Le présent article sinspire des normes, principes et approches contenus dans la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, de lOIT, dans la convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de lOIT, et du document de travail de la douzième session du Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, qui sest tenue du 5 au 7 avril 1995.
La convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, définit les «services de santé au travail» comme des services investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller lemployeur, les travailleurs et leurs représentants dans lentreprise en ce qui concerne les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail et ladaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mentale.
Les services de santé au travail mettent en uvre dans le milieu de travail des activités visant à protéger et à promouvoir la sécurité, la santé et le bien-être des travailleurs et à améliorer les conditions et le milieu de travail. Ces services sont fournis par des professionnels de la santé au travail fonctionnant de manière autonome, au sein dun service spécial de lentreprise ou dans le cadre dun service externe.
La pratique de la santé au travail couvre un champ plus large et ses activités ne se limitent pas à celles dun service de santé au travail. Cest une activité multidisciplinaire et multisectorielle faisant appel non seulement à des professionnels de la sécurité et de la santé au travail, mais aussi à dautres spécialistes tant au sein de lentreprise quà lextérieur, de même quaux autorités compétentes, aux employeurs, aux travailleurs et à leurs représentants. Une telle approche nécessite la mise en place sur les lieux de travail dun système bien organisé et bien coordonné. Linfrastructure requise devrait comprendre lensemble des systèmes administratifs, organisationnels et fonctionnels nécessaires au succès de la pratique de la santé au travail, à son développement systématique et à son amélioration continue.
La convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, décrivent linfrastructure la plus complexe. On peut choisir ou non de mettre en place un service conforme au modèle prôné par la convention no 161 et la recommandation no 171. Cest le cas, bien sûr, de la plupart des services de pointe en santé au travail. Mais on peut aussi opter pour dautres types dinfrastructure. Médecine du travail, hygiène du travail et sécurité au travail peuvent en effet relever de services distincts, comme ils peuvent être regroupés dans un seul service de santé au travail. Le service de santé au travail peut consister en une entité unique intégrée, ou en une combinaison de plusieurs unités distinctes partageant le même intérêt pour la santé et le bien-être des travailleurs.
Les services de santé au travail sont inégalement répartis dans le monde (OMS, 1995b). En Europe, environ la moitié de la population active na toujours pas accès à un service compétent; les écarts entre les pays sont très importants, la couverture variant de 5 à 90%. Les pays dEurope centrale et orientale, en pleine transition, ont quelque difficulté à offrir ces services à cause de la réorganisation de leurs activités économiques et du fractionnement de leurs grandes industries autrefois centralisées.
Dans les autres continents, les taux de couverture sont plus faibles. Seuls quelques pays (Australie, Canada, Etats-Unis, Israël, Japon) ont des taux comparables à ceux de lEurope occidentale. Dans les régions en développement, la couverture varie entre 5 et 10% au mieux, et les services sont surtout offerts dans les entreprises de fabrication; les autres secteurs industriels, lagriculture, les travailleurs indépendants, les petites entreprises et le secteur informel ne sont en général pas couverts du tout. Même dans les pays bien dotés de tels services, on relève des lacunes en ce qui concerne les petites entreprises, certains travailleurs itinérants, la construction, lagriculture et les travailleurs indépendants.
Partout dans le monde, il faut donc améliorer laccès des travailleurs aux services de santé au travail. Dans divers pays, des programmes dintervention à cet effet ont prouvé quil était possible de faciliter sensiblement laccès à ces services en un temps relativement court et à un coût raisonnable. Il est également apparu que ce genre dintervention améliorait à la fois laccès des travailleurs aux services et lefficacité des services offerts.
La réforme du milieu de travail mise en uvre dans la plupart des pays industriels au cours des années soixante-dix et quatre-vingt a donné lieu à lélaboration de directives et dinstruments internationaux importants. Ceux-ci sont le reflet des réponses apportées par les politiques de santé au travail aux nouveaux besoins en la matière, ainsi que dun consensus international sur le développement des services de sécurité et de santé au travail.
En 1976, le BIT lançait le Programme international pour lamélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT) (BIT, 1984). La convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de même que la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, ont accru linfluence de lOIT sur le développement de ces services. Au 31 mai 1995, quarante pays avaient ratifié ces conventions. Celles-ci ont cependant eu, dans les faits, un impact beaucoup plus large que ne le laisserait croire ce chiffre, car de nombreux pays qui nétaient pas en mesure de les ratifier en ont quand même mis les principes en application.
Parallèlement, la Stratégie mondiale de la santé pour tous dici lan 2000, lancée par lOMS en 1979 (OMS, 1981), a donné lieu, dans les années quatre-vingt, à ladoption de stratégies régionales et nationales axées sur la santé des travailleurs. En 1987, lOMS lançait un Plan daction pour la santé des travailleurs (OMS, 1988) et, en 1994, les Centres collaborateurs de lOMS pour la santé au travail formulaient la Stratégie mondiale pour la santé au travail pour tous (1995), approuvée par le Conseil exécutif de lOMS (EB97.R6) et adoptée à lunanimité par lAssemblée mondiale de la santé en mai 1996 (WHA 49.12).
Voici les principales caractéristiques du consensus international sur la sécurité et la santé au travail:
La Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement, qui a eu lieu à Rio de Janeiro en 1992, a abordé plusieurs questions liées à lenvironnement humain présentant un intérêt pour la santé au travail (OMS, 1993). Le plan Action 21 comporte des dispositions visant à élargir laccès des travailleurs aux services et à assurer la sécurité chimique sur les lieux de travail. La Déclaration de Rio a mis laccent sur le droit des êtres humains à une «vie saine et productive en harmonie avec la nature», ce qui exige que le travail et le milieu de travail répondent à certaines normes minimales de santé et de sécurité.
Ces instruments et programmes internationaux ont favorisé, directement ou indirectement, linclusion des services de santé au travail dans les programmes nationaux «La santé pour tous dici lan 2000» et dans dautres programmes de développement nationaux. Ils ont servi de principes directeurs pour lélaboration de législations et de programmes nationaux.
Par ailleurs, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a beaucoup fait pour lavancement de la santé au travail dans le monde; lors des douze réunions quil a tenues depuis 1950, il a notamment aidé à définir les concepts et à les appliquer au niveau des pratiques nationales et locales.
La plupart des pays ont adopté des lois régissant les services de santé au travail, mais la structure de la législation, son contenu et son champ dapplication varient énormément (Rantanen, 1990; OMS, 1989c). Les lois plus anciennes considèrent les services de santé au travail comme un ensemble dactivités spécialisées et distinctes: prestations de santé au travail, services de sécurité et dhygiène du travail, programmes de promotion de la santé sur le lieu de travail, etc. Dans de nombreux pays, au lieu de préciser ce qui peut être considéré comme un programme, la loi prévoit quil incombe aux employeurs dévaluer les risques pour la santé, de soumettre les travailleurs à des examens de santé, ou de mettre en uvre dautres activités liées à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Dans les lois plus récentes qui reflètent les directives internationales, comme celles de la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, de lOIT, les services de santé au travail sont définis comme une équipe intégrée, polyvalente et multidisciplinaire offrant tous les services nécessaires pour améliorer la santé au travail et le milieu de travail, promouvoir la santé des travailleurs et, en général, développer les aspects structurels et administratifs nécessaires à la sécurité et à la santé sur les lieux de travail.
La loi délègue habituellement le pouvoir détablir, de mettre en place et dinspecter les services de santé au travail aux ministères ou organismes responsables du travail, de la santé ou de la sécurité sociale (OMS, 1990).
Il existe deux grands types de législation concernant les services de santé au travail:
Le premier considère les services de santé au travail comme une infrastructure de service multidisciplinaire intégrée et définit les objectifs, les activités, les obligations et les droits des divers partenaires, les conditions dexploitation, et les qualifications du personnel. Mentionnons, à titre dexemple, la directive-cadre de lUnion européenne 89/391/CEE concernant la sécurité et la santé des travailleurs (CCE, 1989; Neal et Wright, 1992), la loi néerlandaise ARBO (Kroon et Overeynder, 1991) et la loi finlandaise concernant les services de santé au travail (décret du Conseil dEtat no 1009 1979). Les services de santé au travail dont lorganisation correspond aux exigences de ce type de législation ne sont guère nombreux dans le monde industriel, mais leur nombre devrait augmenter avec lapplication progressive de la directive-cadre de lUnion européenne 89/391/CEE.
Lautre type de législation, que lon retrouve dans la plupart des pays industriels, est plus disparate. Au lieu dune seule loi définissant les services de santé au travail comme une entité, plusieurs lois obligent simplement les employeurs à mettre en uvre certaines activités, qui peuvent être définies soit de façon très précise, soit en termes généraux, laissant ainsi ouvertes les questions de leur organisation et de leur mode de fonctionnement (OMS, 1989c). Dans de nombreux pays en développement, cette législation ne sapplique quaux grands secteurs industriels, laissant pour compte un grand nombre dautres secteurs, y compris lagriculture, les petites entreprises et le secteur informel.
Au cours des années quatre-vingt, dans les pays industriels en particulier, lévolution sociale et démographique (vieillissement de la population active, augmentation des pensions dinvalidité et de labsentéisme pour maladie) et la difficulté de juguler les budgets de la sécurité sociale ont donné lieu à certaines réformes intéressantes des systèmes nationaux de santé au travail. Ces réformes mettaient laccent sur la prévention des incapacités de courte et de longue durée, la préservation de la capacité de travail, notamment chez les travailleurs âgés, et la réduction des retraites anticipées.
Par exemple, la modification de la loi ARBO aux Pays-Bas (Kroon et Overeynder, 1991), en même temps que trois autres lois sociales visant à prévenir les incapacités de courte et de longue durée, a imposé des nouvelles exigences importantes en matière de services de sécurité et de santé au travail au niveau de lentreprise, qui sont les suivantes:
Ce nouveau système, qui sera mis en place progressivement, devrait être fonctionnel dici à la fin des années quatre-vingt-dix.
Les modifications apportées en 1991 et 1994 à la loi finlandaise concernant les services de santé au travail ont ajouté le maintien de la capacité de travail, en particulier chez les travailleurs âgés, aux activités de prévention des services de santé au travail prévues par la loi. Mises en uvre grâce à létroite collaboration de tous les acteurs dans le milieu de travail (la direction, les travailleurs, les services de santé et de sécurité), ces modifications prévoient lamélioration du travail, du milieu de travail et du matériel et leur adaptation aux travailleurs, le maintien et lamélioration de la capacité de travail physique et mentale des travailleurs et de lorganisation du travail de façon à mieux préserver cette capacité de travail. Pour lheure, on sefforce délaborer et dévaluer différentes méthodes pour atteindre ces objectifs.
Ladoption, en 1987, de lActe unique européen a donné un nouvel élan aux mesures de sécurité et de santé au travail prises par les Communautés européennes. Cétait en effet la première fois que la notion de sécurité et de santé au travail était directement incluse dans le Traité de la CEE de 1957, ce qui fut fait par le biais du nouvel article 118a. Fait particulièrement important en ce qui concerne le niveau de protection, les directives adoptées par les Etats membres en vertu de larticle 118a définissent des exigences minimales relatives à la sécurité et la santé au travail. Conformément au principe adopté, les Etats membres doivent relever le niveau de protection si celui-ci est inférieur aux prescriptions minimales prévues dans les directives. Lorsque la protection est supérieure à ces exigences, les Etats sont invités à la maintenir et même à adopter dautres mesures de protection plus rigoureuses que celles exigées par les directives.
Cest en juin 1989 qua été adoptée la première et probablement la plus importante directive prescrivant des exigences minimales de sécurité et de santé au travail en vertu de larticle 118a, à savoir la directive-cadre 89/391/CEE concernant la mise en uvre de mesures visant à promouvoir lamélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Il sagit de la stratégie de santé et de sécurité de base qui servira à lélaboration de toutes les directives suivantes. Cette directive-cadre sera complétée par des directives particulières qui couvriront des domaines spécifiques; elle définit aussi le cadre général de ces futures directives.
La directive-cadre 89/391/CEE renferme de nombreuses dispositions des conventions nos 155 et 161 de lOIT, que les quinze pays de lUnion européenne mettront en uvre dans leur législation et leur pratique nationales. Au nombre des principales dispositions concernant la pratique de la santé au travail, mentionnons les suivantes:
Au cours des dernières années, lUnion européenne a adopté de nombreuses mesures législatives, notamment une série de directives fondées sur les principes énoncés dans la directive-cadre; certaines de ces mesures venaient compléter celles qui avaient fait lobjet de dispositions dharmonisation technique en préparation, et dautres portaient sur des risques particuliers et des secteurs à haut risque. A titre dexemple, mentionnons, dans le premier groupe, les directives concernant les exigences de sécurité et de santé minimales sur les lieux de travail, et celles portant sur lutilisation des équipements de travail par les travailleurs, lutilisation des équipements de protection individuelle, la manutention des charges, le travail sur terminal à écran de visualisation, laménagement dune signalisation sur la sécurité et la santé au travail et lapplication des exigences minimales de sécurité et de santé dans les chantiers de construction temporaires et mobiles. Dans le second groupe, rappelons les directives relatives à la protection des travailleurs contre les risques liés à lexposition aux monomères de chlorure de vinyle, au plomb métallique et à ses composés ioniques, à lamiante au travail, aux agents cancérogènes au travail, aux agents biologiques au travail; les directives concernant la protection des travailleurs au moyen de linterdiction de certains agents particuliers ou de certaines activités professionnelles, et quelques autres (Neal et Wright, 1992; CE, 1994).
Certains ont proposé dadopter dautres directives (à savoir des directives concernant les agents physiques, les agents chimiques, les activités de transport et les lieux de travail, et les équipements de travail) pour unifier certaines directives existantes et rationaliser lapproche globale de la sécurité et de la santé des travailleurs dans ces domaines (CE, 1994).
Nombre des nouveaux éléments des législations et des pratiques nationales ont été introduits en réponse aux problèmes qui surgissent aujourdhui dans la vie des travailleurs et ils contiennent des dispositions prévoyant un développement accru des infrastructures de santé au travail. Cela se traduit notamment par la programmation, tant à léchelle nationale quà celle de lentreprise, dactivités plus globales concernant les aspects psychosociaux et organisationnels et la capacité de travail, et par limportance accordée au principe de la participation. Ces nouveaux éléments prévoient également lapplication de systèmes de gestion de la qualité, la vérification et la certification de la compétence des experts et des services offerts quant à leur conformité aux exigences de la législation sur la sécurité et la santé au travail. En conséquence, ces législations nationales, en reprenant en substance les dispositions des instruments de lOIT, se traduisent par la mise en uvre progressive des objectifs et des principes figurant dans les conventions nos 155 et 161, que celles-ci aient été ratifiées ou non, ainsi que dans la Stratégie de la santé pour tous de lOMS.
Les objectifs de la pratique de la santé au travail, tels que définis pour la première fois en 1950 par le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, étaient énoncés comme suit:
Promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de leur travail; les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence dagents préjudiciables à leur santé; placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme adapter le travail à lhomme et chaque homme à sa tâche.
En 1959, en se fondant sur les discussions de la Commission tripartite spéciale de lOIT (représentant les gouvernements, les employeurs et les travailleurs), la 43e session de la Conférence internationale du Travail adoptait la recommandation no 112 (OIT, 1959), qui définit un service de médecine du travail comme un service organisé sur les lieux de travail ou à proximité de ceux-ci et destiné:
En 1985, lOIT adoptait de nouveaux instruments internationaux la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail (OIT, 1985a; 1985b) qui définissent les services de santé au travail comme des services investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller lemployeur, les travailleurs et leurs représentants dans lentreprise en ce qui concerne: les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail; ladaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mentale.
En 1980, le Groupe de travail sur lévaluation des services de santé du travail et dhygiène industrielle du Bureau régional de lEurope de lOMS (OMS, 1982) définissait lobjectif ultime de ces services comme étant «de promouvoir des conditions de travail qui garantissent à la vie professionnelle une qualité aussi élevée que possible en protégeant la santé des travailleurs, en augmentant leur bien-être physique, mental et social, et en prévenant les maladies et les accidents».
Lenquête détaillée menée en 1985 auprès des services de santé au travail de trente-deux pays européens par le Bureau régional de lEurope de lOMS (Rantanen, 1990) a permis de dégager les principes suivants comme objectifs de la pratique de la santé au travail:
Ces principes restent pertinents pour lévolution récente des politiques et de la législation des pays. Par contre, on pourrait dégager les tendances suivantes en se fondant sur les objectifs de la pratique de la santé au travail formulés dans les lois nationales et les nouveaux besoins apparus dans la vie active (OMS, 1995a, 1995b; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994):
On observe donc, indéniablement, une tendance à élargir la portée des objectifs de la pratique de la santé au travail pour inclure de nouveaux types de problèmes ayant des conséquences sociales et économiques pour les travailleurs.
Pour protéger et promouvoir la santé des travailleurs, le service de santé au travail doit répondre aux besoins particuliers de lentreprise et des personnes qui y travaillent. Vu lampleur et la diver-sité des activités industrielles, commerciales, agricoles et autres activités économiques, il est impossible de formuler, pour les services de santé au travail, un programme dactivité détaillé ou un modèle dorganisation et des conditions de fonctionnement qui conviennent à toutes les entreprises et dans toutes les circonstances. Selon la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, la responsabilité dassurer la sécurité et la santé des travailleurs incombe avant tout à lemployeur. Les fonctions dun service de santé au travail sont de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs, daméliorer les conditions et le milieu de travail et de protéger la santé dans lentreprise tout entière en fournissant des services de santé au travail aux travailleurs et en donnant des conseils dexpert à lemployeur sur la façon de satisfaire aux normes les plus rigoureuses possible en matière de sécurité et de santé, dans lintérêt de la communauté professionnelle particulière quil dessert.
La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, définissent les services de santé au travail comme des services multidisciplinaires complets qui, bien quinvestis de fonctions essentiellement préventives, permettent également de mettre en uvre des activités curatives. Les documents de lOMS qui recommandent la mise en place de services pour les petites entreprises, les travailleurs indépendants et les travailleurs agricoles préconisent la prestation de services par des unités de soins de santé primaires (Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994). Les documents susmentionnés et les législations et programmes nationaux recommandent dinstituer ces services progressivement, de façon à pouvoir adapter les activités de santé au travail aux besoins nationaux et locaux, de même quaux circonstances existantes.
Idéalement, un service de santé au travail devrait mettre en place un programme dactivité adapté aux besoins de lentreprise où il uvre, et sy conformer. Ses fonctions devraient être adéquates et appropriées aux risques professionnels et sanitaires dans lentreprise et mettre laccent sur les problèmes propres à la branche dactivité économique concernée. Voici les fonctions de base et les activités les plus courantes dun service de santé au travail.
Sil ny a encore jamais eu de service de santé au travail dans lentreprise, ou lorsque de nouveaux salariés y sont affectés, il y a lieu de commencer par évaluer la situation de lentreprise en matière de sécurité et de santé au travail. Cette analyse comporte les étapes suivantes:
Pour sassurer que la qualité du milieu de travail demeure conforme aux normes de sécurité et de santé, il faut exercer une surveillance sur les lieux de travail. Selon la convention no 161, la surveillance du milieu de travail est lune des principales tâches des services de santé au travail.
A partir des informations recueillies dans le cadre de lévaluation préliminaire de lentreprise, on effectue une inspection sommaire des lieux de travail. De préférence, cette inspection devrait être faite par une équipe multidisciplinaire de santé au travail, accompagnée de représentants des travailleurs et de lemployeur. Il faudrait à cette occasion interroger des dirigeants, des contremaîtres et des travailleurs. Au besoin, on pourrait procéder à des vérifications spéciales sur les aspects relatifs à la sécurité, à lhygiène, à lergonomie ou à la psychologie.
Pour cela, il existe des listes de contrôle spéciales et des lignes directrices quil est recommandé dutiliser. Il peut arriver que des mesures ou des vérifications particulières doivent être effectuées par des spécialistes de lhygiène du travail, de lergonomie, de la toxicologie, de la sécurité ou de la psychologie; ceux-ci peuvent soit faire partie de léquipe de santé au travail de lentreprise, soit provenir de lextérieur. Ce genre de mesures ou de vérifications spéciales est parfois hors de la portée des petites entreprises qui doivent alors se fier aux observations effectuées pendant linspection, complétées par des données qualitatives et, dans le meilleur des cas, par des données semi-quantitatives.
Comme liste de contrôle de base pour lidentification des risques potentiels pour la santé, on peut recommander la Liste des maladies professionnelles (modifiée en 1980) jointe en annexe à la convention (no 121) sur les prestations en cas daccidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [tableau I modifié en 1980]. Cette liste énumère les principales causes connues des maladies professionnelles et, bien quelle ait principalement pour objet de donner des directives pour lindemnisation des victimes de maladies professionnelles, elle peut aussi servir à des fins de prévention: il suffit dy ajouter les risques qui ny figurent pas, en fonction des conditions nationales ou locales.
Le champ de la surveillance du milieu de travail, tel quil est défini dans la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, est le suivant:
A la suite de cette inspection sommaire, il conviendrait de dresser un inventaire des risques précisant chacun des risques inhérents à lentreprise. Un tel inventaire est en effet nécessaire pour évaluer le potentiel dexposition et proposer des mesures de contrôle. Pour établir cet inventaire, et faciliter la conception, la mise en uvre et lévaluation des mesures de contrôle, les dangers devraient être classés de façon à permettre les recoupements en fonction du risque datteinte aiguë ou chronique quils présentent pour la santé des travailleurs, et du type de danger (chimique, physique, biologique, psychologique ou ergonomique).
Létape suivante, lévaluation quantitative de lexposition, est nécessaire pour affiner lévaluation des risques pour la santé. Elle consiste à mesurer lintensité ou la concentration de lexposition, ses variations dans le temps et sa durée totale, ainsi que le nombre de travailleurs exposés. La mesure et lévaluation de lexposition sont habituellement effectuées par des hygiénistes du travail, des ergonomes et des spécialistes de la prévention des accidents. Elles se fondent sur les principes de la surveillance environnementale et devraient inclure, au besoin, une surveillance du milieu ambiant visant à recueillir des données sur lexposition dans un milieu de travail donné et à mesurer lexposition personnelle de chaque travailleur ou groupe de travailleurs (par exemple, les travailleurs exposés à des dangers particuliers). Il faut mesurer lexposition chaque fois que lon soupçonne ou que lon peut raisonnablement prévoir des risques; ces mesures devraient se fonder sur linventaire complet des risques combiné à une évaluation des habitudes de travail. La connaissance des effets potentiels de chaque risque devrait servir à définir les priorités dintervention.
Pour évaluer les risques pour la santé sur les lieux de travail, on devrait comparer lensemble des expositions aux normes dexposition professionnelle reconnues. Ces normes, exprimées en termes de niveaux admissibles et de limites dexposition, ont été fixées après de nombreuses études scientifiques visant à établir des corrélations entre les expositions et leurs effets sur la santé. Dans certains pays, plusieurs de ces normes sont devenues des normes obligatoires en vertu de la législation et de la pratique nationales. Mentionnons, par exemple, les concentrations maximales admissibles (MAK, en Allemagne; MAC dans les pays dEurope orientale) et les limites dexposition admissibles (PEL, aux Etats-Unis). Il existe ainsi des PEL pour quelque 600 substances chimiques que lon trouve couramment sur les lieux de travail. Des limites ont également été fixées pour lexposition moyenne pondérée en fonction du temps et pour lexposition de courte durée, de même que des plafonds dexposition et des limites pour certaines conditions pénibles susceptibles dentraîner une absorption cutanée.
La surveillance du milieu de travail porte tant sur les expositions dangereuses que sur leurs effets sur la santé. Si lexposition au danger est excessive, elle doit être contrôlée, quels quen soient les effets cliniques, et la santé des travailleurs exposés doit être évaluée. Lexposition est considérée comme excessive lorsquelle approche ou dépasse certaines limites établies, comme celles mentionnées ci-dessus.
La surveillance du milieu de travail donne des informations sur les besoins de lentreprise en matière de santé au travail et indique quelles mesures de prévention et de contrôle devraient être prises en priorité. La plupart des instruments concernant lorganisation des services de santé au travail insistent sur la nécessité deffectuer cette surveillance avant doffrir les services, puis périodiquement par la suite, durant le cours des activités, et chaque fois que des changements importants sont apportés au travail ou au milieu de travail.
Les résultats obtenus permettent de déterminer si les mesures préventives adoptées éliminent efficacement les risques pour la santé, et si les travailleurs sont affectés à des postes qui conviennent à leurs capacités. Ils permettent aussi au service de santé au travail dassurer une protection fiable contre les expositions et de donner des conseils sur la façon de mettre en uvre des mesures de contrôle pour améliorer le milieu de travail. Les données accumulées servent enfin aux enquêtes épidémiologiques, à la révision des niveaux dexposition admissibles, de même quà lévaluation de lefficacité des mesures de contrôle technique et des autres méthodes utilisées par les divers programmes de prévention.
A mesure que lon recueille des informations sur les risques pour la santé sur les lieux de travail, elles doivent être transmises aux responsables de la mise en uvre des mesures de prévention et de contrôle, ainsi quaux travailleurs exposés à ces risques. Ces informations doivent être aussi précises et quantitatives que possible, en décrivant les mesures de prévention prises et en expliquant ce que les travailleurs doivent faire pour quelles soient efficaces.
La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, prévoit que, conformément à la législation et à la pratique nationales, les données des résultats de la surveillance du milieu de travail devraient être consignées sous une forme appropriée et tenues à la disposition de lemployeur, des travailleurs et de leurs représentants ou du comité de sécurité et dhygiène, lorsquil existe. Ces données devraient être utilisées de manière confidentielle et uniquement en vue de donner les avis et les conseils nécessaires à lamélioration du milieu de travail, de la sécurité et de la santé des travailleurs. Lautorité compétente devrait également avoir accès à ces données. Celles-ci ne devraient être communiquées par le service de santé au travail à des tiers quavec laccord de lemployeur et des travailleurs. Les travailleurs concernés devraient être informés de façon adéquate et convenable des résultats de la surveillance et avoir le droit de demander que lon exerce une surveillance de leur milieu de travail.
Pour évaluer les risques datteinte à la santé au travail, on regroupe les renseignements recueillis grâce à la surveillance du milieu de travail et ceux provenant dautres sources, comme les recherches épidémiologiques sur des professions et des expositions particulières, les valeurs de référence, telles que les limites dexposition professionnelles et les statistiques disponibles. Les données qualitatives (par exemple, telle substance est cancérogène) et, lorsque cest possible, quantitatives (par exemple, tel degré dexposition) peuvent révéler que les travailleurs sont exposés à des risques pour la santé et indiquer que des mesures de prévention et de contrôle sont nécessaires.
Les étapes dune évaluation des risques pour la santé au travail sont les suivantes:
A cause de contraintes techniques et économiques, il est souvent impossible déliminer tous les risques pour la santé présents sur les lieux de travail. Cest dans ces circonstances que la surveillance de la santé des travailleurs joue un rôle capital. Cette surveillance englobe de nombreuses formes dévaluation médicale des effets sur la santé attribuables à lexposition des travailleurs aux risques présents sur les lieux de travail.
Les examens de santé visent essentiellement à déterminer laptitude physique des travailleurs à effectuer certaines tâches, à évaluer les atteintes à la santé qui peuvent être associées à lexposition à des agents nocifs inhérents au procédé de travail et à identifier les cas de maladies professionnelles conformément à la législation nationale.
Ces examens ne peuvent pas protéger les travailleurs contre les risques pour la santé ni se substituer aux mesures de prévention appropriées qui ont la priorité dans la hiérarchie des mesures à prendre. Ils aident plutôt à déterminer les conditions qui peuvent rendre un travailleur plus sensible aux effets des agents nocifs, ou à détecter les signes avant-coureurs de toute affection causée par ces agents. Ils devraient être effectués parallèlement aux contrôles du milieu de travail, qui donnent des informations sur les expositions potentielles et permettent aux professionnels de la santé au travail dévaluer les résultats obtenus grâce à la surveillance de la santé des travailleurs exposés.
Lorsquelle est passive, les travailleurs malades sont tenus de consulter des professionnels de la santé au travail. La surveillance passive ne détecte habituellement que les maladies symptomatiques et exige des professionnels de la santé au travail quils soient capables de distinguer les effets des expositions professionnelles des effets semblables dus à des expositions non professionnelles.
Dans le cas de la surveillance active, les professionnels de la santé au travail sélectionnent et examinent les travailleurs à haut risque de maladies ou daccidents liés au travail. Ce type de surveillance peut prendre plusieurs formes et comporter notamment des examens médicaux périodiques de tous les travailleurs, des examens médicaux des travailleurs exposés à des risques particuliers pour la santé, ou le dépistage et la surveillance biologique de certains groupes de travailleurs. Le type particulier de surveillance à exercer dépend dans une large mesure des effets éventuels sur la santé dune exposition professionnelle particulière. La surveillance active est préférable pour les travailleurs ayant des antécédents dexpositions multiples et pour ceux qui risquent davantage dêtre atteints de maladies ou dêtre victimes daccidents.
On trouvera une description détaillée de la surveillance de la santé dans la convention no 161 et la recommandation no 171. Ces instruments précisent que la surveillance de la santé des travailleurs devrait comporter, dans les cas et selon les conditions déterminés par lautorité compétente, toutes les évaluations nécessaires pour protéger la santé des travailleurs qui pourraient inclure:
Lévaluation de létat de santé des travailleurs est particulièrement importante lorsque les services de santé au travail sont mis en place, lorsque de nouveaux travailleurs sont recrutés, lorsque de nouvelles méthodes de travail sont adoptées ou de nouvelles techniques introduites, lorsquon identifie des expositions spéciales et lorsque létat de santé dun travailleur nécessite un suivi. Plusieurs pays ont adopté des réglementations ou des directives spéciales qui précisent quand et comment les examens de santé doivent être effectués. Ces examens devraient faire lobjet dun suivi et être constamment améliorés de façon à déterminer le plus tôt possible les effets du travail sur la santé.
Ce type dévaluation est effectué avant laffectation des travailleurs à des postes spécifiques susceptibles de présenter un risque pour leur santé ou celle des autres. Son but est de déterminer si une personne est physiquement et psychologiquement apte à accomplir une tâche particulière et de sassurer que son affectation à ce poste ne mettra pas en danger sa santé ou celle de ses collègues. Si, dans la plupart des cas, un examen des antécédents médicaux, un examen physique général et des tests de laboratoire courants (par exemple, une simple numération globulaire et une analyse durine) suffisent, dans dautres, la présence de problèmes de santé ou les contraintes inhabituelles associées à un poste particulier exigent des examens fonctionnels approfondis ou des tests diagnostiques.
Un certain nombre de problèmes de santé peuvent rendre certaines tâches dangereuses pour le travailleur ou présenter un risque pour le public ou les autres travailleurs. Cest pourquoi il est parfois nécessaire, par exemple, dexclure les travailleurs souffrant dhypertension non contrôlée ou de diabète instable de certains postes dangereux (par exemple, pilotes davions ou de navires, chauffeurs de véhicules de services publics ou de poids lourds, grutiers). Pour des raisons de sécurité, le daltonisme peut aussi justifier lexclusion des personnes qui en sont atteintes des emplois nécessitant de distinguer les couleurs (par exemple, lecture des panneaux de signalisation). Dans les emplois exigeant une excellente condition physique générale (comme la plongée en eau profonde, la lutte contre les incendies, les services de police et le pilotage davions), seuls les travailleurs satisfaisant aux exigences de performance sont admissibles. Il faut également tenir compte de la possibilité que certaines maladies chroniques soient aggravées par les expositions associées à un emploi particulier. Il est donc essentiel que lexaminateur connaisse en détail le poste et le milieu de travail et quil soit bien conscient que les descriptions de poste normalisées sont parfois superficielles ou même trompeuses.
Après avoir fait lévaluation de santé requise, le médecin du travail devrait en communiquer les conclusions par écrit au travailleur et à lemployeur. Les résultats communiqués à lemployeur ne devraient comporter aucune donnée de nature médicale, mais tirer une conclusion sur laptitude de la personne pour le poste quelle occupe ou auquel on se propose de laffecter, en précisant les types de travaux et les conditions de travail qui, de manière temporaire ou permanente, lui sont médicalement contre-indiqués.
Lexamen médical préalable à lemploi est important pour le dossier professionnel subséquent du travailleur, car on y trouve linformation clinique et les données de laboratoire requises sur létat de santé de ce dernier au moment de son entrée en fonctions. Il constitue aussi une référence indispensable pour évaluer tout changement qui pourrait survenir par la suite dans son état de santé.
Ces examens sont effectués à des intervalles réguliers dans les emplois comportant une exposition à des risques potentiels pour la santé impossibles à éliminer entièrement au moyen de mesures de prévention ou de contrôle. Ces examens périodiques ont pour but de surveiller la santé des travailleurs durant toute la durée de leur emploi. Il sagit de déterminer si les travailleurs sont aptes à occuper leur emploi et de détecter le plus tôt possible tout signe de mauvaise santé qui pourrait être attribuable au travail. Ces examens périodiques sont souvent complétés par dautres examens selon la nature des risques observés.
Leurs objectifs sont les suivants:
Ces objectifs déterminent la fréquence, le contenu et les méthodes des examens de santé périodiques, qui peuvent être effectués à des intervalles de un à trois mois, ou de quelques années, selon la nature de lexposition, la réponse biologique prévue, la possibilité de mettre en place des mesures préventives et la faisabilité de la méthode dexamen. Ces examens peuvent être approfondis ou se limiter à quelques tests ou analyses. Plusieurs pays ont émis des directives spéciales sur lobjet, la fréquence, le contenu et la méthodologie qui doivent être de règle.
Ce type dexamen est exigé pour autoriser la reprise du travail après une absence prolongée pour raison de santé. Il permet de déterminer laptitude du travailleur au travail, de recommander les mesures appropriées pour le protéger contre les expositions futures et de déterminer sil faut le reclasser ou lui offrir une réadaptation spéciale.
De même, lorsquun travailleur change de poste, le médecin du travail doit certifier quil est apte à accomplir ses nouvelles fonctions. Lobjectif visé, la nécessité et lutilisation des résultats déterminent le contenu et la méthodologie de lexamen et le contexte dans lequel il est effectué.
Dans de nombreuses entreprises, le service de santé au travail peut effectuer des examens de santé généraux. Habituellement volontaires, de tels examens peuvent être offerts à tous les salariés ou seulement à certains groupes choisis en fonction de lâge, de la durée de lemploi, du statut dans lentreprise, etc. Ils peuvent être approfondis ou se limiter au dépistage de maladies ou de risques sanitaires particuliers. Leur fréquence, leur contenu et leurs méthodes sont déterminés en fonction de leurs objectifs.
Ce type dévaluation de la santé se fait après la cessation de laffectation à des postes comportant des risques susceptibles dentraîner une atteinte ultérieure à la santé ou dy contribuer. Son but est de faire un bilan final de la santé des travailleurs, de comparer les résultats obtenus à ceux des examens antérieurs et dévaluer dans quelle mesure les affectations professionnelles antérieures ont pu porter atteinte à leur santé.
Les observations générales énoncées ci-dessous valent pour tous les types dexamens de santé.
Les examens de santé doivent être effectués par du personnel professionnel qualifié ayant reçu une formation à la santé au travail. Ces professionnels doivent bien connaître les expositions des travailleurs, les exigences physiques et autres conditions de travail propres à lentreprise et avoir de lexpérience dans lapplication des techniques et instruments dexamen médical appropriés, de même que dans la tenue correcte des dossiers.
Lexamen de santé ne remplace pas les mesures de prévention ou de contrôle des expositions dangereuses dans le milieu de travail. Lorsque la prévention est efficace, le nombre dexamens nécessaires diminue.
Toutes les données recueillies dans ce cadre sont confidentielles et doivent être consignées par le service de santé au travail dans un dossier de santé personnel et confidentiel. Les données personnelles relatives aux évaluations de la santé ne peuvent être communiquées à des tiers que si le travailleur intéressé y consent en toute connaissance de cause. Le travailleur qui désire que ces données soient transmises à son médecin personnel doit accorder une autorisation expresse à cette fin.
Les conclusions quant à laptitude dun travailleur à accomplir une tâche particulière, ou aux effets de cette tâche sur sa santé, devraient être communiquées à lemployeur sous une forme qui naille pas à lencontre du principe de la confidentialité des données personnelles relatives à la santé.
Le recours aux examens de santé et lutilisation de leurs résultats pour exercer quelque forme de discrimination que ce soit à lencontre des travailleurs ne peuvent en aucun cas être tolérés et doivent être strictement interdits.
Les services de santé au travail doivent non seulement identifier et évaluer les risques potentiels pour la santé des travailleurs, mais aussi donner des conseils sur les mesures de prévention et de contrôle qui aideront à éviter ces risques.
Après analyse des résultats de la surveillance du milieu de travail (y compris, le cas échéant, de la surveillance de lexposition individuelle des travailleurs), et de ceux de la surveillance de la santé des travailleurs (y compris, le cas échéant, de la surveillance biologique), les services de santé au travail devraient être en mesure de déterminer les liens qui peuvent exister entre lexposition aux risques liés au travail et les atteintes à la santé et de proposer des mesures de contrôle appropriées pour protéger la santé des travailleurs. Ces mesures sont recommandées de concert avec dautres services techniques de lentreprise, après consultation de la direction, des employeurs, des travailleurs ou de leurs représentants.
Les mesures de contrôle devraient permettre de prévenir toute exposition inutile durant le cours normal des opérations, ou durant les accidents et les situations durgence. Il faudrait également tenir compte des modifications prévues des procédés de travail, et pouvoir adapter les recommandations en fonction des futurs besoins.
Les mesures de contrôle des risques pour la santé servent à éliminer les expositions professionnelles, à les réduire au minimum ou, à tout le moins, à des limites admissibles. Au nombre de ces mesures figurent avant tout les contrôles techniques du milieu de travail, la modification des processus, des substances et des matières utilisés; viennent ensuite le suivi des comportements humains, le recours à léquipement de protection individuelle, les contrôles intégrés, etc.
La formulation de recommandations concernant les mesures de contrôle est un processus complexe qui exige danalyser linformation sur les risques pour la santé présents dans lentreprise et de tenir compte des exigences et des besoins en matière de sécurité et de santé au travail. Pour lévaluation de la faisabilité et lanalyse coûts-avantages, il faut aussi tenir compte du fait que les investissements consentis dans la sécurité et la santé, sils ne rapportent pas nécessairement dans limmédiat, peuvent être très profitables à long terme.
Les instruments de lOIT prescrivent que les employeurs, les travailleurs et leurs représentants doivent collaborer et participer à la mise en application de ces recommandations. Celles-ci sont habituellement analysées par le comité de sécurité et dhygiène dans les grandes entreprises, ou par les représentants des employeurs et des travailleurs dans les petites. Il importe de bien documenter les recommandations proposées de façon à pouvoir faire un suivi de leur mise en uvre. Cette documentation doit faire ressortir quil incombe à la direction de mettre en place des mesures de prévention et de contrôle dans lentreprise.
Lune des fonctions importantes des services de santé au travail est de donner des conseils à la direction de lentreprise, aux employeurs, aux travailleurs et aux comités de sécurité et dhygiène, tant à titre collectif quà titre individuel. Il importe que cette fonction soit reconnue et intégrée à la démarche de prise de décisions; il arrive en effet souvent que les professionnels de la santé au travail ne participent pas directement à cette prise de décisions.
La convention no 161 et la recommandation no 171 de lOIT se prononcent toutes deux en faveur du rôle consultatif des professionnels de la santé au travail au sein de lentreprise. Pour promouvoir ladaptation du travail aux travailleurs et améliorer les conditions et le milieu de travail, les services de santé au travail devraient agir en qualité de conseillers en matière de santé et dhygiène du travail, dergonomie et déquipement de protection individuelle et collective auprès de lemployeur, des travailleurs et de leurs représentants dans lentreprise, ainsi quauprès du comité de sécurité et dhygiène; ils devraient en outre collaborer avec les autres services agissant déjà comme conseillers dans ces domaines. Ils devraient aussi donner des conseils sur la planification et lorganisation du travail, la conception des lieux de travail, le choix, lentretien et létat des machines et autres équipements, ainsi que sur les substances et matières utilisées dans lentreprise. Ils devraient, de surcroît, participer à lélaboration des programmes damélioration des méthodes de travail, ainsi quaux essais et à lévaluation des aspects sanitaires des nouveaux équipements.
Ces services devraient enfin prodiguer aux travailleurs des conseils personnels sur leur santé en relation avec le travail.
Une autre de leurs tâches importantes est de donner des conseils et des informations sur lintégration des travailleurs victimes daccidents du travail ou de maladies professionnelles en vue de les aider à se réadapter rapidement, de sauvegarder leur capacité de travail, de réduire labsentéisme et de rétablir un bon climat psychosocial dans lentreprise.
Les activités déducation et de formation sont étroitement liées au rôle de conseillers que jouent les professionnels de la santé au travail auprès des employeurs et des travailleurs. Ces activités sont particulièrement importantes lorsquon envisage dapporter des modifications aux installations ou dacquérir des équipements nouveaux, ou que lon prévoit des changements dans laménagement des lieux de travail, des postes de travail et dans lorganisation du travail. Elles sont profitables lorsquelles sont mises en uvre au bon moment, car elles permettent de mieux tenir compte des facteurs humains et des principes ergonomiques dans lamélioration des conditions et du milieu de travail.
Les services de conseil technique offerts sur les lieux de travail sont une importante fonction de prévention des services de santé au travail. Sur ce chapitre, la priorité doit être accordée à la sensibilisation aux risques professionnels et à la participation des employeurs et des travailleurs au contrôle des risques et à lamélioration du milieu de travail.
Lorganisation des premiers secours et des soins durgence relève traditionnellement des services de santé au travail. La convention no 161 et la recommandation no 171 disposent que les services de santé au travail doivent assurer les premiers secours et les soins durgence aux travailleurs victimes daccidents ou de malaises sur les lieux de travail et collaborer à lorganisation des premiers secours.
Cela inclut la capacité dintervention en cas daccidents ou daffections aiguës chez les travailleurs, de même que la capacité dintervenir en collaboration avec dautres services durgence en cas daccidents graves affectant toute lentreprise. La formation aux premiers secours est essentielle dans les services de santé au travail, car le personnel de ces services est en première ligne pour intervenir.
