Une étude réalisée en 1981, portant sur la formation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé dans les pays industriels, commence par une citation de lécrivain français Victor Hugo pour qui aucune cause ne peut aboutir sans y associer dabord léducation (Heath, 1981). Cette observation sapplique certainement encore en cette fin du XXe siècle au domaine de la sécurité et de la santé au travail, et elle concerne lensemble du personnel des entreprises à tous les niveaux.
Le monde du travail devenant de plus en plus complexe, une nouvelle demande se fait jour, qui exige une meilleure compréhension des causes et moyens de prévention des accidents, lésions et maladies. Les administrations, les universitaires, les chefs dentreprise et les travailleurs ont tous un rôle important à jouer dans le travail de recherche qui favorisera cette compréhension. Létape suivante, cruciale, consiste à communiquer efficacement cette information aux travailleurs, au personnel dencadrement, à la direction des entreprises, aux inspecteurs du travail et aux professionnels de la sécurité et de la santé. Bien que la formation des médecins du travail et des hygiénistes diffère en de nombreux points de celle du personnel de production, il existe certains principes communs.
La politique nationale déducation et de formation et sa mise en uvre varieront, bien entendu, selon le contexte économique, politique, social, culturel et technologique du pays en question. En général, les pays industriels disposent proportionnellement dun plus grand nombre de médecins du travail spécialisés dans la prévention que les pays en développement, et ces professionnels suivent des programmes denseignement et de formation bien plus élaborés. Les nations plus rurales et moins industrialisées ont tendance à se reposer principalement sur le personnel qui dispense des soins de santé primaires, lequel peut être constitué soit par des délégués des travailleurs dans les usines ou les exploitations agricoles, soit par le personnel des centres médico-sociaux. Manifestement, les besoins de formation et les ressources disponibles varient considérablement dune situation à lautre. Cependant, ces situations ont en commun le besoin de praticiens qualifiés.
Cet article survole les aspects les plus importants de léducation et de la formation, y compris les groupes cibles et leurs besoins, la forme et le fond de la formation proprement dite et les principales tendances actuelles dans ce domaine.
En 1981, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a établi les trois niveaux déducation nécessaires dans le domaine de la santé, de la sécurité et de lergonomie comme étant: 1) linitiation; 2) la formation à des tâches précises; 3) la spécialisation. Ces éléments ne sont pas distincts, mais font partie dun tout, quiconque pouvant avoir besoin dinformations à ces trois niveaux. En matière dinitiation, les groupes cibles sont le législateur, les décideurs publics, les cadres dirigeants et les travailleurs. A lintérieur de ces catégories, nombreux sont ceux qui nécessitent une formation complémentaire correspondant à des tâches spécifiques. Par exemple, alors que lensemble des cadres devrait avoir une compréhension fondamentale des problèmes de sécurité et de santé inhérents à leur domaine de responsabilité et devraient savoir où sadresser pour obtenir une aide compétente, ceux dont les responsabilités relèvent particulièrement du domaine de la sécurité, de la santé et du respect des règlements en vigueur peuvent avoir besoin dune formation plus intensive. De même, les travailleurs délégués à la sécurité ou les membres des comités dhygiène et de sécurité, ainsi que les inspecteurs du travail qui assument des responsabilités dans les domaines de la santé publique en rapport avec les lieux de travail, ont besoin dune formation plus poussée quune simple sensibilisation.
Les médecins, infirmiers et (notamment dans les régions rurales ou en développement) les autres personnels soignants, qui nont pas été formés à la médecine du travail et nen ont aucune expérience, devront se perfectionner dans ce domaine afin de mieux servir les travailleurs et didentifier, par exemple, les maladies professionnelles. Enfin, certaines professions (ingénieurs, chimistes, architectes et concepteurs) dont les activités ont des incidences considérables sur la sécurité et la santé des travailleurs devront bénéficier dune éducation et dune formation bien plus approfondies que celles quils reçoivent habituellement dans ce domaine.
Les professions spécialisées requièrent une éducation et une formation intensives, le plus souvent équivalentes au cursus des deuxième et troisième cycles. Les médecins, le personnel infirmier, les hygiénistes du travail, les ingénieurs de la sécurité et, depuis peu, les ergonomes, entrent dans cette catégorie. En raison de lévolution rapide et constante de lensemble de ces secteurs, la formation continue et lexpérience sur le terrain sont des éléments importants de léducation de ces professionnels.
Il faut souligner que la spécialisation des domaines de la prévention sest accrue sans que lon accorde une importance proportionnelle aux aspects interdisciplinaires de ces mêmes domaines. Un infirmier ou un médecin qui soupçonne chez un patient une maladie professionnelle peut avoir besoin de laide dun hygiéniste du travail pour identifier (par exemple) lexposition aux produits toxiques qui a engendré ce problème. Ne disposant que de ressources limitées, de nombreux gouvernements et entreprises emploient souvent un spécialiste de la sécurité plutôt quun hygiéniste et exigent de lui quil soccupe aussi bien de sécurité que de santé. On doit aborder linterdépendance des problèmes de sécurité et de santé en proposant aux professionnels une formation et une éducation interdisciplinaires.
Les instruments fondamentaux nécessaires à une diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles et à la promotion de la sécurité et de la santé des travailleurs ont été identifiés: prévention, application et éducation (règle des trois «E» en anglais: «engineering», «enforcement», «education»). Ces trois instruments sont interdépendants et leur importance peut varier au sein des divers systèmes nationaux. En général, la formation et léducation se justifient par le souci de renforcer la sensibilisation aux risques pour la sécurité et la santé, de mieux comprendre les causes des maladies et des accidents, et dappliquer des mesures de prévention efficaces. Cependant, lobjectif et la motivation propres à chaque mode de formation varient selon le groupe cible.
On reconnaît à présent quil faut disposer de cadres parfaitement informés des problèmes de sécurité et de santé inhérents aux activités dont ils sont responsables. Les employeurs prennent de plus en plus conscience des coûts considérables, tant directs quindirects, entraînés par les accidents graves, ainsi que de la responsabilité civile et, parfois, pénale dans certains pays, pouvant incomber aux entreprises et aux personnes. Bien que lon explique encore la majorité des accidents et des lésions par une «négligence du travailleur», la «négligence de lencadrement» est de plus en plus admise comme un des facteurs daccident et de maladie. Enfin, les entreprises se rendent compte également quune sécurité médiocre nuit aux relations avec le public. Les catastrophes comme celle de lusine Union Carbide à Bhopal (Inde) peuvent réduire à néant des années defforts consacrées à établir la réputation dune entreprise.
La plupart des cadres ont une formation déconomiste, dadministrateur ou dingénieur, mais nont généralement reçu au cours de leurs études quun enseignement sommaire dans le domaine de la prévention. Or, les décisions quils sont appelés à prendre tous les jours ont des répercussions considérables, directes et indirectes, sur la sécurité et la santé de leur personnel. Pour remédier à cette situation, de nombreux pays ont décidé dinscrire létude des questions de prévention aux programmes des écoles de gestion et dingénieurs, ainsi que des établissements de formation permanente. Il est évident que bien des efforts restent à faire pour diffuser largement les informations sur la sécurité et la santé des travailleurs.
La recherche a mis en évidence le rôle central que jouent les agents de maîtrise dans la sécurité des travaux de construction (Samelson, 1977). Les contremaîtres qui connaissent parfaitement les risques inhérents à leurs activités, qui dispensent une formation efficace à leurs ouvriers (en particulier les nouveaux embauchés), et qui sont responsables des résultats de leur équipe, sont le pivot de lamélioration des conditions de travail. Ils constituent un chaînon essentiel entre les travailleurs et la direction pour lapplication des mesures de santé et de sécurité adoptées par lentreprise.
La législation, lusage et les pratiques actuelles des lieux de travail contribuent à favoriser léducation et la formation du personnel. De plus en plus, la réglementation officielle impose une formation du personnel en matière de sécurité et de santé. Certaines réglementations sappliquent au travail en général, alors que dautres répondent aux exigences de branches dactivité, de professions ou de risques spécifiques. Bien que les données dévaluation pertinentes soient étonnamment rares lorsquil sagit de mesurer lefficacité préventive dune telle formation (Vojtecky et Berkanovic, 1984-85), le principe de la formation et de léducation pour améliorer la sécurité et promouvoir la santé dans de nombreux domaines professionnels est de plus en plus admis dans un grand nombre de pays et dentreprises.
La popularisation des programmes de participation du personnel, dautogestion des équipes de travail et des décisions prises au niveau de latelier a également influé sur la façon daborder les problèmes de sécurité et de santé. Léducation et la formation servent fréquemment à accroître les connaissances et les compétences du travailleur de base, que lon considère maintenant comme jouant un rôle essentiel dans lapplication des nouvelles modalités dorganisation du travail. Les employeurs peuvent aussi adopter une démarche positive qui consiste à faire participer le personnel aux décisions dès le stade de la planification et de la conception lorsque de nouvelles techniques font leur apparition sur les lieux de travail afin danticiper et de minimiser les effets négatifs éventuels sur le milieu de travail.
Les syndicats ont également mené une action de premier plan, préconisant une formation plus accessible et de meilleure qualité pour le personnel, et en concevant des programmes et du matériel pédagogique à lintention de leurs membres. Dans de nombreux pays, les membres des comités de sécurité, les délégués à la sécurité et les représentants des comités dentreprise jouent un rôle croissant dans la prévention sur le lieu du travail, ainsi que dans les campagnes dinspection et de sensibilisation. Les personnes qui exercent ces fonctions doivent recevoir une formation bien plus complète et élaborée quun salarié accomplissant une tâche bien définie.
Les responsabilités du personnel chargé de la sécurité et de la santé englobent une gamme étendue dactivités qui varient considérablement dun pays à lautre, voire à lintérieur dune même profession. On compte dans ce groupe des médecins, des infirmiers, des hygiénistes et des ingénieurs de la sécurité qui sont soit des indépendants, soit des salariés opérant sur les chantiers ou recrutés par de grandes entreprises, le ministère de la Santé ou linspection du travail, ou des universités. La demande de professionnels qualifiés dans le domaine de la sécurité et de la santé sest rapidement accrue depuis les années soixante-dix, parallèlement à la prolifération des lois et réglementations officielles accompagnant le développement des services de prévention au sein des entreprises, et les recherches universitaires sur ce sujet.
LEncyclopédie de sécurité et de santé au travail présente la multitude de problèmes et de risques que doit aborder tout programme exhaustif de prévention dans lentreprise, ainsi que léventail de personnel nécessaire. Sur un plan global, on peut évaluer diversement les objectifs de la formation et de léducation en matière de sécurité et de santé. En 1981, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a proposé les objectifs éducatifs suivants, qui peuvent être classés en trois grandes catégories et qui sappliquent dans une certaine mesure à tous les groupes examinés jusquà présent: 1) domaine cognitif (connaissance); 2) domaine psychomoteur (habileté technique appelée ci-après compétences professionnelles); 3) domaine affectif (attitude et échelles de valeurs). Un autre cadre décrit le rapport «information-éducation-formation», qui correspond approximativement aux questions «quoi?», «pourquoi?» et «comment?» relatives aux risques et à leur prévention. Quant au modèle «enseignement de la responsabilisation» étudié ci-après, il met laccent sur la distinction entre la formation cest-à-dire lenseignement de compétences basées sur les aptitudes avec des conséquences comportementales prévisibles et léducation à savoir le développement dune pensée critique indépendante et de compétences de décision aboutissant à une action efficace (Wallerstein et Weinger, 1992).
Dans le cadre de leur formation et de lacquisition de compétences professionnelles, les travailleurs doivent bien comprendre et appliquer les mesures de sécurité, utiliser les outils adéquats et léquipement de protection requis pour accomplir des tâches déterminées. On doit également leur apprendre à faire face aux risques quils rencontrent et les familiariser avec les méthodes internes de lentreprise, qui doivent être conformes aux lois et règlements de sécurité et de santé applicables à leur domaine professionnel. De même, lencadrement et les dirigeants doivent prendre conscience des risques physiques, chimiques et psychosociaux existant sur le lieu de travail, ainsi que des facteurs relationnels, sociaux, organisationnels et professionnels potentiellement impliqués dans lapparition de ces risques et dans leur correction. Par conséquent, lacquisition de connaissances et de compétences techniques, ainsi que le développement daptitudes à lorganisation, à la communication et à la solution des problèmes doivent figurer dans tout programme déducation et de formation.
Ces dernières années, léducation en matière de sécurité et de santé a été influencée par lévolution des théories pédagogiques, notamment celles de lenseignement pour adultes. Cette évolution comporte différents aspects, en particulier un apprentissage de la responsabilisation, un apprentissage coopératif et un apprentissage participatif. Tous partent du principe que les adultes apprennent mieux lorsquils participent activement à la recherche de solutions aux problèmes. Outre la transmission de connaissances ou de compétences particulières, une éducation efficace exige le développement de la pensée critique et une bonne compréhension du contexte comportemental et de la mise en pratique, sur le lieu de travail, des connaissances théoriques. Ces principes trouvent une application directe dans le domaine de la sécurité et de la santé sur les lieux de travail, où les risques, les maladies et les lésions subies sont souvent le résultat dune conjonction de facteurs environnementaux, physiques, comportementaux et sociaux.
Pour transformer ces principes en programme déducation, il faut y intégrer quatre catégories dobjectifs:
Des objectifs dinformation, à savoir les connaissances spécifiques que les stagiaires vont acquérir. Par exemple, la connaissance des effets des solvants organiques sur la peau et le système nerveux central.
Des objectifs de comportement, cest-à-dire les compétences et les aptitudes que les travailleurs vont devoir maîtriser. Par exemple, savoir interpréter des fiches de données de sécurité sur les substances chimiques ou soulever sans risque un objet lourd.
Des objectifs dattitude, soit les préjugés qui menacent la sécurité du travail ou le suivi de la formation, et qui doivent être combattus. Par exemple, lidée que les accidents sont inévitables ou encore que «les solvants ne peuvent pas faire de mal parce que cela fait des années que je les utilise, et je me porte bien».
Des objectifs daction sociale, cest-à-dire la capacité danalyser un problème donné, didentifier ses causes, de proposer des solutions, puis de planifier et dentreprendre une action pour le résoudre. Ainsi, lanalyse dune tâche particulière qui a provoqué chez plusieurs personnes des accidents dorsalgiques, et les aménagements ergonomiques proposés exigent des mesures sociales consistant à modifier lorganisation du travail grâce à une collaboration entre le personnel et la direction.
La sensibilisation aux problèmes et la gestion des risques particuliers dépendent évidemment du type de lieu de travail. Bien que certains risques soient plus ou moins permanents, lévolution de la nature des tâches et des techniques nécessite une mise à jour constante des besoins de formation. Les chutes de hauteur, les chutes dobjets et le bruit, par exemple, seront toujours des risques importants dans le secteur du bâtiment, mais lintroduction de nouveaux matériaux de construction synthétiques exige des travailleurs quils aient des connaissances supplémentaires et quils soient conscients de leurs effets nocifs éventuels. De même, sur les machines, les courroies et lames non protégées et autres éléments dangereux sont des risques constants pour la sécurité, mais la mise en service de robots industriels et dautres dispositifs commandés par ordinateur exige une formation à la prévention des risques liés à lutilisation de machines nouvelles.
Avec lintégration rapide de léconomie à léchelle mondiale et la mobilité accrue des entreprises multinationales, les risques professionnels dhier et daujourdhui coexistent fréquemment, tant dans les pays industriels que dans les pays en développement. Dans un pays en voie dindustrialisation, une entreprise fabriquant du matériel électronique de pointe peut voisiner avec une fonderie employant encore une technologie rudimentaire et de nombreux travailleurs manuels. De même, dans les pays industriels, des ateliers de confection aux conditions de travail dangereuses et insalubres, où le personnel est exploité, ou le recyclage de piles au plomb (risque de saturnisme) coexistent encore avec des usines totalement automatisées à la pointe de la technique.
Cette nécessité dune mise à jour permanente de linformation intéresse aussi bien les travailleurs et les dirigeants que les professionnels de la santé au travail. Linsuffisance de la formation de ces derniers est mise en évidence par le fait que la plupart des hygiénistes du travail formés dans les années soixante-dix nont guère été sensibilisés à lergonomie; ils ont certes reçu une formation poussée dans le domaine du contrôle de la qualité de lair, mais pour les sites industriels presque exclusivement. Depuis lors, lavancée technologique la plus importante qui affecte des millions de travailleurs a été lintroduction massive de terminaux à écrans de visualisation (TEV). Lévaluation et lintervention ergonomique visant à prévenir les troubles de lappareil locomoteur et de la vision des utilisateurs de TEV étaient encore méconnues dans les années soixante-dix, mais vers 1995, les risques inhérents à ces terminaux sont devenus une préoccupation majeure. De même, lapplication des principes de lhygiène du travail au problème de la qualité de lair intérieur (pour remédier, par exemple, au syndrome des bâtiments malsains) a nécessité une formation continue denvergure pour les hygiénistes habitués à névaluer que des usines. Les facteurs psychosociaux qui, pour la plupart, nétaient pas considérés comme un risque professionnel avant les années quatre-vingt, jouent désormais un rôle important dans le traitement de nouveaux risques dont ceux liés aux TEV et à lair confiné. Toutes les personnes appelées à faire enquête sur ces problèmes de santé doivent recevoir une éducation et une formation leur permettant de comprendre les interactions complexes entre lenvironnement, lindividu et lorganisation sociale à lintérieur de ces structures.
La formation à la prévention doit également refléter lévolution des données démographiques de la main-duvre. Les femmes étant de plus en plus nombreuses à travailler tant dans les nations industrielles que dans les pays en développement, leurs besoins médicaux doivent être pris en compte sur leur lieu de travail comme à lextérieur. Les travailleurs immigrés sont aussi un sujet de préoccupation qui soulève de nombreuses questions inédites de formation, notamment en raison de la langue, encore que les problèmes de langue et dillétrisme ne se limitent pas à eux. Ainsi, le niveau dalphabétisation des travailleurs autochtones doit être également pris en considération lors de la conception et de lorganisation de la formation. Les travailleurs âgés constituent un autre groupe dont il faut tenir compte dans les programmes denseignement, car leur nombre saccroît au sein de la population active de nombreux pays.
Le lieu où se déroulera le programme de formation et déducation dépend des participants, de lobjectif, du contenu et de la durée du programme et, il faut être réaliste, des ressources dont dispose le pays ou la région. La participation aux programmes déducation en matière de sécurité et de santé commence à lécole; elle sétend ensuite aux stagiaires et apprentis, puis aux travailleurs, à lencadrement, aux dirigeants et aux professionnels de la sécurité et de la santé.
De plus en plus et cest là une évolution extrêmement positive , on prévoit des programmes de formation à la sécurité et à la santé dans lenseignement primaire et secondaire et, plus particulièrement, au niveau des établissements denseignement professionnel et technique. Il est bien plus efficace dapprendre à identifier et à prévenir les risques quand on fait des études techniques ou professionnelles que de le faire lorsquon travaille depuis un certain nombre dannées et quon a déjà contracté des habitudes et des réflexes. De tels programmes exigent bien évidemment que le personnel enseignant de ces établissements ait également été formé à lidentification des risques et à lapplication des mesures de prévention.
La formation en cours demploi convient aux travailleurs et au personnel dencadrement qui sont confrontés à des risques spécifiques sur les lieux de travail. Si la formation est de longue durée, il est fortement recommandé daménager dans lentreprise une salle de classe confortable. Si le déroulement de la formation sur le lieu de travail risque dintimider le personnel ou de le décourager de participer pleinement au cours, le choix dun emplacement extérieur est préférable. Les travailleurs peuvent se sentir plus à laise dans un cadre syndical où le syndicat joue un rôle important dans la conception et la réalisation du programme. Cependant, des visites sur les lieux de travail illustrant les risques étudiés sont toujours enrichissantes.
La formation plus longue et plus élaborée préconisée pour les délégués à la sécurité et les membres des comités de sécurité se déroule souvent dans des centres de formation spécialisés, des universités ou des écoles privées. On déploie des efforts croissants pour appliquer la réglementation sur la formation et la qualification des travailleurs chargés daccomplir certaines tâches à risques, comme la dépose de lamiante ou la manipulation de déchets dangereux. Ces cours comprennent généralement des séances théoriques et pratiques, avec simulation du travail réel, qui nécessitent un équipement et des installations spécialisées.
Parmi les organisateurs de programmes de formation sur place et à lextérieur destinés aux travailleurs et aux délégués à la sécurité, on trouve des organismes officiels, des organisations tripartites comme lOIT ou des organismes analogues, nationaux ou régionaux; des associations commerciales et des syndicats, des universités, des associations professionnelles et des consultants privés en formation. De nombreux gouvernements subventionnent lélaboration de programmes déducation et de formation concernant des branches dactivité ou des risques déterminés.
