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Chapitre 16 - Les services de santé au travail

LES NORMES, PRINCIPES ET APPROCHES DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL

Jorma Rantanen et Igor A. Fedotov

Le présent article s’inspire des normes, principes et approches contenus dans la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, de l’OIT, dans la convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de l’OIT, et du document de travail de la douzième session du Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, qui s’est tenue du 5 au 7 avril 1995.

La convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, définit les «services de santé au travail» comme des services investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’entreprise en ce qui concerne les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail et l’adaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mentale.

Les services de santé au travail mettent en œuvre dans le milieu de travail des activités visant à protéger et à promouvoir la sécurité, la santé et le bien-être des travailleurs et à améliorer les conditions et le milieu de travail. Ces services sont fournis par des professionnels de la santé au travail fonctionnant de manière autonome, au sein d’un service spécial de l’entreprise ou dans le cadre d’un service externe.

La pratique de la santé au travail couvre un champ plus large et ses activités ne se limitent pas à celles d’un service de santé au travail. C’est une activité multidisciplinaire et multisectorielle faisant appel non seulement à des professionnels de la sécurité et de la santé au travail, mais aussi à d’autres spécialistes tant au sein de l’entreprise qu’à l’extérieur, de même qu’aux autorités compétentes, aux employeurs, aux travailleurs et à leurs représentants. Une telle approche nécessite la mise en place sur les lieux de travail d’un système bien organisé et bien coordonné. L’infrastructure requise devrait comprendre l’ensemble des systèmes administratifs, organisationnels et fonctionnels nécessaires au succès de la pratique de la santé au travail, à son développement systématique et à son amélioration continue.

La convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, décrivent l’infrastructure la plus complexe. On peut choisir ou non de mettre en place un service conforme au modèle prôné par la convention no 161 et la recommandation no 171. C’est le cas, bien sûr, de la plupart des services de pointe en santé au travail. Mais on peut aussi opter pour d’autres types d’infrastructure. Médecine du travail, hygiène du travail et sécurité au travail peuvent en effet relever de services distincts, comme ils peuvent être regroupés dans un seul service de santé au travail. Le service de santé au travail peut consister en une entité unique intégrée, ou en une combinaison de plusieurs unités distinctes partageant le même intérêt pour la santé et le bien-être des travailleurs.

L’accès aux services de santé au travail

Les services de santé au travail sont inégalement répartis dans le monde (OMS, 1995b). En Europe, environ la moitié de la population active n’a toujours pas accès à un service compétent; les écarts entre les pays sont très importants, la couverture variant de 5 à 90%. Les pays d’Europe centrale et orientale, en pleine transition, ont quelque difficulté à offrir ces services à cause de la réorganisation de leurs activités économiques et du fractionnement de leurs grandes industries autrefois centralisées.

Dans les autres continents, les taux de couverture sont plus faibles. Seuls quelques pays (Australie, Canada, Etats-Unis, Israël, Japon) ont des taux comparables à ceux de l’Europe occidentale. Dans les régions en développement, la couverture varie entre 5 et 10% au mieux, et les services sont surtout offerts dans les entreprises de fabrication; les autres secteurs industriels, l’agriculture, les travailleurs indépendants, les petites entreprises et le secteur informel ne sont en général pas couverts du tout. Même dans les pays bien dotés de tels services, on relève des lacunes en ce qui concerne les petites entreprises, certains travailleurs itinérants, la construction, l’agriculture et les travailleurs indépendants.

Partout dans le monde, il faut donc améliorer l’accès des travailleurs aux services de santé au travail. Dans divers pays, des programmes d’intervention à cet effet ont prouvé qu’il était possible de faciliter sensiblement l’accès à ces services en un temps relativement court et à un coût raisonnable. Il est également apparu que ce genre d’intervention améliorait à la fois l’accès des travailleurs aux services et l’efficacité des services offerts.

L’impact politique des instruments internationaux

La réforme du milieu de travail mise en œuvre dans la plupart des pays industriels au cours des années soixante-dix et quatre-vingt a donné lieu à l’élaboration de directives et d’instruments internationaux importants. Ceux-ci sont le reflet des réponses apportées par les politiques de santé au travail aux nouveaux besoins en la matière, ainsi que d’un consensus international sur le développement des services de sécurité et de santé au travail.

En 1976, le BIT lançait le Programme international pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT) (BIT, 1984). La convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de même que la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, ont accru l’influence de l’OIT sur le développement de ces services. Au 31 mai 1995, quarante pays avaient ratifié ces conventions. Celles-ci ont cependant eu, dans les faits, un impact beaucoup plus large que ne le laisserait croire ce chiffre, car de nombreux pays qui n’étaient pas en mesure de les ratifier en ont quand même mis les principes en application.

Parallèlement, la Stratégie mondiale de la santé pour tous d’ici l’an 2000, lancée par l’OMS en 1979 (OMS, 1981), a donné lieu, dans les années quatre-vingt, à l’adoption de stratégies régionales et nationales axées sur la santé des travailleurs. En 1987, l’OMS lançait un Plan d’action pour la santé des travailleurs (OMS, 1988) et, en 1994, les Centres collaborateurs de l’OMS pour la santé au travail formulaient la Stratégie mondiale pour la santé au travail pour tous (1995), approuvée par le Conseil exécutif de l’OMS (EB97.R6) et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée mondiale de la santé en mai 1996 (WHA 49.12).

Voici les principales caractéristiques du consensus international sur la sécurité et la santé au travail:

La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, qui a eu lieu à Rio de Janeiro en 1992, a abordé plusieurs questions liées à l’environnement humain présentant un intérêt pour la santé au travail (OMS, 1993). Le plan Action 21 comporte des dispositions visant à élargir l’accès des travailleurs aux services et à assurer la sécurité chimique sur les lieux de travail. La Déclaration de Rio a mis l’accent sur le droit des êtres humains à une «vie saine et productive en harmonie avec la nature», ce qui exige que le travail et le milieu de travail répondent à certaines normes minimales de santé et de sécurité.

Ces instruments et programmes internationaux ont favorisé, directement ou indirectement, l’inclusion des services de santé au travail dans les programmes nationaux «La santé pour tous d’ici l’an 2000» et dans d’autres programmes de développement nationaux. Ils ont servi de principes directeurs pour l’élaboration de législations et de programmes nationaux.

Par ailleurs, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a beaucoup fait pour l’avancement de la santé au travail dans le monde; lors des douze réunions qu’il a tenues depuis 1950, il a notamment aidé à définir les concepts et à les appliquer au niveau des pratiques nationales et locales.

Les structures législatives pour la pratique de la santé au travail

La plupart des pays ont adopté des lois régissant les services de santé au travail, mais la structure de la législation, son contenu et son champ d’application varient énormément (Rantanen, 1990; OMS, 1989c). Les lois plus anciennes considèrent les services de santé au travail comme un ensemble d’activités spécialisées et distinctes: prestations de santé au travail, services de sécurité et d’hygiène du travail, programmes de promotion de la santé sur le lieu de travail, etc. Dans de nombreux pays, au lieu de préciser ce qui peut être considéré comme un programme, la loi prévoit qu’il incombe aux employeurs d’évaluer les risques pour la santé, de soumettre les travailleurs à des examens de santé, ou de mettre en œuvre d’autres activités liées à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Dans les lois plus récentes qui reflètent les directives internationales, comme celles de la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, de l’OIT, les services de santé au travail sont définis comme une équipe intégrée, polyvalente et multidisciplinaire offrant tous les services nécessaires pour améliorer la santé au travail et le milieu de travail, promouvoir la santé des travailleurs et, en général, développer les aspects structurels et administratifs nécessaires à la sécurité et à la santé sur les lieux de travail.

La loi délègue habituellement le pouvoir d’établir, de mettre en place et d’inspecter les services de santé au travail aux ministères ou organismes responsables du travail, de la santé ou de la sécurité sociale (OMS, 1990).

Il existe deux grands types de législation concernant les services de santé au travail:

Le premier considère les services de santé au travail comme une infrastructure de service multidisciplinaire intégrée et définit les objectifs, les activités, les obligations et les droits des divers partenaires, les conditions d’exploitation, et les qualifications du personnel. Mentionnons, à titre d’exemple, la directive-cadre de l’Union européenne 89/391/CEE concernant la sécurité et la santé des travailleurs (CCE, 1989; Neal et Wright, 1992), la loi néerlandaise ARBO (Kroon et Overeynder, 1991) et la loi finlandaise concernant les services de santé au travail (décret du Conseil d’Etat no 1009 1979). Les services de santé au travail dont l’organisation correspond aux exigences de ce type de législation ne sont guère nombreux dans le monde industriel, mais leur nombre devrait augmenter avec l’application progressive de la directive-cadre de l’Union européenne 89/391/CEE.

L’autre type de législation, que l’on retrouve dans la plupart des pays industriels, est plus disparate. Au lieu d’une seule loi définissant les services de santé au travail comme une entité, plusieurs lois obligent simplement les employeurs à mettre en œuvre certaines activités, qui peuvent être définies soit de façon très précise, soit en termes généraux, laissant ainsi ouvertes les questions de leur organisation et de leur mode de fonctionnement (OMS, 1989c). Dans de nombreux pays en développement, cette législation ne s’applique qu’aux grands secteurs industriels, laissant pour compte un grand nombre d’autres secteurs, y compris l’agriculture, les petites entreprises et le secteur informel.

Au cours des années quatre-vingt, dans les pays industriels en particulier, l’évolution sociale et démographique (vieillissement de la population active, augmentation des pensions d’invalidité et de l’absentéisme pour maladie) et la difficulté de juguler les budgets de la sécurité sociale ont donné lieu à certaines réformes intéressantes des systèmes nationaux de santé au travail. Ces réformes mettaient l’accent sur la prévention des incapacités de courte et de longue durée, la préservation de la capacité de travail, notamment chez les travailleurs âgés, et la réduction des retraites anticipées.

Par exemple, la modification de la loi ARBO aux Pays-Bas (Kroon et Overeynder, 1991), en même temps que trois autres lois sociales visant à prévenir les incapacités de courte et de longue durée, a imposé des nouvelles exigences importantes en matière de services de sécurité et de santé au travail au niveau de l’entreprise, qui sont les suivantes:

Ce nouveau système, qui sera mis en place progressivement, devrait être fonctionnel d’ici à la fin des années quatre-vingt-dix.

Les modifications apportées en 1991 et 1994 à la loi finlandaise concernant les services de santé au travail ont ajouté le maintien de la capacité de travail, en particulier chez les travailleurs âgés, aux activités de prévention des services de santé au travail prévues par la loi. Mises en œuvre grâce à l’étroite collaboration de tous les acteurs dans le milieu de travail (la direction, les travailleurs, les services de santé et de sécurité), ces modifications prévoient l’amélioration du travail, du milieu de travail et du matériel et leur adaptation aux travailleurs, le maintien et l’amélioration de la capacité de travail physique et mentale des travailleurs et de l’organisation du travail de façon à mieux préserver cette capacité de travail. Pour l’heure, on s’efforce d’élaborer et d’évaluer différentes méthodes pour atteindre ces objectifs.

L’adoption, en 1987, de l’Acte unique européen a donné un nouvel élan aux mesures de sécurité et de santé au travail prises par les Communautés européennes. C’était en effet la première fois que la notion de sécurité et de santé au travail était directement incluse dans le Traité de la CEE de 1957, ce qui fut fait par le biais du nouvel article 118a. Fait particulièrement important en ce qui concerne le niveau de protection, les directives adoptées par les Etats membres en vertu de l’article 118a définissent des exigences minimales relatives à la sécurité et la santé au travail. Conformément au principe adopté, les Etats membres doivent relever le niveau de protection si celui-ci est inférieur aux prescriptions minimales prévues dans les directives. Lorsque la protection est supérieure à ces exigences, les Etats sont invités à la maintenir et même à adopter d’autres mesures de protection plus rigoureuses que celles exigées par les directives.

C’est en juin 1989 qu’a été adoptée la première et probablement la plus importante directive prescrivant des exigences minimales de sécurité et de santé au travail en vertu de l’article 118a, à savoir la directive-cadre 89/391/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Il s’agit de la stratégie de santé et de sécurité de base qui servira à l’élaboration de toutes les directives suivantes. Cette directive-cadre sera complétée par des directives particulières qui couvriront des domaines spécifiques; elle définit aussi le cadre général de ces futures directives.

La directive-cadre 89/391/CEE renferme de nombreuses dispositions des conventions nos 155 et 161 de l’OIT, que les quinze pays de l’Union européenne mettront en œuvre dans leur législation et leur pratique nationales. Au nombre des principales dispositions concernant la pratique de la santé au travail, mentionnons les suivantes:

Au cours des dernières années, l’Union européenne a adopté de nombreuses mesures législatives, notamment une série de directives fondées sur les principes énoncés dans la directive-cadre; certaines de ces mesures venaient compléter celles qui avaient fait l’objet de dispositions d’harmonisation technique en préparation, et d’autres portaient sur des risques particuliers et des secteurs à haut risque. A titre d’exemple, mentionnons, dans le premier groupe, les directives concernant les exigences de sécurité et de santé minimales sur les lieux de travail, et celles portant sur l’utilisation des équipements de travail par les travailleurs, l’utilisation des équipements de protection individuelle, la manutention des charges, le travail sur terminal à écran de visualisation, l’aménagement d’une signalisation sur la sécurité et la santé au travail et l’application des exigences minimales de sécurité et de santé dans les chantiers de construction temporaires et mobiles. Dans le second groupe, rappelons les directives relatives à la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition aux monomères de chlorure de vinyle, au plomb métallique et à ses composés ioniques, à l’amiante au travail, aux agents cancérogènes au travail, aux agents biologiques au travail; les directives concernant la protection des travailleurs au moyen de l’interdiction de certains agents particuliers ou de certaines activités professionnelles, et quelques autres (Neal et Wright, 1992; CE, 1994).

Certains ont proposé d’adopter d’autres directives (à savoir des directives concernant les agents physiques, les agents chimiques, les activités de transport et les lieux de travail, et les équipements de travail) pour unifier certaines directives existantes et rationaliser l’approche globale de la sécurité et de la santé des travailleurs dans ces domaines (CE, 1994).

Nombre des nouveaux éléments des législations et des pratiques nationales ont été introduits en réponse aux problèmes qui surgissent aujourd’hui dans la vie des travailleurs et ils contiennent des dispositions prévoyant un développement accru des infrastructures de santé au travail. Cela se traduit notamment par la programmation, tant à l’échelle nationale qu’à celle de l’entreprise, d’activités plus globales concernant les aspects psychosociaux et organisationnels et la capacité de travail, et par l’importance accordée au principe de la participation. Ces nouveaux éléments prévoient également l’application de systèmes de gestion de la qualité, la vérification et la certification de la compétence des experts et des services offerts quant à leur conformité aux exigences de la législation sur la sécurité et la santé au travail. En conséquence, ces législations nationales, en reprenant en substance les dispositions des instruments de l’OIT, se traduisent par la mise en œuvre progressive des objectifs et des principes figurant dans les conventions nos 155 et 161, que celles-ci aient été ratifiées ou non, ainsi que dans la Stratégie de la santé pour tous de l’OMS.

Les objectifs de la pratique de la santé au travail

Les objectifs de la pratique de la santé au travail, tels que définis pour la première fois en 1950 par le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, étaient énoncés comme suit:

Promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de leur travail; les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé; placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme adapter le travail à l’homme et chaque homme à sa tâche.

En 1959, en se fondant sur les discussions de la Commission tripartite spéciale de l’OIT (représentant les gouvernements, les employeurs et les travailleurs), la 43e session de la Conférence internationale du Travail adoptait la recommandation no 112 (OIT, 1959), qui définit un service de médecine du travail comme un service organisé sur les lieux de travail ou à proximité de ceux-ci et destiné:

En 1985, l’OIT adoptait de nouveaux instruments internationaux — la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail (OIT, 1985a; 1985b) — qui définissent les services de santé au travail comme des services investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’entreprise en ce qui concerne: les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail; l’adaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mentale.

En 1980, le Groupe de travail sur l’évaluation des services de santé du travail et d’hygiène industrielle du Bureau régional de l’Europe de l’OMS (OMS, 1982) définissait l’objectif ultime de ces services comme étant «de promouvoir des conditions de travail qui garantissent à la vie professionnelle une qualité aussi élevée que possible en protégeant la santé des travailleurs, en augmentant leur bien-être physique, mental et social, et en prévenant les maladies et les accidents».

L’enquête détaillée menée en 1985 auprès des services de santé au travail de trente-deux pays européens par le Bureau régional de l’Europe de l’OMS (Rantanen, 1990) a permis de dégager les principes suivants comme objectifs de la pratique de la santé au travail:

Ces principes restent pertinents pour l’évolution récente des politiques et de la législation des pays. Par contre, on pourrait dégager les tendances suivantes en se fondant sur les objectifs de la pratique de la santé au travail formulés dans les lois nationales et les nouveaux besoins apparus dans la vie active (OMS, 1995a, 1995b; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994):

On observe donc, indéniablement, une tendance à élargir la portée des objectifs de la pratique de la santé au travail pour inclure de nouveaux types de problèmes ayant des conséquences sociales et économiques pour les travailleurs.

Les fonctions et les activités des services de santé au travail

Pour protéger et promouvoir la santé des travailleurs, le service de santé au travail doit répondre aux besoins particuliers de l’entreprise et des personnes qui y travaillent. Vu l’ampleur et la diver-sité des activités industrielles, commerciales, agricoles et autres activités économiques, il est impossible de formuler, pour les services de santé au travail, un programme d’activité détaillé ou un modèle d’organisation et des conditions de fonctionnement qui conviennent à toutes les entreprises et dans toutes les circonstances. Selon la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, la responsabilité d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs incombe avant tout à l’employeur. Les fonctions d’un service de santé au travail sont de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs, d’améliorer les conditions et le milieu de travail et de protéger la santé dans l’entreprise tout entière en fournissant des services de santé au travail aux travailleurs et en donnant des conseils d’expert à l’employeur sur la façon de satisfaire aux normes les plus rigoureuses possible en matière de sécurité et de santé, dans l’intérêt de la communauté professionnelle particulière qu’il dessert.

La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, définissent les services de santé au travail comme des services multidisciplinaires complets qui, bien qu’investis de fonctions essentiellement préventives, permettent également de mettre en œuvre des activités curatives. Les documents de l’OMS qui recommandent la mise en place de services pour les petites entreprises, les travailleurs indépendants et les travailleurs agricoles préconisent la prestation de services par des unités de soins de santé primaires (Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994). Les documents susmentionnés et les législations et programmes nationaux recommandent d’instituer ces services progressivement, de façon à pouvoir adapter les activités de santé au travail aux besoins nationaux et locaux, de même qu’aux circonstances existantes.

Idéalement, un service de santé au travail devrait mettre en place un programme d’activité adapté aux besoins de l’entreprise où il œuvre, et s’y conformer. Ses fonctions devraient être adéquates et appropriées aux risques professionnels et sanitaires dans l’entreprise et mettre l’accent sur les problèmes propres à la branche d’activité économique concernée. Voici les fonctions de base et les activités les plus courantes d’un service de santé au travail.

L’évaluation préliminaire de l’entreprise

S’il n’y a encore jamais eu de service de santé au travail dans l’entreprise, ou lorsque de nouveaux salariés y sont affectés, il y a lieu de commencer par évaluer la situation de l’entreprise en matière de sécurité et de santé au travail. Cette analyse comporte les étapes suivantes:

La surveillance du milieu de travail

Pour s’assurer que la qualité du milieu de travail demeure conforme aux normes de sécurité et de santé, il faut exercer une surveillance sur les lieux de travail. Selon la convention no 161, la surveillance du milieu de travail est l’une des principales tâches des services de santé au travail.

A partir des informations recueillies dans le cadre de l’évaluation préliminaire de l’entreprise, on effectue une inspection sommaire des lieux de travail. De préférence, cette inspection devrait être faite par une équipe multidisciplinaire de santé au travail, accompagnée de représentants des travailleurs et de l’employeur. Il faudrait à cette occasion interroger des dirigeants, des contremaîtres et des travailleurs. Au besoin, on pourrait procéder à des vérifications spéciales sur les aspects relatifs à la sécurité, à l’hygiène, à l’ergonomie ou à la psychologie.

Pour cela, il existe des listes de contrôle spéciales et des lignes directrices qu’il est recommandé d’utiliser. Il peut arriver que des mesures ou des vérifications particulières doivent être effectuées par des spécialistes de l’hygiène du travail, de l’ergonomie, de la toxicologie, de la sécurité ou de la psychologie; ceux-ci peuvent soit faire partie de l’équipe de santé au travail de l’entreprise, soit provenir de l’extérieur. Ce genre de mesures ou de vérifications spéciales est parfois hors de la portée des petites entreprises qui doivent alors se fier aux observations effectuées pendant l’inspection, complétées par des données qualitatives et, dans le meilleur des cas, par des données semi-quantitatives.

Comme liste de contrôle de base pour l’identification des risques potentiels pour la santé, on peut recommander la Liste des maladies professionnelles (modifiée en 1980) jointe en annexe à la convention (no 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [tableau I modifié en 1980]. Cette liste énumère les principales causes connues des maladies professionnelles et, bien qu’elle ait principalement pour objet de donner des directives pour l’indemnisation des victimes de maladies professionnelles, elle peut aussi servir à des fins de prévention: il suffit d’y ajouter les risques qui n’y figurent pas, en fonction des conditions nationales ou locales.

Le champ de la surveillance du milieu de travail, tel qu’il est défini dans la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, est le suivant:

A la suite de cette inspection sommaire, il conviendrait de dresser un inventaire des risques précisant chacun des risques inhérents à l’entreprise. Un tel inventaire est en effet nécessaire pour évaluer le potentiel d’exposition et proposer des mesures de contrôle. Pour établir cet inventaire, et faciliter la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des mesures de contrôle, les dangers devraient être classés de façon à permettre les recoupements en fonction du risque d’atteinte aiguë ou chronique qu’ils présentent pour la santé des travailleurs, et du type de danger (chimique, physique, biologique, psychologique ou ergonomique).

L’étape suivante, l’évaluation quantitative de l’exposition, est nécessaire pour affiner l’évaluation des risques pour la santé. Elle consiste à mesurer l’intensité ou la concentration de l’exposition, ses variations dans le temps et sa durée totale, ainsi que le nombre de travailleurs exposés. La mesure et l’évaluation de l’exposition sont habituellement effectuées par des hygiénistes du travail, des ergonomes et des spécialistes de la prévention des accidents. Elles se fondent sur les principes de la surveillance environnementale et devraient inclure, au besoin, une surveillance du milieu ambiant visant à recueillir des données sur l’exposition dans un milieu de travail donné et à mesurer l’exposition personnelle de chaque travailleur ou groupe de travailleurs (par exemple, les travailleurs exposés à des dangers particuliers). Il faut mesurer l’exposition chaque fois que l’on soupçonne ou que l’on peut raisonnablement prévoir des risques; ces mesures devraient se fonder sur l’inventaire complet des risques combiné à une évaluation des habitudes de travail. La connaissance des effets potentiels de chaque risque devrait servir à définir les priorités d’intervention.

Pour évaluer les risques pour la santé sur les lieux de travail, on devrait comparer l’ensemble des expositions aux normes d’exposition professionnelle reconnues. Ces normes, exprimées en termes de niveaux admissibles et de limites d’exposition, ont été fixées après de nombreuses études scientifiques visant à établir des corrélations entre les expositions et leurs effets sur la santé. Dans certains pays, plusieurs de ces normes sont devenues des normes obligatoires en vertu de la législation et de la pratique nationales. Mentionnons, par exemple, les concentrations maximales admissibles (MAK, en Allemagne; MAC dans les pays d’Europe orientale) et les limites d’exposition admissibles (PEL, aux Etats-Unis). Il existe ainsi des PEL pour quelque 600 substances chimiques que l’on trouve couramment sur les lieux de travail. Des limites ont également été fixées pour l’exposition moyenne pondérée en fonction du temps et pour l’exposition de courte durée, de même que des plafonds d’exposition et des limites pour certaines conditions pénibles susceptibles d’entraîner une absorption cutanée.

La surveillance du milieu de travail porte tant sur les expositions dangereuses que sur leurs effets sur la santé. Si l’exposition au danger est excessive, elle doit être contrôlée, quels qu’en soient les effets cliniques, et la santé des travailleurs exposés doit être évaluée. L’exposition est considérée comme excessive lorsqu’elle approche ou dépasse certaines limites établies, comme celles mentionnées ci-dessus.

La surveillance du milieu de travail donne des informations sur les besoins de l’entreprise en matière de santé au travail et indique quelles mesures de prévention et de contrôle devraient être prises en priorité. La plupart des instruments concernant l’organisation des services de santé au travail insistent sur la nécessité d’effectuer cette surveillance avant d’offrir les services, puis périodiquement par la suite, durant le cours des activités, et chaque fois que des changements importants sont apportés au travail ou au milieu de travail.

Les résultats obtenus permettent de déterminer si les mesures préventives adoptées éliminent efficacement les risques pour la santé, et si les travailleurs sont affectés à des postes qui conviennent à leurs capacités. Ils permettent aussi au service de santé au travail d’assurer une protection fiable contre les expositions et de donner des conseils sur la façon de mettre en œuvre des mesures de contrôle pour améliorer le milieu de travail. Les données accumulées servent enfin aux enquêtes épidémiologiques, à la révision des niveaux d’exposition admissibles, de même qu’à l’évaluation de l’efficacité des mesures de contrôle technique et des autres méthodes utilisées par les divers programmes de prévention.

Informer l’employeur, la direction de l’entreprise et les travailleurs des risques pour la santé au travail

A mesure que l’on recueille des informations sur les risques pour la santé sur les lieux de travail, elles doivent être transmises aux responsables de la mise en œuvre des mesures de prévention et de contrôle, ainsi qu’aux travailleurs exposés à ces risques. Ces informations doivent être aussi précises et quantitatives que possible, en décrivant les mesures de prévention prises et en expliquant ce que les travailleurs doivent faire pour qu’elles soient efficaces.

La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, prévoit que, conformément à la législation et à la pratique nationales, les données des résultats de la surveillance du milieu de travail devraient être consignées sous une forme appropriée et tenues à la disposition de l’employeur, des travailleurs et de leurs représentants ou du comité de sécurité et d’hygiène, lorsqu’il existe. Ces données devraient être utilisées de manière confidentielle et uniquement en vue de donner les avis et les conseils nécessaires à l’amélioration du milieu de travail, de la sécurité et de la santé des travailleurs. L’autorité compétente devrait également avoir accès à ces données. Celles-ci ne devraient être communiquées par le service de santé au travail à des tiers qu’avec l’accord de l’employeur et des travailleurs. Les travailleurs concernés devraient être informés de façon adéquate et convenable des résultats de la surveillance et avoir le droit de demander que l’on exerce une surveillance de leur milieu de travail.

L’évaluation des risques pour la santé

Pour évaluer les risques d’atteinte à la santé au travail, on regroupe les renseignements recueillis grâce à la surveillance du milieu de travail et ceux provenant d’autres sources, comme les recherches épidémiologiques sur des professions et des expositions particulières, les valeurs de référence, telles que les limites d’exposition professionnelles et les statistiques disponibles. Les données qualitatives (par exemple, telle substance est cancérogène) et, lorsque c’est possible, quantitatives (par exemple, tel degré d’exposition) peuvent révéler que les travailleurs sont exposés à des risques pour la santé et indiquer que des mesures de prévention et de contrôle sont nécessaires.

Les étapes d’une évaluation des risques pour la santé au travail sont les suivantes:

La surveillance de la santé des travailleurs

A cause de contraintes techniques et économiques, il est souvent impossible d’éliminer tous les risques pour la santé présents sur les lieux de travail. C’est dans ces circonstances que la surveillance de la santé des travailleurs joue un rôle capital. Cette surveillance englobe de nombreuses formes d’évaluation médicale des effets sur la santé attribuables à l’exposition des travailleurs aux risques présents sur les lieux de travail.

Les examens de santé visent essentiellement à déterminer l’aptitude physique des travailleurs à effectuer certaines tâches, à évaluer les atteintes à la santé qui peuvent être associées à l’exposition à des agents nocifs inhérents au procédé de travail et à identifier les cas de maladies professionnelles conformément à la législation nationale.

Ces examens ne peuvent pas protéger les travailleurs contre les risques pour la santé ni se substituer aux mesures de prévention appropriées qui ont la priorité dans la hiérarchie des mesures à prendre. Ils aident plutôt à déterminer les conditions qui peuvent rendre un travailleur plus sensible aux effets des agents nocifs, ou à détecter les signes avant-coureurs de toute affection causée par ces agents. Ils devraient être effectués parallèlement aux contrôles du milieu de travail, qui donnent des informations sur les expositions potentielles et permettent aux professionnels de la santé au travail d’évaluer les résultats obtenus grâce à la surveillance de la santé des travailleurs exposés.

La surveillance de la santé des travailleurs peut être passive ou active

Lorsqu’elle est passive, les travailleurs malades sont tenus de consulter des professionnels de la santé au travail. La surveillance passive ne détecte habituellement que les maladies symptomatiques et exige des professionnels de la santé au travail qu’ils soient capables de distinguer les effets des expositions professionnelles des effets semblables dus à des expositions non professionnelles.

Dans le cas de la surveillance active, les professionnels de la santé au travail sélectionnent et examinent les travailleurs à haut risque de maladies ou d’accidents liés au travail. Ce type de surveillance peut prendre plusieurs formes et comporter notamment des examens médicaux périodiques de tous les travailleurs, des examens médicaux des travailleurs exposés à des risques particuliers pour la santé, ou le dépistage et la surveillance biologique de certains groupes de travailleurs. Le type particulier de surveillance à exercer dépend dans une large mesure des effets éventuels sur la santé d’une exposition professionnelle particulière. La surveillance active est préférable pour les travailleurs ayant des antécédents d’expositions multiples et pour ceux qui risquent davantage d’être atteints de maladies ou d’être victimes d’accidents.

On trouvera une description détaillée de la surveillance de la santé dans la convention no 161 et la recommandation no 171. Ces instruments précisent que la surveillance de la santé des travailleurs devrait comporter, dans les cas et selon les conditions déterminés par l’autorité compétente, toutes les évaluations nécessaires pour protéger la santé des travailleurs qui pourraient inclure:

L’évaluation de l’état de santé des travailleurs est particulièrement importante lorsque les services de santé au travail sont mis en place, lorsque de nouveaux travailleurs sont recrutés, lorsque de nouvelles méthodes de travail sont adoptées ou de nouvelles techniques introduites, lorsqu’on identifie des expositions spéciales et lorsque l’état de santé d’un travailleur nécessite un suivi. Plusieurs pays ont adopté des réglementations ou des directives spéciales qui précisent quand et comment les examens de santé doivent être effectués. Ces examens devraient faire l’objet d’un suivi et être constamment améliorés de façon à déterminer le plus tôt possible les effets du travail sur la santé.

L’examen de santé avant l’affectation à un poste (examen préalable à l’emploi)

Ce type d’évaluation est effectué avant l’affectation des travailleurs à des postes spécifiques susceptibles de présenter un risque pour leur santé ou celle des autres. Son but est de déterminer si une personne est physiquement et psychologiquement apte à accomplir une tâche particulière et de s’assurer que son affectation à ce poste ne mettra pas en danger sa santé ou celle de ses collègues. Si, dans la plupart des cas, un examen des antécédents médicaux, un examen physique général et des tests de laboratoire courants (par exemple, une simple numération globulaire et une analyse d’urine) suffisent, dans d’autres, la présence de problèmes de santé ou les contraintes inhabituelles associées à un poste particulier exigent des examens fonctionnels approfondis ou des tests diagnostiques.

Un certain nombre de problèmes de santé peuvent rendre certaines tâches dangereuses pour le travailleur ou présenter un risque pour le public ou les autres travailleurs. C’est pourquoi il est parfois nécessaire, par exemple, d’exclure les travailleurs souffrant d’hypertension non contrôlée ou de diabète instable de certains postes dangereux (par exemple, pilotes d’avions ou de navires, chauffeurs de véhicules de services publics ou de poids lourds, grutiers). Pour des raisons de sécurité, le daltonisme peut aussi justifier l’exclusion des personnes qui en sont atteintes des emplois nécessitant de distinguer les couleurs (par exemple, lecture des panneaux de signalisation). Dans les emplois exigeant une excellente condition physique générale (comme la plongée en eau profonde, la lutte contre les incendies, les services de police et le pilotage d’avions), seuls les travailleurs satisfaisant aux exigences de performance sont admissibles. Il faut également tenir compte de la possibilité que certaines maladies chroniques soient aggravées par les expositions associées à un emploi particulier. Il est donc essentiel que l’examinateur connaisse en détail le poste et le milieu de travail et qu’il soit bien conscient que les descriptions de poste normalisées sont parfois superficielles ou même trompeuses.

Après avoir fait l’évaluation de santé requise, le médecin du travail devrait en communiquer les conclusions par écrit au travailleur et à l’employeur. Les résultats communiqués à l’employeur ne devraient comporter aucune donnée de nature médicale, mais tirer une conclusion sur l’aptitude de la personne pour le poste qu’elle occupe ou auquel on se propose de l’affecter, en précisant les types de travaux et les conditions de travail qui, de manière temporaire ou permanente, lui sont médicalement contre-indiqués.

L’examen médical préalable à l’emploi est important pour le dossier professionnel subséquent du travailleur, car on y trouve l’information clinique et les données de laboratoire requises sur l’état de santé de ce dernier au moment de son entrée en fonctions. Il constitue aussi une référence indispensable pour évaluer tout changement qui pourrait survenir par la suite dans son état de santé.

Les examens de santé périodiques

Ces examens sont effectués à des intervalles réguliers dans les emplois comportant une exposition à des risques potentiels pour la santé impossibles à éliminer entièrement au moyen de mesures de prévention ou de contrôle. Ces examens périodiques ont pour but de surveiller la santé des travailleurs durant toute la durée de leur emploi. Il s’agit de déterminer si les travailleurs sont aptes à occuper leur emploi et de détecter le plus tôt possible tout signe de mauvaise santé qui pourrait être attribuable au travail. Ces examens périodiques sont souvent complétés par d’autres examens selon la nature des risques observés.

Leurs objectifs sont les suivants:

Ces objectifs déterminent la fréquence, le contenu et les méthodes des examens de santé périodiques, qui peuvent être effectués à des intervalles de un à trois mois, ou de quelques années, selon la nature de l’exposition, la réponse biologique prévue, la possibilité de mettre en place des mesures préventives et la faisabilité de la méthode d’examen. Ces examens peuvent être approfondis ou se limiter à quelques tests ou analyses. Plusieurs pays ont émis des directives spéciales sur l’objet, la fréquence, le contenu et la méthodologie qui doivent être de règle.

Les examens de santé à la reprise du travail

Ce type d’examen est exigé pour autoriser la reprise du travail après une absence prolongée pour raison de santé. Il permet de déterminer l’aptitude du travailleur au travail, de recommander les mesures appropriées pour le protéger contre les expositions futures et de déterminer s’il faut le reclasser ou lui offrir une réadaptation spéciale.

De même, lorsqu’un travailleur change de poste, le médecin du travail doit certifier qu’il est apte à accomplir ses nouvelles fonctions. L’objectif visé, la nécessité et l’utilisation des résultats déterminent le contenu et la méthodologie de l’examen et le contexte dans lequel il est effectué.

Les examens de santé généraux

Dans de nombreuses entreprises, le service de santé au travail peut effectuer des examens de santé généraux. Habituellement volontaires, de tels examens peuvent être offerts à tous les salariés ou seulement à certains groupes choisis en fonction de l’âge, de la durée de l’emploi, du statut dans l’entreprise, etc. Ils peuvent être approfondis ou se limiter au dépistage de maladies ou de risques sanitaires particuliers. Leur fréquence, leur contenu et leurs méthodes sont déterminés en fonction de leurs objectifs.

Les examens de santé après la cessation d’affectation

Ce type d’évaluation de la santé se fait après la cessation de l’affectation à des postes comportant des risques susceptibles d’entraîner une atteinte ultérieure à la santé ou d’y contribuer. Son but est de faire un bilan final de la santé des travailleurs, de comparer les résultats obtenus à ceux des examens antérieurs et d’évaluer dans quelle mesure les affectations professionnelles antérieures ont pu porter atteinte à leur santé.

Observations générales

Les observations générales énoncées ci-dessous valent pour tous les types d’examens de santé.

Les examens de santé doivent être effectués par du personnel professionnel qualifié ayant reçu une formation à la santé au travail. Ces professionnels doivent bien connaître les expositions des travailleurs, les exigences physiques et autres conditions de travail propres à l’entreprise et avoir de l’expérience dans l’application des techniques et instruments d’examen médical appropriés, de même que dans la tenue correcte des dossiers.

L’examen de santé ne remplace pas les mesures de prévention ou de contrôle des expositions dangereuses dans le milieu de travail. Lorsque la prévention est efficace, le nombre d’examens nécessaires diminue.

Toutes les données recueillies dans ce cadre sont confidentielles et doivent être consignées par le service de santé au travail dans un dossier de santé personnel et confidentiel. Les données personnelles relatives aux évaluations de la santé ne peuvent être communiquées à des tiers que si le travailleur intéressé y consent en toute connaissance de cause. Le travailleur qui désire que ces données soient transmises à son médecin personnel doit accorder une autorisation expresse à cette fin.

Les conclusions quant à l’aptitude d’un travailleur à accomplir une tâche particulière, ou aux effets de cette tâche sur sa santé, devraient être communiquées à l’employeur sous une forme qui n’aille pas à l’encontre du principe de la confidentialité des données personnelles relatives à la santé.

Le recours aux examens de santé et l’utilisation de leurs résultats pour exercer quelque forme de discrimination que ce soit à l’encontre des travailleurs ne peuvent en aucun cas être tolérés et doivent être strictement interdits.

Les mesures de prévention et de contrôle

Les services de santé au travail doivent non seulement identifier et évaluer les risques potentiels pour la santé des travailleurs, mais aussi donner des conseils sur les mesures de prévention et de contrôle qui aideront à éviter ces risques.

Après analyse des résultats de la surveillance du milieu de travail (y compris, le cas échéant, de la surveillance de l’exposition individuelle des travailleurs), et de ceux de la surveillance de la santé des travailleurs (y compris, le cas échéant, de la surveillance biologique), les services de santé au travail devraient être en mesure de déterminer les liens qui peuvent exister entre l’exposition aux risques liés au travail et les atteintes à la santé et de proposer des mesures de contrôle appropriées pour protéger la santé des travailleurs. Ces mesures sont recommandées de concert avec d’autres services techniques de l’entreprise, après consultation de la direction, des employeurs, des travailleurs ou de leurs représentants.

Les mesures de contrôle devraient permettre de prévenir toute exposition inutile durant le cours normal des opérations, ou durant les accidents et les situations d’urgence. Il faudrait également tenir compte des modifications prévues des procédés de travail, et pouvoir adapter les recommandations en fonction des futurs besoins.

Les mesures de contrôle des risques pour la santé servent à éliminer les expositions professionnelles, à les réduire au minimum ou, à tout le moins, à des limites admissibles. Au nombre de ces mesures figurent avant tout les contrôles techniques du milieu de travail, la modification des processus, des substances et des matières utilisés; viennent ensuite le suivi des comportements humains, le recours à l’équipement de protection individuelle, les contrôles intégrés, etc.

La formulation de recommandations concernant les mesures de contrôle est un processus complexe qui exige d’analyser l’information sur les risques pour la santé présents dans l’entreprise et de tenir compte des exigences et des besoins en matière de sécurité et de santé au travail. Pour l’évaluation de la faisabilité et l’analyse coûts-avantages, il faut aussi tenir compte du fait que les investissements consentis dans la sécurité et la santé, s’ils ne rapportent pas nécessairement dans l’immédiat, peuvent être très profitables à long terme.

Les instruments de l’OIT prescrivent que les employeurs, les travailleurs et leurs représentants doivent collaborer et participer à la mise en application de ces recommandations. Celles-ci sont habituellement analysées par le comité de sécurité et d’hygiène dans les grandes entreprises, ou par les représentants des employeurs et des travailleurs dans les petites. Il importe de bien documenter les recommandations proposées de façon à pouvoir faire un suivi de leur mise en œuvre. Cette documentation doit faire ressortir qu’il incombe à la direction de mettre en place des mesures de prévention et de contrôle dans l’entreprise.

La fonction de conseil

L’une des fonctions importantes des services de santé au travail est de donner des conseils à la direction de l’entreprise, aux employeurs, aux travailleurs et aux comités de sécurité et d’hygiène, tant à titre collectif qu’à titre individuel. Il importe que cette fonction soit reconnue et intégrée à la démarche de prise de décisions; il arrive en effet souvent que les professionnels de la santé au travail ne participent pas directement à cette prise de décisions.

La convention no 161 et la recommandation no 171 de l’OIT se prononcent toutes deux en faveur du rôle consultatif des professionnels de la santé au travail au sein de l’entreprise. Pour promouvoir l’adaptation du travail aux travailleurs et améliorer les conditions et le milieu de travail, les services de santé au travail devraient agir en qualité de conseillers en matière de santé et d’hygiène du travail, d’ergonomie et d’équipement de protection individuelle et collective auprès de l’employeur, des travailleurs et de leurs représentants dans l’entreprise, ainsi qu’auprès du comité de sécurité et d’hygiène; ils devraient en outre collaborer avec les autres services agissant déjà comme conseillers dans ces domaines. Ils devraient aussi donner des conseils sur la planification et l’organisation du travail, la conception des lieux de travail, le choix, l’entretien et l’état des machines et autres équipements, ainsi que sur les substances et matières utilisées dans l’entreprise. Ils devraient, de surcroît, participer à l’élaboration des programmes d’amélioration des méthodes de travail, ainsi qu’aux essais et à l’évaluation des aspects sanitaires des nouveaux équipements.

Ces services devraient enfin prodiguer aux travailleurs des conseils personnels sur leur santé en relation avec le travail.

Une autre de leurs tâches importantes est de donner des conseils et des informations sur l’intégration des travailleurs victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles en vue de les aider à se réadapter rapidement, de sauvegarder leur capacité de travail, de réduire l’absentéisme et de rétablir un bon climat psychosocial dans l’entreprise.

Les activités d’éducation et de formation sont étroitement liées au rôle de conseillers que jouent les professionnels de la santé au travail auprès des employeurs et des travailleurs. Ces activités sont particulièrement importantes lorsqu’on envisage d’apporter des modifications aux installations ou d’acquérir des équipements nouveaux, ou que l’on prévoit des changements dans l’aménagement des lieux de travail, des postes de travail et dans l’organisation du travail. Elles sont profitables lorsqu’elles sont mises en œuvre au bon moment, car elles permettent de mieux tenir compte des facteurs humains et des principes ergonomiques dans l’amélioration des conditions et du milieu de travail.

Les services de conseil technique offerts sur les lieux de travail sont une importante fonction de prévention des services de santé au travail. Sur ce chapitre, la priorité doit être accordée à la sensibilisation aux risques professionnels et à la participation des employeurs et des travailleurs au contrôle des risques et à l’amélioration du milieu de travail.

Les services de premiers secours et la capacité d’intervention en cas d’urgence

L’organisation des premiers secours et des soins d’urgence relève traditionnellement des services de santé au travail. La convention no 161 et la recommandation no 171 disposent que les services de santé au travail doivent assurer les premiers secours et les soins d’urgence aux travailleurs victimes d’accidents ou de malaises sur les lieux de travail et collaborer à l’organisation des premiers secours.

Cela inclut la capacité d’intervention en cas d’accidents ou d’affections aiguës chez les travailleurs, de même que la capacité d’intervenir en collaboration avec d’autres services d’urgence en cas d’accidents graves affectant toute l’entreprise. La formation aux premiers secours est essentielle dans les services de santé au travail, car le personnel de ces services est en première ligne pour intervenir.

Ces services doivent aussi prendre des dispositions préliminaires avec les services ambulanciers, les services de sapeurs-pompiers, de police et de sauvetage, ainsi qu’avec les hôpitaux locaux, en vue d’éviter tout retard et toute confusion qui pourraient menacer la survie des travailleurs gravement blessés ou atteints. Ces arrangements, complétés par des exercices lorsque cela est faisable, sont particulièrement importants pour la préparation aux principales situations d’urgence (incendies, explosions, émissions de substances toxiques et autres catastrophes) qui peuvent affecter de nombreuses personnes dans l’entreprise aussi bien qu’à proximité et risquent de faire de nombreuses victimes.

La protection de la santé au travail et les services de santé préventifs et curatifs généraux

Les services de santé au travail participent parfois au diagnostic, au traitement et à la réadaptation des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Grâce à leur connaissance combinée de ces accidents et maladies, d’une part, et des tâches, du milieu de travail et des expositions sur les lieux de travail, d’autre part, les professionnels de la santé au travail sont en mesure de jouer un rôle capital dans la prise en charge des problèmes de santé liés au travail.

