux», dont plusieurs ont une pertinence pratique:
Il incombe aux Etats Membres, selon leurs pratiques nationales, de protéger les droits garantis dans la Charte et de prendre les mesures nécessaires à cette fin. Quant à la Commission, elle est appelée à présenter les initiatives qui relèvent de ses compétences.
Depuis 1989, la Charte recueille manifestement une très large adhésion dans lensemble de lUnion. Nul doute que les Etats Membres tiennent à montrer que lUnion devrait profiter aux travailleurs, aux enfants et aux travailleurs âgés aussi bien quaux détenteurs dactions et aux dirigeants dentreprise.
Les principes du programme de la Commission en matière de sécurité et de santé ont été énoncés dans une autre directive-cadre (89/391/CEE) concernant la mise en uvre de mesures visant à promouvoir lamélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Cette orientation marque un grand progrès par rapport à lapproche recommandée dans la directive-cadre précédente, qui date de 1980. Il est à noter que, si la directive de 1989 préconise «lauto-évaluation» des risques et adopte cette approche, elle énumère également les obligations générales de tous, en particulier de lemployeur. En outre, la promotion du «dialogue social» dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail est inscrite expressément dans les dispositions détaillées de cette directive: elle pose des exigences en matière dinformation, de consultation et de participation des travailleurs et de leurs représentants sur les lieux de travail. Les Etats Membres ont dû sy conformer au plus tard le 31 décembre 1992.
La directive réaffirme les principes généraux concernant, en particulier, la prévention des risques professionnels, la protection de la sécurité et de la santé, linformation, la consultation et la formation des travailleurs et de leurs représentants, ainsi que les règles générales pour la mise en uvre desdits principes. Cétait là une première tentative pour apporter un complément global aux directives dharmonisation technique en vue du parachèvement du marché intérieur. La directive de 1989 reprend également les dispositions de la directive de 1980 sur les risques qui découlent de lutilisation, pendant le travail, dagents chimiques, physiques et biologiques. Elle fait pendant à la convention (no 155) et à la recommandation (no 161) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.
Les objectifs généraux de la directive de 1989 peuvent se résumer comme suit:
Les obligations générales imposées à lemployeur comprennent lévaluation des risques, la prise de mesures directes pour assurer la sécurité et protéger la santé, la planification de la prévention des risques pour la sécurité et la santé, la formation et lorientation de la main-duvre, linformation, la consultation et la participation du personnel, lenregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
La directive prévoit des mesures de protection analogues pour les petites et moyennes entreprises, tout en déclarant, par exemple, que la taille de lentreprise ou de létablissement est un facteur pertinent dans la détermination de la quantité de ressources nécessaires à lorganisation de mesures de protection et de prévention. La taille est également un facteur à prendre en considération pour lorganisation des premiers secours, de lutte contre lincendie et de lévacuation des travailleurs. En ce qui concerne les renseignements à fournir, la directive autorise limposition dexigences différentes selon la taille de lentreprise. Enfin, elle précise que les mesures nationales sur linformation peuvent tenir compte, en particulier, de la taille de lentreprise ou de létablissement.
La directive de 1989 a servi de cadre à nombre de directives particulières relatives, notamment, aux prescriptions minimales concernant la sécurité et la santé en milieu de travail, lutilisation des matériels et de léquipement de protection individuelle, la manutention des charges et le travail sur des équipements à écran de visualisation.
Dautres directives ont été adoptées, comme:
Parmi les autres mesures adoptées après la signature du Traité de Maastricht, signalons une recommandation concernant une liste européenne des maladies professionnelles; une directive sur lamiante; une directive sur la signalisation de la sécurité et de la santé en milieu de travail; une directive sur lassistance médicale à bord des navires; des directives sur la protection de la sécurité et de la santé dans les industries extractives; une directive introduisant des mesures visant à promouvoir lamélioration des conditions de déplacement des travailleurs à mobilité réduite.
Larticle 100 initial a été remplacé par une nouvelle disposition dans le Traité instituant lUnion européenne. Le nouvel article 100 dispose que le Parlement européen et le Comité économique et social sont consultés sur toutes les directives et non seulement sur celles qui comporteraient, dans un ou plusieurs Etats Membres, une modification des dispositions législatives.
La sécurité et la santé des travailleurs constituent un élément important de la loi du travail promulguée en juillet 1994. Pour inciter les entreprises à sengager dans léconomie de marché et pour protéger entre-temps les droits des travailleurs, le gouvernement a mis certaines réformes en bonne place dans son ordre de priorité; les contrats de travail et la répartition des salaires, de même que le régime de la sécurité sociale appelaient des changements en profondeur. Létablissement dune couverture sociale uniforme pour tous les travailleurs, quels que soient les propriétaires des entreprises, fait partie des objectifs visés, tout comme la mise en place de régimes de protection contre le chômage, de pension et de réparation des maladies professionnelles et des accidents du travail. La loi du travail impose à tous les employeurs le versement dune contribution à la sécurité sociale pour leur personnel. Le projet de loi sur la prévention des maladies professionnelles et la réduction de leur incidence est un aspect de la législation du travail qui a retenu lattention, afin dinspirer la conduite et de définir les responsabilités des employeurs dans la réduction des risques professionnels, tout en élargissant les droits des travailleurs à la protection de leur propre santé.
Les organismes gouvernementaux et la Fédération des syndicats de Chine (FSC) collaborent aux fins de lélaboration des politiques et de lapplication des lois.
Le ministère de la Santé publique (MSP), le ministère du Travail (MT) et la FSC ont une longue expérience de la collaboration. Leurs efforts concertés ont abouti à ladoption de nombreuses mesures et au lancement dactivités importantes.
Les attributions en matière de sécurité et de santé au travail se répartissent comme suit entre le MSP et le MT:
Il est difficile de faire une distinction nette entre les attributions du ministère de la Santé publique et celles du ministère du Travail. On sattend à ce quà lavenir, la coopération soit axée sur une application plus stricte de la réglementation en matière de sécurité et de santé au travail.
La FSC participe de plus en plus activement à la protection des droits des travailleurs. Promouvoir létablissement de syndicats dans les entreprises financées par des capitaux étrangers est lune de ses tâches importantes, car les travailleurs ne sont syndiqués que dans 12% dentre elles.
Le développement rapide de la chimie et lutilisation généralisée des produits chimiques appellent des études toxicologiques précises et lévaluation des risques, notamment en ce qui concerne les effets à long terme et les effets combinés des substances chimiques. Dans de nombreux pays, létablissement de normes visant lutilisation des produits chimiques au travail est une tâche confiée aux hygiénistes industriels. Lexpérience dans ce domaine sest accumulée grâce aux organisations internationales et multilatérales, comme lOrganisation internationale du Travail, lOrganisation mondiale de la santé, le Programme des Nations Unies pour lenvironnement, lOrganisation pour lalimentation et lagriculture et lUnion européenne.
Les scientifiques russes et américains ont fait beaucoup dans ce domaine. En 1922, des études ont été menées en Russie pour établir des normes visant les produits chimiques en suspension dans lair des espaces de travail clos, et la première norme adoptée portait sur la concentration maximale admissible (PDK) pour les gaz contenant du soufre. En 1930, il nexistait que 12 PDK; en 1960, leur nombre avait atteint 181.
La Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)) a entrepris ses travaux en 1938 et a publié en 1946 la première liste des valeurs-seuils (Threshold limit values (TLV)) à 144 substances. Les TLV sont destinées uniquement à linterprétation et à lusage des spécialistes en ce domaine. Si une TLV est intégrée dans les normes de sécurité (dites nationales) et dans les normes fédérales, elle devient norme légale.
Présentement, plus de 1 500 PDK sur les aérocontaminants en milieu de travail ont été adoptées en Russie, et plus de 550 TLV pour les substances chimiques ont été recommandées aux Etats-Unis.
Lexamen des normes dhygiène effectué en 1980-81 a montré que 220 substances chimiques figurant sur la liste des PDK (Russie) et sur celle des TLV (Etats-Unis) présentaient les différences suivantes: un écart de deux à cinq fois les valeurs pour 48 substances (22%), de cinq à dix fois les valeurs pour 42 substances et de plus de dix fois les valeurs pour 69 substances (31%). Dix pour cent des TLV étaient 50 fois plus élevées que les CMA pour les mêmes substances. Les PDK, par contre, étaient plus élevées que les TLV pour 16 substances.
La divergence la plus importante concerne la classe des hydrocarbures chlorés. Lanalyse de la liste des TLV effectuée en 1989-90 indique, en comparaison avec les PDK, une tendance à la réduction de celles qui avaient été recommandées auparavant pour les hydrocarbures chlorés et pour certains solvants. Les écarts entre les valeurs TLV et PDK pour la majorité des aérosols métalliques, des métalloïdes et de leurs composés étaient minimes, comme pour les gaz irritants. Les PDK pour le plomb, le manganèse et le tellure nétaient pas les mêmes que les TLV dans 15, 16 et 10 cas, respectivement. Les plus grands écarts concernaient laldéhyde acétique et le formaldéhyde, soit 36 fois et 6 fois, respectivement. En général, les valeurs PDK adoptées en Russie sont inférieures aux TLV recommandées aux Etats-Unis.
Ces divergences sexpliquent par les principes qui servent à létablissement des normes dans les deux pays et par la façon dont ces normes sont appliquées pour protéger la santé des travailleurs.
La PDK est une norme dhygiène utilisée en Russie pour désigner la concentration dune substance nocive en suspension dans lair dun lieu de travail qui, pour une journée de travail de huit heures ou pour toute autre période (mais au plus pour 41 heures par semaine durant la vie active dune personne), ne provoquera pas, pendant ou après la vie active des générations actuelles et futures, de maladie ou de problème de santé que les méthodes de diagnostic existantes permettent de mettre en évidence. Ainsi, le critère utilisé pour définir la PDK nautorise aucun effet nocif pour un travailleur ou pour sa descendance. La PDK est une concentration sûre.
La TLV désigne la concentration dans lair dune substance à laquelle la plupart des travailleurs peuvent être exposés, jour après jour, sans en subir deffet nocif. Ces valeurs sont établies (et revues annuellement) par lACGIH et expriment des concentrations, pondérées en fonction du temps, pour une journée de travail normale de sept ou huit heures et pour une semaine de travail de 40 heures. Pour la plupart des substances, la valeur peut être dépassée jusquà un certain point, à condition quil y ait des périodes compensatoires dexposition à des valeurs inférieures à la TLV au cours de la journée de travail (ou, dans certains cas, au cours de la semaine). Pour certaines substances, surtout celles qui provoquent une réaction rapide, la limite est une valeur plafond (cest-à-dire une concentration maximale admissible) qui ne devrait jamais être dépassée. LACGIH déclare que les TLV devraient être utilisées comme des principes directeurs pour lélimination des risques pour la santé, quelles ne constituent pas une ligne de démarcation précise entre les concentrations sûres et celles qui sont dangereuses et quelles ne sont pas non plus un indice relatif de toxicité.
La définition dune TLV repose aussi sur le principe de linadmissibilité dun effet nocif. Cependant, elle ne couvre pas toute la population active et il est admis quun faible pourcentage de travailleurs puissent subir des effets nocifs, voire être atteints de maladies professionnelles. Cest pourquoi les TLV ne sont pas sûres pour tous les travailleurs.
Selon les experts du BIT et de lOMS, ces divergences résultent dapproches scientifiques différentes dun certain nombre de facteurs interdépendants, y compris la définition dun effet nocif sur la santé. En conséquence, les approches initiales distinctes pour limiter les risques chimiques conduisent à des principes métho- dologiques différents, dont les points essentiels sont présentés ci-après.
Les grands principes de la définition de normes dhygiène concernant les substances dangereuses en suspension dans lair des lieux de travail en Russie et aux Etats-Unis sont exposés, pour comparaison, au tableau 23.1. Le concept théorique du seuil est particulièrement important, car il représente la différence fondamentale entre les approches des spécialistes russes et américains pour létablissement des normes. La Russie admet le concept du seuil pour tous les types deffets dangereux des substances chimiques.
Russie (PDK) |
Etats-Unis (TLV) |
Le seuil vaut pour tous les types d’effets nocifs. On évalue les changements dans les facteurs spécifiques et non spécifiques concernant les critères d’effet nocif. |
Aucune reconnaissance d’un seuil pour les mutagènes et certaines substances cancérogènes. On évalue les change-ments dans les facteurs spécifiques et non spécifiques en fonction de la relation «dose-effet» et «dose-réponse». |
Priorité des facteurs médicaux et biologiques sur les critères technologiques et économiques. |
Priorité aux critères technologiques et économiques. |
Evaluation toxicologique prospective et interprétation des normes avant la commercialisation des produits chimiques. |
Etablissement rétrospectif des normes. |
Par contre, la reconnaissance dun seuil pour certains types deffets appelle une distinction entre les effets toxiques et les effets non toxiques des substances chimiques. En conséquence, le seuil des effets nocifs pour la santé établi en Russie est la concentration (dose) minimale dun produit chimique qui provoque des changements allant au-delà des réponses adaptives physiologiques ou qui engendre des pathologies latentes, cest-à-dire dont les effets ne se feront sentir quultérieurement (temporairement compensées). De plus, divers critères statistiques, métaboliques et cinétiques de toxicité des substances chimiques servent à établir la différence entre les réponses adaptives physiologiques et la compensation pathologique. Aux Etats-Unis, on a préconisé dutiliser les changements pathomorphologiques et les symptômes narcotiques dune lésion précoce pour établir les effets toxiques et non toxiques. Cela signifie que les méthodes choisies pour évaluer la toxicité sont plus sensibles en Russie quaux Etats-Unis, et cest ce qui explique que les niveaux des PDK soient généralement inférieurs à ceux des TLV. Lorsque les critères de détection des effets toxiques et des effets non toxiques des produits chimiques sont très proches ou quils coïncident presque, comme dans le cas des gaz irritants, les écarts entre les normes ne sont pas aussi importants.
Les progrès de la toxicologie ont conduit à de nouvelles méthodes de détection de changements mineurs dans les tissus: linduction enzymatique dans le tissu hépatique réticulaire endoplas- mique lisse et lhypertrophie réversible du foie. Ces changements peuvent apparaître après lexposition à de faibles concentrations de nombreuses substances chimiques. Certains chercheurs considèrent quil sagit là de réponses adaptives, tandis que dautres les interprètent comme des lésions précoces. Aujourdhui, lune des tâches les plus difficiles de la toxicologie est dobtenir des données montrant que les troubles enzymatiques ou du système nerveux et les changements dans les réactions comportementales sont le résultat de la détérioration des fonctions physiologiques, ce qui permettrait de prévoir des détériorations plus graves, voire irréversibles dans les cas dexposition prolongée à des substances dangereuses.
Il faut souligner les différences dans la sensibilité des méthodes utilisées pour établir les PDK et les TLV. En Russie, les méthodes très sensibles des réflexes conditionnés ont été utilisées dans les études sur le système nerveux: cest ce qui explique les écarts entre les deux types de valeurs. Cependant, lutilisation de cette méthode nest pas obligatoire pour établir des normes dhygiène. De nombreuses méthodes ayant des degrés différents de sensibilité servent normalement à mettre au point les normes dhygiène.
Un grand nombre détudes menées aux Etats-Unis en rapport avec létablissement des limites dexposition portent sur la transformation des composés industriels dans le corps humain (voies de pénétration, circulation, métabolisme, retrait, etc.). Les méthodes danalyse chimique utilisées pour établir les valeurs PDK et TLV sont également la cause décarts dus aux différences de sélectivité, de précision et de sensibilité. LOSHA tient compte dun élément important dans le processus américain de normalisation, à savoir la «possibilité technique», pour lindustrie, de sy conformer. Cest la raison pour laquelle certaines normes sont recommandées en fonction des concentrations les plus basses qui existent actuellement.
En Russie, les PDK sont établies selon la prévalence des caractéristiques biomédicales, et la possibilité technique de conformité est en fait ignorée. Cest ce qui explique en partie quelles soient inférieures aux TLV pour certaines substances chimiques.
Les PDK sont évaluées au moyen détudes toxicologiques avant que lintroduction dune substance dans lindustrie ne soit autorisée. Un niveau préliminaire dexposition sans danger est fixé durant la synthèse dun produit chimique en laboratoire. Au stade de la conception du processus industriel, la valeur PDK est établie à la suite dexpériences concluantes sur des animaux. La PDK est corrigée après évaluation des conditions de travail et de la santé des travailleurs lorsque la substance est utilisée dans lindustrie. La plupart des niveaux dexposition sans risque sont recommandés à lissue dexpériences sur des animaux.
Aux Etats-Unis, la norme définitive est établie après lintroduction du produit chimique dans lindustrie, parce que la valeur des niveaux admissibles dexposition est fondée sur lévaluation de la santé. Tant que les différences entre les principes qui sous-tendent les PDK et les TLV existeront, il est peu probable que ces normes se rapprochent dans un avenir prévisible. On note cependant une tendance à labaissement de certaines TLV, ce qui permet de croire que le rapprochement nest pas aussi impossible quil pourrait paraître.
Le rôle des organisations internationales consiste essentiellement à offrir à la coopération internationale un cadre de travail organisé. Au cours des siècles, les peuples ont trouvé de nombreux moyens déchanger des informations et des expériences. La coopération entre les pays, les scientifiques et les groupes professionnels sest développée progressivement avec le temps, mais, dès le début du XXe siècle, il était devenu évident que certaines questions ne pouvaient être réglées que collectivement.
En général, on établit une distinction entre les organisations internationales, selon quelles soient intergouvernementales ou non gouvernementales. Les organisations intergouvernementales comprennent lOrganisation des Nations Unies (ONU) et ses institutions spécialisées. Il existe aussi de nombreuses autres organisations intergouvernementales, comme lOrganisation de coopé- ration et de développement économiques (OCDE), et des orga-nismes régionaux ou sous-régionaux comme lOrganisation de lunité africaine (OUA) et lOrganisation des Etats américains (OEA), lUnion européenne (UE) (anciennement les Communautés européennes), le MERCOSUR (Marché commun du Sud Mercado Común del Sur), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), lAssociation européenne de libre-échange (AELE) et lAccord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique.
Certaines organisations internationales non gouvernementales, comme la Commission internationale de la santé au travail (CIST) et lAssociation internationale de la sécurité sociale (AISS), sintéressent à tous les aspects de la sécurité et de la santé au travail. De nombreuses autres les inscrivent dans leurs activités, comme les organisations demployeurs et de travailleurs et les associations internationales de diverses catégories professionnelles. Certaines organisations non gouvernementales, comme lOrganisation internationale de normalisation (ISO), soccupent de mettre au point des normes techniques, et dautres sattachent à des domaines précis ou à des secteurs particuliers de lactivité économique.
De nombreuses organisations intergouvernementales et non gouvernementales sintéressent à la sécurité et à la santé au travail, sous leurs aspects techniques, médicaux, sociaux et juridiques, qui rassemblent une variété de disciplines, de professions et de groupes sociaux. Il existe un réseau complet dorganisations dont les connaissances et les compétences peuvent servir à promouvoir léchange dinformations et dexpériences entre les pays.