La formation des professionnels de la sécurité et de la santé varie considérablement dun pays à lautre, selon les besoins de la population active et les ressources et structures nationales. La formation spécialisée est assurée par les programmes universitaires des deuxième et troisième cycles, mais ceux-ci nexistent pas partout dans le monde. Des cursus universitaires peuvent être proposés aux spécialistes de la médecine du travail; lenseignement des soins infirmiers et la santé au travail peuvent être intégrés à la formation des médecins généralistes et du personnel infirmier. Le nombre de programmes destinés aux hygiénistes du travail et sanctionnés par un diplôme sest accru de façon spectaculaire. Cependant, les stages moins détaillés destinés aux hygiénistes, dont beaucoup ont reçu leur formation de base «sur le tas» dans des secteurs spécifiques, sont toujours très demandés.
Les pays en développement ont un besoin crucial de personnel mieux qualifié dans le domaine de la sécurité et de la santé. Ces pays devraient pouvoir compter sur un plus grand nombre de médecins, dinfirmiers et dhygiénistes diplômés, mais il est réaliste de supposer que de nombreux services continueront à être assurés par le personnel dispensant les soins de santé primaires. Ce personnel doit recevoir une formation en matière de santé au travail, apprendre à identifier les risques principaux associés au type dactivité prédominant dans sa région, à effectuer des études de base et à appliquer les techniques déchantillonnage, à utiliser le réseau hospitalier régional pour les cas potentiels de maladies du travail, ainsi que les techniques denseignement de la santé et de communication des risques (OMS, 1988).
Les solutions de remplacement des programmes universitaires sont dune importance capitale pour la formation professionnelle tant dans les pays en développement que dans les autres et devraient inclure, entre autres, la formation continue, lenseignement à distance, la formation «sur le tas» et lauto-enseignement.
Léducation et la formation ne peuvent résoudre lensemble des problèmes de sécurité et de santé au travail, et il faut veiller à ce que les techniques apprises grâce à ces programmes correspondent bien aux besoins identifiés. Utilisés conjointement avec des techniques, ce sont des éléments fondamentaux de tout programme efficace de prévention. Un apprentissage cumulatif, interactif et permanent est essentiel pour préparer nos environnements professionnels en pleine mutation à répondre aux besoins des travailleurs, particulièrement en ce qui concerne la prévention des maladies et lésions invalidantes. Les intervenants sur le lieu de travail et ceux qui apportent un soutien extérieur doivent disposer des informations les plus récentes et des compétences nécessaires pour les mettre en uvre, afin de protéger la santé et de promouvoir la sécurité des travailleurs.
Une formation produira des résultats positifs si elle se fonde sur les besoins clairement définis des lieux de travail et si elle tient compte de ces besoins et du mode dapprentissage des adultes. Il en va évidemment de même pour la formation en matière de sécurité et de santé. Les principes de formation sont en loccurrence identiques à ceux qui régissent toute formation professionnelle. En effet, de solides arguments plaident en faveur dune intégration de lapprentissage des qualifications professionnelles et de la formation à la sécurité si le contexte le permet. Une formation à la prévention qui ne donne aucun résultat positif, car non fondée sur une analyse judicieuse, représente au mieux une perte de temps et dargent. Au pire, elle peut rendre les travailleurs trop sûrs deux et accroître le risque daccidents.
La première chose à faire quand on structure un programme de formation à la prévention est de définir les problèmes: au niveau de lentreprise, dans un atelier particulier, ou pour une tâche donnée. Lanalyse des besoins de formation peut aussi viser un objectif spécifique, comme la conformité avec la législation pertinente, ou les résultats du comité mixte dhygiène et de sécurité. Cependant, la formation ne saurait résoudre à elle seule tous les problèmes; il faut parfois engager une action complémentaire si, par exemple, les travailleurs ne respectent pas le règlement qui les oblige à porter un équipement de protection individuelle. Il se peut que les salariés ne comprennent pas pourquoi et comment il faut utiliser cet équipement ou bien que lon oublie systématiquement de le remplacer lorsquil est défectueux ou manquant.
Un taux élevé daccidents, des refus de travail, ou des injonctions ou mises en demeure émanant des inspecteurs du travail peuvent révéler lexistence de problèmes. Cependant, ce sont les carences à lorigine de ces incidents quil faut clairement identifier. Lévaluation des besoins de formation peut être définie comme lidentification des problèmes révélés par lapplication fautive des normes ou obligations externes et quune formation peut permettre de résoudre intégralement ou partiellement. Une analyse systématique en la matière comprend un certain nombre détapes logiques: mise en évidence des problèmes et leur analyse, identification et classification des besoins par ordre durgence et définition des buts ou finalités de la formation.
Les différents problèmes pouvant être résolus par la formation sont entre autres:
Les problèmes constatés suite à des accidents. Dans ce cas, on peut identifier les problèmes en examinant les statistiques daccidents, des rapports denquête sur les accidents ou, plus généralement, les cas où les objectifs structurels de sécurité et de santé nont pas été respectés.
Les problèmes prévisibles. Les dangers peuvent être identifiés avant que le mal ne soit fait: par exemple, les risques sont prévisibles lorsque des machines, substances ou procédés nouveaux sont introduits sur le lieu de travail, lorsque certains procédés existants nont jamais été complètement analysés ou lorsque les pratiques courantes sont en contradiction avec les méthodes de travail sécuritaires.
Lexistence dobligations externes. Les nouvelles obligations légales qui imposent soit un devoir spécifique de formation en matière de sécurité et de santé, soit dautres obligations qui suggèrent un besoin de formation, sont des exemples dobligations externes. Lapparition de nouveaux codes de pratique industrielle ou de nouvelles normes nationales ou internationales de sécurité et de santé sont dautres exemples.
Létape suivante consiste à analyser les problèmes afin de définir la formation requise. Lanalyse des problèmes implique une collecte dinformations pertinentes afin den déterminer les causes. Elle nécessite également lélaboration dune norme appropriée qui doit être respectée. Si, par exemple, les problèmes identifiés se rapportent à un manque defficacité du comité mixte dhygiène et de sécurité, lanalyse tentera de répondre à plusieurs questions. Premièrement, quelle est la mission impartie au comité? Deuxièmement, le comité sacquitte-t-il correctement de ses tâches? (pour répondre à cette question, il convient que lanalyste définisse les normes de rendement à appliquer). Troisièmement, pourquoi le comité naccomplit-il pas efficacement telle ou telle tâche?
Après lanalyse des problèmes, létape suivante consiste à trouver des solutions. Si on estime que la formation permettra de remédier complètement au problème ou dy remédier partiellement, il faut alors définir les besoins de formation. Quelle est la combinaison requise de compétences et de connaissances, et qui doit la posséder?
Lévaluation des personnes concernées est un point fondamental de létude des besoins de formation. Son objectif est triple: premièrement, les individus simpliqueront plus volontiers dans la formation (et seront par conséquent plus susceptibles dapprendre) sils ont participé à la définition des besoins; deuxièmement, il est souvent nécessaire dévaluer le niveau actuel des compétences et connaissances requises dans le groupe cible (par exemple, on peut se demander si les membres du comité dhygiène et de sécurité savent réellement ce quils sont censés faire); troisièmement, les intéressés doivent posséder des connaissances de base, ainsi que la maîtrise de la lecture, de lécriture et du langage, afin quune méthode denseignement appropriée puisse être appliquée. On peut recourir à des sondages pour évaluer certaines de ces variables. Il faut alors en garantir la confidentialité.
Une fois les besoins de formation identifiés, il faut définir les priorités et les objectifs. Il faut prendre en considération lurgence relative des actions de formation, en tenant compte de certains facteurs comme la gravité des conséquences dun accident éventuel, la fréquence éventuelle des problèmes, le nombre dindividus en cause et la conformité avec la législation.
Les objectifs de la formation doivent être précis sinon son efficacité sera difficile à évaluer. Des objectifs bien définis aident également à déterminer le contenu de la formation et les méthodes pédagogiques. Les objectifs ou les buts dune formation désignent aussi les résultats auxquels celle-ci doit parvenir. On voudra, par exemple: a) que chaque dirigeant ou chaque cadre connaisse et comprenne ses obligations et ses droits en matière de sécurité et de santé et ceux du personnel; b) que tous les soudeurs connaissent et comprennent les risques inhérents au travail de soudage et les mesures obligatoires de prévention; ou c) enseigner aux conducteurs de chariots élévateurs les compétences qui leur permettront dutiliser leurs véhicules en toute sécurité, conformément aux règles applicables.
Les méthodes permettant danalyser les besoins de formation varient selon le cadre de lévaluation et les ressources disponibles. On peut utiliser lune ou lautre des méthodes ci-après:
Les méthodes denseignement font appel à un certain nombre de techniques: conférences, exercices de solution des problèmes, discussions par petits groupes et jeux de rôles. Les méthodes choisies doivent être adaptées au sujet enseigné (quil sagisse des connaissances, des compétences ou des concepts) et aux objectifs de la formation. Si, par exemple, la formation vise à enseigner les règles fondamentales de sécurité sur le lieu de travail, un bref exposé pourra convenir. Cependant, lapprentissage chez ladulte se fait à plusieurs niveaux. Le premier niveau est lécoute de linformation, le niveau suivant est lacquisition de la connaissance, puis vient le développement de la compréhension et, enfin, au niveau supérieur, la capacité de mettre en uvre cet acquis dans diverses situations. Dans la plupart des situations rencontrées au cours de la formation, lapprentissage des participants se fera à plusieurs niveaux et, par conséquent, des techniques denseignement adaptées seront nécessaires. Les méthodes denseignement doivent également se fonder sur les principes reconnus dun apprentissage efficace des adultes.
Le mode dapprentissage des adultes diffère en plusieurs points importants de celui des enfants. Les adultes abordent la tâche dapprentissage en ayant déjà une expérience de la vie et une conscience évoluée du moi. Le processus dapprentissage est une expérience individuelle et intérieure, propre à lélève, qui dépend de sa motivation à apprendre, de sa capacité de rapprocher sa propre expérience du savoir en cours dacquisition et de sa perception de lutilité de lenseignement reçu. Bien souvent, les adultes choisissent librement dapprendre et sont donc, contrairement aux écoliers, des participants volontaires. Cependant, lorsquune formation à la prévention se déroule sur le lieu de travail, les travailleurs et lencadrement peuvent être tenus dy assister bon gré, mal gré. Il faut alors veiller tout particulièrement à faire participer les stagiaires à la définition des besoins de formation et à la conception du programme lui-même. Il est tout aussi important de traiter les besoins de formation tels quils sont perçus par les travailleurs que didentifier les besoins dans dautres secteurs. Par-dessus tout, la formation des adultes implique des changements. Or, lindividu ne consent au changement que sil est persuadé dexercer un certain contrôle sur ce changement et ne le perçoit pas comme une menace.
La recherche a permis didentifier quelques facteurs qui facilitent lapprentissage des adultes:
Le plus grand soin doit être apporté à la sélection des formateurs, à la programmation de la formation et à lexpérimentation. La sélection des formateurs doit se fonder sur deux compétences également importantes: la maîtrise du sujet et le talent pédagogique. Ce nest pas parce quun individu maîtrise parfaitement le sujet de la prévention quil sera forcément capable de lenseigner. En général, il est plus facile dacquérir des connaissances que le don de lenseignement. On trouvera, sur la plupart des lieux de travail, y compris dans les ateliers, un certain nombre dindividus naturellement doués pour lenseignement et qui auront lavantage de connaître le site et de pouvoir donner des exemples pratiques. Lors dun apprentissage par petits groupes, un «animateur» peut intervenir à la place dun formateur. Dans ce cas, lanimateur étudie avec le groupe, mais assume la responsabilité du processus dapprentissage.
La programmation de la formation doit prendre en compte plusieurs facteurs importants. Elle doit se dérouler, par exemple, à un moment opportun pour les élèves et avec un minimum dinterruptions. La formation peut également être organisée en modules indépendants permettant de létaler dans le temps on pourrait éventuellement programmer un module de trois heures par semaine. Cette solution permet non seulement de moins empiéter sur la production, mais également daccorder du temps aux élèves entre les séances pour essayer dappliquer les connaissances acquises.
Chaque programme de formation doit être expérimenté avant son lancement. Le programme peut ainsi être comparé aux objectifs de la formation. La mise à lépreuve doit mobiliser non seulement les formateurs, mais également un échantillon représentatif des futurs élèves.
Lévaluation de la formation vise simplement à déterminer si les objectifs ont été atteints et, dans ce cas, si le problème visé a été résolu. La préparation à lévaluation de la formation doit commencer dès la conception de cette formation. En dautres termes, le problème que la formation devrait résoudre doit être clair, les objectifs de la formation doivent être précis et la situation antérieure à la formation doit être connue. Par exemple, si le problème abordé est lobservation insuffisante des règles de sécurité lors des opérations de manutention du matériel, et si la formation a été conçue pour résoudre partiellement ce problème, par exemple en fournissant des informations et en enseignant des techniques aux conducteurs de chariots élévateurs, on pourrait considérer comme un bon résultat le fait que les règles de sécurité seraient bien observées.
La formation peut être évaluée à plusieurs niveaux. En premier lieu, il sagit simplement de connaître les réactions des élèves au programme de formation. Ont-ils apprécié le programme, le formateur et la documentation, se sont-ils ennuyés, pensent-ils avoir appris quelque chose? Cette méthode peut être utile pour déterminer si le programme a été jugé comme intéressant par les participants. Ce type dévaluation se prête particulièrement à un sondage dopinion et ne doit en principe pas être effectué par le formateur, car il est peu probable à ce stade que les participants répondent franchement aux questionnaires, même sils sont anonymes. On peut aussi autoriser les élèves à sautotester sur le contenu de la formation.
Le niveau dévaluation suivant consiste à déterminer si les objectifs de lapprentissage ont été ou non atteints. Ces objectifs concernent le contenu de la formation et correspondent aux compétences pratiques ou théoriques acquises par lélève à la fin de la formation. Les objectifs dapprentissage sont habituellement fixés pour chaque partie du cours et communiqués aux élèves afin quils sachent ce quils sont censés apprendre. A ce niveau, lévaluation a pour objet de déterminer si les étudiants ont acquis ou non les connaissances définies par les objectifs dapprentissage. Pour ce faire, on peut soumettre les participants à un test à la fin du cours. Les connaissances, concepts, et compétences abstraites peuvent être évalués par des tests écrits, alors que les compétences pratiques peuvent lêtre par lobservation directe des élèves faisant la démonstration des techniques apprises. A ce niveau dévaluation, il est impératif de connaître au préalable les qualifications ou compétences de base des élèves avant le début de la formation.
Le troisième niveau dévaluation consiste à déterminer si les connaissances et les compétences acquises au cours de la formation sont effectivement mises en uvre pendant le travail. Cette évaluation peut se faire par une observation directe à intervalles réguliers après la formation. Une évaluation pratique effectuée le lendemain de la formation peut donner un tout autre résultat quune évaluation effectuée trois mois plus tard. Il faut cependant noter que, si lévaluation réalisée trois mois plus tard révèle des lacunes, cela ne signifie pas pour autant que la formation est mauvaise; il peut sagir dun manque de suivi sur le lieu du travail.
Enfin, le dernier niveau dévaluation permet de déterminer si le problème abordé par la formation a été ou non résolu. Si le problème identifié était, par exemple, un nombre élevé de lésions de lappareil locomoteur chez les manutentionnaires du service dexpédition et de réception, note-t-on une baisse sensible de ce nombre? Là encore, le facteur temps est important. En effet, il faudra peut-être un certain délai pour que lefficacité de la formation soit démontrée. On pourra ne pas constater de diminution pendant plusieurs mois, car de telles lésions sont souvent cumulatives et leurs effets peuvent se prolonger. De plus, la formation peut entraîner une plus grande sensibilisation au problème, avec pour résultat une multiplication des déclarations daccident peu après la formation.
Lidéal serait que les quatre niveaux dévaluation soient prévus dès la conception et la mise en uvre de la formation. Cependant, si on nutilise quun seul niveau, ses limites doivent être bien comprises par tous les intéressés.
Lorsque la formation est conçue et assurée par un organisme extérieur, lentreprise peut et doit néanmoins évaluer son efficacité en appliquant les critères fondés sur les principes susmentionnés.
Que la formation ait permis ou non datteindre les objectifs fixés, ses effets déclineront avec le temps si un suivi régulier et cohérent nest pas assuré sur le lieu de travail. La responsabilité quotidienne dun tel suivi incombe au personnel de maîtrise, aux cadres et au comité dhygiène et de sécurité. Il peut être assuré grâce à un contrôle régulier des résultats professionnels, par un témoignage de satisfaction si les résultats sont bons et par un rappel quotidien sous forme de brèves réunions, de notes de service et daffiches.
La formation du personnel dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail peut permettre datteindre plusieurs objectifs. Trop souvent, on ne voit dans la formation du personnel que le moyen de se conformer à la réglementation officielle ou de réduire les coûts dassurance en encourageant les individus à observer des comportements sécuritaires étroitement définis. Léducation du personnel répond à un besoin bien plus important lorsquelle cherche à donner aux travailleurs les moyens de jouer un rôle actif dans le renforcement de la sécurité sur le lieu de travail, au lieu de les encourager simplement à se conformer aux normes de sécurité imposées par la direction.
Au cours des vingt dernières années, de nombreux pays ont cherché à faire participer largement le personnel à la solution des problèmes de sécurité et de santé. Les nouvelles dispositions réglementaires sappuient moins quautrefois sur les inspecteurs du travail pour faire respecter les mesures de prévention. Les syndicats et les employeurs sont de plus en plus encouragés à intervenir dans la promotion de la sécurité et de la santé au sein des comités paritaires ou dautres mécanismes. Cette méthode exige une main-duvre compétente et bien informée, pouvant dialoguer directement avec la direction sur les questions de sécurité et de santé.
Par chance, de nombreux modèles de formation internationaux permettent denseigner aux travailleurs toute la gamme des compétences que suppose une réelle participation aux efforts de prévention. Ces modèles ont été élaborés sur la base de travaux des syndicats, de programmes universitaires déducation ouvrière et de lexpérience dorganisations non gouvernementales de type associatif. De nombreux programmes novateurs de formation ont été élaborés à lorigine grâce à des programmes officiels de subventions, à des fonds syndicaux, ou à des contributions des employeurs à des programmes de sécurité et de santé dans le cadre des conventions collectives.
Ces programmes participatifs de formation des travailleurs, conçus dans divers contextes nationaux et pour des populations actives différentes, sinspirent dune même idée générale de la formation. Leur philosophie pédagogique se fonde sur les principes solides de léducation des adultes et fait appel à la théorie de la responsabilisation de «léducation populaire». Le présent article décrit la méthode pédagogique retenue et en expose les conséquences pour la conception dune formation efficace des travailleurs.
Deux disciplines ont influé sur lélaboration des programmes déducation en matière de sécurité et de santé des travailleurs: léducation ouvrière et, plus récemment, léducation populaire ou responsabilisation.
Léducation ouvrière vit le jour en même temps que le mouvement syndical dans les années mille huit-cent. Son but initial était le progrès social, cest-à-dire la promotion du pouvoir syndical et lintégration des travailleurs dans les organisations politiques et syndicales. Léducation ouvrière a été définie comme «une branche spécialisée de léducation des adultes, qui tente de répondre aux besoins et aux intérêts en matière déducation découlant de la participation des travailleurs au mouvement syndical». Léducation ouvrière a évolué selon les principes reconnus de léducation des adultes, à savoir:
Depuis le début des années quatre-vingt, la formation des travailleurs à la prévention a également évolué sous linfluence de léducation populaire ou de la politique de responsabilisation. Depuis le début des années soixante, léducation populaire sest largement inspirée de la philosophie de léducateur brésilien Paulo Freire. Il sagit dune approche participative de lapprentissage, fondée sur les situations réelles que létudiant/travailleur rencontre sur son lieu de travail. Elle favorise le dialogue entre les éducateurs et les travailleurs, analyse de façon critique les obstacles au changement (par exemple, les causes organisationnelles ou structurelles des problèmes) et a pour but de favoriser laction et la responsabilisation du travailleur. Ces principes de léducation populaire intègrent les principes de base de léducation des adultes, mais soulignent aussi le rôle actif du travailleur dans le processus éducatif, à la fois comme moyen daméliorer les conditions de travail et comme mécanisme dapprentissage.
Léducation participative dans un contexte de responsabilisation ne se limite pas à des activités de groupes restreints détudiants/travailleurs participant activement à un apprentissage théorique. Léducation populaire participative vise aussi à donner aux étudiants/travailleurs la possibilité de se former à la réflexion analytique et critique, de mettre en pratique leur aptitude à laction sociale et dacquérir lassurance nécessaire pour concevoir des mesures propres à améliorer le milieu de travail bien après la fin des stages.