Selon l’ampleur de leurs activités, les exigences de la législation ou la pratique nationales, les services de santé au travail peuvent être classés en trois grandes catégories:

La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, encourage les services de santé au travail à offrir des soins curatifs et généraux lorsque ce genre de soins est approprié. Selon la législation et la pratique nationales, ces services peuvent donc offrir une ou plusieurs des activités curatives suivantes concernant les maladies professionnelles ou y participer:

La prestation de soins préventifs et curatifs généraux englobe la prévention et le traitement des maladies non professionnelles et d’autres services de soins de santé primaires. Habituellement, les soins préventifs généraux comprennent les immunisations, les soins à la mère et à l’enfant et les services d’hygiène généraux, tandis que les soins curatifs généraux comprennent les soins de médecine générale classiques. Ici, la recommandation no 171 précise que les services de santé au travail peuvent, compte tenu de l’organisation de la médecine préventive au niveau national, s’acquitter des fonctions suivantes:

Les services de santé au travail des grandes entreprises, de même que ceux qui œuvrent dans des régions éloignées ou mal desservies sur le plan médical, sont parfois appelés à fournir des soins de santé généraux non liés au travail, non seulement aux travailleurs, mais aussi à leur famille. L’ampleur de ces services dépend de l’infrastructure des services de santé locaux et de la capacité des entreprises. Dans le cas d’entreprises industrielles établies dans des régions peu développées, il peut même être opportun d’offrir ces services parallèlement aux services d’hygiène du travail.

Dans certains pays, les services de santé au travail offrent, durant les heures de travail, des soins ambulatoires normalement fournis par un omnipraticien. Il s’agit habituellement de traitements simples, mais aussi parfois de soins médicaux plus poussés, lorsque l’entreprise a conclu un accord avec la sécurité sociale ou d’autres régimes d’assurance remboursant les frais de traitement des travailleurs.

La réadaptation

La participation des services de santé au travail est capitale lorsqu’il s’agit de planifier la réadaptation des travailleurs et leur retour au travail. Cette question prend d’ailleurs de plus en plus d’importance vu le grand nombre d’accidents du travail dans les pays en développement et le vieillissement de la population active dans les sociétés industrielles. Les services de réadaptation sont habituellement offerts par des unités extérieures, autonomes ou rattachées à un hôpital, et dotées de spécialistes de la réadaptation, d’ergothérapeutes, de conseillers d’orientation professionnelle, etc.

Certains aspects importants de la participation des services de santé au travail à la réadaptation des travailleurs victimes d’accidents doivent être soulignés.

Premièrement, le service de santé au travail peut jouer un grand rôle en s’assurant que le travailleur en convalescence après un accident ou une maladie lui est envoyé sans délai. Il est en effet préférable, lorsque cela est possible, que le travailleur réintègre son poste de travail antérieur et il importe que le service de santé au travail reste en contact, durant la période d’incapacité, avec ceux qui ont été chargés du traitement pendant le stade aigu de sa maladie afin de pouvoir déterminer le moment où un retour au travail pourra être envisagé.

Deuxièmement, le service de santé au travail peut faciliter un retour rapide au travail en collaborant à sa planification avec le service de réadaptation. Sa connaissance de l’emploi et du milieu de travail devrait aider à déterminer s’il est possible de modifier l’emploi antérieur (par exemple, changement d’affectation, heures de travail limitées, périodes de repos, équipement spécial, etc.) ou de trouver une solution de changement temporaire de poste.

Enfin, en suivant l’évolution de l’état du travailleur, le service de santé au travail peut tenir la direction au courant de la durée probable de l’absence de ce dernier ou de la limitation de son aptitude, ou de l’ampleur de toute incapacité résiduelle, afin que des mesures de remplacement puissent être prises avec le moins de perturbation possible quant au calendrier de production. D’autre part, en restant en contact avec le travailleur (et souvent avec sa famille), le service facilite son retour au travail.

L’adaptation du travail aux travailleurs

Pour faciliter l’adaptation du travail aux travailleurs et améliorer les conditions et le milieu de travail, les services de santé au travail devraient donner à l’employeur, ainsi qu’aux travailleurs et au comité de sécurité et d’hygiène de l’entreprise, des conseils sur les aspects concernant la santé au travail, l’hygiène du travail et l’ergonomie. Ils peuvent ainsi recommander d’apporter des modifications au poste de travail, à l’équipement et au milieu de travail afin de permettre au travailleur d’accomplir ses tâches efficacement et en toute sécurité. Pour cela, il peut être nécessaire de réduire la charge de travail physique d’un travailleur âgé, de fournir un équipement spécial au travailleur ayant une déficience sensorielle ou locomotrice, ou d’adapter l’équipement ou les méthodes de travail aux dimensions anthropométriques du travailleur. Ces adaptations peuvent n’être nécessaires que pour une période temporaire dans le cas de travailleurs en convalescence après un accident ou une maladie. Un certain nombre de pays ont adopté des dispositions légales exigeant des adaptations du lieu de travail.

La protection des groupes vulnérables

Les services de santé au travail doivent faire des recommandations pour protéger les travailleurs vulnérables tels que ceux présentant des hypersensibilités, ou qui sont atteints de maladies chroniques ou de certaines incapacités. Il peut s’agir d’affecter ces travailleurs à un poste qui réduit au minimum les effets indésirables, de leur fournir un équipement spécial ou des dispositifs de protection, de leur prescrire des congés de maladie, etc. Ces recommandations doivent être applicables compte tenu des circonstances dans un lieu de travail particulier; ces travailleurs pourront par ailleurs être tenus de suivre une formation spéciale sur les méthodes de travail appropriées et l’utilisation des moyens de protection individuelle.

L’information, l’éducation et la formation

Les services de santé au travail devraient contribuer activement à la diffusion de l’information pertinente et à l’organisation de l’éducation et de la formation en relation avec le travail.

La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, prévoient la participation des services de santé au travail à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes d’information, d’éducation et de formation en matière de sécurité et de santé au travail à l’intention du personnel de l’entreprise. Ils devraient aussi participer à la formation progressive et continue de tous ceux qui, dans l’entreprise, contribuent à la sécurité et à la santé au travail.

Les professionnels de la santé au travail peuvent aider à sensibiliser davantage les travailleurs aux risques professionnels auxquels ils sont exposés, discuter avec eux de ces risques et les conseiller sur les moyens de protéger leur santé, notamment sur les mesures de protection et l’utilisation appropriée de l’équipement de protection individuelle. Tout contact avec les travailleurs constitue une occasion de fournir des informations utiles et d’encourager l’adoption de comportements favorables à la santé sur les lieux de travail.

Les services de santé au travail devraient fournir toutes les informations nécessaires sur les risques professionnels présents dans l’entreprise, ainsi que sur les normes de sécurité et d’hygiène pertinentes pour la situation locale. Ces informations doivent être rédigées dans une langue compréhensible par les travailleurs et être diffusées régulièrement, en particulier lorsque de nouvelles substances ou de nouveaux équipements sont introduits ou que des changements sont apportés au milieu de travail.

L’éducation et la formation peuvent jouer un rôle capital dans l’amélioration des conditions et du milieu de travail. Les efforts visant à améliorer la sécurité, la santé et le bien-être au travail sont souvent considérablement limités par le manque de connaissances, de compétences techniques et de savoir-faire. L’éducation et la formation dans certains domaines particuliers de la sécurité et de la santé au travail et des conditions de travail peuvent faciliter tant le diagnostic des problèmes que la mise en œuvre des solutions et, donc, aider à surmonter ces obstacles.

Les conventions nos 155 et 161, et les recommandations qui les accompagnent, insistent sur l’importance de l’éducation et de la formation dans l’entreprise. La formation est en effet indispensable à l’exécution des obligations tant de l’employeur que des travailleurs. Le premier est responsable de l’organisation de la formation maison en matière de sécurité et de santé au travail; les seconds et leurs représentants au sein de l’entreprise doivent lui offrir toute leur collaboration en ce sens.

La formation en matière de sécurité et de santé au travail devrait faire partie intégrante de l’effort général d’amélioration des conditions et du milieu de travail et les services de santé au travail devraient jouer un rôle important à cet égard. Cette formation devrait viser à résoudre les divers problèmes qui affectent le bien-être physique et mental des travailleurs et aborder les questions de l’adaptation à la technologie et à l’équipement, de l’amélioration du milieu de travail, de l’ergonomie, de l’aménagement des horaires de travail, de l’organisation du travail, de la nature des tâches et du bien-être des travailleurs.

Les activités de promotion de la santé

On a parfois tendance, notamment en Amérique du Nord, à confondre les programmes de promotion du mieux-être avec les programmes de santé au travail. Ces derniers sont essentiellement des programmes généraux de promotion de la santé qui peuvent comporter des éléments comme l’éducation à la santé, la gestion du stress et l’évaluation des risques pour la santé et qui visent habituellement à modifier les habitudes d’hygiène personnelle (comme l’abus d’alcool et de drogues, le tabagisme, l’alimentation et l’exercice physique) en vue d’améliorer l’état de santé général des travailleurs et de réduire l’absentéisme. Bien que ces programmes soient censés accroître la productivité et réduire les dépenses de santé, ils n’ont jamais été sérieusement évalués jusqu’à présent. Conçus comme des programmes de promotion de la santé, et fort valables à ce titre, ces programmes ne sont habituellement pas considérés comme des programmes de santé au travail, mais plutôt comme des services de santé publique dispensés sur les lieux de travail, car ils mettent avant tout l’accent sur les habitudes d’hygiène personnelle et non sur la protection des travailleurs contre les dangers présents au travail.

Il faudrait reconnaître que la mise en œuvre de programmes de promotion de la santé contribue dans une large mesure à améliorer la santé des travailleurs dans l’entreprise. Dans certains pays, la «promotion de la santé sur les lieux de travail» est considérée comme une discipline distincte, à part entière, et est assurée par des groupes de travailleurs de la santé totalement indépendants, autres que les professionnels de la santé au travail. Il faut alors que leurs activités soient coordonnées avec celles du service de santé au travail, qui pourra en évaluer la pertinence, la faisabilité et la persistance des effets. La participation du service de santé au travail à l’implantation des programmes de promotion de la santé ne devrait pas nuire à l’exécution de ses principales fonctions en tant que service de santé spécialisé créé pour protéger les travailleurs contre les expositions nocives et les conditions de travail malsaines sur les lieux de travail.

Dans certains pays (par exemple, les Pays-Bas, la Finlande), on a intégré les activités de promotion de la santé au travail aux services de santé au travail. Ces activités visent à promouvoir et à maintenir la capacité de travail des travailleurs en axant les mesures de prévention précoce et de promotion sur les travailleurs et leur santé, le milieu de travail et l’organisation du travail. Les résultats obtenus s’avèrent des plus positifs.

La collecte de données et la tenue de dossiers

Il est important de consigner soigneusement toutes les consultations, évaluations, appréciations et enquêtes médicales pour les retrouver des années et même des décennies plus tard, que ce soit pour assurer le suivi des examens de santé ou à des fins juridiques ou de recherche.

La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, dispose que les services de santé au travail devraient consigner les données relatives à la santé dans des dossiers personnels et confidentiels de santé. Ces dossiers devraient comprendre, en outre, des informations sur les emplois tenus par les travailleurs, sur leur exposition aux risques professionnels inhérents à leur travail et sur les résultats de toute évaluation de leur exposition à ces risques. Les données personnelles relatives aux évaluations de santé ne devraient être communiquées à des tiers que si le travailleur intéressé y consent en toute connaissance de cause.

Les conditions et la durée de conservation des dossiers personnels de santé, les conditions de leur transfert et de leur communication, ainsi que les mesures requises pour préserver leur caractère confidentiel, notamment lorsque les informations qu’ils contiennent sont informatisées, sont habituellement prescrites par la législation nationale ou par l’autorité compétente, et régies par des directives d’éthique reconnues.

La recherche

Selon la recommandation no 171, les services de santé au travail, en consultation avec les représentants des employeurs et des travailleurs, devraient, dans la mesure de leurs moyens, contribuer à la recherche en participant à des études conduites au niveau de l’entreprise ou de la branche d’activité (par exemple, pour recueillir des données à des fins épidémiologiques ou participer à des programmes nationaux de recherche). Les médecins du travail participant à la mise en œuvre de projets de recherche seront dès lors tenus de se conformer aux considérations éthiques qu’appliquent à ce genre de projets l’Association médicale mondiale (AMM) et le Conseil des organisations internationales des sciences médicales (COISM). La recherche dans le milieu de travail fait parfois appel à des «volontaires» en bonne santé; le service de santé au travail doit alors fournir à ceux-ci toutes les informations nécessaires sur l’objet et la nature de la recherche. Chaque participant devrait donner son consentement personnel avant de participer au projet; un consentement collectif accordé par le syndicat des travailleurs de l’entreprise ne suffit pas. Les travailleurs doivent se sentir libres de se retirer du projet à tout moment et le service de santé au travail devrait s’assurer qu’ils ne sont pas soumis à des pressions indues pour les inciter à y participer contre leur volonté.

La liaison et les communications

Un service de santé au travail efficace doit nécessairement s’occuper d’activités de communication diverses.

La collaboration interne

Le service de santé au travail fait partie intégrante de l’appareil de production de l’entreprise. Il doit coordonner étroitement ses activités avec celles des services d’hygiène du travail, de sécurité au travail, d’éducation à la santé, de promotion de la santé et d’autres services directement concernés par la santé des travailleurs, lorsque ces services fonctionnent séparément. Il doit en outre collaborer avec tous les services de l’entreprise: administration du personnel, finances, relations avec les salariés, planification et conception, technique de la production, entretien des installations, etc. Rien ne devrait faire obstacle à la communication avec les autres services de l’entreprise lorsqu’il s’agit de la sécurité et de la santé des travailleurs. En même temps, le service de santé au travail devrait tenir compte des besoins et des contraintes de tous les autres services. S’il ne relève pas d’un cadre supérieur, il doit bénéficier d’un accès direct privilégié à la haute direction pour lui signaler tout cas où des recommandations importantes concernant la santé des travailleurs ne seraient pas dûment prises en considération.

Pour être efficace, le service de santé au travail doit avoir l’appui de la direction de l’entreprise, de l’employeur, des travailleurs et de leurs représentants. Les instruments de l’OIT (OIT, 1981a; 1981b; 1985a; 1985b) demandent que l’employeur et les travailleurs coopèrent et participent à l’organisation et à la mise en œuvre des services de santé au travail, sur une base équitable. L’employeur devrait aider le service de santé au travail à atteindre ses objectifs, notamment:

Lorsqu’il faut mettre en place un programme spécial de santé au travail dans une entreprise, il est essentiel que l’employeur et le service de santé au travail collaborent à sa préparation, ainsi qu’à la rédaction du rapport d’activité.

Le but des services de santé au travail est de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs par la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Nombre des fonctions de ces services ne peuvent être exécutées sans la collaboration des travailleurs. Les instruments de l’OIT recommandent aux travailleurs et à leurs organisations de coopérer avec les services de santé au travail et de les soutenir dans l’exécution de leurs tâches (OIT, 1981a; 1981b; 1985a; 1985b). Ils peuvent le faire, en particulier:

Les instruments de l’OIT recommandent une collaboration entre l’employeur et les travailleurs sur les questions de sécurité et de santé au travail (OIT, 1981a; 1981b; 1985a; 1985b). Cette collaboration se fait au sein du comité de sécurité et d’hygiène composé de représentants des travailleurs et de l’employeur, qui constitue un lieu de rencontre pour discuter des questions concernant la santé et la sécurité au travail. La création de ce comité peut être prescrite par la législation ou par les conventions collectives dans les entreprises comptant cinquante travailleurs ou plus. Dans les petites entreprises, les fonctions de ce comité sont remplies en principe par des discussions moins formelles entre les délégués des travailleurs à la sécurité et l’employeur.

Le comité de sécurité et d’hygiène exerce un large éventail de fonctions (OIT, 1981b), dont les suivantes:

Les directives récentes sur la pratique de la santé au travail insistent sur le principe de la participation des travailleurs aux décisions concernant leur sécurité et leur santé, ainsi qu’à celles portant sur les changements apportés aux emplois et aux milieux de travail, et sur les activités de sécurité et de santé. Ce principe veut aussi que les travailleurs aient accès à l’information sur les activités mises en œuvre dans l’entreprise concernant la sécurité et la santé au travail et sur tout risque potentiel pour la santé qui peut être présent sur les lieux de travail. En conséquence, les principes du «droit de savoir» et de la transparence ont été adoptés ou renforcés dans la législation de nombreux pays.

La collaboration externe

Les services de santé au travail devraient entretenir d’étroites relations avec les services et institutions extérieurs, notamment avec le système national de santé publique et avec les institutions et établissements locaux. Ce réseau de relations commence à l’échelon des unités de soins de santé primaires et s’étend jusqu’à celui des services spécialisés en établissement hospitalier, dont certains peuvent également fournir des services de santé au travail. Ces relations sont importantes lorsqu’il faut diriger des travailleurs vers des services de santé spécialisés pour les soumettre à une évaluation et à un traitement particuliers en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, de même que lorsqu’il faut trouver des moyens d’atténuer les éventuels effets indésirables sur l’assiduité et le rendement au travail des problèmes de santé non liés au travail. La collaboration avec les services de santé publique et les services d’hygiène du milieu est aussi importante. En invitant les omnipraticiens et autres professionnels de la santé à visiter les services de santé au travail et à se familiariser avec les contraintes auxquelles sont soumis leurs patients à leur poste de travail ou avec les dangers auxquels ils sont exposés, on peut non seulement favoriser l’établissement de relations amicales, mais sensibiliser aussi ces professionnels à certains aspects particuliers des problèmes de santé au travail dont ils ne tiendraient ordinairement pas compte dans le cadre des soins de santé généraux qu’ils dispensent aux travailleurs.

Les établissements de réadaptation travaillent souvent en collaboration avec les services de santé au travail, notamment dans le cas de travailleurs atteints de handicaps ou d’incapacités chroniques dont la capacité de travail ne peut parfois être maintenue ou améliorée qu’au moyen de mesures spéciales. Cette collaboration est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de recommander des modifications temporaires du poste de travail pour accélérer et faciliter le retour au travail des personnes relevant de lésions ou de maladies graves, d’origine professionnelle ou non.

Par ailleurs, les organismes d’intervention en cas d’urgence et les prestataires de premiers secours, comme les services ambulanciers, les services de consultations externes et de soins d’urgence des hôpitaux, les centres antipoison, les services de police et de lutte contre l’incendie et les organisations de protection civile, peuvent assurer le traitement rapide des lésions et maladies aiguës, aider à prévenir les situations d’urgence majeure et contribuer à y faire face.

L’établissement de liens appropriés avec les institutions de sécurité sociale et d’assurance santé peut faciliter l’administration des prestations et le fonctionnement du système de réparation des accidents du travail.

Les autorités compétentes en matière de sécurité et de santé et les services d’inspection du travail sont également des partenaires clés des services de santé au travail. Outre qu’il permet d’accélérer les inspections systématiques, le maintien de relations appropriées avec ces instances peut faciliter les activités internes de sécurité et de santé au travail et donner des occasions de participer à la formulation de règlements et de méthodes d’application.

L’appartenance à des sociétés professionnelles et la participation aux activités des établissements d’éducation et de formation et des universités représentent un atout pour organiser l’éducation continue des membres du personnel s’occupant de santé au travail. Idéalement, les dépenses en temps et en argent consacrées à ces activités devraient être aux frais de l’entreprise. De surcroît, les contacts établis dans les établissements d’enseignement avec des professionnels de la santé au travail œuvrant dans d’autres entreprises permettent d’obtenir des informations et des idées précieuses et peuvent conduire à des partenariats avantageux pour la collecte de données et la recherche.

Les types de collaboration décrits ci-dessus devraient être amorcés dès la création du service de santé au travail, se poursuivre et s’étendre au besoin. Ils peuvent en effet non seulement aider le service à atteindre ses objectifs, mais aussi faciliter les activités de relations publiques et les actions locales de l’entreprise.

L’infrastructure des services de santé au travail

L’infrastructure pour la prestation des services de santé au travail n’est pas assez développée dans la plupart des régions du monde, y compris dans les pays industriels et en développement. Les besoins à cet égard sont particulièrement criants dans les pays en développement et dans les nouveaux pays industriels, où vivent 80% des travailleurs de la planète. S’ils étaient organisés de façon convenable et efficace, ces services contribueraient pour beaucoup non seulement à la santé des travailleurs, mais aussi au développement socio-économique général, à la productivité, à l’hygiène du milieu et au bien-être des pays, des collectivités et des familles (OMS, 1995b; Jeyaratnam et Chia, 1994). Ils permettraient aussi de diminuer l’absentéisme pour maladie et les incapacités de travail évitables, tout en contenant les coûts des soins de santé et de sécurité sociale. La mise en place de services de santé au travail couvrant tous les travailleurs est donc tout à fait justifiée tant du point de vue de la santé des travailleurs que de celui de l’économie.

L’infrastructure pour la prestation des services de santé au travail devrait contribuer à mettre efficacement en œuvre les activités nécessaires pour atteindre les objectifs de ces services (OIT, 1985a; 1985b; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994; OMS, 1989b). Pour conférer la latitude voulue, l’article 7 de la convention no 161 de l’OIT dispose que les services de santé au travail peuvent être organisés, selon le cas, soit en tant que services desservant une seule entreprise, soit en tant que services desservant plusieurs entreprises. Ou, conformément aux conditions et à la pratique nationales, ils peuvent être organisés par les entreprises ou groupes d’entreprises intéressés, les pouvoirs publics ou les services officiels, les institutions de sécurité sociale, tout autre organisme habilité par l’autorité compétente, ou toute combinaison des formules précédentes.

Dans certains pays, des règlements définissent l’organisation des services de santé au travail en fonction de la taille de l’entreprise. Par exemple, les grandes entreprises sont tenues de mettre en place leur propre service interne de santé au travail, et les petites et moyennes, de se joindre à des services interentreprises. En règle générale, la législation est souple quant au choix du modèle structurel des services de santé au travail de façon à favoriser l’adaptation aux conditions et aux pratiques locales.

Les modèles de services de santé au travail

Pour répondre aux besoins des entreprises en matière de santé au travail, besoins qui varient grandement selon le type d’industrie, l’ampleur des opérations, le genre d’activité, la structure de l’entreprise, etc., plusieurs modèles de services ont été mis au point (Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994; OMS, 1989). Dans les pays en développement et les nouveaux pays industriels, par exemple, où les soins de santé dispensés à l’ensemble de la population sont parfois déficients, les services de santé au travail peuvent fournir aux salariés et à leur famille des soins de santé primaires non liés au travail. Ce modèle a également été adopté avec succès en Finlande, en Suède et en Italie (Rantanen, 1990; OMS, 1990). Les travailleurs finlandais doivent par ailleurs l’étendue de la protection qui leur est offerte à la création de centres de santé municipaux qui fournissent des services de santé au travail aux travailleurs des petites entreprises, aux travailleurs indépendants et même à ceux des petits ateliers exploités par les grandes entreprises aux quatre coins du pays.

Le modèle interne (au sein de l’entreprise)

De nombreuses entreprises industrielles et non industrielles des secteurs public et privé ont mis sur pied, sur les lieux de travail, un service intégré et complet de santé au travail qui offre non seulement un éventail complet de services dans son domaine de spécialisation, mais aussi parfois d’autres types de services de santé aux travailleurs et à leur famille; certains font même de la recherche. Ces services sont habituellement dotés d’un personnel multidisciplinaire pouvant compter aussi bien des médecins et du personnel infirmier du travail que des hygiénistes du travail, des ergonomistes, des toxicologues, des physiologistes du travail, des techniciens de laboratoire et des techniciens en radiologie et, même, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des éducateurs sanitaires, des conseillers et des psychologues du travail. Des services de sécurité et d’hygiène du travail peuvent aussi être dispensés par le personnel leur appartenant ou par des unités distinctes au sein de l’entreprise. En général, seules les grandes entreprises (souvent multinationales) peuvent se permettre ce genre d’unités multidisciplinaires, dont la qualité des services et l’impact sur la santé et la sécurité sont des plus probants.

Les entreprises de moindre importance ont parfois elles aussi des services internes dotés de personnel infirmier d’entreprise et d’un médecin du travail à temps partiel, qui effectue ses visites dans le service soit plusieurs heures par jour, soit plusieurs fois par semaine. Une variante est l’unité dotée de personnel infirmier d’entreprise et d’un médecin qui fournit des services «sur demande», ne vient qu’en cas de besoin et donne habituellement des «consignes permanentes» autorisant le personnel infirmier à effectuer certaines interventions et à délivrer des médicaments, procédures qui sont normalement la prérogative exclusive des médecins agréés. Dans certains cas, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ces services sont exploités et supervisés par un organisme extérieur, comme un hôpital local ou une entreprise privée.

Pour diverses raisons, les services de santé au travail s’éloignent parfois de plus en plus de la structure opérationnelle centrale de l’entreprise, si bien que la gamme des services qu’ils offrent finit par se limiter aux premiers soins et au traitement des lésions et des maladies professionnelles aiguës, ainsi qu’aux examens médicaux de routine. Souvent, les médecins à temps partiel, et en particulier les médecins sur appel, connaissent mal les caractéristiques du milieu de travail ou des tâches effectuées, n’ont que des contacts superficiels avec les dirigeants et le comité de sécurité, ou n’ont pas assez d’autorité pour recommander les mesures de prévention appropriées et pour les faire respecter.

Dans le cadre des compressions d’effectifs effectuées en période de récession, certaines grandes entreprises réduisent leurs services de santé au travail et, dans certains cas, les éliminent carrément. C’est le cas notamment lorsqu’une entreprise possédant un service de santé au travail est acquise par une autre qui n’en avait pas. L’entreprise peut alors faire appel à des ressources externes pour gérer le service interne et recourir, au besoin, à des consultants pour offrir des services spécialisés tels que des services d’hygiène du travail, de toxicologie et de prévention technique. Certaines entreprises choisissent de conserver un spécialiste de la santé au travail et de l’hygiène du milieu qui, à titre de directeur médical interne, coordonne les services offerts par les prestataires externes, évalue la performance de ceux-ci et conseille la direction sur les questions concernant la sécurité et la santé des salariés et les problèmes environnementaux.

Le modèle interentreprises

La mise en commun des services de santé au travail par des groupes de petites ou moyennes entreprises est fréquente dans certains pays industriels comme la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède. Les entreprises trop petites pour avoir leur propre service peuvent ainsi profiter des avantages d’un service bien doté, bien équipé et complet. Le Plan Slough, organisé il y a plusieurs décennies dans une communauté industrielle au Royaume-Uni, a été un pionnier du genre. Dans les années quatre-vingt, diverses expériences intéressantes menées en Suède, qui faisaient appel à des centres régionaux de santé au travail, se sont révélées faisables et particulièrement utiles pour les entreprises de taille moyenne; certains pays, comme le Danemark, se sont efforcés d’accroître la taille des unités partagées pour leur permettre d’offrir une gamme de services plus vaste au lieu de les diviser en unités monodisciplinaires plus petites.

Un inconvénient fréquent de ces services de groupe par rap-port aux services internes des grandes entreprises tient à la distance qui les sépare des lieux de travail. Cet aspect est important non seulement lorsqu’il faut administrer les premiers soins dans les cas d’accidents graves (il est d’ailleurs parfois plus prudent d’envoyer ces cas directement à l’hôpital local sans passer par le service de santé au travail), mais aussi parce que le travailleur perd habituellement davantage de temps lorsqu’il doit quitter les lieux pour se faire soigner pendant les heures de travail. La formule présente aussi des difficultés lorsque les entreprises participantes ne sont pas en mesure d’apporter une contribution financière suffisante pour assurer le fonctionnement du service, qui est alors contraint de fermer dès que la subvention de démarrage qu’a pu offrir le gouvernement ou une fondation privée n’est plus renouvelée.

Le modèle sectoriel (spécifique de la branche d’activité)

L’utilisation conjointe d’un service de santé au travail par plusieurs entreprises de la même branche d’activité est une variante du modèle interentreprises. Les secteurs de la construction, de l’alimentation, de l’agriculture, des banques et des assurances ont adopté cette formule en Europe, notamment en France, aux Pays-Bas et en Suède. L’avantage de ce modèle est de permettre aux services de santé au travail de concentrer leurs activités sur un secteur particulier et d’acquérir ainsi une compétence spéciale dans la prise en charge de ses problèmes. Un modèle de ce genre, adopté dans le secteur de la construction en Suède, offre des services multidisciplinaires de pointe de grande qualité dans tout le pays et a même été en mesure d’effectuer des recherches et d’élaborer des programmes portant sur les problèmes propres à ce secteur.

Les services hospitaliers de consultation externe

Les unités de consultation externe et de soins d’urgence des hôpitaux ont toujours offert des services aux travailleurs blessés ou malades qui viennent s’y faire soigner. Un inconvénient notoire de cette formule vient du fait que le personnel hospitalier et les médecins ont une connaissance sommaire des maladies professionnelles. Dans certains cas, comme mentionné plus haut, les services de santé au travail ont pris des dispositions avec les hôpitaux locaux pour fournir certains services spécialisés et combler les lacunes soit en collaborant aux soins, soit en offrant au personnel hospitalier une formation concernant le genre de cas susceptibles de lui être envoyés.

Certains hôpitaux ont mis en place récemment des unités ou des services spéciaux de santé au travail qui supportent avantageusement la comparaison avec les services internes ou interentreprises décrits ci-dessus. Ces services sont dotés de médecins spécialisés en santé du travail et qui font parfois des recherches sur le type de problèmes qui leur sont soumis. La Suède, par exemple, compte huit centres régionaux de médecine du travail, dont plusieurs sont rattachés à une université ou à une faculté de médecine et qui offrent des services aux entreprises de plusieurs secteurs. Plusieurs de ces centres possèdent une unité spéciale qui dessert les petites entreprises.

Une différence importante entre les services de groupe et les services offerts en milieu hospitalier tient au fait que les premiers appartiennent habituellement aux entreprises participantes, qui décident de leur mode de fonctionnement, alors que les seconds sont des polycliniques privées ou publiques qui ont, avec les entreprises clientes, un rapport de prestataire à bénéficiaire. Cela limite, par exemple, l’influence que peuvent avoir la participation et la collaboration employeurs-travailleurs sur le fonctionnement de l’unité.

Les dispensaires privés

Le dispensaire privé est habituellement mis sur pied par un groupe de médecins (il peut aussi l’être par une entreprise privée qui emploie des médecins) en vue d’offrir plusieurs types de services de santé en consultation externe et, parfois, en établissement. Les grands dispensaires, souvent dotés d’un personnel multidisciplinaire, peuvent offrir des services d’hygiène du travail et de physiothérapie, alors que les petits ne fournissent en général que des services médicaux. Comme dans le modèle des services hospitaliers de consultation externe, la relation de type prestataire-client établie avec les entreprises participantes peut nuire à l’application du principe de la participation de l’employeur et des travailleurs à l’élaboration des politiques et des procédures.

Dans certains pays, les dispensaires ont été critiqués parce qu’ils mettaient trop l’accent sur les services cliniques curatifs offerts par des médecins. Ces critiques sont justifiées dans le cas des petits dispensaires où les services sont fournis par des omnipraticiens au lieu de l’être par des professionnels de la santé ayant de l’expérience en matière de santé au travail.

Les unités de soins de santé primaires

Les unités de soins de santé primaires, habituellement mises sur pied par les autorités municipales ou d’autres instances locales, ou par le système de santé national, fournissent généralement des services de prévention et des soins de santé primaires. C’est le modèle que prône l’OMS pour offrir des services aux petites entreprises et, en particulier, aux entreprises agricoles, au secteur informel et aux travailleurs indépendants. Comme les généralistes et le personnel infirmier ne possèdent en général ni spécialisation ni expérience en matière de santé au travail, le succès de la formule dépend beaucoup de la formation à la santé au travail et à la médecine du travail qui peut être donnée aux professionnels de la santé.

Le modèle a l’avantage de bien couvrir le pays où il est en vigueur et d’être implanté au sein même des communautés où vivent et travaillent les gens qu’il dessert. C’est certes là un avantage incontestable pour toucher les travailleurs agricoles et les travailleurs indépendants.

En revanche, l’une de ses faiblesses est de mettre l’accent sur les soins curatifs généraux et le traitement des cas d’urgence et de ne guère être en mesure d’exercer une surveillance du milieu de travail et d’instituer les mesures de prévention nécessaires sur les lieux de travail. L’expérience de la Finlande, où de très grandes unités de soins de santé primaires dotées d’équipes de spécialistes chevronnés offrent des services de santé au travail, est toutefois très positive. De nouveaux modèles fort intéressants de services de santé au travail fournis par des unités de soins de santé primaires ont été mis à l’essai dans la région de Shanghai (Chine).

Le modèle de la sécurité sociale

En Espagne, en Israël, au Mexique et dans certains pays africains, par exemple, les services de santé au travail sont fournis par des unités spéciales mises sur pied et administrées par le système de sécurité sociale. Si, en Israël, ces services ont une structure et un mode de fonctionnement essentiellement similaires à ceux du modèle interentreprises, ailleurs, ils sont habituellement axés davantage sur les soins curatifs. Ce modèle a comme caractéristique particulière d’être exploité par l’organisme responsable de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il fournit certes des services de soins curatifs et de réadaptation, mais l’accent qu’il met sur la maîtrise des coûts de la sécurité sociale l’a amené à accorder la priorité aux services préventifs.

Le choix d’un modèle de service de santé au travail

La décision de mettre ou non en place un service de santé au travail peut découler d’une loi, d’un contrat entre la direction et le personnel, ou de l’intérêt de la direction pour la sécurité et la santé de ses salariés. Un grand nombre d’entreprises sont favorables à l’instauration de ce genre de service, conscientes que cela ne peut que les aider à maintenir leur appareil de production; d’autres optent pour ces services en se fondant sur diverses considérations d’ordre économique, comme la maîtrise des coûts de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, de l’absentéisme pour maladie et des incapacités évitables, des retraites anticipées pour raison de santé, des pénalités réglementaires, des litiges, etc.

Le choix du modèle de service de santé au travail peut être dicté par des lois ou règlements, qui peuvent être de nature générale ou s’appliquer uniquement à certaines branches d’activité. C’est généralement le cas du modèle de la sécurité sociale, imposé aux entreprises clientes.

Dans la plupart des cas, le choix est déterminé par des facteurs comme la taille des effectifs et leurs caractéristiques démographiques, le type de travail effectué et les risques présents sur les lieux de travail, l’emplacement du ou des lieu(x) de travail, le type et la qualité des services de santé offerts sur le plan local et, ce qui compte peut-être le plus, la richesse de l’entreprise et sa capacité de fournir l’aide financière nécessaire. Il arrive qu’une entreprise mette d’abord en place une unité minimale et l’agrandisse par la suite, une fois démontrées sa valeur et sa popularité parmi les travailleurs. Seules quelques études comparatives ont été effectuées à ce jour sur le fonctionnement des divers modèles de services de santé au travail dans différentes situations.

Les services d’hygiène du travail

Les directives et instruments internationaux recommandent fortement d’intégrer les services d’hygiène du travail au sein d’un service multidisciplinaire de santé au travail. Dans certains pays, toutefois, l’hygiène du travail relève par tradition de services distincts et autonomes. Dans ces circonstances, la collaboration avec les autres services s’occupant de sécurité et de santé au travail s’impose donc.

Les services de sécurité

Les services de sécurité constituent traditionnellement une activité distincte relevant soit d’agents de sécurité ou d’ingénieurs de sécurité salariés de l’entreprise (OIT, 1981a; Bird et Germain, 1990), soit d’un type quelconque d’accord de consultation. Dans les services de sécurité internes, l’agent de sécurité est souvent aussi le principal responsable de la sécurité dans l’entreprise et représente l’employeur à ce titre. Encore une fois, la tendance moderne est d’intégrer la sécurité au service de santé au travail et d’hygiène du travail et aux autres services participant aux activités de santé au travail, afin de constituer une seule entité multidisciplinaire.

Lorsque les activités de sécurité sont effectuées parallèlement à celles de la santé au travail et de l’hygiène du travail, la collaboration s’impose, particulièrement pour ce qui a trait à l’identification des risques d’accident, à l’évaluation des risques, à la planification et à l’implantation des mesures de prévention et de contrôle, à l’éducation et à la formation des dirigeants, des contremaîtres et des travailleurs, à la compilation, à la tenue et à l’enregistrement des dossiers d’accidents et à la mise en œuvre de toute mesure de prévention adoptée.

La dotation en personnel du service de santé au travail

Dans le passé, seul un médecin du travail, ou encore un médecin et une infirmière auxquels se joignait parfois un hygiéniste du travail, composaient le personnel de base du service de santé au travail. Toutefois, en vertu des récentes dispositions dans ce domaine, la composition du personnel doit, dans la mesure du possible, être multidisciplinaire. On peut élargir le personnel et constituer une équipe multidisciplinaire complète, selon le type de service, la nature de l’activité et le genre de travail exécuté, la facilité d’accès aux divers spécialistes ou à des programmes pour assurer la formation de ce personnel, ainsi que l’ampleur des ressources financières disponibles. Les fonctions supplémentaires qui ne sont pas remplies par des membres du personnel peuvent être confiées à des services de soutien extérieurs (OMS, 1989a; 1989b). On aura recours, par exemple, à des ingénieurs de sécurité, à des spécialistes de la santé mentale (psychologues, conseillers), à des physiologistes du travail, à des ergonomes, à des physiothérapeutes, à des toxicologues, à des épidémiologistes et à des éducateurs sanitaires. Il est rare que ces spécialistes fassent partie du personnel à plein temps du service de santé au travail: ils occupent en général un poste à temps partiel ou sont consultés selon les besoins (Rantanen, 1990).

Les besoins quantitatifs en personnel d’un service de santé au travail varient considérablement, en fonction des services qu’il dispense, de l’entreprise en cause et du mode d’organisation, ainsi que de la facilité d’accès aux services de soutien ou aux services parallèles; il est par conséquent difficile de déterminer avec précision l’effectif nécessaire (Rantanen, 1990; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994). Ainsi, il faudra moins de personnel pour répondre aux besoins de 3 000 travailleurs d’une grande entreprise, regroupés au même endroit, que pour offrir la même gamme de services dans 300 lieux de travail comptant chacun 10 salariés. Il semble toutefois qu’actuellement, en Europe, la proportion habituelle est de un médecin et deux infirmières pour 2 000 à 3 000 travailleurs. Ce pourcentage peut varier considérablement, allant de 1 pour 500 à 1 pour 5 000. Dans certains pays, c’est l’employeur qui prend les décisions relatives à la dotation en personnel du service de santé au travail, en fonction de la nature et du volume des services offerts, tandis que dans d’autres pays la législation prescrit l’effectif et la composition du personnel de santé au travail. Aux Pays-Bas, par exemple, des dispositions législatives prévoient que l’équipe de santé au travail doit comprendre au moins un médecin, un hygiéniste, un ingénieur de sécurité et un spécialiste des relations du travail (Arrêté ministériel sur l’agrément des services de sécurité et de santé au travail et les compétences techniques requises pour ces services, 1993).

De nombreux pays ont élaboré des critères de compétence officiels ou semi-officiels visant les médecins et le personnel infirmier du travail, mais aucun critère n’a été établi pour les autres professions. Selon les nouveaux principes de l’Union européenne, tous les spécialistes de la santé au travail doivent avoir des compétences reconnues, et certains pays ont mis en place des systèmes d’agrément à cet effet (CCE, 1989; Arrêté ministériel sur l’agrément des services de sécurité et de santé au travail et les compétences  techniques requises pour ces services, 1993).

Mis à part les programmes destinés aux médecins et au personnel infirmier du travail et, dans certains pays, aux hygiénistes du travail, il n’existe guère de programmes de formation à l’intention des spécialistes de la santé au travail (Rantanen, 1990). On a encouragé l’élaboration de programmes d’études pour toutes les catégories de spécialistes et à tous les niveaux, qu’il s’agisse de formation de base, d’études universitaires supérieures ou d’éducation permanente. On estime en outre qu’il serait bon d’inclure des éléments de formation à la santé au travail dans l’enseignement de base, non seulement dans les écoles de médecine, mais aussi dans d’autres établissements, tels que les universités techniques, les facultés de sciences, etc. Outre les connaissances scientifiques de base nécessaires à la pratique de la santé au travail, l’enseignement devrait mettre l’accent sur les attitudes orientées vers la protection de la santé des travailleurs. On devrait faire appel, pour la formation, à une approche multidisciplinaire. Il convient en outre d’offrir cette formation en collaboration avec les autorités compétentes et les employeurs.

Il importe également de reconnaître l’apport particulier de chacun des spécialistes de la santé au travail, en respectant un juste équilibre entre les diverses disciplines. Le renforcement de leur indépendance professionnelle aiderait ces spécialistes à s’acquitter efficacement de leurs fonctions et pourrait aussi inciter d’autres professionnels de la santé à envisager une carrière à long terme dans ce domaine. Il importe de restructurer les programmes de formation au moment où les pays établissent de nouveaux critères d’évaluation de la compétence et d’agrément pour les spécialistes de la santé au travail.

Les infrastructures des services de soutien

La plupart des entreprises ne peuvent se doter du service multidisciplinaire complet de santé au travail nécessaire à l’exécution de leurs programmes de sécurité et de santé au travail. Pour compléter les services de base qu’il fournit à l’entreprise, le service de santé au travail peut lui-même avoir besoin d’avis techniques, notamment dans les domaines suivants (Kroon et Overeynder, 1991; CCE, 1989; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994):

Les pays ont abordé de diverses manières l’organisation de ces services. En Finlande, par exemple, un institut de la santé au travail, appuyé par six bureaux régionaux, offre son expertise aux services de santé au travail. La plupart des pays industriels se sont dotés d’un tel institut national ou d’une structure analogue, qui sont principalement chargés d’effectuer de la recherche et d’offrir de la formation, de l’information et des conseils; ces services sont rares dans les pays en développement. En l’absence d’un tel institut, ces services peuvent être fournis par les groupes de recherche des universités, les organismes de sécurité sociale, les systèmes de santé nationaux, les autorités gouvernementales chargées de la sécurité et de la santé au travail et des conseillers du secteur privé.

D’après l’expérience des pays industriels, il est utile de mettre sur pied, dans chaque pays en voie d’industrialisation et de développement, un centre expressément consacré à la recherche-développement dans le domaine de la santé au travail, qui peut:

Lorsqu’un institut n’est pas en mesure de fournir tous les services voulus, il doit parfois établir des liens avec plusieurs unités de soutien, par exemple des universités, des établissements de recherche et d’autres organisations analogues.

Le financement des services de santé au travail

Suivant les instruments de l’OIT, c’est à l’employeur qu’il incombe au premier chef de financer les services de sécurité et de santé au travail, sans frais pour les travailleurs. Dans certains pays, cependant, ces principes ont été modifiés. La prestation des services de santé au travail, par exemple, peut être en grande partie subventionnée par le régime de sécurité sociale. La Finlande en est un bon exemple; dans ce pays, il incombe principalement à l’employeur de financer le service, mais 50% des coûts lui sont ensuite remboursés par les services de sécurité sociale, à condition qu’il respecte les règlements relatifs à la sécurité et à la santé au travail et que le comité de sécurité et d’hygiène de l’entreprise confirme que les services ont été dispensés de façon satisfaisante.

Des mécanismes nationaux analogues de remboursement existent dans la plupart des pays. Lorsque ce sont les centres médicaux sociaux qui dispensent les services de santé au travail, les coûts de démarrage pour les installations, le matériel et le personnel sont payés par la collectivité locale, mais ce sont les cotisations versées par les employeurs et les travailleurs indépendants qui couvrent les coûts de fonctionnement.

Les mécanismes de remboursement ou de subvention visent à accroître la disponibilité des services pour les entreprises dont le budget est restreint, en particulier les petites entreprises, qui disposent rarement des ressources voulues. L’expérience de la Suède, dans les années quatre-vingt, démontre l’efficacité d’un tel système. Le gouvernement a généreusement subventionné les services de santé au travail des entreprises en général et, en particulier, des petites entreprises, ce qui a fait grimper la proportion de travailleurs couverts, laquelle est passée de 60 à plus de 80%.

Les systèmes qualité et l’évaluation des services de santé au travail

Le service de santé au travail doit évaluer de façon continue, pour sa propre information, ses objectifs, ses activités et les résultats obtenus en ce qui concerne la protection de la santé des travailleurs et l’amélioration du milieu de travail. De nombreuses entreprises prévoient des vérifications périodiques indépendantes, effectuées par des spécialistes de l’entreprise ou par des conseillers de l’extérieur. Des mécanismes publics ou privés de renouvellement périodique de l’agrément, reposant sur des protocoles officiels de vérification, ont été mis en place dans certains pays. Dans quelques entreprises, des enquêtes menées régulièrement auprès des employés permettent d’obtenir de précieux renseignements sur le point de vue des salariés concernant le service de santé au travail et leur satisfaction à l’égard des prestations qu’il offre. Ces enquêtes ne présentent toutefois un véritable intérêt que si les salariés participants sont informés des résultats et ont tout lieu de croire que l’on prendra les mesures voulues pour régler les problèmes mis en évidence.