Lun des rôles importants des organisations internationales est de transposer les valeurs acceptées de tous en droits et en obligations. La Charte des Nations Unies (Nations Unies, 1944) décrit bien le rôle dune organisation internationale qui fait partie du système des Nations Unies: «réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux dordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de lhomme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion». Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels rappelle les principes établis dans la Charte des Nations Unies et reconnaît à chacun le droit à des conditions de travail saines et sûres.
Les buts et les objectifs des organisations internationales sont définis dans leur charte, leur constitution, leurs statuts ou autres documents de base. Par exemple, la Constitution de lOrganisation mondiale de la santé (OMS) de 1978 déclare avoir pour but «ladmission de tous les peuples [...] [au] plus haut degré de santé». La protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents du travail est lune des tâches confiées à lOrganisation internationale du Travail (OIT) dans le Préambule de sa Constitution (voir ci-après et BIT, 1992). La Déclaration concernant les buts et objectifs de lOIT, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 26e session (Philadelphie, 1944), reconnaît lobligation pour lOIT de «seconder la mise en uvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser [...] une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs dans toutes les occupations».
La communauté internationale reconnaît linterdépendance des pays dans certains domaines. Lun des rôles principaux des organisations intergouvernementales est de soccuper des questions qui en relèvent. Le Préambule de la Constitution de lOIT, adoptée en 1919, déclare que «la non-adoption par une nation quelconque dun régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses daméliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays» et considère qu«une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale». La Déclaration de Philadelphie proclame que «la pauvreté, où quelle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous». Selon la Constitution de lOMS, «linégalité des divers pays en ce qui concerne lamélioration de la santé et la lutte contre les maladies, en particulier les maladies transmissibles, est un péril pour tous», et «les résultats atteints par chaque Etat dans lamélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous». Le rôle des organisations internationales est dassurer une continuité et de créer une stabilité dans le temps pour atteindre des objectifs de politique à long terme, alors que ce sont souvent les mesures à court et à moyen terme qui sont la règle au niveau national, en raison des conditions économiques et sociales et des circonstances politiques propres à chaque pays.
Chaque organisation internationale se voit confier par ses membres un mandat dans lequel figurent des questions particulières, comme la sécurité et la santé au travail. Les organisations intergouvernementales ont en commun doffrir des orientations, de formuler des recommandations et de mettre au point des normes. Les instruments internationaux créés dans le système des Nations Unies et applicables au niveau national se classent en deux catégories: les instruments non contraignants, qui prennent habituellement la forme de recommandations ou de résolutions et peuvent servir de base à ladoption de lois nationales; les instruments de caractère obligatoire, qui comportent lengagement daligner les lois et les pratiques nationales sur les décisions prises au niveau international. La plupart des instruments contraignants prennent la forme de conventions internationales qui exigent une ratification, un acte dapprobation ou une adhésion par lesquels lEtat accepte les obligations qui en découlent.
Les organisations internationales constituent un forum où leurs membres arrêtent des politiques et des stratégies communes dans de nombreux domaines, dont celui qui nous préoccupe ici, la sécurité et la santé au travail. Les pays y confrontent leurs valeurs et leurs opinions, échangent des informations et des expériences, discutent, proposent des solutions et déterminent les façons de travailler ensemble pour atteindre des objectifs, afin de dégager un consensus, de trouver un accord ou dadopter des conventions internationales qui définissent ce quil est bon de faire et ce quil ne faudrait pas faire.
Une organisation internationale présente lavantage de fournir aux débats internationaux un cadre défini, régi par des règles et une procédure sur lesquelles les parties se sont entendues au préalable; elle permet aussi de nouer des contacts à la fois officieux et diplomatiques beaucoup plus larges quil nest possible de le faire au niveau national. Différents groupes ou pays qui rencontrent les mêmes problèmes peuvent comparer leurs approches et affiner leurs stratégies. Dans une perspective internationale, il est plus facile dêtre objectif sur des questions difficiles, mais précises, liées aux dispositions institutionnelles nationales ou à des conditions historiques particulières. Des partenaires sociaux qui se rencontrent rarement dans leur pays sassoient à la même table, le dialogue est renouvelé, et lespoir dun consensus peut renaître, alors quil était parfois impossible au niveau national. Les groupes de pression peuvent jouer le rôle de catalyseur dans lélaboration dun consensus, sans avoir à déployer des stratégies agressives. Des échanges dinformations et dexpériences peuvent non seulement avoir lieu dans des conférences internationales, mais encore les divers groupes peuvent y mesurer laccueil réservé dans le monde à leurs idées, à leurs valeurs et à leurs politiques.
Dans la pratique, les organisations intergouvernementales sont associées à des activités très variées échange dinformations, transfert de connaissances, harmonisation de la terminologie et des concepts, recherche de consensus, adoption de codes de conduite et de directives pratiques, promotion et coordination de la recherche. La plupart des organisations internationales exécutent aussi des programmes et activités destinés à aider leurs Etats Membres à atteindre les objectifs liés à leur mandat, y compris par la coopération technique. Les organisations internationales disposent de très nombreux moyens daction rapports et études, réunions dexperts, séminaires, ateliers, symposiums, conférences, services consultatifs techniques, échanges dinformations, centres de documentation. Au fil du temps, les mandats des organisations internationales ont été élargis et précisés dans les résolutions et les programmes approuvés par leurs membres réunis en assemblée générale, comme la Conférence internationale du Travail ou lAssemblée mondiale de la santé.
Dans le système des Nations Unies, deux institutions soccupent directement de la sécurité et de la santé au travail: lOrganisation internationale du Travail (OIT) et lOrganisation mondiale de la santé (OMS). LOIT présente un caractère unique, le tripartisme: ses mandants sont des gouvernements, des employeurs et des travailleurs. Elle se caractérise aussi par ses activités de normalisation; en effet, la Conférence internationale du Travail adopte des conventions et des recommandations internationales. Puisque le milieu de travail est considéré comme faisant partie intégrante de lenvironnement humain (OIT/PNUE/OMS, 1977), le Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE) soccupe aussi de cette question, particulièrement en ce qui concerne les produits chimiques. Son Registre international des substances chimiques potentiellement toxiques (RISCPT) est établi en collaboration étroite avec lOIT et lOMS et sinsère dans le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC).
Outre leur siège social, les organisations internationales ont des structures et des institutions ou des organes spécialisés sur le terrain, comme le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), de lOMS, et le Centre panaméricain décologie et de santé (Pan-American Centre for Human Ecology and Health (ECO)), qui contribue à la mise en uvre du programme régional de santé au travail de lOrganisation panaméricaine de la santé (OPS). Le Centre international de formation de lOIT, à Turin (Italie), exerce des activités de formation à la sécurité et à la santé au travail et met au point du matériel didactique pour différentes catégories professionnelles, et lInstitut international détudes sociales (IIES) se penche de temps à autre sur ces questions. LOIT et lOMS ont des bureaux régionaux, des bureaux de zone et des correspondants nationaux. Des conférences régionales de lOIT et de lOMS ont lieu périodiquement. LOPS, fondée en 1902, est aussi le Bureau régional de lOMS pour les Amériques. En 1990, la Conférence sanitaire panaméricaine a adopté une résolution sur la santé au travail (OPS, 1990), qui a défini les principes directeurs du programme de lOPS et désigné 1992 comme «lAnnée de la santé des travailleurs des Amériques» («The Year of Workers Health in the Americas»).
Le siège et les bureaux extérieurs de lOIT soutiennent lengagement et les activités de ses Etats Membres en matière de sécurité et de santé au travail dans le cadre de son Programme international pour lamélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT) (BIT, 1984). Ce programme comprend une grande variété de services de consultation et de coopération technique dans le monde entier. LOIT a adopté une politique de partenariat actif (PPA) afin de se rapprocher de ses mandants dans les Etats Membres; elle a pour cela renforcé ses structures extérieures, le plus souvent en créant des équipes multidisciplinaires (EMD).
De nombreuses institutions spécialisées des Nations Unies jouent un rôle important pour des aspects précis de la sécurité et de la santé au travail, par exemple lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA), qui sintéresse à la sécurité nucléaire, à la protection des travailleurs contre les rayonnements et à la sécurité des sources de rayonnement. LOrganisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) soccupe de la sécurité et de la santé au travail dans des secteurs précis de lindustrie et elle sengage aussi, avec le PNUE et la Banque mondiale, dans la préparation de directives pour la prévention et la lutte contre la pollution industrielle, qui englobent les questions de sécurité et de santé au travail. LOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) sefforce de promouvoir la sécurité dans lutilisation des pesticides (FAO, 1985), ainsi que la sécurité et la santé du travail en forêt; elle a conclu des accords de coopération avec lOIT et la Commission économique des Nations Unies pour lEurope.
Le Comité dexperts en matière de transport des marchandises dangereuses du Conseil économique et social des Nations Unies a préparé des recommandations qui servent de guide pour la rédaction des lois nationales et luniformisation des diverses méthodes de transport dans le monde. LOrganisation de laviation civile internationale (OACI) a établi des normes internationales pour la conduite des aéronefs et elle a publié un manuel de médecine pour laéronautique civile qui traite des aspects liés à la santé du personnel navigant. LOrganisation maritime internationale (OMI) a adopté en 1974 une convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention SOLAS). LOMS, lOIT et lOMI ont rédigé un Guide médical international de bord comprenant, outre la section consacrée à la pharmacie de bord, la section médicale du Code international des signaux. Ces trois organisations ont aussi rédigé conjointement un Guide des soins médicaux durgence à donner en cas daccidents dus à des substances dangereuses.
Les organismes de financement, comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), soutiennent financièrement, depuis vingt-cinq ans, un grand nombre de projets de sécurité et de santé au travail dans plusieurs pays, notamment pour létablissement dinstituts nationaux. Les agents dexécution de ces projets sont lOIT, lOMS ou les deux conjointement. Dans ses projets de développement économique, la Banque mondiale prend en compte lenvironnement, la santé et lécologie humaine (Banque mondiale, 1985), dont la sécurité et la santé au travail. En 1987, la Banque mondiale a entrepris un grand effort pour intégrer les enjeux environnementaux dans tous les aspects de ses activités. Cet engagement vise à renforcer sur le plan local les capacités institutionnelles aux fins de la gestion de lenvironnement, à mieux reconnaître la nécessité dinscrire les questions denvironnement dans le travail sectoriel, et à mettre laccent sur les aspects sociaux du développement durable (Banque mondiale, 1993a). De plus, le Rapport Investir dans la santé examine les relations entre la santé humaine, la politique de santé et le développement économique (Banque mondiale, 1993b).
Les activités de lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont particulièrement importantes dans les domaines de lhygiène du milieu, de la sécurité chimique, des méthodes dévaluation des risques chimiques et de la protection contre les rayonnements. Le Conseil de lEurope a adopté un certain nombre de résolutions en matière de sécurité et de santé au travail concernant, par exemple, les services de sécurité dans les entreprises. La Charte sociale européenne, adoptée par le Conseil de lEurope en 1961, reconnaît le droit de tous les travailleurs à la sécurité et à lhygiène dans le travail. Le Conseil nordique se préoccupe des problèmes de sécurité et de santé au travail et de lenvironnement; il formule des recommandations concernant les substances toxiques et dangereuses, la sûreté nucléaire et la protection contre les rayonnements, ainsi que des plans daction visant le milieu de travail. LOrganisation arabe du travail, créée en 1965, est une institution spécialisée de la Ligue arabe; elle effectue des études et mène des recherches sur la sécurité industrielle et la santé au travail. Les pays du MERCOSUR ont créé une commission spéciale pour lharmonisation des lois relatives à la sécurité et à la santé au travail.
LUnion européenne adopte des directives qui ont force exécutoire dans ses Etats membres et qui doivent être transformées en lois nationales. Les directives européennes visent lensemble du domaine de la sécurité et de la santé au travail afin de rapprocher les législations nationales, compte tenu du principe de la subsidiarité. Il y a trois niveaux de directives: les directives-cadres, telle la directive concernant la mise en uvre de mesures visant à promouvoir lamélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (89/391), les directives traitant des risques professionnels (plomb, amiante, bruit, rayonnements ionisants, etc.) et, enfin, celles qui établissent les règles de conception du matériel de travail. Des normes techniques sont élaborées par le Comité européen de normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC). La Commission de lUnion européenne (lancienne Commission des Communautés européennes) établit des directives et exécute un important programme de sécurité et de santé au travail (Commission des Communautés européennes, 1989). La Fondation européenne pour lamélioration des conditions de vie et de travail, ou Fondation de Dublin, mène des activités relatives à la sécurité et à la santé au travail; un groupe de travail étudie les stratégies européennes de santé professionnelle. Lannée 1992 a été désignée lAnnée européenne de la sécurité, de lhygiène et de la protection de la santé au travail, et un grand nombre dactivités ont été organisées à cette occasion dans les pays de lUnion européenne. Une Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail a été constituée en organisme spécialisé de lUnion européenne à Bilbao (Espagne).
Des scientifiques, des spécialistes et dautres groupes ont aussi ressenti le besoin dune coopération internationale et ont créé des organisations internationales non gouvernementales. Ces dernières peuvent être composées de spécialistes, dassociations nationales de spécialistes ou encore dinstitutions. La Commission internationale de la santé au travail (CIST) a été fondée en 1906 sous le nom de Commission internationale permanente pour la médecine du travail. Il en est question dans un autre article du présent chapitre.
LAssociation internationale de la sécurité sociale (AISS) est une organisation internationale dorganismes officiels chargés dadministrer la sécurité sociale; elle offre depuis 1954 un programme de prévention des risques professionnels. Il en est question ci-après dans le présent chapitre.
Si la CIST et lAISS sintéressent à tout le domaine de la sécurité et de la santé au travail, bon nombre dorganisations non gouvernementales soccupent de secteurs précis de lactivité économique, comme lagriculture, ou de domaines particuliers aussi variés que la technologie, la toxicologie, la psychologie, lorganisation du travail, la sûreté des procédés, lergonomie, lépidémiologie, la médecine sociale, les appareils de levage, la manutention des marchandises, les appareils sous pression, le transport des conteneurs et des matières dangereuses, la signalisation de sécurité, la sécurité routière et la sûreté nucléaire. De nombreuses organisations non gouvernementales soccupent de lenvironnement et de la protection des consommateurs, entre autres lUnion internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (International Union for Conservation of Nature and Natural Resources), l Union mondiale pour la nature (World Conservation Union (IUCN)) et lOrganisation internationale des unions de consommateurs (International Organization of Consumers Unions (IOCU)). Elles sintéressent à lhygiène du milieu et, jusquà un certain point, à lhygiène au travail, en particulier à la sécurité dans lutilisation des produits chimiques et des pesticides.
Dans le domaine de la protection des travailleurs, des patients et de la population contre les effets nocifs des rayonnements ionisants, les travaux de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) sont reconnus dans le monde entier et servent de base aux recommandations des organisations intergouvernementales. La CIPR a créé une Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, qui publie des directives sur les limites dexposition et contribue aux publications du BIT et de lOMS sur la question. De nombreuses autres organisations ou associations internationales non gouvernementales pourraient être mentionnées pour leur rôle dans le secteur de la sécurité et de la santé au travail ou leurs travaux sur des aspects particuliers, notamment lAssociation internationale dergonomie, la Société dergonomie de langue française (SELF), le Conseil international des infirmières (CII), le Conseil interaméricain de sécurité, lAssociation internationale de linspection du travail (AIIT), lAssociation internationale dhygiène du travail, lAssociation internationale de médecine agricole et de santé rurale, lAssociation internationale dhygiène publique et rurale, lAssociation latino-américaine de la santé et de lhygiène du travail (ALASEHT), la Fédération internationale des associations de spécialistes de la sécurité et de lhygiène du travail, lAssociation européenne des écoles de médecine du travail, la Fédération mondiale des associations des centres de toxicologie clinique et des centres antipoison et le Conseil international de la sécurité, une filiale mondiale du Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)) des Etats-Unis.
Un autre groupe dorganisations non gouvernementales se propose délaborer des normes techniques, par exemple lOrganisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI). Un article du présent chapitre est consacré à lISO.
Les organisations internationales demployeurs et de travailleurs jouent un grand rôle dans la définition des politiques et de lordre de priorité en matière de sécurité et de santé au travail au niveau international. Leur participation est importante parce que les législations nationales rendent les employeurs responsables de la protection contre les risques professionnels et que les principaux intéressés sont les travailleurs eux-mêmes, puisque cest leur santé et leur sécurité qui sont en jeu. Un bon nombre dorganisations internationales demployeurs et de travailleurs soccupent de la sécurité et de la santé au travail en général, et notamment lOrganisation internationale des employeurs (OIE), lUnion des confédérations de lindustrie et des employeurs dEurope (UNICE), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Fédération syndicale mondiale (FSM). Il existe de nombreuses organisations de syndicats internationaux qui traitent des risques propres à leur branche dactivité, par exemple la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de la chimie, de lénergie, des mines et des industries diverses, la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB), la Fédération internationale des travailleurs des plantations, de lagriculture et des secteurs connexes (FITPASC) et la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET). Il existe aussi des organisations régionales, comme lOrganisation de lunité syndicale africaine (OUSA) et la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a institué un Bureau technique syndical européen pour la sécurité et la santé au travail (BTS). Leurs activités sont très variées: diffusion dinformations, conseils techniques et formation en matière de sécurité et de santé au travail.
Les producteurs, les fabricants et les entrepreneurs jouent aussi un rôle actif dans le secteur de la sécurité et de la santé au travail, soit par lentremise de leurs associations, soit dans les instituts et organes quils ont créés, comme le Conseil international des associations de chimie, le Conseil européen des fédérations de lindustrie chimique (CEFIC), le Groupement international des associations nationales de fabricants de produits agrochimiques (GIFAP), lAssociation internationale pour le transport aérien (IATA), lAssociation mondiale des exploitants de centrales nucléaires, la Société de génie en éclairagisme, lAssociation internationale de lamiante (AIA), le Groupe international sur la sécurité dans lutilisation des fibres, et le Conseil pour la prévention de lhépatite virale (lhépatite B en tant que risque professionnel). De plus, un certain nombre dinstitutions et dorganismes internationaux créés par des producteurs, des fabricants et leurs organisations élaborent des activités liées à la protection de lenvironnement et à lhygiène du milieu, ce qui peut à loccasion toucher la santé professionnelle: le Centre international pour lindustrie et lenvironnement, le Conseil international des métaux et de lenvironnement, lInstitut international daluminium primaire, et lOrganisation européenne des compagnies pétrolières pour la protection de lenvironnement et de la santé.
Enfin, il existe de nombreuses organisations internationales non gouvernementales créées par des scientifiques, des associations professionnelles ou des groupes unis par un même intérêt pour les sciences, les questions humanitaires ou économiques qui, sans traiter directement de la santé au travail, soccupent de questions scientifiques, techniques, médicales ou sociales connexes: lAssociation médicale mondiale (AMM), le Conseil des organisations internationales des sciences médicales, lUnion internationale de chimie pure et appliquée (UICPA), le Conseil international du bâtiment pour la recherche, létude et la documentation (CIB), lAssociation internationale dépidémiologie, la Société internationale de droit du travail et de la sécurité sociale et le Bureau international pour lépilepsie, qui a rédigé un recueil de directives pratiques pour lemploi dépileptiques.