Il faut bien comprendre que léducation est un processus continu, et non un événement ponctuel. Cest un processus qui exige pour chaque étape principale une planification minutieuse et habile. Pour mettre en uvre un processus déducation participative qui se fonde sur les principes reconnus de léducation des adultes et qui responsabilise les travailleurs, il est nécessaire de prendre certaines dispositions touchant la planification et la mise en pratique de léducation participative des travailleurs; ces dispositions doivent être similaires à celles qui sont utilisées pour dautres programmes de formation (voir «Les principes de la formation») et, de plus, vouer une attention toute particulière à la responsabilisation du travailleur:
Lévaluation des besoins est la base même du processus de planification. Toute évaluation consciencieuse des besoins de formation des travailleurs comprend trois éléments: une évaluation des risques, un profil du groupe cible et une analyse du contexte social de cette formation. Lévaluation des risques a pour but lidentification des problèmes les plus urgents à résoudre. Le profil du groupe cible sefforce de répondre à tout un ensemble de questions sur la main-duvre: qui profitera le plus de cette formation? Quelle formation le groupe cible a-t-il déjà reçue? Quelles connaissances et quelle expérience les stagiaires possèdent-ils déjà? Quelle est la constitution ethnique et la répartition par sexe de la main-duvre? Quel est le niveau dinstruction des travailleurs et quelles langues parlent-ils? Qui respectent-ils et de qui se méfient-ils? Enfin, le formateur qui connaît bien le contexte social sera mieux en mesure dassurer une formation efficace en prenant en compte les facteurs propres à améliorer les conditions prévalant en matière de sécurité et de santé (par exemple, une forte protection syndicale incitera les travailleurs à parler librement des risques encourus) et ceux qui peuvent y faire obstacle (par exemple, les contraintes du rendement ou la précarité de lemploi).
Lévaluation des besoins peut se fonder sur des questionnaires, sur létude de la documentation, sur des observations réalisées in situ et sur des entrevues avec les travailleurs, leurs représentants syndicaux et dautres intervenants. Le concept de léducation populaire met en uvre un processus «découte» permanent qui permet de rassembler des données sur le contexte social de la formation à dispenser et, notamment, sur les problèmes des individus et les obstacles susceptibles dentraver le changement.
Tout programme réussi déducation des travailleurs repose sur lidentification et la participation des principaux protagonistes. Le groupe cible doit participer au processus de planification; il est difficile de gagner sa confiance sans avoir préalablement recherché sa collaboration. Dans tout projet déducation populaire, le formateur sefforce de constituer, à partir du syndicat ou de latelier, une équipe de planification participative capable en permanence de prodiguer des avis, dassurer un soutien, détablir des contacts et de vérifier les résultats de lévaluation des besoins.
Les syndicats, les associations patronales et les groupes associatifs peuvent tous assurer léducation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé. Même sils ne commanditent pas directement la formation, chacun de ces groupes peut soutenir activement leffort éducatif. Le syndicat permet de prendre contact avec la main-duvre et épaule les efforts de changement qui devraient émerger de la formation. Les militants syndicaux respectés pour leur compétence ou leur engagement peuvent contribuer à établir les contacts nécessaires et à garantir lissue positive de la formation. Les employeurs peuvent accorder un congé de formation rémunéré et soutenir plus volontiers les efforts damélioration des conditions de sécurité et de santé lorsquils découlent dun processus de formation dans lequel ils ont investi. Certains employeurs comprennent limportance et la rentabilité dune formation poussée du personnel dans le domaine de la prévention, alors que dautres ny prendront aucune part à moins que des consignes de formation némanent du gouvernement ou que les conventions collectives ne prévoient un congé rémunéré pour une telle formation.
Les organisations non gouvernementales de type associatif peuvent fournir des ressources en formation, un soutien ou des activités de suivi. Pour les travailleurs non syndiqués qui risquent des représailles pour avoir préconisé lamélioration des conditions de sécurité et de santé, il est particulièrement important didentifier les possibilités de soutien collectif (groupes religieux, organisations écologistes, groupes de soutien aux travailleurs handicapés, ou campagnes pour les droits des travailleurs minoritaires). Tous les organismes peuvent jouer un rôle important et ils doivent participer au processus grâce au coparrainage, à une action au sein de comités consultatifs, à des contacts personnels, etc.
Sur la base des données dévaluation des besoins, léquipe de planification peut définir les objectifs de lapprentissage. On présume, souvent à tort, que lobjectif des ateliers est tout simplement de présenter linformation. Or, ce qui est présenté est moins important que linformation reçue par le groupe cible. Les objectifs doivent être définis en fonction de ce que les travailleurs sauront, croiront, ou seront capables de faire à lissue de leur formation. La majorité des programmes classiques de formation sont centrés sur une modification des connaissances ou des comportements de lindividu. Léducation populaire du travailleur a pour but de conscientiser les travailleurs afin quils simpliquent dans lamélioration de leur milieu de travail. Les objectifs de léducation populaire peuvent inclure lacquisition de connaissances et compétences nouvelles, la modification des aptitudes et ladoption de comportements sécuritaires. Cependant, le but final nest pas lévolution individuelle, mais la responsabilisation collective et lévolution du lieu de travail. Les objectifs qui y conduisent sont entre autres:
Ces objectifs sont hiérarchisés (voir figure 18.1). Par rapport aux autres objectifs de formation, les objectifs dacquisition de connaissances sont plus faciles à atteindre (ce qui ne signifie pas quils soient facilement réalisables, dans labsolu); les objectifs dacquisition de compétences exigent une formation pratique bien plus intense pour assurer la maîtrise nécessaire; les objectifs concernant les attitudes présentent plus de difficultés, car ils peuvent impliquer une remise en question didées bien ancrées; les objectifs touchant au comportement individuel ne peuvent être atteints que si lon sattaque aux obstacles comportementaux et si lexécution des tâches, la pratique et le suivi in situ font partie de la formation; quant aux objectifs daction sociale, ce sont les plus stimulants, car une formation doit également préparer lensemble des participants à une action collective qui leur permettra dobtenir de meilleurs résultats quune simple action individuelle.
Par exemple, il est relativement simple dinformer les travailleurs des risques que lamiante leur fait courir. Dans un deuxième temps, il faudra sassurer quils possèdent les connaissances techniques nécessaires pour appliquer toutes les mesures de sécurité requises. Il est encore plus difficile de les faire changer dopinion (de les convaincre quils courent un risque, ainsi que leurs camarades, et quune action peut et doit être entreprise). Même sils disposent des compétences voulues et adoptent les attitudes appropriées, les travailleurs peuvent avoir du mal à suivre un comportement sécuritaire, surtout si le matériel adéquat ou le soutien de la direction leur font défaut. Lultime défi consiste à promouvoir laction sociale, de sorte que les travailleurs puissent acquérir les compétences, lassurance et la motivation qui leur seront nécessaires pour insister sur lutilisation de matériaux de remplacement moins dangereux, ou exiger que toutes les mesures de protection de lenvironnement soient appliquées lorsquils emploient de lamiante.
Léducation de la main-duvre axée sur la responsabilisation cherche toujours à agir au plus haut niveau laction sociale. Elle exige des travailleurs quils acquièrent une certaine aptitude à la pensée critique et à la planification stratégique qui leur permettra de définir des buts réalisables, de réagir constamment devant les obstacles et dadapter leurs plans au fur et à mesure. Ce sont des compétences complexes qui nécessitent une formation des plus intensives axée sur la pratique, ainsi quun soutien solide et constant permettant aux travailleurs de poursuivre leurs efforts.
Le contenu spécifique des programmes éducatifs dépendra de lévaluation des besoins, des impératifs réglementaires et des délais. Les sujets les plus fréquemment abordés par la formation du travailleur sont entre autres:
Il est essentiel de choisir des méthodes adaptées aux objectifs et thèmes sélectionnés. En général, plus les objectifs sont ambitieux, plus les méthodes doivent être intensives. Quelles que soient les méthodes sélectionnées, le profil de la main-duvre doit être pris en considération. Par exemple, les éducateurs doivent sadapter au niveau de langage et dalphabétisation des travailleurs. Si le niveau dalphabétisation est bas, le formateur doit employer des méthodes orales et des supports visuels très explicites. Si le groupe cible sexprime en plusieurs langues, le formateur doit utiliser une approche plurilingue.
Les délais imposés peuvent rendre impossible la communication de toutes les informations pertinentes. Il est plus important doffrir aux travailleurs un éventail de méthodes leur permettant dacquérir des techniques de recherche et délaborer des stratégies daction sociale pour poursuivre leur propre apprentissage que dessayer de condenser trop dinformations en un temps trop bref.
Le tableau 18.1 résume les différentes méthodes et les objectifs que chacune dentre elles permet datteindre. Certaines méthodes, comme les cours ou les films documentaires, répondent essentiellement à des objectifs de connaissances. Les fiches de travail ou exercices de réflexion collective peuvent répondre aux objectifs dinformation ou dattitude. Dautres démarches plus sélectives, comme les études de cas, les jeux de rôles, ou les vidéocassettes de courte durée qui suscitent un débat, peuvent viser des objectifs daction sociale, mais peuvent également contenir de nouvelles informations et permettre détudier les différentes attitudes.
Méthodes d'enseignement |
Points forts |
Limites |
Objectifs atteints |
Cours |
Présente des données factuelles de façon directe et logique. |
Les experts ne font pas toujours de bons enseignants. |
Connaissances |
Fiches de travail et questionnaires |
Permettent aux participants de réfléchir individuellement sans être soumis à une influence extérieure en cours de discussion. |
Leur durée d'utilisation est brève. |
Connaissances |
Réflexion collective |
Exercice d'écoute qui stimule la pensée créatrice et l'émergence d'idées nouvelles. |
La discussion peut s'égarer. |
Connaissances |
Planigramme |
Permet de cataloguer rapidement l'information. |
Nécessite une planification et la création de multiples planigrammes. |
Connaissances |
Visualisation des risques |
Le groupe peut dresser un tableau des risques encourus, de la maîtrise de ces risques et des plans d'action. |
Destinée à des participants travaillant dans la même entreprise ou dans une entreprise similaire. |
Connaissances |
Supports audiovisuels |
Façon ludique d'enseigner une matière et de soulever un problème. |
Aborde parfois trop de questions simultanément. |
Connaissances/ compétences |
Supports audiovisuels actifs |
Développe la capacité d'analyse. |
La participation à la discussion peut être sporadique. |
Action sociale |
Etudes de cas actives |
Développe les capacités d'analyse et de solution de problèmes. |
Les participants peuvent ne pas saisir le rapport avec leur propre situation. |
Action sociale |
Jeu de rôles |
Aborde de manière théâtrale une situation problématique. |
Il peut arriver que les participants soient embarrassés. |
Action sociale |
Récapitulation |
Permet, au sein d'un groupe important, un débat sur les jeux de rôles, les études de cas, ainsi que des exercices par petits groupes. |
Peut s'avérer répétitive si chaque petit groupe dit la même chose. |
Action sociale |
Définition des priorités et planification |
Garantit une participation des étudiants. |
Il faut un mur ou un tableau de grande dimension pour l'affichage. |
Action sociale |
Exercices pratiques |
Permet de mettre en pratique en classe le comportement acquis. |
Demande un certain temps, un espace adéquat, et un matériel approprié. |
Comportements |
Adaptation autorisée, d'après Wallerstein et Rubenstein, 1993.
Appliquer un programme bien conçu est en fait la partie la plus simple du processus, léducateur se contentant dexécuter le plan. Cet éducateur guide les élèves à travers une série dactivités conçues pour: a) acquérir et étudier de nouvelles idées ou compétences; b) partager leurs propres réflexions et aptitudes; c) associer ces deux aspects.
En ce qui concerne les programmes déducation populaire, fondés sur une participation active et le partage des expériences propres à chaque travailleur, il est essentiel que les ateliers créent une atmosphère de confiance, de libre débat et daisance dans la communication. Lenvironnement tant matériel que social doit permettre une interaction optimale et des activités par petits groupes et montrer quil existe un intérêt et une volonté de participation communs. Pour certains éducateurs, ce rôle daide à lapprentissage peut nécessiter quelques «retouches». Cest un rôle qui repose moins sur un réel talent dorateur, clé de voûte traditionnelle des compétences dun formateur, que sur laptitude à encourager lapprentissage en commun.
Lemploi de collègues formateurs est de plus en plus populaire. Former les travailleurs à instruire leurs collègues présente deux avantages majeurs: 1) les travailleurs-formateurs ont une connaissance pratique du lieu de travail qui permet dadapter la formation; 2) les collègues-formateurs restent sur place pour offrir en permanence des conseils de prévention. Le succès de ces programmes dépend de la formation des instructeurs eux-mêmes, qui devront suivre des cours spéciaux à cet effet et pouvoir sadresser à des experts en cas de besoin.
Bien que souvent oubliée dans léducation du personnel et pourtant essentielle, lévaluation remplit plusieurs fonctions. Elle permet à lélève de juger sa propre progression vers de nouvelles connaissances, compétences, attitudes ou actions; elle permet à léducateur destimer lefficacité de la formation et de déterminer les progrès réalisés; elle peut également attester la réussite de la formation, légitimant ainsi les futurs investissements. Les protocoles dévaluation doivent être définis parallèlement aux objectifs de léducation. Lévaluation doit permettre détablir si les objectifs de formation ont été atteints ou non.
A ce jour, la plupart des évaluations réalisées ont mesuré les effets immédiats (connaissances acquises ou taux de satisfaction des stagiaires). Les évaluations visant le comportement sont fondées sur les observations conduites sur le lieu de travail pour estimer les résultats.
Les évaluations fondées sur les résultats obtenus sur le lieu de travail et, en particulier, sur la fréquence des accidents et des maladies, peuvent être trompeuses. Par exemple, les efforts réalisés par la direction pour promouvoir la sécurité comprennent parfois des incitations visant à réduire le taux daccidents (en offrant, par exemple, une prime à léquipe qui subira le moins daccidents en un an). Ces incitations entraînent une sous-déclaration des accidents et, bien souvent, ne reflètent pas les conditions réelles de sécurité et de santé. Inversement, une formation axée sur la responsabilisation encourage les travailleurs à reconnaître et à signaler les problèmes de prévention, ce qui peut entraîner au départ une augmentation des déclarations daccident et de maladie, même lorsque les conditions de sécurité et de santé sont effectivement en voie damélioration.
Récemment, les programmes de formation en matière de sécurité et de santé ont commencé à adopter les méthodes et objectifs de léducation populaire et de la responsabilisation; de ce fait, les protocoles dévaluation ont été élargis pour intégrer une appréciation du comportement des travailleurs de retour au travail, ainsi que des changements réellement intervenus sur le lieu de travail. Les objectifs daction sociale nécessitent une évaluation à long terme qui contrôle les changements survenus tant au niveau individuel quaux niveaux environnemental et organisationnel, ainsi que linteraction entre les changements individuels et environnementaux. Pour cette évaluation à long terme, le suivi est indispensable. Des entretiens téléphoniques de contrôle, des sondages complémentaires, ou même de nouvelles séances de formation, peuvent permettre non seulement dévaluer les changements, mais également dencourager les étudiants/travailleurs dans la mise en pratique de leurs nouvelles connaissances, compétences, initiatives ou projets dactions sociales suite à la formation.
Il a été constaté que plusieurs éléments des programmes jouent un rôle important dans la promotion des changements comportementaux et des modifications sur le lieu de travail, notamment: les structures syndicales de soutien; la participation syndicale et directoriale paritaire; le libre accès des travailleurs et des syndicats aux ressources de formation, dinformation et dexpertise; lorganisation de la formation dans un contexte favorable à des modifications densemble; linstitution dun programme fondé sur lévaluation des besoins des travailleurs et du lieu de travail; lutilisation dun matériel fourni par les travailleurs eux-mêmes; lintégration de méthodes interactives pour petits groupes aux objectifs de responsabilisation et daction sociale des travailleurs.
Le présent article vient de décrire le besoin croissant de préparation des travailleurs à une meilleure participation aux efforts de prévention sur le lieu du travail, ainsi que leur rôle crucial dans la promotion de la sécurité et de la santé. Il a également expliqué le rôle particulier joué par la responsabilisation de la main-duvre en réponse à ces besoins, ainsi que les traditions et principes pédagogiques qui sous-tendent un enseignement axé sur ladite responsabilisation. Enfin, il a exposé, étape par étape, le processus déducation nécessaire pour obtenir la participation des travailleurs et les responsabiliser.
Ce mode déducation centré sur lélève suppose létablissement de nouvelles relations entre les professionnels de la prévention et le personnel. Lapprentissage ne se fait plus à sens unique, un «expert» communiquant son savoir aux «étudiants». Le processus éducatif devient au contraire un partenariat. Cest un processus dynamique de communication qui exploite les compétences et les connaissances des travailleurs. Lapprentissage est multidirectionnel: les travailleurs apprennent auprès des instructeurs; les instructeurs apprennent auprès des travailleurs; et les travailleurs apprennent les uns des autres (voir figure 18.2).
Pour que le partenariat réussisse, les travailleurs doivent participer non seulement en classe, mais aussi à chaque étape du processus éducatif. Les travailleurs doivent aider à répondre aux questions déterminantes de la formation: qui concevra et animera la formation? Quapprendra-t-on? Qui paiera? Qui y aura accès? Quand et où se déroulera la formation? Quels besoins seront satisfaits et comment la réussite sera-t-elle mesurée?
Jusquà une date récente, lefficacité de la formation et de léducation en matière de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs était le plus souvent une question de conviction plutôt que le résultat dune évaluation systématique (Vojtecky et Berkanovic, 1984-85; Wallerstein et Weinger, 1992). Grâce à lessor rapide des programmes intensifs déducation et de formation financés par le gouvernement ces dix dernières années aux Etats-Unis, on note un début dévolution. Les éducateurs et les chercheurs évaluent de façon bien plus rigoureuse les effets quont la formation et léducation des travailleurs sur les variables finales comme la fréquence des accidents, des maladies et des lésions corporelles, et sur les variables intermédiaires comme laptitude des travailleurs à identifier, traiter et pallier les risques existant sur leur lieu de travail. Le programme mis au point par le Centre syndical international des travailleurs de la chimie pour léducation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé, qui associe une formation aux urgences chimiques et une formation aux déchets dangereux, est un exemple dinitiative bien conçue comportant une méthode dévaluation efficace.
Le Centre a été fondé en 1988 à Cincinnati (Ohio), grâce à une subvention accordée par lInstitut national des sciences de lhygiène du milieu (National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS)) à lUnion internationale des travailleurs de lindustrie chimique (ICWU) pour organiser une formation à lintention des travailleurs responsables des déchets dangereux et des interventions en cas durgence. Le Centre est une coentreprise réunissant six syndicats professionnels, un centre local de santé au travail et un département universitaire de médecine de lenvironnement. Il a adopté une démarche éducative axée sur la responsabilisation et il définit sa mission comme consistant:
[ ] à développer laptitude des travailleurs à résoudre les problèmes et à concevoir des stratégies syndicales pour améliorer les conditions de santé et de sécurité dans le travail (McQuiston et coll., 1994).
Pour évaluer lefficacité du programme dans le cadre de cette mission, le Centre a mené à bien des études de suivi de longue durée avec les travailleurs participant au programme. Cette évaluation densemble est allée bien au-delà des contrôles habituels effectués immédiatement après la formation et qui mesurent ce que les stagiaires ont retenu de leur formation et leur degré de satisfaction (ou dinsatisfaction).
Le cours soumis à évaluation est un programme de formation, étalé sur quatre ou cinq jours, consacré aux cas durgence et aux déchets dangereux de lindustrie chimique. Y participent les membres de six syndicats professionnels, ainsi quun petit nombre de cadres venant de quelques usines représentées par les syndicats. Les travailleurs exposés à des émissions importantes de substances dangereuses, ou travaillant au contact de produits nocifs, peuvent également assister au cours. Leffectif se limite à vingt-quatre étudiants par classe pour faciliter les discussions. Le Centre encourage les syndicats locaux à inscrire au cours trois ou quatre travailleurs de chaque établissement, estimant quun groupe de travailleurs sera plus enclin quun individu isolé à réduire efficacement les risques lorsquil réintégrera son lieu de travail.
Le programme définit des objectifs à long et court terme étroitement liés:
Objectif à long terme: encourager les travailleurs à devenir et à rester partie prenante dans la définition et lamélioration de la prévention.
Objectif éducatif immédiat: fournir aux étudiants des instruments appropriés, leur donner lassurance nécessaire à lutilisation de ces instruments et les former à la résolution des problèmes (McQuiston et coll., 1994).