Bon nombre de pays industriels (par exemple, la Finlande et les Pays-Bas) ont commencé à appliquer les normes ISO 9000 à l’élaboration de systèmes qualité pour les services de santé en général, ainsi que pour les services de santé au travail. Cette approche est d’autant plus intéressante que de nombreuses entreprises clientes appliquent déjà ces normes à leurs procédés de fabrication. Certaines d’entre elles qui ont étendu l’application du concept de «gestion de la qualité totale» (aussi appelé «amélioration continue de la qualité») à leurs services de santé au travail dans l’ensemble de leurs établissements ont indiqué que l’expérience avait été profitable et avait permis d’améliorer la qualité et le fonctionnement des services.

Concrètement, l’application d’un programme d’amélioration continue de la qualité signifie que chaque service ou unité de l’entreprise procède à l’analyse de ses fonctions et de sa performance et apporte les corrections nécessaires pour atteindre une qualité optimale. Le service de santé au travail doit non seulement être disposé à participer à cet exercice, mais aussi s’assurer que les questions concernant la sécurité et la santé des travailleurs sont prises en considération.

L’évaluation de la qualité des services de santé au travail sert à la fois les intérêts des employeurs, des travailleurs et des autorités compétentes, mais aussi ceux des prestataires de ces services. Plusieurs mécanismes d’évaluation ont été mis au point dans un certain nombre de pays. En pratique, l’auto-évaluation par le personnel du service de santé au travail semble être la méthode la plus commode, en particulier s’il existe un comité de sécurité et d’hygiène qui examine les résultats de l’évaluation.

Les aspects économiques des services de sécurité et de santé au travail et l’évaluation de leur efficacité par rapport au coût retiennent de plus en plus l’attention, mais, à ce jour, peu d’études ont été réalisées à ce sujet.

L’établissement par étapes des services de santé au travail

La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, invitent les pays à établir progressivement des services de santé au travail pour tous les travailleurs, y compris ceux du secteur public et les membres des coopératives de production, dans toutes les branches d’activité économiques et toutes les entreprises. Certains pays ont déjà mis en place des services bien organisés, conformément aux exigences de leur législation.

Lorsque des services sont déjà en place, il existe trois stratégies pour les développer: élargir l’ensemble des activités, de manière à couvrir un plus grand nombre d’entreprises et de travailleurs; enrichir le contenu des services de santé au travail qui n’offrent que des services de base; élargir progressivement aussi bien le contenu que la couverture des services.

La question des activités minimales qui doivent être exécutées par le service de santé au travail a fait l’objet de débats. Dans certains pays, ces activités se bornent à des examens de santé pratiqués par des médecins spécialement autorisés. En 1989, la Consultation sur les services de santé des travailleurs de l’OMS (OMS, 1989b) a proposé que les activités de base suivantes soient considérées comme un minimum:

En pratique, un nombre considérable d’entreprises dans le monde ont été dans l’impossibilité jusqu’ici d’offrir des services à leurs travailleurs. Un programme national pourrait donc, dans un premier temps, se contenter d’établir des services de santé au travail fournissant ces activités de base aux personnes qui en ont le plus besoin.

L’essor des services de santé au travail: les perspectives d’avenir

L’essor futur des services de santé au travail sera fonction d’un certain nombre de facteurs, liés aussi bien au monde du travail qu’aux économies et aux politiques nationales. Dans les pays industriels, les tendances les plus déterminantes sont le vieillissement de la population active, l’augmentation du travail atypique et des horaires de travail irréguliers, le travail à distance (télétravail), la mobilité des lieux de travail et l’augmentation constante du nombre de petites entreprises et de travailleurs indépendants. On assiste à l’apparition de technologies inédites, de substances et de matières nouvelles; des formes d’organisation du travail, jusqu’ici inconnues, voient également le jour. Des pressions s’exercent pour accroître simultanément la productivité et la qualité, d’où la nécessité de maintenir une forte motivation chez les travailleurs pour les préparer à faire face aux changements accélérés et à l’obligation croissante d’apprendre des pratiques et des méthodes de travail nouvelles.

Les mesures visant à réduire les risques professionnels courants ont donné de bons résultats, en particulier dans les pays industriels, mais il ne faudrait pas croire qu’elles permettront de les éliminer complètement dans un proche avenir: ces risques seront toujours une menace pour les travailleurs, même si c’est pour un moins grand nombre d’entre eux. Les problèmes psychologiques et psychosociaux sont en passe de devenir des risques professionnels importants. La globalisation de l’économie, la régionalisation et l’essor des économies mondialisées et des entreprises multinationales contribuent à créer une population active mobile à l’échelle de la planète et favorisent l’exportation des risques professionnels vers des régions où les règlements et les exigences en matière de sécurité sont insuffisants, voire inexistants.

C’est pour relever ces défis nouveaux qu’en octobre 1994 les participants à la deuxième réunion des Centres collaborateurs de l’OMS pour la santé au travail (réseau qui regroupe 52 instituts nationaux de santé au travail) ont élaboré la Stratégie mondiale de l’OMS pour la santé au travail pour tous, qui revêt une importance particulière pour le développement futur de la pratique de la santé au travail. Dans ce contexte, voici les nouveaux paris qu’il faudra tenir dans l’avenir:

En résumé, les services de santé au travail devront relever des défis de taille au cours de la prochaine décennie et au-delà et, en outre, subir les pressions économiques, politiques et sociales inhérentes à des contextes nationaux et professionnels en mutation. Au nombre de ces défis figurent les problèmes de santé au travail découlant des technologies modernes de l’information et de l’automatisation, des nouvelles substances chimiques et des nouvelles formes d’énergie physique; citons encore les risques associés aux biotechnologies, à la délocalisation et au transfert international de technologies dangereuses, le vieillissement de la population active, les problèmes particuliers des groupes vulnérables, comme les malades chroniques et les personnes handicapées, le chômage et les réinstallations imposées par la recherche d’un emploi, ainsi que l’apparition de maladies inconnues jusqu’alors et, de ce fait, non diagnostiquées, qui peuvent porter atteinte à la santé de la population active.

Conclusion

Les infrastructures en matière de santé au travail ne sont pas suffisamment développées pour répondre aux besoins des travailleurs dans toutes les régions du monde. Les attentes dans ce domaine ne diminuent pas, bien au contraire. Les instruments de l’OIT sur les services de santé au travail et les stratégies parallèles de l’OMS constituent une bonne base pour un développement d’envergure des services de santé au travail: chaque pays devrait s’en inspirer lorsqu’il fixe ses orientations en vue d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs sur son territoire.

Environ huit travailleurs sur dix dans le monde habitent des pays en développement ou des nouveaux pays industriels, et moins de 5 à 10% de cette population active a accès à des services de santé au travail convenables. Dans de nombreux pays industriels, cette proportion ne dépasse guère 20 à 50%. Si ces services pouvaient être organisés et mis à la disposition de tous les travailleurs, cela permettrait non seulement d’améliorer la santé de ces derniers, mais aussi d’influer favorablement sur le bien-être et la situation économique des pays, de leurs collectivités et de l’ensemble de leur population. Cela contribuerait en outre à contenir les coûts de l’absentéisme pour maladie et des incapacités évitables, et à freiner l’escalade des coûts des soins de santé et de sécurité sociale.

Il existe des principes directeurs internationaux pour la mise en place de politiques et de programmes efficaces en matière de santé au travail, mais leur application à l’échelle nationale et locale laisse à désirer. Il convient d’encourager les pays à collaborer entre eux et avec les organisations internationales de manière à disposer du soutien financier, technique et professionnel voulu pour élargir l’accès aux services de santé au travail.

La gamme et le nombre de services de santé au travail dont une entreprise a besoin varient considérablement, en fonction des conditions nationales et locales, de la nature de l’activité et des procédés et matières utilisés, ainsi que des caractéristiques de la main-d’œuvre. Il importe d’accorder une importance hautement prioritaire aux services préventifs et de garantir un niveau de qualité acceptable.

On peut s’inspirer d’un vaste éventail de modèles pour l’organisation des services de santé au travail et la création des infrastructures connexes. Le choix devrait être guidé par les caractéristiques de l’entreprise, les ressources disponibles (ressources financières, installations, personnel qualifié), la nature des problèmes prévus et les services existants dans la collectivité. Des recherches devraient être effectuées afin d’évaluer la compatibilité des divers modèles avec différentes situations.

Pour dispenser des services de santé au travail de grande qualité, il faut souvent mettre à contribution de nombreuses disciplines touchant la sécurité et la santé au travail, la santé en général et les aspects psychosociaux. Le service idéal fait appel à une équipe multidisciplinaire, où un certain nombre de ces spécialités sont représentées. Toutefois, même un tel service doit se tourner vers des spécialistes de l’extérieur lorsque ces derniers ne sont requis qu’en de rares circonstances. Afin de combler les besoins grandissants dans ce domaine, il y a lieu de recruter et de former un nombre suffisant de personnes et de leur permettre d’acquérir les compétences voulues pour s’acquitter efficacement de leurs fonctions dans le monde du travail. Il convient de favoriser la collaboration internationale pour que l’information disponible soit recueillie puis appliquée en fonction de circonstances données, et d’encourager vivement la diffusion de cette information par le biais des réseaux déjà établis.

Jusqu’à présent, les activités de recherche en matière de santé au travail ont été axées sur des domaines tels que la toxicologie, l’épidémiologie, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé. Il y a lieu d’effectuer de plus amples recherches sur l’efficacité des divers modèles et mécanismes de prestation des services de santé au travail, sur leur rentabilité et leur adaptabilité aux différents contextes.

Les services de santé au travail ont un certain nombre d’objectifs immédiats et à long terme, dont certains devraient probablement être reconsidérés en raison des mutations constantes du monde du travail. Les organismes internationaux faisant autorité dans ce domaine devraient examiner et réviser ces objectifs, à la lumière des problèmes nouveaux qui se posent en matière de sécurité et de santé au travail et des nouveaux modes de promotion et de protection de la santé des travailleurs.

Les conventions et recommandations de l’OIT relatives à la santé et à la sécurité au travail, les approches et les normes qu’elles renferment, les stratégies et les résolutions adoptées par l’OMS, ainsi que les programmes internationaux de ces deux organisations constituent une assise solide pour les activités nationales et une large collaboration internationale en vue du développement futur, de l’amélioration des services de santé au travail et de la pratique de la santé au travail. Ces instruments et leur application efficace revêtent une importance particulière dans le monde entier, à l’heure où la vie active évolue rapidement et où de nouvelles technologies voient le jour, et devant le risque croissant de donner la priorité aux objectifs économiques et matériels à court terme au détriment des valeurs que sont la sécurité et la santé.

LES SERVICES ET LA PRATIQUE DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

Georges H. Coppée

Les infrastructures, la pratique et les approches de la santé au travail

Des progrès considérables ont été accomplis depuis les années quatre-vingt dans la voie d’une approche intégrée de la santé au travail, soucieuse aussi bien de la protection et de la promotion de la santé des travailleurs que du maintien et de la promotion de leur capacité de travail, et accordant une importance particulière à l’établissement et à la préservation d’un milieu de travail sûr et salubre pour tous, mais le débat reste ouvert sur la façon dont la santé au travail est effectivement mise en œuvre. L’expression pratique de la santé au travail désigne actuellement tout l’éventail des activités qui sont menées par les employeurs, les travailleurs et leurs organisations, les concepteurs et les architectes, les fabricants et les fournisseurs, les législateurs et les parlementaires, les médecins et les inspecteurs du travail, les analystes du travail et les spécialistes de l’organisation du travail, les organismes de normalisation, les universités et les établissements de recherche, et qui ont pour objet de protéger la santé et de promouvoir la sécurité et la santé des travailleurs.

L’expression pratique de la santé au travail englobe l’apport des professionnels de la santé au travail, mais ne se limite pas à la pratique de ces derniers.

Une certaine confusion règne souvent en raison du fait que l’expression services de santé au travail peut servir à désigner:

Afin de remédier à cette difficulté et à plusieurs autres sources fréquentes de malentendu, le deuxième point à l’ordre du jour de la douzième session du Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail était libellé comme suit: «Infrastructures pour une pratique de la santé au travail: options et modèles pour les politiques nationales, les approches, les stratégies et les programmes en matière de soins de santé primaires, et fonctions des services de santé au travail» (OIT/OMS, 1995), étant entendu que:

Ces concepts clés — infrastructures, pratique et approches — permettent aux divers acteurs et partenaires dans le domaine de la prévention de jouer chacun leur rôle dans leurs domaines de compétence respectifs et, en même temps, de conjuguer leurs efforts.

Les services de santé au travail contribuent à la pratique de la santé au travail, qui est fondamentalement multidisciplinaire et intersectorielle et fait intervenir d’autres spécialistes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, outre les professionnels de la sécurité et de la santé au travail, ainsi que les autorités gouvernementales compétentes, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants. Sur le plan organique, il faut considérer que les services de santé au travail font partie à la fois des infrastructures sanitaires nationales et des infrastructures mises en place pour l’application de la législation pertinente en matière de sécurité et de santé au travail. Il incombe à chaque pays de déterminer si ces services doivent relever du ministère du Travail, du ministère de la Santé, des organismes de sécurité sociale, d’un comité tripartite national ou d’autres organes.

Les modèles de services de santé au travail sont nombreux. L’un d’eux fait l’objet d’un large consensus à l’échelle internationale: le modèle proposé par l’OIT dans la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, adoptées en 1985 par la Conférence internationale du Travail. Les pays devraient considérer ce modèle comme un objectif à atteindre, en tenant compte, évidemment, des particularités locales et des ressources disponibles en personnel spécialisé et en moyens de financement. Il convient d’adopter une politique nationale visant à établir progressivement des services de santé au travail pour tous les travailleurs, compte tenu des risques spécifiques des entreprises. Cette politique devrait être élaborée, mise en application et réexaminée périodiquement à la lumière des conditions et des pratiques nationales et en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives. Lorsqu’il est impossible de mettre en place immédiatement des services de santé au travail dans tous les établissements, il faut élaborer des plans indiquant les mesures qui seront prises.

Définition de la santé au travail adoptée par le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail

La santé au travail devrait viser les objectifs suivants: promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par leurs conditions de travail; les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé; placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses capacités physiologiques et psychologiques; en somme, adapter le travail à l’homme et chaque homme à sa tâche.

Les activités en matière de santé au travail comportent essentiellement trois volets: i) le maintien et la promotion de la santé des travailleurs et de leur aptitude au travail; ii) l’amélioration des conditions et du milieu de travail pour assurer la sécurité et la santé au travail; iii) l’adoption de systèmes d’organisation du travail et de cultures d’entreprise susceptibles de contribuer à la sécurité et à la santé au travail et de promouvoir un climat social positif et le bon fonctionnement de l’entreprise. Dans le présent contexte, l’expression culture d’entreprise désigne les systèmes de valeurs adoptés par une entreprise donnée. En pratique, elle se reflète dans les méthodes de gestion, dans la politique appliquée en matière de personnel, de participation et de formation et dans la gestion de la qualité de l’entreprise.

La coopération multidisciplinaire et la collaboration intersectorielle: une perspective globale

L’OIT et l’OMS se sont entendues sur une définition de la santé au travail (voir encadré) qui a été adoptée par le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail au cours de sa première session (1950) et révisée au cours de sa douzième session (1995).

Les gouvernements, en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs et les organisations professionnelles intéressées, devraient élaborer des politiques, des programmes et des plans d’action adéquats et pertinents en vue du développement de la santé au travail dans une approche multidisciplinaire et globale. Dans chaque pays, la portée et le contenu des programmes devraient être adaptés aux besoins nationaux, tenir compte des conditions locales et être intégrés aux plans nationaux de développement. Le Comité mixte OIT/OMS a souligné que les principes énoncés dans les conventions no 155 et no 161 et les recommandations correspondantes de l’OIT, ainsi que dans les résolutions, les directives et les approches de l’OMS en matière de santé au travail, constituent un guide universellement admis pour l’élaboration de ces politiques et de ces programmes (Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, 1992).

La stratégie de l’OIT pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail et le principe général des soins de santé primaires de l’OMS présentent des similitudes. En effet, tous deux reposent sur des considérations techniques, éthiques et sociales analogues, et tous deux:

L’action de l’OIT est principalement axée sur la préparation de directives internationales et d’un cadre juridique en vue du développement de politiques et d’infrastructures en matière de santé au travail sur une base tripartite (gouvernements, employeurs et travailleurs) et sur les mesures pratiques d’amélioration du milieu de travail, tandis que l’OMS se concentre sur les données scientifiques, les méthodologies, le soutien technique et la formation du personnel de santé et autre en matière de santé au travail (Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, 1992).

La coopération multidisciplinaire

Pour l’OMS, la notion de santé au travail englobe la sécurité au travail: l’hygiène est considérée comme visant à prévenir les maladies, et la sécurité, les lésions corporelles dues à des accidents. L’OIT, quant à elle, estime que la sécurité et la santé au travail forment ensemble une discipline qui vise à prévenir les lésions professionnelles (aussi bien les maladies professionnelles que les accidents de travail) et à améliorer les conditions et le milieu de travail. Les expressions sécurité au travail, santé au travail, médecine du travail, hygiène du travail et soins infirmiers au travail reflètent la contribution des différentes professions (par exemple, les ingénieurs, les médecins, le personnel infirmier et les hygiénistes) et le fait que l’organisation de la sécurité et de la santé au travail au niveau de l’entreprise comporte très souvent des services de sécurité au travail et des services de santé au travail distincts, ainsi que des comités d’hygiène et de sécurité.

Dans une certaine mesure, la sécurité au travail et la prévention primaire sont plus directement liées à la technologie utilisée, au procédé de production et à la gestion des opérations courantes que la santé au travail, qui, elle, concerne davantage les liens entre le travail et la santé, en particulier la surveillance du milieu de travail et de la santé des travailleurs (prévention secondaire), ainsi que les facteurs humains et ergonomiques. En outre, au niveau de l’entreprise, la présence des ingénieurs est nécessaire et fait partie intégrante de l’encadrement (ingénieurs de production, techniciens d’entretien, etc.), tandis que la santé au travail et l’hygiène du travail nécessitent l’intervention de spécialistes dans le domaine de la santé, dont la présence au sein de l’entreprise n’est pas essentielle au fonctionnement de celle-ci: ces spécialistes peuvent être des conseillers ou appartenir à un service de santé au travail extérieur.

Quelles que soient les modalités organisationnelles et la terminologie retenues, il importe avant tout que les professionnels de la sécurité et de la santé au travail travaillent en équipe. Il n’est pas indispensable qu’ils appartiennent à une même unité ou à un même service, encore que cela puisse être souhaitable selon les circonstances. Il ne faut pas s’attacher à la structure des services, mais plutôt à l’exécution de manière satisfaisante (sur les plans scientifique, technique et éthique) de leurs fonctions au niveau de l’entreprise. Il faut encourager tout particulièrement la coopération et la coordination dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’action, ainsi que la formulation de concepts communs, comme les «cultures du travail» (culture de la sécurité, culture de la protection du travail, culture de l’entreprise) qui favorisent la sécurité et la santé au travail et «l’amélioration continue de la qualité» des conditions et du milieu de travail.

En 1992, le Comité mixte OIT/OMS a souligné que le champ d’action de la santé au travail est très vaste (comme l’illustre le tableau 16.1), et englobe des disciplines telles que la médecine du travail, les soins infirmiers au travail, l’hygiène du travail, la sécurité au travail, l’ergonomie, l’ingénierie, la toxicologie, l’hygiène de l’environnement, la psychologie du travail et la gestion du personnel. La collaboration et la participation des employeurs et des travailleurs aux programmes de santé au travail sont essentielles à la réussite de la pratique de la santé au travail.

Tableau 16.1 Six principes et trois niveaux pour une pratique rationnelle de la santé au travail

 

Principes

Niveaux

Prévention

Protection

Adaptation

Promotion

Mitigation

Individus (diversité)

Prévention des accidents
Hygiène industrielle, années vingt

Médecine industrielle
Equipements de protection individuelle, années trente

Organisation scientifique du travail
Analyse des tâches, années cinquante

Programmes d’aide aux salariés, années cinquante

Traitement, indemnisation, années dix

Groupes
(groupes exposés, besoins particuliers)

Milieu de travail sûr et salubre
Sécurité intégrée, années soixante-dix

Médecine du travail
Protection des machines, années quarante

Ergonomie, y compris
la conception, années
cinquante

Programmes de promotion de la santé des travailleurs, années quatre-vingt

Plans d’intervention et préparation aux situations d’urgence, années soixante-dix

Société et ensemble des travailleurs
(principe général des soins de santé primaires)

Maîtrise technologique Gestion de l’hygiène de l’environnement, années soixante-dix

Hygiène de l’environnement
Epidémiologie
Soins de santé préventifs, années soixante

Technologies appropriées
Protection des consommateurs, années soixante-dix

Programmes d’éducation sanitaire et de promotion de la santé, années soixante-dix

Soins de santé curatifs
Réadaptation, années vingt

Note: les périodes (années dix, années vingt, etc.) sont arbitraires. Les dates ont uniquement pour objet de donner une idée de la chronologie du développement progressif d’une approche globale de la santé au travail. Les dates varieront d’un pays à l’autre et peuvent marquer le début ou le plein essor d’une discipline, ou encore l’apparition de modalités ou d’approches nouvelles dans une pratique qui existait depuis de nombreuses années. Le présent tableau ne prétend pas déterminer avec précision les disciplines associées au processus, mais plutôt illustrer succinctement leurs relations dans le cadre d’une approche multidisciplinaire et d’une coopération intersectorielle, en vue d’un milieu de travail sûr et salubre et de la santé pour tous, fondées sur une démarche participative et visant de nouvelles formes de développement qui ne seront durables que si elles sont équitables.

La définition d’un objectif commun est l’une des voies qui permettent d’éviter un cloisonnement excessif des disciplines. Ce cloisonnement présente parfois des avantages, car il permet une analyse approfondie des problèmes par des spécialistes, mais il a souvent des répercussions négatives, en empêchant une approche multidisciplinaire. Il convient d’élaborer des concepts communs qui ouvrent la voie à la coopération. C’est la raison d’être de la nouvelle définition de la santé au travail, adoptée par le Comité mixte en 1995.

La question de savoir si la santé au travail est une discipline en soi ou fait partie intégrante de la protection du travail, de l’hygiène de l’environnement ou de la santé publique suscite parfois des discussions enflammées. Lorsque le débat n’est pas purement théorique, mais sert à déterminer, par exemple, l’organisme ou le ministère compétents dans un domaine précis, la conclusion peut avoir des répercussions importantes sur l’affectation des fonds et la répartition des ressources disponibles, sous forme d’expertise ou de matériel.

L’une des solutions au problème consiste à préconiser des approches convergentes, fondées sur les mêmes valeurs et visant un même objectif. Les approches de l’OMS et de l’OIT axées, respectivement, sur les soins de santé primaires et l’amélioration des conditions et du milieu de travail, conviennent fort bien à cette fin. Ces approches, qui misent sur les mêmes valeurs d’équité, de solidarité, de santé et de justice sociale, peuvent se traduire par des stratégies (la Stratégie de l’OMS de la santé au travail pour tous) et des programmes (le Programme international pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail de l’OIT), ainsi que par des plans d’action et des activités mis en œuvre ou exécutés au niveau de l’entreprise ou à l’échelle nationale et internationale par tous les partenaires pour la prévention, la protection et la promotion de la santé des travailleurs, individuellement ou collectivement.

D’autres voies sont possibles. L’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) propose le «Concept de prévention», voie privilégiée de la politique sociale en vue d’atteindre l’objectif de «Sécurité pour tous», au travail, à la maison, sur la route et pendant les loisirs (AISS, 1995). La Commission internationale de la santé au travail (CIST) est en train d’élaborer une approche de l’éthique dans la santé au travail, et elle encourage un rapprochement entre la santé au travail et l’hygiène de l’environnement. On peut observer une tendance analogue dans bon nombre de pays où, par exemple, des associations professionnelles regroupent aujourd’hui des spécialistes de la santé au travail et de l’hygiène de l’environnement.

La collaboration intersectorielle

En 1984, la Conférence générale de l’OIT, qui se tient annuellement, a adopté une résolution concernant l’amélioration des conditions et du milieu de travail qui réaffirme le principe selon lequel l’amélioration des conditions et du milieu de travail constitue une composante essentielle de la promotion de la justice sociale. Elle insiste sur le fait que l’amélioration des conditions et du milieu de travail constitue une contribution positive au développement national et un critère de réussite d’une politique économique et sociale. Dans la poursuite de cet objectif, les principes suivants sont fondamentaux:

Au cours des années quatre-vingt, on s’est écarté du concept de développement pour privilégier le concept de «développement durable», qui embrasse le «droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature», conformément au premier principe de la Déclaration de Rio (ONU, 1993). Le souci d’un milieu sûr et salubre fait donc désormais partie intégrante du concept de développement durable, qui implique également la recherche d’un équilibre entre la protection de l’environnement et l’élargissement des possibilités d’emploi, l’amélioration des moyens d’existence et la santé pour tous. L’hygiène de l’environnement et la santé au travail contribuent conjointement à rendre le développement durable, équitable et rationnel, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les plans humain, social et éthique. La figure 16.1 illustre ce changement de paradigme.

Figure 16.1 Approche multidisciplinaire pour un développement durable et équitable

Figure 16.1

Cette figure met en évidence l’interaction de la santé au travail et de la salubrité de l’environnement, ainsi que leur apport conjugué à un développement durable. Elle définit un point de convergence représentant l’intégration des objectifs sociaux et économiques qu’il est possible d’atteindre, sans pour autant perdre de vue l’environnement, l’emploi et la santé.

La Commission Santé et Environnement de l’OMS a en outre reconnu que «le développement qui implique la protection de la santé et du bien-être exige le respect de l’environnement parmi bien sûr beaucoup d’autres conditions, alors qu’un développement qui ignorerait l’environnement conduirait fatalement à porter atteinte à la santé de l’homme» (OMS, 1992). Dans la même veine, il convient de reconnaître que la santé au travail est une «valeur ajoutée», c’est-à-dire qu’elle a une incidence positive sur le développement national et est une condition essentielle à sa durabilité.

La Déclaration et le Programme d’action adoptés lors du Sommet mondial pour le développement social, qui s’est tenu à Copenhague en 1995, présentent un intérêt particulier pour l’OIT et l’OMS. La déclaration invite les nations du monde à faire du plein emploi, productif et librement choisi, une priorité fondamentale de leurs politiques économiques et sociales. Les participants au Sommet ont clairement indiqué qu’il ne faut pas simplement chercher à créer des emplois, quels qu’ils soient, mais des emplois de qualité, compatibles avec les droits fondamentaux et les intérêts des travailleurs. La création d’emplois de qualité doit passer par des mesures visant à favoriser un milieu de travail sûr et salubre, à éliminer les risques pour la santé liés à l’environnement et à assurer la sécurité et la santé au travail. Cela indique que l’avenir de la santé au travail repose sans doute sur un partenariat actif conciliant les impératifs de l’emploi, de la santé et de l’environnement en vue d’un développement équitable et durable.

L’approche axée sur les soins de santé primaires met l’accent sur l’équité sociale, le caractère abordable et la facilité d’accès des services, ainsi que sur la participation et l’engagement des collectivités locales, comme l’a indiqué le Comité mixte OIT/OMS en 1995. L’OIT et l’OMS ont en commun ces valeurs morales et éthiques fondamentales. L’approche axée sur les soins de santé primaires est novatrice, car elle applique des valeurs sociales aux soins de santé préventifs et curatifs. Cette complémentarité n’a pas toujours été bien comprise; l’interprétation de termes communs prête parfois à confusion et a conduit à certains malentendus lors des débats sur les rôles respectifs de l’OIT et de l’OMS et les activités à entreprendre par chacune de ces deux organisations dont les vocations sont complémentaires et se renforcent mutuellement.

On peut considérer que les soins de santé primaires reposent sur des principes d’équité sociale, d’autonomie collective et de développement communautaire. On peut également les considérer comme une stratégie visant à réorienter les systèmes de santé, afin de promouvoir la participation individuelle et collective et la collaboration entre tous les secteurs qui s’intéressent à la santé. En règle générale, les soins de santé primaires devraient comporter un volet de santé au travail et les services spécialisés de santé au travail devraient appliquer le principe général des soins de santé primaires, indépendamment du modèle structurel en place.

Le domaine de la prévention rassemble de nombreux partenaires, qui adhèrent à la philosophie aussi bien de l’OIT que de l’OMS et dont l’apport devrait contribuer à la mise en œuvre d’une solide pratique de la santé au travail. Selon le Comité mixte OIT/OMS, ces deux organisations devraient promouvoir une approche globale de la santé au travail dans leurs Etats Membres. Une telle approche de la santé au travail permet en effet de considérer la santé au travail comme une discipline multidisciplinaire et intégrée. Vues sous cet angle, les activités des différents organismes et ministères ne seront pas concurrentielles ou inconciliables, mais elles se compléteront et se renforceront mutuellement, œuvrant en vue d’un développement équitable et durable. Il convient d’insister sur les objectifs communs, les concepts unifiés et les valeurs fondamentales.

Comme l’a souligné le Comité mixte OIT/OMS en 1995, il faut mettre au point des indicateurs de santé au travail qui encourageront les progrès dans la voie de la santé et du développement durable et en faciliteront le suivi. Toute forme de développement qui met en péril la santé ne saurait être qualifiée d’équitable ou de durable. Les indicateurs de la «durabilité» comprennent nécessairement des indicateurs de la santé; en effet, comme l’a relevé la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (ONU, 1993), le souci de la «protection et de la promotion de la santé humaine» fait partie intégrante de la recherche du développement durable (Action 21, chap. 6). L’OMS a joué un rôle de premier plan aussi bien dans la conception que dans l’utilisation des indicateurs de l’hygiène du milieu, dont certains ont trait à la santé et au milieu de travail.

L’OMS et l’OIT sont appelées à mettre au point des indicateurs de santé au travail qui pourraient aider les pays à évaluer leur pratique dans ce domaine, de manière tant rétrospective que prospective, et à suivre de près les progrès accomplis en vue des objectifs établis par les politiques nationales concernant la sécurité et la santé au travail et le milieu de travail. La mise au point de tels indicateurs, axés sur les interactions entre le travail et la santé, pourrait également aider les services de santé au travail à évaluer et à orienter leurs programmes et leurs activités en vue d’améliorer les conditions et le milieu de travail (c’est-à-dire évaluer leur efficacité et la manière dont ils s’acquittent de leurs fonctions).

Les normes et les orientations

Les conventions et recommandations de l’OIT sur la sécurité et la santé au travail définissent les droits des travailleurs et attribuent des fonctions et des responsabilités aux autorités compétentes, aux employeurs et aux travailleurs dans ce domaine. Considérées comme un tout, les conventions et recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail constituent le code international du travail qui définit des normes minimales dans le domaine du travail.

La politique de l’OIT en matière de sécurité et de santé au travail figure essentiellement dans deux conventions internationales et les recommandations qui les accompagnent. La convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, prévoient l’adoption d’une politique nationale en matière de sécurité et de santé au travail et décrivent les mesures à prendre au niveau national et à celui de l’entreprise pour promouvoir la sécurité et la santé au travail et améliorer le milieu de travail. La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, prévoient l’établissement de services de santé au travail qui contribueront à la mise en application de la politique de santé et de sécurité au travail et exerceront leurs fonctions au niveau de l’entreprise.

Ces instruments incitent à une approche globale de la santé au travail qui recouvre la prévention primaire, secondaire et tertiaire et est conforme aux principes généraux des soins de santé primaires. Ils précisent les modalités idéales de prestations des soins de santé aux travailleurs et proposent un modèle pour la mise en place sur le lieu de travail d’activités organisées nécessitant du personnel spécialisé, de manière à favoriser l’interaction entre les différentes disciplines et à encourager la coopération entre tous les partenaires pour la prévention. Ces instruments proposent en outre un cadre organisationnel, dans lequel les professionnels de la santé au travail peuvent dispenser efficacement des services de qualité pour assurer la protection et la promotion de la santé des travailleurs et contribuer au bon fonctionnement des entre-prises.

Les fonctions

La convention no 161 définit les services de santé au travail comme des services investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’entreprise en ce qui concerne les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail et l’adaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mentale.

La convention dispose que les services de santé au travail doivent assurer celles des fonctions suivantes qui seront adéquates et appropriées aux risques que présente l’entreprise pour la santé au travail:

La convention et la recommandation de l’OIT confèrent une grande latitude en ce qui concerne l’organisation des services de santé au travail. Ces derniers peuvent être institués par voie de législation, par des conventions collectives ou par toute autre voie approuvée par l’autorité compétente après consultation des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs intéressées. Les services de santé au travail peuvent être organisés soit en tant que services desservant une seule entreprise, soit en tant que services desservant plusieurs entreprises. Les services de santé au travail devraient, dans toute la mesure du possible, être situés sur les lieux de travail ou à proximité de ceux-ci, ou être organisés de manière que leurs fonctions soient exercées sur les lieux de travail. Ils peuvent être organisés par les entreprises intéressées, les pouvoirs publics ou les services officiels, les institutions de sécurité sociale, tout autre organisme habilité par l’autorité compétente ou toute combinaison des formules précédentes. Ces dispositions confèrent une grande latitude et, dans un même pays, on peut avoir recours à toutes ces méthodes ou à plusieurs d’entre elles, selon les conditions et la pratique locales.

La souplesse de la convention reflète l’esprit des instruments de l’OIT concernant les services de santé au travail, qui insistent davantage sur les objectifs que sur les modalités administratives de mise en œuvre. Il importe d’assurer la santé au travail de tous les travailleurs ou, à tout le moins, de progresser vers la réalisation de cet objectif. Ces progrès sont généralement accomplis par étapes, mais en tout état de cause il est nécessaire de mobiliser les ressources de la manière la plus efficace possible à cette fin.

Il existe diverses méthodes de financement de la santé au travail. Dans de nombreux pays, c’est aux employeurs qu’il incombe d’établir et de financer les services de santé au travail. Dans d’autres pays, ces services sont intégrés aux systèmes de santé nationaux ou aux services de santé publique. La convention ne précise pas les modalités de dotation en personnel, de financement et de formation du personnel; ces décisions sont prises à l’échelle de chaque pays.

Les exemples de services de santé au travail mis sur pied par des organismes de sécurité sociale ou des régimes spéciaux d’assurance des travailleurs sont nombreux. Parfois, leur financement est régi par un accord entre le ministère du Travail et le ministère de la Santé ou les organismes de sécurité sociale. Dans certains pays, les syndicats gèrent des services de santé au travail. Des accords spéciaux sont également conclus, dans le cadre desquels les fonds sont perçus auprès des employeurs par une institution centrale ou un organe tripartite, puis versés pour fournir des prestations de santé au travail ou distribués pour financer le fonctionnement des services de santé au travail.

Les sources de financement de ces services peuvent également varier en fonction de leurs activités. Ainsi, lorsque ces services dispensent des soins curatifs, la sécurité sociale peut participer à leur financement. Lorsqu’ils participent à des programmes de santé publique et à des activités de promotion de la santé ou de recherche, ils peuvent avoir accès à d’autres sources de financement. Le financement dépend non seulement du modèle structurel choisi pour l’organisation des services de santé au travail, mais aussi de l’importance accordée par la société à la protection et à la promotion de la santé, et de sa volonté d’investir dans la santé au travail et la prévention des risques professionnels.

Les conditions de fonctionnement

Les conditions de fonctionnement des services de santé au travail revêtent une importance particulière. S’il importe que les services de santé au travail assument un certain nombre de tâches, il est tout aussi important que ces tâches soient exécutées de manière adéquate, en prenant en considération les aspects techniques et éthiques.

Un certain nombre d’exigences fondamentales relatives au fonctionnement des services de santé au travail sont énoncées dans la convention et, en particulier, dans la recommandation concernant les services de santé au travail de l’OIT. En voici un résumé:

Les dimensions éthiques de la santé au travail prennent une importance croissante, et l’accent est mis sur la nécessité de procéder à une évaluation continue et de haute qualité des services de santé au travail. Il faut déterminer non seulement ce qui doit être fait, mais aussi dans quel but et dans quelles conditions. La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, de l’OIT expose une première série de principes à cet égard. Le Code international d’éthique pour les professionnels de la santé au travail, adopté par la Commission internationale de la santé au travail (CIST, 1992), fournit également des orientations à cet égard.

En 1995, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a souligné que le «contrôle de la qualité des services doit faire partie intégrante du développement des services de santé au travail. Il est contraire à l’éthique de fournir des services de mauvaise qualité». Selon le Code international d’éthique de la CIST, «les professionnels de la santé au travail doivent mettre en œuvre une évaluation critique systématique de leurs propres activités en vue de s’assurer que des normes appropriées ont été définies, qu’elles sont appliquées et que les déficiences éventuelles sont détectées et corrigées».

Les valeurs et les objectifs communs

Il convient d’envisager le rôle des services institutionnalisés de santé au travail dans la perspective plus vaste des politiques et des infrastructures sanitaires et sociales. Les fonctions des services de santé au travail contribuent à la mise en œuvre des politiques nationales concernant la sécurité et la santé des travailleurs et le milieu de travail énoncées dans la convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de l’OIT. Les services de santé au travail contribuent aussi à la réalisation des objectifs de la Stratégie de la santé pour tous prônée par l’OMS en tant que politique favorisant l’équité, la solidarité et la santé.

On observe une tendance croissante à mobiliser l’expertise et les ressources dans le cadre d’accords de réseau et de partenariats. A l’échelle internationale, il existe déjà un tel mécanisme interorganisations dans le domaine de la sécurité chimique: le Programme interorganisations pour la gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques. De nombreux autres domaines se prêtent déjà, ou pourraient le faire, à des formes nouvelles et souples de coopération internationale, entre pays ou organisations internationales, dont ceux de la radioprotection et de la biosécurité.

Les accords de réseau offrent des possibilités nouvelles de coopération, qui peuvent aisément être adaptées au sujet à étudier, qu’il s’agisse du stress professionnel, de la coordination de la recherche ou de la mise à jour de la présente Encyclopédie. L’accent est mis sur les interactions, et non plus sur le cloisonnement vertical des disciplines. Le concept de leadership cède la place à celui de partenariat actif. L’établissement de réseaux à l’échelle internationale pour la sécurité et la santé au travail connaît un développement rapide et pourrait prendre davantage d’ampleur à partir des structures existantes qui pourraient être reliées entre elles. L’OIT et l’OMS pourraient fort bien avoir pour fonction de favoriser l’émergence de réseaux internationaux destinés à satisfaire aux besoins et aux demandes de leurs mandants, tout en visant un but commun, la protection des personnes au travail.

Les valeurs sociales et éthiques auxquelles adhère la communauté internationale se retrouvent dans les conventions et les recommandations de l’OIT, ainsi que dans la politique de l’OMS de la santé pour tous. Depuis les années quatre-vingt, le concept de développement durable s’est progressivement imposé et, dans la foulée de la Conférence de Rio et du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, il prend désormais en considération les liens entre l’emploi, la santé et l’environnement. La poursuite d’un objectif commun, celui d’un milieu de travail sûr et salubre pour tous, renforcera la détermination de tous ceux qui œuvrent dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail à mieux défendre la santé des travailleurs et à favoriser un développement durable et équitable pour tous. L’un des principaux défis de la santé au travail pourrait consister à concilier des valeurs telles que le droit à la santé et le droit au travail, aussi bien au niveau des individus qu’à celui de l’ensemble des travailleurs, en vue de protéger la santé tout en favorisant l’emploi.

L’INSPECTION MÉDICALE DU TRAVAIL ET DE LA MAIN-D’ŒUVRE EN FRANCE

Marianne Saux

Historique

La mise en œuvre de certaines dispositions du Code du travail relatives à l’hygiène du travailleur avait fait apparaître, dès les années trente en France, l’intérêt pour l’inspection du travail de pouvoir faire appel à des «médecins-conseils».

Les lois du 17 juillet 1937 et du 10 mai 1946 avaient effectivement prévu des interventions médicales de caractère temporaire, faites à la demande du service d’inspection du travail (art. L.611-7 et R.611-4). A l’origine intermittentes, ces interventions se sont transformées progressivement en mission constante exercée auprès de et en commun avec l’inspection du travail.

La mise en place d’un cadre technique permanent d’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre a suivi de peu la promulgation de la loi du 11 octobre 1946 relative à la médecine du travail. En effet, c’est un décret du 16 janvier 1947 qui a fixé le cadre, la rémunération, le statut et les attributions du personnel de l’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre.

Depuis 1947, cependant, le développement de ce cadre technique ne s’est pas fait d’une manière régulière et continue. Comme pour le corps de l’inspection du travail, la progression des effectifs n’a pas toujours été adaptée à l’augmentation des tâches. C’est ainsi que les effectifs budgétaires prévus en 1947 de 44 médecins inspecteurs ont été peu à peu réduits à 21, alors que les services médicaux créés en application de la loi du 11 octobre 1946 devenaient de plus en plus nombreux et importants. Ces évolutions contraires expliquent, pour une part, les critiques qui ont pu être faites par la suite à l’institution de la médecine du travail.

Depuis 1970, et surtout depuis 1975, toutefois, un effort important a été fait pour constituer une inspection médicale du travail à la mesure des services médicaux du travail, dont les quelque 6 000 médecins assurent la prise en charge de plus de 12 millions de salariés. En 1980, le corps de l’inspection peut compter sur 39 postes budgétaires, dont 36 sont pourvus d’un titulaire. En 1995, 43 postes étaient pourvus à l’inspection médicale du travail. Le plan d’action prioritaire no 12 du VIIe Plan comportait 45 médecins inspecteurs et, cet objectif une fois atteint, la situation envisagée en 1947 se trouverait rétablie.

Mais en même temps qu’était ressentie en France la nécessité d’un service spécialisé d’inspection en vue de l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’hygiène et à la médecine du travail, des préoccupations identiques se faisaient jour au plan international. Pour répondre à cette prise de conscience, l’Organisation internationale du Travail (OIT) avait convoqué en 1963 à Genève, avec la collaboration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un colloque international sur l’inspection médicale du travail. Les experts de 21 pays y participaient. Ces travaux ont permis notamment de définir les fonctions et les devoirs des médecins inspecteurs, les connaissances et la formation requises, ainsi que les techniques et les méthodes de l’inspection médicale.

L’organisation générale

Le service de l’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre comprend un service central qui se situe dans le cadre de la Direction des relations du travail, avec rattachement direct à son directeur, et l’inspection médicale régionale se situant dans le cadre des directions régionales du travail et de l’emploi, avec rattachement direct au directeur régional du travail et de l’emploi.

La médecine du travail en quelques chiffres (1995):

En fonction des effectifs salariés relevant de la médecine du travail dans chaque région, le nombre de médecins inspecteurs régionaux sera différent, le principe général adopté étant d’un médecin inspecteur régional pour environ 300 000 salariés. Cette règle générale est toutefois susceptible d’être modifiée, dans un sens ou un autre, compte tenu de l’étendue et des conditions géographiques propres à chaque région.

Les missions

Bien qu’un certain nombre de dispositions ne soient plus adaptées ou soient devenues caduques, il est intéressant de rappeler à cet égard les attributions prévues par le décret du 16 janvier 1947 déjà cité.

«Le médecin, chef du service, est chargé en outre de la coordination de tous les problèmes médicaux relevant des différentes directions du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Ses attributions pourront être complétées par arrêté.

L’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre a les attributions suivantes:

  1. Veiller au contact immédiat et permanent avec les services de l’inspection du travail, en liaison avec les comités techniques des caisses de sécurité sociale, à l’application de la législation relative à l’hygiène du travail et à la protection de la santé des travailleurs.
  2. Exercer une action permanente en vue de la protection des travailleurs au lieu de leur travail. Cette action porte, en outre, sur le contrôle du fonctionnement des services médicaux du travail institués par la loi du 11 octobre 1946. L’inspection médicale du travail communique aux comités techniques des caisses de sécurité sociale les renseignements qu’elle possède concernant les risques des maladies professionnelles et des accidents du travail inhérents aux différentes entreprises.
  3. Assurer, en coordination étroite avec les services psychotechniques, l’examen médical des travailleurs en vue de leur orientation professionnelle, de leur reclassement et de l’envoi vers les centres de rééducation de ceux qui sont provisoirement inaptes au travail ou diminués physiquement.
  4. Assurer la préparation et l’exploitation du fichier physiopathologique de la main-d’œuvre, en liaison avec les caisses de sécurité sociale, les statistiques étant établie en commun.»

La note du 15 septembre 1976, relative à l’organisation de la direction des relations du travail, charge l’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre des tâches suivantes:

L’animation du corps de l’inspection médicale se fait par:

Il est à souligner que cette définition des tâches intégrées dans l’administration centrale comporte des activités en liaison avec la direction des relations du travail et la délégation à l’emploi, pour tout ce qui peut concerner les aspects médicaux liés à l’emploi (notamment les travailleurs handicapés, les candidats à une formation professionnelle des adultes, les demandeurs d’emploi), ainsi qu’une action d’animation, de coordination, de recrutement, de formation et de perfectionnement, sur le plan technique, des médecins inspecteurs régionaux.