Ces services doivent aussi prendre des dispositions préliminaires avec les services ambulanciers, les services de sapeurs-pompiers, de police et de sauvetage, ainsi quavec les hôpitaux locaux, en vue déviter tout retard et toute confusion qui pourraient menacer la survie des travailleurs gravement blessés ou atteints. Ces arrangements, complétés par des exercices lorsque cela est faisable, sont particulièrement importants pour la préparation aux principales situations durgence (incendies, explosions, émissions de substances toxiques et autres catastrophes) qui peuvent affecter de nombreuses personnes dans lentreprise aussi bien quà proximité et risquent de faire de nombreuses victimes.
Les services de santé au travail participent parfois au diagnostic, au traitement et à la réadaptation des victimes daccidents du travail ou de maladies professionnelles. Grâce à leur connaissance combinée de ces accidents et maladies, dune part, et des tâches, du milieu de travail et des expositions sur les lieux de travail, dautre part, les professionnels de la santé au travail sont en mesure de jouer un rôle capital dans la prise en charge des problèmes de santé liés au travail.
Selon lampleur de leurs activités, les exigences de la législation ou la pratique nationales, les services de santé au travail peuvent être classés en trois grandes catégories:
La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, encourage les services de santé au travail à offrir des soins curatifs et généraux lorsque ce genre de soins est approprié. Selon la législation et la pratique nationales, ces services peuvent donc offrir une ou plusieurs des activités curatives suivantes concernant les maladies professionnelles ou y participer:
La prestation de soins préventifs et curatifs généraux englobe la prévention et le traitement des maladies non professionnelles et dautres services de soins de santé primaires. Habituellement, les soins préventifs généraux comprennent les immunisations, les soins à la mère et à lenfant et les services dhygiène généraux, tandis que les soins curatifs généraux comprennent les soins de médecine générale classiques. Ici, la recommandation no 171 précise que les services de santé au travail peuvent, compte tenu de lorganisation de la médecine préventive au niveau national, sacquitter des fonctions suivantes:
Les services de santé au travail des grandes entreprises, de même que ceux qui uvrent dans des régions éloignées ou mal desservies sur le plan médical, sont parfois appelés à fournir des soins de santé généraux non liés au travail, non seulement aux travailleurs, mais aussi à leur famille. Lampleur de ces services dépend de linfrastructure des services de santé locaux et de la capacité des entreprises. Dans le cas dentreprises industrielles établies dans des régions peu développées, il peut même être opportun doffrir ces services parallèlement aux services dhygiène du travail.
Dans certains pays, les services de santé au travail offrent, durant les heures de travail, des soins ambulatoires normalement fournis par un omnipraticien. Il sagit habituellement de traitements simples, mais aussi parfois de soins médicaux plus poussés, lorsque lentreprise a conclu un accord avec la sécurité sociale ou dautres régimes dassurance remboursant les frais de traitement des travailleurs.
La participation des services de santé au travail est capitale lorsquil sagit de planifier la réadaptation des travailleurs et leur retour au travail. Cette question prend dailleurs de plus en plus dimportance vu le grand nombre daccidents du travail dans les pays en développement et le vieillissement de la population active dans les sociétés industrielles. Les services de réadaptation sont habituellement offerts par des unités extérieures, autonomes ou rattachées à un hôpital, et dotées de spécialistes de la réadaptation, dergothérapeutes, de conseillers dorientation professionnelle, etc.
Certains aspects importants de la participation des services de santé au travail à la réadaptation des travailleurs victimes daccidents doivent être soulignés.
Premièrement, le service de santé au travail peut jouer un grand rôle en sassurant que le travailleur en convalescence après un accident ou une maladie lui est envoyé sans délai. Il est en effet préférable, lorsque cela est possible, que le travailleur réintègre son poste de travail antérieur et il importe que le service de santé au travail reste en contact, durant la période dincapacité, avec ceux qui ont été chargés du traitement pendant le stade aigu de sa maladie afin de pouvoir déterminer le moment où un retour au travail pourra être envisagé.
Deuxièmement, le service de santé au travail peut faciliter un retour rapide au travail en collaborant à sa planification avec le service de réadaptation. Sa connaissance de lemploi et du milieu de travail devrait aider à déterminer sil est possible de modifier lemploi antérieur (par exemple, changement daffectation, heures de travail limitées, périodes de repos, équipement spécial, etc.) ou de trouver une solution de changement temporaire de poste.
Enfin, en suivant lévolution de létat du travailleur, le service de santé au travail peut tenir la direction au courant de la durée probable de labsence de ce dernier ou de la limitation de son aptitude, ou de lampleur de toute incapacité résiduelle, afin que des mesures de remplacement puissent être prises avec le moins de perturbation possible quant au calendrier de production. Dautre part, en restant en contact avec le travailleur (et souvent avec sa famille), le service facilite son retour au travail.
Pour faciliter ladaptation du travail aux travailleurs et améliorer les conditions et le milieu de travail, les services de santé au travail devraient donner à lemployeur, ainsi quaux travailleurs et au comité de sécurité et dhygiène de lentreprise, des conseils sur les aspects concernant la santé au travail, lhygiène du travail et lergonomie. Ils peuvent ainsi recommander dapporter des modifications au poste de travail, à léquipement et au milieu de travail afin de permettre au travailleur daccomplir ses tâches efficacement et en toute sécurité. Pour cela, il peut être nécessaire de réduire la charge de travail physique dun travailleur âgé, de fournir un équipement spécial au travailleur ayant une déficience sensorielle ou locomotrice, ou dadapter léquipement ou les méthodes de travail aux dimensions anthropométriques du travailleur. Ces adaptations peuvent nêtre nécessaires que pour une période temporaire dans le cas de travailleurs en convalescence après un accident ou une maladie. Un certain nombre de pays ont adopté des dispositions légales exigeant des adaptations du lieu de travail.
Les services de santé au travail doivent faire des recommandations pour protéger les travailleurs vulnérables tels que ceux présentant des hypersensibilités, ou qui sont atteints de maladies chroniques ou de certaines incapacités. Il peut sagir daffecter ces travailleurs à un poste qui réduit au minimum les effets indésirables, de leur fournir un équipement spécial ou des dispositifs de protection, de leur prescrire des congés de maladie, etc. Ces recommandations doivent être applicables compte tenu des circonstances dans un lieu de travail particulier; ces travailleurs pourront par ailleurs être tenus de suivre une formation spéciale sur les méthodes de travail appropriées et lutilisation des moyens de protection individuelle.
Les services de santé au travail devraient contribuer activement à la diffusion de linformation pertinente et à lorganisation de léducation et de la formation en relation avec le travail.
La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, prévoient la participation des services de santé au travail à lélaboration et à la mise en uvre de programmes dinformation, déducation et de formation en matière de sécurité et de santé au travail à lintention du personnel de lentreprise. Ils devraient aussi participer à la formation progressive et continue de tous ceux qui, dans lentreprise, contribuent à la sécurité et à la santé au travail.
Les professionnels de la santé au travail peuvent aider à sensibiliser davantage les travailleurs aux risques professionnels auxquels ils sont exposés, discuter avec eux de ces risques et les conseiller sur les moyens de protéger leur santé, notamment sur les mesures de protection et lutilisation appropriée de léquipement de protection individuelle. Tout contact avec les travailleurs constitue une occasion de fournir des informations utiles et dencourager ladoption de comportements favorables à la santé sur les lieux de travail.
Les services de santé au travail devraient fournir toutes les informations nécessaires sur les risques professionnels présents dans lentreprise, ainsi que sur les normes de sécurité et dhygiène pertinentes pour la situation locale. Ces informations doivent être rédigées dans une langue compréhensible par les travailleurs et être diffusées régulièrement, en particulier lorsque de nouvelles substances ou de nouveaux équipements sont introduits ou que des changements sont apportés au milieu de travail.
Léducation et la formation peuvent jouer un rôle capital dans lamélioration des conditions et du milieu de travail. Les efforts visant à améliorer la sécurité, la santé et le bien-être au travail sont souvent considérablement limités par le manque de connaissances, de compétences techniques et de savoir-faire. Léducation et la formation dans certains domaines particuliers de la sécurité et de la santé au travail et des conditions de travail peuvent faciliter tant le diagnostic des problèmes que la mise en uvre des solutions et, donc, aider à surmonter ces obstacles.
Les conventions nos 155 et 161, et les recommandations qui les accompagnent, insistent sur limportance de léducation et de la formation dans lentreprise. La formation est en effet indispensable à lexécution des obligations tant de lemployeur que des travailleurs. Le premier est responsable de lorganisation de la formation maison en matière de sécurité et de santé au travail; les seconds et leurs représentants au sein de lentreprise doivent lui offrir toute leur collaboration en ce sens.
La formation en matière de sécurité et de santé au travail devrait faire partie intégrante de leffort général damélioration des conditions et du milieu de travail et les services de santé au travail devraient jouer un rôle important à cet égard. Cette formation devrait viser à résoudre les divers problèmes qui affectent le bien-être physique et mental des travailleurs et aborder les questions de ladaptation à la technologie et à léquipement, de lamélioration du milieu de travail, de lergonomie, de laménagement des horaires de travail, de lorganisation du travail, de la nature des tâches et du bien-être des travailleurs.
On a parfois tendance, notamment en Amérique du Nord, à confondre les programmes de promotion du mieux-être avec les programmes de santé au travail. Ces derniers sont essentiellement des programmes généraux de promotion de la santé qui peuvent comporter des éléments comme léducation à la santé, la gestion du stress et lévaluation des risques pour la santé et qui visent habituellement à modifier les habitudes dhygiène personnelle (comme labus dalcool et de drogues, le tabagisme, lalimentation et lexercice physique) en vue daméliorer létat de santé général des travailleurs et de réduire labsentéisme. Bien que ces programmes soient censés accroître la productivité et réduire les dépenses de santé, ils nont jamais été sérieusement évalués jusquà présent. Conçus comme des programmes de promotion de la santé, et fort valables à ce titre, ces programmes ne sont habituellement pas considérés comme des programmes de santé au travail, mais plutôt comme des services de santé publique dispensés sur les lieux de travail, car ils mettent avant tout laccent sur les habitudes dhygiène personnelle et non sur la protection des travailleurs contre les dangers présents au travail.
Il faudrait reconnaître que la mise en uvre de programmes de promotion de la santé contribue dans une large mesure à améliorer la santé des travailleurs dans lentreprise. Dans certains pays, la «promotion de la santé sur les lieux de travail» est considérée comme une discipline distincte, à part entière, et est assurée par des groupes de travailleurs de la santé totalement indépendants, autres que les professionnels de la santé au travail. Il faut alors que leurs activités soient coordonnées avec celles du service de santé au travail, qui pourra en évaluer la pertinence, la faisabilité et la persistance des effets. La participation du service de santé au travail à limplantation des programmes de promotion de la santé ne devrait pas nuire à lexécution de ses principales fonctions en tant que service de santé spécialisé créé pour protéger les travailleurs contre les expositions nocives et les conditions de travail malsaines sur les lieux de travail.
Dans certains pays (par exemple, les Pays-Bas, la Finlande), on a intégré les activités de promotion de la santé au travail aux services de santé au travail. Ces activités visent à promouvoir et à maintenir la capacité de travail des travailleurs en axant les mesures de prévention précoce et de promotion sur les travailleurs et leur santé, le milieu de travail et lorganisation du travail. Les résultats obtenus savèrent des plus positifs.
Il est important de consigner soigneusement toutes les consultations, évaluations, appréciations et enquêtes médicales pour les retrouver des années et même des décennies plus tard, que ce soit pour assurer le suivi des examens de santé ou à des fins juridiques ou de recherche.
La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, dispose que les services de santé au travail devraient consigner les données relatives à la santé dans des dossiers personnels et confidentiels de santé. Ces dossiers devraient comprendre, en outre, des informations sur les emplois tenus par les travailleurs, sur leur exposition aux risques professionnels inhérents à leur travail et sur les résultats de toute évaluation de leur exposition à ces risques. Les données personnelles relatives aux évaluations de santé ne devraient être communiquées à des tiers que si le travailleur intéressé y consent en toute connaissance de cause.
Les conditions et la durée de conservation des dossiers personnels de santé, les conditions de leur transfert et de leur communication, ainsi que les mesures requises pour préserver leur caractère confidentiel, notamment lorsque les informations quils contiennent sont informatisées, sont habituellement prescrites par la législation nationale ou par lautorité compétente, et régies par des directives déthique reconnues.
Selon la recommandation no 171, les services de santé au travail, en consultation avec les représentants des employeurs et des travailleurs, devraient, dans la mesure de leurs moyens, contribuer à la recherche en participant à des études conduites au niveau de lentreprise ou de la branche dactivité (par exemple, pour recueillir des données à des fins épidémiologiques ou participer à des programmes nationaux de recherche). Les médecins du travail participant à la mise en uvre de projets de recherche seront dès lors tenus de se conformer aux considérations éthiques quappliquent à ce genre de projets lAssociation médicale mondiale (AMM) et le Conseil des organisations internationales des sciences médicales (COISM). La recherche dans le milieu de travail fait parfois appel à des «volontaires» en bonne santé; le service de santé au travail doit alors fournir à ceux-ci toutes les informations nécessaires sur lobjet et la nature de la recherche. Chaque participant devrait donner son consentement personnel avant de participer au projet; un consentement collectif accordé par le syndicat des travailleurs de lentreprise ne suffit pas. Les travailleurs doivent se sentir libres de se retirer du projet à tout moment et le service de santé au travail devrait sassurer quils ne sont pas soumis à des pressions indues pour les inciter à y participer contre leur volonté.
Un service de santé au travail efficace doit nécessairement soccuper dactivités de communication diverses.
Le service de santé au travail fait partie intégrante de lappareil de production de lentreprise. Il doit coordonner étroitement ses activités avec celles des services dhygiène du travail, de sécurité au travail, déducation à la santé, de promotion de la santé et dautres services directement concernés par la santé des travailleurs, lorsque ces services fonctionnent séparément. Il doit en outre collaborer avec tous les services de lentreprise: administration du personnel, finances, relations avec les salariés, planification et conception, technique de la production, entretien des installations, etc. Rien ne devrait faire obstacle à la communication avec les autres services de lentreprise lorsquil sagit de la sécurité et de la santé des travailleurs. En même temps, le service de santé au travail devrait tenir compte des besoins et des contraintes de tous les autres services. Sil ne relève pas dun cadre supérieur, il doit bénéficier dun accès direct privilégié à la haute direction pour lui signaler tout cas où des recommandations importantes concernant la santé des travailleurs ne seraient pas dûment prises en considération.
Pour être efficace, le service de santé au travail doit avoir lappui de la direction de lentreprise, de lemployeur, des travailleurs et de leurs représentants. Les instruments de lOIT (OIT, 1981a; 1981b; 1985a; 1985b) demandent que lemployeur et les travailleurs coopèrent et participent à lorganisation et à la mise en uvre des services de santé au travail, sur une base équitable. Lemployeur devrait aider le service de santé au travail à atteindre ses objectifs, notamment:
Lorsquil faut mettre en place un programme spécial de santé au travail dans une entreprise, il est essentiel que lemployeur et le service de santé au travail collaborent à sa préparation, ainsi quà la rédaction du rapport dactivité.
Le but des services de santé au travail est de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs par la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Nombre des fonctions de ces services ne peuvent être exécutées sans la collaboration des travailleurs. Les instruments de lOIT recommandent aux travailleurs et à leurs organisations de coopérer avec les services de santé au travail et de les soutenir dans lexécution de leurs tâches (OIT, 1981a; 1981b; 1985a; 1985b). Ils peuvent le faire, en particulier:
Les instruments de lOIT recommandent une collaboration entre lemployeur et les travailleurs sur les questions de sécurité et de santé au travail (OIT, 1981a; 1981b; 1985a; 1985b). Cette collaboration se fait au sein du comité de sécurité et dhygiène composé de représentants des travailleurs et de lemployeur, qui constitue un lieu de rencontre pour discuter des questions concernant la santé et la sécurité au travail. La création de ce comité peut être prescrite par la législation ou par les conventions collectives dans les entreprises comptant cinquante travailleurs ou plus. Dans les petites entreprises, les fonctions de ce comité sont remplies en principe par des discussions moins formelles entre les délégués des travailleurs à la sécurité et lemployeur.
Le comité de sécurité et dhygiène exerce un large éventail de fonctions (OIT, 1981b), dont les suivantes:
Les directives récentes sur la pratique de la santé au travail insistent sur le principe de la participation des travailleurs aux décisions concernant leur sécurité et leur santé, ainsi quà celles portant sur les changements apportés aux emplois et aux milieux de travail, et sur les activités de sécurité et de santé. Ce principe veut aussi que les travailleurs aient accès à linformation sur les activités mises en uvre dans lentreprise concernant la sécurité et la santé au travail et sur tout risque potentiel pour la santé qui peut être présent sur les lieux de travail. En conséquence, les principes du «droit de savoir» et de la transparence ont été adoptés ou renforcés dans la législation de nombreux pays.
Les services de santé au travail devraient entretenir détroites relations avec les services et institutions extérieurs, notamment avec le système national de santé publique et avec les institutions et établissements locaux. Ce réseau de relations commence à léchelon des unités de soins de santé primaires et sétend jusquà celui des services spécialisés en établissement hospitalier, dont certains peuvent également fournir des services de santé au travail. Ces relations sont importantes lorsquil faut diriger des travailleurs vers des services de santé spécialisés pour les soumettre à une évaluation et à un traitement particuliers en raison dun accident du travail ou dune maladie professionnelle, de même que lorsquil faut trouver des moyens datténuer les éventuels effets indésirables sur lassiduité et le rendement au travail des problèmes de santé non liés au travail. La collaboration avec les services de santé publique et les services dhygiène du milieu est aussi importante. En invitant les omnipraticiens et autres professionnels de la santé à visiter les services de santé au travail et à se familiariser avec les contraintes auxquelles sont soumis leurs patients à leur poste de travail ou avec les dangers auxquels ils sont exposés, on peut non seulement favoriser létablissement de relations amicales, mais sensibiliser aussi ces professionnels à certains aspects particuliers des problèmes de santé au travail dont ils ne tiendraient ordinairement pas compte dans le cadre des soins de santé généraux quils dispensent aux travailleurs.
Les établissements de réadaptation travaillent souvent en collaboration avec les services de santé au travail, notamment dans le cas de travailleurs atteints de handicaps ou dincapacités chroniques dont la capacité de travail ne peut parfois être maintenue ou améliorée quau moyen de mesures spéciales. Cette collaboration est particulièrement importante lorsquil sagit de recommander des modifications temporaires du poste de travail pour accélérer et faciliter le retour au travail des personnes relevant de lésions ou de maladies graves, dorigine professionnelle ou non.
Par ailleurs, les organismes dintervention en cas durgence et les prestataires de premiers secours, comme les services ambulanciers, les services de consultations externes et de soins durgence des hôpitaux, les centres antipoison, les services de police et de lutte contre lincendie et les organisations de protection civile, peuvent assurer le traitement rapide des lésions et maladies aiguës, aider à prévenir les situations durgence majeure et contribuer à y faire face.
Létablissement de liens appropriés avec les institutions de sécurité sociale et dassurance santé peut faciliter ladministration des prestations et le fonctionnement du système de réparation des accidents du travail.
Les autorités compétentes en matière de sécurité et de santé et les services dinspection du travail sont également des partenaires clés des services de santé au travail. Outre quil permet daccélérer les inspections systématiques, le maintien de relations appropriées avec ces instances peut faciliter les activités internes de sécurité et de santé au travail et donner des occasions de participer à la formulation de règlements et de méthodes dapplication.
Lappartenance à des sociétés professionnelles et la participation aux activités des établissements déducation et de formation et des universités représentent un atout pour organiser léducation continue des membres du personnel soccupant de santé au travail. Idéalement, les dépenses en temps et en argent consacrées à ces activités devraient être aux frais de lentreprise. De surcroît, les contacts établis dans les établissements denseignement avec des professionnels de la santé au travail uvrant dans dautres entreprises permettent dobtenir des informations et des idées précieuses et peuvent conduire à des partenariats avantageux pour la collecte de données et la recherche.
Les types de collaboration décrits ci-dessus devraient être amorcés dès la création du service de santé au travail, se poursuivre et sétendre au besoin. Ils peuvent en effet non seulement aider le service à atteindre ses objectifs, mais aussi faciliter les activités de relations publiques et les actions locales de lentreprise.
Linfrastructure pour la prestation des services de santé au travail nest pas assez développée dans la plupart des régions du monde, y compris dans les pays industriels et en développement. Les besoins à cet égard sont particulièrement criants dans les pays en développement et dans les nouveaux pays industriels, où vivent 80% des travailleurs de la planète. Sils étaient organisés de façon convenable et efficace, ces services contribueraient pour beaucoup non seulement à la santé des travailleurs, mais aussi au développement socio-économique général, à la productivité, à lhygiène du milieu et au bien-être des pays, des collectivités et des familles (OMS, 1995b; Jeyaratnam et Chia, 1994). Ils permettraient aussi de diminuer labsentéisme pour maladie et les incapacités de travail évitables, tout en contenant les coûts des soins de santé et de sécurité sociale. La mise en place de services de santé au travail couvrant tous les travailleurs est donc tout à fait justifiée tant du point de vue de la santé des travailleurs que de celui de léconomie.
Linfrastructure pour la prestation des services de santé au travail devrait contribuer à mettre efficacement en uvre les activités nécessaires pour atteindre les objectifs de ces services (OIT, 1985a; 1985b; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994; OMS, 1989b). Pour conférer la latitude voulue, larticle 7 de la convention no 161 de lOIT dispose que les services de santé au travail peuvent être organisés, selon le cas, soit en tant que services desservant une seule entreprise, soit en tant que services desservant plusieurs entreprises. Ou, conformément aux conditions et à la pratique nationales, ils peuvent être organisés par les entreprises ou groupes dentreprises intéressés, les pouvoirs publics ou les services officiels, les institutions de sécurité sociale, tout autre organisme habilité par lautorité compétente, ou toute combinaison des formules précédentes.
Dans certains pays, des règlements définissent lorganisation des services de santé au travail en fonction de la taille de lentreprise. Par exemple, les grandes entreprises sont tenues de mettre en place leur propre service interne de santé au travail, et les petites et moyennes, de se joindre à des services interentreprises. En règle générale, la législation est souple quant au choix du modèle structurel des services de santé au travail de façon à favoriser ladaptation aux conditions et aux pratiques locales.
Pour répondre aux besoins des entreprises en matière de santé au travail, besoins qui varient grandement selon le type dindustrie, lampleur des opérations, le genre dactivité, la structure de lentreprise, etc., plusieurs modèles de services ont été mis au point (Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994; OMS, 1989). Dans les pays en développement et les nouveaux pays industriels, par exemple, où les soins de santé dispensés à lensemble de la population sont parfois déficients, les services de santé au travail peuvent fournir aux salariés et à leur famille des soins de santé primaires non liés au travail. Ce modèle a également été adopté avec succès en Finlande, en Suède et en Italie (Rantanen, 1990; OMS, 1990). Les travailleurs finlandais doivent par ailleurs létendue de la protection qui leur est offerte à la création de centres de santé municipaux qui fournissent des services de santé au travail aux travailleurs des petites entreprises, aux travailleurs indépendants et même à ceux des petits ateliers exploités par les grandes entreprises aux quatre coins du pays.
De nombreuses entreprises industrielles et non industrielles des secteurs public et privé ont mis sur pied, sur les lieux de travail, un service intégré et complet de santé au travail qui offre non seulement un éventail complet de services dans son domaine de spécialisation, mais aussi parfois dautres types de services de santé aux travailleurs et à leur famille; certains font même de la recherche. Ces services sont habituellement dotés dun personnel multidisciplinaire pouvant compter aussi bien des médecins et du personnel infirmier du travail que des hygiénistes du travail, des ergonomistes, des toxicologues, des physiologistes du travail, des techniciens de laboratoire et des techniciens en radiologie et, même, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des éducateurs sanitaires, des conseillers et des psychologues du travail. Des services de sécurité et dhygiène du travail peuvent aussi être dispensés par le personnel leur appartenant ou par des unités distinctes au sein de lentreprise. En général, seules les grandes entreprises (souvent multinationales) peuvent se permettre ce genre dunités multidisciplinaires, dont la qualité des services et limpact sur la santé et la sécurité sont des plus probants.
Les entreprises de moindre importance ont parfois elles aussi des services internes dotés de personnel infirmier dentreprise et dun médecin du travail à temps partiel, qui effectue ses visites dans le service soit plusieurs heures par jour, soit plusieurs fois par semaine. Une variante est lunité dotée de personnel infirmier dentreprise et dun médecin qui fournit des services «sur demande», ne vient quen cas de besoin et donne habituellement des «consignes permanentes» autorisant le personnel infirmier à effectuer certaines interventions et à délivrer des médicaments, procédures qui sont normalement la prérogative exclusive des médecins agréés. Dans certains cas, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ces services sont exploités et supervisés par un organisme extérieur, comme un hôpital local ou une entreprise privée.
Pour diverses raisons, les services de santé au travail séloignent parfois de plus en plus de la structure opérationnelle centrale de lentreprise, si bien que la gamme des services quils offrent finit par se limiter aux premiers soins et au traitement des lésions et des maladies professionnelles aiguës, ainsi quaux examens médicaux de routine. Souvent, les médecins à temps partiel, et en particulier les médecins sur appel, connaissent mal les caractéristiques du milieu de travail ou des tâches effectuées, nont que des contacts superficiels avec les dirigeants et le comité de sécurité, ou nont pas assez dautorité pour recommander les mesures de prévention appropriées et pour les faire respecter.
Dans le cadre des compressions deffectifs effectuées en période de récession, certaines grandes entreprises réduisent leurs services de santé au travail et, dans certains cas, les éliminent carrément. Cest le cas notamment lorsquune entreprise possédant un service de santé au travail est acquise par une autre qui nen avait pas. Lentreprise peut alors faire appel à des ressources externes pour gérer le service interne et recourir, au besoin, à des consultants pour offrir des services spécialisés tels que des services dhygiène du travail, de toxicologie et de prévention technique. Certaines entreprises choisissent de conserver un spécialiste de la santé au travail et de lhygiène du milieu qui, à titre de directeur médical interne, coordonne les services offerts par les prestataires externes, évalue la performance de ceux-ci et conseille la direction sur les questions concernant la sécurité et la santé des salariés et les problèmes environnementaux.
La mise en commun des services de santé au travail par des groupes de petites ou moyennes entreprises est fréquente dans certains pays industriels comme la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède. Les entreprises trop petites pour avoir leur propre service peuvent ainsi profiter des avantages dun service bien doté, bien équipé et complet. Le Plan Slough, organisé il y a plusieurs décennies dans une communauté industrielle au Royaume-Uni, a été un pionnier du genre. Dans les années quatre-vingt, diverses expériences intéressantes menées en Suède, qui faisaient appel à des centres régionaux de santé au travail, se sont révélées faisables et particulièrement utiles pour les entreprises de taille moyenne; certains pays, comme le Danemark, se sont efforcés daccroître la taille des unités partagées pour leur permettre doffrir une gamme de services plus vaste au lieu de les diviser en unités monodisciplinaires plus petites.
Un inconvénient fréquent de ces services de groupe par rap-port aux services internes des grandes entreprises tient à la distance qui les sépare des lieux de travail. Cet aspect est important non seulement lorsquil faut administrer les premiers soins dans les cas daccidents graves (il est dailleurs parfois plus prudent denvoyer ces cas directement à lhôpital local sans passer par le service de santé au travail), mais aussi parce que le travailleur perd habituellement davantage de temps lorsquil doit quitter les lieux pour se faire soigner pendant les heures de travail. La formule présente aussi des difficultés lorsque les entreprises participantes ne sont pas en mesure dapporter une contribution financière suffisante pour assurer le fonctionnement du service, qui est alors contraint de fermer dès que la subvention de démarrage qua pu offrir le gouvernement ou une fondation privée nest plus renouvelée.
Lutilisation conjointe dun service de santé au travail par plusieurs entreprises de la même branche dactivité est une variante du modèle interentreprises. Les secteurs de la construction, de lalimentation, de lagriculture, des banques et des assurances ont adopté cette formule en Europe, notamment en France, aux Pays-Bas et en Suède. Lavantage de ce modèle est de permettre aux services de santé au travail de concentrer leurs activités sur un secteur particulier et dacquérir ainsi une compétence spéciale dans la prise en charge de ses problèmes. Un modèle de ce genre, adopté dans le secteur de la construction en Suède, offre des services multidisciplinaires de pointe de grande qualité dans tout le pays et a même été en mesure deffectuer des recherches et délaborer des programmes portant sur les problèmes propres à ce secteur.
Les unités de consultation externe et de soins durgence des hôpitaux ont toujours offert des services aux travailleurs blessés ou malades qui viennent sy faire soigner. Un inconvénient notoire de cette formule vient du fait que le personnel hospitalier et les médecins ont une connaissance sommaire des maladies professionnelles. Dans certains cas, comme mentionné plus haut, les services de santé au travail ont pris des dispositions avec les hôpitaux locaux pour fournir certains services spécialisés et combler les lacunes soit en collaborant aux soins, soit en offrant au personnel hospitalier une formation concernant le genre de cas susceptibles de lui être envoyés.
Certains hôpitaux ont mis en place récemment des unités ou des services spéciaux de santé au travail qui supportent avantageusement la comparaison avec les services internes ou interentreprises décrits ci-dessus. Ces services sont dotés de médecins spécialisés en santé du travail et qui font parfois des recherches sur le type de problèmes qui leur sont soumis. La Suède, par exemple, compte huit centres régionaux de médecine du travail, dont plusieurs sont rattachés à une université ou à une faculté de médecine et qui offrent des services aux entreprises de plusieurs secteurs. Plusieurs de ces centres possèdent une unité spéciale qui dessert les petites entreprises.
Une différence importante entre les services de groupe et les services offerts en milieu hospitalier tient au fait que les premiers appartiennent habituellement aux entreprises participantes, qui décident de leur mode de fonctionnement, alors que les seconds sont des polycliniques privées ou publiques qui ont, avec les entreprises clientes, un rapport de prestataire à bénéficiaire. Cela limite, par exemple, linfluence que peuvent avoir la participation et la collaboration employeurs-travailleurs sur le fonctionnement de lunité.
Le dispensaire privé est habituellement mis sur pied par un groupe de médecins (il peut aussi lêtre par une entreprise privée qui emploie des médecins) en vue doffrir plusieurs types de services de santé en consultation externe et, parfois, en établissement. Les grands dispensaires, souvent dotés dun personnel multidisciplinaire, peuvent offrir des services dhygiène du travail et de physiothérapie, alors que les petits ne fournissent en général que des services médicaux. Comme dans le modèle des services hospitaliers de consultation externe, la relation de type prestataire-client établie avec les entreprises participantes peut nuire à lapplication du principe de la participation de lemployeur et des travailleurs à lélaboration des politiques et des procédures.
Dans certains pays, les dispensaires ont été critiqués parce quils mettaient trop laccent sur les services cliniques curatifs offerts par des médecins. Ces critiques sont justifiées dans le cas des petits dispensaires où les services sont fournis par des omnipraticiens au lieu de lêtre par des professionnels de la santé ayant de lexpérience en matière de santé au travail.
Les unités de soins de santé primaires, habituellement mises sur pied par les autorités municipales ou dautres instances locales, ou par le système de santé national, fournissent généralement des services de prévention et des soins de santé primaires. Cest le modèle que prône lOMS pour offrir des services aux petites entreprises et, en particulier, aux entreprises agricoles, au secteur informel et aux travailleurs indépendants. Comme les généralistes et le personnel infirmier ne possèdent en général ni spécialisation ni expérience en matière de santé au travail, le succès de la formule dépend beaucoup de la formation à la santé au travail et à la médecine du travail qui peut être donnée aux professionnels de la santé.
Le modèle a lavantage de bien couvrir le pays où il est en vigueur et dêtre implanté au sein même des communautés où vivent et travaillent les gens quil dessert. Cest certes là un avantage incontestable pour toucher les travailleurs agricoles et les travailleurs indépendants.
En revanche, lune de ses faiblesses est de mettre laccent sur les soins curatifs généraux et le traitement des cas durgence et de ne guère être en mesure dexercer une surveillance du milieu de travail et dinstituer les mesures de prévention nécessaires sur les lieux de travail. Lexpérience de la Finlande, où de très grandes unités de soins de santé primaires dotées déquipes de spécialistes chevronnés offrent des services de santé au travail, est toutefois très positive. De nouveaux modèles fort intéressants de services de santé au travail fournis par des unités de soins de santé primaires ont été mis à lessai dans la région de Shanghai (Chine).
En Espagne, en Israël, au Mexique et dans certains pays africains, par exemple, les services de santé au travail sont fournis par des unités spéciales mises sur pied et administrées par le système de sécurité sociale. Si, en Israël, ces services ont une structure et un mode de fonctionnement essentiellement similaires à ceux du modèle interentreprises, ailleurs, ils sont habituellement axés davantage sur les soins curatifs. Ce modèle a comme caractéristique particulière dêtre exploité par lorganisme responsable de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il fournit certes des services de soins curatifs et de réadaptation, mais laccent quil met sur la maîtrise des coûts de la sécurité sociale la amené à accorder la priorité aux services préventifs.
La décision de mettre ou non en place un service de santé au travail peut découler dune loi, dun contrat entre la direction et le personnel, ou de lintérêt de la direction pour la sécurité et la santé de ses salariés. Un grand nombre dentreprises sont favorables à linstauration de ce genre de service, conscientes que cela ne peut que les aider à maintenir leur appareil de production; dautres optent pour ces services en se fondant sur diverses considérations dordre économique, comme la maîtrise des coûts de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, de labsentéisme pour maladie et des incapacités évitables, des retraites anticipées pour raison de santé, des pénalités réglementaires, des litiges, etc.
Le choix du modèle de service de santé au travail peut être dicté par des lois ou règlements, qui peuvent être de nature générale ou sappliquer uniquement à certaines branches dactivité. Cest généralement le cas du modèle de la sécurité sociale, imposé aux entreprises clientes.
Dans la plupart des cas, le choix est déterminé par des facteurs comme la taille des effectifs et leurs caractéristiques démographiques, le type de travail effectué et les risques présents sur les lieux de travail, lemplacement du ou des lieu(x) de travail, le type et la qualité des services de santé offerts sur le plan local et, ce qui compte peut-être le plus, la richesse de lentreprise et sa capacité de fournir laide financière nécessaire. Il arrive quune entreprise mette dabord en place une unité minimale et lagrandisse par la suite, une fois démontrées sa valeur et sa popularité parmi les travailleurs. Seules quelques études comparatives ont été effectuées à ce jour sur le fonctionnement des divers modèles de services de santé au travail dans différentes situations.
Les directives et instruments internationaux recommandent fortement dintégrer les services dhygiène du travail au sein dun service multidisciplinaire de santé au travail. Dans certains pays, toutefois, lhygiène du travail relève par tradition de services distincts et autonomes. Dans ces circonstances, la collaboration avec les autres services soccupant de sécurité et de santé au travail simpose donc.
Les services de sécurité constituent traditionnellement une activité distincte relevant soit dagents de sécurité ou dingénieurs de sécurité salariés de lentreprise (OIT, 1981a; Bird et Germain, 1990), soit dun type quelconque daccord de consultation. Dans les services de sécurité internes, lagent de sécurité est souvent aussi le principal responsable de la sécurité dans lentreprise et représente lemployeur à ce titre. Encore une fois, la tendance moderne est dintégrer la sécurité au service de santé au travail et dhygiène du travail et aux autres services participant aux activités de santé au travail, afin de constituer une seule entité multidisciplinaire.
Lorsque les activités de sécurité sont effectuées parallèlement à celles de la santé au travail et de lhygiène du travail, la collaboration simpose, particulièrement pour ce qui a trait à lidentification des risques daccident, à lévaluation des risques, à la planification et à limplantation des mesures de prévention et de contrôle, à léducation et à la formation des dirigeants, des contremaîtres et des travailleurs, à la compilation, à la tenue et à lenregistrement des dossiers daccidents et à la mise en uvre de toute mesure de prévention adoptée.
Dans le passé, seul un médecin du travail, ou encore un médecin et une infirmière auxquels se joignait parfois un hygiéniste du travail, composaient le personnel de base du service de santé au travail. Toutefois, en vertu des récentes dispositions dans ce domaine, la composition du personnel doit, dans la mesure du possible, être multidisciplinaire. On peut élargir le personnel et constituer une équipe multidisciplinaire complète, selon le type de service, la nature de lactivité et le genre de travail exécuté, la facilité daccès aux divers spécialistes ou à des programmes pour assurer la formation de ce personnel, ainsi que lampleur des ressources financières disponibles. Les fonctions supplémentaires qui ne sont pas remplies par des membres du personnel peuvent être confiées à des services de soutien extérieurs (OMS, 1989a; 1989b). On aura recours, par exemple, à des ingénieurs de sécurité, à des spécialistes de la santé mentale (psychologues, conseillers), à des physiologistes du travail, à des ergonomes, à des physiothérapeutes, à des toxicologues, à des épidémiologistes et à des éducateurs sanitaires. Il est rare que ces spécialistes fassent partie du personnel à plein temps du service de santé au travail: ils occupent en général un poste à temps partiel ou sont consultés selon les besoins (Rantanen, 1990).
Les besoins quantitatifs en personnel dun service de santé au travail varient considérablement, en fonction des services quil dispense, de lentreprise en cause et du mode dorganisation, ainsi que de la facilité daccès aux services de soutien ou aux services parallèles; il est par conséquent difficile de déterminer avec précision leffectif nécessaire (Rantanen, 1990; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994). Ainsi, il faudra moins de personnel pour répondre aux besoins de 3 000 travailleurs dune grande entreprise, regroupés au même endroit, que pour offrir la même gamme de services dans 300 lieux de travail comptant chacun 10 salariés. Il semble toutefois quactuellement, en Europe, la proportion habituelle est de un médecin et deux infirmières pour 2 000 à 3 000 travailleurs. Ce pourcentage peut varier considérablement, allant de 1 pour 500 à 1 pour 5 000. Dans certains pays, cest lemployeur qui prend les décisions relatives à la dotation en personnel du service de santé au travail, en fonction de la nature et du volume des services offerts, tandis que dans dautres pays la législation prescrit leffectif et la composition du personnel de santé au travail. Aux Pays-Bas, par exemple, des dispositions législatives prévoient que léquipe de santé au travail doit comprendre au moins un médecin, un hygiéniste, un ingénieur de sécurité et un spécialiste des relations du travail (Arrêté ministériel sur lagrément des services de sécurité et de santé au travail et les compétences techniques requises pour ces services, 1993).
De nombreux pays ont élaboré des critères de compétence officiels ou semi-officiels visant les médecins et le personnel infirmier du travail, mais aucun critère na été établi pour les autres professions. Selon les nouveaux principes de lUnion européenne, tous les spécialistes de la santé au travail doivent avoir des compétences reconnues, et certains pays ont mis en place des systèmes dagrément à cet effet (CCE, 1989; Arrêté ministériel sur lagrément des services de sécurité et de santé au travail et les compétences techniques requises pour ces services, 1993).
Mis à part les programmes destinés aux médecins et au personnel infirmier du travail et, dans certains pays, aux hygiénistes du travail, il nexiste guère de programmes de formation à lintention des spécialistes de la santé au travail (Rantanen, 1990). On a encouragé lélaboration de programmes détudes pour toutes les catégories de spécialistes et à tous les niveaux, quil sagisse de formation de base, détudes universitaires supérieures ou déducation permanente. On estime en outre quil serait bon dinclure des éléments de formation à la santé au travail dans lenseignement de base, non seulement dans les écoles de médecine, mais aussi dans dautres établissements, tels que les universités techniques, les facultés de sciences, etc. Outre les connaissances scientifiques de base nécessaires à la pratique de la santé au travail, lenseignement devrait mettre laccent sur les attitudes orientées vers la protection de la santé des travailleurs. On devrait faire appel, pour la formation, à une approche multidisciplinaire. Il convient en outre doffrir cette formation en collaboration avec les autorités compétentes et les employeurs.
Il importe également de reconnaître lapport particulier de chacun des spécialistes de la santé au travail, en respectant un juste équilibre entre les diverses disciplines. Le renforcement de leur indépendance professionnelle aiderait ces spécialistes à sacquitter efficacement de leurs fonctions et pourrait aussi inciter dautres professionnels de la santé à envisager une carrière à long terme dans ce domaine. Il importe de restructurer les programmes de formation au moment où les pays établissent de nouveaux critères dévaluation de la compétence et dagrément pour les spécialistes de la santé au travail.
La plupart des entreprises ne peuvent se doter du service multidisciplinaire complet de santé au travail nécessaire à lexécution de leurs programmes de sécurité et de santé au travail. Pour compléter les services de base quil fournit à lentreprise, le service de santé au travail peut lui-même avoir besoin davis techniques, notamment dans les domaines suivants (Kroon et Overeynder, 1991; CCE, 1989; Rantanen, Lehtinen et Mikheev, 1994):
Les pays ont abordé de diverses manières lorganisation de ces services. En Finlande, par exemple, un institut de la santé au travail, appuyé par six bureaux régionaux, offre son expertise aux services de santé au travail. La plupart des pays industriels se sont dotés dun tel institut national ou dune structure analogue, qui sont principalement chargés deffectuer de la recherche et doffrir de la formation, de linformation et des conseils; ces services sont rares dans les pays en développement. En labsence dun tel institut, ces services peuvent être fournis par les groupes de recherche des universités, les organismes de sécurité sociale, les systèmes de santé nationaux, les autorités gouvernementales chargées de la sécurité et de la santé au travail et des conseillers du secteur privé.
Daprès lexpérience des pays industriels, il est utile de mettre sur pied, dans chaque pays en voie dindustrialisation et de développement, un centre expressément consacré à la recherche-développement dans le domaine de la santé au travail, qui peut:
Lorsquun institut nest pas en mesure de fournir tous les services voulus, il doit parfois établir des liens avec plusieurs unités de soutien, par exemple des universités, des établissements de recherche et dautres organisations analogues.
Suivant les instruments de lOIT, cest à lemployeur quil incombe au premier chef de financer les services de sécurité et de santé au travail, sans frais pour les travailleurs. Dans certains pays, cependant, ces principes ont été modifiés. La prestation des services de santé au travail, par exemple, peut être en grande partie subventionnée par le régime de sécurité sociale. La Finlande en est un bon exemple; dans ce pays, il incombe principalement à lemployeur de financer le service, mais 50% des coûts lui sont ensuite remboursés par les services de sécurité sociale, à condition quil respecte les règlements relatifs à la sécurité et à la santé au travail et que le comité de sécurité et dhygiène de lentreprise confirme que les services ont été dispensés de façon satisfaisante.