Il est intéressant de voir comment les organisations internationales se complètent les unes les autres et mobilisent leurs moyens dintervention pour lutter contre des risques professionnels précis. En ce qui concerne le bruit et les vibrations, par exemple, la CEI établit des normes pour les instruments de mesure, lISO définit les méthodes de mesure, lOMS fixe les critères sanitaires. Le BIT recommande des limites dexposition dans son Recueil de directives pratiques sur la protection des travailleurs contre le bruit et les vibrations et définit une approche et une stratégie globales dans la convention (no 148) et la recommandation (no 156) sur le milieu de travail (pollution de lair, bruit et vibrations), 1977.
Le rôle des organisations internationales prend de plus en plus la forme dune collaboration dans des programmes internationaux ou des opérations conjointes auxquels participent des pays et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. La coopération internationale en matière de protection contre les rayonnements ionisants et de promotion de la sécurité chimique ne sont que deux exemples de ces activités.
Dans le domaine de la protection contre les rayonnements ionisants, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et le Comité scientifique des Nations Unies pour létude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) fournissent les données scientifiques. LOIT a adopté en 1960 la convention (no 115) et la recommandation (no 114) sur la protection contre les radiations, qui renvoient expressément aux directives de la CIPR. Dautres orientations sont données dans différents codes de bonne pratique de lAIEA coparrainés par lOIT et lOMS, le cas échéant, et dans le Recueil de directives pratiques en matière de protection contre les radiations (rayonnements ionisants) publié en 1987 par le BIT. A ces documents sajoutent des guides, des manuels, du matériel de formation et des documents techniques publiés surtout par lAIEA et par lAgence de lOCDE pour lénergie nucléaire (AEN). La coopération technique dans ce domaine est assurée principalement par lAIEA; dautres organisations y participent, sil y a lieu.
En 1990, un pas important a été franchi vers lharmonisation, au niveau international, des mesures de protection contre les rayonnements: le Comité interorganisations de sûreté radiologique (CISR) a été créé pour servir de lieu de consultation et de collaboration entre les organisations internationales. Un secrétariat commun a été mis sur pied afin de réviser lédition de 1982 des Normes fondamentales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnements de lAIEA, de lOIT, de lOMS et de lAEN (OCDE). Six organisations internationales, soit la FAO, lAIEA, lOIT, lAEN (OCDE), la PAHO et lOMS, ont conjugué leurs efforts pour élaborer des normes internationales aux fins daider les Etats Membres à rédiger leur propre législation. Sous la direction de lAIEA, une grande consultation des pays et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, y compris les organisations demployeurs et de travailleurs, a abouti à lélaboration des Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnements (AIEA, 1994), qui peuvent être considérées comme les normes communes du système des Nations Unies.
La coopération internationale en vue de promouvoir la sécurité chimique illustre la façon dont les organisations internationales interagissent et répondent aux préoccupations exprimées par la communauté internationale; elle montre comment les déclarations générales de principes adoptées lors de conférences intergouvernementales se traduisent en programmes daction et en travaux pratiques fondés sur des connaissances scientifiques. De lavis général, lévaluation des produits chimiques devrait se préoccuper des risques dexposition pour les travailleurs, pour la population et pour lenvironnement. Le fait que lévaluation des risques soit effectuée dans un cadre international permet de mobiliser les compétences et les ressources disponibles, qui ne sont pas illimitées. Cest pourquoi le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) a été lancé en 1980 par lOMS, le Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE) et lOIT. Lengagement de ces trois organisations à collaborer a fait lobjet dun mémorandum daccord, conclu en 1988, qui définit les objectifs du PISSC. Le côté technique du PISSC sappuie sur un réseau dinstitutions nationales et internationales qui participent aux travaux et sont responsables de tâches particulières. Le programme maintient des relations de travail étroites et efficaces avec plusieurs autres organisations et associations intergouvernementales et non gouvernementales, ainsi quavec des organismes professionnels qui exercent des activités importantes dans le domaine de la sécurité chimique.
La Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement (CNUED), réunie à Rio de Janeiro en 1992, a reconnu la nécessité dassurer une gestion écologiquement rationnelle des substances chimiques toxiques et elle a établi six domaines ouverts à la coopération internationale:
Cet événement a été suivi en 1994 par la Conférence internationale sur la sécurité chimique (Stockholm), qui a créé le Forum intergouvernemental sur la sécurité chimique, déterminé un certain nombre dactions prioritaires et invité les organisations intergouvernementales à participer à un vaste programme commun sur cette question. Le Programme interorganisations pour la gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques, bénéficie de la participation de lOMS, de lOIT, du PNUE, de la FAO, de lONUDI et de lOCDE. Il a mis sur pied un comité de coordination des travaux réalisés, soit seules, soit conjointement par les organisations participantes et assure le suivi de lapplication des recommandations de la CNUED.
On constate une tendance de plus en plus forte à mobiliser les compétences et les ressources dans des activités conjointes. Cest le cas, par exemple, dans le domaine de la formation et de léchange dinformations sur la sécurité et la santé au travail. Pour ce qui a trait à la biosécurité, une coopération sest instaurée entre lONUDI, le PNUE, lOMS et la FAO, et certaines activités ont été menées dans le cadre du PISSC. LONUDI a été désignée pour assurer le suivi concernant le chapitre 16 dAction 21 (la gestion écologiquement rationnelle des biotechniques) de la Conférence de Rio, pour servir de catalyseur aux activités et aux programmes conjoints et élaborer pour lensemble du système des Nations Unies des stratégies concernant les biotechniques. LOCDE mène un programme sur les aspects environnementaux de la biotechnologie. Une directive européenne concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à lexposition pendant le travail à des agents biologiques (90/679/CEE et 93/88/CEE) a été adoptée en 1990 et modifiée en 1993. En 1993, la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution concernant lexposition aux agents biologiques en milieu de travail et sur la sécurité dans lutilisation de ces agents; elle préconise létude de cette question et ladoption de nouveaux instruments internationaux (une recommandation, une convention, voire les deux) afin de réduire au minimum les risques pour les travailleurs, la population et lenvironnement.
Deux autres exemples ont trait à la protection des travailleurs contre les rayonnements non ionisants et à lharmonisation des systèmes de classification et détiquetage des produits chimiques. LOMS, le PNUE et la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants ont préparé des documents sur les critères à respecter. Une collaboration plus large dans ce domaine, y compris lexposition en milieu de travail, est en train de sétablir notamment entre lOIT, la Commission de lUnion européenne, la Commission électrotechnique internationale (CEI), le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et le Comité scientifique de la CIST sur les rayonnements en milieu de travail. Lharmonisation des systèmes de classification et détiquetage des produits chimiques est un domaine où lOIT encourage et mène une vaste coopération entre les pays, les organisations intergouvernementales (par exemple, lOCDE et lUnion européenne), les organisations non gouvernementales (organisations demployeurs et de travailleurs, associations internationales de protection des consommateurs et de lenvironnement), le Comité dexperts des Nations Unies en matière de transport des marchandises dangereuses, la FAO, le PNUE, lOMS, lOMI et lOACI.
Dans beaucoup dautres domaines, de nouvelles formules flexibles de coopération internationale voient le jour ou pourraient être adoptées par les pays et les organisations internationales, par exemple le stress en milieu de travail et la lutte contre les pneumoconioses professionnelles, en particulier la silicose. Le réseau international de sécurité et de santé au travail est en plein développement et vise, par exemple, la coordination des recherches. On aurait avantage à établir un réseau international pour la sécurité et la santé au travail à partir des structures existantes dans les organisations internationales, tels les Centres collaborateurs de lOMS, les comités scientifiques de la CIST, les sections internationales de lAISS, les correspondants nationaux du RISCPT, les centres de liaison de la procédure dinformation complémentaire de lOCDE, les institutions participant au PISSC, les centres nationaux et de collaboration du Centre international dinformation de sécurité et de santé au travail (CIS) du BIT et les organes désignés du Système international dalerte pour la sécurité et la santé des travailleurs du BIT.
Dans ce domaine, les objectifs ultimes de lOMS et de lOIT sont les mêmes: protéger et promouvoir la santé des travailleurs de toutes les professions. Les principes directeurs sont établis par lOIT, dans les conventions et les recommandations sur la sécurité et la santé au travail, et par lOMS, dont lAssemblée adopte des résolutions concernant la santé professionnelle et les soins de santé primaires.
Depuis la Conférence sur les soins de santé primaires réunie à Alma-Ata en 1978, le programme de santé professionnelle de lOMS a tenté détendre ses activités de protection et de promotion de la santé à tous les travailleurs, en particulier aux populations laborieuses sous-desservies et vulnérables. La 40e Assemblée mondiale de la santé a demandé au Directeur général de lOMS:
La deuxième réunion des Centres collaborateurs de lOMS pour la santé des travailleurs (52 instituts de recherche et organismes spécialisés, répartis dans 35 pays), qui a eu lieu à Beijing, en octobre 1994, a adopté une «Stratégie mondiale de la santé pour tous au travail» et elle a recommandé que ce document soit présenté à lOMS pour quelle en fasse sa propre stratégie, ce qui fut fait en mai 1996, avec le soutien de lOIT.
Les conventions et les recommandations internationales du travail sur la sécurité et la santé au travail définissent les droits des travailleurs ainsi que les devoirs et responsabilités qui incombent aux autorités compétentes, aux employeurs et aux travailleurs à cet égard. Les conventions et les recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail forment ensemble le Code international du travail, qui définit les normes minimales dans ce domaine. La politique de lOIT concernant la sécurité et la santé au travail est exposée, pour lessentiel, dans deux conventions et dans les recommandations qui les accompagnent, soit la convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, qui prévoient ladoption dune politique nationale en matière de sécurité et de santé au travail et décrivent les mesures à prendre au niveau national et dans lentreprise afin de favoriser la sécurité et la santé au travail et daméliorer le milieu de travail, et la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, qui prévoient la création de services de santé au travail qui contribueront à la mise en uvre de la politique et exerceront leurs fonctions dans lentreprise.
En 1984, la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution concernant lamélioration des conditions et du milieu de travail dans laquelle elle rappelle que cest là une composante essentielle de la promotion de la justice sociale. Elle souligne que lamélioration des conditions et du milieu de travail favorise le développement national et permet de mesurer le succès de toute politique économique et sociale. Elle pose trois principes fondamentaux:
La stratégie de lOIT pour lamélioration des conditions et du milieu de travail et le programme de lOMS concernant les soins de santé primaires ont de nombreux points communs. Ils reposent en effet tous deux sur des principes fondamentaux analogues:
La tendance actuelle à la mondialisation de léconomie et à lintégration régionale accroît linterdépendance et la nécessité de la coopération entre les pays. Le présent aperçu montre bien quil existe des approches, des politiques et des objectifs communs en matière de sécurité et de santé au travail. Il existe également une structure sur laquelle édifier une collaboration mondiale. Tel est lobjectif du Programme mondial sur la sécurité et la santé au travail et lenvironnement que lOIT a lancé en 1998.
* Cet article est tiré de l'ouvrage intitulé ABC des Nations Unies (Nations Unies, 1994).
En 1992, lOrganisation des Nations Unies était composée de 179 Etats qui ont pris lengagement juridique de coopérer à lapplication des principes et à la réalisation des objectifs inscrits dans sa Charte, à savoir: éliminer la guerre, promouvoir les droits de lhomme, faire respecter la justice et le droit international, promouvoir le progrès social et les bonnes relations entre les nations, et utiliser lOrganisation pour harmoniser les actions quelle mène à cette fin.
La Charte des Nations Unies a été rédigée aux derniers jours de la deuxième guerre mondiale par les représentants de cinquante gouvernements à la Conférence des Nations Unies sur lorganisation internationale (1945). Elle a été élaborée à partir des propositions mises au point par les représentants de la Chine, des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de lUnion soviétique. Elle a été adoptée et signée le 26 juin 1945.
LONU a fourni un toit et des secours à des millions de réfugiés victimes de la guerre et de la persécution. Elle a servi de catalyseur important dans le passage dune centaine de millions de personnes du régime colonial à lindépendance et la souveraineté. Elle a mis en place des opérations de maintien de la paix pour contenir les hostilités et favoriser le règlement des conflits. Elle a développé et codifié le droit international. Elle a fait disparaître la variole de la surface du globe. En cinquante ans dexistence, elle a adopté quelque soixante-dix instruments juridiques destinés à favoriser ou à imposer le respect des droits de lhomme, accompagnant ainsi lhumanité dans son évolution historique vers une liberté plus grande à laquelle le monde aspire.
Aux termes de la Charte, peuvent devenir Membres des Nations Unies tous les Etats pacifiques qui en acceptent les obligations et, au jugement de lOrganisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire. Les nouveaux Etats Membres sont admis par décision de lAssemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. La Charte prévoit aussi la suspension ou lexpulsion dun Membre qui enfreindrait ses principes, mais une mesure de cet ordre na jamais été prise jusquà ce jour.
Aux termes de la Charte, les langues officielles des Nations Unies sont langlais, le chinois, lespagnol, le français et le russe. Larabe a été ajouté comme langue officielle de lAssemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social.
Les Nations Unies constituent un réseau complexe formé de six organes principaux et dun grand nombre de programmes, institutions, commissions, etc. Ces organes subsidiaires ont chacun leur propre statut (certains sont autonomes, dautres relèvent directement de lautorité des Nations Unies), leurs objectifs et leur domaine de compétence, mais le système affiche un niveau très élevé de coopération et de collaboration. La figure 23.3 présente un schéma de la structure du système et dune partie des liens entre les divers organes. Pour en savoir davantage, consulter louvrage intitulé ABC des Nations Unies (Nations Unies, 1994).
Siège de lOMS: Siège du CIRC: Siège du PNUE: Siège de lAIEA: Siège du PNUD: Siège de la FAO: Siège de lOMI: Siège de la CNUCED: |
La Cour internationale de Justice est lorgane judiciaire principal de lONU. Tous les Etats Membres de lOrganisation sont automatiquement parties au statut de la Cour. Les Etats non membres peuvent soumettre à la Cour des affaires auxquelles ils sont parties, dans les conditions déterminées par le Conseil de sécurité. De plus, le Conseil de sécurité peut recommander quun différend dordre juridique soit soumis à la Cour. Seuls des Etats peuvent être parties à des affaires dont la Cour est saisie (autrement dit, un particulier ne peut saisir la Cour). LAssemblée générale et le Conseil de sécurité peuvent demander à la Cour un avis consultatif sur toute question juridique. Les autres organes des Nations Unies, ainsi que les institutions spécialisées peuvent, avec lautorisation de lAssemblée générale, demander un avis consultatif sur des questions juridiques relevant de leur champ daction (par exemple, lOrganisation internationale du Travail pourrait solliciter un avis consultatif sur une norme internationale du travail).
La Cour a compétence sur tous les sujets prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités ou conventions en vigueur, ainsi que sur toutes les questions qui lui sont soumises par les Etats. Pour se prononcer, la Cour ne se limite pas aux principes de droit figurant dans les traités ou conventions, elle peut se fonder sur tout le droit international (y compris le droit coutumier).
LAssemblée générale est le principal organe de délibération. Elle se compose des représentants de tous les Etats Membres, qui disposent chacun dune voix. Les décisions sur des questions importantes telles que la paix et la sécurité internationales, ladmission de nouveaux membres et les questions budgétaires sont prises à la majorité des deux tiers. Les décisions sur les autres sujets sont prises à la majorité simple.
Au nombre des fonctions et des pouvoirs de lAssemblée générale figurent, dune part, létude des principes de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont le désarmement et la réglementation des armements et, dautre part, la formulation de recommandations y relatives. De plus, lAssemblée générale fait procéder à des études et émet des recommandations en vue de promouvoir la coopération internationale dans le domaine politique, dencourager le développement et la codification du droit international, de faciliter pour tous la jouissance des droits de lhomme et des libertés fondamentales, et de favoriser la coopération internationale dans les domaines économique, social, culturel, de léducation et de la santé publique. Elle reçoit et étudie les rapports du Conseil de sécurité et des autres organes de lOrganisation; elle examine et approuve le budget de lOrganisation et répartit les contributions entre les Etats Membres; elle élit les membres non permanents du Conseil de sécurité, les membres du Conseil économique et social et ceux des membres du Conseil de tutelle qui doivent lêtre. De concert avec le Conseil de sécurité, lAssemblée générale élit aussi les membres de la Cour internationale de justice; sur recommandation du Conseil de sécurité, elle nomme le Secrétaire général.
Au début de chaque session ordinaire, lAssemblée procède à un débat général, au cours duquel les Etats Membres expriment leur point de vue sur toute une série de questions dintérêt international. En raison du grand nombre de questions quelle doit examiner (plus de 150 points à lordre du jour de la session de 1992, par exemple), lAssemblée renvoie la plupart des questions à ses sept grandes commissions:
Aux termes de la Charte, le Conseil économique et social (ECOSOC) est lorgane principal de coordination des activités économiques et sociales de lONU et de ses organismes et institutions spécialisés. LECOSOC sert dinstance principale pour lexamen des questions économiques et sociales internationales qui revêtent un caractère mondial ou interdisciplinaire et pour lélaboration de recommandations pratiques sur ces questions; il veille à la promotion et au respect effectif des droits de lhomme et des libertés fondamentales pour tous. Il peut préparer ou faire établir des études et des rapports et formuler des recommandations sur des questions internationales dans les domaines économique, social, culturel, éducatif, de la santé publique et dans dautres domaines apparentés; il peut convoquer des conférences internationales et préparer des projets de convention pour les soumettre à lAssemblée générale. Les autres fonctions et pouvoirs de lECOSOC comprennent la conclusion daccords avec les institutions spécialisées afin de définir leurs rapports avec lONU et de coordonner leurs activités, ainsi que la consultation des organisations non gouvernementales intéressées sur les questions dont il soccupe.
Les organes subsidiaires du Conseil économique et social comprennent des commissions techniques et régionales, six comités permanents (dont le Comité chargé des organisations non gouvernementales) et un certain nombre dorganes permanents composés dexperts, qui sont chargés de questions telles que la prévention du crime et la lutte contre la délinquance, la planification du développement et le transport des marchandises dangereuses.
Plus de neuf cents organisations non gouvernementales (ONG) sont dotées du statut consultatif auprès de lECOSOC, aux travaux duquel elles participent à des degrés divers. Ces organisations non gouvernementales peuvent envoyer des observateurs aux réunions publiques du Conseil et de ses organes subsidiaires et soumettre des communications écrites intéressant les travaux du Conseil. Elles peuvent aussi consulter le Secrétariat de lONU sur des sujets dintérêt commun.
Aux termes de la Charte, le Conseil de sécurité a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Alors que les autres organes de lOrganisation nadressent aux gouvernements que des recommandations, le Conseil est le seul à pouvoir prendre des décisions que les Etats Membres sont tenus dappliquer, conformément à la Charte.
Composé de fonctionnaires recrutés au niveau international et travaillant au siège (à New York) et dans le monde entier, le Secrétariat sacquitte des diverses tâches quotidiennes de lOrganisation. Il est au service des autres organes principaux de lONU, dont il administre les politiques et les programmes. Il a à sa tête le Secrétaire général, nommé par lAssemblée générale pour une durée de cinq ans, sur recommandation du Conseil de sécurité.