A ces attributions du service central s’ajoutent des activités de conseil et de représentation. En effet, d’autres départements ministériels, en premier lieu celui de la santé et de la sécurité sociale, peuvent avoir à résoudre des problèmes de prévention, de réparation des risques pour la santé dus au travail ou des problèmes liés à l’organisation des services de médecine préventive. Faute d’un service médical spécifique, l’inspection médicale du travail et de la main-d’œuvre du ministère du Travail peut alors être sollicitée aussi bien au niveau central que régional. Ces interventions se situent habituellement sur le plan du conseil, sauf lorsqu’il s’agit d’assister un autre corps de fonctionnaires agissant en tant qu’inspecteurs du travail.

Organisées par la Société et l’Institut de médecine du travail et d’ergonomie de Franche-Comté, les XXIIIe Journées nationales de médecine du travail ont réuni à Besançon pendant trois jours — du 7 au 10 juin 1994 — près de 1 500 personnes autour des sujets suivants:

Les activités de représentation s’exercent dans le cadre d’organismes ou d’institutions à buts médico-sociaux, scientifiques ou professionnels, dans la réalisation desquels la médecine du travail a une place. A titre d’exemple peuvent être cités: le Conseil national de l’ordre des médecins, le Haut Comité d’études et d’information contre l’alcoolisme, ainsi que diverses institutions universitaires et scientifiques.

Au niveau de la Communauté économique européenne, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation internationale du Travail, le service central de l’inspection médicale du travail est fréquemment appelé, s’agissant de questions d’ordre médical, à participer et à faire connaître les points de vue du gouvernement français.

Cette diversité de fonctions se retrouve au niveau de l’inspection médicale régionale du travail et de la main-d’œuvre. La circulaire DRT no 18-79, du 6 juillet 1979, relative à la coopération de l’inspection du travail et de l’inspection médicale du travail pour la prévention des risques professionnels, en est le reflet. Ce texte distingue des actions d’orientation et d’information, des actions de direction, d’animation et d’intervention à conduire, selon les cas, en coordination avec les échelons régionaux, départementaux et locaux de l’inspection du travail.

Mais, si l’objectif général de la prévention des risques pour la santé en milieu de travail est toujours le même, les interventions de l’inspection du travail et de l’inspection médicale du travail peuvent être spécifiques lorsqu’elles mettent en jeu une technicité propre, ou conjuguées quand le but à atteindre implique qu’inspecteurs et médecins inspecteurs agissent ensemble.

Le projet de circulaire

Une circulaire en cours d’élaboration reprend, en les actualisant, des dispositions énoncées dans la circulaire du 6 juillet 1979. En effet, depuis le 1er janvier 1995, les directions régionales du travail et de l’emploi ont vu leurs responsabilités s’ajouter à celles des directions de la formation professionnelle et, de ce fait, la place, le rôle et les missions du médecin inspecteur du travail sont à repréciser.

Si, aujourd’hui, nous pouvons faire un constat, c’est celui d’un service ayant pratiquement retrouvé en 1980 la place et les attributions qui lui étaient destinées en 1946-47. L’évolution prévisible de cette inspection est celle d’une activité médicale, qui comportera, plus qu’auparavant, des préoccupations d’incitation, d’animation et de recherche en milieu de travail. Cette évolution sera d’ailleurs parallèle à celle de la médecine du travail elle-même. A une longue période d’implantation et de mise en place que l’on peut désormais considérer comme pratiquement achevée doit maintenant succéder une période d’amélioration qualitative et d’approfondissement scientifique de la médecine du travail.

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL DANS LES PETITES ENTREPRISES

Jorma Rantanen et Leon J. Warshaw

La protection des travailleurs dans les petites entreprises constitue peut-être le plus grand défi pour les systèmes de prestation de services de santé au travail. Dans la plupart des pays, les petites entreprises représentent la grande majorité des entreprises commerciales et industrielles — leur pourcentage atteint 90% dans certains pays en développement et nouveaux pays industriels — et on les retrouve dans tous les secteurs de l’économie. Elles emploient, en moyenne, près de 40% de la population active des pays industriels membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et jusqu’à 60% de celle des pays en développement et des nouveaux pays industriels. Bien que leurs travailleurs soient exposés à une plus vaste gamme de risques que leurs homologues des grandes entreprises (Reverente, 1992; Hasle et coll., 1986), ils n’ont pour ainsi dire pas accès, en général, aux services modernes de sécurité et de santé au travail.

La définition des petites entreprises

Les entreprises sont classées dans cette catégorie selon certaines caractéristiques, telles que l’importance de leurs investissements, le montant de leurs revenus annuels ou le nombre de leurs salariés. Selon le contexte, le nombre retenu va de 1 à 500 salariés. Dans le présent article, l’expression «petite entreprise» s’appliquera aux entreprises comptant 50 salariés ou moins, ce qui correspond à la définition la plus largement admise (BIT, 1986).

Les petites entreprises prennent une importance croissante dans les économies nationales. Elles ont une forte intensité de main-d’œuvre, elles s’adaptent à l’évolution rapide des conditions du marché et elles assurent des emplois à un bon nombre de personnes qui, sans elles, n’en auraient pas. Leurs besoins en capitaux sont souvent restreints et elles peuvent produire des biens et des services à proximité du consommateur ou du client.

Elles ont aussi leurs mauvais côtés. Bien souvent, elles sont éphémères, ce qui rend le contrôle de leurs activités difficile, et elles n’obtiennent leurs faibles marges de profits qu’au détriment de leurs travailleurs (qui sont souvent aussi leurs propriétaires): ces derniers doivent travailler de longues heures, assumer une lourde charge de travail et sont exposés à des risques professionnels.

La main-d’œuvre des petites entreprises

La main-d’œuvre des petites entreprises se caractérise par sa diversité. Dans bien des cas, elle comprend le chef d’entreprise et des membres de sa famille. Les petites entreprises permettent à des jeunes d’accéder au monde du travail et offrent des possibilités intéressantes à des travailleurs âgés et à des travailleurs excédentaires qui ont été licenciés par de grandes entreprises. Elles exposent donc souvent des groupes vulnérables comme les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées à des risques professionnels. De plus, comme bon nombre d’entre elles exercent leurs activités à la maison ou à proximité, elles exposent souvent les membres de la famille et les voisins aux dangers physiques et chimiques de leurs installations et engendrent des problèmes de santé publique en contaminant l’air, l’eau ou les cultures vivrières du voisinage.

Le niveau d’instruction et la situation socio-économique des travailleurs des petites entreprises varient considérablement, mais sont souvent inférieurs à la moyenne pour l’ensemble de la population active. Il importe de noter que les propriétaires/dirigeants de ces entreprises ont parfois peu de formation sur le plan de l’exploitation et de la gestion, et encore moins en ce qui concerne la détection, la prévention et la maîtrise des risques pour la santé au travail. Même lorsqu’on met des moyens de formation à leur disposition, ils ont rarement le temps, l’énergie et les ressources financières pour les utiliser.

Les risques professionnels dans les petites entreprises et l’état de santé des travailleurs

A l’instar de tous les autres aspects des petites entreprises, les conditions de travail varient considérablement selon la nature de l’entreprise, le type de production, le régime de la propriété et le lieu d’implantation. En général, les risques pour la santé et la sécurité au travail sont les mêmes que dans les grandes entreprises, mais, comme on l’a mentionné plus haut, les expositions à ces risques sont souvent beaucoup plus importantes. Il arrive toutefois que les conditions de travail dans les petites entreprises soient bien meilleures que dans les grandes entreprises pour un type de production similaire (Paoli, 1992).

Très peu d’études ont été faites jusqu’ici en la matière, mais on constate sans surprise que celles qui ont porté sur la santé des travailleurs des petites entreprises de certains pays industriels comme la Finlande (Huuskonen et Rantala, 1985) et l’Allemagne (Hauss, 1992) ont révélé une incidence relativement élevée de problèmes de santé, dont un bon nombre étaient liés au travail ou entraînaient une baisse de la capacité de travail. La prévalence des maladies professionnelles et des problèmes de santé liés au travail était encore plus élevée dans les petites entreprises des pays en développement (Reverente, 1992).

Les obstacles aux services de santé au travail dans les petites entreprises

La mise en place de services de santé au travail dans les petites entreprises se heurte à des obstacles structurels, économiques et psychologiques de taille, dont voici quelques-uns:

  1. Jusqu’à présent, la législation en matière de santé et de sécurité au travail de la plupart des pays ne s’appliquait, en général, qu’aux industries manufacturières et ne visait pas les petites entreprises. Le «secteur informel» (qui comprend notamment les travailleurs indépendants) et l’agriculture n’y étaient pas assujettis. Même lorsque la législation avait un champ d’application plus large, elle ne visait pas les entreprises comptant peu de salariés, en général moins de 500. Certains pays (par exemple, la Belgique, la France et les pays nordiques) ont adopté des dispositions législatives prescrivant la prestation de services de santé au travail pour toutes les entreprises, sans distinction quant à la taille de l’entreprise ou au secteur de l’économie (Rantanen, 1990).
  2. Les petites entreprises, selon la définition du présent article, sont trop petites pour justifier la présence d’un service de santé au travail en leur sein. Leur grande diversité, en ce qui concerne le secteur d’activité et les méthodes de production, ainsi que le mode d’organisation et d’exploitation, conjuguée à leur grande dispersion géographique, rend difficile la mise sur pied de services de santé au travail qui répondent à l’ensemble de leurs besoins.
  3. Les obstacles économiques sont importants. Bon nombre de petites entreprises arrivent tout juste à survivre et ne peuvent se permettre la plus petite hausse de leurs coûts d’exploitation, dût-elle être prometteuse d’économies substantielles. De plus, elles n’ont parfois pas les moyens d’offrir à leurs propriétaires/dirigeants, et encore moins à leurs salariés, l’éducation et la formation nécessaires pour reconnaître, prévenir et maîtriser les risques. Certains pays ont réglé le problème économique en versant des subventions par l’entremise d’organismes gouvernementaux ou d’institutions de sécurité sociale (Rantanen, 1994) ou ont inclus des services de santé au travail dans leurs programmes de promotion du développement économique et social général des petites entreprises (Kogi, Phoon et Thurman, 1988).
  4. Même en l’absence d’obstacles financiers majeurs, les propriétaires/dirigeants de petites entreprises sont souvent peu portés à consacrer le temps et l’énergie nécessaires pour acquérir une connaissance de base des relations entre le travail et la santé. Mais une fois qu’ils l’ont acquise, ils l’appliquent parfois avec beaucoup de succès dans leur entreprise (Niemi et Notkola, 1991; Niemi et coll., 1991).
  5. Les entreprises du secteur non structuré et les petites exploitations agricoles sont rarement enregistrées et elles n’ont pour ainsi dire pas de liens formels avec des organismes officiels. Les activités commerciales sont parfois difficiles à distinguer de celles qui concernent le ménage et la famille. Cela peut susciter des inquiétudes quant au respect de la vie privée et une résistance aux interventions d’«étrangers». Les petites entreprises sont souvent réticentes à se joindre à des associations professionnelles et à des organismes d’intérêt local et, dans la plupart des cas, leurs travailleurs ne sont pas syndiqués. Certains pays ont entrepris de vaincre ces obstacles en faisant appel à des organismes de vulgarisation pour diffuser des informations, en demandant à des instances officielles de santé et sécurité au travail de concevoir une formation expressément pour les petites entreprises et en adoptant le modèle des soins de santé primaires pour la prestation de services de santé au travail (Jeyaratnam, 1992).
  6. Bon nombre de petites entreprises exercent leurs activités dans des localités où les services d’urgence et de soins de santé primaires sont facilement accessibles. Mais les médecins et le personnel infirmier connaissent mal les risques professionnels et leurs effets, de sorte que, souvent, ils ne sont pas à même de reconnaître les maladies professionnelles et, fait probablement plus important, ils ne prennent pas toutes les mesures de prévention et de lutte qui s’imposent.

Les instruments internationaux concernant les services de sécurité et de santé au travail

Dans certains pays, la sécurité et la santé au travail relèvent du ministère du Travail et sont régies par un organisme prévu à cette fin; dans d’autres, cette responsabilité est partagée entre les ministères du Travail, de la Santé ou des Affaires sociales. Dans certains pays, dont l’Italie, les règlements relatifs aux services de santé au travail font partie de la législation en matière de santé tandis que dans d’autres, comme la Finlande, ils font l’objet d’une loi spéciale. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la prestation de services de santé au travail est facultative, mais ailleurs, en Suède notamment, elle est régie par des conventions collectives.

Selon la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de l’OIT (OIT, 1981a), les gouvernements doivent concevoir une politique de sécurité et de santé au travail qui soit applicable à l’ensemble des entreprises et à tous les secteurs de l’économie et mise en œuvre par une autorité compétente. Cette convention énonce les responsabilités des autorités, des employeurs et des travailleurs et, complétée par la recommandation no 164, définit les principales activités de sécurité et de santé au travail de tous les intervenants concernés à l’échelon national et local.

La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, sont venues s’ajouter à ces instruments de l’OIT. Elles renferment des dispositions sur l’élaboration de politiques, l’administration, l’inspection et la collaboration des services de santé au travail, les activités des équipes de sécurité et de santé au travail, les conditions de fonctionnement et les responsabilités des employeurs et des travailleurs; on y trouve aussi des directives sur l’organisation des services de santé au travail au niveau de l’entreprise. Ces instruments ne font pas expressément mention des petites entreprises, mais ces dernières ont été prises en considération lors de leur élaboration, car ils ne fixent pas de seuil pour les services de santé au travail et laissent toute la latitude nécessaire dans leur organisation.

La ratification de ces instruments de l’OIT a malheureusement été limitée, en particulier dans les pays en développement. D’après l’expérience des pays industriels, les petites entreprises n’appliqueront probablement pas les principes de l’OIT si elles ne bénéficient pas de mesures spéciales et de l’appui des autorités gouvernementales.

L’Organisation mondiale de la santé s’est employée activement à promouvoir la mise en place de services de santé au travail. Elle a organisé une consultation sur les normes légales en 1989 (OMS, 1989a) et publié une vingtaine de documents techniques sur divers aspects des services de santé au travail. Le Bureau régional de l’Europe de l’OMS a effectué, en 1985, puis de nouveau en 1992, des études sur les services de santé au travail en Europe tandis que, de son côté, l’Organisation panaméricaine de la santé a fait de 1992 l’année de la santé au travail en organisant des activités dans ce domaine et en mettant en œuvre un programme spécial en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

L’Union européenne a adopté 16  directives sur la sécurité et la santé au travail, dont la plus importante est la directive 89/391/CEE, intitulée «directive-cadre» (CCE, 1989). Elles prévoient des mesures spécifiques; les employeurs sont notamment tenus d’évaluer les risques pour la santé de diverses installations techniques ou de faire passer des examens de santé à leurs travailleurs exposés à des risques spéciaux. Elles portent aussi sur la protection des travailleurs contre les dangers physiques, chimiques et biologiques, y compris la manutention de charges lourdes et le travail sur des équipements à écrans de visualisation.

Tous ces instruments internationaux ont certes été élaborés en ayant les petites entreprises à l’esprit, mais il n’en reste pas moins que la plupart de leurs dispositions ne s’appliquent en pratique qu’aux grandes entreprises. L’élaboration de modèles efficaces pour organiser des services de santé au travail de niveau semblable pour les petites entreprises reste encore à faire.

L’organisation de services de santé au travail pour les petites entreprises

Comme on l’a déjà mentionné, en raison de leur petite taille, de leur dispersion géographique et de la grande diversité de la nature des activités et des conditions de travail, ajoutées à l’insuffisance des ressources financières et humaines, il est difficile d’organiser des services efficaces de santé au travail pour les petites entreprises. Seuls quelques-uns des divers modèles de prestation de services de santé au travail présentés en détail dans ce chapitre peuvent être adaptés aux petites entreprises.

Les petites entreprises qui sont des unités opérationnelles de grandes entreprises sont peut-être les seules exceptions à la règle. Habituellement régies par des politiques établies pour l’ensemble de l’entreprise, elles prennent part à des activités d’éducation et de formation offertes à l’échelle de l’entreprise et elles ont accès à une équipe multidisciplinaire de spécialistes en santé au travail faisant partie d’un service central de santé au travail généralement situé au siège social de l’entreprise. Le fait que l’ensemble des coûts des activités de sécurité et de santé au travail sont assumés par le service central de santé au travail ou le budget général de l’entreprise joue un rôle clé dans le succès de ce modèle. Lorsque, suivant la tendance courante, les coûts sont imputés sur le budget d’exploitation de la petite entreprise, il peut être difficile d’obtenir la pleine collaboration de son dirigeant local, dont la performance est peut-être évaluée en fonction de la rentabilité de cette entreprise en particulier.

Dans plusieurs pays d’Europe — le Danemark, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède —, des petites et moyennes entreprises ont institué avec succès des services de groupe. Dans d’autres pays, pareils services de groupe ont été expérimentés avec l’aide de subventions gouvernementales ou de fondations privées, mais ils n’ont pas survécu au-delà de la période des subventions.

Le modèle du service axé sur une branche d’activité, qui fournit des services à un grand nombre d’entreprises travaillant toutes dans le même secteur, par exemple la construction, l’exploitation forestière, l’agriculture ou l’industrie alimentaire, est une variante intéressante du modèle des services de groupe. Il permet aux services de se spécialiser dans les problèmes propres à la branche d’activité et, partant, d’acquérir une grande compétence dans le domaine. Le Bygghälsan suédois, qui offre des services aux industries de la construction, en est un exemple bien connu.

Les services organisés par un syndicat dont les membres travaillent dans des petites entreprises très dispersées, mais appartenant à un même secteur d’activité (par exemple, les travailleurs de la santé, les commis bouchers, les employés de bureau et les travailleurs de la confection), constituent une exception digne d’être mentionnée. Généralement institués en vertu d’une convention collective, ces services sont financés par les contributions des employeurs, mais ils sont régis, pour la plupart, par un conseil d’administration formé de représentants des employeurs et des travailleurs. Quelques-uns gèrent des centres de santé locaux offrant une vaste gamme de services cliniques primaires et spécialisés non seulement aux travailleurs, mais aussi, bien souvent, aux personnes à leur charge.

Dans certains cas, les services de santé au travail sont assurés par des services de consultations externes en milieu hospitalier, des centres de santé privés et des centres locaux de soins de santé primaires. Ils se concentrent, en règle générale, sur le traitement des lésions et des maladies aiguës liées au travail et offrent peu de services préventifs, mis à part les examens médicaux systématiques. Leur personnel connaît souvent mal la santé et la sécurité au travail, et comme il est habituellement rémunéré à l’acte, cela ne l’incite guère à s’impliquer dans la surveillance, la prévention et la maîtrise des risques professionnels.

Ces «services externes» présentent un inconvénient particulier: la relation de client ou d’usager qui s’établit avec ceux qui les utilisent empêche généralement la participation et la collaboration des employeurs et des travailleurs à la planification et à la surveillance des services qui sont préconisés dans les conventions de l’OIT et les autres instruments internationaux mis au point pour orienter les services de santé et de sécurité au travail.

Le «modèle de la sécurité sociale», selon lequel les services de santé au travail sont assurés par l’organisme chargé aussi de l’indemnisation des maladies professionnelles et des accidents du travail, constitue une autre variante. Il permet de disposer plus facilement des ressources nécessaires pour financer non seulement des services de traitement et de réadaptation, mais aussi, au premier chef, des services de prévention.

Une étude importante menée en Finlande (Kalimo et coll., 1989), qui est l’une des très rares tentatives d’évaluation des services de santé au travail, a montré que ces services étaient majoritairement offerts, dans le cas des petites entreprises, par des centres de santé municipaux et privés et, en deuxième lieu, par des centres de groupe ou des centres communs. Plus l’entreprise était petite, plus elle avait tendance à utiliser les centres de santé municipaux; plus de 70% des petites entreprises comptant de un à cinq travailleurs se rangeaient dans cette catégorie. L’étude a permis de tirer des conclusions importantes notamment en ce qui concerne la valeur des visites en milieu de travail effectuées par le personnel des centres desservant les petites entreprises dans le but: 1) de mieux connaître les conditions de travail et les problèmes de santé au travail particuliers des entreprises clientes; 2) de déterminer si le personnel de ces centres devait recevoir une formation spéciale sur la santé et la sécurité au travail avant d’offrir les services.

Les genres d’activités des services de santé au travail desservant les petites entreprises

Les services de santé au travail conçus à l’intention des petites entreprises varient considérablement selon les lois et les pratiques nationales, la nature de l’activité et le milieu de travail concernés, les caractéristiques et l’état de santé des travailleurs et les ressources disponibles (capacité des petites entreprises d’assumer les coûts des services de santé au travail et présence de personnel et d’installations de soins de santé dans la localité). Une liste des activités pouvant être intégrées à des services complets de santé au travail a été dressée d’après les instruments internationaux cités précédemment et des colloques et consultations tenus à l’échelon régional (Rantanen, 1989; OMS, 1989a, 1989b). On peut dégager de ces rapports un certain nombre d’activités clés qui devraient toujours figurer dans un programme de santé au travail et qui présentent de l’intérêt pour les petites entreprises. En voici quelques-unes.

L’évaluation des besoins de l’entreprise en matière de santé au travail

Les activités de prévention et de contrôle sur le lieu de travail

Les activités de prévention axées sur les travailleurs

Les activités curatives

L’évaluation et la tenue de dossiers

Cette liste d’activités clés comporte implicitement la possibilité d’obtenir des conseils et des consultations dans des spécialités de la sécurité et de la santé au travail telles que l’hygiène du travail, l’ergonomie, la physiologie du travail, les techniques de sécurité, la psychiatrie et la psychologie du travail, etc. Il y a peu de chances pour que le personnel des centres qui offrent des services de santé au travail aux petites entreprises compte des spécialistes de ce genre, mais on peut généralement faire appel à leurs services, au besoin, par l’entremise d’organismes gouvernementaux, d’universités et de bureaux privés d’experts-conseils.

Comme les propriétaires/dirigeants de petites entreprises n’ont pas toujours les connaissances et le temps nécessaires, ils sont forcés de s’en remettre aux fournisseurs d’équipements de sécurité en ce qui concerne l’efficacité et la fiabilité de leurs produits, et aux fournisseurs de produits chimiques et d’autres matières utilisées dans le cadre de la production pour obtenir des renseignements clairs et complets (par exemple, des fiches techniques) sur les risques inhérents à ces produits et sur les moyens de les prévenir ou de les maîtriser. Il est donc important que des lois et des règlements nationaux régissent l’étiquetage, la qualité et la fiabilité des produits et que des renseignements faciles à comprendre (dans la langue de la région) soient fournis sur l’utilisation et l’entretien des équipements ainsi que sur l’utilisation et l’entreposage des produits. A titre de précaution supplémentaire, les organisations professionnelles et locales auxquelles appartiennent souvent les petites entreprises devraient fournir, dans le cadre de leurs bulletins et autres communications, des informations sur la prévention et le contrôle des expositions à des produits potentiellement dangereux.

Conclusion

En dépit de leur importance pour l’économie nationale et de leur rôle d’employeur de la majeure partie de la population active du pays, les petites entreprises, les travailleurs indépendants et le secteur agricole sont mal desservis, en général, par les services de santé au travail. La convention no 161 et la recommandation no 171 de l’OIT énoncent des principes directeurs pertinents pour la mise en place de pareils services à l’intention des petites entreprises et elles devraient être ratifiées et mises en œuvre par tous les pays. Les gouvernements nationaux devraient concevoir les mécanismes juridiques, administratifs et financiers nécessaires pour offrir, dans tous les lieux de travail, des services de sécurité et de santé capables de cerner, de prévenir et de contrôler les expositions à des risques éventuels et de faire en sorte que l’état de santé, le bien-être et la capacité de production de l’ensemble des travailleurs atteignent un niveau optimal et s’y maintiennent. Il faut promouvoir la collaboration à l’échelon international, régional et sous-régional, à l’exemple de l’OIT et de l’OMS, afin de favoriser l’échange d’informations et de données d’expérience, l’élaboration de normes et de directives adéquates et l’exécution de programmes pertinents de formation et de recherche.

Les petites entreprises hésitent bien souvent à solliciter activement les services des unités de santé au travail, mais elles auraient tout intérêt à le faire. Face à ces réticences, des gouvernements et des institutions, en particulier dans les pays nordiques, ont adopté une nouvelle stratégie et engagé une vaste action en vue de l’établissement ou de l’extension de tels services. L’Institut finlandais de santé au travail, pour n’en citer qu’un, applique actuellement un programme d’action, à l’intention de 600 petites entreprises employant 16 000 travailleurs, qui vise à mettre en place des services de santé au travail, à maintenir l’aptitude au travail, à prévenir les dangers pour l’environnement dans le voisinage et à améliorer la compétence des petites entreprises en matière de sécurité et de santé au travail.

L’ASSURANCE ACCIDENTS ET LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL EN ALLEMAGNE

Wilfried Coenen et Edith Perlebach

Tous les employeurs ont l’obligation contractuelle de prendre des mesures afin d’assurer la sécurité de leurs salariés. Les règles et les règlements relatifs au travail sont naturellement aussi variés que les dangers que présente le milieu de travail. La loi sur la sécurité au travail de la République fédérale d’Allemagne impose donc aux employeurs l’obligation de consulter des spécialistes pour les questions touchant la sécurité au travail. Les employeurs doivent en conséquence nommer non seulement des spécialistes (en particulier pour trouver des solutions techniques) mais aussi des médecins d’entreprise, chargés de s’occuper des aspects médicaux de la sécurité au travail.

La loi sur la sécurité au travail est en vigueur depuis décembre 1973. La République fédérale d’Allemagne ne comptait alors qu’environ 500 médecins ayant une formation en médecine du travail. Le système d’assurance accidents obligatoire a joué un rôle décisif dans l’élaboration et l’édification du système actuel, qui a permis à la médecine du travail de se développer dans les sociétés par l’entremise des médecins d’entreprise.

Le double système de sécurité et de santé au travail dans la République fédérale d’Allemagne

Le système d’assurance accidents obligatoire, l’un des cinq secteurs de l’assurance sociale, est chargé, à titre prioritaire, de prendre toutes les mesures pertinentes pour assurer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles par la détection et l’élimination des risques pour la santé liés au travail. Les législateurs ont accordé de larges pouvoirs à ce système autonome pour lui permettre de s’acquitter du mandat qui lui avait été confié par la loi: il peut adopter ses propres règles et règlements pour concevoir et formuler les mesures préventives nécessaires. Le système d’assurance accidents obligatoire est donc chargé — dans les limites du droit public en vigueur — de déterminer quand un employeur doit engager un médecin d’entreprise, quelles compétences en médecine du travail il doit exiger de lui et combien de temps ce dernier doit consacrer aux soins à son personnel.

La première version de ce règlement relatif à la prévention des accidents remonte à 1978. A l’époque, il ne semblait pas y avoir assez de médecins connaissant la médecine du travail pour répondre aux besoins de toutes les entreprises. Il a donc été décidé d’établir tout d’abord des conditions précises pour les grandes entreprises. Ces dernières avaient déjà pris les devants et avaient adopté, en ce qui concerne les médecins d’entreprise, des dispositions qui satisfaisaient aux exigences du règlement relatif à la prévention des accidents ou même les dépassaient.

L’embauchage d’un médecin d’entreprise

C’est le système d’assurance accidents obligatoire qui détermine le nombre d’heures à consacrer aux soins aux salariés dans une entreprise. Ce nombre est calculé d’après ce que les assureurs connaissent des risques pour la santé présents dans les divers secteurs d’activité. L’affectation d’un médecin d’entreprise est donc fonction du classement des entreprises fait par certains assureurs et de l’évaluation des risques potentiels pour la santé.

Comme les soins assurés par des médecins d’entreprise constituent une mesure de sécurité au travail, l’employeur doit assumer les frais liés à l’affectation de ces médecins. Le nombre de salariés de chacun des secteurs à risque multiplié par le temps alloué aux soins détermine le montant des dépenses. Il existe donc toute une gamme de soins possibles, selon la taille de l’entreprise, puisque cette dernière peut employer un ou plusieurs médecins à plein temps (médecins appartenant à l’entreprise) ou à temps partiel (services facturés à l’heure). La diversité des besoins a ainsi donné lieu à de multiples formes de services de médecine du travail.

Les fonctions d’un médecin d’entreprise

En principe, il faudrait distinguer, pour des raisons juridiques, les dispositions prises par les entreprises pour assurer des soins à leurs salariés et le travail fait par les médecins du système de santé public chargé de fournir des soins médicaux généraux à la population.

La loi sur la sécurité au travail a déjà défini un ensemble de fonctions pour les médecins d’entreprise afin de distinguer clairement les services de médecine du travail dont les employeurs assument la responsabilité, et qui sont énoncés à la figure 16.2. Les médecins d’entreprise n’exercent pas leurs fonctions sous les ordres de l’employeur; ils doivent cependant toujours combattre cette image, même de nos jours.

Figure 16.2 Fonctions des médecins du travail employés par des entreprises en Allemagne

Figure 16.2

L’une des fonctions essentielles du médecin d’entreprise est l’examen médical des salariés au travail. Selon le contexte, un tel examen peut s’imposer, par exemple si des conditions de travail particulières amènent le médecin d’entreprise à offrir, de son propre chef, aux salariés concernés de subir un examen médical. Il ne peut toutefois forcer un salarié à se soumettre à cet examen, mais il doit plutôt l’amener à le faire en créant un climat de confiance.

Les bilans de santé préventifs en médecine du travail

Les bilans de santé préventifs, que les employeurs peuvent prescrire à leur personnel selon la loi, viennent s’ajouter à ce genre d’examen. A l’issue de ce bilan, le médecin délivre un certificat dans lequel il atteste qu’il n’a pas d’objection à ce que le salarié travaille au poste de travail envisagé. L’attestation n’est valable qu’une seule fois.

La loi prescrit des bilans de santé préventifs s’il y a exposition à des matières dangereuses particulières au travail ou si l’emploi comporte des activités particulièrement dangereuses et si ces risques sanitaires ne peuvent être éliminés par des mesures de sécurité pertinentes. Ce n’est que dans des cas exceptionnels — par exemple, dans celui des bilans de santé de radioprotection — que la prescription prévoyant un examen obligatoire est appuyée par des règlements précisant ce que le médecin doit rechercher, quelles méthodes il doit appliquer et quels critères il doit utiliser pour interpréter le résultat de l’examen et juger de l’état de santé en relation avec l’affectation à des tâches.

Les Berufsgenossenschaften, associations professionnelles qui offrent des assurances accidents aux secteurs du commerce et de l’industrie, ont donc décidé, en 1972, d’autoriser un comité d’experts à élaborer des recommandations pertinentes pour les médecins s’occupant de médecine du travail. Ces recommandations existent depuis plus de vingt ans. Les directives relatives aux bilans de santé préventifs, énumérées à la figure 16.3, font état de 43 procédures d’examen applicables aux divers dangers pour la santé qui peuvent être maîtrisés, dans l’état actuel des connaissances, par des mesures médicales appropriées et afin d’empêcher les maladies de se développer.

Figure 16.3 Données récapitulatives sur les services externes des Berufsgenossenschaften
dans l'industrie

Figure 16.3

Les Berufsgenossenschaften sont chargées de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la survenue de maladies professionnelles, et c’est à ce titre qu’elles formulent de telles recommandations. Ces directives relatives aux bilans de santé préventifs constituent un ouvrage de référence en médecine du travail. Elles sont applicables à toutes les sphères d’activité, et non pas seulement à celles de l’industrie et du commerce.

En marge de ces recommandations en matière de médecine du travail, les Berufsgenossenschaften ont aussi pris rapidement des mesures pour obliger les entreprises n’ayant pas leur propre médecin à faire en sorte que leurs salariés bénéficient de ces bilans préventifs. Des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent même, à condition de respecter certaines exigences de base liées essentiellement à leurs connaissances spécialisées et aux installations dont ils disposent, être autorisés à effectuer des bilans préventifs, conformément à une politique appliquée par les Berufsgenossenschaften. C’est là la condition préalable qui a été imposée aux 13 000 médecins autorisés, au total, qui procèdent à 3,8 millions de bilans préventifs chaque année en Allemagne.

Si l’on a pu exiger légalement que les entreprises procèdent à ces bilans préventifs, qu’elles aient ou non un médecin à leur service, c’est que le pays possédait un nombre suffisant de médecins. Il devenait donc possible d’utiliser le système d’assurance accidents obligatoire pour appliquer certaines mesures de protection de la santé au travail, même dans les petites entreprises. Les règlements pertinents figurent dans l’ordonnance sur les substances dangereuses ainsi que dans la réglementation relative à la prévention des accidents, qui régissent les droits et obligations de l’employeur et du salarié examiné et le rôle du médecin agréé.

Les soins assurés par les médecins d’entreprise

Les statistiques publiées chaque année par l’Ordre fédéral des médecins (Bundesärztekammer) indiquent que, pour l’année 1994, plus de 11 500 médecins satisfaisaient aux conditions, sur le plan des connaissances spécialisées en médecine du travail, pour être des médecins d’entreprise (voir tableau 16.2). En République fédérale d’Allemagne, l’organisation Standesvertretung, qui représente la profession médicale, réglemente en toute autonomie les conditions que doivent remplir les médecins, sur le plan des études et du perfectionnement professionnel, pour exercer dans un domaine donné.

Tableau 16.2 Médecins ayant des connaissances spécialisées en médecine du travail

 

Nombre

Pourcentage

Désignation sectorielle «médecine du travail»

 3 776

 31,4

Désignation supplémentaire «médecine d’entreprise»

 5 732

 47,6

Connaissances spécialisées en médecine du travail (autres qualifications)

 2 526

 21,0

Total

12 034

100

1 Au 31 décembre 1995.

Pour satisfaire à ces conditions, le médecin d’entreprise doit être diplômé en «médecine du travail» ou en «médecine d’entreprise»; c’est-à-dire qu’à l’issue de quatre ans d’études suivant l’obtention du permis d’exercice de la médecine il peut travailler exclusivement en médecine du travail ou, à l’issue de trois ans d’études, il peut travailler à titre de médecin d’entreprise seulement s’il exerce aussi dans un autre domaine de la médecine (par exemple, en médecine interne). Les médecins privilégient la deuxième option, en général. C’est dire qu’ils considèrent que l’essentiel de leur activité professionnelle s’exerce dans un domaine classique de la médecine et non en médecine du travail.

La médecine du travail apparaît comme une source de revenus secondaire aux yeux de ces médecins. Cela explique également pourquoi l’examen médical continue de prédominer dans la pratique de la médecine d’entreprise, même si les mesures législatives et le système d’assurance accidents obligatoire mettent l’accent sur l’inspection des entreprises et les conseils médicaux aux employeurs et aux salariés.

Il existe, en outre, un groupe de médecins qui ont acquis des connaissances spécialisées en médecine du travail il y a bien longtemps et satisfaisaient aux conditions imposées à l’époque. Les conditions que devaient remplir les médecins de l’ex-République démocratique allemande pour exercer à titre de médecins d’entreprise revêtent une importance particulière à cet égard.

L’organisation des soins fournis par les médecins d’entreprise

En principe, l’employeur peut choisir librement un médecin d’entreprise parmi ceux qui offrent leurs services en médecine du travail. Comme l’offre de médecins n’était pas suffisante lorsque les conditions préalables pertinentes ont été fixées par la loi au début des années soixante-dix, le système d’assurance accidents obligatoire a pris l’initiative de réguler les mécanismes du marché de l’offre et de la demande.

Les Berufsgenossenschaften de l’industrie de la construction ont créé leurs propres services de médecine du travail en engageant sur contrat des médecins spécialisés en médecine du travail pour assurer des soins dans les entreprises qui leur étaient affiliées. Les Berufsgenossenschaften ont pris des dispositions, dans le cadre de leurs statuts, pour que chacune de leurs entreprises soit desservie par un service de médecine du travail. Les coûts étaient répartis entre toutes les entreprises au moyen de formules de financement appropriées. On trouvera au tableau 16.3 des renseignements succincts sur les services externes de médecine du travail offerts par les Berufsgenossenschaften de l’industrie de la construction.

Tableau 16.3 Soins médicaux en entreprise offerts par des services externes de
médecine du travail, 1994

 

Médecins assurant des soins à titre d’activité principale

Médecins assurant des soins à titre d’activité secondaire

Centres

Salariés desservis

ARGE Bau1

221

 

83 mobile: 46

 

BAD2

485

72

175 mobile: 7

1,64 million

IAS3

183

 

58

500 000

TÜV4

 

 

72

 

AMD Würzburg5

60–70

 

30–35

 

1 ARGE Bau = Communauté des travailleurs des Berufsgenossenschaften de l’industrie de la construction. 2 BAD = Service de médecine du travail des Berufsgenossenschaften.3 IAS = Institut de médecine du travail et de médecine sociale.4 TÜV = Association de contrôle technique.5 AMD Würzburg = Service de médecine du travail des Berufsgenossenschaften.

Les Berufsgenossenschaften de l’industrie des transports maritimes et du cabotage ont également mis sur pied des services de médecine du travail pour leur secteur. Il est à noter que les caractéristiques propres aux entreprises de ce secteur — activités sans localisation fixe et exigences professionnelles particulières — ont eu une influence déterminante sur leur décision de souligner à leurs entreprises affiliées la nécessité des médecins d’entreprise.

Des facteurs semblables ont amené les autres Berufsgenossenschaften à former une confédération pour fonder le service de médecine du travail des Berufsgenossenschaften (BAD). Cet organisme, qui offre ses services à toutes les entreprises sur le marché, a pu s’établir rapidement partout en République fédérale d’Allemagne grâce à la garantie financière des Berufsgenossenschaften. Cela lui permet de faire en sorte que les entreprises situées dans les Länder où l’activité économique est relativement faible aient accès à un médecin d’entreprise dans leur région. Le principe est toujours le même de nos jours. Le BAD est considéré comme le fournisseur le plus important de services de médecine du travail. L’économie de marché le force cependant à soutenir la concurrence d’autres fournisseurs, surtout dans les agglomérations urbaines, en maintenant un haut niveau de qualité.

Les services de médecine du travail de l’Association de contrôle technique (TÜV) et de l’Institut de médecine du travail et de médecine sociale (IAS) viennent au deuxième et au troisième rang en importance, toutes régions confondues. Il y a également de nombreuses entreprises de taille plus restreinte, présentes à l’échelon régional, dans tous les Länder d’Allemagne.

La collaboration avec d’autres fournisseurs de services de sécurité et de santé au travail

La loi sur la sécurité au travail, fondement juridique des soins assurés par les médecins d’entreprise, régit aussi la surveillance professionnelle de la sécurité au travail afin notamment que les questions de sécurité au travail soient traitées par un personnel bien au fait des précautions techniques à prendre. Les exigences du travail en industrie ont parallèlement changé à tel point que les connaissances techniques concernant la sécurité au travail doivent maintenant s’accompagner de plus en plus d’une connaissance de la toxicologie des matières utilisées. En outre, l’organisation ergonomique des conditions de travail et les effets physiologiques des agents biologiques jouent un rôle croissant dans l’évaluation du stress au travail.

Les connaissances nécessaires ne peuvent être rassemblées que par la collaboration interdisciplinaire d’experts dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Le système d’assurance accidents obligatoire encourage donc particulièrement l’élaboration de formes d’organisation qui prennent en compte cette collaboration interdisciplinaire au stade organisationnel et il crée, à l’intérieur même de sa structure, des conditions favorables à cette collaboration en réorganisant en conséquence ses services administratifs. Ce que l’on appelait autrefois le Service d’inspection technique du système d’assurance accidents obligatoire devient un secteur axé sur la prévention comptant non seulement des techniciens, mais aussi des chimistes, des biologistes et, de plus en plus, des médecins qui cherchent ensemble à résoudre les problèmes de santé au travail.

C’est là l’une des conditions essentielles à l’instauration de la collaboration interdisciplinaire — à l’intérieur des entreprises et entre les services de technologie de la sécurité et les médecins d’entreprise — dont on a besoin pour résoudre efficacement les problèmes immédiats de santé et de sécurité au travail.

Il faudrait, en outre, intensifier la supervision des techniques de sécurité dans toutes les entreprises tout comme le droit de regard des médecins d’entreprise. Il faut que les entreprises emploient des spécialistes de la sécurité en s’appuyant sur le même fondement juridique — la loi sur la sécurité au travail — ou qu’elles fournissent elles-mêmes du personnel dûment formé dans ce secteur. A l’instar de la supervision assurée par les médecins d’entreprise, le règlement relatif à la prévention des accidents à l’intention des spécialistes de la sécurité au travail (VBG 122) a énoncé les exigences que les entreprises doivent fixer pour l’embauchage de ces spécialistes. En outre, dans le cas de la supervision des techniques de sécurité des entreprises, on a pris soin de veiller à ce que ces exigences s’appliquent à chacune des 2,6 millions d’entreprises que comptent actuellement le secteur privé et le secteur public.

Environ 2 millions de ces entreprises ont moins de 20 salariés et sont classées parmi les petites entreprises. En supervisant pleinement toutes les entreprises, y compris les petites et les très petites, le système d’assurance accidents obligatoire se donne la possibilité de faire respecter la sécurité et la santé au travail dans tous les secteurs.

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL AUX ÉTATS-UNIS: INTRODUCTION

Sharon L. Morris et Peter Orris

Historique

Les services de santé au travail aux Etats-Unis ont, de tout temps, été caractérisés par une division entre fonction et contrôle. La question de savoir dans quelle mesure le gouvernement, à quelque échelon que ce soit, devrait promulguer des règles régissant les conditions de travail a toujours soulevé la controverse. En outre, il y a eu des tiraillements entre les gouvernements des Etats et le gouvernement fédéral sur le point de savoir à qui incombe la responsabilité première d’assurer des services de prévention fondés essentiellement sur les lois régissant la sécurité et la santé au travail. L’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles a été prise en charge principalement par les compagnies d’assurances privées, tandis que l’éducation en matière de santé et de sécurité a été, jusqu’à tout récemment, laissée en grande partie aux syndicats et aux entreprises.

C’est au niveau des Etats qu’ont eu lieu les premiers efforts gouvernementaux de réglementation des conditions de travail. Des Etats ont entrepris d’adopter des lois sur la santé et la sécurité au travail au tout début du XIXe siècle, époque où l’augmentation de la production industrielle commençait à s’accompagner de taux d’accidents élevés. La Pennsylvanie a adopté la première loi sur l’inspection des mines de charbon en 1869, et le Massachusetts a été le premier Etat à promulguer une loi sur l’inspection des fabriques en 1877.

En 1900, les Etats les plus industrialisés avaient adopté des lois concernant certains dangers au travail. Au début du XXe siècle, l’Etat de New York et celui du Wisconsin faisaient figure de pionniers en élaborant des programmes plus importants de sécurité et de santé au travail.

La plupart des Etats ont adopté, entre 1910 et 1920, des lois sur la réparation des accidents du travail établissant l’assurance privée sans égard à la faute. Quelques Etats, dont celui de Washington, ont instauré un système de collecte de données et d’orientation des objectifs de recherche. Les lois sur la réparation des accidents du travail variaient considérablement d’un Etat à l’autre, n’étaient généralement pas bien appliquées et excluaient de nombreux travailleurs, notamment ceux de l’agriculture. Seuls les salariés des chemins de fer et des ports, les débardeurs et les fonctionnaires fédéraux avaient des régimes nationaux de réparation des accidents du travail.

Au cours des premières décennies du XXe siècle, le rôle du gouvernement fédéral en matière de sécurité et de santé au travail s’est borné à la recherche et au conseil. En 1910, le Bureau fédéral des mines (Federal Bureau of Mines) a été créé au sein du ministère de l’Intérieur pour enquêter sur les accidents, consulter l’industrie, faire de la recherche sur la sécurité et la production et conduire des actions de formation à la prévention des accidents, aux premiers secours et au sauvetage dans les mines. L’Office d’hygiène industrielle et de salubrité (Office of Industrial Hygiene and Sanitation) a été créé au sein du Service de santé publique, en 1914, pour faire de la recherche et aider les Etats à résoudre les problèmes de sécurité et de santé au travail. Il a été installé à Pittsburgh parce qu’il était étroitement lié au Bureau des mines et qu’il s’occupait surtout des accidents du travail et des maladies survenant dans les secteurs des mines et de l’acier.

Un ministère du Travail distinct a été institué en 1913; le Bureau des normes du travail et le Conseil interministériel de la sécurité ont été mis en place en 1934. En 1936, le ministère du Travail a commencé à jouer un rôle de réglementation en vertu de la loi Walsh-Healey sur les marchés publics, qui obligeait certains entrepreneurs fédéraux à respecter des normes minimales en matière de sécurité et de santé. Le contrôle de l’application de ces normes était effectué par les Etats avec une efficacité variable, en vertu d’accords de collaboration avec le ministère du Travail. Nombreux étaient ceux qui affirmaient que cette juxtaposition hétéroclite de lois des Etats et de lois fédérales ne permettait pas de prévenir efficacement les accidents du travail et les maladies professionnelles.