Des mécanismes nationaux analogues de remboursement existent dans la plupart des pays. Lorsque ce sont les centres médicaux sociaux qui dispensent les services de santé au travail, les coûts de démarrage pour les installations, le matériel et le personnel sont payés par la collectivité locale, mais ce sont les cotisations versées par les employeurs et les travailleurs indépendants qui couvrent les coûts de fonctionnement.
Les mécanismes de remboursement ou de subvention visent à accroître la disponibilité des services pour les entreprises dont le budget est restreint, en particulier les petites entreprises, qui disposent rarement des ressources voulues. Lexpérience de la Suède, dans les années quatre-vingt, démontre lefficacité dun tel système. Le gouvernement a généreusement subventionné les services de santé au travail des entreprises en général et, en particulier, des petites entreprises, ce qui a fait grimper la proportion de travailleurs couverts, laquelle est passée de 60 à plus de 80%.
Le service de santé au travail doit évaluer de façon continue, pour sa propre information, ses objectifs, ses activités et les résultats obtenus en ce qui concerne la protection de la santé des travailleurs et lamélioration du milieu de travail. De nombreuses entreprises prévoient des vérifications périodiques indépendantes, effectuées par des spécialistes de lentreprise ou par des conseillers de lextérieur. Des mécanismes publics ou privés de renouvellement périodique de lagrément, reposant sur des protocoles officiels de vérification, ont été mis en place dans certains pays. Dans quelques entreprises, des enquêtes menées régulièrement auprès des employés permettent dobtenir de précieux renseignements sur le point de vue des salariés concernant le service de santé au travail et leur satisfaction à légard des prestations quil offre. Ces enquêtes ne présentent toutefois un véritable intérêt que si les salariés participants sont informés des résultats et ont tout lieu de croire que lon prendra les mesures voulues pour régler les problèmes mis en évidence.
Bon nombre de pays industriels (par exemple, la Finlande et les Pays-Bas) ont commencé à appliquer les normes ISO 9000 à lélaboration de systèmes qualité pour les services de santé en général, ainsi que pour les services de santé au travail. Cette approche est dautant plus intéressante que de nombreuses entreprises clientes appliquent déjà ces normes à leurs procédés de fabrication. Certaines dentre elles qui ont étendu lapplication du concept de «gestion de la qualité totale» (aussi appelé «amélioration continue de la qualité») à leurs services de santé au travail dans lensemble de leurs établissements ont indiqué que lexpérience avait été profitable et avait permis daméliorer la qualité et le fonctionnement des services.
Concrètement, lapplication dun programme damélioration continue de la qualité signifie que chaque service ou unité de lentreprise procède à lanalyse de ses fonctions et de sa performance et apporte les corrections nécessaires pour atteindre une qualité optimale. Le service de santé au travail doit non seulement être disposé à participer à cet exercice, mais aussi sassurer que les questions concernant la sécurité et la santé des travailleurs sont prises en considération.
Lévaluation de la qualité des services de santé au travail sert à la fois les intérêts des employeurs, des travailleurs et des autorités compétentes, mais aussi ceux des prestataires de ces services. Plusieurs mécanismes dévaluation ont été mis au point dans un certain nombre de pays. En pratique, lauto-évaluation par le personnel du service de santé au travail semble être la méthode la plus commode, en particulier sil existe un comité de sécurité et dhygiène qui examine les résultats de lévaluation.
Les aspects économiques des services de sécurité et de santé au travail et lévaluation de leur efficacité par rapport au coût retiennent de plus en plus lattention, mais, à ce jour, peu détudes ont été réalisées à ce sujet.
La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, invitent les pays à établir progressivement des services de santé au travail pour tous les travailleurs, y compris ceux du secteur public et les membres des coopératives de production, dans toutes les branches dactivité économiques et toutes les entreprises. Certains pays ont déjà mis en place des services bien organisés, conformément aux exigences de leur législation.
Lorsque des services sont déjà en place, il existe trois stratégies pour les développer: élargir lensemble des activités, de manière à couvrir un plus grand nombre dentreprises et de travailleurs; enrichir le contenu des services de santé au travail qui noffrent que des services de base; élargir progressivement aussi bien le contenu que la couverture des services.
La question des activités minimales qui doivent être exécutées par le service de santé au travail a fait lobjet de débats. Dans certains pays, ces activités se bornent à des examens de santé pratiqués par des médecins spécialement autorisés. En 1989, la Consultation sur les services de santé des travailleurs de lOMS (OMS, 1989b) a proposé que les activités de base suivantes soient considérées comme un minimum:
En pratique, un nombre considérable dentreprises dans le monde ont été dans limpossibilité jusquici doffrir des services à leurs travailleurs. Un programme national pourrait donc, dans un premier temps, se contenter détablir des services de santé au travail fournissant ces activités de base aux personnes qui en ont le plus besoin.
Lessor futur des services de santé au travail sera fonction dun certain nombre de facteurs, liés aussi bien au monde du travail quaux économies et aux politiques nationales. Dans les pays industriels, les tendances les plus déterminantes sont le vieillissement de la population active, laugmentation du travail atypique et des horaires de travail irréguliers, le travail à distance (télétravail), la mobilité des lieux de travail et laugmentation constante du nombre de petites entreprises et de travailleurs indépendants. On assiste à lapparition de technologies inédites, de substances et de matières nouvelles; des formes dorganisation du travail, jusquici inconnues, voient également le jour. Des pressions sexercent pour accroître simultanément la productivité et la qualité, doù la nécessité de maintenir une forte motivation chez les travailleurs pour les préparer à faire face aux changements accélérés et à lobligation croissante dapprendre des pratiques et des méthodes de travail nouvelles.
Les mesures visant à réduire les risques professionnels courants ont donné de bons résultats, en particulier dans les pays industriels, mais il ne faudrait pas croire quelles permettront de les éliminer complètement dans un proche avenir: ces risques seront toujours une menace pour les travailleurs, même si cest pour un moins grand nombre dentre eux. Les problèmes psychologiques et psychosociaux sont en passe de devenir des risques professionnels importants. La globalisation de léconomie, la régionalisation et lessor des économies mondialisées et des entreprises multinationales contribuent à créer une population active mobile à léchelle de la planète et favorisent lexportation des risques professionnels vers des régions où les règlements et les exigences en matière de sécurité sont insuffisants, voire inexistants.
Cest pour relever ces défis nouveaux quen octobre 1994 les participants à la deuxième réunion des Centres collaborateurs de lOMS pour la santé au travail (réseau qui regroupe 52 instituts nationaux de santé au travail) ont élaboré la Stratégie mondiale de lOMS pour la santé au travail pour tous, qui revêt une importance particulière pour le développement futur de la pratique de la santé au travail. Dans ce contexte, voici les nouveaux paris quil faudra tenir dans lavenir:
En résumé, les services de santé au travail devront relever des défis de taille au cours de la prochaine décennie et au-delà et, en outre, subir les pressions économiques, politiques et sociales inhérentes à des contextes nationaux et professionnels en mutation. Au nombre de ces défis figurent les problèmes de santé au travail découlant des technologies modernes de linformation et de lautomatisation, des nouvelles substances chimiques et des nouvelles formes dénergie physique; citons encore les risques associés aux biotechnologies, à la délocalisation et au transfert international de technologies dangereuses, le vieillissement de la population active, les problèmes particuliers des groupes vulnérables, comme les malades chroniques et les personnes handicapées, le chômage et les réinstallations imposées par la recherche dun emploi, ainsi que lapparition de maladies inconnues jusqualors et, de ce fait, non diagnostiquées, qui peuvent porter atteinte à la santé de la population active.
Les infrastructures en matière de santé au travail ne sont pas suffisamment développées pour répondre aux besoins des travailleurs dans toutes les régions du monde. Les attentes dans ce domaine ne diminuent pas, bien au contraire. Les instruments de lOIT sur les services de santé au travail et les stratégies parallèles de lOMS constituent une bonne base pour un développement denvergure des services de santé au travail: chaque pays devrait sen inspirer lorsquil fixe ses orientations en vue dassurer la santé et la sécurité des travailleurs sur son territoire.
Environ huit travailleurs sur dix dans le monde habitent des pays en développement ou des nouveaux pays industriels, et moins de 5 à 10% de cette population active a accès à des services de santé au travail convenables. Dans de nombreux pays industriels, cette proportion ne dépasse guère 20 à 50%. Si ces services pouvaient être organisés et mis à la disposition de tous les travailleurs, cela permettrait non seulement daméliorer la santé de ces derniers, mais aussi dinfluer favorablement sur le bien-être et la situation économique des pays, de leurs collectivités et de lensemble de leur population. Cela contribuerait en outre à contenir les coûts de labsentéisme pour maladie et des incapacités évitables, et à freiner lescalade des coûts des soins de santé et de sécurité sociale.
Il existe des principes directeurs internationaux pour la mise en place de politiques et de programmes efficaces en matière de santé au travail, mais leur application à léchelle nationale et locale laisse à désirer. Il convient dencourager les pays à collaborer entre eux et avec les organisations internationales de manière à disposer du soutien financier, technique et professionnel voulu pour élargir laccès aux services de santé au travail.
La gamme et le nombre de services de santé au travail dont une entreprise a besoin varient considérablement, en fonction des conditions nationales et locales, de la nature de lactivité et des procédés et matières utilisés, ainsi que des caractéristiques de la main-duvre. Il importe daccorder une importance hautement prioritaire aux services préventifs et de garantir un niveau de qualité acceptable.
On peut sinspirer dun vaste éventail de modèles pour lorganisation des services de santé au travail et la création des infrastructures connexes. Le choix devrait être guidé par les caractéristiques de lentreprise, les ressources disponibles (ressources financières, installations, personnel qualifié), la nature des problèmes prévus et les services existants dans la collectivité. Des recherches devraient être effectuées afin dévaluer la compatibilité des divers modèles avec différentes situations.
Pour dispenser des services de santé au travail de grande qualité, il faut souvent mettre à contribution de nombreuses disciplines touchant la sécurité et la santé au travail, la santé en général et les aspects psychosociaux. Le service idéal fait appel à une équipe multidisciplinaire, où un certain nombre de ces spécialités sont représentées. Toutefois, même un tel service doit se tourner vers des spécialistes de lextérieur lorsque ces derniers ne sont requis quen de rares circonstances. Afin de combler les besoins grandissants dans ce domaine, il y a lieu de recruter et de former un nombre suffisant de personnes et de leur permettre dacquérir les compétences voulues pour sacquitter efficacement de leurs fonctions dans le monde du travail. Il convient de favoriser la collaboration internationale pour que linformation disponible soit recueillie puis appliquée en fonction de circonstances données, et dencourager vivement la diffusion de cette information par le biais des réseaux déjà établis.
Jusquà présent, les activités de recherche en matière de santé au travail ont été axées sur des domaines tels que la toxicologie, lépidémiologie, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé. Il y a lieu deffectuer de plus amples recherches sur lefficacité des divers modèles et mécanismes de prestation des services de santé au travail, sur leur rentabilité et leur adaptabilité aux différents contextes.
Les services de santé au travail ont un certain nombre dobjectifs immédiats et à long terme, dont certains devraient probablement être reconsidérés en raison des mutations constantes du monde du travail. Les organismes internationaux faisant autorité dans ce domaine devraient examiner et réviser ces objectifs, à la lumière des problèmes nouveaux qui se posent en matière de sécurité et de santé au travail et des nouveaux modes de promotion et de protection de la santé des travailleurs.
Les conventions et recommandations de lOIT relatives à la santé et à la sécurité au travail, les approches et les normes quelles renferment, les stratégies et les résolutions adoptées par lOMS, ainsi que les programmes internationaux de ces deux organisations constituent une assise solide pour les activités nationales et une large collaboration internationale en vue du développement futur, de lamélioration des services de santé au travail et de la pratique de la santé au travail. Ces instruments et leur application efficace revêtent une importance particulière dans le monde entier, à lheure où la vie active évolue rapidement et où de nouvelles technologies voient le jour, et devant le risque croissant de donner la priorité aux objectifs économiques et matériels à court terme au détriment des valeurs que sont la sécurité et la santé.
Des progrès considérables ont été accomplis depuis les années quatre-vingt dans la voie dune approche intégrée de la santé au travail, soucieuse aussi bien de la protection et de la promotion de la santé des travailleurs que du maintien et de la promotion de leur capacité de travail, et accordant une importance particulière à létablissement et à la préservation dun milieu de travail sûr et salubre pour tous, mais le débat reste ouvert sur la façon dont la santé au travail est effectivement mise en uvre. Lexpression pratique de la santé au travail désigne actuellement tout léventail des activités qui sont menées par les employeurs, les travailleurs et leurs organisations, les concepteurs et les architectes, les fabricants et les fournisseurs, les législateurs et les parlementaires, les médecins et les inspecteurs du travail, les analystes du travail et les spécialistes de lorganisation du travail, les organismes de normalisation, les universités et les établissements de recherche, et qui ont pour objet de protéger la santé et de promouvoir la sécurité et la santé des travailleurs.
Lexpression pratique de la santé au travail englobe lapport des professionnels de la santé au travail, mais ne se limite pas à la pratique de ces derniers.
Une certaine confusion règne souvent en raison du fait que lexpression services de santé au travail peut servir à désigner:
Afin de remédier à cette difficulté et à plusieurs autres sources fréquentes de malentendu, le deuxième point à lordre du jour de la douzième session du Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail était libellé comme suit: «Infrastructures pour une pratique de la santé au travail: options et modèles pour les politiques nationales, les approches, les stratégies et les programmes en matière de soins de santé primaires, et fonctions des services de santé au travail» (OIT/OMS, 1995), étant entendu que:
Ces concepts clés infrastructures, pratique et approches permettent aux divers acteurs et partenaires dans le domaine de la prévention de jouer chacun leur rôle dans leurs domaines de compétence respectifs et, en même temps, de conjuguer leurs efforts.
Les services de santé au travail contribuent à la pratique de la santé au travail, qui est fondamentalement multidisciplinaire et intersectorielle et fait intervenir dautres spécialistes, tant à lintérieur quà lextérieur de lentreprise, outre les professionnels de la sécurité et de la santé au travail, ainsi que les autorités gouvernementales compétentes, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants. Sur le plan organique, il faut considérer que les services de santé au travail font partie à la fois des infrastructures sanitaires nationales et des infrastructures mises en place pour lapplication de la législation pertinente en matière de sécurité et de santé au travail. Il incombe à chaque pays de déterminer si ces services doivent relever du ministère du Travail, du ministère de la Santé, des organismes de sécurité sociale, dun comité tripartite national ou dautres organes.
Les modèles de services de santé au travail sont nombreux. Lun deux fait lobjet dun large consensus à léchelle internationale: le modèle proposé par lOIT dans la convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, adoptées en 1985 par la Conférence internationale du Travail. Les pays devraient considérer ce modèle comme un objectif à atteindre, en tenant compte, évidemment, des particularités locales et des ressources disponibles en personnel spécialisé et en moyens de financement. Il convient dadopter une politique nationale visant à établir progressivement des services de santé au travail pour tous les travailleurs, compte tenu des risques spécifiques des entreprises. Cette politique devrait être élaborée, mise en application et réexaminée périodiquement à la lumière des conditions et des pratiques nationales et en consultation avec les organisations demployeurs et de travailleurs les plus représentatives. Lorsquil est impossible de mettre en place immédiatement des services de santé au travail dans tous les établissements, il faut élaborer des plans indiquant les mesures qui seront prises.
La santé au travail devrait viser les objectifs suivants: promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions; prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par leurs conditions de travail; les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence dagents préjudiciables à leur santé; placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses capacités physiologiques et psychologiques; en somme, adapter le travail à lhomme et chaque homme à sa tâche. Les activités en matière de santé au travail comportent essentiellement trois volets: i) le maintien et la promotion de la santé des travailleurs et de leur aptitude au travail; ii) lamélioration des conditions et du milieu de travail pour assurer la sécurité et la santé au travail; iii) ladoption de systèmes dorganisation du travail et de cultures dentreprise susceptibles de contribuer à la sécurité et à la santé au travail et de promouvoir un climat social positif et le bon fonctionnement de lentreprise. Dans le présent contexte, lexpression culture dentreprise désigne les systèmes de valeurs adoptés par une entreprise donnée. En pratique, elle se reflète dans les méthodes de gestion, dans la politique appliquée en matière de personnel, de participation et de formation et dans la gestion de la qualité de lentreprise. |
LOIT et lOMS se sont entendues sur une définition de la santé au travail (voir encadré) qui a été adoptée par le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail au cours de sa première session (1950) et révisée au cours de sa douzième session (1995).
Les gouvernements, en collaboration avec les organisations demployeurs et de travailleurs et les organisations professionnelles intéressées, devraient élaborer des politiques, des programmes et des plans daction adéquats et pertinents en vue du développement de la santé au travail dans une approche multidisciplinaire et globale. Dans chaque pays, la portée et le contenu des programmes devraient être adaptés aux besoins nationaux, tenir compte des conditions locales et être intégrés aux plans nationaux de développement. Le Comité mixte OIT/OMS a souligné que les principes énoncés dans les conventions no 155 et no 161 et les recommandations correspondantes de lOIT, ainsi que dans les résolutions, les directives et les approches de lOMS en matière de santé au travail, constituent un guide universellement admis pour lélaboration de ces politiques et de ces programmes (Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, 1992).
La stratégie de lOIT pour lamélioration des conditions et du milieu de travail et le principe général des soins de santé primaires de lOMS présentent des similitudes. En effet, tous deux reposent sur des considérations techniques, éthiques et sociales analogues, et tous deux:
Laction de lOIT est principalement axée sur la préparation de directives internationales et dun cadre juridique en vue du développement de politiques et dinfrastructures en matière de santé au travail sur une base tripartite (gouvernements, employeurs et travailleurs) et sur les mesures pratiques damélioration du milieu de travail, tandis que lOMS se concentre sur les données scientifiques, les méthodologies, le soutien technique et la formation du personnel de santé et autre en matière de santé au travail (Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, 1992).
Pour lOMS, la notion de santé au travail englobe la sécurité au travail: lhygiène est considérée comme visant à prévenir les maladies, et la sécurité, les lésions corporelles dues à des accidents. LOIT, quant à elle, estime que la sécurité et la santé au travail forment ensemble une discipline qui vise à prévenir les lésions professionnelles (aussi bien les maladies professionnelles que les accidents de travail) et à améliorer les conditions et le milieu de travail. Les expressions sécurité au travail, santé au travail, médecine du travail, hygiène du travail et soins infirmiers au travail reflètent la contribution des différentes professions (par exemple, les ingénieurs, les médecins, le personnel infirmier et les hygiénistes) et le fait que lorganisation de la sécurité et de la santé au travail au niveau de lentreprise comporte très souvent des services de sécurité au travail et des services de santé au travail distincts, ainsi que des comités dhygiène et de sécurité.
Dans une certaine mesure, la sécurité au travail et la prévention primaire sont plus directement liées à la technologie utilisée, au procédé de production et à la gestion des opérations courantes que la santé au travail, qui, elle, concerne davantage les liens entre le travail et la santé, en particulier la surveillance du milieu de travail et de la santé des travailleurs (prévention secondaire), ainsi que les facteurs humains et ergonomiques. En outre, au niveau de lentreprise, la présence des ingénieurs est nécessaire et fait partie intégrante de lencadrement (ingénieurs de production, techniciens dentretien, etc.), tandis que la santé au travail et lhygiène du travail nécessitent lintervention de spécialistes dans le domaine de la santé, dont la présence au sein de lentreprise nest pas essentielle au fonctionnement de celle-ci: ces spécialistes peuvent être des conseillers ou appartenir à un service de santé au travail extérieur.
Quelles que soient les modalités organisationnelles et la terminologie retenues, il importe avant tout que les professionnels de la sécurité et de la santé au travail travaillent en équipe. Il nest pas indispensable quils appartiennent à une même unité ou à un même service, encore que cela puisse être souhaitable selon les circonstances. Il ne faut pas sattacher à la structure des services, mais plutôt à lexécution de manière satisfaisante (sur les plans scientifique, technique et éthique) de leurs fonctions au niveau de lentreprise. Il faut encourager tout particulièrement la coopération et la coordination dans lélaboration et la mise en uvre dun programme daction, ainsi que la formulation de concepts communs, comme les «cultures du travail» (culture de la sécurité, culture de la protection du travail, culture de lentreprise) qui favorisent la sécurité et la santé au travail et «lamélioration continue de la qualité» des conditions et du milieu de travail.
En 1992, le Comité mixte OIT/OMS a souligné que le champ daction de la santé au travail est très vaste (comme lillustre le tableau 16.1), et englobe des disciplines telles que la médecine du travail, les soins infirmiers au travail, lhygiène du travail, la sécurité au travail, lergonomie, lingénierie, la toxicologie, lhygiène de lenvironnement, la psychologie du travail et la gestion du personnel. La collaboration et la participation des employeurs et des travailleurs aux programmes de santé au travail sont essentielles à la réussite de la pratique de la santé au travail.
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Principes |
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Niveaux |
Prévention |
Protection |
Adaptation |
Promotion |
Mitigation |
Individus (diversité) |
Prévention des accidents |
Médecine industrielle |
Organisation scientifique du travail |
Programmes d’aide aux salariés, années cinquante |
Traitement, indemnisation, années dix |
Groupes |
Milieu de travail sûr et salubre |
Médecine du travail |
Ergonomie, y compris |
Programmes de promotion de la santé des travailleurs, années quatre-vingt |
Plans d’intervention et préparation aux situations d’urgence, années soixante-dix |
Société et ensemble des travailleurs |
Maîtrise technologique Gestion de l’hygiène de l’environnement, années soixante-dix |
Hygiène de l’environnement |
Technologies appropriées |
Programmes d’éducation sanitaire et de promotion de la santé, années soixante-dix |
Soins de santé curatifs |
Note: les périodes (années dix, années vingt, etc.) sont arbitraires. Les dates ont uniquement pour objet de donner une idée de la chronologie du développement progressif d’une approche globale de la santé au travail. Les dates varieront d’un pays à l’autre et peuvent marquer le début ou le plein essor d’une discipline, ou encore l’apparition de modalités ou d’approches nouvelles dans une pratique qui existait depuis de nombreuses années. Le présent tableau ne prétend pas déterminer avec précision les disciplines associées au processus, mais plutôt illustrer succinctement leurs relations dans le cadre d’une approche multidisciplinaire et d’une coopération intersectorielle, en vue d’un milieu de travail sûr et salubre et de la santé pour tous, fondées sur une démarche participative et visant de nouvelles formes de développement qui ne seront durables que si elles sont équitables.
La définition dun objectif commun est lune des voies qui permettent déviter un cloisonnement excessif des disciplines. Ce cloisonnement présente parfois des avantages, car il permet une analyse approfondie des problèmes par des spécialistes, mais il a souvent des répercussions négatives, en empêchant une approche multidisciplinaire. Il convient délaborer des concepts communs qui ouvrent la voie à la coopération. Cest la raison dêtre de la nouvelle définition de la santé au travail, adoptée par le Comité mixte en 1995.
La question de savoir si la santé au travail est une discipline en soi ou fait partie intégrante de la protection du travail, de lhygiène de lenvironnement ou de la santé publique suscite parfois des discussions enflammées. Lorsque le débat nest pas purement théorique, mais sert à déterminer, par exemple, lorganisme ou le ministère compétents dans un domaine précis, la conclusion peut avoir des répercussions importantes sur laffectation des fonds et la répartition des ressources disponibles, sous forme dexpertise ou de matériel.
Lune des solutions au problème consiste à préconiser des approches convergentes, fondées sur les mêmes valeurs et visant un même objectif. Les approches de lOMS et de lOIT axées, respectivement, sur les soins de santé primaires et lamélioration des conditions et du milieu de travail, conviennent fort bien à cette fin. Ces approches, qui misent sur les mêmes valeurs déquité, de solidarité, de santé et de justice sociale, peuvent se traduire par des stratégies (la Stratégie de lOMS de la santé au travail pour tous) et des programmes (le Programme international pour lamélioration des conditions et du milieu de travail de lOIT), ainsi que par des plans daction et des activités mis en uvre ou exécutés au niveau de lentreprise ou à léchelle nationale et internationale par tous les partenaires pour la prévention, la protection et la promotion de la santé des travailleurs, individuellement ou collectivement.
Dautres voies sont possibles. LAssociation internationale de la sécurité sociale (AISS) propose le «Concept de prévention», voie privilégiée de la politique sociale en vue datteindre lobjectif de «Sécurité pour tous», au travail, à la maison, sur la route et pendant les loisirs (AISS, 1995). La Commission internationale de la santé au travail (CIST) est en train délaborer une approche de léthique dans la santé au travail, et elle encourage un rapprochement entre la santé au travail et lhygiène de lenvironnement. On peut observer une tendance analogue dans bon nombre de pays où, par exemple, des associations professionnelles regroupent aujourdhui des spécialistes de la santé au travail et de lhygiène de lenvironnement.
En 1984, la Conférence générale de lOIT, qui se tient annuellement, a adopté une résolution concernant lamélioration des conditions et du milieu de travail qui réaffirme le principe selon lequel lamélioration des conditions et du milieu de travail constitue une composante essentielle de la promotion de la justice sociale. Elle insiste sur le fait que lamélioration des conditions et du milieu de travail constitue une contribution positive au développement national et un critère de réussite dune politique économique et sociale. Dans la poursuite de cet objectif, les principes suivants sont fondamentaux:
Au cours des années quatre-vingt, on sest écarté du concept de développement pour privilégier le concept de «développement durable», qui embrasse le «droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature», conformément au premier principe de la Déclaration de Rio (ONU, 1993). Le souci dun milieu sûr et salubre fait donc désormais partie intégrante du concept de développement durable, qui implique également la recherche dun équilibre entre la protection de lenvironnement et lélargissement des possibilités demploi, lamélioration des moyens dexistence et la santé pour tous. Lhygiène de lenvironnement et la santé au travail contribuent conjointement à rendre le développement durable, équitable et rationnel, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les plans humain, social et éthique. La figure 16.1 illustre ce changement de paradigme.
Cette figure met en évidence linteraction de la santé au travail et de la salubrité de lenvironnement, ainsi que leur apport conjugué à un développement durable. Elle définit un point de convergence représentant lintégration des objectifs sociaux et économiques quil est possible datteindre, sans pour autant perdre de vue lenvironnement, lemploi et la santé.
La Commission Santé et Environnement de lOMS a en outre reconnu que «le développement qui implique la protection de la santé et du bien-être exige le respect de lenvironnement parmi bien sûr beaucoup dautres conditions, alors quun développement qui ignorerait lenvironnement conduirait fatalement à porter atteinte à la santé de lhomme» (OMS, 1992). Dans la même veine, il convient de reconnaître que la santé au travail est une «valeur ajoutée», cest-à-dire quelle a une incidence positive sur le développement national et est une condition essentielle à sa durabilité.
La Déclaration et le Programme daction adoptés lors du Sommet mondial pour le développement social, qui sest tenu à Copenhague en 1995, présentent un intérêt particulier pour lOIT et lOMS. La déclaration invite les nations du monde à faire du plein emploi, productif et librement choisi, une priorité fondamentale de leurs politiques économiques et sociales. Les participants au Sommet ont clairement indiqué quil ne faut pas simplement chercher à créer des emplois, quels quils soient, mais des emplois de qualité, compatibles avec les droits fondamentaux et les intérêts des travailleurs. La création demplois de qualité doit passer par des mesures visant à favoriser un milieu de travail sûr et salubre, à éliminer les risques pour la santé liés à lenvironnement et à assurer la sécurité et la santé au travail. Cela indique que lavenir de la santé au travail repose sans doute sur un partenariat actif conciliant les impératifs de lemploi, de la santé et de lenvironnement en vue dun développement équitable et durable.
Lapproche axée sur les soins de santé primaires met laccent sur léquité sociale, le caractère abordable et la facilité daccès des services, ainsi que sur la participation et lengagement des collectivités locales, comme la indiqué le Comité mixte OIT/OMS en 1995. LOIT et lOMS ont en commun ces valeurs morales et éthiques fondamentales. Lapproche axée sur les soins de santé primaires est novatrice, car elle applique des valeurs sociales aux soins de santé préventifs et curatifs. Cette complémentarité na pas toujours été bien comprise; linterprétation de termes communs prête parfois à confusion et a conduit à certains malentendus lors des débats sur les rôles respectifs de lOIT et de lOMS et les activités à entreprendre par chacune de ces deux organisations dont les vocations sont complémentaires et se renforcent mutuellement.
On peut considérer que les soins de santé primaires reposent sur des principes déquité sociale, dautonomie collective et de développement communautaire. On peut également les considérer comme une stratégie visant à réorienter les systèmes de santé, afin de promouvoir la participation individuelle et collective et la collaboration entre tous les secteurs qui sintéressent à la santé. En règle générale, les soins de santé primaires devraient comporter un volet de santé au travail et les services spécialisés de santé au travail devraient appliquer le principe général des soins de santé primaires, indépendamment du modèle structurel en place.
Le domaine de la prévention rassemble de nombreux partenaires, qui adhèrent à la philosophie aussi bien de lOIT que de lOMS et dont lapport devrait contribuer à la mise en uvre dune solide pratique de la santé au travail. Selon le Comité mixte OIT/OMS, ces deux organisations devraient promouvoir une approche globale de la santé au travail dans leurs Etats Membres. Une telle approche de la santé au travail permet en effet de considérer la santé au travail comme une discipline multidisciplinaire et intégrée. Vues sous cet angle, les activités des différents organismes et ministères ne seront pas concurrentielles ou inconciliables, mais elles se compléteront et se renforceront mutuellement, uvrant en vue dun développement équitable et durable. Il convient dinsister sur les objectifs communs, les concepts unifiés et les valeurs fondamentales.
Comme la souligné le Comité mixte OIT/OMS en 1995, il faut mettre au point des indicateurs de santé au travail qui encourageront les progrès dans la voie de la santé et du développement durable et en faciliteront le suivi. Toute forme de développement qui met en péril la santé ne saurait être qualifiée déquitable ou de durable. Les indicateurs de la «durabilité» comprennent nécessairement des indicateurs de la santé; en effet, comme la relevé la Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement (ONU, 1993), le souci de la «protection et de la promotion de la santé humaine» fait partie intégrante de la recherche du développement durable (Action 21, chap. 6). LOMS a joué un rôle de premier plan aussi bien dans la conception que dans lutilisation des indicateurs de lhygiène du milieu, dont certains ont trait à la santé et au milieu de travail.
LOMS et lOIT sont appelées à mettre au point des indicateurs de santé au travail qui pourraient aider les pays à évaluer leur pratique dans ce domaine, de manière tant rétrospective que prospective, et à suivre de près les progrès accomplis en vue des objectifs établis par les politiques nationales concernant la sécurité et la santé au travail et le milieu de travail. La mise au point de tels indicateurs, axés sur les interactions entre le travail et la santé, pourrait également aider les services de santé au travail à évaluer et à orienter leurs programmes et leurs activités en vue daméliorer les conditions et le milieu de travail (cest-à-dire évaluer leur efficacité et la manière dont ils sacquittent de leurs fonctions).
Les conventions et recommandations de lOIT sur la sécurité et la santé au travail définissent les droits des travailleurs et attribuent des fonctions et des responsabilités aux autorités compétentes, aux employeurs et aux travailleurs dans ce domaine. Considérées comme un tout, les conventions et recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail constituent le code international du travail qui définit des normes minimales dans le domaine du travail.
La politique de lOIT en matière de sécurité et de santé au travail figure essentiellement dans deux conventions internationales et les recommandations qui les accompagnent. La convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, prévoient ladoption dune politique nationale en matière de sécurité et de santé au travail et décrivent les mesures à prendre au niveau national et à celui de lentreprise pour promouvoir la sécurité et la santé au travail et améliorer le milieu de travail. La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, prévoient létablissement de services de santé au travail qui contribueront à la mise en application de la politique de santé et de sécurité au travail et exerceront leurs fonctions au niveau de lentreprise.
Ces instruments incitent à une approche globale de la santé au travail qui recouvre la prévention primaire, secondaire et tertiaire et est conforme aux principes généraux des soins de santé primaires. Ils précisent les modalités idéales de prestations des soins de santé aux travailleurs et proposent un modèle pour la mise en place sur le lieu de travail dactivités organisées nécessitant du personnel spécialisé, de manière à favoriser linteraction entre les différentes disciplines et à encourager la coopération entre tous les partenaires pour la prévention. Ces instruments proposent en outre un cadre organisationnel, dans lequel les professionnels de la santé au travail peuvent dispenser efficacement des services de qualité pour assurer la protection et la promotion de la santé des travailleurs et contribuer au bon fonctionnement des entre-prises.
La convention no 161 définit les services de santé au travail comme des services investis de fonctions essentiellement préventives et chargés de conseiller lemployeur, les travailleurs et leurs représentants dans lentreprise en ce qui concerne les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail et ladaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mentale.
La convention dispose que les services de santé au travail doivent assurer celles des fonctions suivantes qui seront adéquates et appropriées aux risques que présente lentreprise pour la santé au travail:
La convention et la recommandation de lOIT confèrent une grande latitude en ce qui concerne lorganisation des services de santé au travail. Ces derniers peuvent être institués par voie de législation, par des conventions collectives ou par toute autre voie approuvée par lautorité compétente après consultation des organisations représentatives demployeurs et de travailleurs intéressées. Les services de santé au travail peuvent être organisés soit en tant que services desservant une seule entreprise, soit en tant que services desservant plusieurs entreprises. Les services de santé au travail devraient, dans toute la mesure du possible, être situés sur les lieux de travail ou à proximité de ceux-ci, ou être organisés de manière que leurs fonctions soient exercées sur les lieux de travail. Ils peuvent être organisés par les entreprises intéressées, les pouvoirs publics ou les services officiels, les institutions de sécurité sociale, tout autre organisme habilité par lautorité compétente ou toute combinaison des formules précédentes. Ces dispositions confèrent une grande latitude et, dans un même pays, on peut avoir recours à toutes ces méthodes ou à plusieurs dentre elles, selon les conditions et la pratique locales.
La souplesse de la convention reflète lesprit des instruments de lOIT concernant les services de santé au travail, qui insistent davantage sur les objectifs que sur les modalités administratives de mise en uvre. Il importe dassurer la santé au travail de tous les travailleurs ou, à tout le moins, de progresser vers la réalisation de cet objectif. Ces progrès sont généralement accomplis par étapes, mais en tout état de cause il est nécessaire de mobiliser les ressources de la manière la plus efficace possible à cette fin.
Il existe diverses méthodes de financement de la santé au travail. Dans de nombreux pays, cest aux employeurs quil incombe détablir et de financer les services de santé au travail. Dans dautres pays, ces services sont intégrés aux systèmes de santé nationaux ou aux services de santé publique. La convention ne précise pas les modalités de dotation en personnel, de financement et de formation du personnel; ces décisions sont prises à léchelle de chaque pays.
Les exemples de services de santé au travail mis sur pied par des organismes de sécurité sociale ou des régimes spéciaux dassurance des travailleurs sont nombreux. Parfois, leur financement est régi par un accord entre le ministère du Travail et le ministère de la Santé ou les organismes de sécurité sociale. Dans certains pays, les syndicats gèrent des services de santé au travail. Des accords spéciaux sont également conclus, dans le cadre desquels les fonds sont perçus auprès des employeurs par une institution centrale ou un organe tripartite, puis versés pour fournir des prestations de santé au travail ou distribués pour financer le fonctionnement des services de santé au travail.
Les sources de financement de ces services peuvent également varier en fonction de leurs activités. Ainsi, lorsque ces services dispensent des soins curatifs, la sécurité sociale peut participer à leur financement. Lorsquils participent à des programmes de santé publique et à des activités de promotion de la santé ou de recherche, ils peuvent avoir accès à dautres sources de financement. Le financement dépend non seulement du modèle structurel choisi pour lorganisation des services de santé au travail, mais aussi de limportance accordée par la société à la protection et à la promotion de la santé, et de sa volonté dinvestir dans la santé au travail et la prévention des risques professionnels.
Les conditions de fonctionnement des services de santé au travail revêtent une importance particulière. Sil importe que les services de santé au travail assument un certain nombre de tâches, il est tout aussi important que ces tâches soient exécutées de manière adéquate, en prenant en considération les aspects techniques et éthiques.
Un certain nombre dexigences fondamentales relatives au fonctionnement des services de santé au travail sont énoncées dans la convention et, en particulier, dans la recommandation concernant les services de santé au travail de lOIT. En voici un résumé:
Les dimensions éthiques de la santé au travail prennent une importance croissante, et laccent est mis sur la nécessité de procéder à une évaluation continue et de haute qualité des services de santé au travail. Il faut déterminer non seulement ce qui doit être fait, mais aussi dans quel but et dans quelles conditions. La recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, de lOIT expose une première série de principes à cet égard. Le Code international déthique pour les professionnels de la santé au travail, adopté par la Commission internationale de la santé au travail (CIST, 1992), fournit également des orientations à cet égard.
En 1995, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a souligné que le «contrôle de la qualité des services doit faire partie intégrante du développement des services de santé au travail. Il est contraire à léthique de fournir des services de mauvaise qualité». Selon le Code international déthique de la CIST, «les professionnels de la santé au travail doivent mettre en uvre une évaluation critique systématique de leurs propres activités en vue de sassurer que des normes appropriées ont été définies, quelles sont appliquées et que les déficiences éventuelles sont détectées et corrigées».
Il convient denvisager le rôle des services institutionnalisés de santé au travail dans la perspective plus vaste des politiques et des infrastructures sanitaires et sociales. Les fonctions des services de santé au travail contribuent à la mise en uvre des politiques nationales concernant la sécurité et la santé des travailleurs et le milieu de travail énoncées dans la convention (no 155) et la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de lOIT. Les services de santé au travail contribuent aussi à la réalisation des objectifs de la Stratégie de la santé pour tous prônée par lOMS en tant que politique favorisant léquité, la solidarité et la santé.
On observe une tendance croissante à mobiliser lexpertise et les ressources dans le cadre daccords de réseau et de partenariats. A léchelle internationale, il existe déjà un tel mécanisme interorganisations dans le domaine de la sécurité chimique: le Programme interorganisations pour la gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques. De nombreux autres domaines se prêtent déjà, ou pourraient le faire, à des formes nouvelles et souples de coopération internationale, entre pays ou organisations internationales, dont ceux de la radioprotection et de la biosécurité.
Les accords de réseau offrent des possibilités nouvelles de coopération, qui peuvent aisément être adaptées au sujet à étudier, quil sagisse du stress professionnel, de la coordination de la recherche ou de la mise à jour de la présente Encyclopédie. Laccent est mis sur les interactions, et non plus sur le cloisonnement vertical des disciplines. Le concept de leadership cède la place à celui de partenariat actif. Létablissement de réseaux à léchelle internationale pour la sécurité et la santé au travail connaît un développement rapide et pourrait prendre davantage dampleur à partir des structures existantes qui pourraient être reliées entre elles. LOIT et lOMS pourraient fort bien avoir pour fonction de favoriser lémergence de réseaux internationaux destinés à satisfaire aux besoins et aux demandes de leurs mandants, tout en visant un but commun, la protection des personnes au travail.
Les valeurs sociales et éthiques auxquelles adhère la communauté internationale se retrouvent dans les conventions et les recommandations de lOIT, ainsi que dans la politique de lOMS de la santé pour tous. Depuis les années quatre-vingt, le concept de développement durable sest progressivement imposé et, dans la foulée de la Conférence de Rio et du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, il prend désormais en considération les liens entre lemploi, la santé et lenvironnement. La poursuite dun objectif commun, celui dun milieu de travail sûr et salubre pour tous, renforcera la détermination de tous ceux qui uvrent dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail à mieux défendre la santé des travailleurs et à favoriser un développement durable et équitable pour tous. Lun des principaux défis de la santé au travail pourrait consister à concilier des valeurs telles que le droit à la santé et le droit au travail, aussi bien au niveau des individus quà celui de lensemble des travailleurs, en vue de protéger la santé tout en favorisant lemploi.
La mise en uvre de certaines dispositions du Code du travail relatives à lhygiène du travailleur avait fait apparaître, dès les années trente en France, lintérêt pour linspection du travail de pouvoir faire appel à des «médecins-conseils».
Les lois du 17 juillet 1937 et du 10 mai 1946 avaient effectivement prévu des interventions médicales de caractère temporaire, faites à la demande du service dinspection du travail (art. L.611-7 et R.611-4). A lorigine intermittentes, ces interventions se sont transformées progressivement en mission constante exercée auprès de et en commun avec linspection du travail.
La mise en place dun cadre technique permanent dinspection médicale du travail et de la main-duvre a suivi de peu la promulgation de la loi du 11 octobre 1946 relative à la médecine du travail. En effet, cest un décret du 16 janvier 1947 qui a fixé le cadre, la rémunération, le statut et les attributions du personnel de linspection médicale du travail et de la main-duvre.
Depuis 1947, cependant, le développement de ce cadre technique ne sest pas fait dune manière régulière et continue. Comme pour le corps de linspection du travail, la progression des effectifs na pas toujours été adaptée à laugmentation des tâches. Cest ainsi que les effectifs budgétaires prévus en 1947 de 44 médecins inspecteurs ont été peu à peu réduits à 21, alors que les services médicaux créés en application de la loi du 11 octobre 1946 devenaient de plus en plus nombreux et importants. Ces évolutions contraires expliquent, pour une part, les critiques qui ont pu être faites par la suite à linstitution de la médecine du travail.
Depuis 1970, et surtout depuis 1975, toutefois, un effort important a été fait pour constituer une inspection médicale du travail à la mesure des services médicaux du travail, dont les quelque 6 000 médecins assurent la prise en charge de plus de 12 millions de salariés. En 1980, le corps de linspection peut compter sur 39 postes budgétaires, dont 36 sont pourvus dun titulaire. En 1995, 43 postes étaient pourvus à linspection médicale du travail. Le plan daction prioritaire no 12 du VIIe Plan comportait 45 médecins inspecteurs et, cet objectif une fois atteint, la situation envisagée en 1947 se trouverait rétablie.
Mais en même temps quétait ressentie en France la nécessité dun service spécialisé dinspection en vue de lapplication des dispositions législatives et réglementaires relatives à lhygiène et à la médecine du travail, des préoccupations identiques se faisaient jour au plan international. Pour répondre à cette prise de conscience, lOrganisation internationale du Travail (OIT) avait convoqué en 1963 à Genève, avec la collaboration de lOrganisation mondiale de la santé (OMS), un colloque international sur linspection médicale du travail. Les experts de 21 pays y participaient. Ces travaux ont permis notamment de définir les fonctions et les devoirs des médecins inspecteurs, les connaissances et la formation requises, ainsi que les techniques et les méthodes de linspection médicale.