En instituant un régime international de tutelle, la Charte a établi le Conseil de tutelle comme lun des principaux organes de lONU et lui a assigné la tâche de surveiller ladministration des territoires placés sous ce régime, qui avait essentiellement pour objet de faire progresser la condition des habitants des onze territoires initialement placés sous ce régime et de favoriser leur évolution progressive vers lautonomie ou lindépendance.
Bien que lamélioration des conditions et du milieu de travail relève normalement de la politique nationale de chaque pays visant à faire avancer le développement économique et le progrès social conformément aux priorités et aux objectifs de celui-ci, une certaine harmonisation internationale simpose, dune part, pour que la qualité du milieu de travail permette partout dassurer la santé et le bien-être des travailleurs et, dautre part, pour faciliter la tâche des Etats Membres à cet effet. Tel est, pour lessentiel, le rôle du système des Nations Unies dans ce domaine.
Dans le système des Nations Unies, nombreux sont les organisations et les organes qui jouent un rôle dans lamélioration des conditions de travail et du milieu de travail. Conformément à sa Constitution, lOrganisation internationale du Travail (OIT) est chargée daméliorer les conditions et le milieu dans lesquels les travailleurs exercent leurs activités aux fins dhumaniser le travail; grâce à sa structure tripartite, lOIT est en mesure de sassurer que ses normes internationales ont une incidence directe sur la législation, la politique et les pratiques nationales. La question de la structure tripartite de lOIT est examinée dans un autre article du présent chapitre.
LOrganisation mondiale de la santé (OMS) a aussi pour mandat de soccuper dhygiène du travail, car, aux termes de sa Constitution, elle est l«autorité directrice et coordonnatrice, dans le domaine de la santé, des travaux ayant un caractère international», et elle a notamment pour fonction de «favoriser [...] lamélioration [...] des conditions économiques et de travail, ainsi que de tous autres facteurs de lhygiène du milieu». Dautres mandats découlent des diverses résolutions adoptées par lAssemblée mondiale de la santé et le Conseil exécutif. Le programme de santé au travail de lOMS vise à promouvoir la connaissance et le contrôle des problèmes de santé des travailleurs, y compris les maladies professionnelles, et à coopérer avec les pays pour mettre en uvre des programmes de soins de santé pour les travailleurs, notamment à lintention de ceux qui sont le moins bien desservis. En collaboration avec lOIT, le PNUE et dautres organisations, lOMS soccupe de coopération technique avec les Etats Membres, élabore des directives, effectue des études sur le terrain, et offre une formation en santé au travail et en perfectionnement du personnel. LOMS a mis en place le Réseau mondial décotechnologie (The Global Environmental Epidemiology Network (GEENET)) qui regroupe des institutions et des spécialistes du monde entier participant activement à la recherche épidémiologique et à la formation en médecine de lenvironnement et en médecine du travail. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) est un institut de recherche indépendant, mais inscrit dans le cadre de lOMS. Les statuts du CIRC en énoncent la mission: planifier, promouvoir et développer la recherche sur les causes, le traitement et la prévention du cancer. Depuis le début de ses activités, le CIRC sest consacré à létude des causes de cancer dans certains milieux, dans lidée que le dépistage dun agent cancérogène constitue la première étape indispensable pour le réduire ou léliminer de lenvironnement, afin de prévenir le cancer que cet agent est susceptible de provoquer. Les activités de recherche sont réparties en deux catégories principales, lépidémiologie et lexpérimentation en laboratoire, mais les deux sont étroitement liées et interagissent dans les projets de recherche en cours.
Outre ces deux organisations qui sont respectivement axées sur le travail et la santé, plusieurs organes de lONU soccupent aussi de questions de sécurité et de santé dans lexercice de leurs fonctions sectorielles ou géographiques précises:
Le Programme des Nations Unies pour lenvironnement (PNUE) est chargé de sauvegarder et daméliorer lenvironnement, y compris le milieu de travail, dans lintérêt des générations actuelles et futures. Sa fonction première dans le système des Nations Unies est de servir de catalyseur et de coordonnateur des efforts en faveur de lenvironnement en général. Il sacquitte de cette fonction en coordonnant des programmes et en finançant des activités par le Fonds pour lenvironnement. En plus de son mandat général, la mission précise du PNUE en ce qui concerne le milieu du travail découle des recommandations nos 81 et 83 de la Conférence des Nations Unies sur lenvironnement, et des décisions du Conseil dadministration du PNUE demandant au Directeur exécutif dintégrer les principes et les objectifs liés à lamélioration du milieu de travail dans ledit programme. Le PNUE est également tenu de collaborer à la mise en place dun programme daction coordonné dans tout le système des Nations Unies sur le milieu de travail et les conditions de vie des travailleurs, avec les organisations appropriées de travailleurs et demployeurs, ainsi quavec les institutions spécialisées (par exemple, le PNUE coopère avec lOMS et lOIT dans le cadre du Programme international sur la sécurité des substances chimique (PISSC)).
Le PNUE tient à jour le Registre international des substances chimiques potentiellement toxiques (RISCPT), sorte de pont jeté entre ceux qui détiennent le savoir en la matière et ceux qui en ont besoin pour effectuer leur travail en sécurité. Le réseau daccords sur lenvironnement du PNUE exerce aussi une influence croissante au niveau international et ne cesse de sétendre (voir, par exemple, la Convention de Vienne et le Protocole de Montréal, instruments historiques visant à réduire les dommages causés à la couche dozone).
LAgence internationale de lénergie atomique (AIEA) soccupe des risques résultant des rayonnements ionisants liés au cycle du combustible nucléaire. Elle encourage et guide la mise au point dutilisations pacifiques de lénergie nucléaire, fixe des normes de sûreté nucléaire et de protection de lenvironnement, aide les Etats Membres grâce à une coopération technique et favorise léchange de renseignements scientifiques et techniques. Les activités de lAgence dans le domaine de la radioprotection des travailleurs appellent: une définition de ces normes; la préparation de guides de sécurité, de codes de bonne pratique et de manuels; la tenue de réunions scientifiques en vue déchanger des informations ou de rédiger des manuels ou guides techniques; lorganisation de cours de formation, de séminaires et de voyages détudes; le perfectionnement du savoir-faire technique dans les Etats Membres en développement par lattribution de contrats de recherche et de bourses détudes; laide à apporter aux pays en développement pour mettre sur pied des programmes de radioprotection en leur offrant de lassistance technique, des services dexperts, des missions conseils et des services consultatifs dans le domaine du droit nucléaire.
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale ont inclus, dans les accords daide au développement, des dispositions portant sur des garanties en matière de sécurité et santé au travail. Le PNUD a mis en chantier un très grand nombre de projets destinés à aider les pays en développement à construire leurs économies naissantes et à relever le niveau de vie de leur population. Plusieurs milliers dexperts recrutés dans le monde entier travaillent constamment sur le terrain. Un certain nombre de projets sont consacrés à lamélioration des normes de sécurité et de santé au travail dans lindustrie et dans dautres branches de lactivité économique, et leur exécution est confiée à lOIT et à lOMS. Ces projets vont de la prestation de services consultatifs de courte durée à une aide beaucoup plus soutenue, durant plusieurs années, pour créer des instituts de sécurité et de santé au travail conçus pour assurer la formation, effectuer des recherches sur le terrain et offrir des services directs sur les lieux de travail.
LOrganisation maritime internationale (OMI) soccupe également de la sécurité des travailleurs à bord des navires. Elle constitue une instance où les gouvernements et les organisations intéressés échangent des informations et sefforcent de résoudre des problèmes dordre technique, juridique et autres intéressant la navigation maritime et la prévention de la pollution marine. LOMI a rédigé des propositions de conventions et de recommandations internationales qui ont été adoptées par les gouvernements et qui sont entrées en vigueur. Il existe ainsi des conventions internationales sur la sécurité de la vie humaine en mer, la prévention de la pollution marine par les navires, la formation des gens de mer et la délivrance des certificats, et la prévention des abordages en mer, ainsi que plusieurs instruments relatifs aux questions de responsabilité et de réparation, etc. LOMI a également adopté plusieurs centaines de recommandations sur des questions telles que le transport par mer des marchandises dangereuses, les signaux, la sécurité des pêcheurs et des bateaux de pêche, et la sécurité des navires marchands nucléaires.
LOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) joue un rôle dans la protection des travailleurs agricoles contre les risques résultant de lusage des pesticides et des outils et machines agricoles. Plusieurs activités de la FAO touchent directement ou indirectement la sécurité et la santé au travail ainsi que lergonomie dans lagriculture, la foresterie et la pêche. Pour ce qui est des activités liées à la pêche, la FAO participe, au niveau des secrétariats, avec lOIT et lOMI, aux travaux du Sous-Comité de lOMI chargé de la sécurité des bateaux de pêche et du Sous-Comité de lOMI chargé des normes de formation et de veille. La FAO travaille avec lOIT à lamélioration des conditions de travail dans lindustrie de la pêche. Le Comité mixte FAO/CEE/OIT des techniques de travail en forêt et de la formation des ouvriers forestiers traite des questions de sécurité et de santé. Des projets sur le terrain et des publications dans ce domaine portent sur certains aspects comme la sécurité dans lexploitation et lindustrie du bois ainsi que la contrainte thermique en foresterie.
Dans le domaine agricole, plusieurs maladies du bétail qui ont des conséquences économiques importantes présentent aussi des dangers pour les personnes qui sen occupent et qui sont en contact avec des produits animaux (par exemple, la brucellose, la tuberculose, la leptospirose, le charbon, la rage, la fièvre de la vallée du Rift). Aussi la FAO se tient-elle en liaison étroite avec lOMS avec laquelle elle travaille dans des comités mixtes. La FAO soccupe aussi de lharmonisation des exigences en matière denregistrement des pesticides et de lévaluation des résidus dans les aliments et dans lenvironnement. En ce qui concerne lénergie atomique appliquée à lagriculture et à lalimentation, la FAO coordonne ses programmes avec lAIEA afin daider le personnel scientifique des pays en développement à utiliser en toute sécurité et avec efficacité les techniques isotopiques pertinentes (par exemple, le zymogramme ou lutilisation de substrats enzymatiques radiomarqués pour détecter une exposition dorigine professionnelle à des insecticides).
LOrganisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) est linstitution spécialisée dans la promotion et laccélération de lindustrialisation des pays en développement. Elle soccupe, entre autres, des risques pour la sécurité et la santé au travail, des questions liées à lenvironnement et de la gestion des déchets dangereux en relation avec lindustrialisation.
Les Commissions économiques régionales de lONU jouent un rôle dans la promotion dune action plus concertée et efficace dans leurs régions.
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) étudie notamment les aspects liés au travail des échanges internationaux de marchandises, de services et de technologie.
LOrganisation internationale du Travail (OIT) est lune des dix-huit institutions spécialisées des Nations Unies. Cest la plus ancienne organisation internationale de la famille des Nations Unies. Elle a été créée aux termes du Traité de Versailles signé en 1919 après la première guerre mondiale.
Sur le plan historique, lOIT est née de la pensée sociale du XIXe siècle. Les conditions des travailleurs à laube de la révolution industrielle étaient jugées de plus en plus intolérables par les économistes et les sociologues. Les réformateurs sociaux pensaient que tout pays (ou industrie) qui instaurerait des mesures pour améliorer les conditions de travail ferait face à une hausse du coût de la main-duvre et serait donc désavantagé sur le plan économique par rapport à ses concurrents. Cest pourquoi ils se sont employés sans relâche à convaincre les puissances européennes de faire de lamélioration des conditions de travail et de la réduction de la durée du travail lobjet daccords internationaux. Après 1890, trois conférences internationales se sont réunies pour étudier la question. La première sest tenue à Berlin en 1890, sur linitiative conjointe de lempereur dAllemagne et du pape; la deuxième a eu lieu en 1897 à Bruxelles sur linvitation des autorités belges; et la troisième sest réunie en 1906 à Berne (Suisse) où, pour la première fois, deux accords internationaux ont été conclus, lun sur lutilisation du phosphore blanc (pour la fabrication des allumettes), et lautre sur linterdiction du travail de nuit des femmes dans lindustrie. La première guerre mondiale ayant interrompu les travaux sur linternationalisation des conditions de travail, la Conférence de la paix de Paris, désireuse déliminer les causes de toute guerre future, a repris à son compte les objectifs davant-guerre et a créé une Commission de la législation internationale du travail. Cette commission a présenté une proposition visant à la création dun organe international pour la protection des travailleurs; cette proposition est devenue la partie XIII du Traité de Versailles, et demeure jusquà ce jour la charte constitutive de lOIT.
La première Conférence internationale du Travail sest réunie à Washington, en octobre 1919; le secrétariat permanent de lOrganisation, cest-à-dire le Bureau international du Travail, sest installé à Genève (Suisse).
Assurer une paix mondiale durable, la justice sociale et le respect de la dignité de lhomme, voilà les raisons dêtre de lOrganisation internationale du Travail. Cest le Préambule de la Constitution qui exprime le mieux ces motivations:
«Attendu quune paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale;
Attendu quil existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes linjustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et lharmonie universelles sont mises en danger, et attendu quil est urgent daméliorer ces conditions: par exemple, en ce qui concerne la réglementation des heures de travail, la fixation dune durée maximum de la journée et de la semaine de travail, le recrutement de la main-duvre, la lutte contre le chômage, la garantie dun salaire assurant des conditions dexistence convenables, la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail, la protection des enfants, des adolescents et des femmes, les pensions de vieillesse et dinvalidité, la défense des intérêts des travailleurs occupés à létranger, laffirmation du principe à travail égal, salaire égal, laffirmation du principe de la liberté syndicale, lorganisation de lenseignement professionnel et technique et autres mesures analogues;
Attendu que la non-adoption par une nation quelconque dun régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses daméliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays;
Les Hautes Parties Contractantes, mues par des sentiments de justice et dhumanité aussi bien que par le désir dassurer une paix mondiale durable, et en vue datteindre les buts énoncés dans ce préambule, approuvent la présente Constitution de lOrganisation internationale du Travail [...]
Sous une forme modernisée, les buts et objectifs de lOrganisation internationale du Travail sont inscrits dans la Déclaration de Philadelphie, adoptée en 1944 par la Conférence internationale du Travail réunie dans cette ville. La Déclaration est à présent annexée à la Constitution de lOIT. Elle proclame que «tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales». Elle précise que «la pauvreté, où quelle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous».
Définie à larticle 1 de la Constitution, la tâche de lOIT consiste à travailler à la réalisation du programme exposé dans le Préambule de la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie.
LOrganisation internationale du Travail (OIT) compte 173 Etats Membres. Tout Etat Membre des Nations Unies peut devenir Membre de lOIT en faisant part au Directeur général de lOIT de son acceptation formelle des obligations découlant de la Constitution. Les Etats qui ne sont pas Membres de lONU peuvent être admis à lOIT par un vote de la Conférence internationale du Travail (par exemple, la Suisse est Membre de lOIT, mais non de lOrganisation des Nations Unies) (Constitution de lOIT, art. 1). La représentation des Etats Membres à lOIT est dotée dune structure unique dans la famille des Nations Unies. A lONU et dans toutes les autres institutions spécialisées, seul le personnel gouvernemental représente les Etats Membres: ministres, ministres adjoints ou représentants autorisés, alors que, à lOIT, les groupes sociaux intéressés font partie de la représentation des Etats Membres. Les représentants comprennent des délégués gouvernementaux (en général du ministère du travail), et des délégués représentant les employeurs et les travailleurs de chaque Etat Membre (Constitution de lOIT, art. 3). Tel est donc le concept fondamental du tripartisme à lOIT.
LOrganisation internationale du Travail comprend les trois organes suivants:
Appelée parfois parlement mondial du travail, la Conférence internationale du Travail se réunit régulièrement au mois de juin de chaque année; environ 2 000 délégués et conseillers y participent. Lordre du jour de la Conférence comprend la discussion et ladoption de conventions et de recommandations internationales du travail, des délibérations sur les politiques futures, ladoption de résolutions orientées vers laction dans les Etats Membres et dinstructions sur laction du Bureau à lintention du Directeur général de lOrganisation, un débat général et des échanges dinformation et, tous les deux ans, ladoption du programme et du budget du Bureau international du Travail.
Le Conseil dadministration constitue le lien entre la Conférence internationale du Travail de tous les Etats Membres et le Bureau international du Travail. Il se réunit trois fois par an et exerce son contrôle sur le Bureau en suivant létat davancement des travaux; en donnant des instructions au Directeur général; en approuvant le résultat des activités du Bureau, par exemple, les recueils de directives pratiques; en contrôlant la situation financière; en préparant lordre du jour des prochaines Conférences internationales du Travail. Les membres du Conseil dadministration sont élus pour un mandat de trois ans par les trois groupes représentatifs à la Conférence gouvernements, employeurs et travailleurs. Dix membres gouvernementaux du Conseil dadministration sont nommés à titre permanent, en tant que représentants des Etats dont limportance industrielle est la plus considérable.
Tous les mécanismes de prise de décisions de lOIT ressortissent à une structure unique. Les décisions sont prises par les trois groupes représentatifs, à savoir les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de chaque Etat Membre. Ce sont les membres des commissions et comités, composés pour un tiers de représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, qui prennent les décisions de fond sur les travaux de la Commission de lapplication des normes de la Conférence, des réunions dexperts pour les recueils de directives pratiques et des commissions consultatives appelées à se prononcer sur les conclusions concernant les futures conditions de travail. Toutes les décisions politiques, financières et structurelles sont prises par la Conférence internationale du Travail ou par le Conseil dadministration, où les représentants gouvernementaux (à la Conférence, deux par Etat Membre) détiennent 50% des votes, tandis que les représentants des employeurs et ceux des travailleurs en détiennent 25% chacun (ces deux groupes étant représentés respectivement par une personne dans la délégation de chaque Etat Membre à la Conférence). Les contributions financières nétant versées que par les gouvernements, à lexclusion des deux groupes non gouvernementaux, seuls les gouvernements siègent à la Commission des finances.
De 1919 à 1997, la Conférence internationale du Travail a adopté 181 conventions et 188 recommandations.
Les conditions de travail sont lobjet denviron 74 conventions sur 176, dont 47 traitent des conditions de travail en général et 27 de la sécurité et de la santé au sens strict.
Les conventions concernant les conditions de travail générales portent sur les questions suivantes: durée du travail; âge minimal dadmission à lemploi (travail des enfants); travail de nuit; examen médical des travailleurs; protection de la maternité; travailleurs ayant des responsabilités familiales; travail à temps partiel; travail à domicile. Par ailleurs, ressortissent aussi à la sécurité et à la santé les conventions visant à éliminer la discrimination contre les travailleurs pour divers motifs (race, sexe, invalidité), à les protéger de tout licenciement injustifié et à réparer les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dix-huit des vingt-sept conventions relatives à la sécurité et à la santé ont été adoptées après 1960 (époque à laquelle la décolonisation a donné lieu à larrivée dun nombre important de nouveaux membres), alors quil ny en a eu que neuf de 1919 à 1959. La convention (no 81) sur linspection du travail, 1947, a été ratifiée par plus de cent Etats Membres (trente-trois ont ratifié la convention équivalente dans le domaine agricole).