Pour atteindre ces objectifs, au lieu de se polariser sur un rappel de linformation, le programme conçoit la formation comme une méthode axée sur les procédés, cherchant à «instaurer une autonomie permettant à lélève de déterminer le moment où des données supplémentaires savèrent nécessaires, lendroit où les trouver et la façon de les interpréter et de les utiliser (McQuiston et coll., 1994).
Le programme comprend une formation aussi bien théorique que pratique. Les méthodes denseignement mettent laccent sur la solution des problèmes en petit groupe avec la participation active des stagiaires. Le cours est également conçu pour favoriser la participation des travailleurs directement responsables de la sécurité et de la santé, de formateurs et de consultants. Ce groupe a évalué les projets de cours initiaux, recommandé des modifications du programme et de la documentation et préconisé des méthodes fondées sur des discussions approfondies avec les stagiaires. Cette évaluation formatrice est une étape importante du processus dévaluation et elle intervient pendant le déroulement du programme, et non à la fin de celui-ci.
Le cours présente aux participants divers documents de référence sur les matières dangereuses. Les étudiants dressent également une cartographie des risques existant dans leur établissement et qui leur servira pendant le cours pour évaluer les risques encourus et les programmes de prévention appropriés. Cette cartographie constitue la base des plans daction et permet de faire la liaison entre les connaissances acquises par les stagiaires pendant le cours et les projets quils estiment devoir réaliser dès leur retour sur leur lieu de travail.
Le Centre organise pour les participants des tests anonymes de connaissances, avant et après la formation, afin de vérifier les progrès accomplis. Cependant, pour déterminer lefficacité à long terme du programme, le Centre procède à des entretiens téléphoniques de contrôle, interrogeant les stagiaires un an après leur formation. Ces entretiens concernent un seul stagiaire par syndicat local, mais lensemble des cadres ayant assisté aux cours. Lenquête évalue les résultats dans cinq domaines principaux:
Les derniers résultats dévaluation publiés récemment se fondent sur les réponses de 481 travailleurs syndiqués, chacun représentant un lieu de travail distinct, et de 50 cadres. Le taux de réponse à ces entretiens est de 91,9% pour les travailleurs syndiqués et de 61,7% pour les cadres.
A lexception de la cartographie des risques, les six principaux supports pédagogiques fournis pendant le cours ont été utilisés par au moins 60% des stagiaires issus des syndicats et de lencadrement. Le guide de poche intitulé NIOSH Pocket Guide to Chemical Hazards et le manuel de formation du Centre ont été les plus utilisés.
Environ 80% des stagiaires syndiqués et 72% des cadres ont dispensé par la suite une formation à leurs collègues sur leur lieu de travail. Le nombre de travailleurs concernés (70 en moyenne) et la durée de la formation (9,7 heures en moyenne) sont significatifs. Il est particulièrement révélateur que plus de la moitié des stagiaires syndiqués aient dispensé une formation aux cadres. Cette formation retransmise a abordé de nombreux thèmes: lidentification des substances chimiques; le choix et lutilisation déquipements de protection individuelle; les effets sur la santé; les procédures durgence et lutilisation dinstruments de référence.
Au cours des entretiens, une série de questions ont été posées sur les tentatives damélioration des programmes, des pratiques et des équipements de lentreprise dans onze domaines différents, dont les sept suivants:
Ces questions ont permis de déterminer si, daprès les interlocuteurs, des modifications savéraient nécessaires et, dans laffirmative, si certaines avaient été réalisées.
En général, les travailleurs syndiqués interrogés ressentaient plus profondément que les cadres le besoin damélioration et sefforçaient plus fréquemment dy répondre, bien que limportance de cet écart varie selon les domaines concernés. Néanmoins, un pourcentage relativement élevé de syndicats et de cadres ont fait état de tentatives damélioration dans la plupart des domaines. Dans les onze domaines concernés, les taux de réussite ont atteint 44 à 90% pour les syndicalistes et 76 à 100% pour les cadres.
Les questions relatives aux dispersions et émissions accidentelles de substances chimiques cherchaient à déterminer si la présence au cour avait fait évoluer les méthodes pour y remédier. Les travailleurs et les cadres ont signalé 342 fuites graves au cours de lannée qui a suivi leur formation. Environ 60% dentre eux ont précisé que la formation avait permis de traiter ces incidents de façon différente. Par la suite, des questions plus détaillées ont été ajoutées à lenquête pour recueillir des données qualitatives et quantitatives complémentaires. Létude dévaluation transmet les commentaires des travailleurs sur certains débords spécifiques et permet de déterminer le rôle joué par la formation dans la manière de résoudre ces problèmes. Deux exemples en sont donnés ci-après:
A la suite du cours de formation, un équipement adéquat a été distribué. Toutes les règles ont été respectées. Depuis la constitution de notre équipe, nous avons fait du chemin. La formation a été utile. Nous navons plus à nous soucier de lattitude de lentreprise; maintenant nous pouvons déterminer nous-mêmes nos besoins.
La formation a permis de familiariser les membres des comités de sécurité avec les diverses responsabilités hiérarchiques. Nous sommes mieux préparés et la coordination entre lensemble des services sest améliorée.
Grâce à la formation, la grande majorité des travailleurs syndiqués et des cadres interrogés se sentaient «bien mieux» ou «un peu mieux» préparés à la manipulation de substances chimiques dangereuses et à la maîtrise des situations critiques.
Le cas étudié illustre les principes essentiels de conception et dévaluation dun programme de formation et déducation. Il présente en détail les buts et objectifs du programme éducatif. Les finalités daction sociale concernant laptitude des travailleurs à la réflexion et à laction individuelle, ainsi que les demandes en vue dune évolution des systèmes, prédominent à côté dobjectifs plus immédiats touchant les connaissances et le comportement. Les méthodes de formation sont adaptées à ces buts. Les méthodes dévaluation mesurent la réalisation de ces objectifs en révélant comment les stagiaires ont appliqué par la suite à leur propre environnement professionnel les informations reçues pendant les cours. Elles mesurent les effets de la formation sur des points particuliers, comme la lutte contre les dispersions accidentelles, et sur des variables intermédiaires, comme le bénéfice que les autres travailleurs avaient tiré de cette formation grâce à leurs collègues et lutilisation des supports pédagogiques par les participants.
Lexpression éducation environnementale peut recouvrir des domaines et des activités assez vastes lorsquelle sapplique aux salariés, aux employeurs et aux lieux de travail, notamment:
Le présent article dresse un bilan de la formation et de léducation des travailleurs aux Etats-Unis dans le domaine en plein développement de lassainissement de lenvironnement. Il ne traite pas de façon exhaustive de léducation environnementale, mais illustre plutôt le rapport entre la sécurité et la santé au travail, lenvironnement et lévolution de certaines activités professionnelles où les connaissances techniques et scientifiques jouent un rôle croissant, comme dans les métiers, traditionnellement «manuels», du bâtiment. La «formation» désigne, dans ce contexte, les programmes courts conçus et organisés par des institutions denseignement ou dautres organisations. L«éducation» concerne les programmes détudes dispensés par des établissements officiels offrant des cycles détude de deux et de quatre ans. Actuellement, les personnes intéressées par ce domaine nont accès à aucune trajectoire professionnelle clairement définie. Lélaboration dun cursus professionnel plus précis est lun des buts poursuivis par le Centre national déducation et de formation environnementales (National Environmental Education and Training Center, Inc. (NEETC)) de lUniversité Indiana de Pennsylvanie. En attendant, un grand choix de programmes déducation et de formation sont proposés à différents niveaux, par diverses institutions, universitaires ou non. Une enquête sur les établissements dispensant ce type de formation et déducation a servi de base au rapport original dont sinspire cet article (Madelien et Paulson, 1995).
Une étude réalisée en 1990 par lUniversité dEtat Wayne (Powitz, 1990) a identifié 675 cours de courte durée, ne donnant pas droit à des unités de valeur, destinés à former les travailleurs qui sont au contact de déchets dangereux, dans le cadre de collèges universitaires et duniversités proposant chaque année plus de 2 000 cours au niveau national. Cependant, cette étude ne mentionnait pas certains pourvoyeurs essentiels de formation, à savoir les instituts universitaires, lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), ainsi que des entreprises ou sous-traitants indépendants. Par conséquent, le nombre indiqué par cette université devrait probablement être doublé ou triplé si lon voulait donner une idée exacte du nombre de cours ne pouvant pas être validés au titre dunités de valeur ou dun diplôme, proposés de nos jours aux Etats-Unis.
LInstitut national des sciences de lhygiène du milieu (National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS)) gère actuellement le principal programme de formation financé par le gouvernement dans le domaine de la protection de lenvironnement. Ce programme, établi en 1987 dans le cadre de la législation «Superfund», accorde des subventions aux associations à but non lucratif desservant certains groupes de travailleurs. Parmi les bénéficiaires, on trouve les syndicats, les programmes universitaires sur léducation de la main-duvre; les études sur la main-duvre et la santé publique, les sciences médicales et techniques; les instituts universitaires; ainsi que les associations à but non lucratif soccupant de prévention les comités de sécurité et de santé au travail, désignés en anglais par le sigle COSH (Committees on Occupational Safety and Health). Un grand nombre de ces organisations disposent dantennes régionales. Les groupes cibles comprennent:
Le programme NIEHS a favorisé une importante évolution novatrice dans le domaine des programmes détudes et du matériel, évolution caractérisée par des échanges intensifs dexpériences entre bénéficiaires. Le programme finance une centrale nationale, dotée dune bibliothèque et dun bureau des programmes scolaires, et publie un bulletin mensuel.
Dautres programmes subventionnés par le gouvernement proposent des cours intensifs destinés aux professionnels de lindustrie des déchets dangereux par opposition aux travailleurs de base. Nombre de ces programmes se déroulent dans des centres universitaires de documentation fondés par lInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH).
Ces dernières années, le paysage de léducation et de la formation touchant les déchets dangereux sest radicalement transformé et on a assisté à une expansion spectaculaire des programmes des instituts universitaires et des centres régionaux visant à améliorer la formation professionnelle au niveau du premier cycle. Depuis les années quatre-vingt, les instituts universitaires accomplissent, au niveau secondaire, un gros travail délaboration de programmes détudes. Le ministère américain de lEnergie (DOE) a subventionné, à léchelon national, des programmes destinés à pourvoir en main-duvre compétente les lieux de travail qui avaient auparavant besoin de techniciens du nucléaire et qui demandent actuellement des spécialistes de lélimination des déchets dangereux. Cette formation, très approfondie, est dispensée dans les instituts universitaires, dont beaucoup ont déjà répondu dans le passé aux besoins en personnel de certains établissements du ministère de lEnergie. Les activités, subventionnées par ce ministère et assures par les instituts universitaires, ont largement contribué à promouvoir lélaboration de programmes détudes et la mise en place de centres pour la diffusion de linformation. Leurs objectifs sont, dune part, de définir des critères de formation plus uniformes et plus sévères et, dautre part, de favoriser la mobilité de la main-duvre, de façon à permettre à une personne formée pour travailler dans un établissement déterminé de rejoindre un autre lieu de travail sans quun recyclage important soit nécessaire.
Plusieurs groupements dinstituts universitaires élaborent des programmes détudes dans ce domaine. Le Partenariat pour lenseignement des techniques de lenvironnement (Partnership for Environmental Technology Education (PETE)) fonctionne dans six régions. Ce partenariat collabore avec lUniversité de lIowa du Nord à linstitution dun réseau de programmes environnementaux destinés aux instituts universitaires qui, en liaison avec les établissements secondaires, informent les étudiants et les préparent à ces études dune durée de deux ans, sanctionnées par un diplôme. Les objectifs prévoient: 1) lélaboration de programmes détudes approuvés à léchelon national; 2) la préparation de programmes complets de formation professionnelle; 3) la création dun centre national de léducation environnementale.
LInstitut de recherche et de formation sur les substances dangereuses (Hazardous Materials Training and Research Institute (HMTRI)) répond aux besoins en matière de programmes détudes, de perfectionnement, de communications électroniques et écrites de 350 collèges universitaires proposant des programmes sur deux ans denseignement des techniques environnementales ouvrant droit à des unités de valeur. LInstitut élabore et diffuse des programmes détudes et du matériel pédagogique; il met également en uvre ses propres programmes éducatifs dans son Centre de formation environnementale de lInstitut universitaire Kirkwood Community College, dans lIowa, qui dispose dimportantes installations: salles de classe, laboratoire et simulations dinstallations industrielles.
Le Centre de recherche et de développement professionnels (Center for Occupational Research and Development (CORD)) centralise loctroi du diplôme «Tech Prep» par le ministère américain de lEducation. Le programme Tech Prep exige une coordination entre les établissements denseignement secondaires et supérieurs afin de donner aux étudiants une base solide pour leur itinéraire professionnel. Il a également permis lélaboration de plusieurs textes en situation, issus de lexpérience acquise dans le domaine des sciences et des mathématiques fondamentales, et destinés à apprendre aux étudiants de nouveaux concepts liés aux connaissances et à lexpérience actuelles.
Le CORD a également joué un rôle important dans le programme éducatif national lancé par ladministration Clinton, «Objectifs 2 000: Instruire lAmérique». Compte tenu des besoins en personnel qualifié de base, ce programme prévoit lélaboration de normes de compétences professionnelles (les «normes de compétences» définissent les connaissances, le savoir-faire, les attitudes et le niveau de compétences nécessaires pour remplir de façon adéquate des fonctions déterminées). Lun des 22 projets délaboration de normes de compétences subventionnés dans le cadre du programme CORD concerne les techniciens chargés de la gestion des substances dangereuses.
Linsuffisance des liaisons entre les établissements des premier et second cycles pose un problème permanent qui gêne les étudiants souhaitant entreprendre des études techniques après avoir obtenu en deux ans un diplôme dans le domaine de la gestion des déchets dangereux ou radioactifs. Cependant, certains groupements dinstituts universitaires commencent à prendre conscience du problème.
Le Groupe Technologie de lenvironnement (Environmental Technology (ET)) est un réseau californien dinstituts universitaires qui est parvenu à établir des accords de coopération avec quatre collèges universitaires du deuxième cycle. La définition dune nouvelle catégorie professionnelle, «environmental technician» (technicien de lenvironnement), par lAgence californienne de protection de lenvironnement, encourage les diplômés du programme ET à poursuivre leurs études. Un diplôme en technologie de lenvironnement est obligatoire pour accéder au poste de technicien de lenvironnement. Lobtention dune licence permet à lintéressé de postuler un emploi de niveau supérieur. Une formation complémentaire et lexpérience professionnelle lui permettront davancer dans sa carrière.
Le Groupe WERC (Waste-management Education and Research Consortium), spécialisé dans la recherche et lenseignement concernant la gestion des déchets, qui réunit des établissements denseignement du Nouveau-Mexique, est peut-être le meilleur exemple dune tentative de rapprochement entre lenseignement professionnel et lenseignement traditionnel du second cycle. Parmi les membres de ce groupe figurent lUniversité du Nouveau-Mexique, lInstitut minier et de technologie du Nouveau-Mexique (New Mexico Institute of Mining and Technology), lUniversité dEtat du Nouveau-Mexique, lInstitut universitaire Navajo Community College, le laboratoire Sandia et les laboratoires de Los Alamos. Pour la diffusion des programmes détudes, ce groupe a opté pour un programme de télévision interactif denseignement à distance qui tire profit des divers points forts des institutions membres.
Les étudiants participant au programme sur lenvironnement doivent suivre six heures de télé-enseignement dispensé par les autres institutions, ou un semestre de cours externes. Le programme est interdisciplinaire par définition, associant une matière secondaire consacrée à la gestion des substances ou déchets dangereux à une matière principale dans un autre domaine (sciences politiques, sciences économiques, préparation aux études de droit, études techniques ou études scientifiques). Lobjectif du programme est à la fois «vaste et restreint» en ce quil reconnaît le besoin de transmettre aux étudiants une base importante de connaissances dans leur domaine, ainsi quune formation spécifique à la gestion des substances et déchets dangereux. Cette initiative originale associe létudiant à une véritable recherche appliquée et à lélaboration de programmes détudes axés sur lindustrie. Les cours correspondant à la matière secondaire sont très spécifiques et exploitent les spécialités propres de chaque établissement, mais chaque programme, même le diplôme de licence, comporte un cursus fondamental obligatoire dans le domaine des sciences humaines et sociales.
Ce programme présente une autre particularité: les collèges universitaires proposent, sur deux ans, des diplômes de premier cycle dans le domaine de la technologie des substances dangereuses et radioactives. Le diplôme de premier cycle en deux ans proposé par le Navajo Community College dans le domaine des sciences de lenvironnement comprend aussi bien des cours sur lhistoire du peuple Navajo, des cours approfondis dans les domaines de la communication et des affaires, que des cours techniques. Un laboratoire dexpérimentation a également été édifié sur ce campus, installation inhabituelle pour un institut universitaire et manifestation de limplication du Groupe WERC dans lapprentissage au sein de laboratoires dexpérimentation et dans le développement de la technologie et la recherche appliquées. Les institutions membres du WERC proposent également un programme, non sanctionné par un diplôme, de gestion des déchets, programme qui semble bien plus approfondi et complexe que les cours de 24 ou 40 heures offerts par les autres établissements. Il est destiné aux titulaires de licence qui souhaitent bénéficier des séminaires et cours spécialisés dispensés par les universités.
Outre la prolifération des programmes de formation de courte durée et des programmes techniques traditionnels, plusieurs modifications dimportance ont été apportées ces dernières années aux objectifs de léducation et de la formation relatives aux déchets dangereux. Dune façon générale, le ministère américain de lEnergie semble avoir centré léducation dispensée par les instituts universitaires sur la formation continue de la main-duvre, et cela grâce essentiellement au PETE, au Groupe WERC et à dautres groupements du même genre.
Il existe un écart considérable entre la formation professionnelle et lenseignement traditionnel dans le domaine de lenvironnement. A cause de cet écart, les travailleurs spécialisés dans les déchets dangereux nont accès à aucun itinéraire professionnel clairement défini, et il leur est difficile de progresser dans lindustrie ou à lintérieur des services officiels sans aucun diplôme technique reconnu. Alors quil existe des options interdépartementales pour une formation des cadres dans le domaine des sciences économiques, du droit et de la médecine, options qui reconnaissent limportance de lindustrie de lenvironnement, il sagit toujours de diplômes professionnels de type universitaire qui laissent de côté une fraction importante de la main-duvre expérimentée disponible.
A mesure que lindustrie de lassainissement de lenvironnement acquiert ses lettres de noblesse, la nécessité pour la main-duvre de recevoir une formation à long terme et un enseignement plus équilibrés, et davoir accès à une véritable carrière, simpose de plus en plus. Comme un grand nombre de travailleurs venant de sites militaires définitivement fermés se retrouvent sur le marché du travail, un nombre croissant de personnes dorigines professionnelles diverses font désormais partie de la main-duvre spécialisée dans lenvironnement, doù des besoins accrus de formation syndicale et de placement des travailleurs licenciés (quil sagisse de militaires libérés ou de civils congédiés). On doit impérativement concevoir des programmes éducatifs qui répondent tant aux besoins du personnel entrant dans lindustrie quà ceux de lindustrie elle-même en matière de main-duvre mieux équilibrée et plus instruite.
Les membres de syndicats formant lun des principaux groupes prêts à intégrer le domaine de lassainissement de lenvironnement et de lélimination des déchets dangereux, il semblerait logique de confier aux départements universitaires enseignant les relations professionnelles et syndicales lélaboration de programmes denseignement combinant les études sur lenvironnement et les déchets dangereux et les relations professionnelles.
Les articles précédents du présent chapitre ont été centrés sur la formation et léducation en fonction des risques présents sur le lieu de travail. Léducation environnementale a des objectifs multiples et elle complète utilement une formation à la sécurité et à la santé au travail. Léducation ouvrière est un aspect capital et souvent négligé de toute stratégie exhaustive et efficace de protection de lenvironnement. On considère fréquemment les problèmes denvironnement comme des questions purement techniques ou scientifiques qui dépassent les travailleurs. Or, la formation des travailleurs est essentielle pour la solution des problèmes denvironnement. Les travailleurs sont concernés en tant que citoyens et en tant que salariés par les questions denvironnement, car cet environnement conditionne leur existence et affecte leur milieu social et leur famille. Même lorsque des solutions techniques sont requises, faisant appel à des matériels, des logiciels ou des procédés nouveaux, la collaboration et la participation des travailleurs sont indispensables à leur mise en uvre. Il en va ainsi pour tous les travailleurs, quils soient occupés dans lindustrie et les professions de lenvironnement elles-mêmes, ou quils remplissent différentes fonctions dans dautres branches dactivité.