L’ère moderne

Les premières lois fédérales importantes sur la sécurité et la santé au travail ont été adoptées en 1969 et 1970. En novembre 1968, une explosion survenue à Farmington, en Virginie occidentale, a tué 78 travailleurs d’une mine de charbon, ce qui a amené les mineurs à réclamer des lois fédérales plus sévères. En 1969, la loi fédérale sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon, fixant des normes obligatoires de santé et de sécurité pour les mines de charbon souterraines, a été adoptée. Combinée à d’autres lois antérieures sur les mines et élargie, elle est devenue la loi fédérale sur la sécurité et la santé dans les mines de 1977, portant création de l’Administration de la sécurité et de la santé dans les mines, chargée d’élaborer et de veiller à l’application des normes de sécurité et de santé pour l’ensemble du secteur minier aux Etats-Unis.

Ce n’est pas une catastrophe unique, mais une hausse régulière des taux d’accidents au cours des années soixante qui a favorisé l’adoption de la loi sur la sécurité et la santé au travail de 1970. Le souci naissant de protéger l’environnement et une décennie de législation progressiste ont assuré l’adoption de la nouvelle loi omnibus, qui s’applique à la majorité des lieux de travail aux Etats-Unis. Elle a institué l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), au sein du ministère du Travail, chargée de fixer et de faire appliquer les normes fédérales sur la sécurité et la santé au travail. La loi ne marquait pas une rupture complète par rapport au passé, puisqu’elle prévoyait un mécanisme permettant aux Etats d’administrer leurs propres programmes de sécurité et de santé au travail. La loi a établi aussi l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), au sein de ce qui est aujourd’hui le ministère de la Santé, chargé de faire de la recherche, de former des professionnels de la santé et de la sécurité et d’élaborer des normes dans ce domaine.

De nos jours, aux Etats-Unis, les services de sécurité et de santé au travail sont assurés par divers secteurs. Dans les grandes entreprises, le traitement, la prévention et l’éducation relèvent essentiellement des services médicaux des entreprises. Dans les plus petites entreprises, ces services sont généralement assurés par des hôpitaux, des établissements de soins ou des cabinets de médecins.

Les évaluations toxicologiques et les évaluations médicales indépendantes sont confiées à des médecins ainsi qu’à des centres hospitaliers universitaires et autres établissements de soins du secteur public. Enfin, des services gouvernementaux assurent le contrôle de l’application des lois sur la sécurité et la santé au travail, le financement de la recherche, la formation et l’élaboration de normes en la matière.

Ce système complexe est décrit dans les articles qui suivent. MM. Bunn et McCunney, respectivement de la Mobil Oil Corporation et du Massachusetts Institute of Technology, traitent des services offerts en entreprise. Penny Higgins (RN, BS), de Northwest Community Healthcare à Arlington Heights (Illinois), décrit les programmes offerts en milieu hospitalier. Dean B. Baker (MD, MPH), directeur de l’Université de Californie, expose les activités des centres hospitalo-universitaires. Linda Rosenstock, directrice du NIOSH, et Sharon L. Morris, du Département de l’hygiène de l’environnement de l’Université de Washington, résument les activités gouvernementales à l’échelon fédéral, à l’échelon des Etats et à l’échelon local. LaMont Byrd, directeur de la santé et de la sécurité à la Fraternité internationale des Teamsters, AFL-CIO, décrit les diverses activités qu’offre son service aux membres de ce syndicat international.

Cette division des responsabilités en matière de santé au travail engendre souvent des chevauchements et, dans le cas de l’indemnisation des travailleurs, des prescriptions et des services contradictoires. Cette approche pluraliste fait à la fois la force et la faiblesse du système aux Etats-Unis. Elle permet d’aborder les problèmes sous divers angles, mais elle peut semer la confusion chez l’utilisateur qui ne connaît pas parfaitement le système. C’est un système qui fluctue souvent et où la balance des pouvoirs va et vient entre les intervenants clés — secteur privé, syndicats, gouvernements des Etats ou gouvernement fédéral.

LES ORGANISMES GOUVERNEMENTAUX DE SANTÉ
AU TRAVAIL AUX ÉTATS-UNIS

Sharon L. Morris et Linda Rosenstock

L’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA))

Objet et organisation

L’OSHA a été créée pour inciter les employeurs et les travailleurs à réduire les risques au travail et à mettre en œuvre des programmes efficaces de sécurité et de santé. Pour ce faire, elle établit et fait appliquer des normes, elle surveille l’exécution des programmes de sécurité et de santé des Etats, elle fait obligation aux employeurs de tenir des registres des accidents du travail et des maladies professionnelles, elle dispense aux employeurs et aux salariés une formation en matière de sécurité et de santé et elle effectue des enquêtes sur les plaintes des travailleurs qui se disent victimes de représailles pour avoir signalé des risques pour la sécurité ou la santé.

L’OSHA est dirigée par un secrétaire adjoint au Travail pour la sécurité et la santé au travail, qui fait rapport au secrétaire au Travail. L’OSHA a son siège à Washington, DC, et elle compte 10 bureaux régionaux et quelque 85 bureaux de secteur. Environ la moitié des Etats administre ses propres programmes de sécurité et de santé, et l’OSHA s’en charge dans les Etats qui n’ont pas de programme propre. La loi sur la sécurité et la santé au travail exige aussi que chaque organisme gouvernemental fédéral exécute un programme de sécurité et de santé conforme aux normes de l’OSHA.

Le programme et les services

Les normes constituent la base du programme de l’OSHA; elles définissent les exigences que doivent respecter les employeurs. Les projets de normes sont publiés dans le Registre fédéral, et le public peut les commenter et faire entendre sa voix. Les normes finales sont également publiées dans le Registre fédéral et peuvent être contestées devant une cour d’appel des Etats-Unis.

Les employeurs sont tenus de respecter la clause du devoir général de diligence prévue dans la loi sur la sécurité et la santé au travail dans les domaines où l’OSHA n’a pas établi de norme; cette clause stipule que chaque employeur doit fournir à ses salariés «un lieu de travail exempt des risques connus qui causent ou sont de nature à causer le décès ou un dommage physique grave».

L’OSHA a le droit d’entrer dans les lieux de travail pour déterminer si un employeur respecte les exigences de la loi. Elle accorde la plus haute priorité aux enquêtes sur les dangers imminents, les catastrophes et les accidents mortels, les plaintes des salariés et les inspections régulières dans les secteurs très dangereux.

Si l’employeur refuse l’accès à ses locaux, l’inspecteur peut se trouver dans l’obligation d’obtenir un mandat de perquisition d’un juge de district ou d’un magistrat des Etats-Unis. Les représentants de l’employeur et des travailleurs ont le droit d’accompagner les inspecteurs de l’OSHA dans leurs visites d’entreprise. L’inspecteur délivre des mises en demeure et propose des peines pour toutes les violations constatées pendant l’inspection et fixe un délai pour y remédier.

L’employeur peut contester la mise en demeure devant la Commission de contrôle de la sécurité et de la santé au travail, organisme indépendant chargé de statuer sur les contestations des mises en demeure délivrées par l’OSHA et les amendes fixées. L’employeur peut aussi interjeter appel d’une décision négative de la Commission de contrôle devant un tribunal fédéral.

Les employeurs qui consentent à remédier aux risques graves relevés par le conseiller peuvent bénéficier d’une assistance gratuite à cette fin. L’aide peut porter sur l’élaboration de programmes de sécurité et de santé et la formation des travailleurs. Ce service, qui s’adresse surtout aux petits employeurs, est financé en grande partie par l’OSHA et assuré par des organismes gouvernementaux ou des universités.

L’OSHA a un programme de protection volontaire selon lequel les entreprises sont dispensées des inspections régulières si elles satisfont à certains critères et acceptent de mettre en place leurs propres programmes complets de sécurité et de santé. Ces entreprises doivent avoir un taux d’accidents inférieur à la moyenne et des programmes de sécurité écrits, mettre leurs registres d’accidents et d’exposition aux risques à la disposition de l’OSHA et informer les travailleurs de leurs droits.

Les ressources

L’OSHA avait, en 1995, un budget de 312 millions de dollars et environ 2 300 salariés. Ces ressources servaient à assurer la protection de plus de 90 millions de travailleurs dans l’ensemble des Etats-Unis.

Les programmes de prévention des Etats

Objet et organisation

La loi sur la sécurité et la santé au travail de 1970 a donné aux gouvernements des Etats la possibilité de réglementer la sécurité et la santé au travail.

Les Etats qui désirent mettre en œuvre leur propre programme d’élaboration et d’application de normes de sécurité et de santé soumettent un plan à l’approbation de l’OSHA. Ce plan énonce en détail ce que l’Etat compte faire pour élaborer et appliquer des normes «au moins aussi efficaces» que celles de l’OSHA et pour exercer sa juridiction sur les agents de la fonction publique des Etats, des villes et des autres administrations publiques (à l’exception des administrations fédérales) auxquels l’OSHA n’assure pas d’autre protection. Dans ces Etats, le gouvernement fédéral renonce à ses responsabilités directes en matière de réglementation et se charge plutôt de financer en partie les programmes des Etats et de vérifier si leurs activités sont conformes aux normes nationales.

Les programmes et les services

Environ la moitié des Etats ont choisi d’administrer leurs propres programmes. Deux autres Etats, New York et le Connecticut, ont décidé de conserver la compétence fédérale sur leur territoire mais d’ajouter un système de sécurité et de santé au travail qui assure la protection des agents de la fonction publique.

Les programmes de prévention administrés par les Etats permettent d’orienter les ressources et les efforts de réglementation vers les besoins particuliers de chacun d’eux. L’exploitation forestière, par exemple, ne se fait pas de la même façon dans l’est et dans l’ouest des Etats-Unis. La Caroline du Nord, qui administre son propre programme de prévention, a pu cibler ses programmes de réglementation, de vulgarisation, de formation et d’exécution de façon à répondre aux besoins de ses bûcherons sur le plan de la sécurité et de la santé.

L’Etat de Washington, qui a une importante base économique agricole, a élaboré des normes de sécurité pour l’agriculture qui excèdent les normes minimales obligatoires sur le plan national et a traduit en espagnol les informations sur la sécurité pour répondre aux besoins des travailleurs agricoles hispanophones.

Les Etats peuvent élaborer non seulement des programmes spécifiques, mais aussi des programmes et des règlements qui ne recueilleraient pas suffisamment d’appui à l’échelon fédéral. La Californie, l’Utah, le Vermont et l’Etat de Washington limitent l’exposition à la fumée du tabac au travail; l’Etat de Washington et l’Oregon exigent que chaque employeur élabore des plans de prévention des accidents et des maladies pour chaque lieu de travail; l’Utah a adopté, dans les secteurs du forage pétrolier et gazier et de la fabrication d’explosifs, des normes supérieures à celles que l’OSHA a fixées à l’échelon fédéral.

Les Etats peuvent mettre en œuvre des programmes de consultation pour aider gratuitement les employeurs à déceler les dangers au travail et à y remédier. Ces consultations, qui n’ont lieu qu’à la demande de l’employeur, sont séparées des programmes d’exécution.

Les ressources

En 1993, les programmes administrés par les Etats comptaient en tout 1 170 personnes chargées du contrôle de l’application, selon l’association chargée des plans de sécurité et de santé au travail des Etats. Ils comptaient en outre quelque 300 conseillers en matière de prévention et près de 60 coordonnateurs de la formation et de l’éducation. La plupart de ces programmes relèvent du ministère du Travail des Etats.

L’Administration de la sécurité et de la santé dans les mines (Mine Safety and Health Administration (MSHA))

Objet et organisation

L’Administration de la sécurité et de la santé dans les mines (MSHA) adopte et fait appliquer des normes visant à réduire les accidents, les maladies et les décès dans le secteur des mines et du traitement des minerais, indépendamment de la taille de l’entreprise, de la méthode d’extraction ou du nombre de salariés. La MSHA doit inspecter toutes les mines souterraines au moins quatre fois par an et toutes les mines à ciel ouvert au moins deux fois par an.

Outre ses activités de contrôle, la MSHA est tenue, en vertu de la loi sur la sécurité et la santé dans les mines, d’établir des règlements concernant la formation à la sécurité et à la santé des mineurs, d’améliorer et de renforcer les lois sur la santé et la sécurité dans les mines, et d’encourager les mineurs et leurs représentants à prendre part aux activités de prévention. La MSHA collabore aussi avec les exploitants des mines en vue de résoudre les problèmes de sécurité et de santé au moyen de programmes d’éducation et de formation et de mesures de prévention technique pour réduire les accidents.

A l’instar de l’OSHA, la MSHA est dirigée par un secrétaire adjoint au Travail. Dans les régions de mines de charbon, dix bureaux de district y gèrent les activités de prévention. Six bureaux de district administrent les activités de prévention dans les mines métalliques et non métalliques des régions minières du pays.

Un certain nombre de bureaux qui secondent la MSHA dans sa tâche sont situés au siège, à Arlington (Virginie). Ce sont le Bureau des normes, des règlements et des dérogations, le Bureau des évaluations, la Direction de l’appui technique et le Bureau de l’organisation des programmes. En outre, le Bureau de la promotion et de l’orientation de la formation supervise le programme de formation de la MSHA à l’Académie nationale de la sécurité et de la santé dans les mines de Beckley (Virginie-Occidentale), la plus grande institution au monde consacrée entièrement à la formation à la prévention dans les mines.

Les programmes et les services

Le nombre de décès et de lésions dans le secteur minier a connu une baisse importante au cours du dernier siècle. Des milliers de travailleurs des mines de charbon ont été tués entre 1880 et 1910, dont 3 242 dans la seule année 1907. D’autres types de mines ont également fait de nombreux morts. Le nombre moyen de décès dans les mines a baissé au fil des ans et s’établit à moins de 100 par année aujourd’hui.

La MSHA exige, conformément aux dispositions de la loi sur les mines, que les entreprises minières aient un plan approuvé de formation à la prévention prévoyant 40 heures de formation de base pour les nouveaux mineurs de fond, 24 heures de formation pour les nouveaux mineurs de surface, 8 heures de recyclage par an pour l’ensemble des mineurs et une formation sur la sécurité propre à certaines tâches pour les mineurs affectés à un nouveau poste de travail. L’Académie nationale de la sécurité et de la santé dans les mines offre toute une gamme de cours de prévention. La MSHA dispense une formation spéciale pour les dirigeants et les travailleurs des petites exploitations minières. On peut se procurer le matériel pédagogique de la MSHA, y compris les bandes vidéo, les films, les publications et les documents techniques à l’Académie et dans les bureaux de district.

Les ressources

En 1995, la MSHA disposait d’un budget d’environ 200 millions de dollars et comptait environ 2 500 salariés. Ces ressources devaient assurer la santé et la sécurité de quelque 113 000 travailleurs des mines de charbon et de 197 000 travailleurs des mines métalliques et non métalliques.

L’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH))

Objet et organisation

L’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH) est l’organisme fédéral chargé de faire de la recherche sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et de présenter à l’OSHA des projets de normes. Le NIOSH finance des programmes de formation à l’intention des professionnels de la santé et de la sécurité au travail par l’entremise des Centres de ressources pédagogiques et des projets de formation menés en milieu universitaire partout aux Etats-Unis. En vertu de la loi sur la sécurité et la santé dans les mines de 1977, le NIOSH effectue également des recherches et des évaluations sur les risques sanitaires et il recommande des normes sur la santé dans les mines à la MSHA.

Le directeur du NIOSH fait rapport à celui des Centres de lutte contre la maladie (CDC) qui relèvent du ministère de la Santé. Le siège du NIOSH se trouve à Washington, DC, les bureaux administratifs, à Atlanta (Géorgie) et les laboratoires, à Cincinnati (Ohio) et à Morgantown (Virginie-Occidentale).

Les programmes et les services

Le NIOSH fait de la recherche à la fois sur les lieux de travail et en laboratoire. Il recense les lésions et les maladies d’origine professionnelle grâce à ses programmes de surveillance. Il recueille notamment des données sur certaines affections particulières, par exemple les taux élevés de plomb dans le sang chez les adultes ou les lésions chez les travailleurs adolescents. Il coordonne aussi les données recueillies par les Etats et par d’autres organismes fédéraux afin d’avoir une vue générale des conséquences des risques professionnels dans le pays.

Le NIOSH fait des enquêtes sur les lieux de travail dans l’ensemble des Etats-Unis. Ces études lui permettent de cerner les risques, d’évaluer l’importance des expositions et de déterminer l’efficacité des mesures de prévention. Il doit pouvoir pénétrer dans les entreprises pour effectuer ces enquêtes. Il publie ensuite des articles dans les revues scientifiques et fait des recommandations sur la prévention des risques dans des lieux de travail spécifiques.

En collaboration avec les ministères de la Santé des Etats, le NIOSH conduit des enquêtes sur les décès au travail attribuables à certaines causes particulières incluant les électrocutions, les chutes, l’utilisation de machines et le travail en espace confiné. Il offre un programme spécial aux petites entreprises, afin de les aider à mettre au point des technologies efficaces et peu coûteuses pour limiter, à la source, les expositions dangereuses.

Le NIOSH fait de la recherche en laboratoire pour étudier les risques professionnels dans des conditions contrôlées. Il est ainsi mieux en mesure de déterminer les causes et les mécanismes des maladies professionnelles et des accidents du travail, de trouver des moyens de mesurer et de surveiller les expositions et, enfin, de mettre au point et d’évaluer des équipements de protection individuelle et des techniques de contrôle.

Le NIOSH consacre environ 17% de son budget à des activités de services. Bon nombre de celles-ci sont, elles aussi, axées sur la recherche, par exemple le programme d’évaluation des risques pour la santé. Il procède à des centaines d’évaluations de ces risques chaque année à la demande d’employeurs, de travailleurs ou d’organismes relevant du gouvernement fédéral ou des gouvernements des Etats. Il évalue les lieux de travail et propose aux travailleurs et aux employeurs des moyens de réduire les expositions.

Le NIOSH offre aussi un service d’information téléphonique gratuit. Les utilisateurs peuvent obtenir des renseignements sur la sécurité et la santé au travail, demander une évaluation des risques pour la santé ou obtenir une publication du NIOSH. La page d’accueil du NIOSH sur Internet constitue également une bonne source d’information.

Le NIOSH tient un certain nombre de bases de données, dont la base de données bibliographiques NIOSHTIC sur les ouvrages traitant de la sécurité et de la santé au travail, et le Registre des effets toxiques des substances chimiques (RTECS), recueil de données toxicologiques tirées d’ouvrages scientifiques, conformément à son mandat, qui consiste à «recenser toutes les substances toxiques connues et les concentrations pour lesquelles la toxicité a été établie».

Le NIOSH met des appareils de protection respiratoire à l’essai et certifie qu’ils satisfont aux normes nationales établies. Il aide ainsi les employeurs et les travailleurs à choisir celui qui convient le mieux pour un milieu de travail donné.

Le NIOSH finance des programmes offerts dans des universités de l’ensemble des Etats-Unis visant à former des médecins et du personnel infirmier du travail, des hygiénistes industriels et des professionnels de la sécurité. Il finance aussi des programmes visant à introduire la prévention dans les établissements d’enseignement commercial, technique et professionnel. Ces programmes, qui prennent la forme soit de centres de ressources pédagogiques multidisciplinaires soit de projets de formation axés sur une seule discipline, ont grandement contribué à faire de la santé au travail une discipline en soi et à répondre à la demande de professionnels qualifiés en matière de prévention.

Les ressources

Le NIOSH avait environ 900 salariés et un budget de 133 millions de dollars en 1995. C’est le seul organisme fédéral qui soit chargé par la loi de mener des activités de recherche et de formation professionnelle en matière de prévention.

L’avenir des programmes de sécurité et de santé au travail

L’avenir des programmes fédéraux de sécurité et de santé au travail aux Etats-Unis est très menacé dans le climat de déréglementation qui marque les années quatre-vingt-dix. Le Congrès continue de présenter des propositions sérieuses qui modifieraient de façon draconienne le fonctionnement de ces programmes.

L’une de ces propositions voudrait que les organismes de réglementation délaissent l’élaboration et le contrôle de l’application des normes au profit de l’éducation et de la consultation. Une autre voudrait que les organismes soient tenus d’effectuer des analyses coûts-avantages complexes avant de pouvoir établir des normes. Le NIOSH est menacé d’abolition ou de fusion avec l’OSHA. Et tous ces organismes ont été désignés comme cibles des réductions budgétaires à venir.

Si ces propositions devaient se concrétiser, le rôle du gouvernement fédéral dans la recherche et dans l’établissement et l’application de normes uniformes en matière de sécurité et de santé au travail dans l’ensemble des Etats-Unis serait grandement réduit.

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL DANS L’ENTREPRISE AUX ÉTATS-UNIS

William B. Bunn et Robert J. McCunney

Les services de médecine d’entreprise varient aussi bien par leur contenu que par leur structure. Beaucoup pensent que ces services sont l’apanage des grandes entreprises et sont assez étoffés pour détecter tous les effets indésirables possibles chez l’ensemble des travailleurs. Mais, dans les faits, l’importance de ces services varie considérablement. Certains n’offrent que des examens préalables à l’emploi, tandis que d’autres assurent une surveillance médicale totale, des activités de promotion de la santé et d’autres services spéciaux. La structure des services diffère aussi, tout comme la composition des équipes de sécurité et de santé. Dans certains cas, l’entreprise passe un contrat avec un médecin de l’extérieur qui assure des services médicaux, tandis que dans d’autres, elle a un service de santé sur place comprenant des médecins et du personnel infirmier et une équipe d’hygiénistes industriels, d’ingénieurs, de toxicologues et d’épidémiologistes. Les fonctions et les responsabilités des membres de l’équipe de sécurité et de santé varient selon la branche d’activité et les risques en cause.

Les motifs de la mise en place des services de médecine d’entreprise

De multiples facteurs incitent à exercer une surveillance médicale des travailleurs. Premièrement, il y a le souci de la sécurité et de la santé générales du salarié. Deuxièmement, la surveillance présente un avantage financier puisqu’elle accroît la productivité du salarié et réduit les frais pour soins médicaux. Troisièmement, les entreprises sont tenues de respecter la loi sur la sécurité et la santé au travail, les prescriptions concernant l’égalité des chances en matière d’emploi, la loi sur les Américains porteurs de handicap et d’autres prescriptions légales. Enfin, les entreprises craignent d’être victimes de poursuites au civil et au pénal si elles n’établissent pas de services adéquats ou si ceux qu’elles possèdent sont jugés insuffisants (McCunney, 1995; Bunn, 1985).

Les types de services de santé au travail

La nature des services de santé au travail est fonction de l’évaluation des besoins. Divers facteurs interviennent à cet égard, en particulier les risques inhérents aux opérations courantes, les caractéristiques démographiques de l’effectif et l’intérêt de la direction pour la santé au travail. Les services de santé sont fonction du type d’activité, des dangers physiques, chimiques ou biologiques existants, des méthodes utilisées pour prévenir l’exposition, et des normes, des règlements et des décisions adoptés par le gouvernement et la profession.

Voici quelques-unes des tâches importantes des services de santé:

Le lieu où sont fournis les services de santé

Les services internes

De nos jours, les services de santé au travail sont assurés de plus en plus par des sous-traitants et des centres médicaux locaux. Toutefois les services internes créés par les employeurs étaient jusqu’à présent la norme. Si le nombre de salariés est important ou si le travail comporte certains risques pour la santé, les services internes constituent une option rentable et de qualité. L’importance de ces services varie considérablement, allant des soins infirmiers à temps partiel au centre médical complet doté de médecins à plein temps.

C’est généralement la nature des activités de l’entreprise et les risques pour la santé qu’elles présentent qui déterminent la nécessité d’un service médical interne. Ainsi, une entreprise qui utilise le benzène comme matière première ou comme ingrédient du procédé de fabrication aura probablement besoin d’un programme de surveillance médicale. Il se peut aussi que la même usine manipule ou produise bon nombre d’autres produits chimiques toxiques. En pareil cas, il peut être économiquement justifié et médicalement souhaitable de prévoir des services médicaux internes. Certains de ces services assurent les soins infirmiers pendant les heures de travail de jour et parfois la nuit et les fins de semaine.

Les services internes devraient être installés dans des locaux qui se prêtent à l’exercice de la médecine. Le lieu doit être central et facile d’accès pour tous les salariés. Il faut tenir compte des besoins en matière de chauffage et de climatisation de façon à en faire l’usage le plus économique. Une règle empirique a servi à calculer l’espace qui doit être prévu pour un centre médical interne: 0,093 m2 par salarié pour les services desservant au maximum 1 000 salariés, le minimum étant probablement d’environ 30 m2. Des spécialistes ont analysé la question du coût des locaux et celle de leur aménagement (McCunney, 1995; Felton, 1976).

Certaines entreprises manufacturières situées en milieu rural ou dans des régions éloignées peuvent trouver avantage à offrir des services médicaux dans une unité mobile. Les recommandations suivantes peuvent alors être utiles:

Une entreprise qui fait appel aux services d’une unité mobile aura néanmoins besoin d’un médecin pour effectuer les examens d’embauchage et vérifier la qualité des services de l’unité mobile.

Les activités les plus courantes du service interne

Une évaluation sur place est indispensable pour déterminer le type de services de santé qui doivent être offerts. Les services les plus courants sont les évaluations de santé d’embauchage, l’évaluation des accidents du travail ou des maladies professionnelles et les examens de surveillance médicale.

Les évaluations de santé d’embauchage

L’examen d’embauchage est effectué lorsqu’une personne a reçu une offre d’emploi conditionnelle. La loi sur les Américains porteurs de handicap parle d’examen préalable à l’emploi en ce sens que le candidat sera engagé s’il passe l’examen physique avec succès.

Dans le cadre de cet examen, il faut prendre en compte les tâches à accomplir, notamment les exigences physiques et cognitives (perception des dangers potentiels) et les risques d’exposition à des matières dangereuses. La nature de l’examen dépend de l’évaluation des tâches et du lieu de travail. Si le poste de travail exige, par exemple, l’utilisation d’un équipement de protection individuelle, tel qu’un appareil de protection respiratoire, un examen de la fonction pulmonaire (évaluation de la fonction respiratoire) devra faire partie de l’examen d’embauchage. Les personnes qui travaillent pour le ministère des Transports des Etats-Unis doivent en général subir un test de dépistage des drogues dans l’urine. Il est conseillé d’élaborer des protocoles standards auxquels souscrivent l’entreprise et le médecin examinateur pour éviter que des erreurs ne se glissent dans le contenu ou le contexte de l’examen.

A l’issue de l’examen, le médecin remet un avis écrit au sujet de l’aptitude de la personne à exercer l’emploi sans mettre en péril sa santé ou sa sécurité ou celles des autres. D’ordinaire, ce formulaire ne doit pas divulguer de renseignements médicaux, mais simplement faire état de l’aptitude à l’emploi. Il peut s’agir d’un formulaire standard, qui doit ensuite être mis au dossier du salarié. Les dossiers médicaux particuliers demeurent cependant au centre de santé et ne sont tenus que par un médecin, un infirmier ou une infirmière.

Les accidents du travail et les maladies professionnelles

Le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle doit recevoir sans délai des soins médicaux de qualité. Le service médical ou le médecin contractuel doivent assurer les soins aux salariés qui se blessent au travail ou qui présentent des symptômes liés au travail. Le service médical de l’entreprise a un rôle important à jouer dans la gestion des coûts de la réparation des accidents du travail, particulièrement en ce qui concerne les évaluations de l’aptitude à reprendre le travail après une absence causée par un accident ou une maladie. Le professionnel de la santé doit notamment coordonner les services de réadaptation assurés à ces personnes en vue de leur retour au travail dans les meilleures conditions. Les programmes de réadaptation les plus efficaces à cet égard prévoient une modification des fonctions ou une affectation à des fonctions différentes.

L’une des tâches importantes du conseiller médical de l’entreprise est de déterminer l’existence d’un rapport entre l’exposition à des agents dangereux et la maladie, la lésion ou l’incapacité observée. Dans certains Etats, le salarié peut choisir son médecin traitant, mais, dans d’autres, l’employeur peut imposer, ou à tout le moins proposer, l’évaluation par un médecin ou un centre de soins de santé particulier. En général, l’employeur a le droit de demander à un médecin de donner une «deuxième opinion», surtout dans le cas d’une maladie prolongée ou d’une affection grave.

L’infirmier(ère) ou le médecin informe la direction de la nécessité de déclarer les accidents du travail et les maladies professionnelles conformément aux prescriptions de l’OSHA concernant la tenue de registres, et ils doivent bien connaître les directives de l’OSHA et du Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)). La direction doit s’assurer que le prestataire de soins de santé connaît à fond ces directives.

Les examens de surveillance médicale

Ces examens sont exigés par certaines normes de l’OSHA en cas d’exposition à des substances telles que l’amiante, le plomb, etc., et sont considérés comme une bonne pratique médicale en cas d’exposition à d’autres substances, notamment les solvants, les métaux et les poussières comme la silice. Lorsqu’ils sont exigés par les normes de l’OSHA, les employeurs doivent les faire subir gratuitement à leurs salariés. Ces derniers peuvent refuser de s’y soumettre, mais l’employeur peut stipuler qu’il s’agit d’une condition d’emploi.

La surveillance médicale vise à prévenir les maladies d’origine professionnelle en décelant tôt les problèmes; ainsi, des résultats de laboratoire anormaux peuvent être liés aux premiers stades d’une maladie. Le salarié est alors réexaminé régulièrement. Il est essentiel d’effectuer un suivi rigoureux des anomalies relevées dans le cadre de la surveillance médicale. La direction doit certes être informée des problèmes médicaux liés au travail, mais les affections qui sont sans rapport avec le travail doivent demeurer confidentielles et être traitées par le médecin de famille. Les salariés devraient toujours être informés de leurs résultats (McCunney, 1995; Bunn, 1985, 1995; Felton, 1976).

Les entretiens avec la direction

S’il est vrai que le médecin et le personnel infirmier du travail sont surtout reconnus pour leur savoir-faire médical, ils peuvent aussi donner des conseils médicaux précieux à n’importe quelle entreprise. Ils peuvent élaborer des procédures et des pratiques pour des programmes médicaux portant notamment sur la promotion de la santé, la détection de la toxicomanie et la formation dans ce domaine, et la tenue de dossiers médicaux.

Les entreprises qui offrent un programme médical interne doivent avoir, conformément à la norme de l’OSHA relative aux agents pathogènes à diffusion hématogène, une politique concernant la gestion des déchets médicaux et les activités connexes. Un programme bien géré doit nécessairement comporter une formation à certaines normes de l’OSHA, dont celles qui ont trait à la communication de renseignements concernant les matières dangereuses, à l’accès aux dossiers médicaux et aux dossiers portant sur l’exposition, et aux prescriptions de l’OSHA concernant la tenue de dossiers.

Il faut mettre au point des méthodes d’intervention en cas d’urgence pour toutes les installations qui sont davantage exposées aux catastrophes naturelles ou qui manipulent, utilisent ou fabriquent des matières potentiellement dangereuses, conformément à l’amendement portant reconduction de la loi sur le fonds de dépollution. Les principes de l’intervention médicale en cas d’urgence et de la gestion des catastrophes devraient, avec le concours du médecin d’entreprise, être intégrés aux plans d’intervention d’urgence de toutes les installations. Comme les procédures d’urgence diffèrent selon le danger, le médecin et le personnel infirmier doivent être prêts à faire face à la fois aux dangers physiques, par exemple ceux qui découlent d’un accident d’irradiation, et aux dangers chimiques.

La promotion de la santé

Les programmes de promotion de la santé et du mieux-être visant à informer les gens des effets néfastes de certaines habitudes de vie (par exemple, tabagisme, mauvaise alimentation et manque d’exercice) se répandent de plus en plus dans l’industrie. Même s’ils ne sont pas essentiels à un programme de santé au travail, ces services peuvent s’avérer bénéfiques pour les salariés.

Il est recommandé d’intégrer, dans la mesure du possible, des plans de promotion de la santé et du mieux-être dans le programme médical. L’objectif est de rendre la main-d’œuvre plus soucieuse de sa santé et plus productive. Les activités de promotion de la santé peuvent réduire les coûts des soins de santé.

Les programmes de dépistage de la toxicomanie

Bon nombre d’entreprises ont mis au point des programmes de dépistage systématique des drogues ces dernières années, en particulier depuis la décision du ministère des Transports concernant le dépistage des drogues (1988). Dans les industries chimiques et d’autres industries manufacturières, le type le plus courant de test de détection des drogues dans l’urine est effectué au moment de l’évaluation préalable à l’emploi. Les décisions du ministère des Transports sur les tests de dépistage des drogues dans les secteurs du camionnage inter-Etats, du transport de gaz (pipelines), des chemins de fer, de la garde côtière et de l’aviation sont beaucoup plus généraux et comprennent des tests périodiques effectués lorsqu’on soupçonne une toxicomanie. Les médecins participent aux programmes de dépistage des drogues en vérifiant si les tests positifs peuvent être attribués à des raisons autres que la consommation de drogues illicites. Ils doivent assurer l’intégrité des tests et confirmer tout test positif auprès du salarié avant d’en divulguer les résultats à la direction. L’entreprise doit avoir un programme d’aide aux salariés et une politique uniforme.

Les dossiers médicaux

Les dossiers médicaux sont des documents confidentiels qui doivent être tenus par un médecin, un infirmier ou une infirmière du travail et conservés de façon à en garantir la confidentialité. Certains dossiers, par exemple une lettre indiquant qu’une personne peut utiliser un appareil de protection respiratoire, doivent être conservés sur place en prévision d’une vérification réglementaire. Les résultats de certains tests médicaux spécifiques ne doivent toutefois pas figurer dans ces dossiers. Seuls le professionnel de la santé, le salarié et d’autres personnes désignées par ce dernier doivent avoir accès à ces dossiers. L’exigence de confidentialité est parfois levée, notamment dans le cas d’une demande de réparation d’un accident du travail. Selon la norme de l’OSHA concernant l’accès aux dossiers médicaux et aux dossiers relatifs à l’exposition des salariés (29 CFR 1910.120), les salariés doivent être informés une fois par an de leur droit de consulter leurs dossiers médicaux et de l’endroit où ils se trouvent.

Il faut préserver la confidentialité des dossiers médicaux, conformément aux lignes directrices juridiques, éthiques et réglementaires. Les salariés doivent être avisés de la communication prochaine de renseignements médicaux à la direction. Idéalement, il faut leur demander de signer un formulaire médical autorisant la divulgation de certains renseignements médicaux, notamment des résultats de tests de laboratoire ou d’évaluations diagnostiques.

Le premier point du Code d’éthique du Collège américain de médecine du travail et de l’environnement (American College of Occupational and Environmental Medicine) dispose que les médecins doivent accorder la plus grande priorité à la santé et à la sécurité des personnes tant au travail que dans l’environnement. Employeurs et salariés ont tout à gagner à ce que les médecins fassent preuve d’impartialité et d’objectivité et appliquent des principes médicaux, scientifiques et humanitaires valables.

Les programmes internationaux

En médecine internationale du travail et de l’environnement, les médecins travaillant pour des entreprises américaines ont non seulement les responsabilités qui incombent traditionnellement aux médecins de ces secteurs, mais aussi des responsabilités importantes sur le plan de la gestion clinique. La responsabilité du service médical comprend les soins cliniques aux salariés et, en général, à leur conjoint et à leurs enfants. Le champ des soins cliniques s’étend souvent aux employés de maison, à la famille élargie et à la collectivité. Le médecin du travail est également chargé des programmes portant sur les expositions et les risques au travail. Les programmes de surveillance médicale, les examens préalables à l’emploi et les examens périodiques sont des éléments primordiaux du programme.

L’élaboration de programmes pertinents de promotion de la santé et de prévention constitue également une responsabilité importante. Sur le plan international, ces programmes ne se limitent pas aux problèmes d’habitudes de vie dont il est généralement question aux Etats-Unis ou en Europe occidentale. Face aux maladies infectieuses, il faut adopter une approche systématique de l’immunisation et de la chimioprophylaxie. Les programmes éducatifs de prévention doivent traiter notamment des agents pathogènes transmissibles par les aliments, l’eau et le sang, et de l’hygiène générale. Les programmes de prévention des accidents doivent tenir compte du risque élevé de décès causés par des accidents de la circulation dans de nombreux pays en développement. Il faut examiner à fond certains problèmes particuliers comme l’évacuation et les soins d’urgence et mettre en place des programmes pertinents. L’exposition environnementale à des risques chimiques, biologiques et physiques est souvent plus grande dans les pays en développement. Les programmes de prévention environnementale reposent sur des plans d’éducation en plusieurs étapes et comprennent les essais biologiques requis. Les programmes cliniques internationaux peuvent englober la gestion de soins hospitaliers, des services de consultations externes, des soins d’urgence et des soins intensifs assurés aux travailleurs expatriés et aux travailleurs du pays.

La médecine des voyages est un volet accessoire de la médecine internationale du travail. La sécurité des personnes qui font de courts voyages par rotation ou celle des résidents étrangers exige une connaissance spéciale des vaccins requis et de l’ensemble des mesures préventives à l’échelle mondiale. A cette connaissance doit s’ajouter celle des exigences médicales à respecter pour obtenir un visa. Bon nombre de pays exigent des tests sérologiques ou des radiographies thoraciques, et certains tiennent compte de tout problème médical important pour l’émission d’un visa d’emploi ou comme condition de résidence.

L’aide aux salariés et les programmes destinés aux secteurs de la marine et de l’aviation font également partie, en général, de la médecine internationale du travail. L’élaboration de plans pour les situations d’urgence, la fourniture de médicaments appropriés aux équipages des navires et des avions et les recommandations quant à leur utilisation sont autant de questions complexes. Il est souvent souhaitable, voire nécessaire, d’offrir un soutien psychologique à la fois aux travailleurs expatriés et aux travailleurs du pays. On peut parfois étendre les programmes d’aide aux salariés aux travailleurs expatriés et fournir un soutien spécial aux membres de leur famille. Les programmes de lutte contre l’abus d’alcool et de drogues doivent être envisagés dans le contexte social propre au pays.

Conclusion

En bref, la portée et l’organisation des programmes de santé au travail des entreprises peuvent varier considérablement. Mais si ces programmes sont étudiés et mis en œuvre soigneusement, ils sont rentables, mettent l’entreprise à l’abri des poursuites et favorisent la santé générale et la santé au travail de la main-d’œuvre.

LES SERVICES CONTRACTUELS DE SANTÉ AU TRAVAIL AUX ÉTATS-UNIS

Penny Higgins

Le contexte

Les employeurs des Etats-Unis assurent depuis longtemps des soins médicaux aux travailleurs victimes d’accidents en faisant appel à des médecins en pratique privée, à des cliniques, à des centres de soins immédiats et à des services d’urgence en milieu hospitalier. La plupart de ces soins sont épisodiques et mal coordonnés, car seules les grandes entreprises sont à même de fournir des services de santé au travail dans l’entreprise.

Une enquête menée auprès de 22 457 entreprises ayant moins de 5 000 salariés dans la banlieue de Chicago a établi que 93% d’entre elles comptaient moins de 50 salariés et que seulement 1% en comptaient plus de 250. Parmi ce groupe, 52% utilisaient un prestataire de services particulier pour leurs victimes d’accidents du travail, 24% n’utilisaient pas de prestataire particulier et 24% laissaient le salarié libre de choisir son propre prestataire. Seulement 1% des entreprises faisaient appel à un directeur médical pour assurer les soins. Ces entreprises comptaient pour 99% dans l’ensemble des employeurs de la région visée par l’enquête et employaient plus de 524 000 personnes (National Health Systems, 1992).

L’orientation et les priorités des soins ont changé depuis la promulgation de la loi qui a donné naissance à l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) en 1970 et les changements apportés depuis au financement des soins de santé. Les coûts d’assurance pour la réparation des accidents du travail et les soins de santé de groupe ont augmenté de 14 à 26% par année entre 1988 et 1991 (BNA, 1991). En 1990, les coûts des soins de santé représentaient la majeure partie des 53 milliards de dollars dépensés pour la réparation des accidents du travail et, en 1995, les prestations pour soins médicaux absorbaient 50% de la facture totale de la réparation des accidents du travail, chiffrée à 100 milliards de dollars (Resnick, 1992).

Les primes varient selon les Etats, car tous n’ont pas la même réglementation en ce qui concerne la réparation des accidents du travail. La Kiplinger Washington Letter du 9 septembre 1994 mentionnait que, au Montana, les entrepreneurs payaient en moyenne 35,29 dollars en assurance accidents du travail par tranche de 100 dollars de la masse salariale. En Floride, ils payaient 21,99 dollars, dans l’Illinois, 19,48 dollars. La même protection coûtait 5,55 dollars en Indiana ou 9,55 dollars en Caroline du Sud. Les employeurs réclament davantage l’aide des fournisseurs de soins de santé à mesure que les besoins en soins de santé peu coûteux pour les victimes d’accidents du travail évoluent.

La plupart de ces soins médicaux sont assurés par des centres indépendants. Les employeurs peuvent passer un contrat avec un centre, établir une relation avec un fournisseur ou obtenir les soins à la demande. Les fournisseurs sont en majorité rémunérés à l’acte, mais des régimes de rémunération forfaitaire par personne et de contrats directs ont fait leur apparition pendant la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix.

Les types de services

Tous les employeurs demandent que les services de santé au travail englobent le traitement des lésions et des maladies comme les entorses, les foulures, les traumatismes lombaires et oculaires et les lacérations, qui forment la majorité des cas aigus traités dans le cadre d’un programme de santé au travail.

On demande souvent aux salariés de subir des examens avant d’obtenir un emploi ou après avoir reçu une offre d’emploi, afin de déterminer s’ils sont aptes à faire le travail requis sans causer d’accidents à eux-mêmes ou à autrui. Il faut évaluer ces examens conformément aux dispositions de la loi sur les Américains porteurs de handicap. Cette loi interdit la discrimination dans l’embauchage fondée sur une incapacité qui n’empêche pas une personne de s’acquitter des fonctions essentielles de l’emploi envisagé. On s’attend également à ce que l’employeur fasse des aménagements raisonnables pour un salarié handicapé (EEOC et Department of Justice, 1991).

On observe que 98% des 200 entreprises recensées dans la revue Fortune aux Etats-Unis font subir les tests de dépistage de l’abus de drogues ou d’alcool qui, selon la loi, ne sont exigés que pour certaines catégories professionnelles. Dans le cadre de ces tests, on mesure parfois le taux de drogues illicites ou d’alcool dans l’urine, le sang et l’haleine (BNA, 1994).

Un employeur peut exiger, en outre, des services spécialisés comme les tests de surveillance médicale prescrits par l’OSHA — par exemple, des examens visant à déterminer l’aptitude au port d’un appareil de protection respiratoire en toute sécurité, d’après la capacité physique et la fonction pulmonaire du travailleur; des tests sur l’exposition à l’amiante et à d’autres produits chimiques visant à évaluer les effets de l’exposition éventuelle à ces produits et les effets à long terme d’un agent particulier sur l’état de santé global de la personne.

Certaines entreprises passent un contrat afin de faire subir des examens physiques à leurs cadres pour évaluer l’état de santé de leur personnel clé. Ces examens, généralement préventifs, permettent une évaluation complète de l’état de santé et comportent des tests de laboratoire, des radiographies, des tests de mesure du stress cardiaque, un dépistage du cancer et des conseils sur les habitudes de vie. La fréquence de ces examens est souvent fonction de l’âge et non du genre de travail.

Les municipalités confient souvent à des prestataires contractuels les examens d’aptitude périodiques de leurs sapeurs-pompiers et de leurs policiers afin de mesurer, en général, leur capacité physique de faire face à des situations stressantes sur le plan physique et de déterminer s’ils ont été exposés à des dangers au travail.

L’employeur peut également passer des contrats pour des services de réadaptation, notamment des services de physiothérapie, de réentraînement à l’effort, d’ergothérapie, ainsi que des évaluations ergonomiques du milieu de travail.

Les employeurs ont passé des contrats pour la mise sur pied de programmes de promotion du mieux-être afin d’aider les salariés et de diminuer les coûts des soins de santé. Dépistages préventifs et programmes éducatifs visent à évaluer l’état de santé et à offrir des interventions qui permettent de modifier les habitudes de vie propices à l’éclosion de maladies. Ces programmes comportent le dépistage du cholestérol, des évaluations des risques pour la santé, le renoncement au tabac, la gestion du stress et l’éducation en matière de nutrition.

On élabore des programmes dans tous les domaines des soins de santé pour répondre aux besoins des salariés. Le programme d’aide aux salariés est un de ceux qui ont vu le jour récemment. Il vise à offrir des services de conseils et d’orientation aux salariés qui ont des problèmes de toxicomanie ou encore des problèmes affectifs, familiaux ou financiers, lesquels, selon les employeurs, nuisent à leur productivité.