Le service de linspection médicale du travail et de la main-duvre comprend un service central qui se situe dans le cadre de la Direction des relations du travail, avec rattachement direct à son directeur, et linspection médicale régionale se situant dans le cadre des directions régionales du travail et de lemploi, avec rattachement direct au directeur régional du travail et de lemploi.
La médecine du travail en quelques chiffres (1995):
En fonction des effectifs salariés relevant de la médecine du travail dans chaque région, le nombre de médecins inspecteurs régionaux sera différent, le principe général adopté étant dun médecin inspecteur régional pour environ 300 000 salariés. Cette règle générale est toutefois susceptible dêtre modifiée, dans un sens ou un autre, compte tenu de létendue et des conditions géographiques propres à chaque région.
Bien quun certain nombre de dispositions ne soient plus adaptées ou soient devenues caduques, il est intéressant de rappeler à cet égard les attributions prévues par le décret du 16 janvier 1947 déjà cité.
«Le médecin, chef du service, est chargé en outre de la coordination de tous les problèmes médicaux relevant des différentes directions du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Ses attributions pourront être complétées par arrêté.
Linspection médicale du travail et de la main-duvre a les attributions suivantes:
La note du 15 septembre 1976, relative à lorganisation de la direction des relations du travail, charge linspection médicale du travail et de la main-duvre des tâches suivantes:
Lanimation du corps de linspection médicale se fait par:
Il est à souligner que cette définition des tâches intégrées dans ladministration centrale comporte des activités en liaison avec la direction des relations du travail et la délégation à lemploi, pour tout ce qui peut concerner les aspects médicaux liés à lemploi (notamment les travailleurs handicapés, les candidats à une formation professionnelle des adultes, les demandeurs demploi), ainsi quune action danimation, de coordination, de recrutement, de formation et de perfectionnement, sur le plan technique, des médecins inspecteurs régionaux.
A ces attributions du service central sajoutent des activités de conseil et de représentation. En effet, dautres départements ministériels, en premier lieu celui de la santé et de la sécurité sociale, peuvent avoir à résoudre des problèmes de prévention, de réparation des risques pour la santé dus au travail ou des problèmes liés à lorganisation des services de médecine préventive. Faute dun service médical spécifique, linspection médicale du travail et de la main-duvre du ministère du Travail peut alors être sollicitée aussi bien au niveau central que régional. Ces interventions se situent habituellement sur le plan du conseil, sauf lorsquil sagit dassister un autre corps de fonctionnaires agissant en tant quinspecteurs du travail.
Organisées par la Société et lInstitut de médecine du travail et dergonomie de Franche-Comté, les XXIIIe Journées nationales de médecine du travail ont réuni à Besançon pendant trois jours du 7 au 10 juin 1994 près de 1 500 personnes autour des sujets suivants:
Les activités de représentation sexercent dans le cadre dorganismes ou dinstitutions à buts médico-sociaux, scientifiques ou professionnels, dans la réalisation desquels la médecine du travail a une place. A titre dexemple peuvent être cités: le Conseil national de lordre des médecins, le Haut Comité détudes et dinformation contre lalcoolisme, ainsi que diverses institutions universitaires et scientifiques.
Au niveau de la Communauté économique européenne, de lOrganisation mondiale de la santé et de lOrganisation internationale du Travail, le service central de linspection médicale du travail est fréquemment appelé, sagissant de questions dordre médical, à participer et à faire connaître les points de vue du gouvernement français.
Cette diversité de fonctions se retrouve au niveau de linspection médicale régionale du travail et de la main-duvre. La circulaire DRT no 18-79, du 6 juillet 1979, relative à la coopération de linspection du travail et de linspection médicale du travail pour la prévention des risques professionnels, en est le reflet. Ce texte distingue des actions dorientation et dinformation, des actions de direction, danimation et dintervention à conduire, selon les cas, en coordination avec les échelons régionaux, départementaux et locaux de linspection du travail.
Mais, si lobjectif général de la prévention des risques pour la santé en milieu de travail est toujours le même, les interventions de linspection du travail et de linspection médicale du travail peuvent être spécifiques lorsquelles mettent en jeu une technicité propre, ou conjuguées quand le but à atteindre implique quinspecteurs et médecins inspecteurs agissent ensemble.
Une circulaire en cours délaboration reprend, en les actualisant, des dispositions énoncées dans la circulaire du 6 juillet 1979. En effet, depuis le 1er janvier 1995, les directions régionales du travail et de lemploi ont vu leurs responsabilités sajouter à celles des directions de la formation professionnelle et, de ce fait, la place, le rôle et les missions du médecin inspecteur du travail sont à repréciser.
Si, aujourdhui, nous pouvons faire un constat, cest celui dun service ayant pratiquement retrouvé en 1980 la place et les attributions qui lui étaient destinées en 1946-47. Lévolution prévisible de cette inspection est celle dune activité médicale, qui comportera, plus quauparavant, des préoccupations dincitation, danimation et de recherche en milieu de travail. Cette évolution sera dailleurs parallèle à celle de la médecine du travail elle-même. A une longue période dimplantation et de mise en place que lon peut désormais considérer comme pratiquement achevée doit maintenant succéder une période damélioration qualitative et dapprofondissement scientifique de la médecine du travail.
La protection des travailleurs dans les petites entreprises constitue peut-être le plus grand défi pour les systèmes de prestation de services de santé au travail. Dans la plupart des pays, les petites entreprises représentent la grande majorité des entreprises commerciales et industrielles leur pourcentage atteint 90% dans certains pays en développement et nouveaux pays industriels et on les retrouve dans tous les secteurs de léconomie. Elles emploient, en moyenne, près de 40% de la population active des pays industriels membres de lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et jusquà 60% de celle des pays en développement et des nouveaux pays industriels. Bien que leurs travailleurs soient exposés à une plus vaste gamme de risques que leurs homologues des grandes entreprises (Reverente, 1992; Hasle et coll., 1986), ils nont pour ainsi dire pas accès, en général, aux services modernes de sécurité et de santé au travail.
Les entreprises sont classées dans cette catégorie selon certaines caractéristiques, telles que limportance de leurs investissements, le montant de leurs revenus annuels ou le nombre de leurs salariés. Selon le contexte, le nombre retenu va de 1 à 500 salariés. Dans le présent article, lexpression «petite entreprise» sappliquera aux entreprises comptant 50 salariés ou moins, ce qui correspond à la définition la plus largement admise (BIT, 1986).
Les petites entreprises prennent une importance croissante dans les économies nationales. Elles ont une forte intensité de main-duvre, elles sadaptent à lévolution rapide des conditions du marché et elles assurent des emplois à un bon nombre de personnes qui, sans elles, nen auraient pas. Leurs besoins en capitaux sont souvent restreints et elles peuvent produire des biens et des services à proximité du consommateur ou du client.
Elles ont aussi leurs mauvais côtés. Bien souvent, elles sont éphémères, ce qui rend le contrôle de leurs activités difficile, et elles nobtiennent leurs faibles marges de profits quau détriment de leurs travailleurs (qui sont souvent aussi leurs propriétaires): ces derniers doivent travailler de longues heures, assumer une lourde charge de travail et sont exposés à des risques professionnels.
La main-duvre des petites entreprises se caractérise par sa diversité. Dans bien des cas, elle comprend le chef dentreprise et des membres de sa famille. Les petites entreprises permettent à des jeunes daccéder au monde du travail et offrent des possibilités intéressantes à des travailleurs âgés et à des travailleurs excédentaires qui ont été licenciés par de grandes entreprises. Elles exposent donc souvent des groupes vulnérables comme les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées à des risques professionnels. De plus, comme bon nombre dentre elles exercent leurs activités à la maison ou à proximité, elles exposent souvent les membres de la famille et les voisins aux dangers physiques et chimiques de leurs installations et engendrent des problèmes de santé publique en contaminant lair, leau ou les cultures vivrières du voisinage.
Le niveau dinstruction et la situation socio-économique des travailleurs des petites entreprises varient considérablement, mais sont souvent inférieurs à la moyenne pour lensemble de la population active. Il importe de noter que les propriétaires/dirigeants de ces entreprises ont parfois peu de formation sur le plan de lexploitation et de la gestion, et encore moins en ce qui concerne la détection, la prévention et la maîtrise des risques pour la santé au travail. Même lorsquon met des moyens de formation à leur disposition, ils ont rarement le temps, lénergie et les ressources financières pour les utiliser.
A linstar de tous les autres aspects des petites entreprises, les conditions de travail varient considérablement selon la nature de lentreprise, le type de production, le régime de la propriété et le lieu dimplantation. En général, les risques pour la santé et la sécurité au travail sont les mêmes que dans les grandes entreprises, mais, comme on la mentionné plus haut, les expositions à ces risques sont souvent beaucoup plus importantes. Il arrive toutefois que les conditions de travail dans les petites entreprises soient bien meilleures que dans les grandes entreprises pour un type de production similaire (Paoli, 1992).
Très peu détudes ont été faites jusquici en la matière, mais on constate sans surprise que celles qui ont porté sur la santé des travailleurs des petites entreprises de certains pays industriels comme la Finlande (Huuskonen et Rantala, 1985) et lAllemagne (Hauss, 1992) ont révélé une incidence relativement élevée de problèmes de santé, dont un bon nombre étaient liés au travail ou entraînaient une baisse de la capacité de travail. La prévalence des maladies professionnelles et des problèmes de santé liés au travail était encore plus élevée dans les petites entreprises des pays en développement (Reverente, 1992).
La mise en place de services de santé au travail dans les petites entreprises se heurte à des obstacles structurels, économiques et psychologiques de taille, dont voici quelques-uns:
Dans certains pays, la sécurité et la santé au travail relèvent du ministère du Travail et sont régies par un organisme prévu à cette fin; dans dautres, cette responsabilité est partagée entre les ministères du Travail, de la Santé ou des Affaires sociales. Dans certains pays, dont lItalie, les règlements relatifs aux services de santé au travail font partie de la législation en matière de santé tandis que dans dautres, comme la Finlande, ils font lobjet dune loi spéciale. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la prestation de services de santé au travail est facultative, mais ailleurs, en Suède notamment, elle est régie par des conventions collectives.
Selon la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de lOIT (OIT, 1981a), les gouvernements doivent concevoir une politique de sécurité et de santé au travail qui soit applicable à lensemble des entreprises et à tous les secteurs de léconomie et mise en uvre par une autorité compétente. Cette convention énonce les responsabilités des autorités, des employeurs et des travailleurs et, complétée par la recommandation no 164, définit les principales activités de sécurité et de santé au travail de tous les intervenants concernés à léchelon national et local.
La convention (no 161) et la recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985, sont venues sajouter à ces instruments de lOIT. Elles renferment des dispositions sur lélaboration de politiques, ladministration, linspection et la collaboration des services de santé au travail, les activités des équipes de sécurité et de santé au travail, les conditions de fonctionnement et les responsabilités des employeurs et des travailleurs; on y trouve aussi des directives sur lorganisation des services de santé au travail au niveau de lentreprise. Ces instruments ne font pas expressément mention des petites entreprises, mais ces dernières ont été prises en considération lors de leur élaboration, car ils ne fixent pas de seuil pour les services de santé au travail et laissent toute la latitude nécessaire dans leur organisation.
La ratification de ces instruments de lOIT a malheureusement été limitée, en particulier dans les pays en développement. Daprès lexpérience des pays industriels, les petites entreprises nappliqueront probablement pas les principes de lOIT si elles ne bénéficient pas de mesures spéciales et de lappui des autorités gouvernementales.
LOrganisation mondiale de la santé sest employée activement à promouvoir la mise en place de services de santé au travail. Elle a organisé une consultation sur les normes légales en 1989 (OMS, 1989a) et publié une vingtaine de documents techniques sur divers aspects des services de santé au travail. Le Bureau régional de lEurope de lOMS a effectué, en 1985, puis de nouveau en 1992, des études sur les services de santé au travail en Europe tandis que, de son côté, lOrganisation panaméricaine de la santé a fait de 1992 lannée de la santé au travail en organisant des activités dans ce domaine et en mettant en uvre un programme spécial en Amérique centrale et en Amérique du Sud.
LUnion européenne a adopté 16 directives sur la sécurité et la santé au travail, dont la plus importante est la directive 89/391/CEE, intitulée «directive-cadre» (CCE, 1989). Elles prévoient des mesures spécifiques; les employeurs sont notamment tenus dévaluer les risques pour la santé de diverses installations techniques ou de faire passer des examens de santé à leurs travailleurs exposés à des risques spéciaux. Elles portent aussi sur la protection des travailleurs contre les dangers physiques, chimiques et biologiques, y compris la manutention de charges lourdes et le travail sur des équipements à écrans de visualisation.
Tous ces instruments internationaux ont certes été élaborés en ayant les petites entreprises à lesprit, mais il nen reste pas moins que la plupart de leurs dispositions ne sappliquent en pratique quaux grandes entreprises. Lélaboration de modèles efficaces pour organiser des services de santé au travail de niveau semblable pour les petites entreprises reste encore à faire.
Comme on la déjà mentionné, en raison de leur petite taille, de leur dispersion géographique et de la grande diversité de la nature des activités et des conditions de travail, ajoutées à linsuffisance des ressources financières et humaines, il est difficile dorganiser des services efficaces de santé au travail pour les petites entreprises. Seuls quelques-uns des divers modèles de prestation de services de santé au travail présentés en détail dans ce chapitre peuvent être adaptés aux petites entreprises.
Les petites entreprises qui sont des unités opérationnelles de grandes entreprises sont peut-être les seules exceptions à la règle. Habituellement régies par des politiques établies pour lensemble de lentreprise, elles prennent part à des activités déducation et de formation offertes à léchelle de lentreprise et elles ont accès à une équipe multidisciplinaire de spécialistes en santé au travail faisant partie dun service central de santé au travail généralement situé au siège social de lentreprise. Le fait que lensemble des coûts des activités de sécurité et de santé au travail sont assumés par le service central de santé au travail ou le budget général de lentreprise joue un rôle clé dans le succès de ce modèle. Lorsque, suivant la tendance courante, les coûts sont imputés sur le budget dexploitation de la petite entreprise, il peut être difficile dobtenir la pleine collaboration de son dirigeant local, dont la performance est peut-être évaluée en fonction de la rentabilité de cette entreprise en particulier.
Dans plusieurs pays dEurope le Danemark, la Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède , des petites et moyennes entreprises ont institué avec succès des services de groupe. Dans dautres pays, pareils services de groupe ont été expérimentés avec laide de subventions gouvernementales ou de fondations privées, mais ils nont pas survécu au-delà de la période des subventions.
Le modèle du service axé sur une branche dactivité, qui fournit des services à un grand nombre dentreprises travaillant toutes dans le même secteur, par exemple la construction, lexploitation forestière, lagriculture ou lindustrie alimentaire, est une variante intéressante du modèle des services de groupe. Il permet aux services de se spécialiser dans les problèmes propres à la branche dactivité et, partant, dacquérir une grande compétence dans le domaine. Le Bygghälsan suédois, qui offre des services aux industries de la construction, en est un exemple bien connu.
Les services organisés par un syndicat dont les membres travaillent dans des petites entreprises très dispersées, mais appartenant à un même secteur dactivité (par exemple, les travailleurs de la santé, les commis bouchers, les employés de bureau et les travailleurs de la confection), constituent une exception digne dêtre mentionnée. Généralement institués en vertu dune convention collective, ces services sont financés par les contributions des employeurs, mais ils sont régis, pour la plupart, par un conseil dadministration formé de représentants des employeurs et des travailleurs. Quelques-uns gèrent des centres de santé locaux offrant une vaste gamme de services cliniques primaires et spécialisés non seulement aux travailleurs, mais aussi, bien souvent, aux personnes à leur charge.
Dans certains cas, les services de santé au travail sont assurés par des services de consultations externes en milieu hospitalier, des centres de santé privés et des centres locaux de soins de santé primaires. Ils se concentrent, en règle générale, sur le traitement des lésions et des maladies aiguës liées au travail et offrent peu de services préventifs, mis à part les examens médicaux systématiques. Leur personnel connaît souvent mal la santé et la sécurité au travail, et comme il est habituellement rémunéré à lacte, cela ne lincite guère à simpliquer dans la surveillance, la prévention et la maîtrise des risques professionnels.
Ces «services externes» présentent un inconvénient particulier: la relation de client ou dusager qui sétablit avec ceux qui les utilisent empêche généralement la participation et la collaboration des employeurs et des travailleurs à la planification et à la surveillance des services qui sont préconisés dans les conventions de lOIT et les autres instruments internationaux mis au point pour orienter les services de santé et de sécurité au travail.
Le «modèle de la sécurité sociale», selon lequel les services de santé au travail sont assurés par lorganisme chargé aussi de lindemnisation des maladies professionnelles et des accidents du travail, constitue une autre variante. Il permet de disposer plus facilement des ressources nécessaires pour financer non seulement des services de traitement et de réadaptation, mais aussi, au premier chef, des services de prévention.
Une étude importante menée en Finlande (Kalimo et coll., 1989), qui est lune des très rares tentatives dévaluation des services de santé au travail, a montré que ces services étaient majoritairement offerts, dans le cas des petites entreprises, par des centres de santé municipaux et privés et, en deuxième lieu, par des centres de groupe ou des centres communs. Plus lentreprise était petite, plus elle avait tendance à utiliser les centres de santé municipaux; plus de 70% des petites entreprises comptant de un à cinq travailleurs se rangeaient dans cette catégorie. Létude a permis de tirer des conclusions importantes notamment en ce qui concerne la valeur des visites en milieu de travail effectuées par le personnel des centres desservant les petites entreprises dans le but: 1) de mieux connaître les conditions de travail et les problèmes de santé au travail particuliers des entreprises clientes; 2) de déterminer si le personnel de ces centres devait recevoir une formation spéciale sur la santé et la sécurité au travail avant doffrir les services.
Les services de santé au travail conçus à lintention des petites entreprises varient considérablement selon les lois et les pratiques nationales, la nature de lactivité et le milieu de travail concernés, les caractéristiques et létat de santé des travailleurs et les ressources disponibles (capacité des petites entreprises dassumer les coûts des services de santé au travail et présence de personnel et dinstallations de soins de santé dans la localité). Une liste des activités pouvant être intégrées à des services complets de santé au travail a été dressée daprès les instruments internationaux cités précédemment et des colloques et consultations tenus à léchelon régional (Rantanen, 1989; OMS, 1989a, 1989b). On peut dégager de ces rapports un certain nombre dactivités clés qui devraient toujours figurer dans un programme de santé au travail et qui présentent de lintérêt pour les petites entreprises. En voici quelques-unes.
Cette liste dactivités clés comporte implicitement la possibilité dobtenir des conseils et des consultations dans des spécialités de la sécurité et de la santé au travail telles que lhygiène du travail, lergonomie, la physiologie du travail, les techniques de sécurité, la psychiatrie et la psychologie du travail, etc. Il y a peu de chances pour que le personnel des centres qui offrent des services de santé au travail aux petites entreprises compte des spécialistes de ce genre, mais on peut généralement faire appel à leurs services, au besoin, par lentremise dorganismes gouvernementaux, duniversités et de bureaux privés dexperts-conseils.
Comme les propriétaires/dirigeants de petites entreprises nont pas toujours les connaissances et le temps nécessaires, ils sont forcés de sen remettre aux fournisseurs déquipements de sécurité en ce qui concerne lefficacité et la fiabilité de leurs produits, et aux fournisseurs de produits chimiques et dautres matières utilisées dans le cadre de la production pour obtenir des renseignements clairs et complets (par exemple, des fiches techniques) sur les risques inhérents à ces produits et sur les moyens de les prévenir ou de les maîtriser. Il est donc important que des lois et des règlements nationaux régissent létiquetage, la qualité et la fiabilité des produits et que des renseignements faciles à comprendre (dans la langue de la région) soient fournis sur lutilisation et lentretien des équipements ainsi que sur lutilisation et lentreposage des produits. A titre de précaution supplémentaire, les organisations professionnelles et locales auxquelles appartiennent souvent les petites entreprises devraient fournir, dans le cadre de leurs bulletins et autres communications, des informations sur la prévention et le contrôle des expositions à des produits potentiellement dangereux.
En dépit de leur importance pour léconomie nationale et de leur rôle demployeur de la majeure partie de la population active du pays, les petites entreprises, les travailleurs indépendants et le secteur agricole sont mal desservis, en général, par les services de santé au travail. La convention no 161 et la recommandation no 171 de lOIT énoncent des principes directeurs pertinents pour la mise en place de pareils services à lintention des petites entreprises et elles devraient être ratifiées et mises en uvre par tous les pays. Les gouvernements nationaux devraient concevoir les mécanismes juridiques, administratifs et financiers nécessaires pour offrir, dans tous les lieux de travail, des services de sécurité et de santé capables de cerner, de prévenir et de contrôler les expositions à des risques éventuels et de faire en sorte que létat de santé, le bien-être et la capacité de production de lensemble des travailleurs atteignent un niveau optimal et sy maintiennent. Il faut promouvoir la collaboration à léchelon international, régional et sous-régional, à lexemple de lOIT et de lOMS, afin de favoriser léchange dinformations et de données dexpérience, lélaboration de normes et de directives adéquates et lexécution de programmes pertinents de formation et de recherche.
Les petites entreprises hésitent bien souvent à solliciter activement les services des unités de santé au travail, mais elles auraient tout intérêt à le faire. Face à ces réticences, des gouvernements et des institutions, en particulier dans les pays nordiques, ont adopté une nouvelle stratégie et engagé une vaste action en vue de létablissement ou de lextension de tels services. LInstitut finlandais de santé au travail, pour nen citer quun, applique actuellement un programme daction, à lintention de 600 petites entreprises employant 16 000 travailleurs, qui vise à mettre en place des services de santé au travail, à maintenir laptitude au travail, à prévenir les dangers pour lenvironnement dans le voisinage et à améliorer la compétence des petites entreprises en matière de sécurité et de santé au travail.
Tous les employeurs ont lobligation contractuelle de prendre des mesures afin dassurer la sécurité de leurs salariés. Les règles et les règlements relatifs au travail sont naturellement aussi variés que les dangers que présente le milieu de travail. La loi sur la sécurité au travail de la République fédérale dAllemagne impose donc aux employeurs lobligation de consulter des spécialistes pour les questions touchant la sécurité au travail. Les employeurs doivent en conséquence nommer non seulement des spécialistes (en particulier pour trouver des solutions techniques) mais aussi des médecins dentreprise, chargés de soccuper des aspects médicaux de la sécurité au travail.
La loi sur la sécurité au travail est en vigueur depuis décembre 1973. La République fédérale dAllemagne ne comptait alors quenviron 500 médecins ayant une formation en médecine du travail. Le système dassurance accidents obligatoire a joué un rôle décisif dans lélaboration et lédification du système actuel, qui a permis à la médecine du travail de se développer dans les sociétés par lentremise des médecins dentreprise.
Le système dassurance accidents obligatoire, lun des cinq secteurs de lassurance sociale, est chargé, à titre prioritaire, de prendre toutes les mesures pertinentes pour assurer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles par la détection et lélimination des risques pour la santé liés au travail. Les législateurs ont accordé de larges pouvoirs à ce système autonome pour lui permettre de sacquitter du mandat qui lui avait été confié par la loi: il peut adopter ses propres règles et règlements pour concevoir et formuler les mesures préventives nécessaires. Le système dassurance accidents obligatoire est donc chargé dans les limites du droit public en vigueur de déterminer quand un employeur doit engager un médecin dentreprise, quelles compétences en médecine du travail il doit exiger de lui et combien de temps ce dernier doit consacrer aux soins à son personnel.
La première version de ce règlement relatif à la prévention des accidents remonte à 1978. A lépoque, il ne semblait pas y avoir assez de médecins connaissant la médecine du travail pour répondre aux besoins de toutes les entreprises. Il a donc été décidé détablir tout dabord des conditions précises pour les grandes entreprises. Ces dernières avaient déjà pris les devants et avaient adopté, en ce qui concerne les médecins dentreprise, des dispositions qui satisfaisaient aux exigences du règlement relatif à la prévention des accidents ou même les dépassaient.
Cest le système dassurance accidents obligatoire qui détermine le nombre dheures à consacrer aux soins aux salariés dans une entreprise. Ce nombre est calculé daprès ce que les assureurs connaissent des risques pour la santé présents dans les divers secteurs dactivité. Laffectation dun médecin dentreprise est donc fonction du classement des entreprises fait par certains assureurs et de lévaluation des risques potentiels pour la santé.
Comme les soins assurés par des médecins dentreprise constituent une mesure de sécurité au travail, lemployeur doit assumer les frais liés à laffectation de ces médecins. Le nombre de salariés de chacun des secteurs à risque multiplié par le temps alloué aux soins détermine le montant des dépenses. Il existe donc toute une gamme de soins possibles, selon la taille de lentreprise, puisque cette dernière peut employer un ou plusieurs médecins à plein temps (médecins appartenant à lentreprise) ou à temps partiel (services facturés à lheure). La diversité des besoins a ainsi donné lieu à de multiples formes de services de médecine du travail.
En principe, il faudrait distinguer, pour des raisons juridiques, les dispositions prises par les entreprises pour assurer des soins à leurs salariés et le travail fait par les médecins du système de santé public chargé de fournir des soins médicaux généraux à la population.
La loi sur la sécurité au travail a déjà défini un ensemble de fonctions pour les médecins dentreprise afin de distinguer clairement les services de médecine du travail dont les employeurs assument la responsabilité, et qui sont énoncés à la figure 16.2. Les médecins dentreprise nexercent pas leurs fonctions sous les ordres de lemployeur; ils doivent cependant toujours combattre cette image, même de nos jours.
Lune des fonctions essentielles du médecin dentreprise est lexamen médical des salariés au travail. Selon le contexte, un tel examen peut simposer, par exemple si des conditions de travail particulières amènent le médecin dentreprise à offrir, de son propre chef, aux salariés concernés de subir un examen médical. Il ne peut toutefois forcer un salarié à se soumettre à cet examen, mais il doit plutôt lamener à le faire en créant un climat de confiance.
Les bilans de santé préventifs, que les employeurs peuvent prescrire à leur personnel selon la loi, viennent sajouter à ce genre dexamen. A lissue de ce bilan, le médecin délivre un certificat dans lequel il atteste quil na pas dobjection à ce que le salarié travaille au poste de travail envisagé. Lattestation nest valable quune seule fois.
La loi prescrit des bilans de santé préventifs sil y a exposition à des matières dangereuses particulières au travail ou si lemploi comporte des activités particulièrement dangereuses et si ces risques sanitaires ne peuvent être éliminés par des mesures de sécurité pertinentes. Ce nest que dans des cas exceptionnels par exemple, dans celui des bilans de santé de radioprotection que la prescription prévoyant un examen obligatoire est appuyée par des règlements précisant ce que le médecin doit rechercher, quelles méthodes il doit appliquer et quels critères il doit utiliser pour interpréter le résultat de lexamen et juger de létat de santé en relation avec laffectation à des tâches.
Les Berufsgenossenschaften, associations professionnelles qui offrent des assurances accidents aux secteurs du commerce et de lindustrie, ont donc décidé, en 1972, dautoriser un comité dexperts à élaborer des recommandations pertinentes pour les médecins soccupant de médecine du travail. Ces recommandations existent depuis plus de vingt ans. Les directives relatives aux bilans de santé préventifs, énumérées à la figure 16.3, font état de 43 procédures dexamen applicables aux divers dangers pour la santé qui peuvent être maîtrisés, dans létat actuel des connaissances, par des mesures médicales appropriées et afin dempêcher les maladies de se développer.
Les Berufsgenossenschaften sont chargées de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la survenue de maladies professionnelles, et cest à ce titre quelles formulent de telles recommandations. Ces directives relatives aux bilans de santé préventifs constituent un ouvrage de référence en médecine du travail. Elles sont applicables à toutes les sphères dactivité, et non pas seulement à celles de lindustrie et du commerce.
En marge de ces recommandations en matière de médecine du travail, les Berufsgenossenschaften ont aussi pris rapidement des mesures pour obliger les entreprises nayant pas leur propre médecin à faire en sorte que leurs salariés bénéficient de ces bilans préventifs. Des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent même, à condition de respecter certaines exigences de base liées essentiellement à leurs connaissances spécialisées et aux installations dont ils disposent, être autorisés à effectuer des bilans préventifs, conformément à une politique appliquée par les Berufsgenossenschaften. Cest là la condition préalable qui a été imposée aux 13 000 médecins autorisés, au total, qui procèdent à 3,8 millions de bilans préventifs chaque année en Allemagne.
Si lon a pu exiger légalement que les entreprises procèdent à ces bilans préventifs, quelles aient ou non un médecin à leur service, cest que le pays possédait un nombre suffisant de médecins. Il devenait donc possible dutiliser le système dassurance accidents obligatoire pour appliquer certaines mesures de protection de la santé au travail, même dans les petites entreprises. Les règlements pertinents figurent dans lordonnance sur les substances dangereuses ainsi que dans la réglementation relative à la prévention des accidents, qui régissent les droits et obligations de lemployeur et du salarié examiné et le rôle du médecin agréé.
Les statistiques publiées chaque année par lOrdre fédéral des médecins (Bundesärztekammer) indiquent que, pour lannée 1994, plus de 11 500 médecins satisfaisaient aux conditions, sur le plan des connaissances spécialisées en médecine du travail, pour être des médecins dentreprise (voir tableau 16.2). En République fédérale dAllemagne, lorganisation Standesvertretung, qui représente la profession médicale, réglemente en toute autonomie les conditions que doivent remplir les médecins, sur le plan des études et du perfectionnement professionnel, pour exercer dans un domaine donné.
|
Nombre |
Pourcentage |
Désignation sectorielle «médecine du travail» |
3 776 |
31,4 |
Désignation supplémentaire «médecine d’entreprise» |
5 732 |
47,6 |
Connaissances spécialisées en médecine du travail (autres qualifications) |
2 526 |
21,0 |
Total |
12 034 |
100 |
1 Au 31 décembre 1995.
Pour satisfaire à ces conditions, le médecin dentreprise doit être diplômé en «médecine du travail» ou en «médecine dentreprise»; cest-à-dire quà lissue de quatre ans détudes suivant lobtention du permis dexercice de la médecine il peut travailler exclusivement en médecine du travail ou, à lissue de trois ans détudes, il peut travailler à titre de médecin dentreprise seulement sil exerce aussi dans un autre domaine de la médecine (par exemple, en médecine interne). Les médecins privilégient la deuxième option, en général. Cest dire quils considèrent que lessentiel de leur activité professionnelle sexerce dans un domaine classique de la médecine et non en médecine du travail.
La médecine du travail apparaît comme une source de revenus secondaire aux yeux de ces médecins. Cela explique également pourquoi lexamen médical continue de prédominer dans la pratique de la médecine dentreprise, même si les mesures législatives et le système dassurance accidents obligatoire mettent laccent sur linspection des entreprises et les conseils médicaux aux employeurs et aux salariés.
Il existe, en outre, un groupe de médecins qui ont acquis des connaissances spécialisées en médecine du travail il y a bien longtemps et satisfaisaient aux conditions imposées à lépoque. Les conditions que devaient remplir les médecins de lex-République démocratique allemande pour exercer à titre de médecins dentreprise revêtent une importance particulière à cet égard.
En principe, lemployeur peut choisir librement un médecin dentreprise parmi ceux qui offrent leurs services en médecine du travail. Comme loffre de médecins nétait pas suffisante lorsque les conditions préalables pertinentes ont été fixées par la loi au début des années soixante-dix, le système dassurance accidents obligatoire a pris linitiative de réguler les mécanismes du marché de loffre et de la demande.
Les Berufsgenossenschaften de lindustrie de la construction ont créé leurs propres services de médecine du travail en engageant sur contrat des médecins spécialisés en médecine du travail pour assurer des soins dans les entreprises qui leur étaient affiliées. Les Berufsgenossenschaften ont pris des dispositions, dans le cadre de leurs statuts, pour que chacune de leurs entreprises soit desservie par un service de médecine du travail. Les coûts étaient répartis entre toutes les entreprises au moyen de formules de financement appropriées. On trouvera au tableau 16.3 des renseignements succincts sur les services externes de médecine du travail offerts par les Berufsgenossenschaften de lindustrie de la construction.
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Médecins assurant des soins à titre d’activité principale |
Médecins assurant des soins à titre d’activité secondaire |
Centres |
Salariés desservis |
ARGE Bau1 |
221 |
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83 mobile: 46 |
|
BAD2 |
485 |
72 |
175 mobile: 7 |
1,64 million |
IAS3 |
183 |
|
58 |
500 000 |
TÜV4 |
|
|
72 |
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AMD Würzburg5 |
60–70 |
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30–35 |
1 ARGE Bau = Communauté des travailleurs des Berufsgenossenschaften de l’industrie de la construction. 2 BAD = Service de médecine du travail des Berufsgenossenschaften.3 IAS = Institut de médecine du travail et de médecine sociale.4 TÜV = Association de contrôle technique.5 AMD Würzburg = Service de médecine du travail des Berufsgenossenschaften.
Les Berufsgenossenschaften de lindustrie des transports maritimes et du cabotage ont également mis sur pied des services de médecine du travail pour leur secteur. Il est à noter que les caractéristiques propres aux entreprises de ce secteur activités sans localisation fixe et exigences professionnelles particulières ont eu une influence déterminante sur leur décision de souligner à leurs entreprises affiliées la nécessité des médecins dentreprise.
Des facteurs semblables ont amené les autres Berufsgenossenschaften à former une confédération pour fonder le service de médecine du travail des Berufsgenossenschaften (BAD). Cet organisme, qui offre ses services à toutes les entreprises sur le marché, a pu sétablir rapidement partout en République fédérale dAllemagne grâce à la garantie financière des Berufsgenossenschaften. Cela lui permet de faire en sorte que les entreprises situées dans les Länder où lactivité économique est relativement faible aient accès à un médecin dentreprise dans leur région. Le principe est toujours le même de nos jours. Le BAD est considéré comme le fournisseur le plus important de services de médecine du travail. Léconomie de marché le force cependant à soutenir la concurrence dautres fournisseurs, surtout dans les agglomérations urbaines, en maintenant un haut niveau de qualité.
Les services de médecine du travail de lAssociation de contrôle technique (TÜV) et de lInstitut de médecine du travail et de médecine sociale (IAS) viennent au deuxième et au troisième rang en importance, toutes régions confondues. Il y a également de nombreuses entreprises de taille plus restreinte, présentes à léchelon régional, dans tous les Länder dAllemagne.
La loi sur la sécurité au travail, fondement juridique des soins assurés par les médecins dentreprise, régit aussi la surveillance professionnelle de la sécurité au travail afin notamment que les questions de sécurité au travail soient traitées par un personnel bien au fait des précautions techniques à prendre. Les exigences du travail en industrie ont parallèlement changé à tel point que les connaissances techniques concernant la sécurité au travail doivent maintenant saccompagner de plus en plus dune connaissance de la toxicologie des matières utilisées. En outre, lorganisation ergonomique des conditions de travail et les effets physiologiques des agents biologiques jouent un rôle croissant dans lévaluation du stress au travail.
Les connaissances nécessaires ne peuvent être rassemblées que par la collaboration interdisciplinaire dexperts dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Le système dassurance accidents obligatoire encourage donc particulièrement lélaboration de formes dorganisation qui prennent en compte cette collaboration interdisciplinaire au stade organisationnel et il crée, à lintérieur même de sa structure, des conditions favorables à cette collaboration en réorganisant en conséquence ses services administratifs. Ce que lon appelait autrefois le Service dinspection technique du système dassurance accidents obligatoire devient un secteur axé sur la prévention comptant non seulement des techniciens, mais aussi des chimistes, des biologistes et, de plus en plus, des médecins qui cherchent ensemble à résoudre les problèmes de santé au travail.
Cest là lune des conditions essentielles à linstauration de la collaboration interdisciplinaire à lintérieur des entreprises et entre les services de technologie de la sécurité et les médecins dentreprise dont on a besoin pour résoudre efficacement les problèmes immédiats de santé et de sécurité au travail.
Il faudrait, en outre, intensifier la supervision des techniques de sécurité dans toutes les entreprises tout comme le droit de regard des médecins dentreprise. Il faut que les entreprises emploient des spécialistes de la sécurité en sappuyant sur le même fondement juridique la loi sur la sécurité au travail ou quelles fournissent elles-mêmes du personnel dûment formé dans ce secteur. A linstar de la supervision assurée par les médecins dentreprise, le règlement relatif à la prévention des accidents à lintention des spécialistes de la sécurité au travail (VBG 122) a énoncé les exigences que les entreprises doivent fixer pour lembauchage de ces spécialistes. En outre, dans le cas de la supervision des techniques de sécurité des entreprises, on a pris soin de veiller à ce que ces exigences sappliquent à chacune des 2,6 millions dentreprises que comptent actuellement le secteur privé et le secteur public.
Environ 2 millions de ces entreprises ont moins de 20 salariés et sont classées parmi les petites entreprises. En supervisant pleinement toutes les entreprises, y compris les petites et les très petites, le système dassurance accidents obligatoire se donne la possibilité de faire respecter la sécurité et la santé au travail dans tous les secteurs.
Les services de santé au travail aux Etats-Unis ont, de tout temps, été caractérisés par une division entre fonction et contrôle. La question de savoir dans quelle mesure le gouvernement, à quelque échelon que ce soit, devrait promulguer des règles régissant les conditions de travail a toujours soulevé la controverse. En outre, il y a eu des tiraillements entre les gouvernements des Etats et le gouvernement fédéral sur le point de savoir à qui incombe la responsabilité première dassurer des services de prévention fondés essentiellement sur les lois régissant la sécurité et la santé au travail. Lindemnisation des victimes daccidents du travail et de maladies professionnelles a été prise en charge principalement par les compagnies dassurances privées, tandis que léducation en matière de santé et de sécurité a été, jusquà tout récemment, laissée en grande partie aux syndicats et aux entreprises.
Cest au niveau des Etats quont eu lieu les premiers efforts gouvernementaux de réglementation des conditions de travail. Des Etats ont entrepris dadopter des lois sur la santé et la sécurité au travail au tout début du XIXe siècle, époque où laugmentation de la production industrielle commençait à saccompagner de taux daccidents élevés. La Pennsylvanie a adopté la première loi sur linspection des mines de charbon en 1869, et le Massachusetts a été le premier Etat à promulguer une loi sur linspection des fabriques en 1877.
En 1900, les Etats les plus industrialisés avaient adopté des lois concernant certains dangers au travail. Au début du XXe siècle, lEtat de New York et celui du Wisconsin faisaient figure de pionniers en élaborant des programmes plus importants de sécurité et de santé au travail.
La plupart des Etats ont adopté, entre 1910 et 1920, des lois sur la réparation des accidents du travail établissant lassurance privée sans égard à la faute. Quelques Etats, dont celui de Washington, ont instauré un système de collecte de données et dorientation des objectifs de recherche. Les lois sur la réparation des accidents du travail variaient considérablement dun Etat à lautre, nétaient généralement pas bien appliquées et excluaient de nombreux travailleurs, notamment ceux de lagriculture. Seuls les salariés des chemins de fer et des ports, les débardeurs et les fonctionnaires fédéraux avaient des régimes nationaux de réparation des accidents du travail.
Au cours des premières décennies du XXe siècle, le rôle du gouvernement fédéral en matière de sécurité et de santé au travail sest borné à la recherche et au conseil. En 1910, le Bureau fédéral des mines (Federal Bureau of Mines) a été créé au sein du ministère de lIntérieur pour enquêter sur les accidents, consulter lindustrie, faire de la recherche sur la sécurité et la production et conduire des actions de formation à la prévention des accidents, aux premiers secours et au sauvetage dans les mines. LOffice dhygiène industrielle et de salubrité (Office of Industrial Hygiene and Sanitation) a été créé au sein du Service de santé publique, en 1914, pour faire de la recherche et aider les Etats à résoudre les problèmes de sécurité et de santé au travail. Il a été installé à Pittsburgh parce quil était étroitement lié au Bureau des mines et quil soccupait surtout des accidents du travail et des maladies survenant dans les secteurs des mines et de lacier.
Un ministère du Travail distinct a été institué en 1913; le Bureau des normes du travail et le Conseil interministériel de la sécurité ont été mis en place en 1934. En 1936, le ministère du Travail a commencé à jouer un rôle de réglementation en vertu de la loi Walsh-Healey sur les marchés publics, qui obligeait certains entrepreneurs fédéraux à respecter des normes minimales en matière de sécurité et de santé. Le contrôle de lapplication de ces normes était effectué par les Etats avec une efficacité variable, en vertu daccords de collaboration avec le ministère du Travail. Nombreux étaient ceux qui affirmaient que cette juxtaposition hétéroclite de lois des Etats et de lois fédérales ne permettait pas de prévenir efficacement les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les premières lois fédérales importantes sur la sécurité et la santé au travail ont été adoptées en 1969 et 1970. En novembre 1968, une explosion survenue à Farmington, en Virginie occidentale, a tué 78 travailleurs dune mine de charbon, ce qui a amené les mineurs à réclamer des lois fédérales plus sévères. En 1969, la loi fédérale sur la sécurité et la santé dans les mines de charbon, fixant des normes obligatoires de santé et de sécurité pour les mines de charbon souterraines, a été adoptée. Combinée à dautres lois antérieures sur les mines et élargie, elle est devenue la loi fédérale sur la sécurité et la santé dans les mines de 1977, portant création de lAdministration de la sécurité et de la santé dans les mines, chargée délaborer et de veiller à lapplication des normes de sécurité et de santé pour lensemble du secteur minier aux Etats-Unis.
Ce nest pas une catastrophe unique, mais une hausse régulière des taux daccidents au cours des années soixante qui a favorisé ladoption de la loi sur la sécurité et la santé au travail de 1970. Le souci naissant de protéger lenvironnement et une décennie de législation progressiste ont assuré ladoption de la nouvelle loi omnibus, qui sapplique à la majorité des lieux de travail aux Etats-Unis. Elle a institué lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)), au sein du ministère du Travail, chargée de fixer et de faire appliquer les normes fédérales sur la sécurité et la santé au travail. La loi ne marquait pas une rupture complète par rapport au passé, puisquelle prévoyait un mécanisme permettant aux Etats dadministrer leurs propres programmes de sécurité et de santé au travail. La loi a établi aussi lInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), au sein de ce qui est aujourdhui le ministère de la Santé, chargé de faire de la recherche, de former des professionnels de la santé et de la sécurité et délaborer des normes dans ce domaine.