Léducation ouvrière peut également constituer une assise conceptuelle permettant de renforcer la participation des travailleurs à lamélioration de lenvironnement, à la protection de la santé et à la sécurité, et au progrès organisationnel. Le programme Industrie et Environnement du PNUE observe que de nombreuses entreprises ont constaté que limplication du travailleur dans lamélioration de lenvironnement peut engendrer dimportants avantages (PNUE, 1993). Le Projet Cornell sur lenvironnement et le travail (Cornell Work and Environment Initiative (WEI)) a permis de constater, dans le cadre dune étude sur les entreprises américaines, quune participation assidue des travailleurs divisait par trois la nécessité du recours aux solutions techniques ou externes, et renforçait considérablement le rendement de certaines démarches techniques (Bunge et coll., 1995).
Léducation ouvrière dans le domaine de lenvironnement revêt différentes formes, entre autres la sensibilisation et léducation syndicales, la formation et lorientation professionnelles, lintégration de lenvironnement aux problèmes de sécurité et de santé au travail, et une prise de conscience générale des citoyens. Cette éducation peut se dérouler en divers endroits: lieux de travail, locaux syndicaux, écoles et cercles détudes, grâce aux systèmes denseignement traditionnels ou modernes assistés par ordinateur. Il faut reconnaître que léducation des travailleurs dans le domaine de lenvironnement est un secteur sous-développé, surtout lorsquon la compare aux études de gestion, à la formation technique et à lenseignement scolaire sur lenvironnement. Au niveau international, léducation des travailleurs de la production nest souvent mentionnée quen passant et elle est totalement oubliée lorsquil sagit de la mise en uvre. La Fondation européenne pour lamélioration des conditions de vie et de travail à Dublin (Irlande) a commandité une série détudes sur la dimension éducative de la protection de lenvironnement et, dans le cadre de ses travaux futurs, elle étudiera directement le cas des ouvriers et de leurs besoins éducatifs dans le domaine de lenvironnement.
On trouvera ci-après plusieurs exemples, recueillis dans le cadre du projet WEI à lUniversité Cornell, qui illustrent à la fois les réalités et les possibilités de léducation ouvrière en matière denvironnement. Le WEI est un réseau de dirigeants dentreprises, de syndicalistes, décologistes et de fonctionnaires de 48 pays répartis dans le monde entier, et déterminés à trouver un moyen de faire participer les travailleurs et les entreprises à lélaboration de solutions écologiques. Il concerne des secteurs très divers allant des industries extractives à la production, aux services et au secteur public. Il offre un moyen de promouvoir léducation et laction en matière denvironnement afin daccumuler suffisamment de connaissances dans les entreprises et dans les établissements denseignement pour obtenir des lieux de travail plus salubres, accroître la productivité et améliorer linterface entre les environnements interne et externe.
En Australie, le Conseil australien des syndicats (Australian Council of Trade Unions (ACTU)) a élaboré une nouvelle approche de léducation en matière denvironnement qui permet de développer la conscience sociale, notamment des jeunes travailleurs, en les aidant à acquérir des qualifications professionnelles spécifiques.
LACTU a fondé une société de formation écologique ayant pour mandat de traiter divers secteurs, mais en se concentrant dans un premier temps sur les problèmes de gestion des terres. Cet objectif suppose quon enseigne les méthodes permettant deffectuer les opérations dassainissement de façon efficace et sûre, tout en garantissant les intérêts des populations indigènes et la protection du milieu naturel. Avec la collaboration de syndicalistes, décologistes et demployeurs, cette société a mis au point une série de modules d«écocompétences» pour inculquer les connaissances écologiques de base aux travailleurs dindustries diverses. Ces modules sintègrent à une série de qualifications touchant les techniques, les sciences sociales et la sécurité.
Les modules écocompétences 1 et 2 comportent des informations générales sur lenvironnement. On les enseigne en même temps que les autres programmes élémentaires de formation. Dès le niveau 3, les modules concernent des personnes qui se spécialisent dans la protection de lenvironnement. Les deux premiers modules consistent en deux sessions de 40 heures chacune. Les stagiaires acquièrent leurs compétences en assistant à des conférences, en participant à des séances collectives de solution des problèmes et en appliquant des techniques dexercices pratiques. Des mémoires, des exposés, un travail de groupe et des jeux de rôles permettent de contrôler les connaissances des travailleurs.
Les sessions abordent certains concepts dont une introduction aux principes dun développement écologiquement durable, dune utilisation efficace des ressources et de systèmes de gestion assurant une production plus axée sur la protection de lenvironnement. A la fin du module 1, les travailleurs doivent pouvoir:
Le module 2 développe ces objectifs de départ et prépare les travailleurs à la prévention de la pollution et à la sauvegarde des ressources.
Certaines branches dactivité sont disposées à établir une relation entre les qualifications et connaissances en matière deffets sur lenvironnement, dune part, et leurs propres critères à tous les niveaux, dautre part. La sensibilisation aux problèmes de lenvironnement se refléterait ainsi dans le travail quotidien de tous les salariés de ces secteurs, à tous les niveaux de compétence. Le fait que les salaires sont liés aux normes de lindustrie représente pour les travailleurs une sérieuse motivation. Lexpérience australienne nen est encore quà ses débuts, mais représente une tentative déterminée de collaboration entre toutes les parties aux fins de développer des activités fondées sur la compétence et daugmenter le nombre et la sécurité des emplois, tout en protégeant lenvironnement grâce à une sensibilisation accrue aux problèmes de lécologie.
LUnion internationale des journaliers dAmérique du Nord (UIJAN) est, aux Etats-Unis, lun des syndicats les plus actifs en matière de formation à la protection de lenvironnement. La réglementation officielle exige que les travailleurs chargés de lélimination des déchets dangereux reçoivent 40 heures de formation. Le syndicat et certains employeurs participant au projet ont mis au point un cours intensif de 80 heures ayant pour objectif de sensibiliser davantage les travailleurs qui manipulent des déchets dangereux aux questions de sécurité professionnelle. En 1995, plus de 15 000 travailleurs ont reçu une formation à lélimination du plomb, de lamiante et dautres déchets dangereux, ainsi que dans le domaine de lassainissement. Le programme des travailleurs et entrepreneurs associés (Laborers-Associated General Contractors) a mis au point 14 cours sur lassainissement de lenvironnement et élaboré les programmes correspondant de formation dinstructeurs dans le cadre de leffort national de promotion dun assainissement sûr et efficace. Ces cours sont donnés dans 32 centres de formation et 4 unités mobiles.
Outre la formation en matière de sécurité et de technologie, le programme encourage les participants à réfléchir aux problèmes écologiques en général. Dans le cadre de leur travail, les stagiaires recueillent des informations sur les problèmes de lenvironnement dans les journaux locaux et sen servent pour amorcer un débat sur les grands défis écologiques. Ce fonds commun de formation écologique emploie 19 salariés à plein temps au siège, et dispose dun budget de plus de 10 millions de dollars. Les méthodes et matériels pédagogiques sont dune qualité exceptionnelle, utilisant abondamment les supports audiovisuels et autres outils didactiques et se concentrant sur des compétences spécifiques; la qualité de lenseignement et le contrôle continu des connaissances sont des impératifs. Une vidéo «dapprentissage à domicile» est destinée à pallier le problème dalphabétisation; la formation écologique et lenseignement de base sont étroitement liés. Pour ceux qui le désirent, six cours peuvent être validés au titre dunités de valeur. Le programme rend de grands services aux groupes minoritaires, et plus de la moitié des participants sont issus de tels groupes. Des programmes complémentaires sont élaborés en commun avec des associations de groupes minoritaires, des projets de logement sociaux et autres dispensateurs de formation.
Le syndicat sait quun grand nombre de ses futurs membres viendront dentreprises du secteur de lenvironnement et voit dans lélaboration de programmes déducation ouvrière la base de sa propre croissance. Bien que les tâches accomplies par les travailleurs qualifiés offrent un meilleur niveau de sécurité et de productivité, le syndicat en perçoit également lintérêt sur un plan plus général:
Leffet le plus remarquable de la formation écologique fut de sensibiliser les intéressés aux dangers des produits chimiques et des substances dangereuses au travail comme à domicile et aussi de leur faire prendre conscience des conséquences dune pollution permanente et des coûts de lassainissement de lenvironnement. Limpact réel dépasse largement la simple formation professionnelle (UIJAN, 1995).
Aux Etats-Unis, la formation à la manipulation de substances dangereuses est également assurée par divers syndicats: techniciens dexploitation (Union internationale des opérateurs-ingénieurs); peintres en bâtiment (International Brotherhood of Painters and Allied Trades (IBPAT)); menuisiers-charpentiers (Fraternité unie des charpentiers et menuisiers dAmérique); travailleurs des industries pétrolière, chimique et nucléaire (Syndicat international des travailleurs du pétrole, de la chimie et de latome); travailleurs de lindustrie chimique; machinistes (Association internationale des machinistes et des travailleurs de laérospatiale (AIM)); routiers (Fraternité internationale des teamsters, chauffeurs, hommes dentrepôt et aides dAmérique); ouvriers sidérurgistes et métallurgistes (Métallurgistes unis dAmérique (USWA)).
Sur le plan international, lUIJAN semploie, conjointement avec la Confédération des travailleurs du Mexique (CTM), des groupes de formation fédéraux et privés et des employeurs, à élaborer des méthodes de formation. Leur objectif est de former des travailleurs mexicains aux techniques de lassainissement et de la construction. Le premier cours de formation destiné aux travailleurs mexicains, organisé par le Partenariat interaméricain pour la formation et léducation en matière denvironnement (Inter-American Partnership for Environmental Education and Training (IPEET)), sest déroulé à Mexico pendant lété 1994. Des dirigeants syndicaux et des ouvriers des industries locales, fabriques de peintures et usines de placage des métaux, entre autres, ont suivi ce cours dune semaine traitant de la santé, de la sécurité et de lenvironnement. LUIJAN met actuellement en place dautres partenariats au Canada, en éditant la documentation en français et en «canadianisant» son contenu. LInstitut européen pour la formation et léducation en matière denvironnement sassocie également à des formations similaires en Europe de lEst et dans les pays de la CEI.
En Zambie, la question de la sécurité et de la santé au travail nest souvent prise au sérieux que lorsquun incident survient, entraînant des dommages corporels ou causant des dégâts matériels à lentreprise. Les problèmes denvironnement sont également ignorés par lindustrie. Un guide de la prévention dans lentreprise intitulé Manual on Occupational Health and Safety a été rédigé pour sensibiliser les salariés et les employeurs à limportance des questions de sécurité et de santé professionnelles.
Le premier chapitre de ce manuel souligne limportance de léducation à tous les niveaux de lentreprise. On sattend à ce que lencadrement comprenne son rôle dans linstauration de conditions de travail sûres et salubres. On enseigne aux travailleurs comment ladoption dune attitude positive et coopérative influe sur leur propre sécurité et sur leur environnement professionnel.
Le manuel aborde tout particulièrement les questions de lenvironnement, car lensemble des grandes villes zambiennes est confronté:
à la menace de dommages écologiques croissants. Plus précisément, le Congrès des syndicats de Zambie (Zambia Congress of Trade Unions) a identifié dans lindustrie minière des risques écologiques engendrés par lextraction à ciel ouvert et par la pollution de lair et de leau résultant de pratiques inadéquates. Bon nombre dusines sont responsables de la pollution de lair et de leau, car elles déversent leurs déchets directement dans les ruisseaux et rivières avoisinants et laissent séchapper impunément des fumées et vapeurs dans latmosphère (Zambia Congress of Trade Unions, 1994).
Bien que de nombreux syndicats africains souhaitent un complément déducation dans le domaine de lenvironnement, linsuffisance des fonds nécessaires à léducation ouvrière et le besoin de documentation associant les risques écologiques, collectifs et professionnels sont des obstacles majeurs.
Les employeurs, notamment les plus importants, soccupent activement déducation en matière denvironnement. Dans de nombreux cas, ils organisent une formation liée aux règles de sécurité professionnelles écologiques. Cependant, un nombre croissant dentreprises reconnaissent le pouvoir dune éducation ouvrière au sens large, allant bien au-delà dune simple formation au respect des consignes. Des sociétés du groupe Royal Dutch/Shell ont inclus les questions de sécurité, de santé et denvironnement (SSE) dans leur programme global de formation, et lenvironnement fait partie intégrante de toutes les décisions de la direction (Bright et van Lamsweerde, 1995). Cest une pratique et un mandat densemble. Lun des buts de lentreprise est de définir des compétences en SSE pour des tâches correspondantes. Les compétences dun travailleur se renforcent grâce à une sensibilisation accrue, et au développement de ses connaissances et de son savoir-faire. Une formation bien conçue sensibilisera les travailleurs, et leur savoir-faire se développera grâce aux nouvelles connaissances acquises et mises en pratique. Un choix important de techniques de communication permet de diffuser et de renforcer le message et lapprentissage écologiques.
Aux Etats-Unis, les 3 900 salariés de lentreprise Duquesne Light ont reçu avec succès une formation sur «linfluence de lentreprise et de ses salariés sur lenvironnement». William DeLeo, vice-président pour les questions denvironnement, a déclaré ce qui suit:
Pour élaborer un programme de formation nous permettant datteindre des objectifs stratégiques, nous avons constaté que nos salariés devaient être sensibilisés à limportance de la protection de lenvironnement et également recevoir une formation technique appropriée en rapport avec leurs responsabilités professionnelles. Nous avons bâti la stratégie de notre programme déducation en matière denvironnement sur ces deux principes directeurs (Cavanaugh, 1994).
Au BIT, le Bureau des activités pour les travailleurs a élaboré une série de six brochures de référence pour stimuler les échanges entre syndicalistes et autres parties intéressées. Les brochures concernent les travailleurs et lenvironnement, le milieu de travail et lenvironnement, la collectivité et lenvironnement, les problèmes écologiques mondiaux et le nouveau programme de négociation, et fournissent un guide des ressources et un glossaire. Elles permettent une approche exhaustive, informée et accessible qui peut être utilisée dans les pays en développement comme dans les pays industriels pour débattre de thèmes intéressant les travailleurs. La documentation fondée sur des projets propres à lAsie, aux Caraïbes et à lAfrique australe peut être utilisée comme un texte dun seul tenant ou divisée pour susciter un dialogue général au sein dun groupe détude.
Evaluant les besoins en formation, le BIT a formulé lobservation suivante:
Les syndicalistes doivent se préoccuper davantage des problèmes écologiques en général et des effets que les entreprises ont sur lenvironnement, et sur la sécurité et la santé de leurs salariés, en particulier. Les syndicats et leurs adhérents doivent comprendre les problèmes de lenvironnement, les conséquences des risques écologiques pour les travailleurs et la collectivité, mais ils doivent être capables daboutir à des solutions durables lors des négociations avec les directions dentreprise et avec les organisations demployeurs (BIT, 1991).
La Fondation européenne pour lamélioration des conditions de vie et de travail fait observer ce qui suit:
Les syndicats locaux et autres représentants des salariés sont dans une situation particulièrement difficile. Bien que disposant dinformations pertinentes sur la situation locale et les lieux de travail, ils sont dans la plupart des cas mal informés des problèmes complexes denvironnement et de politique.
Ils sont donc incapables dexercer leurs fonctions tant quils nauront pas reçu une formation spécialisée complémentaire (Fondation européenne pour lamélioration des conditions de vie et de travail, 1993.)
Un certain nombre de syndicats nationaux ont préconisé un renforcement de léducation ouvrière en matière denvironnement. En Suède, LO est lun de ces syndicats et son programme pour lenvironnement prévoyait en 1991 une intensification de léducation et des actions sur le lieu de travail, ainsi que le développement de la documentation sur lenvironnement destiné aux groupes détudes, afin de promouvoir la prise de conscience et lapprentissage. En Australie, le Syndicat des travailleurs des industries manufacturières (Manufacturing Workers Union) a élaboré un programme de formation et un ensemble de documents qui laideront à assumer son rôle de guide en matière de protection de lenvironnement, en indiquant, entre autres, comment aborder ce type de problèmes dans le cadre de la négociation collective.
Une éducation ouvrière axée sur lenvironnement offre aux travailleurs, lorsquelle est réussie, un savoir à la fois théorique et technique qui les sensibilise aux problèmes écologiques et leur apprend concrètement à modifier les habitudes de travail préjudiciables à lenvironnement. Simultanément, ces programmes sinspirent de lexpérience des travailleurs pour tirer parti de leurs connaissances, de leurs réflexions et de leur compréhension des pratiques suivies sur les lieux de travail en matière denvironnement.
Léducation en matière denvironnement sur le lieu de travail savère plus efficace lorsquelle est associée aux défis écologiques, collectifs et généraux, de sorte que les travailleurs perçoivent clairement le rapport entre les méthodes de travail et lenvironnement dans sa totalité, ainsi que leur contribution éventuelle à un assainissement des lieux de travail et de lécosystème global.
Après cette évocation succincte de lévolution de léducation dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, et des toutes premières tentatives faites pour jeter les bases dune éducation des cadres, le présent article abordera le processus délaboration des programmes détudes. Les deux trajectoires professionnelles que suivent les futurs cadres supérieurs seront considérées comme un sujet en rapport avec les besoins éducatifs de ces personnels. La teneur des programmes détudes traitant des problèmes dencadrement sera abordée en premier; on examinera ensuite celle des programmes détudes sur les causes daccident.
Léducation dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail est en général destinée aux responsables de la sécurité, aux médecins du travail et, depuis peu, au personnel infirmier, aux ergonomes et aux hygiénistes qui occupent tous des postes spécialisés dans les entreprises.
Ces spécialistes exercent des fonctions consultatives comprenant, entre autres responsabilités, la gestion des visites médicales dembauche, les contrôles de santé, la surveillance de lexposition des salariés à des risques divers et la protection de lenvironnement. Ils doivent en outre, dans le cadre de leurs activités, participer à la conception des emplois et des tâches afin de définir les moyens de prévention technique ou les mesures administratives permettant, par exemple, de minimiser, sinon déliminer, les effets négatifs de certaines postures de travail ou dune exposition à des risques toxiques.
Cette démarche éducative conduite par des spécialistes ignore cependant un fait important: laménagement de lieux de travail sûrs et salubres exige une expérience pratique considérable pour devenir une réalité. Il ne faut pas oublier que les dirigeants dentreprise sont responsables de la planification, de lorganisation et du contrôle des activités dans les entreprises publiques et privées de tous les secteurs.
Au cours des années soixante-dix, de nombreux programmes détudes postscolaires ont été proposés afin de dispenser une éducation professionnelle et une formation pratique aux ingénieurs spécialisés, aux scientifiques et aux membres du personnel médical intégrant le secteur de la sécurité et de la santé au travail.
Dans les années quatre-vingt, on a communément admis que les parties les plus directement concernées par la sécurité et la santé des travailleurs, à savoir les dirigeants, les travailleurs eux-mêmes et leurs associations, étaient également celles qui avaient le rôle le plus important à jouer dans la prévention des lésions et des maladies sur le lieu du travail. Un peu partout, une législation a été adoptée pour assurer léducation des travailleurs membres de comités de sécurité ou élus comme délégués à la sécurité et à la santé. Cette évolution a pour la première fois mis en lumière les possibilités extrêmement limitées déducation et de formation dont disposaient alors les employeurs.
Diverses mesures ont été adoptées pour résoudre ce problème. La plus connue est le Projet Minerva, une initiative de lInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH) aux Etats-Unis; ce fut aussi lun des tout premiers efforts pour inculquer aux cadres cet ensemble de compétences particulières nécessaires pour assurer la sûreté des lieux de travail, connaissances qui sont «bien plus vastes en général que le savoir enseigné dans le cadre des études professionnelles traditionnelles» (NIOSH, 1985). Les outils pédagogiques conçus pour répondre aux problèmes de sécurité et de santé les plus urgents provenaient alors des écoles de commerce. Le guide des ressources comprenait des modules dinstructions, des études de cas et un ouvrage contenant des textes de référence. Les sujets inclus dans ces modules sont reproduits à la figure 18.3.
La Société canadienne de la santé et de la sécurité au travail a recommandé cette structure aux écoles de commerce qui souhaitent incorporer dans leurs programmes détudes des données sur la sécurité et la santé professionnelles.
Toute responsabilité professionnelle implique lacquisition des connaissances pertinentes. Quelle que soit lentreprise, la compétence en matière de gestion de la sécurité et de la santé reposera de plus en plus sur les cadres dans chaque secteur et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle. Cette responsabilité va de pair avec une comptabilité financière et avec la maîtrise des ressources nécessaires. Les connaissances et compétences requises pour assumer cette responsabilité constituent le programme de gestion de la sécurité et de la santé au travail.