La prise en charge des cas est un service relativement nouveau en matière de santé au travail. Généralement assuré par du personnel infirmier ou par des agents administratifs supervisés par celui-ci, ce service a effectivement permis de réduire les coûts tout en assurant des soins de qualité aux travailleurs victimes d’accidents. Les compagnies d’assurances gèrent depuis longtemps les dépenses liées aux demandes d’indemnisation (les sommes consacrées à la réparation des accidents du travail) lorsque les travailleurs victimes d’accidents sont absents du travail depuis un certain temps ou lorsqu’un certain montant a été atteint. La prise en charge des cas est un processus parallèle plus dynamique qui peut s’amorcer dès le jour de l’accident. Les responsables dirigent le patient vers le niveau de soins pertinent, déterminent, de concert avec le médecin traitant, le genre de travail modifié que le patient est médicalement apte à accomplir et veillent, en collaboration avec l’employeur, à ce que le patient ne fasse pas un travail qui aggrave sa lésion. Leur souci est de redonner au salarié un minimum d’activité et de trouver des médecins de grande compétence dont l’intervention produira des résultats optimaux pour le patient.

Les prestataires

Les services sont assurés par divers prestataires dont la compétence varie. Les médecins de pratique privée font parfois des examens préalables à l’emploi, des tests de dépistage de la toxicomanie et effectuent le suivi des lésions graves. Ils reçoivent généralement sur rendez-vous et ont des heures de bureau limitées. Si les ressources nécessaires sont disponibles, ils font aussi des examens de routine complets ou dirigent le patient vers l’hôpital le plus proche pour qu’il y subisse des tests de laboratoire, des radiographies et des épreuves d’effort.

Les services de médecine d’entreprise offrent généralement des soins actifs aux travailleurs victimes d’accidents (y compris le suivi), des examens préalables à l’emploi et des tests de dépistage de la toxicomanie. Ils sont souvent dotés d’installations de radiographie et de laboratoires, et comptent parfois des médecins qui ont l’expérience de l’évaluation des lieux de travail. Ils sont généralement ouverts, eux aussi, pendant les heures de bureau normales, de sorte que les employeurs qui pratiquent le travail posté doivent parfois avoir recours à un service d’urgence le soir et la fin de semaine. Les services de médecine d’entreprise traitent rarement des patients de l’extérieur et sont généralement assimilés au «médecin d’entreprise» puisque leur note de frais est habituellement adressée directement à l’employeur ou à la compagnie d’assurances.

Les permanences médicales offrent une autre option. Ces établissements dispensent des soins médicaux généraux sans rendez-vous. Ils possèdent habituellement des installations de radiographie et des laboratoires et comptent des médecins qui ont l’expérience de la médecine d’urgence, de la médecine interne ou de la médecine familiale. La clientèle va de l’enfant examiné par le pédiatre à l’adulte qui souffre d’un mal de gorge. Ils ajoutent parfois aux soins actifs et au suivi des travailleurs victimes d’accidents des examens préalables à l’emploi et des tests de dépistage de la toxicomanie. Les permanences qui ont mis en place un volet santé au travail effectuent souvent des examens périodiques et des dépistages prescrits par l’OSHA, et certaines d’entre elles passent des contrats avec d’autres prestataires pour des services qu’elles n’offrent pas elles-mêmes.

Le service des urgences de l’hôpital est souvent l’endroit par excellence pour le traitement des lésions graves et c’est, en général, à peu près tout ce qu’il peut offrir en matière de services de santé au travail. Il en va ainsi même si l’hôpital possède les ressources nécessaires pour offrir la plupart des services requis, à l’exception de ceux qui sont offerts par des médecins spécialisés en médecine du travail. Un service des urgences ne possède pas à lui seul l’expertise en ce qui concerne les soins intégrés et le retour au travail que l’industrie exige désormais.

Les programmes en milieu hospitalier

Les administrations hospitalières se sont rendu compte que non seulement elles possédaient les ressources et la technologie nécessaires, mais aussi que le régime de réparation des accidents du travail était l’un des derniers programmes «d’assurance» qui prévoyait une rémunération à l’acte, ce qui permettait d’étoffer des revenus amputés par les rabais consentis aux compagnies d’assurances de soins intégrés comme les organismes de soins intégrés de santé (HMO) et les organismes dispensateurs de service, à tarifs préférentiels. Ces organismes et les programmes de soins de santé généraux financés par le gouvernement fédéral et les gouvernements des Etats (Medicare et Medicaid) ont exigé des séjours plus courts et un système de remboursement par diagnostics regroupés. Ces décisions ont forcé les hôpitaux à abaisser leurs coûts en améliorant la coordination des soins et en cherchant de nouveaux produits générateurs de revenus. On a craint que les coûts ne soient transférés du secteur des régimes collectifs de soins de santé à celui de la réparation des accidents du travail; ces craintes étaient fondées dans bien des cas, les frais de traitement d’une lésion dorsale au titre de la réparation des accidents du travail étant de deux à trois fois plus élevés que dans le cadre des régimes collectifs d’assurance santé. Une étude menée en 1990 par le ministère du Travail et de l’Industrie du Minnesota a révélé que les frais de traitement des entorses et des foulures étaient 1,95 fois plus élevés et ceux des lésions dorsales, 2,3 fois plus élevés dans le premier cas que dans le second (Zaldman, 1990).

Plusieurs modèles de soins hospitaliers se sont développés. Il y a notamment l’unité de soins appartenant à un hôpital (à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement), le service des urgences, la permanence médicale (pour les urgences peu graves) et les services de santé au travail gérés administrativement. L’Association américaine des hôpitaux (American Hospital Association) a signalé que selon une étude portant sur 119 programmes de santé au travail aux Etats-Unis (Newkirk, 1993):

Tous ces programmes appliquaient le principe de la rémunération à l’acte et offraient, outre le traitement des travailleurs victimes d’accidents graves, une gamme de services englobant les examens préalables à l’emploi, les tests de dépistage des drogues et de l’alcool, la réadaptation, la consultation au travail ainsi que la surveillance médicale prescrite par l’OSHA, les examens physiques des cadres et les programmes de promotion du mieux-être. Certains s’étendaient à l’aide aux salariés, aux soins infirmiers sur place, à la réanimation cardio-respiratoire, aux premiers secours et à la prise en charge des cas.

Les programmes de santé au travail en milieu hospitalier ajoutent souvent, de nos jours, un modèle infirmier de prise en charge des cas. Ce modèle de gestion médicale intégrée permet de réduire de 50% le total des coûts de réparation des accidents du travail, ce qui incite fortement les employeurs à rechercher les prestataires qui offrent ce service (Tweed, 1994). Ces réductions de coûts tiennent au fait que l’accent est mis sur le retour rapide au travail et la consultation sur les possibilités de travail adapté. Le personnel infirmier détermine, de concert avec les spécialistes, le travail acceptable sur le plan médical que peut accomplir le travailleur en toute sécurité, moyennant certaines restrictions.

Dans la plupart des Etats, les travailleurs reçoivent les deux tiers de leur salaire tout en touchant une indemnisation temporaire pour incapacité totale. Lorsqu’ils reprennent un travail adapté, ils continuent à fournir un service à leur employeur et conservent leur propre estime par le travail. Une bonne partie des travailleurs qui ont quitté leur travail pendant six semaines ou plus ne reprennent jamais intégralement leurs fonctions et sont souvent forcés d’exercer des emplois moins bien rémunérés et moins qualifiés.

Un programme de santé au travail en milieu hospitalier vise, en dernière analyse, à faire en sorte que les patients aient accès à l’hôpital pour se faire traiter en cas d’accident du travail et le considèrent par la suite comme le dispensateur de tous les soins de santé dont ils ont besoin. Comme les Etats-Unis s’orientent vers un système de soins de santé au forfait par personne, le nombre d’assurés desservis par un hôpital devient le principal indicateur de succès.

Selon cette formule de financement des soins de santé, les employeurs paient un taux par travailleur aux prestataires pour tous les soins de santé dont peuvent avoir besoin leurs salariés et les personnes à leur charge. Si les personnes couvertes par le régime demeurent en bonne santé, le prestataire peut faire des bénéfices. Si elles utilisent beaucoup de services, les primes peuvent ne pas suffire pour couvrir les coûts des soins et le prestataire peut perdre de l’argent. Plusieurs Etats sont en passe d’adopter un régime d’assurance maladie au forfait par personne, et quelques-uns d’entre eux font l’essai d’une protection en tout temps pour l’ensemble des soins de santé, y compris les prestations médicales de réparation des accidents du travail. Les hôpitaux ne jugeront plus de leur succès selon le nombre de patients reçus, mais plutôt selon le rapport assurés/coûts.

Les programmes complets de santé au travail offerts en milieu hospitalier visent à donner une réponse de haute qualité aux besoins des industries et des entreprises dans ce domaine. Leur conception repose sur le principe que les soins aux victimes d’accidents et les examens préalables à l’emploi sont importants, mais ne sauraient constituer à eux seuls un programme de médecine du travail. Un hôpital qui dessert de nombreuses entreprises peut charger un médecin spécialisé en médecine du travail d’exercer une surveillance sur les services médicaux, ce qui permet de donner au programme une vision plus large de la santé au travail: il devient donc possible d’offrir, outre les services habituels que sont le traitement des victimes d’accidents du travail, les examens physiques et le dépistage des drogues, des consultations en toxicologie, des évaluations du milieu de travail et des examens prescrits par l’OSHA, concernant des contaminants tels que l’amiante ou le plomb et des équipements tels que les appareils de protection respiratoire. Les hôpitaux ont également les ressources nécessaires pour posséder une base de données informatisée et un système de prise en charge des cas.

Parce qu’il permet aux employeurs de fournir à leurs salariés les prestations de santé dont ils ont besoin dans un centre unique et complet de services, le programme de santé au travail offre la garantie que les salariés reçoivent des soins humains et de qualité dans le cadre le mieux adapté tout en réduisant les coûts pour l’employeur. Les prestataires de soins de santé au travail peuvent suivre les tendances à l’intérieur d’une entreprise ou d’une branche d’activité, et recommander des moyens de réduire les accidents du travail et d’améliorer la sécurité.

Un programme complet de santé au travail en milieu hospitalier permet aux petits employeurs de partager les services d’un service médical d’entreprise. Il offre des services de prévention et de promotion du mieux-être, ainsi que des soins d’urgence, et permet d’orienter davantage les efforts vers la promotion de la santé des travailleurs américains et de leur famille.

LES ACTIVITÉS MENÉES PAR LES SYNDICATS AUX ÉTATS-UNIS

LaMont Byrd

En 1995, le Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) du ministère du Travail des Etats-Unis publiait un rapport indiquant que 18,8 millions de travailleurs, soit environ 16% de la population active des Etats-Unis, étaient soit membres d’un syndicat, soit des travailleurs non affiliés à un syndicat, mais couverts par une convention collective (US Department of Labor, 1995). Le tableau 16.4, inspiré de ce rapport, montre la répartition de la main-d’œuvre syndiquée par branche d’activité. La plupart de ces travailleurs sont représentés par des syndicats affiliés à la Fédération américaine du travail (AFL-CIO), qui regroupe 86 syndicats nationaux et internationaux (Statistical Abstract of the United States, 1994). Les organisations syndicales sont généralement structurées en sièges sociaux internationaux ou nationaux, qui chapeautent des bureaux régionaux, des bureaux de district, ainsi que des sections locales.

Tableau 16.4 Répartition par branche d'activité de la main d'œuvre syndiquée des Etat-Unis
en 1994 (en milliers)

Profession ou branche d’activité

Effectif total pourvu d’un emploi

Membres d’un syndicat 1

Représentés par un syndicat2

 

 

Pourvus d’un emploi

Total (%)

Pourvus d’un emploi

Total (%)

Ouvriers et employés du secteur agricole

 1 487

   34

 2,3

    42

 2,8

Ouvriers et employés du secteur privé non agricole

88 163

9 620

10,9

10 612

12

Mines

   652

  102

15,7

   111

17,1

Construction

 4 866

  916

18,8

   966

19,9

Fabrication

19 267

3 514

18,2

 3 787

19,7

Biens durables

11 285

2 153

19,1

 2 327

20,6

Biens non durables

 7 983

1 361

17

 1 460

18,3

Transports et services d’utilité publique

 6 512

1 848

28,4

 1 997

30,7

Transports

 3 925

1 090

27,8

 1 152

29,3

Communications et services d’utilité publique

 2 587

  758

29,3

   846

32,7

Commerce de gros et de détail

22 319

1 379

 6,2

 1 524

 6,8

Commerce de gros

 3 991

  260

 6,5

   289

 7,2

Commerce de détail

18 328

1 120

 6,1

 1 236

 6,7

Finances, assurances et immobilier

 6 897

  156

 2,3

   215

 3,1

Services

27 649

1 704

 6,2

 2 012

 7,3

Fonctionnaires

18 339

7 094

38,7

 8 195

44,7

1 Les données concernent les membres d’un syndicat ou d’une association de salariés semblable à un syndicat. 2 Les données concernent les membres d’un syndicat ou d’une association de salariés semblable à un syndicat, ainsi que les travailleurs qui ne se réclament pas d’un syndicat, mais dont les emplois sont couverts par une convention collective conclue par un syndicat ou une association de salariés.

Note: les données concernent l’emploi principal ou unique des travailleurs à temps plein ou à temps partiel. Sont exclus les travailleurs indépendants dont l’entreprise est constituée en société, même si techniquement ils font partie des ouvriers et employés. Les données de 1994 ne sont pas directement comparables à celles de 1993 et des années antérieures. Pour plus de renseignements, voir «Revisions in the current population survey effective January 1994», dans le numéro de février 1994 de la revue Employment and Earnings.

Les syndicats procurent à leurs membres des services complets en matière de sécurité et de santé. Ils répondent aux besoins des travailleurs et défendent leurs intérêts, notamment en négociant des conventions collectives et en leur offrant un soutien technique et des services connexes.

Sur les plans national et international, les dirigeants et les salariés des syndicats (professionnels de la santé et de la sécurité, avocats, lobbyistes et autres) s’emploient à inciter les élus à adopter des lois et des règlements visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Les représentants syndicaux ont également comme mandat d’établir et de négocier avec les employeurs des conventions collectives contenant des clauses exécutoires touchant la sécurité et la santé.

Dans le cadre des conventions collectives, les syndicats veillent à ce que les travailleurs aient un milieu de travail sûr et salubre. Idéalement, ces conventions prévoient également des mécanismes qui permettent aux travailleurs d’aborder les problèmes de sécurité ou de santé ou de résoudre les conflits touchant la sécurité et la santé qui pourraient surgir sur les lieux de travail.

L’assistance technique

Au siège central, les syndicats engagent souvent des hygiénistes industriels, des ergonomes, des médecins du travail, des ingénieurs et d’autres professionnels de la prévention, qui sont chargés de fournir une assistance technique aux travailleurs. Ces professionnels offrent divers services: l’exécution d’enquêtes à la suite de plaintes; la réalisation d’évaluations de la sécurité et de la santé sur les lieux de travail; et l’interprétation des données sur la surveillance du milieu, des résultats médicaux et d’autres informations techniques de même que leur transposition en une langue accessible au travailleur moyen.

Les enquêtes sur les plaintes en matière de sécurité et de santé sont en général effectuées par des professionnels du syndicat ou des conseillers. Travaillant en collaboration avec les représentants syndicaux désignés du syndicat local concerné, ces professionnels se penchent sur des problèmes tels que l’exposition des travailleurs à des risques physiques et chimiques, les maladies et troubles musculo-squelettiques et le non-respect des règlements en vigueur en matière de sécurité et de santé au travail.

En outre, les syndicats peuvent participer à des enquêtes sur des accidents lorsque les conclusions de l’employeur sont contestées par les salariés concernés.

Les représentants syndicaux peuvent utiliser les renseignements obtenus lors de ces enquêtes pour résoudre les problèmes de sécurité et de santé, en collaborant avec l’employeur dans le cadre du processus de négociation collective. Les syndicats peuvent recourir à la procédure de réclamation ou aux clauses contractuelles pour protéger les travailleurs. Toutefois, le syndicat peut décider d’informer un organisme gouvernemental de réglementation que l’employeur ne respecte pas les lois, règles ou règlements établis.

Les professionnels de la prévention ou les délégués syndicaux formés à cet effet — par exemple, les membres du comité local de sécurité et de santé ou les délégués d’atelier — effectuent des enquêtes sur place afin d’évaluer les risques inhérents au milieu de travail.

Dans le cadre des enquêtes, on évalue les procédés de fabrication ou les autres opérations effectuées sur les lieux de travail. On examine les documents touchant la sécurité et la santé (par exemple, les registres OSHA 200, les rapports d’accident du ministère des Transports, les résultats de la surveillance du milieu de travail et les programmes écrits) afin de déterminer s’il y a conformité avec les dispositions des conventions collectives, ainsi qu’avec les normes et règlements officiels. Les résultats des enquêtes sont consignés par écrit et les problèmes éventuels sont résolus par le processus de négociation collective ou par l’intervention d’un organisme de réglementation gouvernemental.

Les travailleurs eux-mêmes demandent souvent à consulter les documents d’information et les rapports de nature technique ou réglementaire — par exemple, les fiches de renseignements sur les produits chimiques, les résultats de la surveillance du milieu de travail et de la surveillance biologique ou encore les règlements officiels sur la sécurité et la santé. Comme ces informations techniques sont parfois complexes, le travailleur peut avoir besoin d’aide pour bien comprendre le sujet et savoir comment le tout s’applique à son lieu de travail. Le personnel syndical s’occupant de prévention est en mesure de fournir cette aide. La façon dont ce soutien sera donné dépendra des besoins du travailleur.

Les syndicats agissent également comme centres d’information pour les travailleurs qui ont besoin de soins médicaux spécialisés ou d’une aide pour soumettre des demandes de réparation. En général, ils tiennent des listes de noms et d’adresses de médecins indépendants reconnus auxquels on pourra si nécessaire adresser le travailleur.

Les activités législatives et réglementaires

La participation active à l’élaboration des règlements officiels relatifs à la sécurité et à la santé revêt une grande importance pour les syndicats; ils encouragent leurs membres à contribuer de diverses façons à ce processus.

Les syndicats s’efforcent d’influencer les élus politiques pour qu’ils proposent des lois qui établiront des normes adéquates en matière de sécurité et de santé au travail; de donner leur avis sur les mesures proposées par les organismes de réglementation gouvernementaux à cet égard; d’influer sur la façon dont ces organismes font appliquer les règlements touchant la sécurité et la santé au travail; ou d’organiser des initiatives de soutien aux organismes de réglementation gouvernementaux visés par des compressions budgétaires ou des changements opérationnels décrétés par le Congrès des Etats-Unis.

Ce sont principalement les lobbyistes, les techniciens, les chercheurs et les juristes des syndicats qui s’occupent de ces activités. Ce personnel est chargé de recueillir, d’analyser et d’organiser les données nécessaires à l’élaboration de la position du syndicat à l’égard des mesures législatives ou réglementaires. Il établit également les contacts nécessaires avec les organisations ou les personnes compétentes pour s’assurer que la position du syndicat est transmise aux responsables élus.

Il arrive que les membres du personnel syndical chargés de la prévention soient confrontés à un problème de sécurité et de santé au travail qui n’est pas réglementé par un organisme gouvernemental. En pareil cas, le syndicat peut rédiger un mémoire ou préparer un témoignage qui sera présenté au cours d’audiences publiques. Le but de ces présentations est d’informer les représentants officiels compétents et de les inciter à légiférer de manière à résoudre le problème.

Les organismes chargés d’assurer l’application des règlements de sécurité et de santé au travail font parfois l’objet de compressions budgétaires. Ces compressions sont souvent préjudiciables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Par conséquent, les syndicats s’efforcent d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies visant à éviter ces réductions de crédits. Pour ce faire, ils peuvent travailler en collaboration avec des lobbyistes syndicaux en vue de sensibiliser les législateurs et autres responsables aux effets négatifs de ces réductions sur les travailleurs. En outre, ils déploient des efforts «à la base» pour organiser et mobiliser les travailleurs afin qu’ils écrivent à leurs élus et les informent de leur opposition aux compressions proposées.

Par ailleurs, les syndicats s’occupent activement de préparer et de présenter des mémoires écrits et des témoignages oraux en réponse aux projets de règlements en matière de sécurité et de santé établis par les organismes gouvernementaux de réglementation. Il est très important que les travailleurs aient la possibilité de participer véritablement au processus d’élaboration des règlements. Les syndicats sont l’intermédiaire privilégié des travailleurs à cet égard.

Les conventions collectives

La convention collective est l’outil primordial dont disposent les syndicats pour fournir des services à leurs membres. Les syndicats font appel aux compétences techniques d’hygiénistes industriels, d’ergonomes, d’ingénieurs, de médecins du travail et d’autres professionnels de la prévention pour recueillir et analyser des informations à l’intention des représentants syndicaux qui seront chargés de négocier les conventions collectives.

Les syndicats utilisent les conventions collectives comme des documents juridiques exécutoires afin d’assurer la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Le but premier de ces conventions est de protéger les travailleurs qui ne sont pas couverts par les normes et règlements officiels en matière de sécurité et de santé ou d’étendre la protection au-delà de ces normes minimales.

Afin de se préparer à la négociation, les syndicats recueillent des informations sur les questions de sécurité et de santé qui concernent leurs membres. Pour ce faire, ils peuvent réaliser des enquêtes auprès des membres, collaborer avec le personnel technique ou des conseillers afin d’identifier les risques présents sur les lieux de travail, examiner les documents relatifs aux plaintes ou aux enquêtes dans ce domaine ou encore analyser et évaluer les données sur l’indemnisation des travailleurs, les études sur la surveillance du milieu de travail ou les registres d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

A la fin du processus de préparation aux négociations, le comité négociateur établit l’ordre de priorité des questions de sécurité et de santé à débattre, et détermine les solutions possibles aux problèmes.

L’éducation et la formation des travailleurs à la prévention

Les syndicats ont un rôle de premier plan à jouer en ce qui concerne la formation et l’éducation de leurs membres dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail.

La formation offerte varie, allant des simples cours sur les droits fondamentaux en matière de sécurité au travail (par exemple, la communication d’informations sur les risques) aux programmes de formation complets axés sur un secteur d’activité particulier, comme celui de la gestion des déchets dangereux. Cette formation est extrêmement importante pour les personnes qui travaillent dans des secteurs d’activité en mutation rapide.

La formation des travailleurs dispensée par les syndicats est habituellement financée à l’aide de cotisations syndicales, de subventions du gouvernement fédéral et des gouvernements des Etats, et de fonds de formation établis par les employeurs en vertu des conventions collectives négociées. Les cours de formation et d’éducation des travailleurs sont élaborés par le personnel professionnel et des conseillers, avec une importante contribution des travailleurs eux-mêmes. On offre d’ailleurs souvent des cours de formation des formateurs qui favorisent l’enseignement par les pairs.

Les efforts de recherche

Les syndicats collaborent avec des organisations telles que les universités et les organismes gouvernementaux afin d’effectuer des recherches sur des aspects précis de la sécurité et de la santé au travail. Les activités de recherche sont généralement financées par le syndicat ou l’employeur ou grâce à des subventions du gouvernement fédéral ou des gouvernements des Etats.

Les syndicats utilisent les résultats des études effectuées au cours du processus d’élaboration de la réglementation relative à la sécurité et à la santé pour négocier des dispositions contractuelles visant à éliminer ou à réduire considérablement les risques sur les lieux de travail ou mettre au point des mesures qui auront pour effet de supprimer ou d’atténuer de façon marquée un risque jugé excessif pour les travailleurs — par exemple, offrir des cours sur le renoncement au tabac aux travailleurs de l’industrie de l’amiante. De plus, les résultats des recherches peuvent servir à la conception ou à la modification de divers types d’équipements utilisés au travail.

Les services de sécurité et de santé au travail offerts par les syndicats sont principalement de nature préventive et nécessitent l’apport concerté de techniciens, de médecins du travail, de juristes, de lobbyistes et de syndiqués. En fournissant ces services, les syndicats sont en mesure de protéger efficacement la sécurité et la santé de leurs membres ainsi que celle de l’ensemble des travailleurs.

LES SERVICES UNIVERSITAIRES DE SANTÉ AU TRAVAIL AUX ÉTATS-UNIS

Dean B. Baker

Au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, l’apparition graduelle de petites cliniques universitaires de médecine du travail et de l’environnement s’est révélée une source importante de services de santé au travail aux Etats-Unis. Ces cliniques sont affiliées à des centres médicaux universitaires, à des facultés de médecine ou à des écoles de santé publique. Le personnel médical est formé principalement de membres du corps professoral pour qui la médecine du travail est le principal sujet d’enseignement et de recherche. L’activité première de ces cliniques est de fournir des évaluations médicales diagnostiques sur des maladies susceptibles d’être causées par le travail et l’environnement, bien qu’un grand nombre d’entre elles offrent également les services de base de santé au travail. Ces cliniques jouent un rôle crucial dans le domaine de la santé au travail aux Etats-Unis, car elles constituent une source indépendante d’expertise médicale concernant les maladies professionnelles. Ce sont également des centres de formation importants pour les spécialistes de la médecine du travail et pour les médecins chargés des soins primaires.

Le contexte

Des sources indépendantes d’expertise médicale en matière de maladies professionnelles sont nécessaires aux Etats-Unis, car les employeurs ne sont tenus par la loi de fournir des soins médicaux et d’indemniser les travailleurs pour le manque à gagner que si le lien entre la lésion ou la maladie et le travail peut être établi. Comme on l’a noté dans des articles précédents du présent chapitre, la grande majorité des soins médicaux dispensés aux victimes d’accidents du travail sont assurés par les employeurs, soit directement, soit indirectement dans le cadre de contrats passés avec des médecins exerçant dans le privé, des cliniques, des centres de soins immédiats et des centres hospitaliers. Ce système de soins est tout à fait adéquat pour les travailleurs souffrant de lésions ou de maladies graves, car le lien entre l’état du salarié et le travail qu’il effectue est clair et net. Il est donc dans l’intérêt de l’employeur de fournir sans délai un traitement médical efficace afin que le salarié puisse retourner au travail dès que possible. Cependant, le système de réparation des Etats-Unis ne fonctionne pas bien pour les travailleurs qui souffrent de lésions ou de maladies professionnelles chroniques, car les employeurs ne sont pas tenus de payer les frais médicaux à moins que le lien de cause à effet entre le travail et l’affection chronique du travailleur n’ait été établi. Si un employeur conteste une demande d’indemnisation, le salarié ou l’agent responsable de l’indemnisation des travailleurs doit obtenir une évaluation indépendante pour déterminer si l’affection est liée au travail. Les cliniques médicales universitaires ont servi de centres de consultation régionaux pour fournir cette expertise médicale indépendante.

Les cliniques universitaires de médecine du travail ont pu conserver leur indépendance, étant donné que la plupart d’entre elles ne sont pas liées par contrat à des employeurs ou ne reçoivent pas de contributions financières similaires qui pourraient les placer en situation de conflits d’intérêts au moment de l’évaluation des maladies des travailleurs. Ces cliniques fonctionnent généralement comme des organismes sans but lucratif et absorbent une partie du coût des évaluations médicales, estimant que celles-ci font partie de la mission d’enseignement et de service de l’établissement; en effet, les évaluations diagnostiques complexes sont coûteuses et par conséquent rarement entreprises sans contribution de l’employeur.

C’est l’expansion des programmes d’enseignement de la médecine du travail et de l’environnement dans les facultés de médecine et les centres médicaux universitaires qui a stimulé la croissance des cliniques universitaires de médecine du travail et de l’environnement. Il n’y a pas si longtemps encore, les programmes d’études de la médecine du travail étaient peu nombreux aux Etats-Unis, et la très grande majorité d’entre eux étaient offerts dans des écoles de santé publique, où l’on mettait l’accent sur l’hygiène industrielle, la toxicologie et l’épidémiologie. Le nombre de programmes universitaires de médecine du travail et de l’environnement a augmenté considérablement au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.

Cette croissance est due à plusieurs facteurs. La loi sur la sécurité et la santé au travail adoptée en 1970 a créé l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)); cet organisme a mis sur pied un programme de subventions destiné à soutenir la formation en internat à la médecine du travail. Grâce à l’aide financière du NIOSH, de nombreuses facultés de médecine ont pu offrir des programmes de formation de ce genre. Un autre facteur qui explique la croissance des programmes de formation en internat est le fait que l’organisme américain chargé de l’agrément professionnel des spécialistes en médecine du travail s’est employé à rehausser le statut de la profession en exigeant des membres qu’ils suivent un programme de formation officiel (au lieu d’une simple formation sur le tas) pour être agréés comme spécialistes de la médecine du travail. Les programmes de formation en internat ont également été établis à la suite de rapports présentés par des organisations professionnelles prestigieuses, comme l’Institut de médecine (Institute of Medicine (IOM)), qui faisaient état de la grave pénurie de praticiens qualifiés dans le domaine de la médecine du travail et de l’environnement (IOM, 1993). Dans le cadre de bon nombre de ces programmes de formation en internat, on a fondé des cliniques qui ont servi de centres de formation. C’est dans ces cliniques universitaires qu’un fort pourcentage des futurs spécialistes de la médecine du travail et de l’environnement aux Etats-Unis recevront leur formation clinique.

Le soutien organisationnel aux cliniques

Contrairement aux prestataires de services sous contrat, les cliniques universitaires ne fournissent généralement pas les services de santé au travail habituels qui sont rentables; aussi le soutien financier gouvernemental s’est-il avéré essentiel au maintien de ces programmes. Plusieurs organismes gouvernementaux ont joué un rôle crucial à cet effet. Comme on l’a mentionné plus haut, le NIOSH a soutenu les programmes de formation en internat à la médecine du travail; cet appui a été assuré par les consortiums de formation interdisciplinaire du Centre de ressources pédagogiques, puis par des bourses de formation en internat à la médecine du travail. L’Institut national des sciences de l’hygiène de l’environnement (National Institute for Environmental Health Sciences (NIEHS)) a, pour sa part, fourni une aide à la recherche et à la formation pour les programmes d’enseignement universitaire de la médecine du travail. Bon nombre des cliniques les plus reconnues sont affiliées à des centres de recherche sur l’hygiène de l’environnement financés par le NIEHS. Les cliniques soutiennent la mission des centres en déterminant les populations qui doivent faire l’objet de recherche clinique et épidémiologique. A la fin des années quatre-vingt, le NIEHS a également mis sur pied un programme de bourses universitaires pour la médecine du travail et de l’environnement, afin d’aider les facultés de médecine à assurer le perfectionnement du corps enseignant dans ce domaine. Le corps enseignant d’une bonne partie des facultés de médecine dotées de cliniques a déjà bénéficié de ce programme de bourses. L’Agence des substances toxiques et du registre des maladies (Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR)), créée en 1980 en application de la loi relative aux activités de dépollution de l’environnement pour réaliser des évaluations de l’hygiène de l’environnement et améliorer la formation professionnelle ayant trait à l’évaluation des substances dangereuses, a accordé un appui essentiel à l’élaboration des programmes et aux activités de formation professionnelle connexes, lorsque de nombreuses cliniques ont commencé à se pencher sur des questions touchant tant l’hygiène de l’environnement que la santé au travail.

Plusieurs Etats se sont dotés de programmes à l’appui des services de santé au travail. Le plus important est celui des Centres de santé au travail et d’hygiène de l’environnement de l’Université de Californie. Ces centres ont été implantés dans cinq campus universitaires et réalisent des programmes multidisciplinaires de recherche, de formation et de services cliniques. Plusieurs autres Etats (par exemple, le New Jersey, l’Oregon, le Michigan et l’Etat de Washington) financent également des programmes par l’entremise des facultés de médecine ou des écoles de santé publique de l’Etat considéré. L’Etat de New York a mis en place, dans l’ensemble de son territoire, un réseau de cliniques de médecine du travail et de l’environnement, qui sont pour la plupart affiliées à des centres médicaux universitaires. Ce réseau de cliniques est en mesure d’évaluer l’état des personnes présentant des problèmes de santé liés à l’environnement ou au travail, même si celles-ci n’ont pas les moyens de payer ces services. Les cliniques ont créé une base de données commune afin que le réseau puisse servir de système de surveillance des maladies professionnelles pour l’Etat.

Les associations professionnelles ont également largement contribué à l’essor des cliniques universitaires. Les membres de l’Association américaine de santé publique (American Public Health Association (APHA)) ont jeté les bases des premiers échanges entre les cliniques nouvellement constituées. L’appui de l’APHA a permis de renforcer dans ces cliniques l’accent mis sur la santé publique et la prévention. En 1987, les membres du comité de l’APHA s’occupant des cliniques de médecine du travail de l’APHA ont fondé une nouvelle organisation, l’Association des cliniques de médecine du travail et de l’environnement (Association of Occupational and Environmental Clinics (AOEC)), formant un réseau de cliniques voué à la recherche et à la formation ainsi qu’à la prévention et au traitement des maladies professionnelles et environnementales (AOEC, 1995). L’AOEC est devenue un réseau national de plus de cinquante cliniques, dont la plupart sont des cliniques universitaires. La majorité des cliniques universitaires bien établies sont membres de l’AOEC. L’Association favorise la communication entre les cliniques, établit des directives concernant la qualité des soins et les droits des patients, s’efforce d’obtenir des ressources financières pour les activités professionnelles et éducatives et est en train d’établir une base de données qui permettra de recueillir et d’analyser de manière systématique les renseignements fournis par les cliniques.

Les caractéristiques des programmes

Comme on l’a vu plus haut, la principale activité des cliniques est de diagnostiquer les maladies liées au travail et à l’environnement, et non de fournir les services courants de santé au travail. En raison de cette orientation, les programmes des cliniques universitaires diffèrent des programmes des cliniques qui dispensent des services en vertu de contrats passés avec les employeurs (Rosenstock et coll., 1982). Les professionnels des cliniques universitaires sont d’abord et avant tout au service des travailleurs et des membres de la collectivité éventuellement exposés aux maladies professionnelles, et non des employeurs. Les médecins prennent en considération les aspects aussi bien médicaux que sociaux, économiques et juridiques des problèmes de santé des patients. Le rapport patient-soignant est faible: les cliniques concentrent leurs efforts sur des cas relativement peu nombreux mais complexes, qui nécessitent des consultations plus longues et plus approfondies et un engagement de la part du médecin et du patient, parfois en dehors des heures habituelles d’ouverture des cliniques.

En raison de leurs activités de recherche et d’enseignement, les cliniques universitaires fonctionnent généralement à temps partiel et tiennent plusieurs séances par semaine. Le répertoire des 41 cliniques membres de l’AOEC indique que les effectifs varient de un à 13 médecins par clinique et que 85% des cliniques comptent entre deux et six médecins (AOEC, 1995). Autre caractéristique, les cliniques font appel à des équipes multidisciplinaires de professionnels afin d’améliorer les évaluations des risques et de la toxicité, et de fournir des services de prévention et d’éducation. Ainsi, parmi les 41 cliniques figurant dans le répertoire de l’AOEC, la plupart comptaient parmi leur personnel professionnel des hygiénistes industriels (32), et environ la moitié, des toxicologues (22), des travailleurs sociaux (19), des éducateurs sanitaires (19) et des épidémiologistes (24) (AOEC, 1995).

Les cliniques axent leurs services sur la collectivité. La plupart d’entre elles ont élaboré des programmes de vulgarisation à l’intention des professionnels et de la collectivité, à la fois pour faciliter le dépistage de patients éventuels et dispenser une formation aux professionnels de la santé, aux travailleurs et à la population locale. Bon nombre de cliniques forment des comités consultatifs de travailleurs et de représentants des collectivités locales pour assurer la surveillance de leurs activités.

Beaucoup de cliniques tiennent des bases de données informatisées, de manière à pouvoir rechercher et analyser les cas qu’elles ont traités. On y trouve les renseignements suivants: la source qui a adressé le patient, le code de profession et de secteur d’activité de tous les emplois occupés (ou du moins de l’emploi actuel ou des emplois les plus importants), le nom de l’employeur, les types d’exposition, les diagnostics de maladies liées au travail, l’évaluation du lien entre le type d’exposition et le diagnostic, et des données démographiques (Rosenstock, Daniell et Barnhart, 1992). Jusqu’ici, la coordination de la collecte des données tenues par les cliniques laissait à désirer, mais l’AOEC a créé un système commun de bases de données qui permettra de compiler ces renseignements de manière plus systématique à l’avenir.

Les services

La clientèle des cliniques universitaires varie selon les types d’employeurs et les risques environnementaux présents dans la région desservie, davantage encore que celle des services contractuels, qui se développent en fonction des besoins des employeurs. Les cliniques peuvent offrir des services diagnostiques spécialisés, selon l’expertise et les intérêts de recherche du corps professoral. Les patients consultent les professionnels des cliniques en fonction de la compétence et de la réputation du programme universitaire. Une personne se présente habituellement à la clinique parce qu’elle souffre d’une affection et désire savoir si son travail ou un agent environnemental en est la cause ou parce qu’elle a été exposée à un agent potentiellement toxique et veut savoir si sa santé pourrait en souffrir.

Selon le répertoire de l’AOEC (AOEC, 1995), les maladies professionnelles les plus courantes observées dans les cliniques sont les suivantes: asthme, maladies pulmonaires et autres troubles pulmonaires causés par l’amiante, syndrome du canal carpien, troubles consécutifs à des traumatismes répétés, troubles musculo-squelettiques et affections cutanées. Peu de cliniques déclarent diagnostiquer fréquemment des troubles neurologiques, et très peu ont reçu des patients souffrant de lésions graves. Les problèmes les plus fréquents découlant d’une exposition professionnelle mettent en cause l’amiante, le plomb ou d’autres métaux lourds, les produits chimiques et les solvants.

La répartition des principales affections liées à l’environnement diffère de celle des maladies professionnelles. Les plus fréquentes sont le syndrome d’intolérance aux produits chimiques et le syndrome des bâtiments malsains ou encore les problèmes dus à la piètre qualité de l’air à l’intérieur des locaux. Les problèmes d’exposition à des agents environnementaux les plus souvent mentionnés sont liés à la présence de pesticides, de plomb, de produits chimiques et de déchets dangereux.

Les patients sont adressés aux cliniques par diverses sources — d’aucuns consultent de leur propre initiative, tandis que d’autres sont adressés par les employeurs, les syndicats, les organismes de santé publique, les médecins, les avocats et les régimes de réparation des accidents du travail. Certains cas sont transmis aux cliniques parce que les patients veulent une évaluation médicale indépendante et de premier ordre. D’autres sont adressés à des praticiens en particulier — souvent des membres du corps professoral — dont l’expertise est reconnue. Dans ces derniers cas, le choix du professionnel consulté peut découler d’une recherche au plan national, voire international.

Les cliniques universitaires offrent aussi d’autres services que l’évaluation des maladies liées au travail ou à l’environnement. Bon nombre d’entre elles ont mis sur pied des programmes de dépistage auprès des travailleurs, à la demande d’employeurs, de syndicats ou de groupes de travailleurs préoccupés par un risque particulier, par exemple l’exposition au plomb ou à l’amiante. Les cliniques effectuent également les examens de surveillance médicales prescrits par l’OSHA ou la législation de l’Etat. La plupart des cliniques servent de centres régionaux en fournissant des services de consultation clinique aux travailleurs, aux habitants et aux médecins de la région, généralement par téléphone.

Outre les services cliniques, le personnel multidisciplinaire des cliniques universitaires effectue des évaluations des risques présents sur les lieux de travail et dans la collectivité, ce qui englobe parfois des activités de surveillance de l’exposition. La quasi-totalité des cliniques organisent des programmes de formation dans le domaine de l’éducation à la santé et de la prévention à l’intention des particuliers, des collectivités et des professionnels de la santé.

Les perspectives d’avenir

L’ensemble des changements apportés aux systèmes d’indemnisation des travailleurs et de soins médicaux pourrait avoir une incidence sur l’avenir des cliniques universitaires aux Etats-Unis. On aura toujours besoin d’évaluations médicales indépendantes pour les problèmes de santé liés au travail et à l’environnement, mais de nombreux Etats ont modifié ou envisagent de modifier les lois touchant la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles de manière à restreindre la possibilité, pour les travailleurs, de faire leurs propres choix concernant les évaluations médicales. On observe également une tendance à la gestion intégrée des soins médicaux pour les maladies tant professionnelles que non professionnelles. Les cliniques devront s’adapter à l’expansion des soins intégrés dans le domaine de la santé au travail, car l’approche indépendante qu’elles privilégient pourrait être exclue dans une large mesure d’un système plus intégré de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Afin de faire face à cette évolution du système de soins médicaux, certaines cliniques universitaires établissent des liens avec les centres sous contrat avec des employeurs: alors que ces centres s’occuperaient des cas courants et des traitements médicaux, les cliniques universitaires joueraient le rôle de centres de consultation spécialisés. Peut-être les cliniques devront-elles également s’affilier aux centres médicaux qui dispensent des soins primaires, des soins d’urgence, des services de réadaptation et d’autres services spéciaux, afin que les services offerts par les spécialistes de la santé au travail et les autres types de soins médicaux soient le plus complets possible. Cette approche permettra d’accroître la stabilité financière des cliniques grâce aux contrats et à la rémunération des services, et fournira des possibilités de formation aux médecins, dont bon nombre exerceront dans ce contexte.

Les cliniques universitaires devront relever le défi de préserver leur indépendance tout en fonctionnant dans un système de gestion intégrée des soins médicaux, en grande partie financé par les employeurs. La possibilité de consultations indépendantes sera maintenue, jusqu’à un certain point, étant donné que les modes d’aiguillage, à l’échelle régionale et nationale, sont fondés sur la réputation des cliniques. Les cliniciens continueront également à fournir des avis d’experts à des particuliers et à des avocats dans le cadre du système de responsabilité civile délictuelle, qui par ailleurs évolue également aux Etats-Unis, quoique plus lentement que le système de soins médicaux. Cependant, malgré ces appuis, les cliniques universitaires des Etats-Unis auront toujours besoin du soutien des organismes gouvernementaux et des organisations professionnelles pour continuer d’assumer leur rôle en tant qu’organes indépendants d’évaluation médicale, de recherche et de formation. Le sort de bon nombre d’entre elles dépendra de la décision du gouvernement fédéral et des gouvernements des Etats de maintenir ou non leur appui.

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL AU JAPON

Ken Takahashi

La politique générale et la législation

Au Japon, le ministère du Travail est l’unique organe administratif responsable de la santé au travail, et la loi sur la sécurité et l’hygiène du travail, adoptée en 1972, est la loi fondamentale dans ce domaine (cette loi sera appelée «loi sur la santé» pour les besoins du présent article). La loi sur la santé et ses ordonnances d’exécution stipulent qu’il incombe à l’employeur de fournir des services de sécurité et de santé au travail et, notamment, de nommer un médecin du travail, en fonction de la taille de l’entreprise. Ainsi, toutes les entreprises qui comptent 50 salariés ou plus doivent engager un médecin du travail (à temps plein dans les entreprises qui emploient 1 000 personnes ou plus). En outre, toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, sont tenues d’offrir des examens de santé à leur personnel. Ces bilans de santé obligatoires comprennent les examens avant l’affectation à un poste, des examens généraux périodiques pour tous les travailleurs à temps plein et, en outre, des examens médicaux particuliers pour les travailleurs à temps plein dont les tâches sont qualifiées de «dangereuses». Ces exigences sont en général respectées, bien qu’il existe des différences à cet égard en fonction de la taille de l’entreprise.

Les modèles d’organisation et de prestation des services

Les modèles d’organisation et de prestation des services varient considérablement selon la taille de l’entreprise. Les grandes entreprises abritent souvent une unité de santé au travail complète, par exemple un service d’administration sanitaire, un service de promotion de la santé ou une clinique médicale sur les lieux de travail. Ces unités fonctionnelles constituent parfois des entités indépendantes, en particulier si elles mettent l’accent sur les activités curatives, mais la plupart du temps elles relèvent de services tels que le service du travail ou celui des affaires générales. Dans certains cas, l’unité de santé au travail est gérée par un syndicat d’entreprise d’assurance maladie. Le médecin du travail à temps plein de l’entreprise assume très souvent la direction de l’unité, parfois avec le même grade qu’un cadre supérieur de l’entreprise. L’unité est formée d’une combinaison variable de personnel infirmier en service général, de personnel infirmier du travail, de techniciens en radiologie ou de technologues médicaux.

En revanche, bon nombre de petites entreprises n’ont pas les ressources humaines et matérielles requises pour assurer la prestation de services de santé au travail. Dans ces cas-là, les médecins du travail à temps partiel sont recrutés parmi les omnipraticiens en pratique privée, les médecins attachés à un hôpital ou à une université et les praticiens de la santé au travail indépendants ou non. Les médecins du travail à temps partiel exercent un éventail plus ou moins large d’activités touchant la santé au travail, selon les besoins de l’entreprise et leur propre expertise. Les organismes de santé au travail, qui offrent des services de santé au travail dans un but lucratif, ont joué un rôle primordial dans la prestation de tels services aux petites entreprises. Les services vendus par ces organismes englobent les divers examens de santé et leur suivi, le mesurage de variables environnementales et même l’envoi sur les lieux de médecins du travail et de personnel infirmier. De nombreuses petites entreprises embauchent un médecin du travail à temps partiel et louent les services d’un organisme de santé au travail afin de se conformer aux prescriptions légales applicables.