Le nombre dEtats qui ratifient les conventions constitue un indicateur de la volonté daméliorer les conditions de travail. Par exemple, la Finlande, la Norvège et la Suède, qui ont, en matière de sécurité et de santé, un bilan exemplaire renommé dans le monde entier, ont ratifié presque toutes les conventions adoptées dans ce domaine après 1960.
Les conventions sur linspection du travail ont été complétées par deux autres normes fondamentales, soit la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985.
La convention sur la sécurité et la santé des travailleurs établit les grands principes qui doivent inspirer la politique et la législation nationales en la matière. La directive-cadre de lUnion européenne sur la sécurité et la santé reprend la structure et le contenu de la convention internationale du travail; elle doit être transformée en législation nationale dans les quinze Etats Membres de lUnion européenne.
La convention sur les services de santé au travail demande aux Etats Membres dinstituer de tels services dans les entreprises afin de faire appliquer la législation en la matière.
Plusieurs conventions concernent des branches particulières de lactivité économique ou lutilisation de substances dangereuses: convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995; convention (no 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988; convention (no 152) sur la sécurité et lhygiène dans les manutentions portuaires, 1979; convention (no 13) sur la céruse (peinture), 1921; convention (no 136) sur le benzène, 1971; convention (no 162) sur lamiante, 1986; convention (no 170) sur les produits chimiques, 1990; convention (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993.
Ces normes peuvent se lire conjointement avec la convention (no 148) sur le milieu de travail (pollution de lair, bruit et vibrations), 1977; la convention (no 139) sur le cancer professionnel, 1974, ainsi quavec la liste des maladies professionnelles qui fait partie de la convention (no 121) sur les prestations en cas daccidents du travail et de maladies professionnelles, 1964. La dernière révision de la liste, adoptée par la Conférence en 1980, est étudiée dans le chapitre no 26 «La réparation des lésions professionnelles: la problématique».
Signalons encore, parmi les conventions relatives à la sécurité et à la santé, la convention (no 27) sur lindication du poids sur les colis transportés par bateau, 1929; la convention (no 127) sur le poids maximum, 1967; la convention (no 115) sur la protection contre les radiations, 1960; la convention (no 119) sur la protection des machines, 1963; et la convention (no 120) sur lhygiène (commerce et bureaux), 1964.
On constate quau cours de ses premières années dexistence lOIT sest bornée à adopter des recommandations plutôt que des conventions: ce fut notamment le cas pour la prévention du charbon, le phosphore blanc et le saturnisme. De nos jours, les recommandations servent généralement à compléter les conventions dont elles spécifient les modalités dapplication.
Une convention sur la sécurité et la santé suit le plan suivant:
Une convention définit laction du gouvernement (ou des autorités gouvernementales) qui doit réglementer le domaine sur lequel elle porte, met en évidence les responsabilités des propriétaires dentreprises, précise le rôle des travailleurs et de leurs organisations en définissant leurs devoirs et leurs droits, contient des dispositions en matière dinspection et prescrit des mesures à prendre en cas dinfraction à la loi. La convention doit évidemment délimiter son champ dapplication, y compris les exemptions et les exclusions éventuelles.
Chaque convention commence par un préambule mentionnant la date et la question inscrite à lordre du jour de la Conférence internationale du Travail; les autres conventions ou documents se rapportant au sujet discuté; les préoccupations justifiant ladoption de linstrument; les motifs sous-jacents; la coopération avec dautres organisations internationales comme lOMS et le PNUE; la forme que prendra linstrument international (convention ou recommandation); la date dadoption de la convention et son titre courant.
La délimitation du champ dapplication est régie par la souplesse requise pour la mise en uvre de la convention. En principe, la convention sapplique à tous les travailleurs et à toutes les branches dactivité économique. Toutefois, pour faciliter la ratification de la convention par tous les Etats Membres, la rigueur du principe directeur est souvent atténuée par la possibilité dexclure de lapplication de la convention, soit en partie, soit en totalité, des branches particulières dactivité économique ou des entreprises particulières en raison des problèmes de fond qui se posent. Les dispositions sur le champ dapplication peuvent également prévoir une application progressive, de manière à tenir compte des conditions qui prévalent dans un pays. Les exclusions sont un bon indicateur des ressources nationales dont un pays dispose pour mettre en uvre une nouvelle législation nationale en matière de sécurité et de santé. Toute décision dexclusion est soumise aux conditions ci-après: elle doit être prise après consultation des employeurs et des travailleurs, et les branches ou entreprises exclues doivent bénéficier, par dautres moyens, dun milieu de travail salubre et sûr. Cette partie de la convention comprend également la définition des termes employés dans linstrument international (par exemple: branches dactivité économique, travailleurs, lieu de travail, employeur, réglementation, représentation des travailleurs, santé, produits chimiques dangereux, installations présentant des risques élevés, rapports de sécurité, etc.).
Les conventions sur la sécurité et la santé précisent tout dabord les dispositions quun gouvernement doit prendre pour définir, mettre en application et réexaminer une politique nationale sur la question. Les organisations de travailleurs et demployeurs doivent participer à létablissement de la politique et à la définition des buts et des objectifs. Les conventions traitent ensuite de ladoption des lois ou des règlements qui donneront effet à leurs dispositions et de la mise en application de la loi; elles portent aussi sur lemploi de personnel qualifié et sur le soutien à apporter aux membres des services dinspection et des services consultatifs. En vertu des articles 19 et 22 de la Constitution de lOIT, les gouvernements doivent également, de façon périodique ou sur demande, présenter des rapports au Bureau international du Travail précisant les mesures prises pour mettre en uvre la convention ou la recommandation. Ces obligations sont à la base des procédures de contrôle de lOIT.
Limportance de la participation des personnes directement associées à la mise en application des règlements et aux conséquences des accidents ne saurait être mise en doute. Le succès des mesures en matière de sécurité et de santé dépend de la collaboration des intéressés et de la prise en compte de leur opinion et de leur bonne volonté. La convention dispose donc que les autorités gouvernementales doivent consulter les employeurs et les travailleurs lorsquelles envisagent dexclure certaines installations de la législation concernant la mise en uvre graduelle des dispositions et lorsquelles élaborent une politique nationale sur lobjet de la convention.
La responsabilité de lapplication de dispositions légales dans une entreprise incombe au propriétaire de celle-ci ou à son représentant. Les droits relatifs à la participation des travailleurs à la prise de décisions ne changent rien à la responsabilité première de lemployeur. Les obligations des employeurs, telles que définies dans les conventions, comprennent linstauration de méthodes de travail saines et sûres; lachat de machines et de matériels et lutilisation de produits ne présentant pas de danger pour la sécurité et la santé; le contrôle et lévaluation des produits chimiques en suspension dans lair des lieux de travail; la surveillance de létat de santé des travailleurs et ladministration des premiers secours; la déclaration des accidents et des maladies à lautorité compétente; la formation des travailleurs; la diffusion dinformations sur les risques inhérents au travail et leur prévention; la coopération avec les travailleurs et leurs représentants dans lexécution de ces obligations.
Depuis les années quatre-vingt, les conventions disposent que les travailleurs doivent collaborer avec leur employeur dans lapplication des mesures sur la sécurité et la santé et se conformer à toutes les procédures et pratiques y relatives. Les devoirs des travailleurs peuvent comprendre lobligation de signaler à leur supérieur toute situation susceptible de présenter un risque, ou leur décision de quitter leur lieu de travail en cas de danger grave et imminent pour leur santé ou leur vie.
De nombreux droits des travailleurs sont énoncés dans les conventions internationales du travail concernant la sécurité et la santé. En général, un travailleur a le droit dêtre informé des risques inhérents à son travail, de connaître la nature des produits chimiques utilisés sur le lieu de travail et de recevoir les fiches de données de sécurité; le droit dêtre formé à des méthodes de travail sûres; le droit dêtre consulté par lemployeur sur tous les aspects de la sécurité et de la santé associés à son travail; le droit de bénéficier dun suivi médical gratuit et sans perte de salaire. Certaines conventions reconnaissent également les droits des représentants des travailleurs, particulièrement en matière dinformation et de consultation. Ces droits sont renforcés dans dautres conventions portant sur la liberté syndicale, la négociation collective, la représentation des travailleurs et la protection contre le licenciement.
Plusieurs articles précis des conventions adoptées en 1981 et par la suite traitent du droit du travailleur dinterrompre lactivité sil se croit exposé à un danger. La convention (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993, reconnaît le droit du travailleur de notifier à lautorité compétente tout danger potentiel susceptible de causer un accident majeur.
Les conventions sur la sécurité et la santé au travail soulignent la nécessité, pour les gouvernements, de disposer de services dinspection appropriés pour surveiller lapplication des mesures prises afin de les mettre en uvre. Cette exigence est assortie de lobligation de doter les services dinspection des ressources nécessaires pour accomplir leur tâche.
Les conventions sur la sécurité et la santé exigent souvent ladoption dune réglementation nationale concernant les sanctions à imposer en cas dinexécution des obligations légales. Larticle 9 (2) de la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, déclare: «Le système de contrôle devra prévoir des sanctions appropriées en cas dinfraction aux lois ou aux prescriptions.» Ces sanctions peuvent être de nature administrative, civile ou pénale.
La convention (no 81) sur linspection du travail, 1947, impose aux Etats Membres le maintien dun système dinspection du travail dans les établissements industriels. Elle précise les obligations du gouvernement en matière dinspection, ainsi que les droits, les devoirs et les pouvoirs des inspecteurs. Cet instrument est complété par deux recommandations (nos 81 et 82) et par le protocole de 1995, qui en étend le champ dapplication aux services non commerciaux (comme la fonction publique ou les entreprises gérées par lEtat). La convention (no 129) sur linspection du travail (agriculture), 1969, contient des dispositions pour le secteur agricole qui sont presque les mêmes que celles de la convention no 81. Les conventions et les recommandations se rapportant au secteur maritime traitent également de linspection des conditions de travail et des conditions de vie des gens de mer.
Le gouvernement doit établir un service dinspection indépendant composé dun nombre suffisant dinspecteurs qualifiés et doté de tout ce quil faut pour exercer efficacement ses fonctions. Il lui appartient de prendre des dispositions sur les sanctions à imposer en cas dinfraction à la réglementation sur la sécurité et la santé. Les inspecteurs ont lobligation de faire respecter la loi et de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces dobserver les dispositions légales.
Les inspecteurs doivent signaler aux autorités toute lacune de la réglementation et présenter des rapports annuels sur leur travail. Les gouvernements sont appelés à préparer un rapport annuel contenant des données statistiques sur les inspections effectuées.
Les droits et les pouvoirs des inspecteurs sont définis dans la convention et comprennent notamment le droit de pénétrer dans tout établissement ou lieu de travail, de procéder à des examens et à des contrôles, de proposer des mesures correctives, dordonner que des modifications soient apportées aux installations et que des mesures immédiatement exécutoires soient prises en cas de danger imminent. Ils sont également habilités à formuler des injonctions et à intenter des poursuites en cas de violation des obligations de lemployeur.
La convention contient des dispositions concernant la conduite des inspecteurs: ils ne doivent pas avoir dintérêt dans lentreprise placée sous leur contrôle; il leur est interdit de divulguer des secrets de fabrication ou de commerce; ils doivent surtout garantir la confidentialité des plaintes présentées par les travailleurs, ce qui signifie quils ne doivent révéler aucun indice qui permettrait à lemployeur didentifier le plaignant.
Les travaux délaboration de toute convention reflètent autant que possible les lois et pratiques des Etats Membres de lOrganisation. Toutefois, il arrive que des éléments nouveaux proposés au cours des travaux naient pas encore fait lobjet dune réglementation nationale. Linitiative peut être lancée par des délégués lors de la discussion dune norme dans une commission de la Conférence; sil y a lieu, le Bureau international du Travail peut y donner suite et rédiger la première ébauche dun nouvel instrument. Voici deux exemples:
1) Le droit dun travailleur de se retirer dune situation de travail qui présente un danger imminent et grave pour sa vie ou sa santé.
Généralement, les gens considèrent comme un droit naturel labandon dun poste de travail où lon court un danger de mort. Pourtant, cet acte peut causer des dommages aux matériels, aux machines ou aux produits, ce qui peut coûter très cher. Les installations devenant plus perfectionnées et plus coûteuses, on peut reprocher au travailleur davoir quitté le lieu de travail sans raison valable, et tenter de le rendre responsable des dommages. Pendant la discussion de la commission de la Conférence chargée délaborer la convention sur la sécurité et la santé, il a été proposé de protéger les travailleurs contre des poursuites éventuelles. La commission a débattu de la proposition pendant des heures et a fini par trouver une formule qui protège les travailleurs tout en étant acceptable par la majorité de ses membres.
Larticle 13 de la convention no 155 se lit donc comme suit: «Un travailleur qui sest retiré dune situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser quelle présentait un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé devra être protégé contre des conséquences injustifiées, conformément aux conditions et à la pratique nationales.» Par «conséquences injustifiées», il faut naturellement entendre le licenciement et les mesures disciplinaires, de même que la responsabilité. Plusieurs années plus tard, la situation a été réexaminée à loccasion des discussions de la commission de la Conférence chargée, en 1987-88, délaborer la convention sur la sécurité et la santé dans la construction. Le groupe des travailleurs a présenté un amendement visant à inclure le droit de tout travailleur de se retirer dune situation présentant un danger grave ou imminent. La proposition a finalement été acceptée par la majorité des membres de la commission, à la condition dêtre assortie de lobligation du travailleur den informer immédiatement son supérieur.
La même disposition a été insérée dans la convention (no 170) sur les produits chimiques, 1990, et dans la convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995. Par conséquent, les Etats qui ont ratifié les conventions sur la sécurité et la santé, sur la construction, sur les produits chimiques ou sur la sécurité et la santé dans les mines doivent inscrire dans leur législation nationale le droit des travailleurs de se retirer dune situation de travail présentant un danger pour leur santé ou leur vie, et dêtre protégés contre des «conséquences injustifiées». Ces dispositions mèneront tôt ou tard à lapplication de ce droit aux travailleurs de toutes les branches de lactivité économique. Ce droit nouvellement reconnu a été introduit en 1989 dans la directive-cadre de lUnion européenne (UE) sur lorganisation de la sécurité et de la santé. Tous les Etats Membres de lUE ont dû intégrer ce droit dans leur législation à la fin de 1992.
2) Le droit dun travailleur de demander une évaluation de son état de santé au lieu de subir des examens médicaux obligatoires.
Pendant de nombreuses années, la législation nationale exigeait que les travailleurs exerçant des occupations particulières subissent des examens médicaux préalables à toute affectation ou maintien à un poste de travail. Au fil des ans, la liste des examens médicaux à subir obligatoirement avant une affectation, puis à intervalles réguliers, sest allongée. Pourtant, ce qui partait dune bonne intention est en train de devenir un fardeau parce que lon fait passer beaucoup trop dexamens médicaux à une même personne. Si ces examens étaient inscrits dans un carnet de santé accompagnant le travailleur tout au long de sa vie et attestant son bon ou mauvais état de santé, comme cest le cas dans certains pays, ils pourraient servir à éliminer des candidats à lemploi et, partant, à les condamner au chômage. Un jeune travailleur ayant subi de nombreux examens médicaux au cours de sa vie professionnelle pour cause dexposition à des produits dangereux risque alors de ne trouver que portes closes, aucun employeur nétant disposé à lembaucher par crainte de le voir sabsenter trop souvent pour cause de maladie.
De plus, tout examen médical constitue une intrusion dans la vie privée dune personne et, partant, cest au travailleur den décider.
Le Bureau international du Travail a donc proposé dinscrire dans la convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990, le droit pour un travailleur de demander une évaluation de son état de santé au lieu de subir des contrôles obligatoires. Cette idée a été bien accueillie et elle a finalement trouvé son expression dans larticle 4 de la convention sur le travail de nuit, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1990. Cet article se lit comme suit:
1. A leur demande, les travailleurs auront le droit dobtenir sans frais une évaluation de leur état de santé et de recevoir des conseils sur la façon de réduire ou déviter les problèmes de santé associés à leur travail: a) avant dêtre affectés à un travail de nuit; b) à intervalles réguliers au cours de cette affectation; c) sils éprouvent au cours de cette affectation des problèmes de santé qui ne sont pas dus à des facteurs autres que le travail de nuit.
2. Sauf pour ce qui est de la constatation de linaptitude au travail de nuit, le contenu de ces évaluations ne doit pas être transmis à des tiers sans laccord des travailleurs ni être utilisé à leur détriment.
Nombre de professionnels de la santé éprouvent de la difficulté à accepter cette idée. Ils devraient pourtant comprendre que le droit dune personne de décider de faire évaluer son état de santé correspond à lidée que lon se fait aujourdhui des droits humains. Cette disposition a déjà été reprise dans certaines législations nationales. En Allemagne, par exemple, le gouvernement la inscrite dans la loi de 1994 sur la durée du travail qui fait référence à la convention. Fait encore plus significatif, les dispositions de la directive-cadre de lUE sur la sécurité et la santé des travailleurs concernant la surveillance de létat de santé sont calquées sur ce modèle.