A première vue, il semblerait nécessaire délaborer un programme de ce type pour tenter de répondre aux exigences particulières des fonctions dencadrement concernant des postes très divers: administrateur, infirmier ou infirmière en chef, directeur des opérations, chef du service achats et approvisionnement, coordonnateur des activités maritimes, voire capitaine de navire. Peut-être les programmes détudes devraient-ils également sadresser à lensemble des industries et métiers quils englobent. Cependant, lexpérience acquise indique une autre direction. Les compétences et les connaissances nécessaires sont en fait communes à lensemble des fonctions dencadrement et sont plus fondamentales que celles des spécialistes. Elles interviennent dès le premier échelon de lencadrement. Or, les cadres ne parviennent pas tous à leur poste en empruntant le même chemin.
Le chemin habituel permettant daccéder aux fonctions dencadrement passe soit par un poste de maîtrise, soit par un poste de spécialiste. Dans le premier cas, lévolution de la carrière dépend de lexpérience et des compétences et, dans le second, elle présuppose en général une formation universitaire et des études de deuxième ou de troisième cycle (pour devenir, par exemple, ingénieur ou responsable dun service infirmier). Ces deux filières supposent lacquisition de compétences en matière de sécurité et de santé au travail. Dans le second cas, elles peuvent être acquises au cours dun deuxième ou troisième cycle universitaire.
Il est courant, de nos jours, que les cadres confirmés passent une maîtrise dadministration des entreprises (MBA). Pour cette raison, le Projet Minerva a accordé toute son attention à quelque 600 écoles de gestion du troisième cycle existant aux Etats-Unis. Il est apparu quen intégrant aux programmes de MBA les aspects de la prévention, considérés comme essentiels pour une bonne gestion de ce domaine, cette matière serait également introduite dans les formations des cadres moyens.
Etant donné la cadence extrêmement rapide des inventions technologiques et des découvertes scientifiques, les cours universitaires, tout particulièrement dans les disciplines techniques et scientifiques, ne permettent guère dintégrer la théorie et la pratique de la sécurité en général dans les études sur la conception des procédés et des opérations.
Comme les cadres spécialisés entrent en fonction assez rapidement après lobtention de leur diplôme, il savère nécessaire de leur inculquer les connaissances et les compétences qui les aideront, ainsi que les cadres généralistes, à assumer leurs responsabilités en matière de sécurité et de santé.
Il est important que la sensibilisation des cadres au contenu de lensemble des programmes détudes consacrés aux objectifs de sécurité et de santé professionnelles soit partagée par dautres catégories de personnels ayant des responsabilités connexes. Par conséquent, la formation des personnels de base, comme les délégués à la sécurité et à la santé, doit être conçue de façon à les tenir informés de lévolution des programmes détude.
La sécurité et la santé au travail forment une discipline qui se divise en deux catégories de connaissances. Lune concerne les fonctions et les principes de gestion, et lautre touche à la nature et à la prévention active des risques. Le modèle de programme détude exposé ci-après suit cette division. A chaque voie daccès à lencadrement (agents de maîtrise ou spécialisation) correspondront des modalités particulières détude de chacune de ces catégories.
Le niveau de complexité et de précision technologiques proposé aux étudiants peut être déterminé par lobjectif du cours, par sa durée, et par les intentions des organisateurs de la formation quant à lacquisition ultérieure de compétences complémentaires. Ces questions seront abordées ci-après.
Concrètement, les programmes détudes doivent traiter de la sécurité des machines et des installations, du bruit, des rayonnements, des poussières, des substances toxiques, des risques dincendie, des procédures durgence, des installations médicales de première urgence, de la surveillance du lieu de travail et du personnel, de lergonomie, de lhygiène de lenvironnement, de la conception et de lentretien du lieu de travail et, surtout, de lélaboration de procédures normalisées dexploitation et de formation. Le dernier point est une composante essentielle de la compréhension de la gestion. Les tâches et procédés doivent non seulement faire lobjet de la formation des opérateurs, mais, en outre, le besoin dune amélioration constante des qualifications et des procédés fait que la formation et le recyclage sont les étapes les plus importantes de ce perfectionnement qualitatif. La théorie et la pratique de lapprentissage des adultes doivent intervenir dans la mise au point des éléments du programme détude qui orientent ce processus de formation continue.
Les objectifs fondamentaux de la gestion englobent la planification, lorganisation et le contrôle des activités sur le lieu de travail. Ils comprennent également lintégration de méthodes permettant de multiplier les occasions de participation de la main-duvre à la définition des objectifs, au travail déquipe et à lamélioration de la qualité. De plus, un bon encadrement exige lintégration de la sécurité et de la santé au travail dans lensemble des activités de lentreprise.
Les programmes universitaires, à lexception de ceux qui sont offerts par les écoles de commerce, abordent rarement ces connaissances. Il sagit pourtant dun élément essentiel qui devrait être introduit dans les cours universitaires suivis par les spécialistes.
Les cadres doivent comprendre que la définition de leur mission, la stratégie et la structure élaborées pour orienter et faciliter la réalisation des objectifs de lentreprise sont à la base de leurs activités respectives. Chaque division de lentreprise, quil sagisse dun hôpital, dune société de transport ou dune mine de charbon, aura à son tour ses propres buts et structures. Chacune correspondra à des buts organisationnels spécifiques et, prises ensemble, elles conduiront lentreprise dans la direction voulue.
Les déclarations de principes et les guides du personnel sont la concrétisation première des buts dune entreprise (dans certains pays, la publication de la politique générale dune entreprise est exigée par la loi). Ces documents doivent inclure une référence aux divers programmes de sécurité et de santé au travail adaptés aux activités et opérations qui occupent le temps de travail des salariés. Une déclaration générale de principes peut, par exemple, comprendre des documents sur lévacuation durgence, la lutte contre lincendie, les procédures dachat, la déclaration des accidents du travail et les enquêtes sur les accidents et incidents. En revanche, pour les risques spécifiques, il faudra créer des documents de principes définissant, par exemple, la gestion des substances dangereuses, les interventions ergonomiques ou laccès à des espaces confinés.
Après la définition de la politique générale, activité quil est préférable daccomplir conjointement avec les délégués des travailleurs et les syndicats, des procédures détaillées doivent être élaborées pour appliquer cette politique. Ici encore, une démarche participative contribuera à gagner ladhésion des salariés pour quils acceptent sans réserve de préserver leur sécurité et leur santé.
La figure 18.4 illustre schématiquement un système de gestion de la sécurité et de la santé.
Létape suivante du processus de gestion consiste à définir une structure caractérisant les rôles des personnes clés le directeur général, par exemple et les conseillers professionnels: conseillers à la sécurité, hygiénistes professionnels, personnel infirmier, médecin et ergonome. Pour faciliter leur tâche, les relations entre, dune part, ces professionnels, les représentants élus à la sécurité et à la santé (requis par certaines législations) et les travailleurs membres de comités à la sécurité et, dautre part, la structure organisationnelle, doivent être explicites.
Les fonctions de planification et dorganisation de lencadrement doivent intégrer les structures, les principes et les procédures dans les activités opérationnelles de lentreprise.
Les activités de contrôle la définition des procédés et des objectifs, la détermination de critères dexécution acceptables et la comparaison des résultats avec ces critères sont les étapes opérationnelles qui concrétisent les intentions de la stratégie. Elles doivent également être définies en commun. Les contrôles sur le lieu de travail, qui peuvent être continus, fréquents, aléatoires ou réguliers, en sont les outils.
La compréhension de ces activités est une composante importante de tout programme éducatif destiné à lencadrement, et il sagit de développer les compétences nécessaires pour les mettre en uvre. De telles compétences sont aussi essentielles au succès dun plan intégré de sécurité et de santé quà laccomplissement de toute autre fonction dencadrement, quil sagisse dachats ou de la gestion dune flotte de véhicules.
Lintroduction de nouvelles structures dans lentreprise, de nouveaux équipements et matériaux progressant à grands pas, il faut accorder une attention particulière au processus de changement. Les salariés qui seront affectés par ces changements peuvent avoir une influence décisive sur leur efficacité et sur le bon fonctionnement du groupe de travail. Il est essentiel dacquérir une bonne compréhension des facteurs psychosociaux influençant les activités de lentreprise, et il est impératif de développer des compétences permettant dutiliser ce savoir afin datteindre les objectifs. La délégation de lautorité et la responsabilité des cadres envers les groupes de travail formant des équipes autonomes ou semi-autonomes, sont très importantes. Le programme éducatif destiné à lencadrement doit mettre à la disposition des stagiaires les outils nécessaires à laccomplissement de leurs tâches, qui concernent non seulement lamélioration et la qualité des processus, mais également le développement, chez le personnel, de compétences multiples et dune sensibilisation à la qualité étroitement liées au problème de la sécurité.
Deux éléments complémentaires de tout programme détude destiné à lencadrement doivent également être examinés. Il sagit, dune part, des enquêtes après accident et, dautre part, de la compréhension du phénomène daccident sur laquelle repose tout ce processus.
Les travaux de Derek Viner (1991), exposant clairement limportance des sources dénergie en tant que risque potentiel sur lensemble des lieux de travail, ont défini en partie léquation des accidents. Parallèlement aux travaux de Viner, la contribution du Dr Eric Wigglesworth (1972), définissant lerreur humaine comme lélément essentiel à prendre en considération dans la gestion du processus de sécurité sur le lieu de travail, complète cette définition. Benner, dans son étude consacrée aux méthodes denquête sur les accidents (1985), a démontré que létude du processus intervenant dans chaque événement préjudiciable constitue lapproche la plus utile de la gestion de la sécurité et de la santé au travail.
La visualisation de la séquence événementielle ayant entraîné des lésions corporelles, des pertes ou des dommages matériels, élaborée par Wigglesworth, apparaît à la figure 18.5. Elle souligne le rôle de lerreur humaine involontaire, ainsi que lélément essentiel, cest-à-dire la libération de lénergie, et les risques daccidents corporels qui en résultent.
Les incidences du modèle de gestion deviennent évidentes lorsque la planification des procédés sappuie sur les données comportementales affectant ces procédés. Cela se vérifie tout particulièrement lorsquon accorde au rôle de la conception sa place légitime en tant quinstigateur de la mise au point des équipements et procédés. Lorsque la planification tient compte tant de la conception des installations et des équipements que des facteurs humains influençant le déroulement du travail, on peut alors mettre en uvre les mécanismes de coordination et de contrôle nécessaires afin dassurer la prévention des risques identifiés.
Un modèle peut permettre dillustrer limportance de linteraction entre les travailleurs, les équipements, outils et machines utilisés pour atteindre les objectifs de travail, et lenvironnement formant le contexte de cette activité. Le modèle souligne la nécessité daborder les facteurs inclus dans lensemble des trois éléments susceptibles de contribuer aux accidents. Dans lenvironnement de son poste de travail, qui comprend entre autres des facteurs de température, de bruit et déclairage, le travailleur utilise de façon interactive les outils et matériels nécessaires à laccomplissement de son travail (voir figure 18.6).
Lenquête après accident remplit plusieurs fonctions importantes. Tout dabord, cette enquête peut permettre de prendre certaines mesures de prévention, lorsquelle intervient après un accident nayant entraîné aucun dommage, ni matériel ni corporel, mais ayant constitué un danger potentiel. Une étude de lenchaînement des événements peut révéler certains aspects des méthodes de travail susceptibles davoir des conséquences bien plus graves. On peut ensuite comprendre le déroulement des événements et, par conséquent, mettre en évidence des lacunes ou des insuffisances dans la conception des méthodes et des tâches, la formation, le contrôle ou la surveillance des sources dénergie. Enfin, de nombreuses législations exigent une enquête sur certains types dincidents, par exemple, les effondrements déchafaudage et de tranchées, les électrocutions et les défaillances de matériel de levage. Les travaux de Benner (1985) illustrent parfaitement limportance dune bonne compréhension du phénomène «accident» et dun protocole efficace denquête sur les événements ayant entraîné des lésions corporelles et des dégâts matériels.
Toutes les lésions corporelles résultent dun échange dénergie. La libération non maîtrisée dénergie physique, chimique, biologique, thermique ou autre représente un danger pour diverses catégories de travailleurs. Le confinement par des moyens de prévention technique et par des mesures administratives appropriés est un aspect essentiel de la prévention. Lidentification et lévaluation préalables de ces sources dénergie en conditionnent le contrôle.
Un programme éducatif destiné à lencadrement devrait, par conséquent, inclure toute une gamme dactivités dont la définition des objectifs, la planification du travail, lélaboration des principes et des procédures, linstauration de changements dans lentreprise et la surveillance des méthodes de travail (et, en particulier, des sources dénergie utilisées dans le travail), toutes activités dont le but est la prévention des accidents corporels. Tandis que les programmes détude conçus pour les aspects techniques des opérations peuvent se contenter daborder exclusivement les principes fondamentaux, les entreprises qui mettent en uvre des substances ou procédés extrêmement dangereux doivent impérativement avoir à leur service un cadre supérieur suffisamment formé aux modes de manutention, de stockage et de transport associés à cette technologie afin de garantir la sécurité et la santé des travailleurs et du public.
Les cadres qui travaillent au sein de grandes entreprises employant une centaine de salariés ou plus nassument en général guère de responsabilités opérationnelles et font rapport à un supérieur ou à un conseil dadministration. Ils sont responsables de la sécurité et de la santé de leurs subordonnés et se conforment aux directives établies. Les programmes traditionnels offerts par les écoles de commerce, dans le cadre des études supérieures, peuvent parfaitement répondre aux besoins de ce personnel.
En revanche, les patrons de petites entreprises ou leurs associés nont généralement pas effectué détudes supérieures et, sils lont fait, leur formation était probablement plus axée sur la technologie que sur la gestion. Il sera donc plus difficile de répondre à leurs besoins en matière de gestion de la sécurité et de la santé au travail.
On connaît depuis longtemps la difficulté de dispenser des programmes de formation à ces dirigeants dentreprises, qui ont souvent des horaires de travail astreignants. Bien quun certain nombre de dispositifs législatifs aient donné lieu à la publication de brochures dinformation établissant des critères minimaux de performance, ce sont actuellement les associations professionnelles, comme les Associations pour la prévention des accidents industriels de lOntario, financées par des taxes imposées à toutes les entreprises du secteur concerné par la Commission des accidents du travail de lOntario, qui offrent les meilleurs programmes.
La figure 18.7 donne un aperçu de lensemble des connaissances et compétences répondant aux besoins du personnel de maîtrise et des cadres moyens et supérieurs. La figure 18.8 illustre les programmes courts et individuels, établis à partir dun certain nombre de programmes universitaires.
Lacquisition de connaissances et de compétences sur les thèmes associés aux exigences opérationnelles permettra de répondre aux besoins du personnel dencadrement. La formation des cadres supérieurs se concentrera sur certains thèmes comme la planification de la stratégie, la gestion des risques et les questions de conformité, ainsi que lélaboration de propositions de politique générale. Le nombre dheures de cours dépendra des besoins des étudiants.
Léducation de lencadrement en matière de sécurité et de santé exige une approche éclectique des problèmes les plus divers. Tout comme limpératif de qualité, elle doit être intégrée à toutes les activités des cadres et des travailleurs, à la description de chaque poste de travail et doit être prise en compte dans lévaluation des résultats.
Les services de sécurité et de santé au travail doivent être assurés par des équipes pluridisciplinaires extrêmement qualifiées. Quelques pays moins développés peuvent ne pas posséder de telles équipes, mais, dans la grande majorité des pays, on peut au moins trouver des experts (peut-être en nombre insuffisant) spécialisés dans les divers aspects de la sécurité et de la santé au travail (SST).
La question de lappartenance aux catégories professionnelles de la SST est très controversée. En général, il semble incontestable que les médecins du travail, le personnel infirmier dentreprise, les hygiénistes et les spécialistes de la sécurité soient tous des professionnels de la SST. Cependant, des représentants dautres disciplines peuvent également prétendre à bon droit appartenir aux professions de la SST, entre autres, les ergonomes, toxicologues et psychologues qui se spécialisent dans le domaine du travail. Néanmoins, dans le cadre du présent article, la formation de ces dernières catégories de personnels ne sera pas examinée, la SST étant rarement lobjectif principal de leur formation.
Dans la plupart des pays, la formation spécifique à la SST est dorigine relativement récente. Jusquà la seconde guerre mondiale, la majorité des professionnels de la SST ne recevaient quune brève formation spécifique au métier quils avaient choisi, lorsquils en suivaient une. Rares étaient les établissements de santé publique ou les universités dispensant des cours dans le domaine de la SST, mais certaines institutions les proposaient dans le cadre dun cursus plus exhaustif, touchant généralement la santé publique. Des notions de SST étaient enseignées, dans le cadre dun troisième cycle universitaire, aux médecins se spécialisant, par exemple, en dermatologie ou en pneumologie. Certains aspects techniques de la sécurité, comme la protection des machines, étaient appris dans les établissements techniques et les écoles dingénieurs. Dans bien des pays, il était rare de trouver une formation à des domaines précis de lhygiène du travail avant la seconde guerre mondiale. Le développement de la formation du personnel infirmier dentreprise est encore plus récent.
Dans les pays industriels, la formation à la SST, tout comme les services de SST, a connu un essor considérable pendant la seconde guerre mondiale. La mobilisation en masse de nations entières en vue de leffort de guerre a entraîné une intensification de la protection des travailleurs sur le plan de la santé (et, par conséquent, du renforcement de leur aptitude au combat ou de leur productivité, compte tenu des besoins croissants en munitions, avions de combat, chars dassaut et navires de guerre). Or, les conditions de vie en temps de guerre et la mobilisation des professeurs duniversité et des étudiants rendaient extrêmement difficile lorganisation de cours officiels dans le cadre dune formation à la SST. Cependant, après la guerre, de nombreux cours ont été mis au point, dont certains grâce à des bourses détude généreusement attribuées aux soldats démobilisés par des gouvernements reconnaissants.
Après la seconde guerre mondiale, la plupart des colonies des empires européens ont obtenu leur indépendance et se sont plus ou moins engagées dans la voie de lindustrialisation pour favoriser le développement national. Très vite, ces pays en développement se sont trouvés confrontés aux méfaits de la révolution industrielle quavait connus lEurope du XIXe siècle, mais dans un laps de temps extrêmement réduit et à une échelle sans précédent. Les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que la pollution de lenvironnement ont commencé à sévir. Ces pays ont alors développé leur enseignement dans le domaine de la SST, bien que, aujourdhui encore, laccès à ce type de formation y reste très aléatoire.
Ces dernières années, lOIT a pris plusieurs initiatives dans le domaine de la formation à la SST. Un grand nombre dentre elles concernent la formation pratique aux mesures dintervention sur le lieu de travail. Dautres initiatives sont menées à bien en collaboration avec les gouvernements nationaux (Rantanen et Lehtinen, 1991).
Depuis les années soixante-dix, les autres activités de lOIT ont été centrées sur les pays en développement dans le monde entier. Plusieurs de ces activités visent lamélioration de la formation des inspecteurs du travail dans certains pays comme lIndonésie, le Kenya, les Philippines, la République-Unie de Tanzanie, la Thaïlande et le Zimbabwe.
LOIT, en collaboration avec dautres institutions des Nations Unies, comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a également participé à la création ou à la revalorisation dinstituts nationaux de SST dont les fonctions de formation sont en général prioritaires.
LOIT a également publié plusieurs monographies pratiques qui se sont révélées des outils de formation extrêmement utiles pour les cours de SST (Kogi, Phoon et Thurman, 1989).
LOMS a organisé ces dernières années un grand nombre de conférences et dateliers internationaux et régionaux sur la formation à la SST. En 1981, une conférence sur la formation du personnel de santé au travail sest tenue sous les auspices du bureau régional de lEurope de lOMS. Cette année-là, lOMS et lOIT ont constitué un comité appelé à lépoque Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail dont lobjectif était «léducation et la formation en matière de médecine du travail, de sécurité et dergonomie» (OMS, 1981). Cette réunion a permis dévaluer les besoins déducation et de formation à différents niveaux, délaborer des principes généraux dans ces domaines et de recommander des méthodes et des programmes (OMS, 1988).
En 1988, un groupe détude de lOMS a publié un rapport sur léducation et la formation en médecine du travail, qui exposait en particulier les nouveaux principes régissant les stratégies de soins médicaux primaires adoptées par les Etats membres de lOMS, les nouveaux besoins résultant du progrès technique, et les nouvelles façons daborder la promotion de la santé au travail (OMS, 1988).
En 1985, la CIST a constitué un comité scientifique sur léducation et la formation dans le domaine de la santé au travail. Ce comité a organisé quatre conférences internationales, ainsi que des colloques sur ce sujet dans le cadre des congrès internationaux sur la santé au travail (CIST, 1987). Entre autres conclusions de la deuxième conférence, la nécessité délaborer des stratégies et des méthodes de formation a été inscrite en bonne place sur la liste des problèmes prioritaires (CIST, 1989).