De nos jours, aux Etats-Unis, les services de sécurité et de santé au travail sont assurés par divers secteurs. Dans les grandes entreprises, le traitement, la prévention et léducation relèvent essentiellement des services médicaux des entreprises. Dans les plus petites entreprises, ces services sont généralement assurés par des hôpitaux, des établissements de soins ou des cabinets de médecins.
Les évaluations toxicologiques et les évaluations médicales indépendantes sont confiées à des médecins ainsi quà des centres hospitaliers universitaires et autres établissements de soins du secteur public. Enfin, des services gouvernementaux assurent le contrôle de lapplication des lois sur la sécurité et la santé au travail, le financement de la recherche, la formation et lélaboration de normes en la matière.
Ce système complexe est décrit dans les articles qui suivent. MM. Bunn et McCunney, respectivement de la Mobil Oil Corporation et du Massachusetts Institute of Technology, traitent des services offerts en entreprise. Penny Higgins (RN, BS), de Northwest Community Healthcare à Arlington Heights (Illinois), décrit les programmes offerts en milieu hospitalier. Dean B. Baker (MD, MPH), directeur de lUniversité de Californie, expose les activités des centres hospitalo-universitaires. Linda Rosenstock, directrice du NIOSH, et Sharon L. Morris, du Département de lhygiène de lenvironnement de lUniversité de Washington, résument les activités gouvernementales à léchelon fédéral, à léchelon des Etats et à léchelon local. LaMont Byrd, directeur de la santé et de la sécurité à la Fraternité internationale des Teamsters, AFL-CIO, décrit les diverses activités quoffre son service aux membres de ce syndicat international.
Cette division des responsabilités en matière de santé au travail engendre souvent des chevauchements et, dans le cas de lindemnisation des travailleurs, des prescriptions et des services contradictoires. Cette approche pluraliste fait à la fois la force et la faiblesse du système aux Etats-Unis. Elle permet daborder les problèmes sous divers angles, mais elle peut semer la confusion chez lutilisateur qui ne connaît pas parfaitement le système. Cest un système qui fluctue souvent et où la balance des pouvoirs va et vient entre les intervenants clés secteur privé, syndicats, gouvernements des Etats ou gouvernement fédéral.
LOSHA a été créée pour inciter les employeurs et les travailleurs à réduire les risques au travail et à mettre en uvre des programmes efficaces de sécurité et de santé. Pour ce faire, elle établit et fait appliquer des normes, elle surveille lexécution des programmes de sécurité et de santé des Etats, elle fait obligation aux employeurs de tenir des registres des accidents du travail et des maladies professionnelles, elle dispense aux employeurs et aux salariés une formation en matière de sécurité et de santé et elle effectue des enquêtes sur les plaintes des travailleurs qui se disent victimes de représailles pour avoir signalé des risques pour la sécurité ou la santé.
LOSHA est dirigée par un secrétaire adjoint au Travail pour la sécurité et la santé au travail, qui fait rapport au secrétaire au Travail. LOSHA a son siège à Washington, DC, et elle compte 10 bureaux régionaux et quelque 85 bureaux de secteur. Environ la moitié des Etats administre ses propres programmes de sécurité et de santé, et lOSHA sen charge dans les Etats qui nont pas de programme propre. La loi sur la sécurité et la santé au travail exige aussi que chaque organisme gouvernemental fédéral exécute un programme de sécurité et de santé conforme aux normes de lOSHA.
Les normes constituent la base du programme de lOSHA; elles définissent les exigences que doivent respecter les employeurs. Les projets de normes sont publiés dans le Registre fédéral, et le public peut les commenter et faire entendre sa voix. Les normes finales sont également publiées dans le Registre fédéral et peuvent être contestées devant une cour dappel des Etats-Unis.
Les employeurs sont tenus de respecter la clause du devoir général de diligence prévue dans la loi sur la sécurité et la santé au travail dans les domaines où lOSHA na pas établi de norme; cette clause stipule que chaque employeur doit fournir à ses salariés «un lieu de travail exempt des risques connus qui causent ou sont de nature à causer le décès ou un dommage physique grave».
LOSHA a le droit dentrer dans les lieux de travail pour déterminer si un employeur respecte les exigences de la loi. Elle accorde la plus haute priorité aux enquêtes sur les dangers imminents, les catastrophes et les accidents mortels, les plaintes des salariés et les inspections régulières dans les secteurs très dangereux.
Si lemployeur refuse laccès à ses locaux, linspecteur peut se trouver dans lobligation dobtenir un mandat de perquisition dun juge de district ou dun magistrat des Etats-Unis. Les représentants de lemployeur et des travailleurs ont le droit daccompagner les inspecteurs de lOSHA dans leurs visites dentreprise. Linspecteur délivre des mises en demeure et propose des peines pour toutes les violations constatées pendant linspection et fixe un délai pour y remédier.
Lemployeur peut contester la mise en demeure devant la Commission de contrôle de la sécurité et de la santé au travail, organisme indépendant chargé de statuer sur les contestations des mises en demeure délivrées par lOSHA et les amendes fixées. Lemployeur peut aussi interjeter appel dune décision négative de la Commission de contrôle devant un tribunal fédéral.
Les employeurs qui consentent à remédier aux risques graves relevés par le conseiller peuvent bénéficier dune assistance gratuite à cette fin. Laide peut porter sur lélaboration de programmes de sécurité et de santé et la formation des travailleurs. Ce service, qui sadresse surtout aux petits employeurs, est financé en grande partie par lOSHA et assuré par des organismes gouvernementaux ou des universités.
LOSHA a un programme de protection volontaire selon lequel les entreprises sont dispensées des inspections régulières si elles satisfont à certains critères et acceptent de mettre en place leurs propres programmes complets de sécurité et de santé. Ces entreprises doivent avoir un taux daccidents inférieur à la moyenne et des programmes de sécurité écrits, mettre leurs registres daccidents et dexposition aux risques à la disposition de lOSHA et informer les travailleurs de leurs droits.
LOSHA avait, en 1995, un budget de 312 millions de dollars et environ 2 300 salariés. Ces ressources servaient à assurer la protection de plus de 90 millions de travailleurs dans lensemble des Etats-Unis.
La loi sur la sécurité et la santé au travail de 1970 a donné aux gouvernements des Etats la possibilité de réglementer la sécurité et la santé au travail.
Les Etats qui désirent mettre en uvre leur propre programme délaboration et dapplication de normes de sécurité et de santé soumettent un plan à lapprobation de lOSHA. Ce plan énonce en détail ce que lEtat compte faire pour élaborer et appliquer des normes «au moins aussi efficaces» que celles de lOSHA et pour exercer sa juridiction sur les agents de la fonction publique des Etats, des villes et des autres administrations publiques (à lexception des administrations fédérales) auxquels lOSHA nassure pas dautre protection. Dans ces Etats, le gouvernement fédéral renonce à ses responsabilités directes en matière de réglementation et se charge plutôt de financer en partie les programmes des Etats et de vérifier si leurs activités sont conformes aux normes nationales.
Environ la moitié des Etats ont choisi dadministrer leurs propres programmes. Deux autres Etats, New York et le Connecticut, ont décidé de conserver la compétence fédérale sur leur territoire mais dajouter un système de sécurité et de santé au travail qui assure la protection des agents de la fonction publique.
Les programmes de prévention administrés par les Etats permettent dorienter les ressources et les efforts de réglementation vers les besoins particuliers de chacun deux. Lexploitation forestière, par exemple, ne se fait pas de la même façon dans lest et dans louest des Etats-Unis. La Caroline du Nord, qui administre son propre programme de prévention, a pu cibler ses programmes de réglementation, de vulgarisation, de formation et dexécution de façon à répondre aux besoins de ses bûcherons sur le plan de la sécurité et de la santé.
LEtat de Washington, qui a une importante base économique agricole, a élaboré des normes de sécurité pour lagriculture qui excèdent les normes minimales obligatoires sur le plan national et a traduit en espagnol les informations sur la sécurité pour répondre aux besoins des travailleurs agricoles hispanophones.
Les Etats peuvent élaborer non seulement des programmes spécifiques, mais aussi des programmes et des règlements qui ne recueilleraient pas suffisamment dappui à léchelon fédéral. La Californie, lUtah, le Vermont et lEtat de Washington limitent lexposition à la fumée du tabac au travail; lEtat de Washington et lOregon exigent que chaque employeur élabore des plans de prévention des accidents et des maladies pour chaque lieu de travail; lUtah a adopté, dans les secteurs du forage pétrolier et gazier et de la fabrication dexplosifs, des normes supérieures à celles que lOSHA a fixées à léchelon fédéral.
Les Etats peuvent mettre en uvre des programmes de consultation pour aider gratuitement les employeurs à déceler les dangers au travail et à y remédier. Ces consultations, qui nont lieu quà la demande de lemployeur, sont séparées des programmes dexécution.
En 1993, les programmes administrés par les Etats comptaient en tout 1 170 personnes chargées du contrôle de lapplication, selon lassociation chargée des plans de sécurité et de santé au travail des Etats. Ils comptaient en outre quelque 300 conseillers en matière de prévention et près de 60 coordonnateurs de la formation et de léducation. La plupart de ces programmes relèvent du ministère du Travail des Etats.
LAdministration de la sécurité et de la santé dans les mines (MSHA) adopte et fait appliquer des normes visant à réduire les accidents, les maladies et les décès dans le secteur des mines et du traitement des minerais, indépendamment de la taille de lentreprise, de la méthode dextraction ou du nombre de salariés. La MSHA doit inspecter toutes les mines souterraines au moins quatre fois par an et toutes les mines à ciel ouvert au moins deux fois par an.
Outre ses activités de contrôle, la MSHA est tenue, en vertu de la loi sur la sécurité et la santé dans les mines, détablir des règlements concernant la formation à la sécurité et à la santé des mineurs, daméliorer et de renforcer les lois sur la santé et la sécurité dans les mines, et dencourager les mineurs et leurs représentants à prendre part aux activités de prévention. La MSHA collabore aussi avec les exploitants des mines en vue de résoudre les problèmes de sécurité et de santé au moyen de programmes déducation et de formation et de mesures de prévention technique pour réduire les accidents.
A linstar de lOSHA, la MSHA est dirigée par un secrétaire adjoint au Travail. Dans les régions de mines de charbon, dix bureaux de district y gèrent les activités de prévention. Six bureaux de district administrent les activités de prévention dans les mines métalliques et non métalliques des régions minières du pays.
Un certain nombre de bureaux qui secondent la MSHA dans sa tâche sont situés au siège, à Arlington (Virginie). Ce sont le Bureau des normes, des règlements et des dérogations, le Bureau des évaluations, la Direction de lappui technique et le Bureau de lorganisation des programmes. En outre, le Bureau de la promotion et de lorientation de la formation supervise le programme de formation de la MSHA à lAcadémie nationale de la sécurité et de la santé dans les mines de Beckley (Virginie-Occidentale), la plus grande institution au monde consacrée entièrement à la formation à la prévention dans les mines.
Le nombre de décès et de lésions dans le secteur minier a connu une baisse importante au cours du dernier siècle. Des milliers de travailleurs des mines de charbon ont été tués entre 1880 et 1910, dont 3 242 dans la seule année 1907. Dautres types de mines ont également fait de nombreux morts. Le nombre moyen de décès dans les mines a baissé au fil des ans et sétablit à moins de 100 par année aujourdhui.
La MSHA exige, conformément aux dispositions de la loi sur les mines, que les entreprises minières aient un plan approuvé de formation à la prévention prévoyant 40 heures de formation de base pour les nouveaux mineurs de fond, 24 heures de formation pour les nouveaux mineurs de surface, 8 heures de recyclage par an pour lensemble des mineurs et une formation sur la sécurité propre à certaines tâches pour les mineurs affectés à un nouveau poste de travail. LAcadémie nationale de la sécurité et de la santé dans les mines offre toute une gamme de cours de prévention. La MSHA dispense une formation spéciale pour les dirigeants et les travailleurs des petites exploitations minières. On peut se procurer le matériel pédagogique de la MSHA, y compris les bandes vidéo, les films, les publications et les documents techniques à lAcadémie et dans les bureaux de district.
En 1995, la MSHA disposait dun budget denviron 200 millions de dollars et comptait environ 2 500 salariés. Ces ressources devaient assurer la santé et la sécurité de quelque 113 000 travailleurs des mines de charbon et de 197 000 travailleurs des mines métalliques et non métalliques.
LInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (NIOSH) est lorganisme fédéral chargé de faire de la recherche sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et de présenter à lOSHA des projets de normes. Le NIOSH finance des programmes de formation à lintention des professionnels de la santé et de la sécurité au travail par lentremise des Centres de ressources pédagogiques et des projets de formation menés en milieu universitaire partout aux Etats-Unis. En vertu de la loi sur la sécurité et la santé dans les mines de 1977, le NIOSH effectue également des recherches et des évaluations sur les risques sanitaires et il recommande des normes sur la santé dans les mines à la MSHA.
Le directeur du NIOSH fait rapport à celui des Centres de lutte contre la maladie (CDC) qui relèvent du ministère de la Santé. Le siège du NIOSH se trouve à Washington, DC, les bureaux administratifs, à Atlanta (Géorgie) et les laboratoires, à Cincinnati (Ohio) et à Morgantown (Virginie-Occidentale).
Le NIOSH fait de la recherche à la fois sur les lieux de travail et en laboratoire. Il recense les lésions et les maladies dorigine professionnelle grâce à ses programmes de surveillance. Il recueille notamment des données sur certaines affections particulières, par exemple les taux élevés de plomb dans le sang chez les adultes ou les lésions chez les travailleurs adolescents. Il coordonne aussi les données recueillies par les Etats et par dautres organismes fédéraux afin davoir une vue générale des conséquences des risques professionnels dans le pays.
Le NIOSH fait des enquêtes sur les lieux de travail dans lensemble des Etats-Unis. Ces études lui permettent de cerner les risques, dévaluer limportance des expositions et de déterminer lefficacité des mesures de prévention. Il doit pouvoir pénétrer dans les entreprises pour effectuer ces enquêtes. Il publie ensuite des articles dans les revues scientifiques et fait des recommandations sur la prévention des risques dans des lieux de travail spécifiques.
En collaboration avec les ministères de la Santé des Etats, le NIOSH conduit des enquêtes sur les décès au travail attribuables à certaines causes particulières incluant les électrocutions, les chutes, lutilisation de machines et le travail en espace confiné. Il offre un programme spécial aux petites entreprises, afin de les aider à mettre au point des technologies efficaces et peu coûteuses pour limiter, à la source, les expositions dangereuses.
Le NIOSH fait de la recherche en laboratoire pour étudier les risques professionnels dans des conditions contrôlées. Il est ainsi mieux en mesure de déterminer les causes et les mécanismes des maladies professionnelles et des accidents du travail, de trouver des moyens de mesurer et de surveiller les expositions et, enfin, de mettre au point et dévaluer des équipements de protection individuelle et des techniques de contrôle.
Le NIOSH consacre environ 17% de son budget à des activités de services. Bon nombre de celles-ci sont, elles aussi, axées sur la recherche, par exemple le programme dévaluation des risques pour la santé. Il procède à des centaines dévaluations de ces risques chaque année à la demande demployeurs, de travailleurs ou dorganismes relevant du gouvernement fédéral ou des gouvernements des Etats. Il évalue les lieux de travail et propose aux travailleurs et aux employeurs des moyens de réduire les expositions.
Le NIOSH offre aussi un service dinformation téléphonique gratuit. Les utilisateurs peuvent obtenir des renseignements sur la sécurité et la santé au travail, demander une évaluation des risques pour la santé ou obtenir une publication du NIOSH. La page daccueil du NIOSH sur Internet constitue également une bonne source dinformation.
Le NIOSH tient un certain nombre de bases de données, dont la base de données bibliographiques NIOSHTIC sur les ouvrages traitant de la sécurité et de la santé au travail, et le Registre des effets toxiques des substances chimiques (RTECS), recueil de données toxicologiques tirées douvrages scientifiques, conformément à son mandat, qui consiste à «recenser toutes les substances toxiques connues et les concentrations pour lesquelles la toxicité a été établie».
Le NIOSH met des appareils de protection respiratoire à lessai et certifie quils satisfont aux normes nationales établies. Il aide ainsi les employeurs et les travailleurs à choisir celui qui convient le mieux pour un milieu de travail donné.
Le NIOSH finance des programmes offerts dans des universités de lensemble des Etats-Unis visant à former des médecins et du personnel infirmier du travail, des hygiénistes industriels et des professionnels de la sécurité. Il finance aussi des programmes visant à introduire la prévention dans les établissements denseignement commercial, technique et professionnel. Ces programmes, qui prennent la forme soit de centres de ressources pédagogiques multidisciplinaires soit de projets de formation axés sur une seule discipline, ont grandement contribué à faire de la santé au travail une discipline en soi et à répondre à la demande de professionnels qualifiés en matière de prévention.
Le NIOSH avait environ 900 salariés et un budget de 133 millions de dollars en 1995. Cest le seul organisme fédéral qui soit chargé par la loi de mener des activités de recherche et de formation professionnelle en matière de prévention.
Lavenir des programmes fédéraux de sécurité et de santé au travail aux Etats-Unis est très menacé dans le climat de déréglementation qui marque les années quatre-vingt-dix. Le Congrès continue de présenter des propositions sérieuses qui modifieraient de façon draconienne le fonctionnement de ces programmes.
Lune de ces propositions voudrait que les organismes de réglementation délaissent lélaboration et le contrôle de lapplication des normes au profit de léducation et de la consultation. Une autre voudrait que les organismes soient tenus deffectuer des analyses coûts-avantages complexes avant de pouvoir établir des normes. Le NIOSH est menacé dabolition ou de fusion avec lOSHA. Et tous ces organismes ont été désignés comme cibles des réductions budgétaires à venir.
Si ces propositions devaient se concrétiser, le rôle du gouvernement fédéral dans la recherche et dans létablissement et lapplication de normes uniformes en matière de sécurité et de santé au travail dans lensemble des Etats-Unis serait grandement réduit.
Les services de médecine dentreprise varient aussi bien par leur contenu que par leur structure. Beaucoup pensent que ces services sont lapanage des grandes entreprises et sont assez étoffés pour détecter tous les effets indésirables possibles chez lensemble des travailleurs. Mais, dans les faits, limportance de ces services varie considérablement. Certains noffrent que des examens préalables à lemploi, tandis que dautres assurent une surveillance médicale totale, des activités de promotion de la santé et dautres services spéciaux. La structure des services diffère aussi, tout comme la composition des équipes de sécurité et de santé. Dans certains cas, lentreprise passe un contrat avec un médecin de lextérieur qui assure des services médicaux, tandis que dans dautres, elle a un service de santé sur place comprenant des médecins et du personnel infirmier et une équipe dhygiénistes industriels, dingénieurs, de toxicologues et dépidémiologistes. Les fonctions et les responsabilités des membres de léquipe de sécurité et de santé varient selon la branche dactivité et les risques en cause.
De multiples facteurs incitent à exercer une surveillance médicale des travailleurs. Premièrement, il y a le souci de la sécurité et de la santé générales du salarié. Deuxièmement, la surveillance présente un avantage financier puisquelle accroît la productivité du salarié et réduit les frais pour soins médicaux. Troisièmement, les entreprises sont tenues de respecter la loi sur la sécurité et la santé au travail, les prescriptions concernant légalité des chances en matière demploi, la loi sur les Américains porteurs de handicap et dautres prescriptions légales. Enfin, les entreprises craignent dêtre victimes de poursuites au civil et au pénal si elles nétablissent pas de services adéquats ou si ceux quelles possèdent sont jugés insuffisants (McCunney, 1995; Bunn, 1985).
La nature des services de santé au travail est fonction de lévaluation des besoins. Divers facteurs interviennent à cet égard, en particulier les risques inhérents aux opérations courantes, les caractéristiques démographiques de leffectif et lintérêt de la direction pour la santé au travail. Les services de santé sont fonction du type dactivité, des dangers physiques, chimiques ou biologiques existants, des méthodes utilisées pour prévenir lexposition, et des normes, des règlements et des décisions adoptés par le gouvernement et la profession.
Voici quelques-unes des tâches importantes des services de santé:
De nos jours, les services de santé au travail sont assurés de plus en plus par des sous-traitants et des centres médicaux locaux. Toutefois les services internes créés par les employeurs étaient jusquà présent la norme. Si le nombre de salariés est important ou si le travail comporte certains risques pour la santé, les services internes constituent une option rentable et de qualité. Limportance de ces services varie considérablement, allant des soins infirmiers à temps partiel au centre médical complet doté de médecins à plein temps.
Cest généralement la nature des activités de lentreprise et les risques pour la santé quelles présentent qui déterminent la nécessité dun service médical interne. Ainsi, une entreprise qui utilise le benzène comme matière première ou comme ingrédient du procédé de fabrication aura probablement besoin dun programme de surveillance médicale. Il se peut aussi que la même usine manipule ou produise bon nombre dautres produits chimiques toxiques. En pareil cas, il peut être économiquement justifié et médicalement souhaitable de prévoir des services médicaux internes. Certains de ces services assurent les soins infirmiers pendant les heures de travail de jour et parfois la nuit et les fins de semaine.
Les services internes devraient être installés dans des locaux qui se prêtent à lexercice de la médecine. Le lieu doit être central et facile daccès pour tous les salariés. Il faut tenir compte des besoins en matière de chauffage et de climatisation de façon à en faire lusage le plus économique. Une règle empirique a servi à calculer lespace qui doit être prévu pour un centre médical interne: 0,093 m2 par salarié pour les services desservant au maximum 1 000 salariés, le minimum étant probablement denviron 30 m2. Des spécialistes ont analysé la question du coût des locaux et celle de leur aménagement (McCunney, 1995; Felton, 1976).
Certaines entreprises manufacturières situées en milieu rural ou dans des régions éloignées peuvent trouver avantage à offrir des services médicaux dans une unité mobile. Les recommandations suivantes peuvent alors être utiles:
Une entreprise qui fait appel aux services dune unité mobile aura néanmoins besoin dun médecin pour effectuer les examens dembauchage et vérifier la qualité des services de lunité mobile.
Une évaluation sur place est indispensable pour déterminer le type de services de santé qui doivent être offerts. Les services les plus courants sont les évaluations de santé dembauchage, lévaluation des accidents du travail ou des maladies professionnelles et les examens de surveillance médicale.
Lexamen dembauchage est effectué lorsquune personne a reçu une offre demploi conditionnelle. La loi sur les Américains porteurs de handicap parle dexamen préalable à lemploi en ce sens que le candidat sera engagé sil passe lexamen physique avec succès.
Dans le cadre de cet examen, il faut prendre en compte les tâches à accomplir, notamment les exigences physiques et cognitives (perception des dangers potentiels) et les risques dexposition à des matières dangereuses. La nature de lexamen dépend de lévaluation des tâches et du lieu de travail. Si le poste de travail exige, par exemple, lutilisation dun équipement de protection individuelle, tel quun appareil de protection respiratoire, un examen de la fonction pulmonaire (évaluation de la fonction respiratoire) devra faire partie de lexamen dembauchage. Les personnes qui travaillent pour le ministère des Transports des Etats-Unis doivent en général subir un test de dépistage des drogues dans lurine. Il est conseillé délaborer des protocoles standards auxquels souscrivent lentreprise et le médecin examinateur pour éviter que des erreurs ne se glissent dans le contenu ou le contexte de lexamen.
A lissue de lexamen, le médecin remet un avis écrit au sujet de laptitude de la personne à exercer lemploi sans mettre en péril sa santé ou sa sécurité ou celles des autres. Dordinaire, ce formulaire ne doit pas divulguer de renseignements médicaux, mais simplement faire état de laptitude à lemploi. Il peut sagir dun formulaire standard, qui doit ensuite être mis au dossier du salarié. Les dossiers médicaux particuliers demeurent cependant au centre de santé et ne sont tenus que par un médecin, un infirmier ou une infirmière.
Le salarié victime dun accident du travail ou dune maladie professionnelle doit recevoir sans délai des soins médicaux de qualité. Le service médical ou le médecin contractuel doivent assurer les soins aux salariés qui se blessent au travail ou qui présentent des symptômes liés au travail. Le service médical de lentreprise a un rôle important à jouer dans la gestion des coûts de la réparation des accidents du travail, particulièrement en ce qui concerne les évaluations de laptitude à reprendre le travail après une absence causée par un accident ou une maladie. Le professionnel de la santé doit notamment coordonner les services de réadaptation assurés à ces personnes en vue de leur retour au travail dans les meilleures conditions. Les programmes de réadaptation les plus efficaces à cet égard prévoient une modification des fonctions ou une affectation à des fonctions différentes.
Lune des tâches importantes du conseiller médical de lentreprise est de déterminer lexistence dun rapport entre lexposition à des agents dangereux et la maladie, la lésion ou lincapacité observée. Dans certains Etats, le salarié peut choisir son médecin traitant, mais, dans dautres, lemployeur peut imposer, ou à tout le moins proposer, lévaluation par un médecin ou un centre de soins de santé particulier. En général, lemployeur a le droit de demander à un médecin de donner une «deuxième opinion», surtout dans le cas dune maladie prolongée ou dune affection grave.
Linfirmier(ère) ou le médecin informe la direction de la nécessité de déclarer les accidents du travail et les maladies professionnelles conformément aux prescriptions de lOSHA concernant la tenue de registres, et ils doivent bien connaître les directives de lOSHA et du Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)). La direction doit sassurer que le prestataire de soins de santé connaît à fond ces directives.
Ces examens sont exigés par certaines normes de lOSHA en cas dexposition à des substances telles que lamiante, le plomb, etc., et sont considérés comme une bonne pratique médicale en cas dexposition à dautres substances, notamment les solvants, les métaux et les poussières comme la silice. Lorsquils sont exigés par les normes de lOSHA, les employeurs doivent les faire subir gratuitement à leurs salariés. Ces derniers peuvent refuser de sy soumettre, mais lemployeur peut stipuler quil sagit dune condition demploi.
La surveillance médicale vise à prévenir les maladies dorigine professionnelle en décelant tôt les problèmes; ainsi, des résultats de laboratoire anormaux peuvent être liés aux premiers stades dune maladie. Le salarié est alors réexaminé régulièrement. Il est essentiel deffectuer un suivi rigoureux des anomalies relevées dans le cadre de la surveillance médicale. La direction doit certes être informée des problèmes médicaux liés au travail, mais les affections qui sont sans rapport avec le travail doivent demeurer confidentielles et être traitées par le médecin de famille. Les salariés devraient toujours être informés de leurs résultats (McCunney, 1995; Bunn, 1985, 1995; Felton, 1976).
Sil est vrai que le médecin et le personnel infirmier du travail sont surtout reconnus pour leur savoir-faire médical, ils peuvent aussi donner des conseils médicaux précieux à nimporte quelle entreprise. Ils peuvent élaborer des procédures et des pratiques pour des programmes médicaux portant notamment sur la promotion de la santé, la détection de la toxicomanie et la formation dans ce domaine, et la tenue de dossiers médicaux.
Les entreprises qui offrent un programme médical interne doivent avoir, conformément à la norme de lOSHA relative aux agents pathogènes à diffusion hématogène, une politique concernant la gestion des déchets médicaux et les activités connexes. Un programme bien géré doit nécessairement comporter une formation à certaines normes de lOSHA, dont celles qui ont trait à la communication de renseignements concernant les matières dangereuses, à laccès aux dossiers médicaux et aux dossiers portant sur lexposition, et aux prescriptions de lOSHA concernant la tenue de dossiers.
Il faut mettre au point des méthodes dintervention en cas durgence pour toutes les installations qui sont davantage exposées aux catastrophes naturelles ou qui manipulent, utilisent ou fabriquent des matières potentiellement dangereuses, conformément à lamendement portant reconduction de la loi sur le fonds de dépollution. Les principes de lintervention médicale en cas durgence et de la gestion des catastrophes devraient, avec le concours du médecin dentreprise, être intégrés aux plans dintervention durgence de toutes les installations. Comme les procédures durgence diffèrent selon le danger, le médecin et le personnel infirmier doivent être prêts à faire face à la fois aux dangers physiques, par exemple ceux qui découlent dun accident dirradiation, et aux dangers chimiques.
Les programmes de promotion de la santé et du mieux-être visant à informer les gens des effets néfastes de certaines habitudes de vie (par exemple, tabagisme, mauvaise alimentation et manque dexercice) se répandent de plus en plus dans lindustrie. Même sils ne sont pas essentiels à un programme de santé au travail, ces services peuvent savérer bénéfiques pour les salariés.
Il est recommandé dintégrer, dans la mesure du possible, des plans de promotion de la santé et du mieux-être dans le programme médical. Lobjectif est de rendre la main-duvre plus soucieuse de sa santé et plus productive. Les activités de promotion de la santé peuvent réduire les coûts des soins de santé.
Bon nombre dentreprises ont mis au point des programmes de dépistage systématique des drogues ces dernières années, en particulier depuis la décision du ministère des Transports concernant le dépistage des drogues (1988). Dans les industries chimiques et dautres industries manufacturières, le type le plus courant de test de détection des drogues dans lurine est effectué au moment de lévaluation préalable à lemploi. Les décisions du ministère des Transports sur les tests de dépistage des drogues dans les secteurs du camionnage inter-Etats, du transport de gaz (pipelines), des chemins de fer, de la garde côtière et de laviation sont beaucoup plus généraux et comprennent des tests périodiques effectués lorsquon soupçonne une toxicomanie. Les médecins participent aux programmes de dépistage des drogues en vérifiant si les tests positifs peuvent être attribués à des raisons autres que la consommation de drogues illicites. Ils doivent assurer lintégrité des tests et confirmer tout test positif auprès du salarié avant den divulguer les résultats à la direction. Lentreprise doit avoir un programme daide aux salariés et une politique uniforme.
Les dossiers médicaux sont des documents confidentiels qui doivent être tenus par un médecin, un infirmier ou une infirmière du travail et conservés de façon à en garantir la confidentialité. Certains dossiers, par exemple une lettre indiquant quune personne peut utiliser un appareil de protection respiratoire, doivent être conservés sur place en prévision dune vérification réglementaire. Les résultats de certains tests médicaux spécifiques ne doivent toutefois pas figurer dans ces dossiers. Seuls le professionnel de la santé, le salarié et dautres personnes désignées par ce dernier doivent avoir accès à ces dossiers. Lexigence de confidentialité est parfois levée, notamment dans le cas dune demande de réparation dun accident du travail. Selon la norme de lOSHA concernant laccès aux dossiers médicaux et aux dossiers relatifs à lexposition des salariés (29 CFR 1910.120), les salariés doivent être informés une fois par an de leur droit de consulter leurs dossiers médicaux et de lendroit où ils se trouvent.
Il faut préserver la confidentialité des dossiers médicaux, conformément aux lignes directrices juridiques, éthiques et réglementaires. Les salariés doivent être avisés de la communication prochaine de renseignements médicaux à la direction. Idéalement, il faut leur demander de signer un formulaire médical autorisant la divulgation de certains renseignements médicaux, notamment des résultats de tests de laboratoire ou dévaluations diagnostiques.
Le premier point du Code déthique du Collège américain de médecine du travail et de lenvironnement (American College of Occupational and Environmental Medicine) dispose que les médecins doivent accorder la plus grande priorité à la santé et à la sécurité des personnes tant au travail que dans lenvironnement. Employeurs et salariés ont tout à gagner à ce que les médecins fassent preuve dimpartialité et dobjectivité et appliquent des principes médicaux, scientifiques et humanitaires valables.
En médecine internationale du travail et de lenvironnement, les médecins travaillant pour des entreprises américaines ont non seulement les responsabilités qui incombent traditionnellement aux médecins de ces secteurs, mais aussi des responsabilités importantes sur le plan de la gestion clinique. La responsabilité du service médical comprend les soins cliniques aux salariés et, en général, à leur conjoint et à leurs enfants. Le champ des soins cliniques sétend souvent aux employés de maison, à la famille élargie et à la collectivité. Le médecin du travail est également chargé des programmes portant sur les expositions et les risques au travail. Les programmes de surveillance médicale, les examens préalables à lemploi et les examens périodiques sont des éléments primordiaux du programme.
Lélaboration de programmes pertinents de promotion de la santé et de prévention constitue également une responsabilité importante. Sur le plan international, ces programmes ne se limitent pas aux problèmes dhabitudes de vie dont il est généralement question aux Etats-Unis ou en Europe occidentale. Face aux maladies infectieuses, il faut adopter une approche systématique de limmunisation et de la chimioprophylaxie. Les programmes éducatifs de prévention doivent traiter notamment des agents pathogènes transmissibles par les aliments, leau et le sang, et de lhygiène générale. Les programmes de prévention des accidents doivent tenir compte du risque élevé de décès causés par des accidents de la circulation dans de nombreux pays en développement. Il faut examiner à fond certains problèmes particuliers comme lévacuation et les soins durgence et mettre en place des programmes pertinents. Lexposition environnementale à des risques chimiques, biologiques et physiques est souvent plus grande dans les pays en développement. Les programmes de prévention environnementale reposent sur des plans déducation en plusieurs étapes et comprennent les essais biologiques requis. Les programmes cliniques internationaux peuvent englober la gestion de soins hospitaliers, des services de consultations externes, des soins durgence et des soins intensifs assurés aux travailleurs expatriés et aux travailleurs du pays.
La médecine des voyages est un volet accessoire de la médecine internationale du travail. La sécurité des personnes qui font de courts voyages par rotation ou celle des résidents étrangers exige une connaissance spéciale des vaccins requis et de lensemble des mesures préventives à léchelle mondiale. A cette connaissance doit sajouter celle des exigences médicales à respecter pour obtenir un visa. Bon nombre de pays exigent des tests sérologiques ou des radiographies thoraciques, et certains tiennent compte de tout problème médical important pour lémission dun visa demploi ou comme condition de résidence.
Laide aux salariés et les programmes destinés aux secteurs de la marine et de laviation font également partie, en général, de la médecine internationale du travail. Lélaboration de plans pour les situations durgence, la fourniture de médicaments appropriés aux équipages des navires et des avions et les recommandations quant à leur utilisation sont autant de questions complexes. Il est souvent souhaitable, voire nécessaire, doffrir un soutien psychologique à la fois aux travailleurs expatriés et aux travailleurs du pays. On peut parfois étendre les programmes daide aux salariés aux travailleurs expatriés et fournir un soutien spécial aux membres de leur famille. Les programmes de lutte contre labus dalcool et de drogues doivent être envisagés dans le contexte social propre au pays.
En bref, la portée et lorganisation des programmes de santé au travail des entreprises peuvent varier considérablement. Mais si ces programmes sont étudiés et mis en uvre soigneusement, ils sont rentables, mettent lentreprise à labri des poursuites et favorisent la santé générale et la santé au travail de la main-duvre.
Les employeurs des Etats-Unis assurent depuis longtemps des soins médicaux aux travailleurs victimes daccidents en faisant appel à des médecins en pratique privée, à des cliniques, à des centres de soins immédiats et à des services durgence en milieu hospitalier. La plupart de ces soins sont épisodiques et mal coordonnés, car seules les grandes entreprises sont à même de fournir des services de santé au travail dans lentreprise.
Une enquête menée auprès de 22 457 entreprises ayant moins de 5 000 salariés dans la banlieue de Chicago a établi que 93% dentre elles comptaient moins de 50 salariés et que seulement 1% en comptaient plus de 250. Parmi ce groupe, 52% utilisaient un prestataire de services particulier pour leurs victimes daccidents du travail, 24% nutilisaient pas de prestataire particulier et 24% laissaient le salarié libre de choisir son propre prestataire. Seulement 1% des entreprises faisaient appel à un directeur médical pour assurer les soins. Ces entreprises comptaient pour 99% dans lensemble des employeurs de la région visée par lenquête et employaient plus de 524 000 personnes (National Health Systems, 1992).
Lorientation et les priorités des soins ont changé depuis la promulgation de la loi qui a donné naissance à lAdministration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) en 1970 et les changements apportés depuis au financement des soins de santé. Les coûts dassurance pour la réparation des accidents du travail et les soins de santé de groupe ont augmenté de 14 à 26% par année entre 1988 et 1991 (BNA, 1991). En 1990, les coûts des soins de santé représentaient la majeure partie des 53 milliards de dollars dépensés pour la réparation des accidents du travail et, en 1995, les prestations pour soins médicaux absorbaient 50% de la facture totale de la réparation des accidents du travail, chiffrée à 100 milliards de dollars (Resnick, 1992).
Les primes varient selon les Etats, car tous nont pas la même réglementation en ce qui concerne la réparation des accidents du travail. La Kiplinger Washington Letter du 9 septembre 1994 mentionnait que, au Montana, les entrepreneurs payaient en moyenne 35,29 dollars en assurance accidents du travail par tranche de 100 dollars de la masse salariale. En Floride, ils payaient 21,99 dollars, dans lIllinois, 19,48 dollars. La même protection coûtait 5,55 dollars en Indiana ou 9,55 dollars en Caroline du Sud. Les employeurs réclament davantage laide des fournisseurs de soins de santé à mesure que les besoins en soins de santé peu coûteux pour les victimes daccidents du travail évoluent.
La plupart de ces soins médicaux sont assurés par des centres indépendants. Les employeurs peuvent passer un contrat avec un centre, établir une relation avec un fournisseur ou obtenir les soins à la demande. Les fournisseurs sont en majorité rémunérés à lacte, mais des régimes de rémunération forfaitaire par personne et de contrats directs ont fait leur apparition pendant la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix.
Tous les employeurs demandent que les services de santé au travail englobent le traitement des lésions et des maladies comme les entorses, les foulures, les traumatismes lombaires et oculaires et les lacérations, qui forment la majorité des cas aigus traités dans le cadre dun programme de santé au travail.
On demande souvent aux salariés de subir des examens avant dobtenir un emploi ou après avoir reçu une offre demploi, afin de déterminer sils sont aptes à faire le travail requis sans causer daccidents à eux-mêmes ou à autrui. Il faut évaluer ces examens conformément aux dispositions de la loi sur les Américains porteurs de handicap. Cette loi interdit la discrimination dans lembauchage fondée sur une incapacité qui nempêche pas une personne de sacquitter des fonctions essentielles de lemploi envisagé. On sattend également à ce que lemployeur fasse des aménagements raisonnables pour un salarié handicapé (EEOC et Department of Justice, 1991).
On observe que 98% des 200 entreprises recensées dans la revue Fortune aux Etats-Unis font subir les tests de dépistage de labus de drogues ou dalcool qui, selon la loi, ne sont exigés que pour certaines catégories professionnelles. Dans le cadre de ces tests, on mesure parfois le taux de drogues illicites ou dalcool dans lurine, le sang et lhaleine (BNA, 1994).
Un employeur peut exiger, en outre, des services spécialisés comme les tests de surveillance médicale prescrits par lOSHA par exemple, des examens visant à déterminer laptitude au port dun appareil de protection respiratoire en toute sécurité, daprès la capacité physique et la fonction pulmonaire du travailleur; des tests sur lexposition à lamiante et à dautres produits chimiques visant à évaluer les effets de lexposition éventuelle à ces produits et les effets à long terme dun agent particulier sur létat de santé global de la personne.
Certaines entreprises passent un contrat afin de faire subir des examens physiques à leurs cadres pour évaluer létat de santé de leur personnel clé. Ces examens, généralement préventifs, permettent une évaluation complète de létat de santé et comportent des tests de laboratoire, des radiographies, des tests de mesure du stress cardiaque, un dépistage du cancer et des conseils sur les habitudes de vie. La fréquence de ces examens est souvent fonction de lâge et non du genre de travail.
Les municipalités confient souvent à des prestataires contractuels les examens daptitude périodiques de leurs sapeurs-pompiers et de leurs policiers afin de mesurer, en général, leur capacité physique de faire face à des situations stressantes sur le plan physique et de déterminer sils ont été exposés à des dangers au travail.
Lemployeur peut également passer des contrats pour des services de réadaptation, notamment des services de physiothérapie, de réentraînement à leffort, dergothérapie, ainsi que des évaluations ergonomiques du milieu de travail.
Les employeurs ont passé des contrats pour la mise sur pied de programmes de promotion du mieux-être afin daider les salariés et de diminuer les coûts des soins de santé. Dépistages préventifs et programmes éducatifs visent à évaluer létat de santé et à offrir des interventions qui permettent de modifier les habitudes de vie propices à léclosion de maladies. Ces programmes comportent le dépistage du cholestérol, des évaluations des risques pour la santé, le renoncement au tabac, la gestion du stress et léducation en matière de nutrition.
On élabore des programmes dans tous les domaines des soins de santé pour répondre aux besoins des salariés. Le programme daide aux salariés est un de ceux qui ont vu le jour récemment. Il vise à offrir des services de conseils et dorientation aux salariés qui ont des problèmes de toxicomanie ou encore des problèmes affectifs, familiaux ou financiers, lesquels, selon les employeurs, nuisent à leur productivité.
La prise en charge des cas est un service relativement nouveau en matière de santé au travail. Généralement assuré par du personnel infirmier ou par des agents administratifs supervisés par celui-ci, ce service a effectivement permis de réduire les coûts tout en assurant des soins de qualité aux travailleurs victimes daccidents. Les compagnies dassurances gèrent depuis longtemps les dépenses liées aux demandes dindemnisation (les sommes consacrées à la réparation des accidents du travail) lorsque les travailleurs victimes daccidents sont absents du travail depuis un certain temps ou lorsquun certain montant a été atteint. La prise en charge des cas est un processus parallèle plus dynamique qui peut samorcer dès le jour de laccident. Les responsables dirigent le patient vers le niveau de soins pertinent, déterminent, de concert avec le médecin traitant, le genre de travail modifié que le patient est médicalement apte à accomplir et veillent, en collaboration avec lemployeur, à ce que le patient ne fasse pas un travail qui aggrave sa lésion. Leur souci est de redonner au salarié un minimum dactivité et de trouver des médecins de grande compétence dont lintervention produira des résultats optimaux pour le patient.
Les services sont assurés par divers prestataires dont la compétence varie. Les médecins de pratique privée font parfois des examens préalables à lemploi, des tests de dépistage de la toxicomanie et effectuent le suivi des lésions graves. Ils reçoivent généralement sur rendez-vous et ont des heures de bureau limitées. Si les ressources nécessaires sont disponibles, ils font aussi des examens de routine complets ou dirigent le patient vers lhôpital le plus proche pour quil y subisse des tests de laboratoire, des radiographies et des épreuves deffort.