Tout Etat qui ratifie une convention de lOIT sengage à prendre «telles mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives les dispositions de ladite convention» [Constitution de lOIT, art. 19 (5)]. Les autres pays et les organisations représentatives demployeurs et de travailleurs (mais non les particuliers) disposent de plusieurs moyens pour encourager un gouvernement à respecter les obligations quil a acceptées. Il suffit à une organisation dadresser une lettre circonstanciée au Directeur général, Bureau international du Travail, 4, route des Morillons, CH-1211 Genève 22, Suisse (télécopie: +41-22-798 86 85). Les procédures décrites ici sont complétées par les activités de lOIT visant à promouvoir les normes internationales du travail, entre autres par la tenue de séminaires et de colloques animés par les conseillers régionaux. Procédures définies à larticle 22. Les gouvernements doivent présenter au Bureau international du Travail un rapport annuel sur les mesures quils ont prises pour mettre à exécution les conventions auxquelles ils ont adhéré (art. 22). Ils sont également tenus de remettre une copie du rapport aux principales organisations représentatives des employeurs et des travailleurs de leur pays (art. 23). Ces organisations peuvent commenter les rapports et donner un complément dinformation sur lapplication dun instrument. La Commission dexperts pour lapplication des conventions et recommandations (CEACR) examine les rapports et les commentaires reçus. Elle peut alors présenter ses propres observations aux gouvernements et recommander telle ou telle modification de la législation ou de la pratique, ou encore relever les progrès accomplis. A son tour, la CEACR présente un rapport annuel à la Conférence internationale du Travail. La Commission de lapplication des normes examine des cas choisis, avant den rendre compte à Conférence réunie en séance plénière. Le rapport de la Conférence appelle les gouvernements à respecter les obligations quils ont acceptées en ratifiant les conventions internationales du travail et, parfois, les invite à accepter des missions de contacts directs pendant lesquelles les membres des missions, le gouvernement et les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs cherchent ensemble des solutions. Procédures définies à larticle 24. Selon cet article de la Constitution de lOIT, toute organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs peut déposer une réclamation pour faire valoir quun Etat Membre naurait pas assuré dune manière satisfaisante lexécution dune convention quil a ratifiée. Pour être admissible, la réclamation doit provenir dune telle organisation, être présentée par écrit, se référer à larticle 24 de la Constitution de lOIT et indiquer sur quel point lEtat mis en cause na pas veillé de façon satisfaisante à lapplication des dispositions de la convention quil a ratifiée (désignée par son titre ou son numéro). Le Conseil dadministration peut alors former une commission denquête qui aura pour mission détudier la question, de transmettre ses constatations au gouvernement pour commentaires et détablir un rapport, que le Conseil dadministration pourra faire publier. La réclamation peut également donner lieu à une mission de contacts directs. Lorsquun gouvernement ne donne pas suite à un rapport découlant dune réclamation présentée aux termes de larticle 24, le Conseil dadministration peut engager une procédure de plainte, conformément à larticle 26 de la Constitution de lOIT. Procédures définies à larticle 26. Cet article de la Constitution de lOIT permet dengager des procédures de plainte auprès du Bureau international du Travail contre un Etat Membre qui nassurerait pas dune manière satisfaisante lexécution dune convention quil a ratifiée. Les plaintes peuvent être déposées par un autre Etat Membre qui a, lui aussi, ratifié la même convention, par un délégué à la Conférence internationale du Travail (gouvernemental, employeur ou travailleur), ou par le Conseil dadministration. Le Conseil dadministration peut former une commission denquête qui a pour mission détudier la plainte et de déposer un rapport à ce sujet. Les conclusions et les recommandations de la commission denquête sont alors publiées. Les recommandations peuvent inclure une mission de contacts directs. En cas de désaccord sur les recommandations de la commission denquête, une plainte peut être déposée auprès de la Cour internationale de Justice, dont la décision nest pas susceptible dappel. Procédures relatives à la liberté syndicale. La liberté syndicale et le droit à la négociation collective étant au cur même de toute participation à lOIT, des procédures particulières ont été établies pour traiter les plaintes alléguant des infractions à ces droits. Le Comité de la liberté syndicale, qui relève du Conseil dadministration, examine les plaintes que les organisations nationales ou internationales demployeurs ou de travailleurs ont déposées contre un Etat Membre de lOIT, même lorsque cet Etat na pas ratifié les deux grandes conventions internationales du travail sur la liberté syndicale et la négociation collective. Le Comité peut également recommander quun gouvernement accepte une mission de contacts directs pour laider à assurer le respect de ces principes fondamentaux. Effet. Certes, lOIT ne dispose pas de forces de police ou dune inspection du travail qui peut ordonner de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité dun lieu de travail, mais les gouvernements sont sensibles aux demandes pressantes quelle leur adresse au sujet du respect des obligations quils ont acceptées en ratifiant certaines conventions. Pour nombre de cas, la pression publique qui sexerce par le recours aux procédures de lOIT a abouti à des changements dans la législation et la pratique nationales et, par conséquent, à lamélioration des conditions de travail. Anne Trebilcock |
Les fonctions du Bureau international du Travail, telles que définies à larticle 10 de la Constitution, comprennent la centralisation et la distribution de toutes les informations concernant la réglementation internationale de la condition des travailleurs et du régime de travail et, en particulier, les futures normes internationales du travail; la préparation de la documentation sur les divers points à lordre du jour des sessions de la Conférence (notamment les études préparatoires concernant le contenu et le libellé des conventions et des recommandations); la prestation de services consultatifs aux gouvernements, aux organisations de travailleurs et demployeurs des Etats Membres pour lélaboration de la législation du travail et lamélioration pratique administrative et des services dinspection; la rédaction de publications traitant des questions concernant lindustrie et le travail qui présentent un intérêt international.
Comme tout ministère du travail, le Bureau international du Travail est composé de départements, services et unités chargés des divers domaines de la politique du travail. Deux instituts ont été créés spécialement pour venir en aide au Bureau et aux Etats Membres: lInstitut international détudes sociales, au siège social de lOIT, à Genève, et le Centre international de formation de lOIT, à Turin (Italie).
Le Directeur général, élu par le Conseil dadministration pour un mandat de cinq ans, et trois directeurs généraux adjoints nommés par le Directeur général (depuis 1996) sont à la tête de treize départements, onze bureaux au siège social à Genève (Suisse), deux bureaux de liaison avec les organisations internationales, cinq départements régionaux (Afrique, Amériques, Asie et Pacifique, Etats arabes, Europe) comptant trente-cinq bureaux de zone et de correspondance et treize équipes multidisciplinaires (groupe de spécialistes qui offrent des services consultatifs dans les Etats Membres dune sous-région).
Le Département des conditions et du milieu de travail est chargé de lessentiel des activités en matière de sécurité et de santé. Les experts formant les équipes multidisciplinaires font partie de ce département, qui est composé de quelque soixante-dix fonctionnaires de la catégorie des services organiques et de celle des services généraux de vingt-cinq nationalités différentes. Depuis 1996, il compte deux services: les conditions de travail et les activités de bien-être (CONDI/T), et la sécurité et santé au travail (SEC/HYG).
Les services dinformation sur la sécurité et lhygiène au travail du service SEC/HYG administrent le Centre international dinformations de sécurité et santé au travail (CIS) et la section des systèmes de soutien en matière dinformation sur la sécurité et la santé au travail. Les travaux dédition de lEncyclopédie sont confiés à la section des systèmes de soutien.
Une unité spéciale du Département a été créée en 1991: le Programme international pour labolition du travail des enfants (IPEC, daprès le sigle anglais), qui élabore, avec les Etats Membres de toutes les régions du monde, des programmes nationaux de lutte contre le travail des enfants. LIPEC est financé par des contributions spéciales de plusieurs Etats Membres, notamment lAllemagne, lAustralie, la Belgique, lEspagne, les Etats-Unis, la France et la Norvège.
A la suite de la révision du grand programme sur la sécurité et la santé de lOIT établi dans les années soixante-dix sous le nom de Programme international pour lamélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT), la Conférence internationale du Travail a adopté en 1984 une résolution sur cette question. En principe, cette résolution sert de schéma directeur pour toutes les actions de lOIT et des Etats Membres de lOrganisation dans le domaine de la sécurité et de la santé et sinspire des principes suivants:
Des publications concernant la santé des travailleurs sont parues dans la série Sécurité et hygiène au travail, notamment Exposition professionnelle à des substances nocives en suspension dans lair, une liste des limites dexposition établies par quinze Etats Membres (BIT, 1981); International Directory of Occupational Safety and Health Services and Institutions, répertoire des services de sécurité et de santé au travail des Etats Membres (BIT, 1990); Protection of Workers from Power Frequency Electric and Magnetic Fields, guide pratique sur les effets possibles des champs électriques et des champs magnétiques sur la santé, ainsi que sur les procédures à suivre pour établir des normes de sécurité plus élevées (BIT, 1993).
Les réalisations de lOIT dans le domaine de la sécurité et de la santé sont généralement des recueils de directives pratiques, qui constituent une sorte de modèle de réglementation sur la sécurité et la santé dans de nombreux domaines du travail. Ces recueils sont souvent élaborés en vue de faciliter la ratification et lapplication des conventions internationales du travail. Par exemple, le Recueil de directives pratiques Prévention des accidents industriels majeurs (BIT, 1991), donne des lignes directrices pour létablissement dun système administratif, juridique et technique devant assurer le contrôle des installations à risques daccident majeur et éviter des catastrophes, tandis que le Recueil de directives pratiques Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (BIT, 1996b) vise à harmoniser les méthodes de collecte des données et létablissement de statistiques sur les accidents et les maladies, ainsi que sur les événements et les circonstances les entourant, afin de favoriser une action préventive et de faciliter les analyses comparatives entre Etats Membres (ces recueils ne sont que deux exemples tirés dune longue liste). Dans le domaine de léchange dinformations, le Service de la sécurité et de la santé au travail du BIT organise deux activités majeures: le Congrès mondial sur la sécurité et la santé au travail, et la Conférence internationale de lOIT sur les pneumoconioses (dénommée aujourdhui Conférence internationale sur les maladies respiratoires professionnelles).
Depuis les années cinquante, le Congrès mondial a lieu dans un des Etats Membres de lOIT tous les trois ou quatre ans. Il est organisé en collaboration avec lAssociation internationale de la sécurité sociale (AISS) et lorganisation nationale de lEtat hôte chargée de la sécurité et de la santé. Deux à trois mille experts dune centaine de pays se réunissent pour échanger des informations sur les bonnes pratiques dans le domaine de la sécurité et de la santé et sur les nouvelles orientations, ainsi que pour établir des relations avec des collègues dautres pays ou dautres parties du monde. Le Congrès de 1999 à eu lieu à São Paulo au Brésil.
LOIT organise la Conférence sur les pneumoconioses depuis les années trente. Celle de 1997 sest déroulée à Kyoto (Japon). Ces conférences ont abouti à une grande réalisation, la Classification internationale du BIT des radiographies de pneumoconioses.
La coopération technique de lOIT dans le domaine de la sécurité et de la santé comporte de nombreux volets. Plusieurs projets ont aidé les Etats Membres à élaborer une nouvelle législation en la matière et à renforcer leurs services dinspection. Dautres pays ont reçu de laide pour mettre sur pied des instituts de sécurité et de santé afin de promouvoir les recherches et de mettre au point des programmes et des activités de formation. Des projets spéciaux sur la sécurité dans les mines et dans lutilisation des produits chimiques au travail ont été conçus et mis en uvre; par exemple, on a établi des systèmes de contrôle des risques majeurs. Ces projets peuvent viser un Etat Membre en particulier ou un groupe de pays dune région donnée. Les tâches accomplies au BIT portent sur lévaluation des besoins, lélaboration et la conception des projets, lidentification du soutien financier provenant de fonds internationaux et de programmes daide nationaux, la sélection des experts techniques et la prestation des services sur ce plan, lachat de matériel et la planification, ainsi que lorganisation et la mise en uvre de voyages détudes et de programmes de bourses.
Les activités normatives, la recherche, la collecte et la diffusion dinformations, ainsi que la coopération technique constituent les moyens daction de lOIT. Les activités, menées avec la participation des membres tripartites de lOrganisation, renforcent le combat pour la justice sociale et la paix dans le monde.
Cest la raison pour laquelle en 1969, année du cinquantième anniversaire de lOrganisation, le travail et les réalisations de lOrganisation internationale du Travail ont été récompensés par le prix Nobel de la paix.
LOrganisation internationale de normalisation (ISO) est une fédération mondiale de cent vingt organismes nationaux de normalisation (1996). LISO se propose de promouvoir la mise au point de normes en vue de faciliter les échanges de biens et de services dans le monde et de stimuler la coopération dans les domaines intellectuel, scientifique, technique et économique. Les résultats des travaux techniques de lISO sont publiés sous la forme de Normes internationales.
Le champ daction de lISO ne se limite pas à une branche dactivité en particulier; il sétend à tous les domaines de la normalisation, à lexception de la technologie électrique et électrotechnique qui relève de la Commission électrotechnique internationale (CEI).
Pour préparer les normes internationales, lISO concilie les intérêts des fabricants, des usagers (y compris les consommateurs), des gouvernements et des milieux scientifiques.
Les travaux de lISO sont effectués par quelque 2 800 organes techniques. Plus de 100 000 experts de toutes les régions du monde participent à ces travaux qui ont donné lieu à la publication de plus de 10 000 normes internationales, ce qui représente quelque 188 000 pages de données de référence concises en anglais et en français.
La normalisation internationale a commencé dans le domaine de lélectrotechnique, il y environ quatre-vingt-dix ans. Malgré les tentatives amorcées dans les années trente en vue dinstituer des normes internationales dans dautres domaines techniques, ce nest quavec la création de lISO que lon vit naître une organisation internationale entièrement vouée à la normalisation.
A la suite dune réunion tenue à Londres en 1946, les délégués de vingt-cinq pays décidèrent dinstituer une nouvelle organisation «dont lobjet serait de faciliter la coordination et lunification internationales des normes industrielles». La nouvelle organisation, lISO, a commencé officiellement ses travaux le 23 février 1947.
Un comité membre de lISO est lorganisme national «le plus représentatif de la normalisation dans son pays». Il en résulte quun seul organisme par pays peut être admis en qualité de membre de lISO. Les comités membres sont habilités à participer et à exercer leur plein droit de vote dans tout comité technique de lISO, sont éligibles comme membres du Conseil et ont le droit de siéger à lAssemblée générale. En septembre 1995, le nombre de comités membres sélevait à quatre-vingt-trois. Plus de 70% des comités membres de lISO sont des institutions gouvernementales ou des organisations de droit public. Les autres sont en relation étroite avec ladministration publique de leur pays.
Un membre correspondant est en général une organisation dun pays en développement qui ne dispose pas encore de son propre organisme de normalisation. Les membres correspondants ne prennent pas une part active aux travaux techniques, mais ils en sont tenus pleinement informés. Généralement, un membre correspondant accède au statut de comité membre au bout de quelques années. Presque tous les membres correspondants actuels sont des institutions gouvernementales. En septembre 1995, on comptait vingt-quatre membres correspondants.
Une troisième catégorie de membres, les membres abonnés, a été créée pour les petits pays. Ils versent une contribution réduite qui leur permet de rester en contact avec la normalisation internationale. En septembre 1995, il y avait huit membres abonnés.
Dautres renseignements sur les comités membres de lISO figurent dans la publication Comités membres ISO.
Les activités techniques de lISO sont confiées à des comités techniques (CT). La décision de créer un comité technique relève du Bureau technique, qui approuve également le champ daction du comité. Le comité technique détermine alors son propre programme de travail dans les limites du champ daction approuvé.
Les comités techniques peuvent à leur tour créer des sous-comités (SC) et des groupes de travail (GT) chargés de différents aspects des travaux. Chaque comité ou sous-comité technique dispose dun secrétariat confié à un comité membre de lISO. A la fin de 1995, il existait 185 comités techniques, 611 sous-comités et 2 022 groupes de travail.
Une demande visant à ouvrir un nouveau domaine dactivité technique dans le programme de travail de lISO émane habituellement dun comité membre, mais peut être présentée par une autre organisation internationale. Comme les ressources sont limitées, il faut établir un ordre de priorité. En conséquence, toutes les nouvelles demandes sont soumises à lexamen des comités membres de lISO. En cas dacceptation, les nouveaux travaux sont confiés au comité technique compétent ou, le cas échéant, à un nouveau comité créé à cet effet.
Chaque comité membre intéressé par une étude a le droit de faire partie du comité technique correspondant. Les règles détaillées de procédure figurent dans les Directives ISO/CEI.
Une norme internationale est le résultat dun accord intervenu entre les comités membres de lISO. Elle peut être utilisée telle quelle ou être incorporée dans les normes nationales.
Un premier pas important vers lélaboration dune norme internationale est le projet de comité (PC), document distribué pour étude par le comité technique. Ce document doit franchir un certain nombre détapes avant dêtre accepté comme norme internationale. La procédure en vigueur est destinée à garantir que le résultat final soit acceptable par le plus grand nombre possible de pays. Lorsque les membres du comité technique parviennent à un accord, le projet de comité est envoyé au secrétariat central pour être enregistré comme projet de norme internationale (Draft International Standard (DIS)), en vue de sa soumission au vote de tous les comités membres. Dans beaucoup de pays, le DIS est soumis à enquête publique, ce qui permet une très vaste consul-tation. Si le DIS est approuvé par 75% des votes, il passe à létape de projet final de norme internationale (Final Draft International Standard (FDIS)) et est envoyé à tous les comités membres pour adoption formelle par lISO. Une fois encore, le projet final doit obtenir 75% des votes avant dêtre publié comme norme internationale. Habituellement, les questions techniques fondamentales sont résolues au niveau du comité technique; toutefois, la procédure du vote des comités membres permet dassurer quaucune objection importante na été laissée de côté.
La plus grande partie du travail se fait par correspondance et les réunions ne sont convoquées quen cas dabsolue nécessité. Chaque année, quelque 10 000 documents de travail sont distribués. La plupart des normes appellent une révision périodique. Plusieurs facteurs concourent à rendre une norme caduque: lévolution des techniques, des méthodes nouvelles, des matériaux nouveaux et des prescriptions nouvelles en matière de qualité et de sécurité. Pour tenir compte de ces facteurs, lISO sest fixé pour règle de réviser toutes les normes ISO tous les cinq ans au moins. Il est parfois même nécessaire de les réviser plus tôt.
La liste de toutes les normes ISO figure dans le Catalogue ISO.
Chaque norme internationale de lISO est préparée en tenant compte de la sécurité, facteur qui fait partie intégrante du travail de lOrganisation.
Les quelque 10 000 normes internationales déjà publiées par lISO couvrent des domaines très divers: aérospatiale, aéronautique, agriculture, construction, essais au feu sur les matériaux de construction, conteneurs, matériel médical, matériel pour lexploitation minière, langages informatiques, environnement, sécurité individuelle, ergonomie, pesticides, énergie nucléaire.
Bon nombre de normes internationales sont naturellement considérées comme importantes pour la prévention des risques professionnels. Par exemple, on reconnaît facilement le symbole de base pour les rayonnements ionisants ou les substances radio- actives (ISO 361), les couleurs et les signaux de sécurité (ISO 3864) et les casques de protection pour lindustrie (ISO 3873) recommandés pour assurer une protection moyenne dans les domaines de lexploitation minière, lexploitation des carrières, la construction de navires, les ponts et chaussées, la foresterie, etc. Si la pertinence, pour la protection de la sécurité, dautres normes internationales nest pas aussi évidente, il nen reste pas moins quelles ont un effet tout aussi important sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Par exemple, la norme ISO 2631 Evaluation de lexposition des individus à des vibrations globales du corps, publiée en deux parties mesure la «limite de confort réduit», la «limite de capacité réduite par fatigue» et la «limite dexposition» établies selon les différentes intensités de vibration, lampleur de laccélération et la durée dexposition, et selon la direction des vibrations par rapport aux axes basicentriques du corps humain. Comme toutes les autres, cette norme est constamment mise à jour en fonction des recherches et des expériences. Elle sapplique aux véhicules comme les camions-bennes, les tracteurs et les excavatrices, ainsi quà dautres types de véhicules et lieux de travail.