La méthodologie de la formation à la SST a constitué lun des thèmes essentiels de la troisième conférence; elle englobe diverses fonctions, dont lapprentissage par la participation, lapprentissage par létude des problèmes et lévaluation des cours, de lenseignement et des étudiants (CIST, 1991).
Dans diverses parties du monde, les organismes régionaux ont mis en place des activités de formation à la SST. En Asie, par exemple, lAssociation asienne de la santé au travail, fondée en 1954, dispose dun comité technique sur léducation en matière de santé au travail qui mène des enquêtes sur la formation des étudiants en médecine et sur des thèmes connexes.
Le prototype des programmes sanctionnés par un diplôme, et des programmes similaires, est sans doute le type de programme élaboré par les écoles de santé publique ou par des établissements équivalents. Létude de la santé publique dans lenseignement supérieur est une évolution relativement récente. Aux Etats-Unis, la première école consacrée à cette discipline fut lInstitut dhygiène de lUniversité Johns Hopkins, fondé en 1916. A cette époque, les maladies contagieuses étaient la principale préoccupation de santé publique. Au fil du temps, lenseignement de la prévention des risques créés par lêtre humain, et de la santé au travail, a pris de plus en plus dimportance dans les programmes des écoles de santé publique (Sheps, 1976).
Les écoles de santé publique proposent des cours de SST sanctionnés par un diplôme de troisième cycle ou par une maîtrise de santé publique, permettant aux étudiants de se consacrer à la santé au travail. En général, un diplôme de lenseignement supérieur est exigé à lentrée. Certains établissements insistent également sur une expérience préalable dans le domaine de la SST. La durée dune formation à plein temps est en général dun an pour lobtention du diplôme et de deux ans pour lobtention dune maîtrise.
Certains établissements forment ensemble les différents personnels de SST grâce à des cours de base, une formation aux disciplines spécifiques de la SST (par exemple, médecine du travail, hygiène ou soins infirmiers) étant proposée aux étudiants qui se spécialisent dans ces domaines. Cette formation conjointe offre des avantages considérables, car elle permet aux stagiaires des diverses disciplines de la SST de mieux comprendre leurs fonctions réciproques et dacquérir une meilleure expérience du travail en équipe.
Ces dernières années tout particulièrement, les écoles de médecine, de soins infirmiers et dingénieurs ont offert des cours similaires à ceux proposés par les écoles de santé publique.
Quelques universités offrent des cours de SST au niveau du premier cycle universitaire. Contrairement aux cours postuniversitaires traditionnels auxquels on ne peut généralement sinscrire que si lon détient déjà un diplôme universitaire, ces nouveaux cours acceptent des étudiants venant juste dobtenir leur diplôme de fin détudes secondaires. Ce nouveau régime est très controversé. Les partisans de ces cours soutiennent quils forment davantage de professionnels de la SST en moins de temps et à moindre coût. Mais leurs adversaires estiment que les praticiens en SST sont plus efficaces sils complètent leur formation de base en la matière par leur spécialité en SST, médecine du travail ou soins infirmiers. Ils pourront acquérir une connaissance scientifique de base dans le cadre de leur spécialisation sils ne lont pas acquise lors de leurs études universitaires.
Le volet clinique des cours de formation en SST destinés aux médecins varie. La conférence mentionnée plus haut, organisée par le bureau régional de lEurope de lOMS et portant sur la formation des personnels de la santé au travail, avait souligné le fait que la médecine du travail est fondamentalement un savoir-faire clinique et que ses praticiens doivent être parfaitement compétents en médecine clinique. Il faut également observer que le diagnostic dintoxication chimique chez les travailleurs est en grande partie clinique, ainsi que la différenciation entre les «maladies professionnelles» et les autres maladies et leur traitement (Phoon, 1986). Par conséquent, laffectation des médecins du travail à différents services médicaux dans le cadre de leur formation est devenue une tendance mondiale. Aux Etats-Unis et au Canada, par exemple, les stagiaires suivent pendant quatre ans un programme en internat dont certaines disciplines, comme la dermatologie et la pneumologie, comportent une composante clinique importante, en plus du programme conduisant à lobtention de la maîtrise de santé publique ou de son équivalent.
La formation officielle du personnel infirmier dentreprise est sans doute encore plus fluctuante que celle des médecins du travail de par le monde. Ces disparités sexpliquent par les différences de responsabilités et de fonctions de ce personnel. Certains pays définissent les soins de santé du travail comme «lapplication des principes infirmiers à la préservation de la santé des travailleurs dans tous les domaines. Ils englobent la prévention, lidentification et le traitement des maladies et des lésions, et exigent des compétences et des connaissances particulières dans les domaines de léducation et de lassistance en matière de santé, de la protection de lenvironnement, de la réadaptation et des relations humaines» (Kono et Nishida, 1991). En revanche, certains pays estiment que le personnel infirmier dentreprise assume ses fonctions dans le cadre dune équipe interdisciplinaire de santé participant à tous les domaines de la gestion générale de la santé: soins médicaux, protection de lenvironnement, salubrité et sûreté des méthodes de travail et éducation en matière de SST. Une étude menée au Japon a cependant montré que tout le personnel infirmier diplômé au sein dune équipe dinfirmiers ou dinfirmières ne participe pas à lensemble de ces activités. Un manque de compréhension du rôle joué par le personnel infirmier en matière de SST, et une formation inadéquate dans certains domaines en sont probablement la cause (Kono et Nishida, 1991).
Aux Etats-Unis, lAssociation américaine dhygiène industrielle (American Industrial Hygiene Association (AIHA)) a défini ce domaine comme étant la science et lart de lidentification, de lévaluation et de la maîtrise des facteurs et contraintes liés à lenvironnement, intervenant sur le lieu de travail ou à lextérieur, et pouvant engendrer des maladies, nuire à la santé et au bien-être, et entraîner un manque defficacité significatif parmi les travailleurs ou les membres de la collectivité. Une formation spécialisée a également été introduite dans le domaine général de lhygiène du travail, dans les secteurs de la chimie, de lingénierie, du bruit, des rayonnements, de la pollution de lair et de la toxicologie.
Le contenu détaillé des programmes détudes destinés à la formation des médecins, infirmiers et hygiénistes du travail, ainsi quau personnel de la sécurité, comme la recommandé en 1981 le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail susmentionné, sera exposé dans les pages qui suivent. Le Comité recommande denseigner les matières principales suivantes:
Selon le profil du personnel, les programmes denseignement doivent aborder plus ou moins à fond les différentes matières afin de répondre aux impératifs des diverses professions, comme on le verra ci-dessous pour plusieurs catégories.
Il est difficile de commenter de façon détaillée le contenu éventuel des programmes détudes des cours en SST. Il est généralement admis que ces cours devraient accorder une place plus importante aux sciences du comportement, mais une telle contribution doit être adaptée au milieu socioculturel du pays ou de la région spécifique à qui ce cours est destiné. De plus, la SST ne doit pas être enseignée sans tenir compte de létat des services généraux de santé et de la situation sanitaire de la collectivité dans un pays ou une région donnés. Les principes essentiels de la science de la gestion devraient être intégrés au programme détudes de la SST afin daméliorer la compréhension des structures et des pratiques organiques au sein des entreprises, et de parfaire les compétences administratives des professionnels de la SST. Des cours de communication et de formation aux techniques de recherche scientifique et de rédaction sont également recommandées (Phoon, 1985b).
Un certain nombre de notions de santé au travail devraient être enseignées à tous les étudiants en médecine. Dans certains pays, elles le sont dans des cours distincts; dans dautres, la santé au travail est traitée dans les cours de physiologie, de pharmacologie et de toxicologie, de santé publique, de médecine sociale et de médecine interne. Toutefois, comme les connaissances et la compétence acquises par les étudiants ne sont pas suffisantes en règle générale pour leur permettre de pratiquer vraiment la médecine du travail, une formation postuniversitaire complémentaire en sécurité et santé au travail leur est nécessaire. Des programmes de formation postuniversitaire devraient être prévus pour quils puissent se spécialiser davantage en médecine du travail ( par exemple dans les maladies professionnelles ou dans des domaines encore plus pointus comme la neurologie ou la dermatologie professionnelle). En ce qui concerne le personnel infirmer employé dans des services de médecine du travail, il faut également organiser à son intention et en fonction de son activité des cours aussi bien de longue que de courte durée.
La figure 18.9 énumère les matières à intégrer dans une formation postuniversitaire spécialisée destinée aux médecins et au personnel infirmier.
La pratique de la sécurité au travail permet de faire face aux défaillances du matériel, des machines, des procédés et des structures pouvant engendrer des situations dangereuses, dont lémission dagents toxiques. Il sagit donc dapprendre aux étudiants à prévoir le danger, que ce soit au stade de la planification ou en pratique, à la quantifier et à élaborer des mesures pour le neutraliser. En conséquence, il importe de leur enseigner les bases en matière dingénierie et de résistance des matériaux dans le domaine du bâtiment et du génie mécanique, civil, chimique ou électrotechnique.
Leurs programmes détudes pourraient englober, par exemple, la structure et la résistance des matériaux en génie mécanique, les forces sexerçant sur les structures en génie civil, la manutention et le transport des produits chimiques en génie chimique, les normes de conception, les équipements de protection et la théorie de lentretien préventif en génie électrotechnique, et le comportement des différentes couches géologiques dans le cas des ingénieurs des mines.
Outre ces notions élémentaires, les ingénieurs de la sécurité devraient également suivre des cours spéciaux, comme le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail la recommandé en 1981 (voir figure 18.10).
Il peut sagir de cours à plein temps, à mi-temps, ou même parallèles dans ce dernier cas, des séances de travaux pratiques sont prévues durant les périodes détude. La sélection des cours à suivre est en grande partie question de circonstances ou de préférences individuelles et ce dautant plus que de nombreux professionnels de la sécurité ont un vaste savoir-faire acquis sur le tas dans des secteurs spécifiques. Cependant, dans le cas dune collectivité ou dun pays importants, il est préférable de disposer dun grand choix de cours, permettant de répondre à des besoins divers.
Les progrès spectaculaires et récents de la technologie des communications devraient permettre une généralisation de lenseignement à distance pouvant atteindre les confins dun pays ou aller même au-delà des frontières nationales. Malheureusement, cette technologie est toujours assez coûteuse, et les pays ou régions pour lesquels cet enseignement à distance serait le plus utile sont probablement ceux-là mêmes qui ont le moins de moyens.
Les pays en développement souffrent dune grave pénurie de professionnels de la SST. En outre, les praticiens de la médecine de base et les professionnels de la santé ont généralement tendance à orienter leur activité principale vers les services curatifs. Une formation appropriée pourrait aider à rétablir léquilibre, en soulignant la nécessité de mesures de prévention sur le lieu de travail en collaboration avec les autres parties intéressées, travailleurs et employeurs. Cela permettrait, dans une certaine mesure, datténuer les problèmes quengendre cette pénurie de personnel en SST dans les pays en développement (Pupo-Nogueira et Radford, 1989).
Plusieurs pays en développement se sont récemment lancés dans linstauration de programmes courts de formation à la SST destinés aux praticiens de la médecine de base et de la santé publique. De nombreuses organisations sont impliquées dans cette formation, entre autres des conseils nationaux de productivité (Phoon, 1985a), des associations dagriculteurs, des conseils nationaux de sécurité, des instituts nationaux de santé et des organismes professionnels comme les associations de médecins et du personnel infirmier (Cordes et Rea, 1989).
La pénurie de professionnels de la sécurité et de la santé au travail touche non seulement les pays en développement, mais également de nombreux pays industriels. Aux Etats-Unis, un groupe détude sur la médecine préventive et la médecine interne a tenté de résoudre ce problème en présentant un rapport commun recommandant que les programmes de formation en médecine interne insistent sur la prévention sur le lieu de travail et dans le milieu ambiant, la plupart des patients examinés par les internistes étant des travailleurs. De plus, lAcadémie américaine des médecins de famille (American Academy of Family Physicians) et lAssociation médicale américaine (American Medical Association) ont publié plusieurs monographies sur la santé au travail destinées aux médecins de famille. Une étude menée par lInstitut américain de médecine (American Institute of Medicine) a réaffirmé le rôle joué par le généraliste dans le domaine de la santé des travailleurs, défini les compétences fondamentales requises et souligné la nécessité de promouvoir les activités liées à la santé au travail dans le cadre de la formation de base et de la formation permanente (Ellington et Lowis, 1991). Cependant, dans les pays industriels comme dans les pays en développement, les programmes de formation à la SST destinés au personnel des services de soins primaires sont toujours en nombre insuffisant, et le personnel qualifié est trop peu nombreux.
On peut améliorer la formation pluridisciplinaire en SST en sassurant que chaque formateur connaît parfaitement les rôles, activités et domaines de responsabilité des autres membres du personnel de SST. Dans le cadre dun tel cours dispensé en Ecosse, par exemple, des membres de différentes professions de la SST participent au programme denseignement. Les étudiants reçoivent également des produits dauto-apprentissage conçus pour leur apporter une connaissance et une compréhension détaillées des divers secteurs professionnels de la SST. Les techniques denseignement fondées sur lexpérience (simulation de jeux de rôles, études de cas en groupe) sont aussi largement utilisées. Par exemple, on demande aux étudiants détablir des listes de contrôle personnelles pour déterminer comment chaque domaine particulier de la santé au travail peut avoir des répercussions dans leur cas, et comment ils peuvent collaborer de façon efficace avec dautres professionnels de la SST.
Lorsquon organise un cours pluridisciplinaire en SST, il est essentiel de réunir dans une même classe des stagiaires issus de différents milieux professionnels. Le matériel pédagogique (exercices en groupe et essais) doit être soigneusement sélectionné sans privilégier une discipline particulière. Les conférenciers doivent également avoir acquis lhabitude de poser des questions et des problèmes multidisciplinaires (DAuria, Hawkins et Kenny, 1991).
Le besoin dune formation permanente se fait de plus en plus sentir quel que soit le domaine dactivité. Sagissant de la SST, les nouvelles connaissances sur les risques connus et les nouveaux problèmes soulevés par les progrès techniques grandissent si rapidement quaucun praticien de SST ne peut espérer rester informé sans sy efforcer systématiquement et en permanence.
La formation permanente en SST peut être officielle ou officieuse, volontaire ou obligatoire (pour conserver une habilitation). Il est essentiel que chaque praticien de la SST sinforme constamment en lisant les principaux journaux professionnels, du moins dans sa discipline. Lorsquun nouveau risque apparaît, il serait extrêmement utile deffectuer une recherche bibliographique sur ce sujet dans une bibliothèque. Sil est impossible daccéder à une bibliothèque, on peut demander au Centre international dinformations de sécurité et santé au travail (CIS) du BIT à Genève deffectuer lui-même cette recherche. De plus, laccès direct et continu à au moins quelques textes récents sur la SST est indispensable pour tout praticien en la matière.
Une formation permanente de type plus traditionnel peut prendre les formes suivantes: conférences, ateliers, cours magistraux, clubs de presse ou séminaires. Dordinaire, les établissements universitaires de troisième cycle ou les organisations professionnelles peuvent fournir les moyens nécessaires à lorganisation de tels programmes. Lorsque cest possible, il est bon dorganiser des rencontres annuelles permettant déchanger davantage didées et dexpériences quon est à même de le faire dans une petite collectivité ou une petite ville. Les conférences ou les séminaires régionaux ou internationaux peuvent offrir aux participants des occasions extrêmement utiles, non seulement de profiter du programme proprement dit, mais également déchanger des informations avec dautres praticiens ou chercheurs en dehors des réunions officielles.
De nos jours, les organisations professionnelles de SST sont de plus en plus nombreuses à exiger que leurs membres participent à un minimum dactivités de formation permanente pour pouvoir continuer à exercer ou à rester membre. En général, seule la présence aux réunions officielles est requise. Bien entendu, cette exigence en soi ne garantit pas que le participant en a tiré profit. Dautres solutions, comme celle qui consiste à soumettre les professionnels de la SST à des examens réguliers, posent beaucoup de problèmes. Une seule discipline de SST comprend une telle diversité dapplications pratiques quil est extrêmement difficile, ne serait-ce que dans un même pays, de concevoir un examen pouvant convenir à tous les praticiens intéressés.
Chaque programme de formation en SST devrait souligner la nécessité dun auto-apprentissage et dune pratique continue. Dans ce but, une formation à la recherche documentaire et à lanalyse critique de publications est impérative. Une formation à linformatique, pour faciliter lobtention dinformations en provenance des nombreuses et excellentes ressources en SST qui existent à travers le monde, serait également bénéfique. Plusieurs cours ont été élaborés ces dernières années pour promouvoir lauto-apprentissage et la gestion de linformation assistée par micro-ordinateur (Koh, Aw et Lun, 1992).
Actuellement les stagiaires et le public exigent que les programmes détudes soient constamment évalués et améliorés. De nombreux programmes contemporains sont axés sur les compétences. Une liste des compétences professionnelles requises est tout dabord dressée. Une même compétence pouvant être définie par divers groupes de différentes manières, des débats approfondis doivent être prévus avec les professeurs duniversité et les praticiens de la SST (Pochyly, 1973). De plus, il importe de consulter les «consommateurs» (étudiants, travailleurs, employeurs, etc.), et de disposer de programmes dévaluation intégrés et dobjectifs éducatifs clairement définis, mais flexibles (Phoon, 1988). Parfois, les comités consultatifs sur les programmes détudes ou denseignement, qui comprennent normalement des représentants des enseignants et des étudiants, mais accueillent aussi à loccasion des membres du public, peuvent constituer un forum intéressant pour de tels débats.
Linfrastructure est souvent oubliée dans les débats sur la formation et léducation en SST. Pourtant, les équipements de soutien et les ressources humaines (ordinateurs, bibliothèques, procédures efficaces et personnel administratif compétent), ainsi quun accès sûr et facile, font partie des nombreux aspects de linfrastructure qui conditionnent le succès des cours de formation. Un contrôle adéquat des progrès des étudiants, lassistance psychosociologique des étudiants à problèmes, les soins médicaux prévus pour les étudiants et leurs familles (si besoin est), la garde des enfants des étudiants, une cantine et des installations de loisirs, ainsi que laménagement darmoires ou de placards pour le rangement des affaires personnelles des stagiaires sont autant de détails importants qui requièrent une attention particulière.
La qualité et la popularité dun programme de formation sont souvent des facteurs essentiels qui influent sur la qualité des candidats à un emploi. Bien entendu, dautres facteurs tels que des conditions agréables de travail et des possibilités de carrière et de progrès intellectuel, sont également importants.
Il faut accorder une attention toute particulière à la description et aux exigences du poste. Le corps enseignant doit posséder toutes les qualifications nécessaires en SST; il est bon, toutefois, de faire preuve dune certaine flexibilité pour permettre lembauche de personnels issus dautres disciplines et pouvant contribuer utilement à lenseignement, ou de candidats prometteurs ayant les compétences, mais non lensemble des qualifications ou lexpérience normalement exigées par le poste. Si possible, le corps enseignant devrait avoir une expérience pratique de la SST.
Après embauche, il incombe à la direction et aux membres les plus anciens du corps enseignant de lécole ou de létablissement de sassurer que les nouveaux professeurs reçoivent autant dencouragements et aient autant de possibilités dévolution que possible. Les nouveaux professeurs doivent être initiés à la culture dentreprise, mais également encouragés à sexprimer et à participer aux décisions relatives à lenseignement et aux programmes de recherche. Ils doivent recevoir un retour dinformation, cohérent et constructif, sur leurs résultats denseignants. Si nécessaire, il faut proposer de les aider à remédier à leurs lacunes. De nombreux départements détablissements denseignement trouvent extrêmement utile dorganiser régulièrement des ateliers pédagogiques ou dévaluation destinés aux professeurs. Les détachements dans lindustrie et les congés sabbatiques sont dautres mesures importantes pour la carrière du personnel. Certains services consultatifs, soit cliniques, soit sur le lieu de travail ou en laboratoire (selon la discipline et les domaines dactivités de lenseignant), permettent de conférer à la formation théorique un caractère plus pratique.
Les salles de classe doivent être conçues et aménagées conformément aux principes ergonomiques et équipées de moyens audiovisuels et dinstallations vidéo. Léclairage et lacoustique doivent être satisfaisants. Les accès doivent être faciles de façon à perturber les cours le moins possible.
Les principes de SST doivent être appliqués à la conception et à la construction des laboratoires. Des équipements de sécurité tels que douches, systèmes de rinçage des yeux, trousses de premiers soins, matériels de réanimation et hottes daspiration doivent être prévus et installés aux endroits indiqués; les laboratoires doivent être clairs, aérés et inodores.
Les locaux destinés aux visites sur le terrain seront choisis de manière à offrir aux stagiaires toute la gamme des pratiques de SST. On sélectionnera, si possible, des lieux de travail où se rencontrent des niveaux de normes en SST différents en prenant garde toutefois de ne jamais compromettre la sécurité et la santé des stagiaires.