Les services de médecine dentreprise offrent généralement des soins actifs aux travailleurs victimes daccidents (y compris le suivi), des examens préalables à lemploi et des tests de dépistage de la toxicomanie. Ils sont souvent dotés dinstallations de radiographie et de laboratoires, et comptent parfois des médecins qui ont lexpérience de lévaluation des lieux de travail. Ils sont généralement ouverts, eux aussi, pendant les heures de bureau normales, de sorte que les employeurs qui pratiquent le travail posté doivent parfois avoir recours à un service durgence le soir et la fin de semaine. Les services de médecine dentreprise traitent rarement des patients de lextérieur et sont généralement assimilés au «médecin dentreprise» puisque leur note de frais est habituellement adressée directement à lemployeur ou à la compagnie dassurances.
Les permanences médicales offrent une autre option. Ces établissements dispensent des soins médicaux généraux sans rendez-vous. Ils possèdent habituellement des installations de radiographie et des laboratoires et comptent des médecins qui ont lexpérience de la médecine durgence, de la médecine interne ou de la médecine familiale. La clientèle va de lenfant examiné par le pédiatre à ladulte qui souffre dun mal de gorge. Ils ajoutent parfois aux soins actifs et au suivi des travailleurs victimes daccidents des examens préalables à lemploi et des tests de dépistage de la toxicomanie. Les permanences qui ont mis en place un volet santé au travail effectuent souvent des examens périodiques et des dépistages prescrits par lOSHA, et certaines dentre elles passent des contrats avec dautres prestataires pour des services quelles noffrent pas elles-mêmes.
Le service des urgences de lhôpital est souvent lendroit par excellence pour le traitement des lésions graves et cest, en général, à peu près tout ce quil peut offrir en matière de services de santé au travail. Il en va ainsi même si lhôpital possède les ressources nécessaires pour offrir la plupart des services requis, à lexception de ceux qui sont offerts par des médecins spécialisés en médecine du travail. Un service des urgences ne possède pas à lui seul lexpertise en ce qui concerne les soins intégrés et le retour au travail que lindustrie exige désormais.
Les administrations hospitalières se sont rendu compte que non seulement elles possédaient les ressources et la technologie nécessaires, mais aussi que le régime de réparation des accidents du travail était lun des derniers programmes «dassurance» qui prévoyait une rémunération à lacte, ce qui permettait détoffer des revenus amputés par les rabais consentis aux compagnies dassurances de soins intégrés comme les organismes de soins intégrés de santé (HMO) et les organismes dispensateurs de service, à tarifs préférentiels. Ces organismes et les programmes de soins de santé généraux financés par le gouvernement fédéral et les gouvernements des Etats (Medicare et Medicaid) ont exigé des séjours plus courts et un système de remboursement par diagnostics regroupés. Ces décisions ont forcé les hôpitaux à abaisser leurs coûts en améliorant la coordination des soins et en cherchant de nouveaux produits générateurs de revenus. On a craint que les coûts ne soient transférés du secteur des régimes collectifs de soins de santé à celui de la réparation des accidents du travail; ces craintes étaient fondées dans bien des cas, les frais de traitement dune lésion dorsale au titre de la réparation des accidents du travail étant de deux à trois fois plus élevés que dans le cadre des régimes collectifs dassurance santé. Une étude menée en 1990 par le ministère du Travail et de lIndustrie du Minnesota a révélé que les frais de traitement des entorses et des foulures étaient 1,95 fois plus élevés et ceux des lésions dorsales, 2,3 fois plus élevés dans le premier cas que dans le second (Zaldman, 1990).
Plusieurs modèles de soins hospitaliers se sont développés. Il y a notamment lunité de soins appartenant à un hôpital (à lintérieur ou à lextérieur de létablissement), le service des urgences, la permanence médicale (pour les urgences peu graves) et les services de santé au travail gérés administrativement. LAssociation américaine des hôpitaux (American Hospital Association) a signalé que selon une étude portant sur 119 programmes de santé au travail aux Etats-Unis (Newkirk, 1993):
Tous ces programmes appliquaient le principe de la rémunération à lacte et offraient, outre le traitement des travailleurs victimes daccidents graves, une gamme de services englobant les examens préalables à lemploi, les tests de dépistage des drogues et de lalcool, la réadaptation, la consultation au travail ainsi que la surveillance médicale prescrite par lOSHA, les examens physiques des cadres et les programmes de promotion du mieux-être. Certains sétendaient à laide aux salariés, aux soins infirmiers sur place, à la réanimation cardio-respiratoire, aux premiers secours et à la prise en charge des cas.
Les programmes de santé au travail en milieu hospitalier ajoutent souvent, de nos jours, un modèle infirmier de prise en charge des cas. Ce modèle de gestion médicale intégrée permet de réduire de 50% le total des coûts de réparation des accidents du travail, ce qui incite fortement les employeurs à rechercher les prestataires qui offrent ce service (Tweed, 1994). Ces réductions de coûts tiennent au fait que laccent est mis sur le retour rapide au travail et la consultation sur les possibilités de travail adapté. Le personnel infirmier détermine, de concert avec les spécialistes, le travail acceptable sur le plan médical que peut accomplir le travailleur en toute sécurité, moyennant certaines restrictions.
Dans la plupart des Etats, les travailleurs reçoivent les deux tiers de leur salaire tout en touchant une indemnisation temporaire pour incapacité totale. Lorsquils reprennent un travail adapté, ils continuent à fournir un service à leur employeur et conservent leur propre estime par le travail. Une bonne partie des travailleurs qui ont quitté leur travail pendant six semaines ou plus ne reprennent jamais intégralement leurs fonctions et sont souvent forcés dexercer des emplois moins bien rémunérés et moins qualifiés.
Un programme de santé au travail en milieu hospitalier vise, en dernière analyse, à faire en sorte que les patients aient accès à lhôpital pour se faire traiter en cas daccident du travail et le considèrent par la suite comme le dispensateur de tous les soins de santé dont ils ont besoin. Comme les Etats-Unis sorientent vers un système de soins de santé au forfait par personne, le nombre dassurés desservis par un hôpital devient le principal indicateur de succès.
Selon cette formule de financement des soins de santé, les employeurs paient un taux par travailleur aux prestataires pour tous les soins de santé dont peuvent avoir besoin leurs salariés et les personnes à leur charge. Si les personnes couvertes par le régime demeurent en bonne santé, le prestataire peut faire des bénéfices. Si elles utilisent beaucoup de services, les primes peuvent ne pas suffire pour couvrir les coûts des soins et le prestataire peut perdre de largent. Plusieurs Etats sont en passe dadopter un régime dassurance maladie au forfait par personne, et quelques-uns dentre eux font lessai dune protection en tout temps pour lensemble des soins de santé, y compris les prestations médicales de réparation des accidents du travail. Les hôpitaux ne jugeront plus de leur succès selon le nombre de patients reçus, mais plutôt selon le rapport assurés/coûts.
Les programmes complets de santé au travail offerts en milieu hospitalier visent à donner une réponse de haute qualité aux besoins des industries et des entreprises dans ce domaine. Leur conception repose sur le principe que les soins aux victimes daccidents et les examens préalables à lemploi sont importants, mais ne sauraient constituer à eux seuls un programme de médecine du travail. Un hôpital qui dessert de nombreuses entreprises peut charger un médecin spécialisé en médecine du travail dexercer une surveillance sur les services médicaux, ce qui permet de donner au programme une vision plus large de la santé au travail: il devient donc possible doffrir, outre les services habituels que sont le traitement des victimes daccidents du travail, les examens physiques et le dépistage des drogues, des consultations en toxicologie, des évaluations du milieu de travail et des examens prescrits par lOSHA, concernant des contaminants tels que lamiante ou le plomb et des équipements tels que les appareils de protection respiratoire. Les hôpitaux ont également les ressources nécessaires pour posséder une base de données informatisée et un système de prise en charge des cas.
Parce quil permet aux employeurs de fournir à leurs salariés les prestations de santé dont ils ont besoin dans un centre unique et complet de services, le programme de santé au travail offre la garantie que les salariés reçoivent des soins humains et de qualité dans le cadre le mieux adapté tout en réduisant les coûts pour lemployeur. Les prestataires de soins de santé au travail peuvent suivre les tendances à lintérieur dune entreprise ou dune branche dactivité, et recommander des moyens de réduire les accidents du travail et daméliorer la sécurité.
Un programme complet de santé au travail en milieu hospitalier permet aux petits employeurs de partager les services dun service médical dentreprise. Il offre des services de prévention et de promotion du mieux-être, ainsi que des soins durgence, et permet dorienter davantage les efforts vers la promotion de la santé des travailleurs américains et de leur famille.
En 1995, le Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics (BLS)) du ministère du Travail des Etats-Unis publiait un rapport indiquant que 18,8 millions de travailleurs, soit environ 16% de la population active des Etats-Unis, étaient soit membres dun syndicat, soit des travailleurs non affiliés à un syndicat, mais couverts par une convention collective (US Department of Labor, 1995). Le tableau 16.4, inspiré de ce rapport, montre la répartition de la main-duvre syndiquée par branche dactivité. La plupart de ces travailleurs sont représentés par des syndicats affiliés à la Fédération américaine du travail (AFL-CIO), qui regroupe 86 syndicats nationaux et internationaux (Statistical Abstract of the United States, 1994). Les organisations syndicales sont généralement structurées en sièges sociaux internationaux ou nationaux, qui chapeautent des bureaux régionaux, des bureaux de district, ainsi que des sections locales.
Profession ou branche d’activité |
Effectif total pourvu d’un emploi |
Membres d’un syndicat 1 |
Représentés par un syndicat2 |
||
|
|
Pourvus d’un emploi |
Total (%) |
Pourvus d’un emploi |
Total (%) |
Ouvriers et employés du secteur agricole |
1 487 |
34 |
2,3 |
42 |
2,8 |
Ouvriers et employés du secteur privé non agricole |
88 163 |
9 620 |
10,9 |
10 612 |
12 |
Mines |
652 |
102 |
15,7 |
111 |
17,1 |
Construction |
4 866 |
916 |
18,8 |
966 |
19,9 |
Fabrication |
19 267 |
3 514 |
18,2 |
3 787 |
19,7 |
Biens durables |
11 285 |
2 153 |
19,1 |
2 327 |
20,6 |
Biens non durables |
7 983 |
1 361 |
17 |
1 460 |
18,3 |
Transports et services d’utilité publique |
6 512 |
1 848 |
28,4 |
1 997 |
30,7 |
Transports |
3 925 |
1 090 |
27,8 |
1 152 |
29,3 |
Communications et services d’utilité publique |
2 587 |
758 |
29,3 |
846 |
32,7 |
Commerce de gros et de détail |
22 319 |
1 379 |
6,2 |
1 524 |
6,8 |
Commerce de gros |
3 991 |
260 |
6,5 |
289 |
7,2 |
Commerce de détail |
18 328 |
1 120 |
6,1 |
1 236 |
6,7 |
Finances, assurances et immobilier |
6 897 |
156 |
2,3 |
215 |
3,1 |
Services |
27 649 |
1 704 |
6,2 |
2 012 |
7,3 |
Fonctionnaires |
18 339 |
7 094 |
38,7 |
8 195 |
44,7 |
1 Les données concernent les membres d’un syndicat ou d’une association de salariés semblable à un syndicat. 2 Les données concernent les membres d’un syndicat ou d’une association de salariés semblable à un syndicat, ainsi que les travailleurs qui ne se réclament pas d’un syndicat, mais dont les emplois sont couverts par une convention collective conclue par un syndicat ou une association de salariés.
Note: les données concernent l’emploi principal ou unique des travailleurs à temps plein ou à temps partiel. Sont exclus les travailleurs indépendants dont l’entreprise est constituée en société, même si techniquement ils font partie des ouvriers et employés. Les données de 1994 ne sont pas directement comparables à celles de 1993 et des années antérieures. Pour plus de renseignements, voir «Revisions in the current population survey effective January 1994», dans le numéro de février 1994 de la revue Employment and Earnings.
Les syndicats procurent à leurs membres des services complets en matière de sécurité et de santé. Ils répondent aux besoins des travailleurs et défendent leurs intérêts, notamment en négociant des conventions collectives et en leur offrant un soutien technique et des services connexes.
Sur les plans national et international, les dirigeants et les salariés des syndicats (professionnels de la santé et de la sécurité, avocats, lobbyistes et autres) semploient à inciter les élus à adopter des lois et des règlements visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Les représentants syndicaux ont également comme mandat détablir et de négocier avec les employeurs des conventions collectives contenant des clauses exécutoires touchant la sécurité et la santé.
Dans le cadre des conventions collectives, les syndicats veillent à ce que les travailleurs aient un milieu de travail sûr et salubre. Idéalement, ces conventions prévoient également des mécanismes qui permettent aux travailleurs daborder les problèmes de sécurité ou de santé ou de résoudre les conflits touchant la sécurité et la santé qui pourraient surgir sur les lieux de travail.
Au siège central, les syndicats engagent souvent des hygiénistes industriels, des ergonomes, des médecins du travail, des ingénieurs et dautres professionnels de la prévention, qui sont chargés de fournir une assistance technique aux travailleurs. Ces professionnels offrent divers services: lexécution denquêtes à la suite de plaintes; la réalisation dévaluations de la sécurité et de la santé sur les lieux de travail; et linterprétation des données sur la surveillance du milieu, des résultats médicaux et dautres informations techniques de même que leur transposition en une langue accessible au travailleur moyen.
Les enquêtes sur les plaintes en matière de sécurité et de santé sont en général effectuées par des professionnels du syndicat ou des conseillers. Travaillant en collaboration avec les représentants syndicaux désignés du syndicat local concerné, ces professionnels se penchent sur des problèmes tels que lexposition des travailleurs à des risques physiques et chimiques, les maladies et troubles musculo-squelettiques et le non-respect des règlements en vigueur en matière de sécurité et de santé au travail.
En outre, les syndicats peuvent participer à des enquêtes sur des accidents lorsque les conclusions de lemployeur sont contestées par les salariés concernés.
Les représentants syndicaux peuvent utiliser les renseignements obtenus lors de ces enquêtes pour résoudre les problèmes de sécurité et de santé, en collaborant avec lemployeur dans le cadre du processus de négociation collective. Les syndicats peuvent recourir à la procédure de réclamation ou aux clauses contractuelles pour protéger les travailleurs. Toutefois, le syndicat peut décider dinformer un organisme gouvernemental de réglementation que lemployeur ne respecte pas les lois, règles ou règlements établis.
Les professionnels de la prévention ou les délégués syndicaux formés à cet effet par exemple, les membres du comité local de sécurité et de santé ou les délégués datelier effectuent des enquêtes sur place afin dévaluer les risques inhérents au milieu de travail.
Dans le cadre des enquêtes, on évalue les procédés de fabrication ou les autres opérations effectuées sur les lieux de travail. On examine les documents touchant la sécurité et la santé (par exemple, les registres OSHA 200, les rapports daccident du ministère des Transports, les résultats de la surveillance du milieu de travail et les programmes écrits) afin de déterminer sil y a conformité avec les dispositions des conventions collectives, ainsi quavec les normes et règlements officiels. Les résultats des enquêtes sont consignés par écrit et les problèmes éventuels sont résolus par le processus de négociation collective ou par lintervention dun organisme de réglementation gouvernemental.
Les travailleurs eux-mêmes demandent souvent à consulter les documents dinformation et les rapports de nature technique ou réglementaire par exemple, les fiches de renseignements sur les produits chimiques, les résultats de la surveillance du milieu de travail et de la surveillance biologique ou encore les règlements officiels sur la sécurité et la santé. Comme ces informations techniques sont parfois complexes, le travailleur peut avoir besoin daide pour bien comprendre le sujet et savoir comment le tout sapplique à son lieu de travail. Le personnel syndical soccupant de prévention est en mesure de fournir cette aide. La façon dont ce soutien sera donné dépendra des besoins du travailleur.
Les syndicats agissent également comme centres dinformation pour les travailleurs qui ont besoin de soins médicaux spécialisés ou dune aide pour soumettre des demandes de réparation. En général, ils tiennent des listes de noms et dadresses de médecins indépendants reconnus auxquels on pourra si nécessaire adresser le travailleur.
La participation active à lélaboration des règlements officiels relatifs à la sécurité et à la santé revêt une grande importance pour les syndicats; ils encouragent leurs membres à contribuer de diverses façons à ce processus.
Les syndicats sefforcent dinfluencer les élus politiques pour quils proposent des lois qui établiront des normes adéquates en matière de sécurité et de santé au travail; de donner leur avis sur les mesures proposées par les organismes de réglementation gouvernementaux à cet égard; dinfluer sur la façon dont ces organismes font appliquer les règlements touchant la sécurité et la santé au travail; ou dorganiser des initiatives de soutien aux organismes de réglementation gouvernementaux visés par des compressions budgétaires ou des changements opérationnels décrétés par le Congrès des Etats-Unis.
Ce sont principalement les lobbyistes, les techniciens, les chercheurs et les juristes des syndicats qui soccupent de ces activités. Ce personnel est chargé de recueillir, danalyser et dorganiser les données nécessaires à lélaboration de la position du syndicat à légard des mesures législatives ou réglementaires. Il établit également les contacts nécessaires avec les organisations ou les personnes compétentes pour sassurer que la position du syndicat est transmise aux responsables élus.
Il arrive que les membres du personnel syndical chargés de la prévention soient confrontés à un problème de sécurité et de santé au travail qui nest pas réglementé par un organisme gouvernemental. En pareil cas, le syndicat peut rédiger un mémoire ou préparer un témoignage qui sera présenté au cours daudiences publiques. Le but de ces présentations est dinformer les représentants officiels compétents et de les inciter à légiférer de manière à résoudre le problème.
Les organismes chargés dassurer lapplication des règlements de sécurité et de santé au travail font parfois lobjet de compressions budgétaires. Ces compressions sont souvent préjudiciables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Par conséquent, les syndicats sefforcent délaborer et de mettre en uvre des stratégies visant à éviter ces réductions de crédits. Pour ce faire, ils peuvent travailler en collaboration avec des lobbyistes syndicaux en vue de sensibiliser les législateurs et autres responsables aux effets négatifs de ces réductions sur les travailleurs. En outre, ils déploient des efforts «à la base» pour organiser et mobiliser les travailleurs afin quils écrivent à leurs élus et les informent de leur opposition aux compressions proposées.
Par ailleurs, les syndicats soccupent activement de préparer et de présenter des mémoires écrits et des témoignages oraux en réponse aux projets de règlements en matière de sécurité et de santé établis par les organismes gouvernementaux de réglementation. Il est très important que les travailleurs aient la possibilité de participer véritablement au processus délaboration des règlements. Les syndicats sont lintermédiaire privilégié des travailleurs à cet égard.
La convention collective est loutil primordial dont disposent les syndicats pour fournir des services à leurs membres. Les syndicats font appel aux compétences techniques dhygiénistes industriels, dergonomes, dingénieurs, de médecins du travail et dautres professionnels de la prévention pour recueillir et analyser des informations à lintention des représentants syndicaux qui seront chargés de négocier les conventions collectives.
Les syndicats utilisent les conventions collectives comme des documents juridiques exécutoires afin dassurer la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Le but premier de ces conventions est de protéger les travailleurs qui ne sont pas couverts par les normes et règlements officiels en matière de sécurité et de santé ou détendre la protection au-delà de ces normes minimales.
Afin de se préparer à la négociation, les syndicats recueillent des informations sur les questions de sécurité et de santé qui concernent leurs membres. Pour ce faire, ils peuvent réaliser des enquêtes auprès des membres, collaborer avec le personnel technique ou des conseillers afin didentifier les risques présents sur les lieux de travail, examiner les documents relatifs aux plaintes ou aux enquêtes dans ce domaine ou encore analyser et évaluer les données sur lindemnisation des travailleurs, les études sur la surveillance du milieu de travail ou les registres daccidents du travail et de maladies professionnelles.
A la fin du processus de préparation aux négociations, le comité négociateur établit lordre de priorité des questions de sécurité et de santé à débattre, et détermine les solutions possibles aux problèmes.
Les syndicats ont un rôle de premier plan à jouer en ce qui concerne la formation et léducation de leurs membres dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail.
La formation offerte varie, allant des simples cours sur les droits fondamentaux en matière de sécurité au travail (par exemple, la communication dinformations sur les risques) aux programmes de formation complets axés sur un secteur dactivité particulier, comme celui de la gestion des déchets dangereux. Cette formation est extrêmement importante pour les personnes qui travaillent dans des secteurs dactivité en mutation rapide.
La formation des travailleurs dispensée par les syndicats est habituellement financée à laide de cotisations syndicales, de subventions du gouvernement fédéral et des gouvernements des Etats, et de fonds de formation établis par les employeurs en vertu des conventions collectives négociées. Les cours de formation et déducation des travailleurs sont élaborés par le personnel professionnel et des conseillers, avec une importante contribution des travailleurs eux-mêmes. On offre dailleurs souvent des cours de formation des formateurs qui favorisent lenseignement par les pairs.
Les syndicats collaborent avec des organisations telles que les universités et les organismes gouvernementaux afin deffectuer des recherches sur des aspects précis de la sécurité et de la santé au travail. Les activités de recherche sont généralement financées par le syndicat ou lemployeur ou grâce à des subventions du gouvernement fédéral ou des gouvernements des Etats.
Les syndicats utilisent les résultats des études effectuées au cours du processus délaboration de la réglementation relative à la sécurité et à la santé pour négocier des dispositions contractuelles visant à éliminer ou à réduire considérablement les risques sur les lieux de travail ou mettre au point des mesures qui auront pour effet de supprimer ou datténuer de façon marquée un risque jugé excessif pour les travailleurs par exemple, offrir des cours sur le renoncement au tabac aux travailleurs de lindustrie de lamiante. De plus, les résultats des recherches peuvent servir à la conception ou à la modification de divers types déquipements utilisés au travail.
Les services de sécurité et de santé au travail offerts par les syndicats sont principalement de nature préventive et nécessitent lapport concerté de techniciens, de médecins du travail, de juristes, de lobbyistes et de syndiqués. En fournissant ces services, les syndicats sont en mesure de protéger efficacement la sécurité et la santé de leurs membres ainsi que celle de lensemble des travailleurs.
Au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, lapparition graduelle de petites cliniques universitaires de médecine du travail et de lenvironnement sest révélée une source importante de services de santé au travail aux Etats-Unis. Ces cliniques sont affiliées à des centres médicaux universitaires, à des facultés de médecine ou à des écoles de santé publique. Le personnel médical est formé principalement de membres du corps professoral pour qui la médecine du travail est le principal sujet denseignement et de recherche. Lactivité première de ces cliniques est de fournir des évaluations médicales diagnostiques sur des maladies susceptibles dêtre causées par le travail et lenvironnement, bien quun grand nombre dentre elles offrent également les services de base de santé au travail. Ces cliniques jouent un rôle crucial dans le domaine de la santé au travail aux Etats-Unis, car elles constituent une source indépendante dexpertise médicale concernant les maladies professionnelles. Ce sont également des centres de formation importants pour les spécialistes de la médecine du travail et pour les médecins chargés des soins primaires.
Des sources indépendantes dexpertise médicale en matière de maladies professionnelles sont nécessaires aux Etats-Unis, car les employeurs ne sont tenus par la loi de fournir des soins médicaux et dindemniser les travailleurs pour le manque à gagner que si le lien entre la lésion ou la maladie et le travail peut être établi. Comme on la noté dans des articles précédents du présent chapitre, la grande majorité des soins médicaux dispensés aux victimes daccidents du travail sont assurés par les employeurs, soit directement, soit indirectement dans le cadre de contrats passés avec des médecins exerçant dans le privé, des cliniques, des centres de soins immédiats et des centres hospitaliers. Ce système de soins est tout à fait adéquat pour les travailleurs souffrant de lésions ou de maladies graves, car le lien entre létat du salarié et le travail quil effectue est clair et net. Il est donc dans lintérêt de lemployeur de fournir sans délai un traitement médical efficace afin que le salarié puisse retourner au travail dès que possible. Cependant, le système de réparation des Etats-Unis ne fonctionne pas bien pour les travailleurs qui souffrent de lésions ou de maladies professionnelles chroniques, car les employeurs ne sont pas tenus de payer les frais médicaux à moins que le lien de cause à effet entre le travail et laffection chronique du travailleur nait été établi. Si un employeur conteste une demande dindemnisation, le salarié ou lagent responsable de lindemnisation des travailleurs doit obtenir une évaluation indépendante pour déterminer si laffection est liée au travail. Les cliniques médicales universitaires ont servi de centres de consultation régionaux pour fournir cette expertise médicale indépendante.
Les cliniques universitaires de médecine du travail ont pu conserver leur indépendance, étant donné que la plupart dentre elles ne sont pas liées par contrat à des employeurs ou ne reçoivent pas de contributions financières similaires qui pourraient les placer en situation de conflits dintérêts au moment de lévaluation des maladies des travailleurs. Ces cliniques fonctionnent généralement comme des organismes sans but lucratif et absorbent une partie du coût des évaluations médicales, estimant que celles-ci font partie de la mission denseignement et de service de létablissement; en effet, les évaluations diagnostiques complexes sont coûteuses et par conséquent rarement entreprises sans contribution de lemployeur.
Cest lexpansion des programmes denseignement de la médecine du travail et de lenvironnement dans les facultés de médecine et les centres médicaux universitaires qui a stimulé la croissance des cliniques universitaires de médecine du travail et de lenvironnement. Il ny a pas si longtemps encore, les programmes détudes de la médecine du travail étaient peu nombreux aux Etats-Unis, et la très grande majorité dentre eux étaient offerts dans des écoles de santé publique, où lon mettait laccent sur lhygiène industrielle, la toxicologie et lépidémiologie. Le nombre de programmes universitaires de médecine du travail et de lenvironnement a augmenté considérablement au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Cette croissance est due à plusieurs facteurs. La loi sur la sécurité et la santé au travail adoptée en 1970 a créé lInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)); cet organisme a mis sur pied un programme de subventions destiné à soutenir la formation en internat à la médecine du travail. Grâce à laide financière du NIOSH, de nombreuses facultés de médecine ont pu offrir des programmes de formation de ce genre. Un autre facteur qui explique la croissance des programmes de formation en internat est le fait que lorganisme américain chargé de lagrément professionnel des spécialistes en médecine du travail sest employé à rehausser le statut de la profession en exigeant des membres quils suivent un programme de formation officiel (au lieu dune simple formation sur le tas) pour être agréés comme spécialistes de la médecine du travail. Les programmes de formation en internat ont également été établis à la suite de rapports présentés par des organisations professionnelles prestigieuses, comme lInstitut de médecine (Institute of Medicine (IOM)), qui faisaient état de la grave pénurie de praticiens qualifiés dans le domaine de la médecine du travail et de lenvironnement (IOM, 1993). Dans le cadre de bon nombre de ces programmes de formation en internat, on a fondé des cliniques qui ont servi de centres de formation. Cest dans ces cliniques universitaires quun fort pourcentage des futurs spécialistes de la médecine du travail et de lenvironnement aux Etats-Unis recevront leur formation clinique.
Contrairement aux prestataires de services sous contrat, les cliniques universitaires ne fournissent généralement pas les services de santé au travail habituels qui sont rentables; aussi le soutien financier gouvernemental sest-il avéré essentiel au maintien de ces programmes. Plusieurs organismes gouvernementaux ont joué un rôle crucial à cet effet. Comme on la mentionné plus haut, le NIOSH a soutenu les programmes de formation en internat à la médecine du travail; cet appui a été assuré par les consortiums de formation interdisciplinaire du Centre de ressources pédagogiques, puis par des bourses de formation en internat à la médecine du travail. LInstitut national des sciences de lhygiène de lenvironnement (National Institute for Environmental Health Sciences (NIEHS)) a, pour sa part, fourni une aide à la recherche et à la formation pour les programmes denseignement universitaire de la médecine du travail. Bon nombre des cliniques les plus reconnues sont affiliées à des centres de recherche sur lhygiène de lenvironnement financés par le NIEHS. Les cliniques soutiennent la mission des centres en déterminant les populations qui doivent faire lobjet de recherche clinique et épidémiologique. A la fin des années quatre-vingt, le NIEHS a également mis sur pied un programme de bourses universitaires pour la médecine du travail et de lenvironnement, afin daider les facultés de médecine à assurer le perfectionnement du corps enseignant dans ce domaine. Le corps enseignant dune bonne partie des facultés de médecine dotées de cliniques a déjà bénéficié de ce programme de bourses. LAgence des substances toxiques et du registre des maladies (Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR)), créée en 1980 en application de la loi relative aux activités de dépollution de lenvironnement pour réaliser des évaluations de lhygiène de lenvironnement et améliorer la formation professionnelle ayant trait à lévaluation des substances dangereuses, a accordé un appui essentiel à lélaboration des programmes et aux activités de formation professionnelle connexes, lorsque de nombreuses cliniques ont commencé à se pencher sur des questions touchant tant lhygiène de lenvironnement que la santé au travail.
Plusieurs Etats se sont dotés de programmes à lappui des services de santé au travail. Le plus important est celui des Centres de santé au travail et dhygiène de lenvironnement de lUniversité de Californie. Ces centres ont été implantés dans cinq campus universitaires et réalisent des programmes multidisciplinaires de recherche, de formation et de services cliniques. Plusieurs autres Etats (par exemple, le New Jersey, lOregon, le Michigan et lEtat de Washington) financent également des programmes par lentremise des facultés de médecine ou des écoles de santé publique de lEtat considéré. LEtat de New York a mis en place, dans lensemble de son territoire, un réseau de cliniques de médecine du travail et de lenvironnement, qui sont pour la plupart affiliées à des centres médicaux universitaires. Ce réseau de cliniques est en mesure dévaluer létat des personnes présentant des problèmes de santé liés à lenvironnement ou au travail, même si celles-ci nont pas les moyens de payer ces services. Les cliniques ont créé une base de données commune afin que le réseau puisse servir de système de surveillance des maladies professionnelles pour lEtat.
Les associations professionnelles ont également largement contribué à lessor des cliniques universitaires. Les membres de lAssociation américaine de santé publique (American Public Health Association (APHA)) ont jeté les bases des premiers échanges entre les cliniques nouvellement constituées. Lappui de lAPHA a permis de renforcer dans ces cliniques laccent mis sur la santé publique et la prévention. En 1987, les membres du comité de lAPHA soccupant des cliniques de médecine du travail de lAPHA ont fondé une nouvelle organisation, lAssociation des cliniques de médecine du travail et de lenvironnement (Association of Occupational and Environmental Clinics (AOEC)), formant un réseau de cliniques voué à la recherche et à la formation ainsi quà la prévention et au traitement des maladies professionnelles et environnementales (AOEC, 1995). LAOEC est devenue un réseau national de plus de cinquante cliniques, dont la plupart sont des cliniques universitaires. La majorité des cliniques universitaires bien établies sont membres de lAOEC. LAssociation favorise la communication entre les cliniques, établit des directives concernant la qualité des soins et les droits des patients, sefforce dobtenir des ressources financières pour les activités professionnelles et éducatives et est en train détablir une base de données qui permettra de recueillir et danalyser de manière systématique les renseignements fournis par les cliniques.
Comme on la vu plus haut, la principale activité des cliniques est de diagnostiquer les maladies liées au travail et à lenvironnement, et non de fournir les services courants de santé au travail. En raison de cette orientation, les programmes des cliniques universitaires diffèrent des programmes des cliniques qui dispensent des services en vertu de contrats passés avec les employeurs (Rosenstock et coll., 1982). Les professionnels des cliniques universitaires sont dabord et avant tout au service des travailleurs et des membres de la collectivité éventuellement exposés aux maladies professionnelles, et non des employeurs. Les médecins prennent en considération les aspects aussi bien médicaux que sociaux, économiques et juridiques des problèmes de santé des patients. Le rapport patient-soignant est faible: les cliniques concentrent leurs efforts sur des cas relativement peu nombreux mais complexes, qui nécessitent des consultations plus longues et plus approfondies et un engagement de la part du médecin et du patient, parfois en dehors des heures habituelles douverture des cliniques.
En raison de leurs activités de recherche et denseignement, les cliniques universitaires fonctionnent généralement à temps partiel et tiennent plusieurs séances par semaine. Le répertoire des 41 cliniques membres de lAOEC indique que les effectifs varient de un à 13 médecins par clinique et que 85% des cliniques comptent entre deux et six médecins (AOEC, 1995). Autre caractéristique, les cliniques font appel à des équipes multidisciplinaires de professionnels afin daméliorer les évaluations des risques et de la toxicité, et de fournir des services de prévention et déducation. Ainsi, parmi les 41 cliniques figurant dans le répertoire de lAOEC, la plupart comptaient parmi leur personnel professionnel des hygiénistes industriels (32), et environ la moitié, des toxicologues (22), des travailleurs sociaux (19), des éducateurs sanitaires (19) et des épidémiologistes (24) (AOEC, 1995).
Les cliniques axent leurs services sur la collectivité. La plupart dentre elles ont élaboré des programmes de vulgarisation à lintention des professionnels et de la collectivité, à la fois pour faciliter le dépistage de patients éventuels et dispenser une formation aux professionnels de la santé, aux travailleurs et à la population locale. Bon nombre de cliniques forment des comités consultatifs de travailleurs et de représentants des collectivités locales pour assurer la surveillance de leurs activités.
Beaucoup de cliniques tiennent des bases de données informatisées, de manière à pouvoir rechercher et analyser les cas quelles ont traités. On y trouve les renseignements suivants: la source qui a adressé le patient, le code de profession et de secteur dactivité de tous les emplois occupés (ou du moins de lemploi actuel ou des emplois les plus importants), le nom de lemployeur, les types dexposition, les diagnostics de maladies liées au travail, lévaluation du lien entre le type dexposition et le diagnostic, et des données démographiques (Rosenstock, Daniell et Barnhart, 1992). Jusquici, la coordination de la collecte des données tenues par les cliniques laissait à désirer, mais lAOEC a créé un système commun de bases de données qui permettra de compiler ces renseignements de manière plus systématique à lavenir.
La clientèle des cliniques universitaires varie selon les types demployeurs et les risques environnementaux présents dans la région desservie, davantage encore que celle des services contractuels, qui se développent en fonction des besoins des employeurs. Les cliniques peuvent offrir des services diagnostiques spécialisés, selon lexpertise et les intérêts de recherche du corps professoral. Les patients consultent les professionnels des cliniques en fonction de la compétence et de la réputation du programme universitaire. Une personne se présente habituellement à la clinique parce quelle souffre dune affection et désire savoir si son travail ou un agent environnemental en est la cause ou parce quelle a été exposée à un agent potentiellement toxique et veut savoir si sa santé pourrait en souffrir.
Selon le répertoire de lAOEC (AOEC, 1995), les maladies professionnelles les plus courantes observées dans les cliniques sont les suivantes: asthme, maladies pulmonaires et autres troubles pulmonaires causés par lamiante, syndrome du canal carpien, troubles consécutifs à des traumatismes répétés, troubles musculo-squelettiques et affections cutanées. Peu de cliniques déclarent diagnostiquer fréquemment des troubles neurologiques, et très peu ont reçu des patients souffrant de lésions graves. Les problèmes les plus fréquents découlant dune exposition professionnelle mettent en cause lamiante, le plomb ou dautres métaux lourds, les produits chimiques et les solvants.
La répartition des principales affections liées à lenvironnement diffère de celle des maladies professionnelles. Les plus fréquentes sont le syndrome dintolérance aux produits chimiques et le syndrome des bâtiments malsains ou encore les problèmes dus à la piètre qualité de lair à lintérieur des locaux. Les problèmes dexposition à des agents environnementaux les plus souvent mentionnés sont liés à la présence de pesticides, de plomb, de produits chimiques et de déchets dangereux.
Les patients sont adressés aux cliniques par diverses sources daucuns consultent de leur propre initiative, tandis que dautres sont adressés par les employeurs, les syndicats, les organismes de santé publique, les médecins, les avocats et les régimes de réparation des accidents du travail. Certains cas sont transmis aux cliniques parce que les patients veulent une évaluation médicale indépendante et de premier ordre. Dautres sont adressés à des praticiens en particulier souvent des membres du corps professoral dont lexpertise est reconnue. Dans ces derniers cas, le choix du professionnel consulté peut découler dune recherche au plan national, voire international.
Les cliniques universitaires offrent aussi dautres services que lévaluation des maladies liées au travail ou à lenvironnement. Bon nombre dentre elles ont mis sur pied des programmes de dépistage auprès des travailleurs, à la demande demployeurs, de syndicats ou de groupes de travailleurs préoccupés par un risque particulier, par exemple lexposition au plomb ou à lamiante. Les cliniques effectuent également les examens de surveillance médicales prescrits par lOSHA ou la législation de lEtat. La plupart des cliniques servent de centres régionaux en fournissant des services de consultation clinique aux travailleurs, aux habitants et aux médecins de la région, généralement par téléphone.
Outre les services cliniques, le personnel multidisciplinaire des cliniques universitaires effectue des évaluations des risques présents sur les lieux de travail et dans la collectivité, ce qui englobe parfois des activités de surveillance de lexposition. La quasi-totalité des cliniques organisent des programmes de formation dans le domaine de léducation à la santé et de la prévention à lintention des particuliers, des collectivités et des professionnels de la santé.
Lensemble des changements apportés aux systèmes dindemnisation des travailleurs et de soins médicaux pourrait avoir une incidence sur lavenir des cliniques universitaires aux Etats-Unis. On aura toujours besoin dévaluations médicales indépendantes pour les problèmes de santé liés au travail et à lenvironnement, mais de nombreux Etats ont modifié ou envisagent de modifier les lois touchant la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles de manière à restreindre la possibilité, pour les travailleurs, de faire leurs propres choix concernant les évaluations médicales. On observe également une tendance à la gestion intégrée des soins médicaux pour les maladies tant professionnelles que non professionnelles. Les cliniques devront sadapter à lexpansion des soins intégrés dans le domaine de la santé au travail, car lapproche indépendante quelles privilégient pourrait être exclue dans une large mesure dun système plus intégré de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Afin de faire face à cette évolution du système de soins médicaux, certaines cliniques universitaires établissent des liens avec les centres sous contrat avec des employeurs: alors que ces centres soccuperaient des cas courants et des traitements médicaux, les cliniques universitaires joueraient le rôle de centres de consultation spécialisés. Peut-être les cliniques devront-elles également saffilier aux centres médicaux qui dispensent des soins primaires, des soins durgence, des services de réadaptation et dautres services spéciaux, afin que les services offerts par les spécialistes de la santé au travail et les autres types de soins médicaux soient le plus complets possible. Cette approche permettra daccroître la stabilité financière des cliniques grâce aux contrats et à la rémunération des services, et fournira des possibilités de formation aux médecins, dont bon nombre exerceront dans ce contexte.
Les cliniques universitaires devront relever le défi de préserver leur indépendance tout en fonctionnant dans un système de gestion intégrée des soins médicaux, en grande partie financé par les employeurs. La possibilité de consultations indépendantes sera maintenue, jusquà un certain point, étant donné que les modes daiguillage, à léchelle régionale et nationale, sont fondés sur la réputation des cliniques. Les cliniciens continueront également à fournir des avis dexperts à des particuliers et à des avocats dans le cadre du système de responsabilité civile délictuelle, qui par ailleurs évolue également aux Etats-Unis, quoique plus lentement que le système de soins médicaux. Cependant, malgré ces appuis, les cliniques universitaires des Etats-Unis auront toujours besoin du soutien des organismes gouvernementaux et des organisations professionnelles pour continuer dassumer leur rôle en tant quorganes indépendants dévaluation médicale, de recherche et de formation. Le sort de bon nombre dentre elles dépendra de la décision du gouvernement fédéral et des gouvernements des Etats de maintenir ou non leur appui.
Au Japon, le ministère du Travail est lunique organe administratif responsable de la santé au travail, et la loi sur la sécurité et lhygiène du travail, adoptée en 1972, est la loi fondamentale dans ce domaine (cette loi sera appelée «loi sur la santé» pour les besoins du présent article). La loi sur la santé et ses ordonnances dexécution stipulent quil incombe à lemployeur de fournir des services de sécurité et de santé au travail et, notamment, de nommer un médecin du travail, en fonction de la taille de lentreprise. Ainsi, toutes les entreprises qui comptent 50 salariés ou plus doivent engager un médecin du travail (à temps plein dans les entreprises qui emploient 1 000 personnes ou plus). En outre, toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, sont tenues doffrir des examens de santé à leur personnel. Ces bilans de santé obligatoires comprennent les examens avant laffectation à un poste, des examens généraux périodiques pour tous les travailleurs à temps plein et, en outre, des examens médicaux particuliers pour les travailleurs à temps plein dont les tâches sont qualifiées de «dangereuses». Ces exigences sont en général respectées, bien quil existe des différences à cet égard en fonction de la taille de lentreprise.
Les modèles dorganisation et de prestation des services varient considérablement selon la taille de lentreprise. Les grandes entreprises abritent souvent une unité de santé au travail complète, par exemple un service dadministration sanitaire, un service de promotion de la santé ou une clinique médicale sur les lieux de travail. Ces unités fonctionnelles constituent parfois des entités indépendantes, en particulier si elles mettent laccent sur les activités curatives, mais la plupart du temps elles relèvent de services tels que le service du travail ou celui des affaires générales. Dans certains cas, lunité de santé au travail est gérée par un syndicat dentreprise dassurance maladie. Le médecin du travail à temps plein de lentreprise assume très souvent la direction de lunité, parfois avec le même grade quun cadre supérieur de lentreprise. Lunité est formée dune combinaison variable de personnel infirmier en service général, de personnel infirmier du travail, de techniciens en radiologie ou de technologues médicaux.
En revanche, bon nombre de petites entreprises nont pas les ressources humaines et matérielles requises pour assurer la prestation de services de santé au travail. Dans ces cas-là, les médecins du travail à temps partiel sont recrutés parmi les omnipraticiens en pratique privée, les médecins attachés à un hôpital ou à une université et les praticiens de la santé au travail indépendants ou non. Les médecins du travail à temps partiel exercent un éventail plus ou moins large dactivités touchant la santé au travail, selon les besoins de lentreprise et leur propre expertise. Les organismes de santé au travail, qui offrent des services de santé au travail dans un but lucratif, ont joué un rôle primordial dans la prestation de tels services aux petites entreprises. Les services vendus par ces organismes englobent les divers examens de santé et leur suivi, le mesurage de variables environnementales et même lenvoi sur les lieux de médecins du travail et de personnel infirmier. De nombreuses petites entreprises embauchent un médecin du travail à temps partiel et louent les services dun organisme de santé au travail afin de se conformer aux prescriptions légales applicables.