Les activités et la nature des services

Des sondages nationaux portant sur les activités des médecins du travail à plein temps et à temps partiel ont été réalisés périodiquement par la Fondation pour la promotion de la santé au travail, organisme auxiliaire sans but lucratif du ministère du Travail. Selon l’enquête effectuée en 1991, à laquelle 620 médecins du travail à plein temps ont répondu, c’est aux activités curatives que l’on avait consacré en moyenne le plus de temps (495 heures/année); venaient ensuite les examens de santé périodiques (136) et les consultations ponctuelles (107). Le temps moyen alloué à l’examen des lieux de travail s’élevait à 26,5 heures/année. Les 340 médecins du travail à temps partiel qui ont également répondu au questionnaire consacraient proportionnellement moins de temps à cette activité que les médecins du travail à temps plein. Toutefois, une analyse plus approfondie fait ressortir des variations considérables dans la quantité et la qualité des activités des médecins du travail à temps partiel, selon plusieurs facteurs interdépendants:

  1. Taille et caractéristiques de l’entreprise.
  2. Principal emploi et autres fonctions du médecin.
  3. Investissement dans le travail.

Les ressources humaines

La loi ne contient aucune disposition précisant les compétences requises du médecin du travail; elle indique simplement que le médecin du travail (à temps plein ou à temps partiel) peut être choisi «parmi l’ensemble des médecins» (loi sur la santé). En 1995, le nombre total de médecins était estimé à 225 000; ce nombre augmente annuellement d’environ 5 000 (7 000 médecins diplômés issus des 80 facultés de médecine du Japon, moins 2 000 médecins décédés). Le nombre estimatif de médecins du travail en 1991 était d’environ 34 000 (2 000 à temps plein et 32 000 à temps partiel), ce qui correspondait à 16,6% de l’effectif total de médecins. En outre, plusieurs milliers d’infirmiers et d’infirmières jouent un rôle actif dans le domaine de la santé au travail, même s’il n’existe pas de définition juridique de la fonction d’infirmier(ère) du travail. Un agent de surveillance médicale, qu’on définit dans la loi sur la santé comme étant la personne qui s’occupe des questions techniques en matière de santé, est recruté parmi les travailleurs. Le médecin du travail collabore étroitement avec l’agent de surveillance médicale, à qui il peut «fournir conseils ou orientation» en vertu de la loi sur la santé.

L’administration

Au sein du ministère du Travail, la santé au travail est administrée par le Service de la sécurité et de la santé au travail, qui relève du Bureau des normes du travail. Les unités fonctionnelles locales du Bureau sont les services préfectoraux des normes du travail (il en existe 47) et les services d’inspection des normes de travail (347), répartis dans tout le pays et dotés d’environ 3 200 inspecteurs des normes de travail, de 390 spécialistes de la sécurité au travail et de 300 spécialistes de la santé au travail.

Depuis plusieurs décennies, le ministère du Travail met en œuvre des plans quinquennaux de prévention des accidents du travail; le plus récent de ces plans (le huitième) était associé au mot d’ordre suivant: «Pour une vie professionnelle saine et sans danger sur le plan tant mental que physique.» En conséquence, le ministère s’est doté d’un plan axé sur la promotion de la santé globale. En vertu de ce plan, le médecin du travail prescrit à chaque travailleur un programme d’exercices fondé sur une évaluation de sa santé. Le gouvernement organise des programmes de formation destinés aux représentants d’entreprises pour les aider à acquérir les compétences requises. Il donne également son agrément aux organismes de santé au travail qui sont en mesure de fournir des services facilitant la mise en œuvre du plan.

Les mécanismes de financement

Lorsque des services de santé au travail sont fournis sur place, comme c’est le cas dans les grandes entreprises, ils relèvent alors souvent d’un service interne de l’entreprise et, par conséquent, sont assujettis aux contraintes financières de l’employeur. Une autre formule existe également, celle de l’unité affiliée mais autonome (clinique, hôpital ou organisme de santé au travail), qui compte des professionnels de la santé au travail. Dans certains cas, l’unité est gérée par un syndicat d’entreprise d’assurance maladie. Bon nombre de petites entreprises, qui n’ont pas les ressources humaines, matérielles et financières requises, mais qui sont néanmoins tenues d’offrir les services d’un médecin du travail à temps partiel, se conforment à cette exigence en passant un contrat avec des omnipraticiens, des médecins attachés à un hôpital ou à une université et d’autres professionnels de la santé. Comme on l’a mentionné plus haut, le médecin du travail à temps partiel s’occupera de diverses activités liées à la santé au travail, en fonction des besoins de l’entreprise et de sa propre compétence. Les exigences auxquelles l’entreprise doit se conformer, par exemple faire subir des examens de santé périodiques à tous les salariés, excèdent souvent le temps dont dispose le médecin contractuel ou sa bonne volonté à cet égard. Cette situation crée un écart entre l’offre et la demande, qui est souvent comblé par les organismes de santé au travail.

La recherche

La Société japonaise de santé au travail (Japan Society for Occupational Health (JSOH)) est une société universitaire qui comprend des médecins du travail, du personnel infirmier du travail et des chercheurs. La société compte actuellement 6 000 membres, et ce nombre augmente rapidement. Elle tient des réunions scientifiques annuelles aux niveaux régional et national, et a récemment entrepris de publier un périodique scientifique en anglais intitulé Journal of Occupational Health. Les principaux instituts de recherche du Japon sont l’Institut national de la santé au travail (périodique: Industrial Health, semestriel, en anglais), l’Institut des sciences du travail (périodique: Journal of Science of Labour, mensuel, en japonais et en anglais), l’Association japonaise de sécurité et de santé au travail (publications: Industrial Safety Yearbook et autres) et l’Institut des sciences écologiques industrielles de l’Université de santé du travail et de l’environnement du Japon (périodique: Journal of UOEH, bimensuel, en japonais et en anglais).

Les perspectives d’avenir

Le ministère du Travail a récemment lancé un plan d’ensemble visant la prévention des maladies et la promotion de la santé pour tous les travailleurs du pays. Grâce à ce plan de huit ans, il prévoit d’établir des centres de santé au travail subventionnés par l’Etat, fonctionnant à l’échelle des préfectures et des régions dans l’ensemble du pays. Chacune des 47 préfectures aura son centre de santé au travail, qui comptera environ 15 salariés, y compris un médecin-chef à temps plein et trois ou quatre médecins à temps partiel. Leur principale fonction consistera à dispenser une formation et à fournir des informations aux médecins du travail exerçant dans le secteur. Il est prévu également de mettre en place 347 centres régionaux de santé au travail, en liaison avec les sections locales de l’Association médicale japonaise (Japan Medical Association (JMA)). Ces centres régionaux veilleront tout spécialement à fournir des services de santé au travail à un groupe mal desservi à cet égard, c’est-à-dire les travailleurs des petites entreprises. Le budget initial en 1993 était de 2,3 milliards de yen (20 millions de dollars E.-U.) pour la mise en place de six centres préfectoraux et de 50 centres régionaux. Les deux types de centres de santé au travail fonctionneront en interaction, de même qu’en collaboration avec l’administration centrale, la JMA, les hôpitaux pour travailleurs et les autres partenaires. Le succès de ce plan sera tributaire de la coopération entre ces divers intervenants.

LA PROTECTION DU TRAVAIL DANS LA FÉDÉRATION DE RUSSIE: DROIT ET PRATIQUE

Nikolai F. Izmerov et Igor A. Fedotov

L’organisation de la protection du travail héritée de l’ancien régime par la Fédération de Russie s’inscrivait dans une structure hiérarchique qui avait été instaurée dans le contexte de la société antérieure et qui fonctionnait sous un contrôle administratif rigoureux allant de pair avec la planification et l’affectation des res-sources. Les changements dans les systèmes économique et social du pays résultant de la transition vers une économie de marché ont rendu nécessaires une révision de la législation du travail existante et la réorganisation de l’ensemble du système de protection du travail et, plus particulièrement, des services de santé au travail fournis à la population active.

La législation du travail

La protection du travail dans la Fédération de Russie est reconnue comme étant un système complexe visant à assurer des conditions de travail salubres et sans danger par l’adoption de mesures législatives, socio-économiques, organisationnelles, préventives, de sécurité, d’hygiène, techniques et autres.

La législation du travail en Russie comprend certaines dispositions de la Constitution russe, le Code du travail, la loi fondamentale sur la protection du travail et les textes d’application, à savoir les règlements et directives pertinents, ainsi que les lignes directrices, instructions, normes d’Etat et autres normes approuvées par les autorités compétentes de la Fédération de Russie et des républiques constituantes.

L’article 37 de la Constitution de la Fédération de Russie dispose que chaque citoyen a le droit de travailler dans un environnement conforme aux exigences établies en matière de sécurité et de santé au travail, d’être rémunéré pour son travail sans discrimination par un salaire qui ne soit pas inférieur au minimum fixé par le gouvernement fédéral, et d’être protégé contre le chômage.

La loi fondamentale sur la protection du travail, adoptée en août 1993, contient des dispositions qui garantissent le droit des travailleurs à la protection de leur santé. Elle régit également les relations professionnelles entre les employeurs et les travailleurs dans tous les secteurs de l’économie, quel que soit le mode de propriété. Selon l’article 4 de la loi, les travailleurs ont droit à:

L’article 9 de la loi fondamentale sur la protection du travail attribue à l’employeur la responsabilité d’assurer des conditions de travail salubres et sans danger, tandis que l’article 16 précise les sanctions pécuniaires qui lui seront infligées s’il ne s’acquitte pas de cette responsabilité et si la santé des travailleurs est compromise par suite d’exposition, de lésions ou de maladies professionnelles.

Le chapitre 10 du Code du travail de la Fédération de Russie porte sur la sécurité et la santé au travail. L’article 139 prévoit qu’il incombe à la direction d’assurer des conditions de travail salubres et sans danger par l’adoption de procédures de sécurité mises à jour régulièrement et de mesures de prévention des accidents qui permettront de maîtriser les risques de manière appropriée et de prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Selon l’article 143 du Code du travail, la direction est tenue de doter ses installations de machines et d’équipements sans risques et de créer des conditions de travail sûres, respectant les normes techniques et les normes d’hygiène, de même que les règlements intersectoriels et sectoriels sur la sécurité et la santé au travail élaborés et adoptés conformément à la législation du travail en vigueur.

Les règlements intersectoriels en matière de prévention couvrent tous les secteurs d’activité. Ce sont des prescriptions légales applicables à toutes les entreprises, indépendamment du type d’activité économique (par exemple, les normes d’hygiène SN 245-71 relatives à la conception des entreprises industrielles). Les règlements intersectoriels sont adoptés par le conseil des ministres de la Fédération de Russie, ou par d’autres autorités compétentes à la demande du conseil des ministres.

Les règlements sectoriels en matière de prévention définissent les exigences applicables à divers procédés industriels, types de travaux et équipements propres à certains secteurs industriels (par exemple, les règlements sur les consignes de sécurité touchant les opérations de soudage dans la construction ou le fonctionnement des grues de chargement sur les quais). Ils tiennent compte des caractéristiques particulières de certains secteurs de l’économie et sont adoptés par les ministères concernés, les comités d’Etat, les organismes officiels de contrôle ou d’autres autorités compétentes.

Les ministères élaborent également des directives, des instructions et des normes techniques de prévention visant leurs domaines d’activité économique respectifs. D’autres instructions, comme celles qui obligent les employeurs à organiser à l’intention des travailleurs une formation à la prévention en entreprise ou celles qui obligent les travailleurs à se conformer aux exigences de sécurité, font l’objet de consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs.

Les employeurs sont tenus de fournir aux travailleurs les vêtements ou les uniformes adéquats ainsi que l’équipement de protection individuelle et collective prévu par la réglementation. Ils sont également responsables de l’organisation des examens de santé périodiques que doivent subir certaines catégories de travailleurs, par exemple ceux qui effectuent des travaux pénibles ou qui accomplissent des tâches dangereuses, les travailleurs du secteur des transports et certains autres groupes.

Outre les obligations et responsabilités des employeurs (lorsque les installations appartiennent à l’Etat, la direction de l’entreprise représente l’employeur), la législation du travail prévoit l’obligation pour les travailleurs de se conformer aux exigences en matière de sécurité et de santé au travail énoncées dans les règlements et les directives applicables. Ainsi, les travailleurs doivent participer aux programmes de formation à la prévention, entretenir et utiliser correctement l’équipement de protection individuelle, suivre des cours de prévention des incendies, veiller au bon fonctionnement des machines et de l’équipement qu’ils utilisent et à la propreté de leurs lieux de travail.

A l’échelle de l’entreprise, la surveillance quotidienne de l’application des normes et prescriptions relatives à la prévention relève du bureau de la sécurité et de la santé au travail, qui fait partie intégrante de l’entreprise et jouit d’un statut indépendant. Les principales fonctions de ce bureau sont les suivantes: évaluation des risques professionnels, recommandation de mesures de sécurité et de contrôle, prévention des accidents du travail, analyse des causes d’accidents du travail, coopération avec d’autres services de l’entreprise pour la prévention des accidents du travail et des lésions professionnelles, vérification des machines et de l’équipement et mise en œuvre de programmes de sécurité. Le bureau est habilité à interrompre le fonctionnement de certaines machines ou le déroulement de certaines opérations ou encore certaines tâches qui peuvent mettre en péril la vie ou la santé des travailleurs.

Les petites entreprises n’ont généralement pas les ressources requises pour mettre sur pied un bureau de la sécurité et de la santé au travail (voir «Les services de santé au travail dans les petites entreprises»). L’article 8 de la loi fondamentale sur la protection du travail leur confère le droit de consulter des spécialistes de la sécurité et de la santé au travail de l’extérieur et de les employer en tant que contractuels.

Afin d’améliorer l’application des règlements visant la protection des travailleurs de la Fédération de Russie, un système a été mis en place pour l’établissement de normes d’Etat en matière de sécurité et de santé au travail (GOST). Ces normes ont force de loi, et le contrôle de leur application incombe aux autorités gouvernementales compétentes.

Au total, il existe maintenant plus de 2 000 règlements, directives, instructions, normes d’hygiène et normes d’Etat concernant la sécurité et la santé au travail, dont la plupart ont été élaborés par divers ministères, comités d’Etat et autres autorités de l’ex-URSS. Cette réglementation est toujours en vigueur, même si 700 règles et règlements ont été établis avant 1981 et ne devaient être applicables que pendant une période de cinq ans. La majorité de ces règles et règlements devraient être revus et modifiés à la lumière de la nouvelle situation économique.

Dans le cadre de la réorganisation du système de protection du travail de la Russie, le décret présidentiel du 4 mai 1994 a créé l’Inspection fédérale du travail qui, sous l’égide du ministère du Travail, est chargée de veiller à la bonne application de la législation du travail dans tous les territoires de la Fédération de Russie. Ce décret a mis en place le système de contrôle et de surveillance de l’Etat dans le domaine de la protection du travail (auparavant, le contrôle de l’application de la législation du travail incombait aux inspecteurs des syndicats). Un réseau d’inspections régionales sera établi dans toutes les régions constituantes de la Fédération de Russie, complétant la structure organisationnelle de l’Inspection fédérale du travail.

La législation sur la santé

La législation sur la santé de la Fédération de Russie représente un outil pour la mise en œuvre de la politique d’Etat concernant la santé publique et le bien-être épidémiologique. Le Service fédéral d’hygiène et d’épidémiologie de la Fédération de Russie s’acquitte de son mandat en conformité avec cette législation et joue un rôle important dans les activités visant à promouvoir la sécurité et la santé au travail et la santé publique en général.

La législation sur la santé comprend la loi sur le bien-être sanitaire et épidémiologique de la population, adoptée le 13 avril 1992 par le Conseil suprême de la Fédération de Russie, et les directives et règlements pertinents établis en vertu de cette loi par les autorités compétentes.

Selon l’article 1 de la loi, l’expression bien-être sanitaire et épidémiologique désigne «un état de la santé publique et de l’environnement caractérisé par l’absence d’incidences néfastes des facteurs environnementaux sur la santé des populations et la présence de conditions propices aux activités créatrices».

La législation sur la santé établit des normes d’hygiène pour les entreprises, les nouveaux types d’équipements et de machines ainsi que pour les matières et les procédés technologiques nouveaux. Elle prescrit également les modalités d’application des normes existantes.

La surveillance de l’Etat en matière d’hygiène prend deux formes:

Selon l’article 9 de la loi, les entreprises doivent se conformer à la législation sur la santé en appliquant les normes d’hygiène établies et en exerçant un contrôle sur l’environnement industriel. Elles doivent prendre des mesures afin de prévenir la pollution de l’environnement, concevoir et mettre en œuvre des programmes de sécurité et de santé au travail visant à améliorer le milieu de travail et à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Le chapitre 4 de la loi précise les divers degrés de responsabilité en cas d’infraction à la législation sur la santé. Les personnes qui enfreignent la loi peuvent être poursuivies au civil ou au pénal (art. 27).

Le chapitre 5 de la loi établit les fonctions de surveillance sanitaire et épidémiologique de l’Etat:

Par suite des changements structurels en cours dans l’organisation du travail, la loi impose pour la première fois l’obligation de respecter la législation sur la santé et les normes d’hygiène, ainsi que les normes sur la qualité sanitaire des produits et la prévention de la pollution de l’environnement non seulement aux dirigeants d’entreprises et aux travailleurs, mais également aux travailleurs indépendants à temps plein (art. 34).

Selon l’article 32 de la loi, il incombe au Service fédéral d’hygiène et d’épidémiologie de la Fédération de Russie de veiller à l’application de la législation sur la santé. En outre, le Conseil des ministres de la Fédération de Russie a approuvé la directive no 375, qui a remplacé les anciens postes d’hygiène et d’épidémiologie par des Centres de surveillance sanitaire et épidémiologique d’Etat, fonctionnant dans tous les territoires de la Fédération.

La nouvelle législation sur la santé représente un changement important dans la réglementation officielle du bien-être sanitaire et épidémiologique de la population, et cela est vrai également pour la restructuration radicale du Service fédéral d’hygiène et d’épidémiologie de la Fédération de Russie, chargé d’appliquer cette réglementation. Le Service a récemment obtenu le statut de service fédéral et fait maintenant partie des organismes fédéraux de contrôle d’Etat. A la suite de ce changement, le Comité fédéral de la Fédération de Russie pour la surveillance sanitaire et épidémiologique a été créé afin de superviser le fonctionnement général du Service.

Le Service fédéral d’hygiène et d’épidémiologie de la Fédération de Russie est constitué des organismes suivants:

Comme le précise la directive no 375, les principales fonctions du Service fédéral d’hygiène et d’épidémiologie sont les suivantes:

Les spécialistes des Centres de surveillance sont habilités à effectuer des visites et des inspections des entreprises dans le but de faire appliquer la législation sur la santé. Ils enquêtent sur les causes des maladies professionnelles et déterminent les risques environnementaux et professionnels qui pourraient donner lieu à des maladies, des lésions et des intoxications liées au travail. Idéalement, lorsque cela est nécessaire, ils collaborent avec les médecins et le personnel infirmier des services de santé au travail.

Les Centres de surveillance sont financés directement par le budget fédéral de la Fédération de Russie. Ils peuvent en outre fournir sous contrat des services et des conseils spécialisés aux entreprises et à tout autre organisme ayant besoin de leur expertise. La liste des services spécialisés offerts par les Centres de surveillance est approuvée par le Comité fédéral pour la surveillance sanitaire et épidémiologique.

La législation sur la santé est appliquée au moyen de directives, de règlements, d’instructions, de normes et de prescriptions légales, à savoir:

La protection de la santé des travailleurs

L’article 41 de la Constitution de la Fédération de Russie dispose que chaque citoyen a droit à la protection de sa santé et à des soins médicaux. De nouvelles lois prévoient la mise en place de systèmes de santé administrés par les municipalités et le secteur privé en complément du régime de soins de santé de l’Etat. Les soins médicaux dispensés par l’Etat et les municipalités sont gratuits, les coûts étant financés par le budget fédéral et les budgets des collectivités locales, les caisses d’assurance santé et d’autres sources.

La loi sur le bien-être sanitaire et épidémiologique de la population renferme les dispositions suivantes, qui visent à assurer la protection de la santé des travailleurs:

Un élément important du système de santé russe est la mise en place, en 1991, d’un régime d’assurance santé obligatoire, qui a été modifié en 1993. La loi sur l’assurance santé des citoyens de la Fédération de Russie prévoit un nouveau modèle d’assurance en vertu duquel les employeurs versent des primes correspondant à 3,6% de leur masse salariale totale aux administrations locales pour aider à financer l’assurance santé. En 1996, près de 40  millions de travailleurs étaient couverts par la caisse fédérale d’assurance santé obligatoire de la Fédération de Russie.

La mise en place de l’assurance santé obligatoire avait principalement pour but de pourvoir au financement des soins de santé au sein du système économique postsoviétique sur la base des principes de l’assurance, en utilisant des fonds provenant de cotisations obligatoires et volontaires. L’assurance santé obligatoire a introduit dans le système de santé de la Fédération de Russie deux types de liens avec le public qui n’existaient pas auparavant: la participation des assureurs, représentés par les autorités locales, qui sont chargés de l’assurance santé couvrant les agents de l’Etat et les chômeurs; et la participation des milieux industriels, représentés par les employeurs et les entreprises, qui sont chargés d’assurer les travailleurs. Selon l’article 23 de la loi sur le bien-être sanitaire et épidémiologique de la population, les examens de santé des travailleurs font partie de la liste des services couverts par l’assurance santé obligatoire.

Conformément à la loi fondamentale sur la protection de la santé des citoyens de la Fédération de Russie, adoptée par le Conseil suprême de la Fédération de Russie le 22 juillet 1993, les principes fondamentaux de la protection de la santé sont les suivants:

La loi fondamentale précise les liens existant, en ce qui concerne la protection et la loi de la santé, entre la population active et les autorités compétentes, les entreprises d’Etat, les établissements du secteur privé, ainsi que les centres médicaux de l’Etat, des municipalités et du secteur privé fournissant des services de santé.

En pratique, les services de santé au travail sont dispensés aux travailleurs par les établissements de santé publics (hôpitaux et polycliniques) situés à proximité de leur lieu de résidence et par les services spécialisés de santé au travail se trouvant pour la plupart dans les grandes entreprises. Cet arrangement permet d’offrir des services de qualité le plus près possible des travailleurs et de leurs lieux de travail.

On trouve généralement des services de santé au travail dans les grandes entreprises employant plus de 4 000 travailleurs, de même que dans les entreprises chimiques, pétrochimiques, minières et extractives comptant au moins 2 000 salariés. Toutes les entreprises employant plus de 800 personnes doivent être dotées d’une unité interne comptant un médecin et un(e) infirmier(ère) du travail; celles qui ont entre 300 et 800 salariés sont seulement tenues d’avoir un(e) infirmier(ère) du travail; le nombre minimal pour les entreprises chimiques, pétrochimiques, minières et extractives est de 200 salariés. Ces unités internes font partie du système de santé public.

Pour dispenser des services de santé au travail, les petites entreprises ont recours aux hôpitaux et aux polycliniques du système public de santé, qui doivent mettre à leur disposition un médecin du travail pour effectuer les examens de santé des travailleurs.

Dans les très grandes entreprises, on trouve généralement un hôpital qui dispense des services aux patients hospitalisés, une polyclinique offrant des services de consultation externe, un poste de soins infirmiers du travail et un dispensaire. Les services offerts peuvent être «fermés» (c’est-à-dire accessibles seulement aux salariés de l’entreprise) ou «ouverts» (c’est-à-dire accessibles aux familles des travailleurs et, parfois, aux personnes habitant à proximité de l’entreprise).

Conclusion

Le passage à une économie de marché, l’apparition de divers modes de propriété, l’octroi de l’indépendance économique aux entreprises et l’abolition du contrôle administratif de l’Etat ont donné lieu à de profonds changements dans le système économique et social de la Russie, qui ont à leur tour transformé l’ensemble de la société.

Le système de protection du travail de la Fédération de Russie décrit ci-dessus, tout en conservant ses principales caractéristiques, est encore en pleine réorganisation; il lui faut en effet s’adapter aux nouvelles réalités et être en mesure de réagir efficacement aux défis de l’heure. Bien amorcé, le processus n’en est toutefois qu’à ses débuts.

La prestation de services de santé au travail à la population active requiert une attention particulière étant donné la désintégration partielle de l’ancien réseau, causée par des problèmes économiques bien connus, et les bouleversements que représentent l’apparition d’un secteur privé, la mise en place d’un régime d’assurance santé obligatoire et l’intégration de centres médicaux privés dans le système de santé du pays.

Bien qu’on ait réalisé certains progrès au sujet de la réduction du nombre d’accidents du travail et de l’incidence des lésions et des maladies professionnelles, les taux demeurent beaucoup trop élevés, ce qui pourrait avoir des effets désastreux sur la santé des travailleurs et, partant, sur l’économie. Il est donc primordial d’accorder une importance prioritaire à l’amélioration des conditions et du milieu de travail, de même qu’à la protection et à la promotion de la santé des travailleurs lors de la révision de la politique sociale de l’Etat. La participation active de spécialistes chevronnés de la sécurité et de la santé au travail à ce processus est donc essentielle.

L’amélioration du système de protection du travail en Russie est subordonnée à un certain nombre de facteurs. Il faut, notamment:

LA PRATIQUE DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL DANS LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

Zhi Su

La Chine, le plus grand pays en développement du monde, s’est engagée dans un processus de modernisation sans précédent. Sa politique d’ouverture aux intérêts extérieurs et la réforme économique qu’elle a entreprise en 1979 ont entraîné des changements profonds dans l’économie chinoise et dans tous les aspects de la société. Le PNB de la Chine est passé de 358,8 milliards de yuan renminbi en 1978 à 2 403,6 milliards en 1992, ce qui veut dire qu’il a plus que triplé en termes de valeur constante. Cela correspond à un taux de croissance annuel moyen du PNB de 9%. La valeur de la production industrielle brute s’établissait à 3 706,6 milliards en 1992, résultat d’un taux de croissance annuel moyen de 13,2% de 1979 à 1992 (National Statistics Bureau, 1993). La Chine, de plus en plus considérée comme un centre potentiel d’activité économique, a attiré 40% de l’ensemble des investissements étrangers directs dans les pays en développement. A la fin de 1993, 174 000 projets financés par des investissements étrangers avaient été approuvés, soit un apport de 63,9 milliards de dollars E.-U. dans le pays et un engagement cumulé total de 224 milliards de dollars (China Daily, 1994a, 1994b).

Afin de mener à bien les réformes actuelles de manière globale et d’assurer le développement harmonieux de tous les secteurs économiques du pays, il a été décidé de transformer le système en profondeur. L’objectif de cette réforme de la structure économique est d’établir une économie de marché socialiste qui libérera et renforcera encore davantage les forces productives de la Chine. La planification économique centralisée qui avait été privilégiée durant quarante ans cède la place à l’économie de marché. Ce sera le marché qui déterminera l’évolution de l’économie. Le gouvernement devrait, quant à lui, guider la croissance du marché en adoptant des plans, des règlements et des politiques économiques et en se dotant de moyens administratifs adéquats.

Au cours de cette période de changement social et d’industrialisation rapides, en particulier durant le passage d’un système de planification économique centralisée à une économie régie par le marché, les services de santé au travail traditionnels de la Chine ont dû faire face à d’énormes défis. Qui plus est, de nombreux problèmes touchant la santé au travail émergent constamment, alors que ceux du passé ne sont pas encore résolus.

Un survol de l’histoire de la santé au travail en Chine au cours des quarante dernières années révèle que de grands progrès ont été accomplis et que de nombreuses mesures ont été couronnées de succès. Il subsiste néanmoins un écart considérable entre les besoins croissants en matière de services de santé au travail et la capacité actuelle limitée de fournir ces services. Comme bien d’autres secteurs de la société chinoise, celui de la santé au travail est en plein bouleversement.

Historique

Les services de santé au travail, partie intégrante des services de santé publique de la Chine, ont vu le jour au début des années cinquante. En 1949, lorsque fut fondée la République populaire de Chine, l’état de santé de la population laissait à désirer. L’espérance de vie à la naissance ne dépassait pas 35 ans. La situation, en ce qui concerne la sécurité et la santé des travailleurs, était encore plus sombre, comme en témoignait la forte prévalence des maladies professionnelles, des maladies transmissibles et des accidents dans le monde du travail. Les travailleurs touchés étaient en général retirés prématurément du marché de l’emploi. Pour remédier aux conditions de travail dangereuses et insalubres dans les usines de l’«ancienne Chine», le nouveau gouvernement a adopté trois mesures (Zhu, 1990): 1) la mise en place de services de santé dans les grandes entreprises industrielles; 2) une enquête approfondie sur la salubrité et la sécurité des usines; 3) l’amélioration des conditions sanitaires dans les lieux de travail et les logements des travailleurs.

Les données statistiques relatives aux plus anciennes infrastructures industrielles de la Chine montrent que, en 1952, 28 hôpitaux d’usine, 795 dispensaires et 30 sanatoriums avaient été établis dans l’est du pays; dans le nord-est de la Chine, les services médicaux et sanitaires dans les industries avaient augmenté de 27,6%, le nombre de professionnels de la santé de 53,2%, et le nombre de lits d’hôpital de 12% — toutes ces améliorations sont survenues en trois ans seulement, de 1950 à la fin de 1952. Les conditions de travail les plus dangereuses observées dans les entreprises d’Etat au cours de vérifications effectuées par le gouvernement ont, pour la plupart, été améliorées grâce à des initiatives communes du gouvernement et des travailleurs. Le gouvernement a également financé la construction de logements et d’installations sanitaires. En 1952, on comptait déjà dix fois plus de logements pour les travailleurs qu’en 1950; le nombre de salles de bains avait augmenté de 216%, le nombre de toilettes de 844%. Par ailleurs, les associations de travailleurs avaient augmenté dans une proportion de 207% (données tirées de statistiques sur la région du nord-est). Des subsides alimentaires sont remis aux travailleurs exposés à des risques professionnels depuis 1950. Ces améliorations ont grandement contribué à la reprise de la production industrielle à cette époque.

A partir de 1954, à la suite du mot d’ordre du président Mao Tsé-toung pour «la mise en place graduelle d’une nation socialiste industrialisée», la Chine a accéléré son développement industriel. Les priorités du gouvernement à l’égard de la santé des travailleurs ont peu à peu délaissé la mise en place d’installations sanitaires au profit de la santé au travail et de l’hygiène du milieu, et plus particulièrement de la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail graves. La première Constitution de la République populaire de Chine stipulait que les travailleurs devaient jouir du droit à la protection du gouvernement et qu’il fallait améliorer la santé et le bien-être de tous les travailleurs.

Le gouvernement central — le Conseil d’Etat — s’est beaucoup préoccupé du grave dossier des problèmes de santé au travail. La première conférence nationale sur la réduction de la poussière de silice dans le milieu de travail a été organisée conjointement par le ministère de la Santé publique, le ministère du Travail et la Fédération des syndicats de Chine (FSC) à Beijing en 1954, quatre ans seulement après la fondation de la République populaire de Chine. La deuxième conférence a été convoquée cinq ans plus tard par les trois mêmes organismes, en collaboration avec des organes administratifs sectoriels, notamment le ministère de l’Industrie du charbon et le ministère de la Fabrication des matériaux de construction.

A la même époque, les autorités de la santé au travail ont commencé à s’intéresser à d’autres dossiers: le stress thermique, les intoxications professionnelles, l’hypoacousie professionnelle due au bruit et d’autres affections provoquées par des facteurs physiques ou encore l’intoxication des agriculteurs par les pesticides. A la suite des recommandations pressantes formulées conjointement par le ministère de la Santé publique, le ministère du Travail, la FSC et le ministère de l’Administration industrielle, le Conseil d’Etat a adopté une série de décisions, de politiques et de stratégies en vue de renforcer le programme de santé au travail, notamment en ce qui concerne l’assurance des travailleurs, les prescriptions en matière de sécurité et de santé relatives au milieu de travail, les soins médicaux pour les maladies professionnelles, les examens de santé pour les travailleurs effectuant des tâches dangereuses, la mise en place de systèmes d’inspection sanitaire, outre le soutien financier considérable requis pour améliorer les conditions de travail.

La structure organisationnelle des services de santé au travail

Le réseau des services de santé au travail de la Chine a vu le jour au cours des années cinquante et a graduellement pris forme sur une période de quarante ans. Sa structure comporte différents paliers.

Les services en entreprise

Dès 1957, le ministère de la Santé publique (Ministry of Public Health, 1957) publiait une recommandation sur la création et la dotation en personnel d’établissements médicaux et sanitaires dans les entreprises industrielles. Les principes énoncés dans le document ont été adoptés comme normes nationales dans les Hygienic Standards for Design of Industrial Premises (Normes d’hygiène pour la conception d’installations industrielles) (Ministry of Public Health, 1979) (voir tableau 16.5). Selon ces normes, il devrait y avoir un service de santé ou un service de sécurité et de santé à l’échelon de la direction de l’entreprise, qui devrait également être placé sous le contrôle des autorités gouvernementales locales de la santé publique. Un hôpital des travailleurs relevant du service sert de centre médical ou sanitaire et fournit des soins préventifs ou curatifs, y compris les services suivants: surveillance de la santé des travailleurs à des fins de prévention, évaluation de l’aptitude au travail d’un point de vue médical et approbation des congés de maladie des travailleurs. Il existe des dispensaires à proximité des lieux de travail qui, sous la direction et avec le soutien technique de l’hôpital des travailleurs, jouent un rôle important en ce qui concerne les premiers soins, l’éducation des travailleurs en matière de santé au travail, la collecte sur place de renseignements sur la santé des travailleurs et la surveillance des activités de prévention au travail en liaison avec les syndicats et les services techniques.

Tableau 16.5 Exigences minimales concernant les services de santé en entreprise

Taille de l’entreprise (nombre de salariés)

Service de santé en entreprise

Superficie (m2)

Exigences minimales

>5 000

Hôpital 1

Doit respecter les normes de construction pour les hôpitaux généraux

 

 3 501–5 000

Dispensaire

140–190

Salle d’attente, salle d’examen, salle de traitement, clinique et laboratoire, salle de radiologie et pharmacie

 2 001–3 500

Dispensaire

110–150

(Mêmes que ci-dessus)

 1 001–2 000

Dispensaire

 70–110

Salle de radiologie non obligatoire

   300–1 000

Dispensaire

 30–0

Salle de radiologie et laboratoire non obligatoires

1 Les entreprises industrielles ayant plus de 3 000 salariés peuvent établir un hôpital en entreprise si elles ont des procédés de fabrication à risque élevé ou si elles sont situées loin d’une ville ou dans une région montagneuse où les moyens de transport laissent à désirer.

Les services au niveau des divisions administratives

La prestation de services de santé est l’une des responsabilités des gouvernements. Au début des années cinquante, afin de prévenir la propagation des maladies transmissibles graves et d’améliorer l’hygiène de l’environnement, le gouvernement a créé des centres de santé et de prévention des épidémies (CSPE) dans chaque division administrative, des provinces aux districts. En raison des besoins croissants de la société ainsi que du développement économique du pays, il a fallu élargir, par la suite, le rôle des CSPE de façon à inclure un grand nombre de services médicaux préventifs: santé au travail, hygiène de l’environnement, hygiène alimentaire, hygiène scolaire, radioprotection et prévention des maladies transmissibles et de certaines maladies non transmissibles. L’accent étant mis sur la législation relative à la santé, les CSPE sont habilités à faire appliquer les règlements et les normes sur la santé publique adoptés par les autorités centrales ou locales et à effectuer des inspections. Les CSPE, en particulier les centres de niveau provincial, offrent également des services et une assistance technique en matière de santé publique aux collectivités et participent à des activités de formation interne et de recherche scientifique.

L’effort d’industrialisation de la Chine déployé durant les années cinquante et au début des années soixante a grandement accéléré l’expansion du programme de santé au travail, qui est devenu l’un des services les plus importants du système de santé. La plupart des petites et moyennes entreprises industrielles qui n’avaient pas les ressources voulues pour se doter d’un service interne de santé au travail et d’hygiène du milieu pouvaient bénéficier des services de santé au travail dispensés par les CSPE, le plus souvent gratuitement.

Durant la «révolution culturelle», soit de 1966 à 1976, le réseau des services de santé au travail et ses activités se sont gravement détériorés. C’est là l’une des principales raisons pour lesquelles certaines maladies professionnelles sont toujours aussi répandues en Chine aujourd’hui. La reconstruction du programme de santé au travail a débuté à la fin des années soixante-dix, lorsque la Chine a pris à nouveau conscience de l’importance du développement économique. Depuis le début des années quatre-vingt, grâce à la politique favorable du gouvernement, des hôpitaux de prévention et de traitement des maladies professionnelles ont été rapidement mis en place ainsi que des centres de santé au travail, appelés institutions de santé au travail (IST), dans la plupart des provinces et dans certains secteurs administratifs industriels. Les IST ont été établies dans le but premier de mettre à profit les compétences du personnel de santé au travail des CSPE ainsi que celles des médecins du travail des hôpitaux. Au cours de la période 1983-1991, le gouvernement central et les administrations locales ont investi au total 33,8 millions de yuan renminbi dans la mise en place des IST. Au niveau des provinces et des préfectures, 138 instituts ont été établis et dotés d’équipement de laboratoire ou de matériel clinique adéquats. On compte maintenant 204 institutions, dont 60 établies par le secteur industriel. De plus, 110 millions de yuan renminbi ont servi à équiper 1 789 CSPE à l’échelle des districts (He, 1993). Les programmes de santé au travail des CSPE de districts ont été parmi les premiers éléments du projet à être dotés d’équipements. Afin de renforcer la capacité des services de santé au travail sur les plans de la recherche, de la formation et de la coordination, on a créé un Centre national de prévention et de traitement des maladies professionnelles au sein de l’Institut de médecine du travail de l’Académie chinoise de médecine préventive, ainsi que sept centres régionaux de santé au travail, situés à Beijing, Shanghai, Shenyang, Lanzhou, Chengdu, Changsa et Guangzhou. L’actuel réseau national de services de santé au travail est décrit à la figure 16.4.

Figure 16.4 Réseau national des services de santé au travail

Figure 16.4

A ce jour, 34 écoles ou départements de santé publique ont été établis dans les collèges ou facultés de médecine du pays. Ces écoles constituent le principal réservoir de professionnels de la santé au travail. Six centres nationaux de formation interne en santé au travail ont été créés en 1983. L’effectif total de professionnels de la santé au travail, comprenant des médecins, des hygiénistes industriels, des techniciens de laboratoire et d’autres professionnels de la santé s’occupant de santé au travail, s’élevait à environ 30 000 personnes en 1992.

La législation et les normes concernant la santé au travail

Afin d’encourager la recherche sur les normes d’hygiène et leur mise en œuvre, le Comité technique national des normes d’hygiène a été créé en 1981 en tant qu’organe de consultation et d’examen technique du ministère de la Santé publique pour tout ce qui touche à l’établissement de normes d’hygiène. Actuellement, le Comité compte huit sous-comités, s’occupant des domaines suivants: santé au travail, hygiène de l’environnement, hygiène scolaire, hygiène alimentaire, radioprotection, diagnostic des maladies professionnelles, prévention des maladies transmissibles et des endémies (voir figure 16.5). Les membres du Comité sont des spécialistes issus des universités, des instituts de recherche, des organismes gouvernementaux et des syndicats. Les premières normes d’hygiène pour la conception des installations industrielles ont été formulées durant les années cinquante, puis modifiées et approuvées de nouveau en 1979; elles contiennent aujourd’hui une liste des limites d’exposition professionnelle, en termes de concentrations maximales admissibles pour 120 agents toxiques et poussières, ainsi que d’autres prescriptions concernant les mesures de maîtrise des risques dans le milieu de travail, l’aménagement des installations sanitaires dans les usines, etc. Il existe par ailleurs 50 normes d’hygiène du travail promulguées par le ministère de la Santé publique concernant les agents physiques et chimiques dangereux présents dans les lieux de travail. En outre, 127 autres normes d’hygiène du travail sont actuellement à l’examen. Des critères diagnostiques pour 50 maladies professionnelles ouvrant droit à réparation ont été élaborés par le ministère de la Santé publique.

Figure 16.5 Gestion de l'établissement des normes sanitaires

Figure 16.5

Comme chacun le sait, la Chine a vécu sous une économie dirigée et a été régie par un gouvernement central unifié durant plus de quarante ans. Par conséquent, la plupart des prescriptions réglementaires établies à l’échelle nationale en matière de sécurité et de santé au travail étaient énoncées dans des documents à «titre rouge» émanant du gouvernement central. Ces documents avaient pleinement force de loi et constituaient le cadre réglementaire fondamental du pays en matière de santé au travail. Il existe plus de vingt documents de ce genre promulgués par le Conseil d’Etat ou ses ministères. La grande différence entre ces documents et la législation réside dans le fait que les premiers ne prévoient pas de sanctions, qu’ils ne sont pas aussi contraignants que les lois et que leur mise en application laisse à désirer.

Depuis que la réforme économique a favorisé la mise en place d’un système axé sur le marché, à la suite de l’adoption de la politique d’ouverture, la législation nationale a été grandement renforcée. La gestion de la santé au travail est également passée du mode administratif traditionnel à une approche réglementaire. L’un des documents législatifs les plus importants est le Règlement sur la prévention des pneumoconioses, édicté par le Conseil d’Etat en 1987. La promulgation de la loi sur le travail par le Congrès national du peuple, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, constitue un autre jalon important dans l’histoire de la protection des droits des travailleurs. La sécurité et la santé des travailleurs est l’un des principaux objectifs visés par cette loi. Afin d’assurer l’application de la loi sur le travail en ce qui concerne la lutte contre les maladies professionnelles, le ministère de la Santé publique a soumis au Bureau de la législation du Conseil d’Etat un projet de loi sur la prévention des maladies professionnelles, où figurent la plupart des politiques fondamentales propres aux institutions du travail ainsi qu’une description des expériences réussies dans ce domaine, tant en Chine qu’à l’étranger. Le projet de loi doit être examiné de plus près avant d’être soumis au Comité permanent du Congrès national du peuple.

Le système d’inspection sanitaire

La notion de «prévention d’abord» a été privilégiée par le gouvernement et est devenue un important principe de base national en matière de santé publique. Dès 1954, au début du processus d’industrialisation, le gouvernement central a pris la décision d’établir un système d’inspection sanitaire dans le but d’assurer le respect des politiques et règlements nationaux en matière d’hygiène industrielle. Les centres de santé et de prévention des épidémies (CSPE) ont été autorisés à effectuer des inspections sanitaires au nom des autorités gouvernementales de santé publique. Les principales tâches de l’inspection sanitaire des entreprises sont les suivantes:

Les activités décrites ci-dessus font partie de l’inspection sanitaire régulière et, de ce fait, représentent les tâches à accomplir périodiquement. D’autres tâches importantes peuvent s’ajouter:

L’inspection sanitaire, en particulier l’inspection sanitaire préventive en tant que principe fondamental des mesures d’intervention en matière de santé publique, est prescrite dans un certain nombre de lois et règlements sur la santé publique. Depuis les années soixante-dix, en raison de l’attention croissante portée à la lutte contre la pollution de l’environnement, l’inspection préventive de santé au travail s’est élargie pour devenir l’inspection de l’ensemble du processus. Le principe selon lequel les dispositifs de contrôle des risques doivent être conçus, construits et mis en service en même temps que la partie principale du projet, est l’un des aspects importants du règlement sur la prévention et le traitement des pneumoconioses et de la loi sur la protection de l’environnement.

La stratégie globale de prévention des maladies professionnelles

Dans le cadre de la lutte contre les pneumoconioses et les cas de contamination grave par les poussières dans le milieu de travail, on a mis l’accent sur la prévention globale, notion qu’on a illustrée à l’aide de huit caractères chinois, d’où la désignation de stratégie des «huit caractères». La signification de ces caractères est traduite en français comme suit:

  • L’expérience de nombreuses entreprises a démontré que la stratégie des «huit caractères» était importante et efficace pour améliorer les conditions de travail.
  • La surveillance du milieu de travail

    Les entreprises dont les lieux de travail présentent des dangers devraient surveiller périodiquement les concentrations de substances dangereuses ou l’intensité des risques et prendre des mesures pour maîtriser les risques de façon à se conformer aux normes d’hygiène industrielle nationales (par exemple, en ce qui concerne les concentrations maximales admissibles). Les entreprises qui ne sont pas en mesure d’effectuer elles-mêmes la surveillance des risques dans le milieu de travail peuvent faire appel aux services des IST ou des CSPE locaux.