Lendroit où se déroulera le travail clinique sera conditionné par la nature et le niveau du cours de formation. Dans certains cas, le cours peut se dérouler au chevet dun malade afin dillustrer la démarche clinique quil convient de suivre pour établir lanamnèse. Dans dautres circonstances, une présentation des cas en présence ou en labsence de patients peut remplir le même objectif.
La tendance actuelle privilégie dautres solutions quun examen unique à la fin du cours. Pour certains cours, on a complètement supprimé les examens traditionnels qui ont été remplacés par des mémoires ou des contrôles périodiques des connaissances. Dautres cours associent rédaction de mémoires et contrôles et examens, à livre ouvert ou fermé. Il est de plus en plus admis de nos jours que les examens ou contrôles permettent de juger autant la qualité des cours et des enseignants que celle des stagiaires.
Lavis des stagiaires sur lintégralité du cours ou sur ses composantes, par le biais de questionnaires ou de discussions, est inestimable pour lévaluation ou le remaniement dun cours. Les cours doivent autant que possible être constamment réévalués, au moins annuellement, et revus si nécessaire.
Quant aux modalités dexamens, les épreuves écrites permettent de juger les capacités dorganisation et dintégration et la maîtrise de lexpression écrite. Cependant, la précision et la validité des épreuves ne seraient guère probantes. Les questions à choix multiples (QCM) sont moins subjectives, mais sont difficiles à formuler et ne permettent pas de démontrer les connaissances pratiques. Les questionnaires à réponses rédigées (QRR) diffèrent des essais ou des QCM en offrant aux candidats une quantité progressive de données sur un problème. Cela évite leffet «prompteur» en demandant des réponses courtes au lieu de proposer au candidat des options parmi lesquelles il doit choisir la réponse correcte. Les épreuves orales permettent de mesurer laptitude à résoudre les problèmes, le jugement professionnel, la maîtrise de lexpression orale et de ses émotions dans des conditions de stress. Le problème essentiel dans les épreuves orales est leur prétendu «manque dobjectivité». On peut pallier ce travers en les structurant davantage (Verma, Sass-Kortsak et Gaylor, 1991). La meilleure solution consiste peut-être à combiner ces diverses épreuves plutôt quà se fier exclusivement à une ou deux dentre elles.
Le terme certification fait en général référence à lautorisation dexercer une profession que lon octroie à un spécialiste. Cette certification peut être octroyée par un conseil national, une université ou un corps de praticiens dune discipline de SST. Dordinaire, un professionnel de la prévention nobtient sa certification quaprès avoir suivi une formation correspondant à un cours ou à des postes agréés, et après avoir réussi à un examen. En général, cette «certification globale» est octroyée à vie, sauf en cas de négligence ou dinconduite professionnelle manifestes. Cependant, il existe dautres formes de certification qui requièrent une reconduction périodique, entre autres, la certification exigée dans certains pays pour effectuer des examens médicaux réglementaires, ou pour lire les radiographies de personnes exposées à lamiante.
Lhabilitation, en revanche, fait référence à la reconnaissance des cours de SST par un conseil national, une organisation professionnelle ou un organisme dallocation de bourses détudes. Cette habilitation doit être réévaluée périodiquement pour garantir la mise à jour des cours et leur efficacité.
Abuya: Que se passe-t-il? Tu as lair épuisé.
Mwangi: Je suis épuisé et écuré. Jai passé la moitié de la nuit à préparer le cours que je viens de donner et jai limpression quil ne sest pas très bien déroulé. Je nai rien pu tirer des participants, aucune question, aucun enthousiasme. Pour autant que je sache, ils nen ont pas compris un traître mot.
Kariuki: Je te comprends. La semaine dernière, jai eu un mal fou à essayer dexpliquer la sécurité chimique en swahili.
Abuya: Je ne pense pas que ce soit un problème de langue. Les participants étaient probablement complètement dépassés par tout ce que tu leur as raconté. De toute façon, ces ouvriers ont-ils vraiment besoin de toute cette information technique?
Kariuki: Il leur en faut assez pour se protéger. Si nous ne pouvons pas le leur faire comprendre, nous perdons notre temps. Mwangi, pourquoi nas-tu pas essayé de leur demander quelque chose, ou de leur raconter une histoire?
Mwangi: Je ne savais pas quoi faire. Je sais quon doit pouvoir trouver un meilleur moyen, mais on ne ma jamais appris à donner de tels cours.
Abuya: Pourquoi tinquiéter? Avec toutes ces inspections à faire, qui a du temps à perdre avec la formation?
La discussion ci-dessus, qui sest déroulée dans le cadre dune inspection dusine en Afrique, aurait pu avoir lieu nimporte où. Elle soulève un vrai problème: comment faire passer le message lors dune séance de formation? Prendre un problème concret pour déclencher le débat est une excellente technique permettant didentifier les obstacles éventuels à la formation, leurs causes et les solutions possibles. Cette discussion nous a servi de jeu de rôles dans le cadre de nos ateliers de formation dinstructeurs au Kenya et en Ethiopie.
Le projet africain OIT-FINNIDA de sécurité et de santé fait partie des activités de coopération technique quorganise le BIT pour améliorer la formation à la prévention, ainsi que les services dinformation dans 21 pays africains où langlais est parlé couramment. Parrainé par FINNIDA, lagence finnoise pour le développement international, ce projet, qui disposait dun budget de cinq millions de dollars E.-U., sest déroulé de 1991 à 1994. Lors de la mise en uvre du projet, lune des préoccupations principales a été de définir la démarche de formation convenant le mieux à un apprentissage de qualité. Dans cette étude de cas, nous allons décrire la mise en pratique de cette approche pour le cours de formation dinstructeurs (Training the Trainers (TOT)) (Weinger, 1993).
Par le passé, lapproche de la formation dans la plupart des inspections du travail africaines, et également dans de nombreux projets de coopération technique réalisés par lOIT, se fondait sur des sujets isolés, choisis au hasard dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail (SST) et inclus en général dans des cours. Le projet africain de sécurité et de santé a permis dorganiser le premier cours pilote TOT en 1992 pour 16 pays participants. Le cours sest déroulé en deux parties, la première traitant des principes fondamentaux de lapprentissage des adultes (comment les individus apprennent; comment établir des objectifs dapprentissage et choisir le contenu de lenseignement; comment concevoir un programme détude et choisir les méthodes pédagogiques et les activités dapprentissage, et comment perfectionner les instructeurs), et la deuxième traitant de la formation pratique en SST correspondant aux tâches que chaque participant devait accomplir en quatre mois après la première partie du cours.
Les caractéristiques principales de cette nouvelle démarche sont la participation et laction orientée. Notre formation ne suit pas le modèle traditionnel de lapprentissage en classe, où les participants sont des récepteurs passifs dinformation avec un professeur qui fait un cours magistral. Outre son action orientée et ses méthodes de formation participatives, cette approche se fonde sur les toutes dernières recherches dans le domaine de léducation des adultes et adopte une vision cognitive et pratico-théorique de lapprentissage et de lenseignement (Engeström, 1994).
Sur la base de lexpérience acquise grâce au cours pilote, qui a eu un grand succès, un matériel pédagogique complet a été préparé; ce module comprend deux parties distinctes, un manuel de linstructeur et un stock de documents destinés aux participants. Ce module a été suivi lors des séances de planification auxquelles ont assisté pendant dix jours 20 à 25 inspecteurs du travail, et dont le thème était linstauration en Afrique de cours TOT nationaux. Dès le printemps 1994, de tels cours se sont déroulés à léchelon national dans deux pays africains, le Kenya et lEthiopie.
Un apprentissage de qualité repose sur quatre éléments clés.
Motivation. Elle se manifeste lorsque les participants réalisent la «valeur utilitaire» de ce quils apprennent. Elle est stimulée lorsquils perçoivent lécart qui sépare ce quils savent de ce quils doivent savoir pour résoudre un problème.
Contenu bien structuré. On considère trop souvent le contenu de lapprentissage comme autant de faits séparés emmagasinés dans la mémoire comme des articles rangés dans des boîtes sur une étagère. En réalité, les individus élaborent des modèles, ou des images mentales du monde tout en apprenant. En encourageant lapprentissage cognitif, les enseignants essaient dorganiser les faits sous forme de modèles pour un meilleur apprentissage, en y intégrant des principes ou des concepts explicatifs (les «mais pourquoi» sous-tendant un fait ou une compétence).
Apprentissage progressif. Dans le processus dapprentissage, le participant est comme un enquêteur à la recherche dun modèle lui permettant de comprendre le sujet. Avec laide de lenseignant, le participant élabore ce modèle, lexpérimente et évalue son utilité. Ce processus peut être divisé en six étapes:
Interaction sociale. Linteraction sociale entre participants lors dune séance de formation est un élément essentiel de lapprentissage. Dans les activités de groupe, les participants apprennent les uns des autres.
Lorsquune éducation orientée vise lacquisition de compétences et dun savoir-faire, il sagit dune formation. Le but de la formation est de faciliter un apprentissage de qualité, et cest un processus qui se déroule en plusieurs étapes. Chaque stade requiert une planification consciencieuse et toutes les étapes sont dégale importance. Il existe diverses manières de décomposer une formation en étapes, mais du point de vue de la conception cognitive de lapprentissage, la planification dun cours de formation peut en comprendre six.
1e étape: évaluation des besoins (connaître son auditoire);
2e étape: formuler les objectifs dapprentissage;
3e étape: définir lorientation générale ou le plan du cours;
4e étape: élaborer le programme détudes, en déterminant son contenu et les méthodes de formation correspondantes, et en utilisant un tableau pour en définir les grandes lignes;
5e étape: donner le cours;
6e étape: faire le bilan du cours et réagir en conséquence.
Selon lapproche de la formation susmentionnée et lexpérience tirée du premier cours pilote, deux cours TOT nationaux ont été dispensés en Afrique, le premier au Kenya en 1993 et le second en Ethiopie en 1994.
Les besoins de formation, fondés sur lactivité professionnelle des inspecteurs du travail, ont été déterminés en partant dun questionnaire préalable et dune discussion, avec les participants au cours, sur leur travail quotidien, ainsi que sur le savoir-faire et les compétences nécessaires (voir figure 18.11). Ce cours a donc été conçu au premier chef à lintention des inspecteurs du travail (20 à 25 en général), mais il peut être adapté à dautres personnels ayant besoin dune formation dans le domaine de la sécurité et de la santé: délégués datelier, contremaîtres et préposés à la sécurité et à la santé.
La compilation dobjectifs, pour le cours TOT national indiqué ci-après, a été établie point par point en collaboration avec les participants.
Les objectifs du cours de formation dinstructeurs (TOT) sont les suivants:
Les thèmes ou les éléments clés du programme qui ont guidé la mise en uvre du cours TOT en Ethiopie sont résumés dans la figure 18.12. Ce résumé peut également servir à orienter lensemble du cours TOT.
Laspect externe de la méthode denseignement est immédiatement visible dès quon pénètre dans une classe. On voit tout de suite sil sagit dun cours, dun débat ou dun travail collectif ou individuel. Cependant, ce quon ne voit pas, et qui est pourtant laspect essentiel de lenseignement, cest le travail intellectuel effectué par létudiant à un moment donné. Il sagit là de laspect interne de la méthode denseignement.
On peut diviser les méthodes pédagogiques en trois groupes principaux:
La plupart de ces méthodes sont appliquées dans le cours TOT. Cependant, la méthode choisie dépend des objectifs dapprentissage visés. Chaque méthode ou activité dapprentissage répond à un but. Les fonctions éducatives, qui incombent à un enseignant, correspondent aux différentes étapes du processus dapprentissage décrit plus haut et peuvent aider à sélectionner des méthodes. Voici une liste de neuf fonctions de lenseignement:
Lune des fonctions du programme, ou plan détude, est dorienter le processus denseignement et dapprentissage. Le programme détude peut se diviser en deux parties, un programme général et un programme spécifique.
Le programme général permet davoir une vue densemble du cours: ses buts, ses objectifs, son contenu, les participants et les critères de leur sélection, lapproche pédagogique (comment le cours sera mené) et les préparatifs dorganisation (les tâches préalables au cours, par exemple). Ce programme général est habituellement une description du cours et constitue un avant-projet ou expose une liste de sujets.
Un programme spécifique offre des informations détaillées sur ce qui va être enseigné et comment. Un programme présenté sous forme de tableau sera un bon canevas aux fins de la conception dun programme détude suffisamment précis pour guider la mise en uvre de la formation. Ce tableau comporte les éléments suivants:
Calendrier: temps prévu pour chaque activité dapprentissage;
Unités du programme détudes: sujets essentiels;
Sujets: thèmes figurant dans chaque unité du programme détude;
Fonction éducative: fonction que remplit chaque activité dapprentissage en aidant à atteindre les objectifs de formation;
Activités: étapes de chaque activité dapprentissage;
Matériel: ressources et matériel nécessaires à chaque activité;
Instructeur: formateur responsable de chaque activité (lorsquil y a plusieurs formateurs).
Pour établir le programme détudes sous forme de tableau, il faut suivre les étapes exposées ci-après qui sont celles dun programme ayant été mené à bien (Weinger, 1993).
Lévaluation et le suivi sont la dernière étape du processus de formation. Malheureusement, cest une étape qui est souvent oubliée, ignorée, voire évitée. Lévaluation, ou la détermination du succès du cours, est un élément essentiel de la formation. Elle doit inclure une critique du programme (formulée par les responsables du cours) et une évaluation des participants.
Les participants doivent pouvoir juger les facteurs externes de lenseignement: la qualité de la présentation faite par linstructeur, les techniques utilisées, les installations matérielles et lorganisation du cours. Les moyens dévaluation les plus fréquents sont des questionnaires proposés après le cours et des tests préalables et postérieurs.
Le suivi est une activité de soutien nécessaire au processus de formation. Les activités de suivi doivent être conçues pour permettre aux participants dappliquer et dutiliser dans leur travail ce quils ont appris. Les activités de suivi pour nos cours TOT comprennent par exemple:
On a sélectionné des instructeurs familiarisés avec lapproche cognitive de lapprentissage et maîtrisant bien la communication. Pour le cours pilote de 1992, nous avions embauché des experts internationaux ayant participé à lélaboration de cette méthode dapprentissage dans les années quatre-vingt en Finlande. Pour les cours nationaux, nous avions recruté tout un éventail dexperts: un expert international, un ou deux experts régionaux ayant participé au premier cours pilote, et deux ou trois spécialistes des ressources nationales ayant exercé des responsabilités de formation dans leur propre pays ou ayant déjà lexpérience de cette méthode dapprentissage. Chaque fois que possible, le personnel impliqué dans ce projet y participait également.
La visite dune usine et lenseignement pratique consécutif marquent le point culminant de latelier. Cette activité de formation servait à évaluer les besoins de formation sur le lieu de travail (unité de programme détude VI. A, voir figure 18.11). On peut recommander ici de compléter le contexte théorique et méthodologique avant deffectuer ces visites. En Ethiopie, nous avions programmé la visite avant daborder la question des méthodes denseignement. Nous avions envisagé de visiter deux usines, mais nous aurions pu prolonger la durée de lévaluation des besoins en éliminant lune des visites. Par conséquent, les groupes ne visiteront et ninspecteront que lusine où ils suivront effectivement leur formation.
Le volet «repérage des risques» de latelier (qui fait également partie de lunité du programme détude VI. A) a été encore plus réussie en Ethiopie quau Kenya. Les repérages, intégrés à lenseignement pratique dans les usines, se sont révélés extrêmement motivants pour les travailleurs. Pour des ateliers ultérieurs, nous suggérerions de souligner les risques spécifiques là où ils existent plutôt que dutiliser, par exemple, un seul symbole vert pour représenter un risque physique. Limportance dun risque particulier est ainsi plus clairement illustrée.
Les méthodes éducatives étaient axées sur les techniques audiovisuelles et lutilisation de sujets propres à déclencher les discussions, toutes deux très efficaces. En complément de la projection de diapositives, les participants ont été chargés de réaliser collectivement un transparent sur le contenu dun article déterminé.
Les tableaux à feuilles mobiles et les séances de réflexion collective étaient, pour les participants, des méthodes denseignement inédites. En fait, un de ces tableaux a été construit spécialement pour latelier. Les tableaux et les «marqueurs» sont non seulement dexcellents outils pédagogiques, mais également un moyen pratique et très bon marché de remplacer le rétroprojecteur que la plupart des inspecteurs ne peuvent se procurer dans les pays en développement.
Le «micro-enseignement», méthode pédagogique centrée sur des problèmes locaux spécifiques et impliquant lutilisation de vidéocassettes et une critique consécutive des participants et des responsables des ressources, a remporté un vif succès. Lenregistrement a permis non seulement de renforcer lefficacité des méthodes externes denseignement, mais aussi de discuter des domaines dont le contenu devait être amélioré avant lenseignement en usine proprement dit.
Cependant, on commet souvent lerreur de ne pas lier les sujets de discussion et les activités de réflexion collective au contenu ou au message dune activité. Cette méthode nétait appliquée que pour la forme, et ses effets étaient ignorés. Dautres erreurs courantes consistaient à utiliser une terminologie trop technique et à ne pas adapter la formation aux besoins de lauditoire en se référant à des exemples concrets propres aux lieux de travail. Toutefois, les présentations ultérieures en usine ont été conçues pour tenir compte des critiques formulées le jour précédent.
Dans leur évaluation des séances denseignement pratique à lusine, les participants ont déclaré avoir été très impressionnés par lutilisation de diverses méthodes denseignement, dont les supports audiovisuels, les affiches réalisées par eux-mêmes, les tableaux à feuilles mobiles, la réflexion collective, les jeux de rôles, les «groupes interactifs», etc. La plupart des groupes se sont également servis dun questionnaire dévaluation, expérience encore inédite. Alors que, dans le passé, la méthode denseignement consistait exclusivement en cours magistraux, la participation de lauditoire particulièrement remarquée a connu un vif succès. La gestion du temps et lutilisation de termes et dexplications trop techniques ont été fréquemment citées comme susceptibles damélioration. A lavenir, les responsables devraient également sefforcer de faire en sorte que tous les groupes intègrent les étapes dapplication et dévaluation dans le processus dapprentissage.
Tout au long de ces deux cours, on a pu constater que les participants comprenaient de mieux en mieux lintérêt des six étapes inhérentes à une formation de qualité.
On a ajouté au programme du dernier cours un module de rédaction des objectifs, où chaque participant est appelé à définir une série dobjectifs de formation. La plupart des participants navaient jamais effectué un tel exercice et cette activité leur a été extrêmement utile.
Quant à lutilisation du programme détudes pour la planification, nous avons constaté des progrès sensibles chez tous les participants et même une certaine maîtrise chez quelques-uns. Il serait opportun de lui consacrer plus de temps. A lavenir, nous ajouterions aux ateliers une activité permettant aux participants dutiliser ce programme pour suivre un thème tout au long du processus dapprentissage, en utilisant lensemble des fonctions éducatives. On a toujours tendance à insérer trop de sujets sur la formation et à répartir, sans trop réfléchir à leur pertinence, les diverses fonctions éducatives dans une série de thèmes. Il faut également que les formateurs insistent sur les activités choisies pour létape «application» du processus dapprentissage, et quils se familiarisent davantage avec lélaboration des tâches assignées à leurs élèves. Lapplication est, pour la plupart dentre eux, un concept nouveau difficile à intégrer dans le processus dapprentissage.
Enfin, lexpression unité de programme détudes sest avérée difficile à utiliser et parfois déroutante. Pour commencer, il sagit simplement didentifier et dorganiser les domaines thématiques pertinents. Bien évidemment, de nombreux autres concepts inhérents à lapproche cognitive de lapprentissage étaient complexes, par exemple la base dorientation, les facteurs externes et internes de lapprentissage et de lenseignement, les fonctions éducatives, etc.
En bref, à lavenir, nous accorderions plus de temps à la théorie et à lélaboration du programme détudes, comme indiqué plus haut, ainsi quà la planification des futurs programmes détudes, car elle permet dobserver laptitude individuelle à lapplication de la théorie.
Le projet africain OIT-FINNIDA de sécurité et de santé sest attaqué à une tâche particulièrement stimulante et exigeante: faire évoluer notre conception et notre pratique de lapprentissage et de la formation. La difficulté, lorsquon parle dapprentissage, est que ce terme a perdu son sens primitif dans le langage contemporain; il est devenu synonyme dacquisition dinformations. Or, cette acquisition na quun lointain rapport avec un véritable apprentissage, car celui-ci nous permet de nous ressourcer. Un véritable apprentissage nous permet daccomplir ce que nous nétions jamais parvenus à réaliser auparavant (Senge, 1990). Tel est le message inhérent à la nouvelle démarche de lapprentissage et de la formation qui caractérise notre projet.