Les comités techniques de lISO énumérés dans le tableau 23.2 sont parmi les plus renommés pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
No |
Titre |
Exemple d’une norme de l’ISO |
|
10 |
Dessins techniques, définition du produit et documentation connexe |
ISO/DIS 11604 |
Documentation technique de produits Micrographie des dessins techniques et autres documents de bureau d’études |
21 |
Equipement de protection et de lutte contre l’incendie |
ISO 3941 |
Classes de feux |
23 |
Tracteurs et matériels agricoles et forestiers |
ISO 3776 |
Tracteurs agricoles Ancrages pour ceintures de sécurité |
35 |
Peintures et vernis |
ISO 3679 |
Peintures, vernis, produits pétroliers et assimilés Détermination du point d’éclair Méthode rapide à l’équilibre |
43 |
Acoustique |
ISO 4872 |
Acoustique Mesure du bruit aérien émis par les engins de construction destinés à être utilisés à l’air libre Méthode de vérification de la conformité en ce qui concerne les limites de bruit |
44 |
Soudage et techniques connexes |
ISO/DIS 10882-2 |
Hygiène et sécurité en soudage et techniques connexes Echantillonnage de particules en suspension et gaz dans la zone de respiration des opérateurs Partie 2: Echantillonnage des gaz |
59 |
Construction immobilière |
ISO/TR 9527 |
Construction immobilière Besoins des handicapés dans les bâtiments Lignes directrices pour la conception |
67 |
Matériels, équipements et plates-formes en mer pour l’industrie du pétrole et du gaz naturel |
ISO 10418 |
Industries du pétrole et du gaz naturel Plates-formes de production en mer Analyse, conception, installation et essais des systèmes essentiels de sécurité de surface |
82 |
Exploitation minière |
ISO 3155 |
Câbles d’extraction toronnés utilisés dans les mines Composants textiles Caractéristiques et essais |
85 |
Energie nucléaire |
ISO 1709 |
Energie nucléaire Matières fissiles Principes de sécurité, criticité lors du stockage, de la manipulation et du traitement |
86 |
Réfrigération |
ISO 5149 |
Systèmes frigorifiques mécaniques utilisés pour le refroidissement et le chauffage Prescriptions de sécurité |
92 |
Matériaux de construction |
ISO 1716 |
Matériaux de construction Détermination du potentiel calorifique |
94 |
Sécurité Vêtements et équipement de protection |
ISO 2801 |
Vêtements de protection contre la chaleur et le feu Recommandations générales pour les utilisateurs et les responsables |
96 |
Grues |
ISO 10245-1 |
Appareils de levage à charge suspendue Limiteurs et indicateurs Partie 1: Généralités |
98 |
Structures de construction en général |
ISO 2394 |
Principes généraux de la fiabilité des constructions |
101 |
Engins de manutention continue |
ISO 1819 |
Engins de manutention continue Code de sécurité Règles générales |
108 |
Vibrations et chocs mécaniques |
ISO 2631-1 |
Evaluation de l’exposition des individus à des vibrations globales du corps Partie 1: Spécifications générales |
110 |
Chariots industriels |
ISO 1074 |
Chariots élévateurs à fourche travaillant en porte-à-faux Essais de stabilité |
118 |
Compresseurs, outils et machines pneumatiques |
ISO 5388 |
Compresseurs d’air fixes Règles de sécurité et code d’exploitation |
146 |
Qualité de l’air |
ISO 8518 |
Air des lieux de travail Dosage du plomb particulaire et des particules de composés de plomb Méthode par spectrométrie d’absorption atomique dans la flamme |
159 |
Ergonomie |
ISO 7243 |
Ambiances chaudes Estimation de la contrainte thermique de l’homme au travail, basée sur l’indice WBGT (température mesurée par globe humide noir) |
199 |
Sécurité des machines |
ISO/TR 12100-1 |
Sécurité des machines Notions fondamentales, principes généraux de conception Partie 1: Terminologie de base, méthodologie |
Ces comités techniques et dautres ont travaillé ou travaillent à lélaboration de normes internationales relatives aux risques professionnels dans des secteurs comme les chantiers de construction, les usines, les docks, lagriculture et la foresterie, les installations nucléaires, la manutention de charges et les vêtements et léquipement de protection individuelle.
Le secteur de la construction illustre bien le travail approfondi de lISO dans la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Parmi la cinquantaine de comités techniques de lISO qui soccupent de divers aspects de la construction ou des matériaux de construction, dix traitent des problèmes en milieu de travail. Les facteurs physiques dans cette branche dactivité touchent notamment la sécurité individuelle, les vibrations et les chocs, le bruit, les machines de chantier, les engins de terrassement, les grues et appareils de levage, ainsi que lergonomie. Les facteurs chimiques sont la qualité de lair, les peintures et les vernis, la protection des soudeurs et léquipement de protection individuelle.
Le comité technique 127 de lISO (engins de terrassement) a institué un sous-comité pour examiner spécifiquement les impératifs de sécurité et les facteurs humains en ce qui concerne tous les types courants dengins de terrassement comme les tracteurs, les chargeuses, les camions-bennes, les décapeuses, les excavatrices et les niveleuses. Des normes existent déjà en ce qui concerne la sécurité de laccès aux cabines de conduite au moyen de marches, déchelles, de passerelles et de plates-formes. Les dimensions des cabines ont été étudiées en fonction de critères ergonomiques, selon la taille du conducteur, la position assise ou debout, les vêtements portés dans un climat arctique ou autre, etc.
La posture assise, ainsi que la taille et la forme des sièges adaptés à la morphologie des différents types de conducteurs font également lobjet de normes internationales. Les positions assises sont désormais liées au confort et à la facilité daccès aux commandes manuelles et aux pédales. Les normes dans ce domaine ont été élaborées de manière à définir le champ de visibilité des conducteurs dengins de terrassement en fonction de la forme, de la taille et de lemplacement des angles morts ou sans visibilité créés par certaines parties des machines.
Pour empêcher lécrasement du conducteur en cas de renversement accidentel, des structures de protection contre le retournement (Roll-over Protective Structures (ROPS)) ont été mises au point et normalisées. La chute de pierres, darbres ou de pans de bâtiments en cours de démolition étant potentiellement dangereuse, des structures de protection contre les chutes dobjets (Falling-object Protective Structures (FOPS)) ont donc été normalisées afin de réduire les risques daccidents.
La norme ISO 7000 Symboles graphiques utilisables sur le matériel Index et tableau synoptique récapitule plusieurs centaines de symboles graphiques reconnus à léchelle internationale. Ces symboles doivent être apposés sur toutes sortes de matériels ou de pièces pour transmettre à lutilisateur un message de sécurité.
Les travaux de lISO relatifs à la construction sont à la fois intensifs et extensifs, comme ils le sont dans les autres domaines couverts par lOrganisation (le champ daction de lISO comprend la plupart des activités industrielles, agricoles et maritimes, à lexception de lélectrotechnique, qui est du ressort de la Commission électrotechnique internationale, et de celui des produits pharmaceutiques, qui relève de lOrganisation mondiale de la santé).
Dans les usines, les normes internationales sont tout particulièrement utiles pour les émigrants à la recherche dun emploi qui ne savent ni parler ni lire la langue du pays hôte. La présence de symboles graphiques facilement identifiables sur les machines et conformes aux normes internationales revêt alors une importance cruciale, tout comme dans le secteur de la construction. Il en va de même pour les normes relatives à la localisation des commandes manuelles et des pédales, ainsi quaux dispositifs de protection dont les pièces mobiles doivent être munies.
Les règles de sécurité et le code dexploitation de lISO concernant les compresseurs dair fixes touchent une grande variété de facteurs de sécurité et de facteurs environnementaux, tels que la prévention de linhalation de vapeurs toxiques dhuiles, le contrôle des inhibiteurs de gaz toxiques, la prévention de linflammation de lhuile et de lexplosion du carter, et lutilisation de soupapes de sûreté.
La sécurité relative aux engins de manutention continue fait lobjet de près de quarante normes internationales. Ces normes touchent divers aspects comme la sécurité et les codes de sécurité applicables à différents types déquipement, notamment les transporteurs à courroie, les distributeurs vibrants, les convoyeurs aériens, les transporteurs par voie hydraulique, léquipement de manutention pneumatique, les transporteurs à rouleaux et les transporteurs à vis.
Dans le domaine de lagriculture et de la foresterie, lISO a élaboré dimportantes normes internationales qui protègent les travailleurs. Les ancrages de ceintures de sécurité pour les tracteurs agricoles sont lobjet dune norme bien connue. Pour les fabricants, cette norme facilite les échanges, car elle remplace une pléthore de normes et règles nationales sur le sujet. Les normes de lISO prévoient même des règles de présentation pour les manuels du conducteur et les publications techniques portant sur lutilisation des tracteurs et des machines agricoles afin den faciliter la lecture et la compréhension.
Les dockers sont protégés par des normes internationales qui définissent la stabilité des grues fixes ou mobiles et leffet de la force du vent sur la structure des grues. Dautres normes portent sur les indicateurs et les dispositifs de sécurité qui se déclenchent en cas derreur de jugement du conducteur. Dautres encore concernent différents types dindicateurs: vitesse du vent, surtension, masse, relevage et orientation; des dispositifs «darrêt automatique», comme les limiteurs de descente de la flèche, de course de charge maximale et de mou de câble. Les normes existantes et celles qui sont en préparation ne devraient pas uniquement aider les conducteurs, elles devraient aussi améliorer le milieu de travail en suscitant un sentiment de confiance chez tous les travailleurs passant en dessous et autour des appareils de levage. Une norme internationale connexe établissant des critères de mise hors service des câbles toronnés pour usure, corrosion, déformation, rupture, indentation ou détérioration de lâme a été conçue pour guider les personnes qualifiées assurant lentretien et linspection des grues et des appareils de levage. De nouvelles normes en cours délaboration portent sur les dispositifs dancrage mis hors service, lentretien, la surveillance de létat de fonctionnement, la sécurité dutilisation sans risque et les signaux de sécurité.
La sécurité des travailleurs et des autres personnes présentes dans les installations nucléaires ou aux alentours fait lobjet dun certain nombre de normes internationales. Les travaux en cours portent sur les méthodes dessai pour les exposimètres et les dosimètres, les essais détanchéité des emballages, les fuites de rayonnements et les principes généraux relatifs au prélèvement des matières radioactives en suspension dans lair.
La responsabilité des normes internationales afférentes à léquipement de protection individuelle incombe au comité technique 94 de lISO. Après avoir établi la norme sur les casques de protection pour lindustrie, ce comité a mis au point une terminologie normalisée sur la protection oculaire individuelle, défini des spécifications dutilisation et de transmission en ce qui concerne le pouvoir filtrant des protections oculaires par rapport aux rayons infrarouges, et formulé des recommandations générales à lintention des utilisateurs de vêtements de protection contre la chaleur avec ou sans flamme et de leurs supérieurs.
Létablissement et lobservation de normes internationales de lISO comme celles-là, qui sont le fruit dune coopération à léchelle mondiale, ont sans aucun doute amélioré la qualité du milieu de travail.
LAssociation internationale de la sécurité sociale (AISS) a pour mission de participer, à léchelle internationale, à la défense, à la promotion et à lexpansion de la sécurité sociale, particulièrement par son perfectionnement technique et administratif. On considère aujourdhui que la prévention des risques sociaux fait partie intégrante de la sécurité sociale.
LAISS a eu un précurseur lointain, la Commission permanente internationale sur lassurance sociale (CPIAS), qui sest préoccupée des risques daccidents, avant délargir son champ daction, en 1891, à lassurance sociale en général. En 1927, la Conférence internationale du Travail a adopté, à sa dixième session, la convention (no 24) sur lassurance maladie (industrie), et la convention (no 25) sur lassurance maladie (agriculture). Cest à cette époque que lAISS a été fondée sur linitiative du Bureau international du Travail, qui désirait obtenir lappui dexperts de plusieurs pays européens aux fins de la ratification de ces deux instruments. Jusquen 1947, lorganisme était connu sous le nom de Conférence internationale de la mutualité et des assurances sociales (CIMAS).
Le concept de prévention existait déjà dans lesprit des pionniers de la CIMAS, qui lavaient alors intégré dans les principes daction fondamentaux adoptés par leur Assemblée constituante. Cependant, ce nest quen 1954 que lAssociation commença à soccuper activement de sécurité et de santé au travail en instituant la Commission permanente pour la prévention des risques professionnels. Il est important de noter à cet égard que lAISS joue un rôle complémentaire à celui de lOIT. Les experts de lAISS contribuent non seulement à lélaboration des conventions et des recommandations internationales du travail, mais ils participent à leur mise en uvre.
Bien que les programmes de prévention soient naturellement des plus répandus en sécurité et santé au travail, on note depuis une vingtaine dannées limportance croissante de la prévention dans dautres secteurs de la sécurité sociale, en particulier en ce qui concerne lassurance maladie et, plus récemment, lassurance chômage, comme lattestent les travaux des commissions permanentes de lAISS. Au cours des dix dernières années, les activités visant à prévenir les maladies et les accidents professionnels ont beaucoup évolué dans les sociétés industrialisées, comme nous le verrons dans la section portant sur le «concept de prévention» de lAssociation.
LAISS est un organisme international composé de services gouvernementaux, dinstitutions ou dorganes administrant un ou plusieurs secteurs de la sécurité sociale ou de la mutualité. Ses bureaux sont situés au siège social de lOIT, à Genève.
LAssociation a deux catégories de membres: les membres affiliés (ministères ou organismes gouvernementaux, institutions centralisées et fédérations nationales dinstitutions qui administrent dans leur pays la sécurité sociale ou lune de ses branches), et les membres associés (institutions nationales à but non lucratif, comme les organismes de recherche et les institutions de sécurité et de santé dont les objectifs sont compatibles avec ceux de lAssociation, mais qui ne sont pas admissibles en tant que membres affiliés).
En 1995, lAISS comptait plus de 240 membres affiliés dans 117 pays, et 95 membres associés dans 35 pays, ce qui représente en tout quelque 338 organisations membres dans 127 pays du monde. Plus de 200 institutions membres participent directement à lassurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles ou à la prévention des accidents et à la promotion de la sécurité et de la santé.
Comme le montre lorganigramme figurant à la figure 23.4, toutes les activités de lAISS sont dirigées par lAssemblée générale, qui se compose de délégués nommés par les institutions membres et que lon appelle parfois le parlement mondial de la sécurité sociale. Quant au Conseil, il comprend un délégué par pays comptant un membre affilié, et se réunit régulièrement tous les trois ans lors de lAssemblée générale de lAssociation. En collaboration avec le Conseil, le Bureau fait appliquer les décisions de lAssemblée générale; il est formé de 30 membres élus et des présidents des commissions permanentes. Les membres du Bureau se réunissent deux fois par an.
Comité international pour la recherche Comité international pour linformation Comité international pour lindustrie minière Comité international pour lindustrie chimique Comité international pour lindustrie métallurgique Comité international pour lélectricité Comité international pour le bâtiment et les travaux publics Comité international pour lagriculture Comité international pour la sécurité des machines Comité international pour léducation et la formation Comité international dans le secteur santé |
LAssociation a trois principaux programmes:
1. Activités régionales. Ces activités visent à répondre aux besoins particuliers des institutions membres dans les diverses régions du monde. Ainsi, lAISS a des bureaux régionaux pour lAfrique, les Amériques, lAsie et le Pacifique et pour lEurope, qui sont situés respectivement à Abidjan, à Buenos Aires, à Manille et à Paris.
2. Recherche et documentation. Lévolution et les tendances de la sécurité sociale sont suivies de près par un réseau de correspondants qui les analysent dans une perspective de recherche nationale et transnationale. LAssociation tient à jour la plus grande bibliothèque douvrages sur la sécurité sociale au monde et elle collabore avec le Département de la sécurité sociale du BIT pour fournir en temps voulu des informations sur ces questions.
3. Activités techniques. Les dix commissions permanentes et un groupe détude traitent chacun dune branche ou dun aspect particulier de la sécurité sociale. Elles enquêtent sur des problèmes précis rattachés à un domaine (assurance maladie, assurance relative aux pensions de retraite, assurance chômage, protection de la famille, réadaptation, méthodologie et organisation, questions actuarielles et statistiques, etc.).
La Commission permanente dassurance contre les accidents et les maladies du travail et la Commission permanente de prévention des risques professionnels, avec ses onze comités internationaux pour la prévention des accidents, sont particulièrement importantes pour la promotion de la sécurité et de la santé.
Deux aspects différents, mais complémentaires (activités de promotion liées à la prévention et activités techniques), font partie du domaine de compétence de cette commission qui, en collaboration avec le Comité consultatif, suit de près les développements dans le monde et entreprend des enquêtes et des études sur les questions générales qui posent problème.
La Commission est chargée dentreprendre au niveau international les activités visant à prévenir les risques professionnels:
Depuis 1955, lOIT et lAISS organisent tous les trois ans des congrès mondiaux sur la sécurité et la santé au travail, en collaboration avec les institutions membres de lAISS et les mandants de lOIT dans le pays hôte. Les congrès mondiaux ont-ils suivi les différentes étapes de lévolution de la prévention des risques professionnels au fur et à mesure des progrès sociaux, économiques et industriels réalisés au cours des vingt-cinq dernières années? Il nest pas plus facile de répondre à cette question que de savoir dans quelle mesure les congrès ont ouvert la voie à ces progrès. Il ne fait aucun doute, cependant, que léchange didées et dinformations concernant la recherche et ses applications dans différents pays, que ce soit dans le pays ou dans lindustrie, permet à de nombreux participants de se familiariser avec les changements intervenus. Les participants sont ainsi en mesure de mieux contribuer au développement de leurs champs dactivité respectifs.
Les quatre derniers congrès mondiaux ont eu lieu à Ottawa-Hull (1983), à Stockholm (1987), à Hambourg (1990), à New Delhi (1993) et à Madrid (1996). En 1999, le congrès a eu lieu à Sao Paolo au Brésil.
Depuis la fin des années soixante, sur les conseils de la Commission permanente de prévention des risques professionnels et de son Comité consultatif, le Bureau de lAISS a mis sur pied onze comités internationaux de prévention des risques professionnels. Huit de ces Comités soccupent de la prévention des accidents dans diverses branches de lindustrie et de lagriculture, et trois étudient les domaines suivants: techniques de linformation, recherche dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, éducation et formation en prévention des accidents.
Chaque Comité international de lAISS est représenté par un président et un secrétaire général qui siègent au Comité consultatif de la Commission permanente; celle-ci conseille le Bureau sur les questions fondamentales relatives aux activités de la Commission et de ses Comités internationaux. Le concept de prévention, que nous examinerons plus loin, illustre bien ce mode de fonctionnement.
Les Comités internationaux sont financièrement autonomes et ont une structure décentralisée. Ils ont leurs propres membres, qui se divisent en trois catégories: membres à part entière (institutions membres de lAISS et autres organismes sans but lucratif), membres associés (organisations à but lucratif dont les activités sont compatibles avec le domaine de compétence dun comité) et membres correspondants (experts individuels). Les secrétariats des Comités sont assurés dans divers pays par les institutions membres de lAISS spécialisées dans un domaine donné.
Chaque Comité est un bureau central dinformation dans son domaine de compétence. Tous les Comités organisent des symposiums internationaux, des tables rondes et des réunions dexperts, dont les travaux et les rapports sont publiés dans la Série 1000 de lAISS sur la prévention. Les Comités comptent actuellement quelque 45 groupes de travail de composition internationale traitant de sujets dactualité précis et variés: conseils de sécurité à lintention des travailleurs migrants de la construction, liste de vérification pour la classification des machines selon des principes dergonomie, règles de sécurité à suivre pour les personnes travaillant avec des agents biologiques, etc. Les conclusions de ces groupes de travail sont publiées sous forme de brochures techniques dans la Série 2000 de lAISS sur la prévention. La plupart des titres sont publiés en anglais, en français et en allemand, et quelques-uns sont aussi traduits en espagnol et dans dautres langues. Pour obtenir ces publications, sadresser au secrétariat du Comité concerné.
Les festivals internationaux du film et de la vidéo, qui se déroulent pendant les congrès mondiaux, revêtent un intérêt particulier. Un groupe de travail du Comité sur lélectricité sert de bureau central pendant les congrès. Toutes les productions soumises à ces festivals sont répertoriées dans un catalogue publié en quatre langues, que lon peut se procurer gratuitement par lentremise du comité.