Des sondages nationaux portant sur les activités des médecins du travail à plein temps et à temps partiel ont été réalisés périodiquement par la Fondation pour la promotion de la santé au travail, organisme auxiliaire sans but lucratif du ministère du Travail. Selon lenquête effectuée en 1991, à laquelle 620 médecins du travail à plein temps ont répondu, cest aux activités curatives que lon avait consacré en moyenne le plus de temps (495 heures/année); venaient ensuite les examens de santé périodiques (136) et les consultations ponctuelles (107). Le temps moyen alloué à lexamen des lieux de travail sélevait à 26,5 heures/année. Les 340 médecins du travail à temps partiel qui ont également répondu au questionnaire consacraient proportionnellement moins de temps à cette activité que les médecins du travail à temps plein. Toutefois, une analyse plus approfondie fait ressortir des variations considérables dans la quantité et la qualité des activités des médecins du travail à temps partiel, selon plusieurs facteurs interdépendants:
La loi ne contient aucune disposition précisant les compétences requises du médecin du travail; elle indique simplement que le médecin du travail (à temps plein ou à temps partiel) peut être choisi «parmi lensemble des médecins» (loi sur la santé). En 1995, le nombre total de médecins était estimé à 225 000; ce nombre augmente annuellement denviron 5 000 (7 000 médecins diplômés issus des 80 facultés de médecine du Japon, moins 2 000 médecins décédés). Le nombre estimatif de médecins du travail en 1991 était denviron 34 000 (2 000 à temps plein et 32 000 à temps partiel), ce qui correspondait à 16,6% de leffectif total de médecins. En outre, plusieurs milliers dinfirmiers et dinfirmières jouent un rôle actif dans le domaine de la santé au travail, même sil nexiste pas de définition juridique de la fonction dinfirmier(ère) du travail. Un agent de surveillance médicale, quon définit dans la loi sur la santé comme étant la personne qui soccupe des questions techniques en matière de santé, est recruté parmi les travailleurs. Le médecin du travail collabore étroitement avec lagent de surveillance médicale, à qui il peut «fournir conseils ou orientation» en vertu de la loi sur la santé.
Au sein du ministère du Travail, la santé au travail est administrée par le Service de la sécurité et de la santé au travail, qui relève du Bureau des normes du travail. Les unités fonctionnelles locales du Bureau sont les services préfectoraux des normes du travail (il en existe 47) et les services dinspection des normes de travail (347), répartis dans tout le pays et dotés denviron 3 200 inspecteurs des normes de travail, de 390 spécialistes de la sécurité au travail et de 300 spécialistes de la santé au travail.
Depuis plusieurs décennies, le ministère du Travail met en uvre des plans quinquennaux de prévention des accidents du travail; le plus récent de ces plans (le huitième) était associé au mot dordre suivant: «Pour une vie professionnelle saine et sans danger sur le plan tant mental que physique.» En conséquence, le ministère sest doté dun plan axé sur la promotion de la santé globale. En vertu de ce plan, le médecin du travail prescrit à chaque travailleur un programme dexercices fondé sur une évaluation de sa santé. Le gouvernement organise des programmes de formation destinés aux représentants dentreprises pour les aider à acquérir les compétences requises. Il donne également son agrément aux organismes de santé au travail qui sont en mesure de fournir des services facilitant la mise en uvre du plan.
Lorsque des services de santé au travail sont fournis sur place, comme cest le cas dans les grandes entreprises, ils relèvent alors souvent dun service interne de lentreprise et, par conséquent, sont assujettis aux contraintes financières de lemployeur. Une autre formule existe également, celle de lunité affiliée mais autonome (clinique, hôpital ou organisme de santé au travail), qui compte des professionnels de la santé au travail. Dans certains cas, lunité est gérée par un syndicat dentreprise dassurance maladie. Bon nombre de petites entreprises, qui nont pas les ressources humaines, matérielles et financières requises, mais qui sont néanmoins tenues doffrir les services dun médecin du travail à temps partiel, se conforment à cette exigence en passant un contrat avec des omnipraticiens, des médecins attachés à un hôpital ou à une université et dautres professionnels de la santé. Comme on la mentionné plus haut, le médecin du travail à temps partiel soccupera de diverses activités liées à la santé au travail, en fonction des besoins de lentreprise et de sa propre compétence. Les exigences auxquelles lentreprise doit se conformer, par exemple faire subir des examens de santé périodiques à tous les salariés, excèdent souvent le temps dont dispose le médecin contractuel ou sa bonne volonté à cet égard. Cette situation crée un écart entre loffre et la demande, qui est souvent comblé par les organismes de santé au travail.
La Société japonaise de santé au travail (Japan Society for Occupational Health (JSOH)) est une société universitaire qui comprend des médecins du travail, du personnel infirmier du travail et des chercheurs. La société compte actuellement 6 000 membres, et ce nombre augmente rapidement. Elle tient des réunions scientifiques annuelles aux niveaux régional et national, et a récemment entrepris de publier un périodique scientifique en anglais intitulé Journal of Occupational Health. Les principaux instituts de recherche du Japon sont lInstitut national de la santé au travail (périodique: Industrial Health, semestriel, en anglais), lInstitut des sciences du travail (périodique: Journal of Science of Labour, mensuel, en japonais et en anglais), lAssociation japonaise de sécurité et de santé au travail (publications: Industrial Safety Yearbook et autres) et lInstitut des sciences écologiques industrielles de lUniversité de santé du travail et de lenvironnement du Japon (périodique: Journal of UOEH, bimensuel, en japonais et en anglais).
Le ministère du Travail a récemment lancé un plan densemble visant la prévention des maladies et la promotion de la santé pour tous les travailleurs du pays. Grâce à ce plan de huit ans, il prévoit détablir des centres de santé au travail subventionnés par lEtat, fonctionnant à léchelle des préfectures et des régions dans lensemble du pays. Chacune des 47 préfectures aura son centre de santé au travail, qui comptera environ 15 salariés, y compris un médecin-chef à temps plein et trois ou quatre médecins à temps partiel. Leur principale fonction consistera à dispenser une formation et à fournir des informations aux médecins du travail exerçant dans le secteur. Il est prévu également de mettre en place 347 centres régionaux de santé au travail, en liaison avec les sections locales de lAssociation médicale japonaise (Japan Medical Association (JMA)). Ces centres régionaux veilleront tout spécialement à fournir des services de santé au travail à un groupe mal desservi à cet égard, cest-à-dire les travailleurs des petites entreprises. Le budget initial en 1993 était de 2,3 milliards de yen (20 millions de dollars E.-U.) pour la mise en place de six centres préfectoraux et de 50 centres régionaux. Les deux types de centres de santé au travail fonctionneront en interaction, de même quen collaboration avec ladministration centrale, la JMA, les hôpitaux pour travailleurs et les autres partenaires. Le succès de ce plan sera tributaire de la coopération entre ces divers intervenants.
Lorganisation de la protection du travail héritée de lancien régime par la Fédération de Russie sinscrivait dans une structure hiérarchique qui avait été instaurée dans le contexte de la société antérieure et qui fonctionnait sous un contrôle administratif rigoureux allant de pair avec la planification et laffectation des res-sources. Les changements dans les systèmes économique et social du pays résultant de la transition vers une économie de marché ont rendu nécessaires une révision de la législation du travail existante et la réorganisation de lensemble du système de protection du travail et, plus particulièrement, des services de santé au travail fournis à la population active.
La protection du travail dans la Fédération de Russie est reconnue comme étant un système complexe visant à assurer des conditions de travail salubres et sans danger par ladoption de mesures législatives, socio-économiques, organisationnelles, préventives, de sécurité, dhygiène, techniques et autres.
La législation du travail en Russie comprend certaines dispositions de la Constitution russe, le Code du travail, la loi fondamentale sur la protection du travail et les textes dapplication, à savoir les règlements et directives pertinents, ainsi que les lignes directrices, instructions, normes dEtat et autres normes approuvées par les autorités compétentes de la Fédération de Russie et des républiques constituantes.
Larticle 37 de la Constitution de la Fédération de Russie dispose que chaque citoyen a le droit de travailler dans un environnement conforme aux exigences établies en matière de sécurité et de santé au travail, dêtre rémunéré pour son travail sans discrimination par un salaire qui ne soit pas inférieur au minimum fixé par le gouvernement fédéral, et dêtre protégé contre le chômage.
La loi fondamentale sur la protection du travail, adoptée en août 1993, contient des dispositions qui garantissent le droit des travailleurs à la protection de leur santé. Elle régit également les relations professionnelles entre les employeurs et les travailleurs dans tous les secteurs de léconomie, quel que soit le mode de propriété. Selon larticle 4 de la loi, les travailleurs ont droit à:
Larticle 9 de la loi fondamentale sur la protection du travail attribue à lemployeur la responsabilité dassurer des conditions de travail salubres et sans danger, tandis que larticle 16 précise les sanctions pécuniaires qui lui seront infligées sil ne sacquitte pas de cette responsabilité et si la santé des travailleurs est compromise par suite dexposition, de lésions ou de maladies professionnelles.
Le chapitre 10 du Code du travail de la Fédération de Russie porte sur la sécurité et la santé au travail. Larticle 139 prévoit quil incombe à la direction dassurer des conditions de travail salubres et sans danger par ladoption de procédures de sécurité mises à jour régulièrement et de mesures de prévention des accidents qui permettront de maîtriser les risques de manière appropriée et de prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Selon larticle 143 du Code du travail, la direction est tenue de doter ses installations de machines et déquipements sans risques et de créer des conditions de travail sûres, respectant les normes techniques et les normes dhygiène, de même que les règlements intersectoriels et sectoriels sur la sécurité et la santé au travail élaborés et adoptés conformément à la législation du travail en vigueur.
Les règlements intersectoriels en matière de prévention couvrent tous les secteurs dactivité. Ce sont des prescriptions légales applicables à toutes les entreprises, indépendamment du type dactivité économique (par exemple, les normes dhygiène SN 245-71 relatives à la conception des entreprises industrielles). Les règlements intersectoriels sont adoptés par le conseil des ministres de la Fédération de Russie, ou par dautres autorités compétentes à la demande du conseil des ministres.
Les règlements sectoriels en matière de prévention définissent les exigences applicables à divers procédés industriels, types de travaux et équipements propres à certains secteurs industriels (par exemple, les règlements sur les consignes de sécurité touchant les opérations de soudage dans la construction ou le fonctionnement des grues de chargement sur les quais). Ils tiennent compte des caractéristiques particulières de certains secteurs de léconomie et sont adoptés par les ministères concernés, les comités dEtat, les organismes officiels de contrôle ou dautres autorités compétentes.
Les ministères élaborent également des directives, des instructions et des normes techniques de prévention visant leurs domaines dactivité économique respectifs. Dautres instructions, comme celles qui obligent les employeurs à organiser à lintention des travailleurs une formation à la prévention en entreprise ou celles qui obligent les travailleurs à se conformer aux exigences de sécurité, font lobjet de consultations avec les organisations demployeurs et de travailleurs.
Les employeurs sont tenus de fournir aux travailleurs les vêtements ou les uniformes adéquats ainsi que léquipement de protection individuelle et collective prévu par la réglementation. Ils sont également responsables de lorganisation des examens de santé périodiques que doivent subir certaines catégories de travailleurs, par exemple ceux qui effectuent des travaux pénibles ou qui accomplissent des tâches dangereuses, les travailleurs du secteur des transports et certains autres groupes.
Outre les obligations et responsabilités des employeurs (lorsque les installations appartiennent à lEtat, la direction de lentreprise représente lemployeur), la législation du travail prévoit lobligation pour les travailleurs de se conformer aux exigences en matière de sécurité et de santé au travail énoncées dans les règlements et les directives applicables. Ainsi, les travailleurs doivent participer aux programmes de formation à la prévention, entretenir et utiliser correctement léquipement de protection individuelle, suivre des cours de prévention des incendies, veiller au bon fonctionnement des machines et de léquipement quils utilisent et à la propreté de leurs lieux de travail.
A léchelle de lentreprise, la surveillance quotidienne de lapplication des normes et prescriptions relatives à la prévention relève du bureau de la sécurité et de la santé au travail, qui fait partie intégrante de lentreprise et jouit dun statut indépendant. Les principales fonctions de ce bureau sont les suivantes: évaluation des risques professionnels, recommandation de mesures de sécurité et de contrôle, prévention des accidents du travail, analyse des causes daccidents du travail, coopération avec dautres services de lentreprise pour la prévention des accidents du travail et des lésions professionnelles, vérification des machines et de léquipement et mise en uvre de programmes de sécurité. Le bureau est habilité à interrompre le fonctionnement de certaines machines ou le déroulement de certaines opérations ou encore certaines tâches qui peuvent mettre en péril la vie ou la santé des travailleurs.
Les petites entreprises nont généralement pas les ressources requises pour mettre sur pied un bureau de la sécurité et de la santé au travail (voir «Les services de santé au travail dans les petites entreprises»). Larticle 8 de la loi fondamentale sur la protection du travail leur confère le droit de consulter des spécialistes de la sécurité et de la santé au travail de lextérieur et de les employer en tant que contractuels.
Afin daméliorer lapplication des règlements visant la protection des travailleurs de la Fédération de Russie, un système a été mis en place pour létablissement de normes dEtat en matière de sécurité et de santé au travail (GOST). Ces normes ont force de loi, et le contrôle de leur application incombe aux autorités gouvernementales compétentes.
Au total, il existe maintenant plus de 2 000 règlements, directives, instructions, normes dhygiène et normes dEtat concernant la sécurité et la santé au travail, dont la plupart ont été élaborés par divers ministères, comités dEtat et autres autorités de lex-URSS. Cette réglementation est toujours en vigueur, même si 700 règles et règlements ont été établis avant 1981 et ne devaient être applicables que pendant une période de cinq ans. La majorité de ces règles et règlements devraient être revus et modifiés à la lumière de la nouvelle situation économique.
Dans le cadre de la réorganisation du système de protection du travail de la Russie, le décret présidentiel du 4 mai 1994 a créé lInspection fédérale du travail qui, sous légide du ministère du Travail, est chargée de veiller à la bonne application de la législation du travail dans tous les territoires de la Fédération de Russie. Ce décret a mis en place le système de contrôle et de surveillance de lEtat dans le domaine de la protection du travail (auparavant, le contrôle de lapplication de la législation du travail incombait aux inspecteurs des syndicats). Un réseau dinspections régionales sera établi dans toutes les régions constituantes de la Fédération de Russie, complétant la structure organisationnelle de lInspection fédérale du travail.
La législation sur la santé de la Fédération de Russie représente un outil pour la mise en uvre de la politique dEtat concernant la santé publique et le bien-être épidémiologique. Le Service fédéral dhygiène et dépidémiologie de la Fédération de Russie sacquitte de son mandat en conformité avec cette législation et joue un rôle important dans les activités visant à promouvoir la sécurité et la santé au travail et la santé publique en général.
La législation sur la santé comprend la loi sur le bien-être sanitaire et épidémiologique de la population, adoptée le 13 avril 1992 par le Conseil suprême de la Fédération de Russie, et les directives et règlements pertinents établis en vertu de cette loi par les autorités compétentes.
Selon larticle 1 de la loi, lexpression bien-être sanitaire et épidémiologique désigne «un état de la santé publique et de lenvironnement caractérisé par labsence dincidences néfastes des facteurs environnementaux sur la santé des populations et la présence de conditions propices aux activités créatrices».
La législation sur la santé établit des normes dhygiène pour les entreprises, les nouveaux types déquipements et de machines ainsi que pour les matières et les procédés technologiques nouveaux. Elle prescrit également les modalités dapplication des normes existantes.
La surveillance de lEtat en matière dhygiène prend deux formes:
Selon larticle 9 de la loi, les entreprises doivent se conformer à la législation sur la santé en appliquant les normes dhygiène établies et en exerçant un contrôle sur lenvironnement industriel. Elles doivent prendre des mesures afin de prévenir la pollution de lenvironnement, concevoir et mettre en uvre des programmes de sécurité et de santé au travail visant à améliorer le milieu de travail et à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Le chapitre 4 de la loi précise les divers degrés de responsabilité en cas dinfraction à la législation sur la santé. Les personnes qui enfreignent la loi peuvent être poursuivies au civil ou au pénal (art. 27).
Le chapitre 5 de la loi établit les fonctions de surveillance sanitaire et épidémiologique de lEtat:
Par suite des changements structurels en cours dans lorganisation du travail, la loi impose pour la première fois lobligation de respecter la législation sur la santé et les normes dhygiène, ainsi que les normes sur la qualité sanitaire des produits et la prévention de la pollution de lenvironnement non seulement aux dirigeants dentreprises et aux travailleurs, mais également aux travailleurs indépendants à temps plein (art. 34).
Selon larticle 32 de la loi, il incombe au Service fédéral dhygiène et dépidémiologie de la Fédération de Russie de veiller à lapplication de la législation sur la santé. En outre, le Conseil des ministres de la Fédération de Russie a approuvé la directive no 375, qui a remplacé les anciens postes dhygiène et dépidémiologie par des Centres de surveillance sanitaire et épidémiologique dEtat, fonctionnant dans tous les territoires de la Fédération.
La nouvelle législation sur la santé représente un changement important dans la réglementation officielle du bien-être sanitaire et épidémiologique de la population, et cela est vrai également pour la restructuration radicale du Service fédéral dhygiène et dépidémiologie de la Fédération de Russie, chargé dappliquer cette réglementation. Le Service a récemment obtenu le statut de service fédéral et fait maintenant partie des organismes fédéraux de contrôle dEtat. A la suite de ce changement, le Comité fédéral de la Fédération de Russie pour la surveillance sanitaire et épidémiologique a été créé afin de superviser le fonctionnement général du Service.
Le Service fédéral dhygiène et dépidémiologie de la Fédération de Russie est constitué des organismes suivants:
Comme le précise la directive no 375, les principales fonctions du Service fédéral dhygiène et dépidémiologie sont les suivantes:
Les spécialistes des Centres de surveillance sont habilités à effectuer des visites et des inspections des entreprises dans le but de faire appliquer la législation sur la santé. Ils enquêtent sur les causes des maladies professionnelles et déterminent les risques environnementaux et professionnels qui pourraient donner lieu à des maladies, des lésions et des intoxications liées au travail. Idéalement, lorsque cela est nécessaire, ils collaborent avec les médecins et le personnel infirmier des services de santé au travail.
Les Centres de surveillance sont financés directement par le budget fédéral de la Fédération de Russie. Ils peuvent en outre fournir sous contrat des services et des conseils spécialisés aux entreprises et à tout autre organisme ayant besoin de leur expertise. La liste des services spécialisés offerts par les Centres de surveillance est approuvée par le Comité fédéral pour la surveillance sanitaire et épidémiologique.
La législation sur la santé est appliquée au moyen de directives, de règlements, dinstructions, de normes et de prescriptions légales, à savoir:
Larticle 41 de la Constitution de la Fédération de Russie dispose que chaque citoyen a droit à la protection de sa santé et à des soins médicaux. De nouvelles lois prévoient la mise en place de systèmes de santé administrés par les municipalités et le secteur privé en complément du régime de soins de santé de lEtat. Les soins médicaux dispensés par lEtat et les municipalités sont gratuits, les coûts étant financés par le budget fédéral et les budgets des collectivités locales, les caisses dassurance santé et dautres sources.
La loi sur le bien-être sanitaire et épidémiologique de la population renferme les dispositions suivantes, qui visent à assurer la protection de la santé des travailleurs:
Un élément important du système de santé russe est la mise en place, en 1991, dun régime dassurance santé obligatoire, qui a été modifié en 1993. La loi sur lassurance santé des citoyens de la Fédération de Russie prévoit un nouveau modèle dassurance en vertu duquel les employeurs versent des primes correspondant à 3,6% de leur masse salariale totale aux administrations locales pour aider à financer lassurance santé. En 1996, près de 40 millions de travailleurs étaient couverts par la caisse fédérale dassurance santé obligatoire de la Fédération de Russie.
La mise en place de lassurance santé obligatoire avait principalement pour but de pourvoir au financement des soins de santé au sein du système économique postsoviétique sur la base des principes de lassurance, en utilisant des fonds provenant de cotisations obligatoires et volontaires. Lassurance santé obligatoire a introduit dans le système de santé de la Fédération de Russie deux types de liens avec le public qui nexistaient pas auparavant: la participation des assureurs, représentés par les autorités locales, qui sont chargés de lassurance santé couvrant les agents de lEtat et les chômeurs; et la participation des milieux industriels, représentés par les employeurs et les entreprises, qui sont chargés dassurer les travailleurs. Selon larticle 23 de la loi sur le bien-être sanitaire et épidémiologique de la population, les examens de santé des travailleurs font partie de la liste des services couverts par lassurance santé obligatoire.
Conformément à la loi fondamentale sur la protection de la santé des citoyens de la Fédération de Russie, adoptée par le Conseil suprême de la Fédération de Russie le 22 juillet 1993, les principes fondamentaux de la protection de la santé sont les suivants:
La loi fondamentale précise les liens existant, en ce qui concerne la protection et la loi de la santé, entre la population active et les autorités compétentes, les entreprises dEtat, les établissements du secteur privé, ainsi que les centres médicaux de lEtat, des municipalités et du secteur privé fournissant des services de santé.
En pratique, les services de santé au travail sont dispensés aux travailleurs par les établissements de santé publics (hôpitaux et polycliniques) situés à proximité de leur lieu de résidence et par les services spécialisés de santé au travail se trouvant pour la plupart dans les grandes entreprises. Cet arrangement permet doffrir des services de qualité le plus près possible des travailleurs et de leurs lieux de travail.
On trouve généralement des services de santé au travail dans les grandes entreprises employant plus de 4 000 travailleurs, de même que dans les entreprises chimiques, pétrochimiques, minières et extractives comptant au moins 2 000 salariés. Toutes les entreprises employant plus de 800 personnes doivent être dotées dune unité interne comptant un médecin et un(e) infirmier(ère) du travail; celles qui ont entre 300 et 800 salariés sont seulement tenues davoir un(e) infirmier(ère) du travail; le nombre minimal pour les entreprises chimiques, pétrochimiques, minières et extractives est de 200 salariés. Ces unités internes font partie du système de santé public.
Pour dispenser des services de santé au travail, les petites entreprises ont recours aux hôpitaux et aux polycliniques du système public de santé, qui doivent mettre à leur disposition un médecin du travail pour effectuer les examens de santé des travailleurs.
Dans les très grandes entreprises, on trouve généralement un hôpital qui dispense des services aux patients hospitalisés, une polyclinique offrant des services de consultation externe, un poste de soins infirmiers du travail et un dispensaire. Les services offerts peuvent être «fermés» (cest-à-dire accessibles seulement aux salariés de lentreprise) ou «ouverts» (cest-à-dire accessibles aux familles des travailleurs et, parfois, aux personnes habitant à proximité de lentreprise).
Le passage à une économie de marché, lapparition de divers modes de propriété, loctroi de lindépendance économique aux entreprises et labolition du contrôle administratif de lEtat ont donné lieu à de profonds changements dans le système économique et social de la Russie, qui ont à leur tour transformé lensemble de la société.
Le système de protection du travail de la Fédération de Russie décrit ci-dessus, tout en conservant ses principales caractéristiques, est encore en pleine réorganisation; il lui faut en effet sadapter aux nouvelles réalités et être en mesure de réagir efficacement aux défis de lheure. Bien amorcé, le processus nen est toutefois quà ses débuts.
La prestation de services de santé au travail à la population active requiert une attention particulière étant donné la désintégration partielle de lancien réseau, causée par des problèmes économiques bien connus, et les bouleversements que représentent lapparition dun secteur privé, la mise en place dun régime dassurance santé obligatoire et lintégration de centres médicaux privés dans le système de santé du pays.
Bien quon ait réalisé certains progrès au sujet de la réduction du nombre daccidents du travail et de lincidence des lésions et des maladies professionnelles, les taux demeurent beaucoup trop élevés, ce qui pourrait avoir des effets désastreux sur la santé des travailleurs et, partant, sur léconomie. Il est donc primordial daccorder une importance prioritaire à lamélioration des conditions et du milieu de travail, de même quà la protection et à la promotion de la santé des travailleurs lors de la révision de la politique sociale de lEtat. La participation active de spécialistes chevronnés de la sécurité et de la santé au travail à ce processus est donc essentielle.
Lamélioration du système de protection du travail en Russie est subordonnée à un certain nombre de facteurs. Il faut, notamment:
La Chine, le plus grand pays en développement du monde, sest engagée dans un processus de modernisation sans précédent. Sa politique douverture aux intérêts extérieurs et la réforme économique quelle a entreprise en 1979 ont entraîné des changements profonds dans léconomie chinoise et dans tous les aspects de la société. Le PNB de la Chine est passé de 358,8 milliards de yuan renminbi en 1978 à 2 403,6 milliards en 1992, ce qui veut dire quil a plus que triplé en termes de valeur constante. Cela correspond à un taux de croissance annuel moyen du PNB de 9%. La valeur de la production industrielle brute sétablissait à 3 706,6 milliards en 1992, résultat dun taux de croissance annuel moyen de 13,2% de 1979 à 1992 (National Statistics Bureau, 1993). La Chine, de plus en plus considérée comme un centre potentiel dactivité économique, a attiré 40% de lensemble des investissements étrangers directs dans les pays en développement. A la fin de 1993, 174 000 projets financés par des investissements étrangers avaient été approuvés, soit un apport de 63,9 milliards de dollars E.-U. dans le pays et un engagement cumulé total de 224 milliards de dollars (China Daily, 1994a, 1994b).
Afin de mener à bien les réformes actuelles de manière globale et dassurer le développement harmonieux de tous les secteurs économiques du pays, il a été décidé de transformer le système en profondeur. Lobjectif de cette réforme de la structure économique est détablir une économie de marché socialiste qui libérera et renforcera encore davantage les forces productives de la Chine. La planification économique centralisée qui avait été privilégiée durant quarante ans cède la place à léconomie de marché. Ce sera le marché qui déterminera lévolution de léconomie. Le gouvernement devrait, quant à lui, guider la croissance du marché en adoptant des plans, des règlements et des politiques économiques et en se dotant de moyens administratifs adéquats.
Au cours de cette période de changement social et dindustrialisation rapides, en particulier durant le passage dun système de planification économique centralisée à une économie régie par le marché, les services de santé au travail traditionnels de la Chine ont dû faire face à dénormes défis. Qui plus est, de nombreux problèmes touchant la santé au travail émergent constamment, alors que ceux du passé ne sont pas encore résolus.
Un survol de lhistoire de la santé au travail en Chine au cours des quarante dernières années révèle que de grands progrès ont été accomplis et que de nombreuses mesures ont été couronnées de succès. Il subsiste néanmoins un écart considérable entre les besoins croissants en matière de services de santé au travail et la capacité actuelle limitée de fournir ces services. Comme bien dautres secteurs de la société chinoise, celui de la santé au travail est en plein bouleversement.
Les services de santé au travail, partie intégrante des services de santé publique de la Chine, ont vu le jour au début des années cinquante. En 1949, lorsque fut fondée la République populaire de Chine, létat de santé de la population laissait à désirer. Lespérance de vie à la naissance ne dépassait pas 35 ans. La situation, en ce qui concerne la sécurité et la santé des travailleurs, était encore plus sombre, comme en témoignait la forte prévalence des maladies professionnelles, des maladies transmissibles et des accidents dans le monde du travail. Les travailleurs touchés étaient en général retirés prématurément du marché de lemploi. Pour remédier aux conditions de travail dangereuses et insalubres dans les usines de l«ancienne Chine», le nouveau gouvernement a adopté trois mesures (Zhu, 1990): 1) la mise en place de services de santé dans les grandes entreprises industrielles; 2) une enquête approfondie sur la salubrité et la sécurité des usines; 3) lamélioration des conditions sanitaires dans les lieux de travail et les logements des travailleurs.
Les données statistiques relatives aux plus anciennes infrastructures industrielles de la Chine montrent que, en 1952, 28 hôpitaux dusine, 795 dispensaires et 30 sanatoriums avaient été établis dans lest du pays; dans le nord-est de la Chine, les services médicaux et sanitaires dans les industries avaient augmenté de 27,6%, le nombre de professionnels de la santé de 53,2%, et le nombre de lits dhôpital de 12% toutes ces améliorations sont survenues en trois ans seulement, de 1950 à la fin de 1952. Les conditions de travail les plus dangereuses observées dans les entreprises dEtat au cours de vérifications effectuées par le gouvernement ont, pour la plupart, été améliorées grâce à des initiatives communes du gouvernement et des travailleurs. Le gouvernement a également financé la construction de logements et dinstallations sanitaires. En 1952, on comptait déjà dix fois plus de logements pour les travailleurs quen 1950; le nombre de salles de bains avait augmenté de 216%, le nombre de toilettes de 844%. Par ailleurs, les associations de travailleurs avaient augmenté dans une proportion de 207% (données tirées de statistiques sur la région du nord-est). Des subsides alimentaires sont remis aux travailleurs exposés à des risques professionnels depuis 1950. Ces améliorations ont grandement contribué à la reprise de la production industrielle à cette époque.
A partir de 1954, à la suite du mot dordre du président Mao Tsé-toung pour «la mise en place graduelle dune nation socialiste industrialisée», la Chine a accéléré son développement industriel. Les priorités du gouvernement à légard de la santé des travailleurs ont peu à peu délaissé la mise en place dinstallations sanitaires au profit de la santé au travail et de lhygiène du milieu, et plus particulièrement de la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail graves. La première Constitution de la République populaire de Chine stipulait que les travailleurs devaient jouir du droit à la protection du gouvernement et quil fallait améliorer la santé et le bien-être de tous les travailleurs.
Le gouvernement central le Conseil dEtat sest beaucoup préoccupé du grave dossier des problèmes de santé au travail. La première conférence nationale sur la réduction de la poussière de silice dans le milieu de travail a été organisée conjointement par le ministère de la Santé publique, le ministère du Travail et la Fédération des syndicats de Chine (FSC) à Beijing en 1954, quatre ans seulement après la fondation de la République populaire de Chine. La deuxième conférence a été convoquée cinq ans plus tard par les trois mêmes organismes, en collaboration avec des organes administratifs sectoriels, notamment le ministère de lIndustrie du charbon et le ministère de la Fabrication des matériaux de construction.
A la même époque, les autorités de la santé au travail ont commencé à sintéresser à dautres dossiers: le stress thermique, les intoxications professionnelles, lhypoacousie professionnelle due au bruit et dautres affections provoquées par des facteurs physiques ou encore lintoxication des agriculteurs par les pesticides. A la suite des recommandations pressantes formulées conjointement par le ministère de la Santé publique, le ministère du Travail, la FSC et le ministère de lAdministration industrielle, le Conseil dEtat a adopté une série de décisions, de politiques et de stratégies en vue de renforcer le programme de santé au travail, notamment en ce qui concerne lassurance des travailleurs, les prescriptions en matière de sécurité et de santé relatives au milieu de travail, les soins médicaux pour les maladies professionnelles, les examens de santé pour les travailleurs effectuant des tâches dangereuses, la mise en place de systèmes dinspection sanitaire, outre le soutien financier considérable requis pour améliorer les conditions de travail.
Le réseau des services de santé au travail de la Chine a vu le jour au cours des années cinquante et a graduellement pris forme sur une période de quarante ans. Sa structure comporte différents paliers.
Dès 1957, le ministère de la Santé publique (Ministry of Public Health, 1957) publiait une recommandation sur la création et la dotation en personnel détablissements médicaux et sanitaires dans les entreprises industrielles. Les principes énoncés dans le document ont été adoptés comme normes nationales dans les Hygienic Standards for Design of Industrial Premises (Normes dhygiène pour la conception dinstallations industrielles) (Ministry of Public Health, 1979) (voir tableau 16.5). Selon ces normes, il devrait y avoir un service de santé ou un service de sécurité et de santé à léchelon de la direction de lentreprise, qui devrait également être placé sous le contrôle des autorités gouvernementales locales de la santé publique. Un hôpital des travailleurs relevant du service sert de centre médical ou sanitaire et fournit des soins préventifs ou curatifs, y compris les services suivants: surveillance de la santé des travailleurs à des fins de prévention, évaluation de laptitude au travail dun point de vue médical et approbation des congés de maladie des travailleurs. Il existe des dispensaires à proximité des lieux de travail qui, sous la direction et avec le soutien technique de lhôpital des travailleurs, jouent un rôle important en ce qui concerne les premiers soins, léducation des travailleurs en matière de santé au travail, la collecte sur place de renseignements sur la santé des travailleurs et la surveillance des activités de prévention au travail en liaison avec les syndicats et les services techniques.
Taille de l’entreprise (nombre de salariés) |
Service de santé en entreprise |
Superficie (m2) |
Exigences minimales |
>5 000 |
Hôpital 1 |
Doit respecter les normes de construction pour les hôpitaux généraux |
|
3 501–5 000 |
Dispensaire |
140–190 |
Salle d’attente, salle d’examen, salle de traitement, clinique et laboratoire, salle de radiologie et pharmacie |
2 001–3 500 |
Dispensaire |
110–150 |
(Mêmes que ci-dessus) |
1 001–2 000 |
Dispensaire |
70–110 |
Salle de radiologie non obligatoire |
300–1 000 |
Dispensaire |
30–0 |
Salle de radiologie et laboratoire non obligatoires |
1 Les entreprises industrielles ayant plus de 3 000 salariés peuvent établir un hôpital en entreprise si elles ont des procédés de fabrication à risque élevé ou si elles sont situées loin d’une ville ou dans une région montagneuse où les moyens de transport laissent à désirer.
La prestation de services de santé est lune des responsabilités des gouvernements. Au début des années cinquante, afin de prévenir la propagation des maladies transmissibles graves et daméliorer lhygiène de lenvironnement, le gouvernement a créé des centres de santé et de prévention des épidémies (CSPE) dans chaque division administrative, des provinces aux districts. En raison des besoins croissants de la société ainsi que du développement économique du pays, il a fallu élargir, par la suite, le rôle des CSPE de façon à inclure un grand nombre de services médicaux préventifs: santé au travail, hygiène de lenvironnement, hygiène alimentaire, hygiène scolaire, radioprotection et prévention des maladies transmissibles et de certaines maladies non transmissibles. Laccent étant mis sur la législation relative à la santé, les CSPE sont habilités à faire appliquer les règlements et les normes sur la santé publique adoptés par les autorités centrales ou locales et à effectuer des inspections. Les CSPE, en particulier les centres de niveau provincial, offrent également des services et une assistance technique en matière de santé publique aux collectivités et participent à des activités de formation interne et de recherche scientifique.
Leffort dindustrialisation de la Chine déployé durant les années cinquante et au début des années soixante a grandement accéléré lexpansion du programme de santé au travail, qui est devenu lun des services les plus importants du système de santé. La plupart des petites et moyennes entreprises industrielles qui navaient pas les ressources voulues pour se doter dun service interne de santé au travail et dhygiène du milieu pouvaient bénéficier des services de santé au travail dispensés par les CSPE, le plus souvent gratuitement.
Durant la «révolution culturelle», soit de 1966 à 1976, le réseau des services de santé au travail et ses activités se sont gravement détériorés. Cest là lune des principales raisons pour lesquelles certaines maladies professionnelles sont toujours aussi répandues en Chine aujourdhui. La reconstruction du programme de santé au travail a débuté à la fin des années soixante-dix, lorsque la Chine a pris à nouveau conscience de limportance du développement économique. Depuis le début des années quatre-vingt, grâce à la politique favorable du gouvernement, des hôpitaux de prévention et de traitement des maladies professionnelles ont été rapidement mis en place ainsi que des centres de santé au travail, appelés institutions de santé au travail (IST), dans la plupart des provinces et dans certains secteurs administratifs industriels. Les IST ont été établies dans le but premier de mettre à profit les compétences du personnel de santé au travail des CSPE ainsi que celles des médecins du travail des hôpitaux. Au cours de la période 1983-1991, le gouvernement central et les administrations locales ont investi au total 33,8 millions de yuan renminbi dans la mise en place des IST. Au niveau des provinces et des préfectures, 138 instituts ont été établis et dotés déquipement de laboratoire ou de matériel clinique adéquats. On compte maintenant 204 institutions, dont 60 établies par le secteur industriel. De plus, 110 millions de yuan renminbi ont servi à équiper 1 789 CSPE à léchelle des districts (He, 1993). Les programmes de santé au travail des CSPE de districts ont été parmi les premiers éléments du projet à être dotés déquipements. Afin de renforcer la capacité des services de santé au travail sur les plans de la recherche, de la formation et de la coordination, on a créé un Centre national de prévention et de traitement des maladies professionnelles au sein de lInstitut de médecine du travail de lAcadémie chinoise de médecine préventive, ainsi que sept centres régionaux de santé au travail, situés à Beijing, Shanghai, Shenyang, Lanzhou, Chengdu, Changsa et Guangzhou. Lactuel réseau national de services de santé au travail est décrit à la figure 16.4.
A ce jour, 34 écoles ou départements de santé publique ont été établis dans les collèges ou facultés de médecine du pays. Ces écoles constituent le principal réservoir de professionnels de la santé au travail. Six centres nationaux de formation interne en santé au travail ont été créés en 1983. Leffectif total de professionnels de la santé au travail, comprenant des médecins, des hygiénistes industriels, des techniciens de laboratoire et dautres professionnels de la santé soccupant de santé au travail, sélevait à environ 30 000 personnes en 1992.
Afin dencourager la recherche sur les normes dhygiène et leur mise en uvre, le Comité technique national des normes dhygiène a été créé en 1981 en tant quorgane de consultation et dexamen technique du ministère de la Santé publique pour tout ce qui touche à létablissement de normes dhygiène. Actuellement, le Comité compte huit sous-comités, soccupant des domaines suivants: santé au travail, hygiène de lenvironnement, hygiène scolaire, hygiène alimentaire, radioprotection, diagnostic des maladies professionnelles, prévention des maladies transmissibles et des endémies (voir figure 16.5). Les membres du Comité sont des spécialistes issus des universités, des instituts de recherche, des organismes gouvernementaux et des syndicats. Les premières normes dhygiène pour la conception des installations industrielles ont été formulées durant les années cinquante, puis modifiées et approuvées de nouveau en 1979; elles contiennent aujourdhui une liste des limites dexposition professionnelle, en termes de concentrations maximales admissibles pour 120 agents toxiques et poussières, ainsi que dautres prescriptions concernant les mesures de maîtrise des risques dans le milieu de travail, laménagement des installations sanitaires dans les usines, etc. Il existe par ailleurs 50 normes dhygiène du travail promulguées par le ministère de la Santé publique concernant les agents physiques et chimiques dangereux présents dans les lieux de travail. En outre, 127 autres normes dhygiène du travail sont actuellement à lexamen. Des critères diagnostiques pour 50 maladies professionnelles ouvrant droit à réparation ont été élaborés par le ministère de la Santé publique.
Comme chacun le sait, la Chine a vécu sous une économie dirigée et a été régie par un gouvernement central unifié durant plus de quarante ans. Par conséquent, la plupart des prescriptions réglementaires établies à léchelle nationale en matière de sécurité et de santé au travail étaient énoncées dans des documents à «titre rouge» émanant du gouvernement central. Ces documents avaient pleinement force de loi et constituaient le cadre réglementaire fondamental du pays en matière de santé au travail. Il existe plus de vingt documents de ce genre promulgués par le Conseil dEtat ou ses ministères. La grande différence entre ces documents et la législation réside dans le fait que les premiers ne prévoient pas de sanctions, quils ne sont pas aussi contraignants que les lois et que leur mise en application laisse à désirer.
Depuis que la réforme économique a favorisé la mise en place dun système axé sur le marché, à la suite de ladoption de la politique douverture, la législation nationale a été grandement renforcée. La gestion de la santé au travail est également passée du mode administratif traditionnel à une approche réglementaire. Lun des documents législatifs les plus importants est le Règlement sur la prévention des pneumoconioses, édicté par le Conseil dEtat en 1987. La promulgation de la loi sur le travail par le Congrès national du peuple, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, constitue un autre jalon important dans lhistoire de la protection des droits des travailleurs. La sécurité et la santé des travailleurs est lun des principaux objectifs visés par cette loi. Afin dassurer lapplication de la loi sur le travail en ce qui concerne la lutte contre les maladies professionnelles, le ministère de la Santé publique a soumis au Bureau de la législation du Conseil dEtat un projet de loi sur la prévention des maladies professionnelles, où figurent la plupart des politiques fondamentales propres aux institutions du travail ainsi quune description des expériences réussies dans ce domaine, tant en Chine quà létranger. Le projet de loi doit être examiné de plus près avant dêtre soumis au Comité permanent du Congrès national du peuple.
La notion de «prévention dabord» a été privilégiée par le gouvernement et est devenue un important principe de base national en matière de santé publique. Dès 1954, au début du processus dindustrialisation, le gouvernement central a pris la décision détablir un système dinspection sanitaire dans le but dassurer le respect des politiques et règlements nationaux en matière dhygiène industrielle. Les centres de santé et de prévention des épidémies (CSPE) ont été autorisés à effectuer des inspections sanitaires au nom des autorités gouvernementales de santé publique. Les principales tâches de linspection sanitaire des entreprises sont les suivantes:
Les activités décrites ci-dessus font partie de linspection sanitaire régulière et, de ce fait, représentent les tâches à accomplir périodiquement. Dautres tâches importantes peuvent sajouter:
Linspection sanitaire, en particulier linspection sanitaire préventive en tant que principe fondamental des mesures dintervention en matière de santé publique, est prescrite dans un certain nombre de lois et règlements sur la santé publique. Depuis les années soixante-dix, en raison de lattention croissante portée à la lutte contre la pollution de lenvironnement, linspection préventive de santé au travail sest élargie pour devenir linspection de lensemble du processus. Le principe selon lequel les dispositifs de contrôle des risques doivent être conçus, construits et mis en service en même temps que la partie principale du projet, est lun des aspects importants du règlement sur la prévention et le traitement des pneumoconioses et de la loi sur la protection de lenvironnement.
Dans le cadre de la lutte contre les pneumoconioses et les cas de contamination grave par les poussières dans le milieu de travail, on a mis laccent sur la prévention globale, notion quon a illustrée à laide de huit caractères chinois, doù la désignation de stratégie des «huit caractères». La signification de ces caractères est traduite en français comme suit:
Les entreprises dont les lieux de travail présentent des dangers devraient surveiller périodiquement les concentrations de substances dangereuses ou lintensité des risques et prendre des mesures pour maîtriser les risques de façon à se conformer aux normes dhygiène industrielle nationales (par exemple, en ce qui concerne les concentrations maximales admissibles). Les entreprises qui ne sont pas en mesure deffectuer elles-mêmes la surveillance des risques dans le milieu de travail peuvent faire appel aux services des IST ou des CSPE locaux.