    Afin de vérifier la qualité de la surveillance des lieux de travail effectuée par les entreprises, les IST ou les CSPE doivent procéder à des inspections régulières ou ponctuelles. Le Centre national de traitement et de prévention des maladies professionnelles est l’organisme national responsable du contrôle de la qualité de la surveillance des lieux de travail. Un certain nombre de règlements techniques concernant la surveillance de la qualité de l’air dans le milieu de travail ont été adoptés par le ministère de la Santé publique ou publiés en tant que recommandations nationales par le Centre susmentionné — par exemple, les Methods for Airborne Dust Measurement in the Workplace (Méthodes de mesure des poussières en suspension dans l’air sur les lieux de travail (GB 5748-85) (Ministry of Public Health, 1985) et les Methods for Monitoring and Analysis of Chemical Hazards in Air of Workplace (Méthodes de surveillance et d’analyse des substances chimiques dangereuses en suspension dans l’air sur les lieux de travail (Institute of Occupational Medicine, 1987).

    Pour mieux garantir la qualité de la surveillance du milieu de travail, on a soumis à l’examen et à l’approbation du ministère de la Santé publique une série de normes d’assurance de la qualité concernant la mesure des substances dangereuses dans le milieu de travail. Selon ces normes, les compétences des établissements chargés de la surveillance des lieux de travail seraient évaluées et l’obtention d’un permis serait nécessaire. Ces établissements devront démontrer:

    On procède actuellement à une étude pilote sur l’évaluation des laboratoires, dans 200 laboratoires et établissements. Il s’agit là de la première étape de l’application de la norme d’assurance de la qualité.

    Les examens de santé des travailleurs

    Les travailleurs exposés à des risques sur les lieux de travail devraient être soumis à des examens de santé. Cette règle s’est tout d’abord appliquée durant les années cinquante aux travailleurs exposés à la poussière, puis s’est rapidement étendue aux travailleurs exposés à des substances chimiques toxiques et à des dangers physiques.

    Les examens de santé comprennent les examens préalables à l’emploi ou les examens d’aptitude au travail ainsi que les examens périodiques. Ces examens médicaux doivent être réalisés par les IST ou les établissements médicaux ou sanitaires compétents, détenteurs d’un permis délivré par les autorités gouvernementales de la santé publique.

    L’examen préalable à l’emploi

    Les travailleurs nouvellement embauchés et les travailleurs qui viennent d’être affectés à des tâches dangereuses doivent subir un examen préalable à l’emploi. L’examen vise à évaluer la santé du travailleur en relation avec les conditions de travail; il permet de s’assurer que l’emploi considéré ne nuira pas à sa santé et d’exclure les personnes qui ne sont pas aptes à exécuter les tâches prévues. Les critères de santé servant à déterminer les contre-indications à l’égard de différentes conditions de travail potentiellement dangereuses sont décrits en détail dans les National Diagnostic Criteria and Principles of Management of Occupational Diseases (Critères diagnostiques et principes nationaux de prise en charge des maladies professionnelles (Health Standards Office, 1993) et dans Guideline of Occupational Health Service and Inspection (Directives concernant l’inspection et les services de santé au travail), promulguées par le ministère de la Santé publique (Ministry of Public Health, 1991).

    L’examen périodique

    Les travailleurs exposés à des risques doivent subir des examens médicaux dont la fréquence varie selon le type de risque. Le tableau 16.6 indique, par exemple, la fréquence d’examen des travailleurs exposés à la poussière. Les travailleurs souffrant d’une pneumoconiose devraient subir un examen médical chaque année.

    Tableau 16.6 Examens périodiques requis pour les travailleurs exposés à la poussière

    Nature de la poussière

    Fréquence des examens (années)

     

    Travailleurs actifs

    Travailleurs inactifs

    Teneur en silice libre (%)

     

     

     80

    0,5-1

    1

     40

    1-2

    2

     10

    2-3

    3

    <10

    3-5

    5

    Amiante

    0,5-1

    1

    Autres poussières

    3-5

    5

    Tous les dossiers médicaux devraient être gardés en lieu sûr, tant dans les entreprises que dans les IST locales, et être transmis annuellement aux autorités locales de la santé publique, qui les remettent au Centre national de traitement et de prévention des maladies professionnelles et au ministère de la Santé publique.

    Un travailleur qui entre en fonctions dans une entreprise en provenance d’une usine où il était exposé à un risque professionnel doit subir un examen de santé dans une IST locale, qui permettra de déterminer si sa santé a été affectée par cette exposition; le dossier médical du travailleur doit suivre ce dernier à la nouvelle entreprise (Ministry of Public Health, 1987).

    Le tableau 16.7 fournit des statistiques sur les examens de santé des travailleurs au cours de la période 1988-1993. Au total, 64 millions de travailleurs ont été examinés par les services de santé au travail, ce qui englobe des entreprises collectives appartenant à l’Etat et à des municipalités ainsi qu’une partie des entreprises rurales des nouvelles cités industrielles. Les travailleurs exposés à des risques professionnels représentent 30% de l’ensemble de la main-d’œuvre. Près de 4 millions de travailleurs exposés, soit environ 20% de la population active, ont subi un examen médical chaque année. Ainsi, en 1993, selon le rapport du Centre national de statistiques de la santé au travail, on comptait au total, dans l’industrie, 64 345 193 travailleurs (National Centre of Occupational Health Reporting, 1994) (il manque toutefois les données pour Neimeng, le Tibet et Taiwan). La proportion de travailleurs exposés à des risques professionnels était de 31,28% (20 126 929), dont 19,79% (3 982 940) avaient été examinés. Le taux total de maladies professionnelles ouvrant droit à réparation qui avaient été décelées s’établissait à 0,46% en 1993 (Ministry of Public Health, 1994).

    Tableau 16.7 Examens médicaux des travailleurs exposés à des risques professionnelles

    Année

    Nombre de travailleurs (milliers)

    Proportion de travailleurs exposés (%)

    Taux d’examen des travailleurs exposés (%)

    Taux des maladies professionnelles détectées (%)

    1988

    62 680

    29,36

    18,60

    0,90

    1989

    62 791

    29,92

    20,67

    0,57

    1990

    65 414

    29,55

    20,47

    0,50

    1991

    66 039

    30,30

    21,03

    0,57

    1992

    64 222

    30,63

    20,96

    0,40

    1993

    64 345

    31,28

    17,97

    0,46

    La prise en charge des maladies professionnelles

    Les maladies professionnelles ouvrant droit à réparation

    De manière générale, toute maladie causée par une exposition à des facteurs dangereux sur le lieu de travail ou par un procédé de fabrication est considérée comme une maladie professionnelle. Cependant, aux fins de la réparation, une liste de maladies professionnelles a été établie par le ministère de la Santé publique, le ministère du Travail, le ministère des Finances et la FSC (Ministry of Public Health, 1987). Cette liste comporte neuf catégories, dont les pneumoconioses, les intoxications professionnelles aiguës et chroniques, les maladies causées par des facteurs physiques, les maladies professionnelles transmissibles, les dermatoses professionnelles, les lésions oculaires professionnelles, les maladies professionnelles de l’oreille, du nez et de la gorge, les tumeurs professionnelles et les autres maladies professionnelles. La liste renferme au total 99 maladies. Toute autre maladie qu’une administration locale ou un organisme gouvernemental voudrait voir ajouter à la liste doit être soumise à l’approbation du ministère de la Santé publique.

    Le diagnostic des maladies professionnelles ouvrant droit à réparation

    Selon la règle administrative relative au diagnostic des maladies professionnelles édictée par le ministère de la Santé publique, à l’échelle des provinces et des préfectures, les maladies professionnelles ouvrant droit à réparation doivent être diagnostiquées par une IST ou un établissement médical ou sanitaire agréé par les autorités locales de la santé publique. Afin de contrôler la qualité des diagnostics et de fournir une aide technique pour la confirmation des cas complexes et le règlement des différends au sujet des diagnostics, on a mis sur pied des comités d’experts en matière de diagnostic des maladies professionnelles à l’échelle nationale, provinciale, préfectorale et municipale (voir figure 16.6) (Ministry of Public Health, 1984).

    Figure 16.6 Gestion du diagnostic des maladies professionnelles en Chine

    Figure 16.6

    Le Comité national du diagnostic des maladies professionnelles est constitué de cinq sous-comités s’occupant respectivement des intoxications professionnelles, des pneumoconioses, des maladies professionnelles causées par des facteurs physiques, des maladies radio-induites et de la pathologie des pneumoconioses. Le Comité a son siège au Département de l’inspection sanitaire du ministère de la Santé publique. Le bureau administratif du Comité se trouve, quant à lui, à l’Institut de médecine du travail de l’Académie chinoise de médecine préventive. Tous les membres du comité sont nommés par le ministère de la Santé publique.

    Les critères diagnostiques des maladies professionnelles sont établis par le ministère de la Santé publique. Il existe actuellement de tels critères pour 66 maladies professionnelles. En ce qui concerne les autres maladies professionnelles ouvrant droit à réparation pour lesquelles il n’y a pas de critères diagnostiques nationaux, les services provinciaux de santé publique peuvent formuler des critères temporaires applicables dans leur province après les avoir soumis au ministère de la Santé publique.

    Selon ces critères, le diagnostic d’une maladie professionnelle doit être fondé sur l’une ou l’autre des preuves suivantes: les antécédents d’exposition, les signes et symptômes cliniques, les résultats de laboratoire et les résultats de la surveillance du milieu de travail, et l’exclusion raisonnable des autres maladies. Une fois le diagnostic posé, un certificat de maladie professionnelle doit être délivré par l’IST. Un exemplaire du certificat est adressé au travailleur, un autre à l’entreprise, pour qu’elle prenne les mesures d’indemnisation requises, et un autre encore à l’IST, qui le conservera pour le suivi du traitement médical et l’évaluation de l’aptitude au travail.

    La prise en charge des patients atteints d’une maladie professionnelle

    Selon le règlement sur l’assurance des travailleurs, l’indemnisation et les autres mesures de protection des patients souffrant d’une maladie professionnelle doivent être à la charge des entreprises. La direction, le syndicat et le comité d’évaluation de l’aptitude au travail de l’entreprise doivent discuter et décider ensemble du traitement à donner et des indemnités à verser aux patients en se basant sur le certificat de maladie professionnelle et sur le degré d’incapacité de travail. Dans le cas d’un travailleur qui n’est plus apte à accomplir ses tâches initiales après avoir suivi un traitement médical approprié, il incombe à l’entreprise de le muter à un autre poste ou de lui confier de nouvelles tâches correspondant à son état de santé dans un délai de deux mois ou, pour les cas particuliers, dans un délai de six mois au plus tard. Lorsqu’un travailleur atteint d’une maladie professionnelle change d’entreprise, les prestations de réparation sont à la charge de l’entreprise dans laquelle il a contracté la maladie professionnelle, ou à la charge des deux entreprises, qui doivent s’entendre entre elles sur les modalités de répartition. Tous les dossiers médicaux, le certificat de maladie professionnelle et tout autre renseignement concernant les soins dispensés au travailleur doivent être transférés de l’ancienne à la nouvelle entreprise; les deux entreprises doivent en outre aviser leur IST locale du transfert du dossier pour assurer la tenue des registres et le suivi.

    Si le diagnostic de maladie professionnelle est posé après le départ du travailleur pour une autre entreprise, toutes les indemnités ou prestations doivent être payées par la nouvelle entreprise, que la maladie soit ou non liée aux nouvelles conditions de travail. Dans le cas d’un travailleur embauché de manière contractuelle ou temporaire, si la maladie professionnelle est diagnostiquée durant une période de chômage et s’il peut être démontré que le travailleur a été exposé à des conditions de travail dangereuses durant sa période d’emploi, l’indemnisation et les soins médicaux sont à la charge de l’entreprise qui l’avait embauché (Ministry of Public Health, 1987).

    Les progrès réalisés en matière de prévention des maladies professionnelles

    L’amélioration du milieu de travail

    La concentration ou l’intensité des risques professionnels a diminué considérablement. Les statistiques tirées de la surveillance des lieux de travail fournies par le Centre national de statistiques de la santé au travail montrent que la proportion de lieux de travail conformes aux normes nationales a augmenté de 15% de 1986 à 1993 (National Centre of Occupational Health Reporting, 1994). Cette augmentation est encore plus marquée pour les entreprises industrielles appartenant à l’Etat et aux collectivités urbaines, où 70% des lieux de travail satisfont aux normes nationales. La situation des entreprises industrielles en milieu rural s’améliore également. Le taux de conformité aux normes est passé de 42,5% en 1986 à 54,8% en 1993 (voir tableau 16.8). Il importe de noter que les taux de conformité dans les entreprises des nouvelles cités industrielles pourraient avoir été surestimés, car le rapport dont les données sont tirées ne couvre qu’environ 15% des industries rurales chaque année, et la plupart d’entre elles sont situées à proximité de centres urbains, qui sont dotés de services de santé bien établis.

    Tableau 16.8 Résultats de la surveillance des risques professionnels sur le lieu de travail

    Année1

    Entreprises d’Etat

    Entreprises rurales

     

    Nombre de lieux surveillés

    Proportion de lieux conformes aux normes (%)

    Nombre de lieux surveillés

    Proportion de lieux conformes aux normes (%)

    1986

    417 395

    51,40

     53 798

    42,50

    1987

    458 898

    57,20

     50 348

    42,60

    1988

    566 465

    55,40

     68 739

    38,50

    1989

    614 428

    63,10

     74 989

    53,50

    1990

    606 519

    66,40

     75 398

    50,30

    1991

    668 373

    68,45

     68 344

    54,00

    1992

    646 452

    69,50

     89 462

    54,90

    1993

    611 049

    67,50

    104 035

    54,80

    1 Données manquantes: 1988, Yunnan, Xinjiang; 1989: Tibet, Taiwan; 1990: Tibet, Taiwan; 1991: Tibet, Taiwan; 1992: Tibet, Taiwan; 1993: Neimeng, Tibet, Taiwan.

    La prévalence de certaines maladies professionnelles graves et la mise en œuvre de mesures préventives globales

    Les données du rapport national sur la santé au travail indiquent que la prévalence des maladies professionnelles ouvrant droit à réparation s’est maintenue entre 0,4 et 0,6%, bien que les industries se soient développées très rapidement ces dernières années. La silicose, par exemple, est maîtrisée depuis bien longtemps dans certaines grandes entreprises industrielles ou minières d’Etat. Les tableaux 16.9 et 16.10 montrent dans quelle mesure la mine de tungstène de Yiao Gang Xian et l’entreprise sidérurgique d’Anshan ont réussi à maîtriser la silicose (Zhu, 1990).

    Tableau 16.9 Exposition à la poussière et prévlaence de la silicose à la mine tungstène de Yiao Gang Xian

    Année

    Concentration de poussière (mg/m3)

    Taux de silicoses détectées (%)

    1956

    66

    25,8

    1960

      3,5

    18,6

    1965

      2,7

       2,6

    1970

      5,1

       0,3

    1975

      1,6

       1,2

    1980

      0,7

       2,1

    1983

      1,1

       1,6

    Tableau 16.10 Taux de détection des silicoses à l'entreprise sidérurgique d'Anshan

    Années

    Nombre d’examens

    Nombre de cas

    Taux (%)

    Taux de conformité aux normes concernant les poussières (%)

    1950-1959

     6 980

    1 269

    18,21

    23,60

    1960-1969

    48 929

    1 454

     2,97

    29,70

    1970-1979

    79 422

      863

     1,08

    28,70

    1980-1989

    33 786

      420

     1,24

    64,10

    L’étude épidémiologique nationale sur les pneumoconioses effectuée de 1987 à 1990 révèle également que la période de travail moyenne des patients entre le début de leur exposition à la silice et l’apparition des signes de pneumoconiose s’est considérablement allongée, passant de 9,54 années durant les années cinquante, à 26,25 années au cours des années quatre-vingt dans le cas des travailleurs souffrant de silicose, et de 16,24 années à 24,72 années durant la même période pour ceux qui étaient atteints de la pneumoconiose des travailleurs des charbonnages. L’âge moyen des travailleurs souffrant de silicose au moment de leur décès est par ailleurs passé de 36,64 à 60,64 ans, et celui des personnes atteintes de la pneumoconiose du houilleur, de 44,80 à 61,43 ans (Ministry of Public Health, 1992). Ces améliorations sont en partie attribuables à l’efficacité des politiques de santé au travail et des interventions des autorités gouvernementales ainsi qu’aux efforts assidus déployés par les professionnels de la santé au travail.

    La promotion des programmes de santé au travail dans les petites entreprises

    Confronté au développement rapide et continu des petites entreprises, et notamment des entreprises des nouvelles cités industrielles, ainsi qu’à l’écart croissant entre l’offre et la demande en matière de services de santé au travail, le ministère de la Santé publique a décidé d’effectuer une étude générale sur le terrain. Cette étude est importante non seulement parce qu’elle contribuera à résoudre les problèmes de santé au travail dans les entreprises rurales, mais également parce qu’elle permettra d’examiner de nouvelles approches en vue de réformer le système de santé au travail dans les entreprises d’Etat, en réponse aux nouvelles exigences de l’économie de marché en train de s’implanter. Par conséquent, le Département de l’inspection sanitaire du ministère de la Santé publique a créé, en décembre 1992, un groupe d’experts chargé de l’étude sur le terrain des politiques concernant les services de santé au travail pour les petites entreprises. Le groupe a été formé afin d’aider les provinces à élaborer des programmes et des approches en matière de santé au travail permettant d’intervenir efficacement dans les situations dangereuses. Comme première tâche, le groupe a rédigé, à l’intention des gouvernements provinciaux, un programme national d’études sur le terrain, qui a été approuvé et rendu public par le ministère de la Santé publique en 1992. La stratégie du programme est essentiellement la suivante.

    L’entreprise, le prestataire des services de santé au travail et le gouvernement local sont les trois éléments clés du programme, qui vise à réaménager les rapports entre ces trois composantes de façon à créer un nouveau modèle de développement. Les objectifs fondamentaux du programme sont de renforcer le contrôle réglementaire du gouvernement, de modifier les attitudes à l’égard de la santé ainsi que les comportements des fonctions productives et opérationnelles des entreprises et d’élargir la couverture des services minimaux de santé au travail tout en améliorant les conditions de travail à l’aide d’outils technologiques adéquats (voir figure 16.7). Quatre districts ont été choisis par le ministère de la Santé publique pour servir de secteurs d’essai avant la mise en œuvre du programme à l’échelle nationale: le district de Zhangdian dans la municipalité de Zibo, province de Shandong; le district de Baoshan dans la municipalité de Shanghai; le district de Jinhua dans la province de Zhejiang; et le district de Yuhong dans la municipalité de Shenyang, province de Liaoning.

    Figure 16.7 Stratégie de l'étude pilote sur les services de santé au travail dans les entreprises urbaines

    Figure 16.7

    Le programme met l’accent sur sept champs d’intervention:

    Des résultats préliminaires ont été obtenus dans ces quatre secteurs d’essai et les principes fondamentaux du programme sont en cours d’application dans d’autres régions de la Chine; on attend une évaluation finale en 1996.

    L’auteur remercie le professeur F.S. He de sa contribution à la révision du présent article.

    LA SÉCURITÉ ET LA SANTÉ AU TRAVAIL DANS LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

    Vladimír Bencko et Daniela Pelclová

    Contexte géopolitique

    Le développement prédominant de l’industrie lourde (industrie du fer et de l’acier, fonderies et raffineries) et des industries du travail des métaux et des machines, de même que l’accent mis sur la production d’énergie en Europe orientale et centrale ont exercé une influence déterminante sur la structure économique de la région au cours des quatre dernières décennies. Cette situation est à l’origine des taux d’exposition relativement élevés à certains types de risques sur les lieux de travail. Les efforts déployés en vue de transformer l’économie existante suivant le modèle de l’économie de marché et d’améliorer la sécurité et la santé au travail se sont révélés très fructueux jusqu’ici, compte tenu du fait qu’ils sont relativement récents.

    Encore récemment, la prévention des effets nocifs sur la santé des produits chimiques présents dans les lieux de travail et l’environnement, l’eau potable et les aliments était assurée par l’application obligatoire de normes d’hygiène et de santé et l’imposition de limites d’exposition professionnelle, telles que les concentrations maximales admissibles, les valeurs limites d’exposition et les doses journalières acceptables. Les principes de l’évaluation de la toxicité et de l’exposition recommandés par diverses organisations internationales, y compris les normes appliquées dans les pays de l’Union européenne, s’harmoniseront de plus en plus avec ceux qui sont utilisés par les pays d’Europe centrale et orientale, à mesure que ces derniers s’intégreront progressivement aux autres pays d’Europe.

    Dans les années quatre-vingt, on a de plus en plus reconnu la nécessité d’harmoniser les méthodes et les approches scientifiques utilisées dans les pays de l’OCDE dans le domaine des normes de toxicologie et d’hygiène avec celles utilisées dans les pays membres du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM). Ce besoin découlait en grande partie de l’accroissement de la production et du commerce, notamment de produits chimiques industriels et agricoles. Il apparaissait urgent d’aborder ces questions en raison du problème transfrontalier grandissant de la pollution de l’air et des cours d’eau en Europe (Bencko et Ungváry, 1994).

    Le modèle économique de l’Europe centrale et orientale était fondé sur une politique de planification économique centralisée, axée sur le développement des industries métallurgiques de base et de la production d’énergie. En 1994, exception faite de changements mineurs, les structures économiques de la Fédération de Russie, de l’Ukraine, du Bélarus, de la Pologne et des Républiques tchèque et slovaque étaient restées fondamentalement inchangées (Pokrovsky, 1993).

    L’exploitation du charbon est une industrie importante en République tchèque. Or, l’extraction de l’anthracite (dans la partie septentrionale de la Moravie) est à l’origine de 67% de tous les nouveaux cas de pneumoconioses du pays. Le lignite est extrait de mines à ciel ouvert situées dans le nord de la Bohême, dans le sud de la Silésie et dans les régions voisines de l’Allemagne. Les centrales thermiques, les usines de produits chimiques et les mines de lignite ont fortement contribué à la pollution de l’environnement de toute cette région, qui forme ce qu’on appelle le «triangle noir» de l’Europe. L’utilisation immodérée des pesticides et des engrais dans l’agriculture y était courante (Banque mondiale, 1991b).

    La population active de la République tchèque compte près de cinq millions de travailleurs. Environ 405 500 travailleurs (soit 8,1% de la population active) accomplissent des travaux dangereux (Ministry of Health of the Czech Republic, 1992). La figure 16.8 présente des données sur le nombre de travailleurs exposés à différents risques professionnels ainsi que la proportion de femmes parmi ces travailleurs.

    Figure 16.8 Nombre de travailleurs de la République tchèc exposés aux risques
    professionnels majeurs

    Figure 16.8

    L’évolution des besoins

    Le système de santé au travail de la République tchèque a franchi trois étapes dans son développement et a subi l’influence des changements politiques et économiques survenus dans le pays (Pelclová, Weinstein et Vejlupková, 1994).

    Première étape: 1932-1948. Cette période a été marquée par la création du premier Département de médecine du travail par le professeur J. Teisinger à l’Université Charles, la plus ancienne université d’Europe centrale (fondée en 1348). Plus tard, en 1953, ce département est devenu la clinique de médecine du travail, comptant 27 lits. Le professeur Teisinger a également créé l’Institut de recherche en santé au travail et, en 1962, le Centre d’information sur les poisons dans cette clinique. Il a reçu plusieurs prix internationaux, notamment celui de l’Association américaine des hygiénistes industriels (AIHA), en 1972, pour sa contribution personnelle au développement de la santé au travail.

    Deuxième étape: 1949-1988. Cette période s’est avérée plutôt chaotique. Caractérisée, sous certains aspects, par des lacunes notables, elle a aussi été marquée, sous d’autres aspects, par des réalisations nettement bénéfiques. On a reconnu que le système en place, en grande partie fiable et bien développé, devait néanmoins être réorganisé. On a déclaré que les soins de santé constituaient un droit civique fondamental garanti par la Constitution. Voici les six principes de base du système de santé (Banque mondiale, 1991a):

    Malgré certains progrès, aucun de ces objectifs n’a été pleinement atteint. L’espérance de vie (67 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes) dans la République tchèque est la plus faible parmi les pays industriels. Le pays présente un taux élevé de mortalité dû aux maladies cardio-vasculaires et au cancer. Environ 26% des Tchèques adultes sont obèses, et 44% d’entre eux ont un taux de cholestérol supérieur à 250 mg/dl. Le régime alimentaire habituel contient beaucoup de graisses animales et peu de fruits et de légumes. La consommation d’alcool est relativement élevée, et près de 45% des adultes fument; le tabagisme est responsable d’environ 23 000 décès par an.

    Les soins médicaux et dentaires, de même que les médicaments, étaient fournis gratuitement. Le nombre de médecins (36,6 pour 10 000 habitants) et d’infirmières (68,2 pour 10 000 habitants) figurait parmi les plus élevés au monde. Toutefois, au fil du temps, le gouvernement n’a plus pu assumer les dépenses croissantes nécessaires à la santé publique. Le pays a connu des pénuries temporaires de certains médicaments et matériels, et a eu de la difficulté à fournir des services de santé et de réadaptation. La structure en place, qui ne permettait pas au patient de choisir son médecin traitant, a engendré de nombreux problèmes. Le personnel médical travaillant dans les hôpitaux publics recevait un salaire fixe insuffisant, ce qui ne l’incitait guère à faire preuve de zèle. Il n’existait pas de système de santé privé. Dans les hôpitaux, le principal critère d’évaluation du fonctionnement était le pourcentage de lits occupés, et non la qualité des soins donnés.

    Le système public centralisé de santé au travail présentait néanmoins des éléments positifs, dont la tenue d’un registre presque exhaustif des lieux de travail dangereux et l’existence d’un système bien organisé de surveillance des conditions sanitaires géré par le Service d’hygiène. Les services internes de santé au travail implantés dans les grandes entreprises industrielles facilitaient la prestation de soins de santé complets aux travailleurs, englobant les examens médicaux périodiques et les traitements. Il n’y avait pas de petites entreprises privées, lesquelles posent habituellement de nombreux problèmes en matière de santé au travail.

    Il en était de même dans le secteur de l’agriculture, qui ne comptait pas de petites exploitations privées, mais de grandes coopératives agricoles. Un médecin du travail exerçant dans le dispensaire d’une usine ou d’une coopérative agricole fournissait les services de santé au travail.

    L’application de la législation relative à la sécurité et à la santé au travail était parfois incohérente. Quand, par exemple, après avoir effectué une inspection d’un lieu de travail dangereux, un hygiéniste industriel ou un inspecteur du travail demandait une réduction du niveau d’exposition professionnelle et le respect des normes de santé et de sécurité applicables, on se contentait souvent d’offrir une indemnité financière aux travailleurs au lieu de redresser la situation. Non seulement les entreprises ne prenaient souvent aucune mesure pour améliorer les conditions de travail, mais les travailleurs eux-mêmes ne faisaient rien pour que la situation change, préférant continuer de recevoir des primes à la place d’améliorations du milieu de travail. De plus, un travailleur qui contractait une maladie professionnelle recevait une forte prime qui était fonction de la gravité de la maladie et du montant de son salaire antérieur. Une telle situation créait des conflits d’intérêts entre les hygiénistes industriels, les médecins du travail, les syndicats et les entreprises. Comme une bonne partie des indemnités était payée par l’Etat et non par l’entreprise, celle-ci trouvait évidemment plus économique de ne rien faire pour améliorer la sécurité et la santé au travail.

    Si étrange que cela puisse paraître, certaines normes d’hygiène, notamment les seuils admissibles et les limites d’exposition professionnelle, étaient plus strictes qu’aux Etats-Unis et que dans les pays d’Europe occidentale. Par conséquent, il était parfois impossible de ne pas dépasser ces seuils lorsque les machines et l’équipement étaient vétustes. Les lieux de travail qui excédaient les limites étaient classés dans la «catégorie 4», celle des lieux les plus dangereux; cependant, pour des motifs économiques, on n’interrompait pas la production et on offrait à la place des prestations d’indemnisation aux travailleurs.

    Troisième étape: 1989 à aujourd’hui. La «révolution de velours» de 1989 a transformé de façon inéluctable le système de santé public. La réorganisation a été plutôt complexe et parfois difficile à mener à bien: ainsi, par exemple, le système compte plus de lits d’hôpital et de médecins par 10 000 habitants que tout autre pays industriel, alors qu’il dispose de beaucoup moins de ressources financières.

    L’état actuel de la sécurité et de la santé au travail

    Le risque professionnel le plus fréquent en République tchèque est le bruit — environ 65,8% de l’ensemble des travailleurs à risque sont exposés à ce danger (voir figure 16.8). Vient au deuxième rang la poussière fibrogène, qui constitue un risque professionnel pour environ 21,3% des travailleurs à risque. Environ 14,3% des travailleurs sont exposés à des produits chimiques toxiques. Plus d’un millier d’entre eux sont en contact avec le toluène, l’oxyde de carbone, le plomb, l’essence, le benzène, le xylène, les composés organophosphorés, le cadmium, le mercure, le manganèse, le trichloroéthylène, le styrène, le tétrachloroéthylène, l’aniline et le nitrobenzène. Un autre risque physique, les vibrations du système main-bras, touche 10,5% des travailleurs à risque. D’autres sont exposés à des produits chimiques cancérogènes, aux rayonnements ionisants et à des substances nocives causant des lésions cutanées.

    La figure 16.9 fait état du nombre de cas de maladies professionnelles reconnues en République tchèque durant la période 1981-1992. L’augmentation de la morbidité due aux maladies professionnelles, observée en 1990 et 1991, résulte de la reclassification des maladies professionnelles, à la requête des mineurs et d’autres travailleurs et de leurs syndicats. Ils ont demandé qu’on remplace la qualification «mise en danger par une maladie professionnelle», utilisée pour les cas moins flagrants d’affections professionnelles, faiblement indemnisés, par celle de maladie ouvrant pleinement droit à réparation. En 1990, le ministère de la Santé a reconsidéré la qualification «mise en danger» pour les pathologies professionnelles suivantes:

    Figure 16.9 Maladies professionnelles en république echèque durant la période 1981-1992

    Figure 16.9

    La reclassification a porté sur tous les cas recensés avant 1990, et sur 6 272 cas en 1990 et 3 222 cas en 1991 (voir figure 16.9), après quoi la qualification «mise en danger» a été abolie. La figure 16.10 présente par catégorie les données relatives à 3 406 nouveaux cas de maladies professionnelles diagnostiquées en République tchèque en 1992; notons que 1 022 de ces maladies avaient été contractées par des femmes (Urban, Hamsová et Nemecek, 1993).

    Figure 16.10 Les maladies professionnelles en République tchèque en 1992

    Figure 16.10

    Le manque d’appareils de mesure nécessaires à l’échantillonnage et à l’analyse des substances toxiques rend difficile l’évaluation des conditions d’hygiène sur le milieu de travail. Par ailleurs, pour la surveillance de la santé des travailleurs qui accomplissent des tâches dangereuses, on a recours à des évaluations de l’exposition au moyen de marqueurs biologiques pour diverses substances nocives, conformément à la réglementation du pays. Des tests similaires ont déjà été prescrits par la loi en Hongrie, en Slovaquie, en Slovénie, en Croatie, en Pologne et dans certains autres pays d’Europe centrale et orientale. L’utilisation des tests d’évaluation de l’exposition dans le cadre des examens médicaux périodiques s’est avérée très efficace pour la surveillance de l’exposition du personnel. Cette pratique a permis de détecter très tôt certaines maladies professionnelles et de les prévenir, faisant ainsi diminuer les coûts liés à l’indemnisation des travailleurs.

    Le passage à une économie de marché et l’augmentation du coût des services de santé dans la République tchèque ont eu une incidence sur les services de santé au travail. Dans le passé, le service ou le centre interne de santé au travail assumait deux fonctions: la surveillance de la santé des travailleurs et la prestation de soins. Aujourd’hui, ces fonctions font l’objet de certaines restrictions, ce qui s’est traduit par une diminution des mesures de surveillance de la santé et de maîtrise des risques et une augmentation du nombre de maladies professionnelles et d’accidents du travail. En outre, les travailleurs des petites entreprises, secteur en croissance rapide qui utilise souvent des machines et des équipements en mauvais état, sont pratiquement exclus du champ d’intervention des professionnels de la santé au travail.

    Les perspectives d’avenir

    Le nouveau système de santé publique de la République tchèque devrait être fondé sur les principes suivants:

    La mise en place du régime d’assurance santé obligatoire et la création du bureau général d’assurance santé, qui est entré en fonctions en janvier 1993, de même que la fondation de petites compagnies d’assurance santé dans la République tchèque ont marqué le début de la réforme du secteur public de la santé. Ces changements ont entraîné certains problèmes pour les services de santé au travail, étant donné le caractère préventif de ces services et le coût élevé des traitements dispensés en milieu hospitalier. Par conséquent, l’importance du rôle des services de consultations externes dans le traitement des maladies, aussi bien professionnelles que non professionnelles, augmente constamment.

    Les répercussions possibles de l’évolution des services de sécurité et de santé au travail

    La poursuite des réformes dans le secteur public de la santé a conduit les médecins du travail, les hygiénistes industriels et les établissements offrant des soins aux patients hospitalisés à changer leurs pratiques et à mettre l’accent sur la prévention. L’attention nouvelle portée à la prévention et au traitement des formes de maladies plus bénignes s’explique en partie par les résultats positifs obtenus antérieurement et par le fonctionnement relativement efficace de l’ancien système de santé au travail, qui avait grandement contribué à éliminer les maladies professionnelles les plus graves. Les réformes ont entraîné un changement d’orientation: au lieu de mettre l’accent sur les atteintes graves nécessitant un traitement urgent (par exemple, les intoxications industrielles et les pneumoconioses accompagnées d’insuffisance respiratoire et d’insuffisance cardiaque droite), on s’attache aux formes bénignes de pathologies. Le déplacement des activités des services de santé au travail, du curatif au diagnostic précoce, concerne des affections telles que les formes bénignes de pneumoconioses, la maladie du poumon du fermier, les hépatites chroniques et les troubles musculo-squelettiques chroniques dus à une charge excessive et aux vibrations. Des mesures préventives devraient par ailleurs être prises dès l’apparition des premiers signes d’une maladie professionnelle.

    Comme le régime d’assurance santé ne couvre pas les activités des hygiénistes industriels, ces professionnels travaillant dans les centres d’hygiène sont toujours payés par le gouvernement. On s’attend d’ailleurs à une réduction de leur nombre de même qu’à une réorganisation des centres d’hygiène.

    La privatisation de certains services de santé représente un autre changement dans le système de santé. Déjà, de petits centres médicaux de consultations externes relèvent du secteur privé. Les hôpitaux, y compris les hôpitaux universitaires, n’ont pas encore été inclus dans le processus, les modalités de leur privatisation restant à préciser. Une nouvelle législation portant sur les responsabilités des entreprises, des travailleurs et des services de santé au travail est en cours d’élaboration.

    La santé au travail à la croisée des chemins

    Grâce au système d’avant-garde de santé au travail mis sur pied par le professeur Teisinger en 1932, la République tchèque n’est pas confrontée à un sérieux problème de sensibilisation des étudiants universitaires à la santé au travail, même si certains pays d’Europe centrale et orientale ont un taux de maladies professionnelles reconnues environ cinq fois moins élevé. La liste tchèque des maladies professionnelles ne diffère guère de celle qui figure en annexe à la convention (no 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles de l’OIT, 1964 [tableau I modifié en 1980] (OIT, 1964). La proportion de maladies professionnelles non reconnues est faible.

    Le système de santé au travail de la République tchèque est maintenant à la croisée des chemins et devra, de toute évidence, faire l’objet d’une réorganisation. Mais il faudra, au cours du processus, préserver les aspects positifs de l’ancien système, à savoir:

    LA PRATIQUE DE LA SANTÉ AU TRAVAIL EN INDE

    T.K. Joshi

    Le corps médical de l’Inde s’intéresse à la santé des travailleurs depuis près d’un demi-siècle. L’Association indienne de santé au travail a été fondée au cours des années quarante dans la ville de Jamshedpur, où se trouve l’aciérie la plus ancienne et la plus connue du pays. Cependant, la pratique multidisciplinaire de la santé au travail a pris son véritable essor durant les années soixante-dix et quatre-vingt, lorsque l’OIT a envoyé en Inde une équipe qui a aidé à mettre en place un centre modèle de santé au travail. L’industrie et les entreprises ont fourni de tout temps des soins de santé par l’entremise de postes de premiers secours ou de services médicaux d’entreprise. Ces services permettaient de traiter, sur les lieux de travail, les lésions et les problèmes de santé mineurs. Certaines entreprises ont mis en place des services de santé au travail, et il est à espérer que d’autres suivront leur exemple. Toutefois, les hôpitaux universitaires ont jusqu’à maintenant négligé ce champ de spécialisation.

    La pratique de la sécurité et de la santé au travail a débuté avec la déclaration et la prévention des lésions et des accidents du travail. Certains pensent, non sans raison, que les lésions et les accidents du travail sont loin d’être tous signalés. Les taux d’incidence les plus élevés en 1990-91 ont été recensés dans les secteurs de la production d’électricité (0,47 pour 1 000 travailleurs), des métaux communs (0,45), des produits chimiques (0,32) et des produits minéraux non métalliques (0,27); les taux sont relativement plus bas dans l’industrie du bois et de la pâte de bois (0,08) et celle des machines et équipements (0,09). L’industrie textile, qui emploie plus de travailleurs (1,2 million en 1991), avait un taux d’incidence de 0,11 pour 1 000 travailleurs. En ce qui concerne les accidents mortels, les taux d’incidence en 1989 s’élevaient à 0,32 pour 1 000 travailleurs dans les mines de charbon et à 0,23 dans les autres mines. En 1992, 20 accidents mortels et 753 accidents non mortels sont survenus dans les ports.

    On ne possède pas de données sur les risques professionnels ni sur le nombre de travailleurs exposés à des risques particuliers. Les statistiques publiées par le Bureau du travail ne fournissent pas cette information. Il n’existe pas encore de système de surveillance de la santé au travail. Le nombre de cas de maladies professionnelles déclarés est tout à fait insuffisant: 19 seulement ont été déclarés en 1978, et 84 en 1982. Aucune tendance visible ne se dégage des cas signalés. L’intoxication au benzène et à l’halogène, les silicoses et les pneumoconioses, les byssinoses, les ulcérations causées par le chrome, l’empoisonnement au plomb, l’hypoacousie et l’ictère toxique sont les affections les plus fréquemment signalées.

    L’Inde n’a pas de législation générale portant sur la sécurité et la santé au travail. Les trois principales lois à cet égard sont: la loi de 1948 sur les fabriques, la loi de 1952 sur les mines et la loi de 1986 sur la sécurité, la santé et le bien-être des dockers. Un projet de loi sur la sécurité des travailleurs de la construction est en cours d’élaboration. La loi sur les fabriques, initialement adoptée en 1881, ne vise, aujourd’hui encore, que les travailleurs des usines enregistrées. Par conséquent, un grand nombre d’ouvriers et d’employés ne sont pas admis au bénéfice des prestations de sécurité et de santé au travail en vertu de la loi. Ce vide juridique, combiné à la piètre application des lois existantes, explique la situation peu satisfaisante de la santé au travail dans le pays.

    La plupart des services de santé au travail dans l’industrie sont gérés par des médecins ou du personnel infirmier et peu d’entre eux sont de nature multidisciplinaire. Seules les grandes entreprises disposent de tels services multidisciplinaires. Les entreprises industrielles et les grands établissements du secteur public situés dans des régions éloignées possèdent leur propre cité-usine et hôpital. Les deux disciplines exercées couramment dans la plupart des services de santé au travail sont la médecine du travail et, à l’occasion, l’hygiène industrielle. Certains services ont commencé à embaucher un ergonome. La surveillance de l’exposition et la biosurveillance ne reçoivent pas l’attention voulue. L’enseignement de la médecine du travail et de l’hygiène industrielle n’est pas encore bien développé. Les cours spécialisés en hygiène industrielle et les programmes d’études universitaires supérieures en santé au travail ne sont guère répandus dans le pays.

    Lorsque Delhi est devenue un Etat en 1993, le ministère de la Santé a eu à sa tête un professionnel de la santé, qui a déclaré vouloir améliorer les services de santé publique et de prévention des maladies. Un comité chargé d’étudier la question de la santé au travail et de l’hygiène de l’environnement a recommandé la création d’une clinique de médecine du travail et de l’environnement dans un prestigieux hôpital universitaire de la ville.

    Pour s’attaquer aux problèmes sanitaires complexes qui résultent de la pollution de l’environnement et des risques professionnels, la communauté médicale doit s’engager plus à fond. L’hôpital universitaire reçoit des centaines de patients par jour, dont un bon nombre ont été exposés à des substances nocives dans leur milieu de travail et à un environnement urbain insalubre. La détection des affections liées au travail ou à l’environnement nécessite la contribution de nombreux cliniciens spécialistes, de services d’imagerie, de laboratoires, etc. Etant donné la gravité des maladies traitées, il est devenu essentiel d’offrir des traitements de soutien et des soins médicaux. La clinique bénéficie des ressources de pointe de l’hôpital universitaire; vu l’autorité et le respect que commande ce type d’établissement de santé, il est plus facile, après le diagnostic de la maladie, de veiller au traitement ou à la réadaptation du patient, de même qu’à l’application des mesures nécessaires à la protection des autres travailleurs.

    La clinique possède une expertise dans le domaine de la médecine du travail. Elle entend collaborer avec le département du travail, qui est doté d’un laboratoire d’hygiène industrielle mis sur pied avec l’aide généreuse de l’OIT dans le but de renforcer les services de sécurité et de santé au travail en Inde. Cette coopération facilitera la détection et l’évaluation des risques. Les médecins seront conseillés sur la façon d’évaluer l’état de santé des groupes exposés, au moment de l’embauche et, par la suite, à intervalles réguliers, ainsi que sur la tenue de registres. La clinique aidera à prendre en charge les cas complexes et à établir l’origine professionnelle de la maladie. Elle offrira aux entreprises et aux travailleurs des conseils d’experts en matière d’éducation sanitaire et leur enseignera les bonnes pratiques d’utilisation et de manipulation des substances dangereuses sur le lieu de travail. Ces services devraient faciliter la réalisation des objectifs de prévention primaire et renforceront la surveillance de la santé au travail, comme le prévoit la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, de l’OIT (OIT, 1985a).

    Le développement de la clinique se fera en deux étapes. Dans un premier temps, on mettra l’accent sur la détection des risques et la création d’une base de données, ainsi que sur l’élaboration de stratégies de sensibilisation et d’information concernant les milieux de travail insalubres. La deuxième étape portera sur le renforcement de la surveillance de l’exposition, l’évaluation toxicologique médicale et les aspects ergonomiques. La clinique entend développer les programmes d’enseignement de la santé au travail à l’intention des étudiants en médecine. On encourage les étudiants qui préparent leur thèse à choisir un sujet touchant le domaine de la médecine du travail et de l’hygiène du milieu. L’une de ces thèses porte sur les infections acquises transmissibles par le sang chez les travailleurs de la santé des hôpitaux.

    La clinique prévoit également de s’attaquer à des problèmes environnementaux, tels que les effets néfastes du bruit et de la pollution croissante, et les conséquences désastreuses de l’exposition au plomb chez les enfants. Les plans à long terme de la clinique prévoient la sensibilisation des prestataires de soins de santé primaires et des groupes communautaires. On vise également à créer un registre des maladies professionnelles les plus courantes. La participation de plusieurs cliniciens spécialisés en médecine du travail et en hygiène du milieu permettra de créer un noyau universitaire pour l’avenir, lorsqu’un programme d’études universitaires supérieures, pour le moment inexistant, pourra être élaboré.

    La clinique a par ailleurs réussi à attirer l’attention des organismes de réglementation et de contrôle sur les graves risques auxquels ont été exposés les sapeurs-pompiers lorsqu’ils ont combattu un gros incendie dans une usine de poly(chlorure de vinyle) de la ville. Les médias et les environnementalistes ne parlaient alors que des risques pour la population locale. Il est à espérer que des cliniques de ce genre verront le jour dans tous les grands hôpitaux urbains, car elles constituent le seul moyen d’intéresser les médecins spécialistes confirmés à l’exercice de la médecine du travail et de l’environnement.

    Conclusion

    Il est urgent d’adopter en Inde une loi générale sur la santé et la sécurité au travail, comme il en existe dans bon nombre de pays industriels. Parallèlement à l’adoption d’une telle loi, il faudrait créer un organisme compétent pour en contrôler l’application. Cela contribuerait énormément à assurer un niveau uniforme de prestations de santé au travail dans tous les Etats. Actuellement, il n’existe aucun lien entre les divers services de santé au travail disponibles. Offrir une formation de qualité en hygiène industrielle, en toxicologie médicale et en épidémiologie du travail constitue une autre priorité. Il faut aussi mettre sur pied de bons laboratoires d’analyse, qui devraient être agréés pour garantir la qualité des résultats. L’Inde est un pays qui s’industrialise très rapidement, et ce développement se poursuivra dans le prochain siècle. Si l’on n’intervient pas, les problèmes de santé liés au travail entraîneront des taux de morbidité et d’absentéisme dont les conséquences seront incalculables. Cette inaction minera la productivité et la compétitivité de l’industrie indienne et entravera considérablement les efforts déployés par le pays pour éliminer la pauvreté.

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