Voici une brève description des Comités internationaux de lAISS:
Comité international de lAISS pour la recherche. Ce comité offre les informations les plus récentes sur les recherches en cours ou en projet dans tous les pays. Deux banques de données permettent davoir accès à linformation de façon rapide et efficace. Le groupe de travail sur les «concepts de recherche» met au point les fondements théoriques indispensables pour que les recherches servent mieux que par le passé le domaine dans lequel elles sont effectuées et que leurs résultats soient directement utilisables sur le terrain.
Comité international de lAISS pour linformation. Ce comité présente les techniques de communication les plus efficaces. Le groupe de travail «Périodiques environnement du travail» informe les experts sur la meilleure façon de faire passer leurs messages aux différents groupes cibles. Le comité conseille sur tous les aspects de la «publicité pour la sécurité».
Comité international de lAISS pour lindustrie minière. Ce comité sintéresse aux risques courants des travaux souterrains dans les mines de charbon (obscurité, poussière, chaleur, gaz, explosions, éboulements) et soccupe également de la formation des équipes de secours dans cette industrie.
Comité international de lAISS pour lindustrie chimique. Bien que lintroduction de nouvelles substances soit synonyme de nouveaux risques, lindustrie chimique a élaboré des normes de sécurité exemplaires. Le comité pour lindustrie chimique veille à ce que ces normes de sécurité traversent les frontières aussi rapidement, sinon plus, que le font les risques.
Comité international de lAISS pour lindustrie métallurgique. Lindustrie métallurgique est une branche dactivité importante dans laquelle il faut réduire le taux daccidents. Le comité élabore donc des stratégies pour lutter contre les dangers les plus fréquents et les causes daccidents. Les groupes de travail sintéressent avant tout aux nouvelles technologies et aux produits qui peuvent remplacer les substances dangereuses utilisées en milieu de travail.
Comité international de lAISS pour lélectricité. Lélectricité, énergie invisible, comporte de nombreux risques tout aussi invisibles. Le comité formule des recommandations sur la façon pratique de prévenir les accidents et établit des principes sur le contrôle réglementaire des appareils et des systèmes électriques, le tout appuyé par lorganisation de premiers secours efficaces en cas daccident. Le comité dispose dun bureau central de films et de vidéos sur la santé, la sécurité et lenvironnement.
Comité international de lAISS pour le bâtiment et les travaux publics. Le taux extrêmement élevé daccidents dans cette industrie appelle une stratégie de sécurité qui tienne compte des changements constants du milieu de travail sur les chantiers de construction. Le comité se propose non seulement de régler les problèmes individuels, mais aussi daccroître la sécurité et la prévention des accidents dans lensemble des opérations de cette industrie, notamment par une collaboration accrue entre les divers corps de métier travaillant sur le même chantier.
Comité international de lAISS pour lagriculture. La mécanisation de lagriculture et lutilisation de substances chimiques posent des problèmes partout dans le monde. Le comité préconise une évolution socio-technique rapide tenant compte des progrès techniques, tout en veillant à ce que la production alimentaire ne mette pas la vie en danger.
Comité international de lAISS pour la sécurité des machines. Ce comité traite de sécurité et de prévention des accidents dus aux machines, aux appareils, aux dispositifs et aux systèmes. La normalisation des dispositifs de sécurité, les questions dergonomie, la réduction du bruit, les interrupteurs de sécurité et la prévention des explosions de poussière sont les principaux sujets dintérêt des groupes de travail du comité.
Comité international de lAISS pour léducation et la formation. Le progrès technique sétend à toutes les disciplines, entraînant dans son sillon des risques nouveaux. La principale cause daccidents est le manque déducation et de formation à la sécurité. La sécurité doit être une préoccupation constante dans lesprit de chacun. Le comité sintéresse aux aspects pédagogiques de léducation et de la formation et préconise une approche globale de la prévention, qui utilise les expériences acquises dans la prévention en milieu de travail pour assurer la sécurité dans tous les aspects de la vie.
Comité international de lAISS dans le secteur santé. Le comité sefforce, grâce à la collaboration internationale, de surmonter les déficits de sécurité dans les professions de santé. Ce secteur présente des risques spécifiques qui diffèrent grandement de ceux dautres secteurs par exemple, lexposition directe aux maladies, aux médicaments, aux gaz anesthésiques, aux désinfectants et aux déchets infectieux.
Le Bureau de lAISS a adopté ce concept en octobre 1994 sous le titre de concept de prévention de lAISS «Sécurité pour tous, voie privilégiée de la politique sociale».
Comme sur cent accidents mortels, sept seulement sont des accidents du travail, les autres se produisant sur la route, à la maison, à lécole ou lors dactivités sportives, le concept «Sécurité pour tous» vise à étendre à tous les domaines de la vie les expériences acquises sur la prévention en milieu de travail.
Partant de lidée que la préservation de la santé est une mission fondamentale de lhumanité et, donc, un objectif essentiel de la sécurité sociale, lAISS veut établir un lien entre prévention, réadaptation et réparation et préconise la préservation dun environnement intact. Laccent est mis sur limportance du facteur humain dans la planification, lorganisation et la mise en uvre, ainsi que sur la nécessité dinculquer la notion de prévention aux enfants dès leur plus jeune âge. Tous les efforts sont déployés pour sensibiliser ceux qui, par leurs activités, sont à même de mieux protéger les gens contre certains dangers: législateurs, organisations de normalisation, partenaires sociaux, responsables de la conception, de la planification, du design et de la fabrication de produits ou de la prestation de services, chargés des programmes déducation et enseignants, spécialistes des relations publiques, médecins du travail, organes de surveillance et de consultation, agents dassurance (sociale et privée), décideurs et chefs de programmes dans les organisations internationales, organismes professionnels, etc. Enfin, derniers intéressés, mais non les moindres, les parents et les enfants devraient aussi être sensibilisés à limportance de la prévention.
La promotion de la sécurité et de la santé au travail et ailleurs nécessite trois types dintervention: mesures techniques, mesures visant à modifier le comportement, mesures organisationnelles. A cette fin, le concept de prévention de lAISS définit trois niveaux dintervention:
La mise en uvre exigera en premier lieu de faire un inventaire des activités de prévention, ainsi que des installations et des matériels de soutien existants, afin de déterminer les besoins et les insuffisances dans chaque région. De plus, lAISS intensifiera ses activités dinformation et de recherche, ainsi que son programme de réunions, renforcera la collaboration entre les organisations qui mènent des activités dans le domaine de la prévention et tiendra compte de leurs projets dans ses propres activités.
Voici, en résumé, les clés du succès: la coopération entre les services de prévention, de réadaptation et de réparation; lapplication, dans des domaines de la vie privée, dexpériences favorables vécues en milieu de travail; la prise en considération du facteur humain.
LAISS publie de nombreux périodiques, études, enquêtes et bulletins. Pour tous renseignements à ce sujet, commander le catalogue des publications de lAISS (gratuit) en écrivant à ladresse suivante: AISS, Case postale 1, CH-1211 Genève 22, Suisse.
Outre les travaux des congrès mondiaux sur la sécurité et la santé au travail, publiés par le comité national organisateur du pays hôte, les publications des comités internationaux (que lon peut se procurer également à ladresse susmentionnée) figurent dans les Séries 1000 et 2000 sur la prévention.
La Commission internationale de la santé au travail (CIST) est une société professionnelle non gouvernementale dont les objectifs sont dencourager le progrès scientifique, la connaissance et le développement de la sécurité et de la santé au travail dans tous leurs aspects. Fondée à Milan en 1906 sous le nom de Commission permanente de la médecine du travail, elle est aujourdhui la plus importante société scientifique internationale au monde dans ce domaine et regroupe deux mille spécialistes répartis dans quatre-vingt-onze pays. La CIST est reconnue par lOrganisation des Nations Unies et travaille en étroite collaboration avec lOIT, lOMS, le PNUE, la Commission européenne et lAISS. Langlais et le français sont les langues officielles de la Commission.
Au moment de sa création, la Commission comptait dix-huit membres représentant douze pays. Lune de ses tâches principales consistait à organiser un congrès international tous les trois ans afin que les scientifiques les plus en vue dans le domaine de lhygiène professionnelle puissent échanger idées et expériences. Ces rencontres triennales ont toujours lieu, et le 25e congrès sest déroulé en 1996 à Stockholm.
Après le congrès de Londres, en 1948, il devint évident que la médecine du travail suscitait un intérêt international. La Commission fut donc internationalisée, et sa Constitution modifiée; en 1957, elle prit alors le nom de Commission permanente et Association internationale pour la médecine du travail. Linternationalisation et la démocratisation de la Commission sintensifièrent avec le temps et, en 1984, elle adopta son nom actuel.
La CIST offre un forum pour des échanges scientifiques et professionnels. A cet effet, la CIST:
La CIST est dirigée par les membres du Bureau et par le Conseil qui agissent au nom des membres. Le Bureau de la CIST est composé du président en exercice, des deux vice-présidents et du secrétaire général, tandis que le Conseil est composé du président sortant et de seize membres élus parmi les membres actifs. Si nécessaire, le président en exercice peut coopter deux membres qui représenteront au Conseil des disciplines ou des régions sous-représentées.
La CIST comprend des membres individuels et des membres collectifs. Un organisme, une société, une branche dactivité ou une entreprise peuvent devenir membres bienfaiteurs, et les organisations professionnelles et les sociétés scientifiques membres affiliés.
Les membres bienfaiteurs peuvent désigner un représentant répondant aux critères exigés pour être membre à part entière, qui bénéficie de tous les avantages des membres individuels. Un membre affilié peut aussi nommer un représentant remplissant les mêmes critères qui bénéficiera des mêmes droits que les membres titulaires. Les membres individuels de la CIST proviennent de professions très variées: médecins, hygiénistes du travail, personnel infirmier dentreprise, ingénieurs de sécurité, psychologues, chimistes, physiciens, ergonomes, statisticiens, épidémiologistes, spécialistes en sciences sociales et physiothérapeutes. Ces spécialistes travaillent dans des universités, des instituts de santé au travail, ou pour des gouvernements ou des industries. A la fin de 1993, les pays les plus largement représentés étaient les Etats-Unis, la Finlande, la France, le Japon, le Royaume-Uni et la Suède, avec chacun une centaine de membres. Les membres bienfaiteurs et affiliés peuvent se faire représenter à lAssemblée générale et participer aux activités des comités scientifiques; ils peuvent aussi soumettre des communications destinées à être publiées dans le Bulletin de la CIST qui les tient également informés des activités en cours ou à venir.
Lactivité la plus en vue de la CIST est lorganisation, tous les trois ans, du Congrès mondial de santé au travail, qui réunit habituellement quelque 3 000 participants. Le congrès de 1990 a eu lieu à Montréal, celui de 1993 à Nice, et celui de 1996 à Stockholm. Le congrès de lan 2000 doit avoir lieu à Singapour. Les villes où se sont déroulés les congrès depuis 1906 figurent au tableau 23.3.
Lieu |
Année |
Lieu |
Année |
Milan |
1906 |
Madrid |
1963 |
Bruxelles |
1910 |
Vienne |
1966 |
Vienne (annulé) |
1924 |
Tokyo |
1969 |
Amsterdam |
1925 |
Buenos Aires |
1972 |
Budapest |
1928 |
Brighton |
1975 |
Genève |
1931 |
Dubrovnik |
1978 |
Bruxelles |
1935 |
Le Caire |
1981 |
Francfort |
1938 |
Dublin |
1984 |
Londres |
1948 |
Sydney |
1987 |
Lisbonne |
1951 |
Montréal |
1990 |
Naples |
1954 |
Nice |
1993 |
Helsinki |
1957 |
Stockholm |
1996 |
New York |
1960 |
Singapour |
2000 |
Actuellement, la CIST compte vingt-six comités scientifiques et quatre groupes de travail (voir tableau 23.4). La plupart des comités organisent régulièrement des symposiums, publient des monographies et évaluent les résumés des communications soumis aux congrès internationaux. La CIST publie un Bulletin trimestriel qui est distribué gratuitement à tous ses membres. Ce bulletin bilingue contient les rapports des congrès, des analyses de publications, un calendrier des réunions et des informations sur la recherche et lenseignement, ainsi que dautres annonces intéressant les membres. Plusieurs comités scientifiques publient aussi des monographies et des comptes rendus de leurs réunions. La CIST tient un fichier informatisé de ses membres qui est actualisé à intervalles réguliers et distribué à tous ses adhérents. La CIST parraine également une revue scientifique, lInternational Journal of Occupational and Environmental Health (IJOEF); les membres peuvent sy abonner à un prix très raisonnable.
Comités scientifiques |
|
1. |
Prévention des accidents |
2. |
Vieillissement et travail |
3. |
Agriculture |
4. |
Cardiologie |
5. |
Industrie chimique (Medichem) |
6. |
Informatique en santé du travail et de l’environnement |
7. |
Bâtiment et travaux publics |
8. |
Pays en développement |
9. |
Enseignement et formation |
10. |
Epidémiologie |
11. |
Fibres |
12. |
Santé au travail des personnels soignants |
13. |
Recherche et évaluation des services de santé |
14. |
Hygiène industrielle |
15. |
Pathologie musculo-squelettique |
16. |
Neurotoxicologie et psychophysiologie |
17. |
Infirmiers de santé au travail |
18. |
Toxicologie professionnelle |
19. |
Poussières organiques |
20. |
Pesticides |
21. |
Rayonnements et travail |
22. |
Services de santé au travail dans les petites entreprises |
23. |
Travail posté |
24. |
Toxicologie des métaux |
25. |
Maladies respiratoires |
26. |
Vibrations et bruit |
Groupes de travail scientifiques |
|
1. |
Dermatoses professionnelles et environnementales |
2. |
Handicaps et travail |
3. |
Risques pour la reproduction sur les lieux de travail |
4. |
Facteurs thermiques |
LAssociation internationale de linspection du travail (AIIT) a été fondée en 1972 afin doffrir aux inspecteurs un forum professionnel où échanger des informations et des expériences. Elle encourage les services dinspection, les autorités et dautres institutions à collaborer plus étroitement et à tenter de mieux comprendre leur rôle, leur travail de tous les jours et leurs difficultés. Ses statuts excluent toute activité politique, syndicale ou religieuse, ainsi que toute critique sur le droit du travail ou les systèmes dinspection des Etats. LAIIT est une organisation non gouvernementale reconnue par lOIT.
En 1996, lAssemblée générale (qui se réunit tous les trois ans en même temps que le congrès triennal) a élu son Comité exécutif (CE), qui compte sept membres. Le CE a élu son président (Allemagne) et nommé un secrétaire honoraire (Royaume-Uni), ainsi quun trésorier honoraire (Suisse). Un Espagnol, un Danois, un Tunisien et un Hongrois occupent les quatre vice-présidences. Le CE se réunit selon les besoins pour gérer les affaires de lAssociation, dont le siège social se trouve au 23, rue Ferdinand-Hodler, C. P. 3974, CH-1211 Genève 3, Suisse. Voici ladresse du secrétariat général de lAIIT: Hessisches Ministerium für Frauen, Arbeit und Sozialordnung, Dostojewskistrasse 4, 65187 Wiesbaden, Allemagne, (tél.: +49-611-8173316; télécopie: +49-611-86837.
Peuvent être membres de lAIIT:
La cotisation annuelle varie selon la taille de lorganisation adhérente. Ces cotisations sont destinées au financement du programme dactivités. En septembre 1995, lAssociation comptait soixante-cinq organismes membres répartis dans cinquante pays. Actuellement, la majorité des membres sont des organismes gouvernementaux du travail ou des services dinspection du travail.
Lassociation favorise la compréhension professionnelle de tous les aspects de linspection du travail et donne aux praticiens loccasion déchanger leurs points de vue: à cet effet, elle rassemble et résume les informations et la documentation sur des aspects particuliers de linspection du travail, et elle effectue des études comparatives. Les symposiums techniques (organisés en collaboration avec les pays membres) et le congrès triennal permettent aux inspecteurs de rencontrer leurs collègues, déchanger des informations sur leurs problèmes, les solutions qui leur ont été apportées et les faits nouveaux, et dexpliciter leurs points de vue. Ces réunions permettent également de concentrer lattention sur toute une gamme de questions pratiques judicieusement choisies touchant linspection du travail, favorisant ainsi lharmonisation des méthodes dinspection dans les différents pays. Les comptes rendus de ces réunions sont publiés et envoyés aux membres avec un bulletin périodique.
Les programmes de lAIIT visent exclusivement à diffuser les informations recueillies par des enquêtes internationales fondées sur des questionnaires et les rapports provenant de symposiums internationaux ou régionaux. Un congrès international est organisé tous les trois ans à Genève avec le concours de lOIT, qui offre une aide technique généreuse au moment de la Conférence internationale du Travail. LOIT collabore également à lorganisation dun bon nombre de symposiums. Depuis 1974, les programmes sont consacrés à létude de nombreuses pratiques concernant la sécurité, la santé et le milieu de travail. Les sujets étudiés portent sur: les systèmes denregistrement des lieux de travail et des accidents, les méthodes dinspection des petites entreprises, les problèmes que posent les grands chantiers de construction et lutilisation des ordinateurs par les inspecteurs. LAIIT se penche aussi sur les causes des accidents et les conséquences de lutilisation de robots et dautres systèmes électroniques programmables. Plus récemment, les symposiums et les congrès ont traité de sujets très variés, comme le facteur humain, la formation des inspecteurs, linspection des services publics, le travail des enfants, lagriculture, lévaluation des risques et la santé au travail.
Des faits nouveaux et importants survenus dans le domaine de linspection du travail ont fait ressortir la nécessité de renforcer les échanges dinformations et dexpériences:
Limportance accrue accordée au facteur humain influe sur toutes ces questions. Les inspecteurs du travail doivent analyser, comprendre et utiliser leurs compétences de façon constructive pour aider les employeurs et les salariés à tenir compte du facteur humain lorsquils élaborent des stratégies préventives de sécurité et de santé. Dans de nombreux pays, lopinion publique se préoccupe de plus en plus des conséquences du travail et des méthodes de travail. Dans une législation très progressiste, cette sensibilisation sexprime sous la forme dun but à atteindre: nul ne devrait être lésé du fait quil a besoin de travailler. Elle se manifeste aussi de façon évidente dans les préoccupations à légard des conséquences des activités industrielles et commerciales sur lenvironnement et la qualité de la vie.
Les inspecteurs du travail ne peuvent tout simplement pas ignorer ces tendances; cest à eux de prendre linitiative et dexpliquer, par lintermédiaire des médias, le rôle quils jouent, les conseils quils donnent et les effets de leur action en faveur du respect de la réglementation, de manière à gagner la confiance des intéressés et à les convaincre de lutilité de leur travail. Dans le monde entier, les inspecteurs ont dû revoir leurs méthodes de travail, établir un ordre de priorité et procéder aux inspections de telle manière quils consacrent plus de temps et une plus grande partie de leurs ressources limitées à des activités productives.
Les échanges dinformations et dexpériences touchant ces questions sont dun très grand intérêt pour les inspecteurs. Bien quils exercent leurs fonctions dans des climats politiques, économiques, juridiques et sociaux très variés, lexpérience démontre quils ont en commun bon nombre de préoccupations pratiques et quils peuvent tous tirer profit de lexpérience, des idées, des succès et des échecs de leurs collègues dautres pays.