Afin de vérifier la qualité de la surveillance des lieux de travail effectuée par les entreprises, les IST ou les CSPE doivent procéder à des inspections régulières ou ponctuelles. Le Centre national de traitement et de prévention des maladies professionnelles est lorganisme national responsable du contrôle de la qualité de la surveillance des lieux de travail. Un certain nombre de règlements techniques concernant la surveillance de la qualité de lair dans le milieu de travail ont été adoptés par le ministère de la Santé publique ou publiés en tant que recommandations nationales par le Centre susmentionné par exemple, les Methods for Airborne Dust Measurement in the Workplace (Méthodes de mesure des poussières en suspension dans lair sur les lieux de travail (GB 5748-85) (Ministry of Public Health, 1985) et les Methods for Monitoring and Analysis of Chemical Hazards in Air of Workplace (Méthodes de surveillance et danalyse des substances chimiques dangereuses en suspension dans lair sur les lieux de travail (Institute of Occupational Medicine, 1987).
Pour mieux garantir la qualité de la surveillance du milieu de travail, on a soumis à lexamen et à lapprobation du ministère de la Santé publique une série de normes dassurance de la qualité concernant la mesure des substances dangereuses dans le milieu de travail. Selon ces normes, les compétences des établissements chargés de la surveillance des lieux de travail seraient évaluées et lobtention dun permis serait nécessaire. Ces établissements devront démontrer:
On procède actuellement à une étude pilote sur lévaluation des laboratoires, dans 200 laboratoires et établissements. Il sagit là de la première étape de lapplication de la norme dassurance de la qualité.
Les travailleurs exposés à des risques sur les lieux de travail devraient être soumis à des examens de santé. Cette règle sest tout dabord appliquée durant les années cinquante aux travailleurs exposés à la poussière, puis sest rapidement étendue aux travailleurs exposés à des substances chimiques toxiques et à des dangers physiques.
Les examens de santé comprennent les examens préalables à lemploi ou les examens daptitude au travail ainsi que les examens périodiques. Ces examens médicaux doivent être réalisés par les IST ou les établissements médicaux ou sanitaires compétents, détenteurs dun permis délivré par les autorités gouvernementales de la santé publique.
Les travailleurs nouvellement embauchés et les travailleurs qui viennent dêtre affectés à des tâches dangereuses doivent subir un examen préalable à lemploi. Lexamen vise à évaluer la santé du travailleur en relation avec les conditions de travail; il permet de sassurer que lemploi considéré ne nuira pas à sa santé et dexclure les personnes qui ne sont pas aptes à exécuter les tâches prévues. Les critères de santé servant à déterminer les contre-indications à légard de différentes conditions de travail potentiellement dangereuses sont décrits en détail dans les National Diagnostic Criteria and Principles of Management of Occupational Diseases (Critères diagnostiques et principes nationaux de prise en charge des maladies professionnelles (Health Standards Office, 1993) et dans Guideline of Occupational Health Service and Inspection (Directives concernant linspection et les services de santé au travail), promulguées par le ministère de la Santé publique (Ministry of Public Health, 1991).
Les travailleurs exposés à des risques doivent subir des examens médicaux dont la fréquence varie selon le type de risque. Le tableau 16.6 indique, par exemple, la fréquence dexamen des travailleurs exposés à la poussière. Les travailleurs souffrant dune pneumoconiose devraient subir un examen médical chaque année.
Nature de la poussière |
Fréquence des examens (années) |
|
|
Travailleurs actifs |
Travailleurs inactifs |
Teneur en silice libre (%) |
|
|
80 |
0,5-1 |
1 |
40 |
1-2 |
2 |
10 |
2-3 |
3 |
<10 |
3-5 |
5 |
Amiante |
0,5-1 |
1 |
Autres poussières |
3-5 |
5 |
Tous les dossiers médicaux devraient être gardés en lieu sûr, tant dans les entreprises que dans les IST locales, et être transmis annuellement aux autorités locales de la santé publique, qui les remettent au Centre national de traitement et de prévention des maladies professionnelles et au ministère de la Santé publique.
Un travailleur qui entre en fonctions dans une entreprise en provenance dune usine où il était exposé à un risque professionnel doit subir un examen de santé dans une IST locale, qui permettra de déterminer si sa santé a été affectée par cette exposition; le dossier médical du travailleur doit suivre ce dernier à la nouvelle entreprise (Ministry of Public Health, 1987).
Le tableau 16.7 fournit des statistiques sur les examens de santé des travailleurs au cours de la période 1988-1993. Au total, 64 millions de travailleurs ont été examinés par les services de santé au travail, ce qui englobe des entreprises collectives appartenant à lEtat et à des municipalités ainsi quune partie des entreprises rurales des nouvelles cités industrielles. Les travailleurs exposés à des risques professionnels représentent 30% de lensemble de la main-duvre. Près de 4 millions de travailleurs exposés, soit environ 20% de la population active, ont subi un examen médical chaque année. Ainsi, en 1993, selon le rapport du Centre national de statistiques de la santé au travail, on comptait au total, dans lindustrie, 64 345 193 travailleurs (National Centre of Occupational Health Reporting, 1994) (il manque toutefois les données pour Neimeng, le Tibet et Taiwan). La proportion de travailleurs exposés à des risques professionnels était de 31,28% (20 126 929), dont 19,79% (3 982 940) avaient été examinés. Le taux total de maladies professionnelles ouvrant droit à réparation qui avaient été décelées sétablissait à 0,46% en 1993 (Ministry of Public Health, 1994).
Année |
Nombre de travailleurs (milliers) |
Proportion de travailleurs exposés (%) |
Taux d’examen des travailleurs exposés (%) |
Taux des maladies professionnelles détectées (%) |
1988 |
62 680 |
29,36 |
18,60 |
0,90 |
1989 |
62 791 |
29,92 |
20,67 |
0,57 |
1990 |
65 414 |
29,55 |
20,47 |
0,50 |
1991 |
66 039 |
30,30 |
21,03 |
0,57 |
1992 |
64 222 |
30,63 |
20,96 |
0,40 |
1993 |
64 345 |
31,28 |
17,97 |
0,46 |
De manière générale, toute maladie causée par une exposition à des facteurs dangereux sur le lieu de travail ou par un procédé de fabrication est considérée comme une maladie professionnelle. Cependant, aux fins de la réparation, une liste de maladies professionnelles a été établie par le ministère de la Santé publique, le ministère du Travail, le ministère des Finances et la FSC (Ministry of Public Health, 1987). Cette liste comporte neuf catégories, dont les pneumoconioses, les intoxications professionnelles aiguës et chroniques, les maladies causées par des facteurs physiques, les maladies professionnelles transmissibles, les dermatoses professionnelles, les lésions oculaires professionnelles, les maladies professionnelles de loreille, du nez et de la gorge, les tumeurs professionnelles et les autres maladies professionnelles. La liste renferme au total 99 maladies. Toute autre maladie quune administration locale ou un organisme gouvernemental voudrait voir ajouter à la liste doit être soumise à lapprobation du ministère de la Santé publique.
Selon la règle administrative relative au diagnostic des maladies professionnelles édictée par le ministère de la Santé publique, à léchelle des provinces et des préfectures, les maladies professionnelles ouvrant droit à réparation doivent être diagnostiquées par une IST ou un établissement médical ou sanitaire agréé par les autorités locales de la santé publique. Afin de contrôler la qualité des diagnostics et de fournir une aide technique pour la confirmation des cas complexes et le règlement des différends au sujet des diagnostics, on a mis sur pied des comités dexperts en matière de diagnostic des maladies professionnelles à léchelle nationale, provinciale, préfectorale et municipale (voir figure 16.6) (Ministry of Public Health, 1984).
Le Comité national du diagnostic des maladies professionnelles est constitué de cinq sous-comités soccupant respectivement des intoxications professionnelles, des pneumoconioses, des maladies professionnelles causées par des facteurs physiques, des maladies radio-induites et de la pathologie des pneumoconioses. Le Comité a son siège au Département de linspection sanitaire du ministère de la Santé publique. Le bureau administratif du Comité se trouve, quant à lui, à lInstitut de médecine du travail de lAcadémie chinoise de médecine préventive. Tous les membres du comité sont nommés par le ministère de la Santé publique.
Les critères diagnostiques des maladies professionnelles sont établis par le ministère de la Santé publique. Il existe actuellement de tels critères pour 66 maladies professionnelles. En ce qui concerne les autres maladies professionnelles ouvrant droit à réparation pour lesquelles il ny a pas de critères diagnostiques nationaux, les services provinciaux de santé publique peuvent formuler des critères temporaires applicables dans leur province après les avoir soumis au ministère de la Santé publique.
Selon ces critères, le diagnostic dune maladie professionnelle doit être fondé sur lune ou lautre des preuves suivantes: les antécédents dexposition, les signes et symptômes cliniques, les résultats de laboratoire et les résultats de la surveillance du milieu de travail, et lexclusion raisonnable des autres maladies. Une fois le diagnostic posé, un certificat de maladie professionnelle doit être délivré par lIST. Un exemplaire du certificat est adressé au travailleur, un autre à lentreprise, pour quelle prenne les mesures dindemnisation requises, et un autre encore à lIST, qui le conservera pour le suivi du traitement médical et lévaluation de laptitude au travail.
Selon le règlement sur lassurance des travailleurs, lindemnisation et les autres mesures de protection des patients souffrant dune maladie professionnelle doivent être à la charge des entreprises. La direction, le syndicat et le comité dévaluation de laptitude au travail de lentreprise doivent discuter et décider ensemble du traitement à donner et des indemnités à verser aux patients en se basant sur le certificat de maladie professionnelle et sur le degré dincapacité de travail. Dans le cas dun travailleur qui nest plus apte à accomplir ses tâches initiales après avoir suivi un traitement médical approprié, il incombe à lentreprise de le muter à un autre poste ou de lui confier de nouvelles tâches correspondant à son état de santé dans un délai de deux mois ou, pour les cas particuliers, dans un délai de six mois au plus tard. Lorsquun travailleur atteint dune maladie professionnelle change dentreprise, les prestations de réparation sont à la charge de lentreprise dans laquelle il a contracté la maladie professionnelle, ou à la charge des deux entreprises, qui doivent sentendre entre elles sur les modalités de répartition. Tous les dossiers médicaux, le certificat de maladie professionnelle et tout autre renseignement concernant les soins dispensés au travailleur doivent être transférés de lancienne à la nouvelle entreprise; les deux entreprises doivent en outre aviser leur IST locale du transfert du dossier pour assurer la tenue des registres et le suivi.
Si le diagnostic de maladie professionnelle est posé après le départ du travailleur pour une autre entreprise, toutes les indemnités ou prestations doivent être payées par la nouvelle entreprise, que la maladie soit ou non liée aux nouvelles conditions de travail. Dans le cas dun travailleur embauché de manière contractuelle ou temporaire, si la maladie professionnelle est diagnostiquée durant une période de chômage et sil peut être démontré que le travailleur a été exposé à des conditions de travail dangereuses durant sa période demploi, lindemnisation et les soins médicaux sont à la charge de lentreprise qui lavait embauché (Ministry of Public Health, 1987).
La concentration ou lintensité des risques professionnels a diminué considérablement. Les statistiques tirées de la surveillance des lieux de travail fournies par le Centre national de statistiques de la santé au travail montrent que la proportion de lieux de travail conformes aux normes nationales a augmenté de 15% de 1986 à 1993 (National Centre of Occupational Health Reporting, 1994). Cette augmentation est encore plus marquée pour les entreprises industrielles appartenant à lEtat et aux collectivités urbaines, où 70% des lieux de travail satisfont aux normes nationales. La situation des entreprises industrielles en milieu rural saméliore également. Le taux de conformité aux normes est passé de 42,5% en 1986 à 54,8% en 1993 (voir tableau 16.8). Il importe de noter que les taux de conformité dans les entreprises des nouvelles cités industrielles pourraient avoir été surestimés, car le rapport dont les données sont tirées ne couvre quenviron 15% des industries rurales chaque année, et la plupart dentre elles sont situées à proximité de centres urbains, qui sont dotés de services de santé bien établis.
Année1 |
Entreprises d’Etat |
Entreprises rurales |
||
|
Nombre de lieux surveillés |
Proportion de lieux conformes aux normes (%) |
Nombre de lieux surveillés |
Proportion de lieux conformes aux normes (%) |
1986 |
417 395 |
51,40 |
53 798 |
42,50 |
1987 |
458 898 |
57,20 |
50 348 |
42,60 |
1988 |
566 465 |
55,40 |
68 739 |
38,50 |
1989 |
614 428 |
63,10 |
74 989 |
53,50 |
1990 |
606 519 |
66,40 |
75 398 |
50,30 |
1991 |
668 373 |
68,45 |
68 344 |
54,00 |
1992 |
646 452 |
69,50 |
89 462 |
54,90 |
1993 |
611 049 |
67,50 |
104 035 |
54,80 |
1 Données manquantes: 1988, Yunnan, Xinjiang; 1989: Tibet, Taiwan; 1990: Tibet, Taiwan; 1991: Tibet, Taiwan; 1992: Tibet, Taiwan; 1993: Neimeng, Tibet, Taiwan.
Les données du rapport national sur la santé au travail indiquent que la prévalence des maladies professionnelles ouvrant droit à réparation sest maintenue entre 0,4 et 0,6%, bien que les industries se soient développées très rapidement ces dernières années. La silicose, par exemple, est maîtrisée depuis bien longtemps dans certaines grandes entreprises industrielles ou minières dEtat. Les tableaux 16.9 et 16.10 montrent dans quelle mesure la mine de tungstène de Yiao Gang Xian et lentreprise sidérurgique dAnshan ont réussi à maîtriser la silicose (Zhu, 1990).
Année |
Concentration de poussière (mg/m3) |
Taux de silicoses détectées (%) |
1956 |
66 |
25,8 |
1960 |
3,5 |
18,6 |
1965 |
2,7 |
2,6 |
1970 |
5,1 |
0,3 |
1975 |
1,6 |
1,2 |
1980 |
0,7 |
2,1 |
1983 |
1,1 |
1,6 |
Années |
Nombre d’examens |
Nombre de cas |
Taux (%) |
Taux de conformité aux normes concernant les poussières (%) |
1950-1959 |
6 980 |
1 269 |
18,21 |
23,60 |
1960-1969 |
48 929 |
1 454 |
2,97 |
29,70 |
1970-1979 |
79 422 |
863 |
1,08 |
28,70 |
1980-1989 |
33 786 |
420 |
1,24 |
64,10 |
Létude épidémiologique nationale sur les pneumoconioses effectuée de 1987 à 1990 révèle également que la période de travail moyenne des patients entre le début de leur exposition à la silice et lapparition des signes de pneumoconiose sest considérablement allongée, passant de 9,54 années durant les années cinquante, à 26,25 années au cours des années quatre-vingt dans le cas des travailleurs souffrant de silicose, et de 16,24 années à 24,72 années durant la même période pour ceux qui étaient atteints de la pneumoconiose des travailleurs des charbonnages. Lâge moyen des travailleurs souffrant de silicose au moment de leur décès est par ailleurs passé de 36,64 à 60,64 ans, et celui des personnes atteintes de la pneumoconiose du houilleur, de 44,80 à 61,43 ans (Ministry of Public Health, 1992). Ces améliorations sont en partie attribuables à lefficacité des politiques de santé au travail et des interventions des autorités gouvernementales ainsi quaux efforts assidus déployés par les professionnels de la santé au travail.
Confronté au développement rapide et continu des petites entreprises, et notamment des entreprises des nouvelles cités industrielles, ainsi quà lécart croissant entre loffre et la demande en matière de services de santé au travail, le ministère de la Santé publique a décidé deffectuer une étude générale sur le terrain. Cette étude est importante non seulement parce quelle contribuera à résoudre les problèmes de santé au travail dans les entreprises rurales, mais également parce quelle permettra dexaminer de nouvelles approches en vue de réformer le système de santé au travail dans les entreprises dEtat, en réponse aux nouvelles exigences de léconomie de marché en train de simplanter. Par conséquent, le Département de linspection sanitaire du ministère de la Santé publique a créé, en décembre 1992, un groupe dexperts chargé de létude sur le terrain des politiques concernant les services de santé au travail pour les petites entreprises. Le groupe a été formé afin daider les provinces à élaborer des programmes et des approches en matière de santé au travail permettant dintervenir efficacement dans les situations dangereuses. Comme première tâche, le groupe a rédigé, à lintention des gouvernements provinciaux, un programme national détudes sur le terrain, qui a été approuvé et rendu public par le ministère de la Santé publique en 1992. La stratégie du programme est essentiellement la suivante.
Lentreprise, le prestataire des services de santé au travail et le gouvernement local sont les trois éléments clés du programme, qui vise à réaménager les rapports entre ces trois composantes de façon à créer un nouveau modèle de développement. Les objectifs fondamentaux du programme sont de renforcer le contrôle réglementaire du gouvernement, de modifier les attitudes à légard de la santé ainsi que les comportements des fonctions productives et opérationnelles des entreprises et délargir la couverture des services minimaux de santé au travail tout en améliorant les conditions de travail à laide doutils technologiques adéquats (voir figure 16.7). Quatre districts ont été choisis par le ministère de la Santé publique pour servir de secteurs dessai avant la mise en uvre du programme à léchelle nationale: le district de Zhangdian dans la municipalité de Zibo, province de Shandong; le district de Baoshan dans la municipalité de Shanghai; le district de Jinhua dans la province de Zhejiang; et le district de Yuhong dans la municipalité de Shenyang, province de Liaoning.
Le programme met laccent sur sept champs dintervention:
Des résultats préliminaires ont été obtenus dans ces quatre secteurs dessai et les principes fondamentaux du programme sont en cours dapplication dans dautres régions de la Chine; on attend une évaluation finale en 1996.
Lauteur remercie le professeur F.S. He de sa contribution à la révision du présent article.
Le développement prédominant de lindustrie lourde (industrie du fer et de lacier, fonderies et raffineries) et des industries du travail des métaux et des machines, de même que laccent mis sur la production dénergie en Europe orientale et centrale ont exercé une influence déterminante sur la structure économique de la région au cours des quatre dernières décennies. Cette situation est à lorigine des taux dexposition relativement élevés à certains types de risques sur les lieux de travail. Les efforts déployés en vue de transformer léconomie existante suivant le modèle de léconomie de marché et daméliorer la sécurité et la santé au travail se sont révélés très fructueux jusquici, compte tenu du fait quils sont relativement récents.
Encore récemment, la prévention des effets nocifs sur la santé des produits chimiques présents dans les lieux de travail et lenvironnement, leau potable et les aliments était assurée par lapplication obligatoire de normes dhygiène et de santé et limposition de limites dexposition professionnelle, telles que les concentrations maximales admissibles, les valeurs limites dexposition et les doses journalières acceptables. Les principes de lévaluation de la toxicité et de lexposition recommandés par diverses organisations internationales, y compris les normes appliquées dans les pays de lUnion européenne, sharmoniseront de plus en plus avec ceux qui sont utilisés par les pays dEurope centrale et orientale, à mesure que ces derniers sintégreront progressivement aux autres pays dEurope.
Dans les années quatre-vingt, on a de plus en plus reconnu la nécessité dharmoniser les méthodes et les approches scientifiques utilisées dans les pays de lOCDE dans le domaine des normes de toxicologie et dhygiène avec celles utilisées dans les pays membres du Conseil dassistance économique mutuelle (CAEM). Ce besoin découlait en grande partie de laccroissement de la production et du commerce, notamment de produits chimiques industriels et agricoles. Il apparaissait urgent daborder ces questions en raison du problème transfrontalier grandissant de la pollution de lair et des cours deau en Europe (Bencko et Ungváry, 1994).
Le modèle économique de lEurope centrale et orientale était fondé sur une politique de planification économique centralisée, axée sur le développement des industries métallurgiques de base et de la production dénergie. En 1994, exception faite de changements mineurs, les structures économiques de la Fédération de Russie, de lUkraine, du Bélarus, de la Pologne et des Républiques tchèque et slovaque étaient restées fondamentalement inchangées (Pokrovsky, 1993).
Lexploitation du charbon est une industrie importante en République tchèque. Or, lextraction de lanthracite (dans la partie septentrionale de la Moravie) est à lorigine de 67% de tous les nouveaux cas de pneumoconioses du pays. Le lignite est extrait de mines à ciel ouvert situées dans le nord de la Bohême, dans le sud de la Silésie et dans les régions voisines de lAllemagne. Les centrales thermiques, les usines de produits chimiques et les mines de lignite ont fortement contribué à la pollution de lenvironnement de toute cette région, qui forme ce quon appelle le «triangle noir» de lEurope. Lutilisation immodérée des pesticides et des engrais dans lagriculture y était courante (Banque mondiale, 1991b).
La population active de la République tchèque compte près de cinq millions de travailleurs. Environ 405 500 travailleurs (soit 8,1% de la population active) accomplissent des travaux dangereux (Ministry of Health of the Czech Republic, 1992). La figure 16.8 présente des données sur le nombre de travailleurs exposés à différents risques professionnels ainsi que la proportion de femmes parmi ces travailleurs.
Le système de santé au travail de la République tchèque a franchi trois étapes dans son développement et a subi linfluence des changements politiques et économiques survenus dans le pays (Pelclová, Weinstein et Vejlupková, 1994).
Première étape: 1932-1948. Cette période a été marquée par la création du premier Département de médecine du travail par le professeur J. Teisinger à lUniversité Charles, la plus ancienne université dEurope centrale (fondée en 1348). Plus tard, en 1953, ce département est devenu la clinique de médecine du travail, comptant 27 lits. Le professeur Teisinger a également créé lInstitut de recherche en santé au travail et, en 1962, le Centre dinformation sur les poisons dans cette clinique. Il a reçu plusieurs prix internationaux, notamment celui de lAssociation américaine des hygiénistes industriels (AIHA), en 1972, pour sa contribution personnelle au développement de la santé au travail.
Deuxième étape: 1949-1988. Cette période sest avérée plutôt chaotique. Caractérisée, sous certains aspects, par des lacunes notables, elle a aussi été marquée, sous dautres aspects, par des réalisations nettement bénéfiques. On a reconnu que le système en place, en grande partie fiable et bien développé, devait néanmoins être réorganisé. On a déclaré que les soins de santé constituaient un droit civique fondamental garanti par la Constitution. Voici les six principes de base du système de santé (Banque mondiale, 1991a):
Malgré certains progrès, aucun de ces objectifs na été pleinement atteint. Lespérance de vie (67 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes) dans la République tchèque est la plus faible parmi les pays industriels. Le pays présente un taux élevé de mortalité dû aux maladies cardio-vasculaires et au cancer. Environ 26% des Tchèques adultes sont obèses, et 44% dentre eux ont un taux de cholestérol supérieur à 250 mg/dl. Le régime alimentaire habituel contient beaucoup de graisses animales et peu de fruits et de légumes. La consommation dalcool est relativement élevée, et près de 45% des adultes fument; le tabagisme est responsable denviron 23 000 décès par an.
Les soins médicaux et dentaires, de même que les médicaments, étaient fournis gratuitement. Le nombre de médecins (36,6 pour 10 000 habitants) et dinfirmières (68,2 pour 10 000 habitants) figurait parmi les plus élevés au monde. Toutefois, au fil du temps, le gouvernement na plus pu assumer les dépenses croissantes nécessaires à la santé publique. Le pays a connu des pénuries temporaires de certains médicaments et matériels, et a eu de la difficulté à fournir des services de santé et de réadaptation. La structure en place, qui ne permettait pas au patient de choisir son médecin traitant, a engendré de nombreux problèmes. Le personnel médical travaillant dans les hôpitaux publics recevait un salaire fixe insuffisant, ce qui ne lincitait guère à faire preuve de zèle. Il nexistait pas de système de santé privé. Dans les hôpitaux, le principal critère dévaluation du fonctionnement était le pourcentage de lits occupés, et non la qualité des soins donnés.
Le système public centralisé de santé au travail présentait néanmoins des éléments positifs, dont la tenue dun registre presque exhaustif des lieux de travail dangereux et lexistence dun système bien organisé de surveillance des conditions sanitaires géré par le Service dhygiène. Les services internes de santé au travail implantés dans les grandes entreprises industrielles facilitaient la prestation de soins de santé complets aux travailleurs, englobant les examens médicaux périodiques et les traitements. Il ny avait pas de petites entreprises privées, lesquelles posent habituellement de nombreux problèmes en matière de santé au travail.
Il en était de même dans le secteur de lagriculture, qui ne comptait pas de petites exploitations privées, mais de grandes coopératives agricoles. Un médecin du travail exerçant dans le dispensaire dune usine ou dune coopérative agricole fournissait les services de santé au travail.
Lapplication de la législation relative à la sécurité et à la santé au travail était parfois incohérente. Quand, par exemple, après avoir effectué une inspection dun lieu de travail dangereux, un hygiéniste industriel ou un inspecteur du travail demandait une réduction du niveau dexposition professionnelle et le respect des normes de santé et de sécurité applicables, on se contentait souvent doffrir une indemnité financière aux travailleurs au lieu de redresser la situation. Non seulement les entreprises ne prenaient souvent aucune mesure pour améliorer les conditions de travail, mais les travailleurs eux-mêmes ne faisaient rien pour que la situation change, préférant continuer de recevoir des primes à la place daméliorations du milieu de travail. De plus, un travailleur qui contractait une maladie professionnelle recevait une forte prime qui était fonction de la gravité de la maladie et du montant de son salaire antérieur. Une telle situation créait des conflits dintérêts entre les hygiénistes industriels, les médecins du travail, les syndicats et les entreprises. Comme une bonne partie des indemnités était payée par lEtat et non par lentreprise, celle-ci trouvait évidemment plus économique de ne rien faire pour améliorer la sécurité et la santé au travail.
Si étrange que cela puisse paraître, certaines normes dhygiène, notamment les seuils admissibles et les limites dexposition professionnelle, étaient plus strictes quaux Etats-Unis et que dans les pays dEurope occidentale. Par conséquent, il était parfois impossible de ne pas dépasser ces seuils lorsque les machines et léquipement étaient vétustes. Les lieux de travail qui excédaient les limites étaient classés dans la «catégorie 4», celle des lieux les plus dangereux; cependant, pour des motifs économiques, on ninterrompait pas la production et on offrait à la place des prestations dindemnisation aux travailleurs.
Troisième étape: 1989 à aujourdhui. La «révolution de velours» de 1989 a transformé de façon inéluctable le système de santé public. La réorganisation a été plutôt complexe et parfois difficile à mener à bien: ainsi, par exemple, le système compte plus de lits dhôpital et de médecins par 10 000 habitants que tout autre pays industriel, alors quil dispose de beaucoup moins de ressources financières.
Le risque professionnel le plus fréquent en République tchèque est le bruit environ 65,8% de lensemble des travailleurs à risque sont exposés à ce danger (voir figure 16.8). Vient au deuxième rang la poussière fibrogène, qui constitue un risque professionnel pour environ 21,3% des travailleurs à risque. Environ 14,3% des travailleurs sont exposés à des produits chimiques toxiques. Plus dun millier dentre eux sont en contact avec le toluène, loxyde de carbone, le plomb, lessence, le benzène, le xylène, les composés organophosphorés, le cadmium, le mercure, le manganèse, le trichloroéthylène, le styrène, le tétrachloroéthylène, laniline et le nitrobenzène. Un autre risque physique, les vibrations du système main-bras, touche 10,5% des travailleurs à risque. Dautres sont exposés à des produits chimiques cancérogènes, aux rayonnements ionisants et à des substances nocives causant des lésions cutanées.
La figure 16.9 fait état du nombre de cas de maladies professionnelles reconnues en République tchèque durant la période 1981-1992. Laugmentation de la morbidité due aux maladies professionnelles, observée en 1990 et 1991, résulte de la reclassification des maladies professionnelles, à la requête des mineurs et dautres travailleurs et de leurs syndicats. Ils ont demandé quon remplace la qualification «mise en danger par une maladie professionnelle», utilisée pour les cas moins flagrants daffections professionnelles, faiblement indemnisés, par celle de maladie ouvrant pleinement droit à réparation. En 1990, le ministère de la Santé a reconsidéré la qualification «mise en danger» pour les pathologies professionnelles suivantes:
La reclassification a porté sur tous les cas recensés avant 1990, et sur 6 272 cas en 1990 et 3 222 cas en 1991 (voir figure 16.9), après quoi la qualification «mise en danger» a été abolie. La figure 16.10 présente par catégorie les données relatives à 3 406 nouveaux cas de maladies professionnelles diagnostiquées en République tchèque en 1992; notons que 1 022 de ces maladies avaient été contractées par des femmes (Urban, Hamsová et Nemecek, 1993).
Le manque dappareils de mesure nécessaires à léchantillonnage et à lanalyse des substances toxiques rend difficile lévaluation des conditions dhygiène sur le milieu de travail. Par ailleurs, pour la surveillance de la santé des travailleurs qui accomplissent des tâches dangereuses, on a recours à des évaluations de lexposition au moyen de marqueurs biologiques pour diverses substances nocives, conformément à la réglementation du pays. Des tests similaires ont déjà été prescrits par la loi en Hongrie, en Slovaquie, en Slovénie, en Croatie, en Pologne et dans certains autres pays dEurope centrale et orientale. Lutilisation des tests dévaluation de lexposition dans le cadre des examens médicaux périodiques sest avérée très efficace pour la surveillance de lexposition du personnel. Cette pratique a permis de détecter très tôt certaines maladies professionnelles et de les prévenir, faisant ainsi diminuer les coûts liés à lindemnisation des travailleurs.
Le passage à une économie de marché et laugmentation du coût des services de santé dans la République tchèque ont eu une incidence sur les services de santé au travail. Dans le passé, le service ou le centre interne de santé au travail assumait deux fonctions: la surveillance de la santé des travailleurs et la prestation de soins. Aujourdhui, ces fonctions font lobjet de certaines restrictions, ce qui sest traduit par une diminution des mesures de surveillance de la santé et de maîtrise des risques et une augmentation du nombre de maladies professionnelles et daccidents du travail. En outre, les travailleurs des petites entreprises, secteur en croissance rapide qui utilise souvent des machines et des équipements en mauvais état, sont pratiquement exclus du champ dintervention des professionnels de la santé au travail.
Le nouveau système de santé publique de la République tchèque devrait être fondé sur les principes suivants:
La mise en place du régime dassurance santé obligatoire et la création du bureau général dassurance santé, qui est entré en fonctions en janvier 1993, de même que la fondation de petites compagnies dassurance santé dans la République tchèque ont marqué le début de la réforme du secteur public de la santé. Ces changements ont entraîné certains problèmes pour les services de santé au travail, étant donné le caractère préventif de ces services et le coût élevé des traitements dispensés en milieu hospitalier. Par conséquent, limportance du rôle des services de consultations externes dans le traitement des maladies, aussi bien professionnelles que non professionnelles, augmente constamment.
La poursuite des réformes dans le secteur public de la santé a conduit les médecins du travail, les hygiénistes industriels et les établissements offrant des soins aux patients hospitalisés à changer leurs pratiques et à mettre laccent sur la prévention. Lattention nouvelle portée à la prévention et au traitement des formes de maladies plus bénignes sexplique en partie par les résultats positifs obtenus antérieurement et par le fonctionnement relativement efficace de lancien système de santé au travail, qui avait grandement contribué à éliminer les maladies professionnelles les plus graves. Les réformes ont entraîné un changement dorientation: au lieu de mettre laccent sur les atteintes graves nécessitant un traitement urgent (par exemple, les intoxications industrielles et les pneumoconioses accompagnées dinsuffisance respiratoire et dinsuffisance cardiaque droite), on sattache aux formes bénignes de pathologies. Le déplacement des activités des services de santé au travail, du curatif au diagnostic précoce, concerne des affections telles que les formes bénignes de pneumoconioses, la maladie du poumon du fermier, les hépatites chroniques et les troubles musculo-squelettiques chroniques dus à une charge excessive et aux vibrations. Des mesures préventives devraient par ailleurs être prises dès lapparition des premiers signes dune maladie professionnelle.
Comme le régime dassurance santé ne couvre pas les activités des hygiénistes industriels, ces professionnels travaillant dans les centres dhygiène sont toujours payés par le gouvernement. On sattend dailleurs à une réduction de leur nombre de même quà une réorganisation des centres dhygiène.
La privatisation de certains services de santé représente un autre changement dans le système de santé. Déjà, de petits centres médicaux de consultations externes relèvent du secteur privé. Les hôpitaux, y compris les hôpitaux universitaires, nont pas encore été inclus dans le processus, les modalités de leur privatisation restant à préciser. Une nouvelle législation portant sur les responsabilités des entreprises, des travailleurs et des services de santé au travail est en cours délaboration.
Grâce au système davant-garde de santé au travail mis sur pied par le professeur Teisinger en 1932, la République tchèque nest pas confrontée à un sérieux problème de sensibilisation des étudiants universitaires à la santé au travail, même si certains pays dEurope centrale et orientale ont un taux de maladies professionnelles reconnues environ cinq fois moins élevé. La liste tchèque des maladies professionnelles ne diffère guère de celle qui figure en annexe à la convention (no 121) sur les prestations en cas daccidents du travail et de maladies professionnelles de lOIT, 1964 [tableau I modifié en 1980] (OIT, 1964). La proportion de maladies professionnelles non reconnues est faible.
Le système de santé au travail de la République tchèque est maintenant à la croisée des chemins et devra, de toute évidence, faire lobjet dune réorganisation. Mais il faudra, au cours du processus, préserver les aspects positifs de lancien système, à savoir:
Le corps médical de lInde sintéresse à la santé des travailleurs depuis près dun demi-siècle. LAssociation indienne de santé au travail a été fondée au cours des années quarante dans la ville de Jamshedpur, où se trouve laciérie la plus ancienne et la plus connue du pays. Cependant, la pratique multidisciplinaire de la santé au travail a pris son véritable essor durant les années soixante-dix et quatre-vingt, lorsque lOIT a envoyé en Inde une équipe qui a aidé à mettre en place un centre modèle de santé au travail. Lindustrie et les entreprises ont fourni de tout temps des soins de santé par lentremise de postes de premiers secours ou de services médicaux dentreprise. Ces services permettaient de traiter, sur les lieux de travail, les lésions et les problèmes de santé mineurs. Certaines entreprises ont mis en place des services de santé au travail, et il est à espérer que dautres suivront leur exemple. Toutefois, les hôpitaux universitaires ont jusquà maintenant négligé ce champ de spécialisation.
La pratique de la sécurité et de la santé au travail a débuté avec la déclaration et la prévention des lésions et des accidents du travail. Certains pensent, non sans raison, que les lésions et les accidents du travail sont loin dêtre tous signalés. Les taux dincidence les plus élevés en 1990-91 ont été recensés dans les secteurs de la production délectricité (0,47 pour 1 000 travailleurs), des métaux communs (0,45), des produits chimiques (0,32) et des produits minéraux non métalliques (0,27); les taux sont relativement plus bas dans lindustrie du bois et de la pâte de bois (0,08) et celle des machines et équipements (0,09). Lindustrie textile, qui emploie plus de travailleurs (1,2 million en 1991), avait un taux dincidence de 0,11 pour 1 000 travailleurs. En ce qui concerne les accidents mortels, les taux dincidence en 1989 sélevaient à 0,32 pour 1 000 travailleurs dans les mines de charbon et à 0,23 dans les autres mines. En 1992, 20 accidents mortels et 753 accidents non mortels sont survenus dans les ports.
On ne possède pas de données sur les risques professionnels ni sur le nombre de travailleurs exposés à des risques particuliers. Les statistiques publiées par le Bureau du travail ne fournissent pas cette information. Il nexiste pas encore de système de surveillance de la santé au travail. Le nombre de cas de maladies professionnelles déclarés est tout à fait insuffisant: 19 seulement ont été déclarés en 1978, et 84 en 1982. Aucune tendance visible ne se dégage des cas signalés. Lintoxication au benzène et à lhalogène, les silicoses et les pneumoconioses, les byssinoses, les ulcérations causées par le chrome, lempoisonnement au plomb, lhypoacousie et lictère toxique sont les affections les plus fréquemment signalées.
LInde na pas de législation générale portant sur la sécurité et la santé au travail. Les trois principales lois à cet égard sont: la loi de 1948 sur les fabriques, la loi de 1952 sur les mines et la loi de 1986 sur la sécurité, la santé et le bien-être des dockers. Un projet de loi sur la sécurité des travailleurs de la construction est en cours délaboration. La loi sur les fabriques, initialement adoptée en 1881, ne vise, aujourdhui encore, que les travailleurs des usines enregistrées. Par conséquent, un grand nombre douvriers et demployés ne sont pas admis au bénéfice des prestations de sécurité et de santé au travail en vertu de la loi. Ce vide juridique, combiné à la piètre application des lois existantes, explique la situation peu satisfaisante de la santé au travail dans le pays.
La plupart des services de santé au travail dans lindustrie sont gérés par des médecins ou du personnel infirmier et peu dentre eux sont de nature multidisciplinaire. Seules les grandes entreprises disposent de tels services multidisciplinaires. Les entreprises industrielles et les grands établissements du secteur public situés dans des régions éloignées possèdent leur propre cité-usine et hôpital. Les deux disciplines exercées couramment dans la plupart des services de santé au travail sont la médecine du travail et, à loccasion, lhygiène industrielle. Certains services ont commencé à embaucher un ergonome. La surveillance de lexposition et la biosurveillance ne reçoivent pas lattention voulue. Lenseignement de la médecine du travail et de lhygiène industrielle nest pas encore bien développé. Les cours spécialisés en hygiène industrielle et les programmes détudes universitaires supérieures en santé au travail ne sont guère répandus dans le pays.
Lorsque Delhi est devenue un Etat en 1993, le ministère de la Santé a eu à sa tête un professionnel de la santé, qui a déclaré vouloir améliorer les services de santé publique et de prévention des maladies. Un comité chargé détudier la question de la santé au travail et de lhygiène de lenvironnement a recommandé la création dune clinique de médecine du travail et de lenvironnement dans un prestigieux hôpital universitaire de la ville.
Pour sattaquer aux problèmes sanitaires complexes qui résultent de la pollution de lenvironnement et des risques professionnels, la communauté médicale doit sengager plus à fond. Lhôpital universitaire reçoit des centaines de patients par jour, dont un bon nombre ont été exposés à des substances nocives dans leur milieu de travail et à un environnement urbain insalubre. La détection des affections liées au travail ou à lenvironnement nécessite la contribution de nombreux cliniciens spécialistes, de services dimagerie, de laboratoires, etc. Etant donné la gravité des maladies traitées, il est devenu essentiel doffrir des traitements de soutien et des soins médicaux. La clinique bénéficie des ressources de pointe de lhôpital universitaire; vu lautorité et le respect que commande ce type détablissement de santé, il est plus facile, après le diagnostic de la maladie, de veiller au traitement ou à la réadaptation du patient, de même quà lapplication des mesures nécessaires à la protection des autres travailleurs.
La clinique possède une expertise dans le domaine de la médecine du travail. Elle entend collaborer avec le département du travail, qui est doté dun laboratoire dhygiène industrielle mis sur pied avec laide généreuse de lOIT dans le but de renforcer les services de sécurité et de santé au travail en Inde. Cette coopération facilitera la détection et lévaluation des risques. Les médecins seront conseillés sur la façon dévaluer létat de santé des groupes exposés, au moment de lembauche et, par la suite, à intervalles réguliers, ainsi que sur la tenue de registres. La clinique aidera à prendre en charge les cas complexes et à établir lorigine professionnelle de la maladie. Elle offrira aux entreprises et aux travailleurs des conseils dexperts en matière déducation sanitaire et leur enseignera les bonnes pratiques dutilisation et de manipulation des substances dangereuses sur le lieu de travail. Ces services devraient faciliter la réalisation des objectifs de prévention primaire et renforceront la surveillance de la santé au travail, comme le prévoit la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, de lOIT (OIT, 1985a).
Le développement de la clinique se fera en deux étapes. Dans un premier temps, on mettra laccent sur la détection des risques et la création dune base de données, ainsi que sur lélaboration de stratégies de sensibilisation et dinformation concernant les milieux de travail insalubres. La deuxième étape portera sur le renforcement de la surveillance de lexposition, lévaluation toxicologique médicale et les aspects ergonomiques. La clinique entend développer les programmes denseignement de la santé au travail à lintention des étudiants en médecine. On encourage les étudiants qui préparent leur thèse à choisir un sujet touchant le domaine de la médecine du travail et de lhygiène du milieu. Lune de ces thèses porte sur les infections acquises transmissibles par le sang chez les travailleurs de la santé des hôpitaux.
La clinique prévoit également de sattaquer à des problèmes environnementaux, tels que les effets néfastes du bruit et de la pollution croissante, et les conséquences désastreuses de lexposition au plomb chez les enfants. Les plans à long terme de la clinique prévoient la sensibilisation des prestataires de soins de santé primaires et des groupes communautaires. On vise également à créer un registre des maladies professionnelles les plus courantes. La participation de plusieurs cliniciens spécialisés en médecine du travail et en hygiène du milieu permettra de créer un noyau universitaire pour lavenir, lorsquun programme détudes universitaires supérieures, pour le moment inexistant, pourra être élaboré.
La clinique a par ailleurs réussi à attirer lattention des organismes de réglementation et de contrôle sur les graves risques auxquels ont été exposés les sapeurs-pompiers lorsquils ont combattu un gros incendie dans une usine de poly(chlorure de vinyle) de la ville. Les médias et les environnementalistes ne parlaient alors que des risques pour la population locale. Il est à espérer que des cliniques de ce genre verront le jour dans tous les grands hôpitaux urbains, car elles constituent le seul moyen dintéresser les médecins spécialistes confirmés à lexercice de la médecine du travail et de lenvironnement.
Il est urgent dadopter en Inde une loi générale sur la santé et la sécurité au travail, comme il en existe dans bon nombre de pays industriels. Parallèlement à ladoption dune telle loi, il faudrait créer un organisme compétent pour en contrôler lapplication. Cela contribuerait énormément à assurer un niveau uniforme de prestations de santé au travail dans tous les Etats. Actuellement, il nexiste aucun lien entre les divers services de santé au travail disponibles. Offrir une formation de qualité en hygiène industrielle, en toxicologie médicale et en épidémiologie du travail constitue une autre priorité. Il faut aussi mettre sur pied de bons laboratoires danalyse, qui devraient être agréés pour garantir la qualité des résultats. LInde est un pays qui sindustrialise très rapidement, et ce développement se poursuivra dans le prochain siècle. Si lon nintervient pas, les problèmes de santé liés au travail entraîneront des taux de morbidité et dabsentéisme dont les conséquences seront incalculables. Cette inaction minera la productivité et la compétitivité de lindustrie indienne et entravera considérablement les efforts déployés par le pays pour éliminer la pauvreté.