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Chapitre 15 - La protection et la promotion de la santé

LA PROTECTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ SUR LES LIEUX DE TRAVAIL: VUE D’ENSEMBLE

Leon J. Warshaw et Jacqueline Messite

On a souvent dit que le personnel constituait l’élément fondamental de l’appareil de production de toute entreprise. Même dans les usines fortement automatisées ne comptant qu’un petit nombre de salariés, tout ce qui nuit à leur santé physique et morale se traduit tôt ou tard par une chute du rendement, voire par une catastrophe.

Divers textes législatifs et réglementaires ont rendu les employeurs responsables du maintien de la sécurité du milieu et des pratiques de travail, ainsi que du traitement, de la rééducation et de l’indemnisation des travailleurs victimes de lésions et d’affections d’origine professionnelle. Les employeurs ont toutefois commencé à reconnaître, depuis quelques dizaines d’années, que l’incapacité et l’absentéisme coûtent cher, même si leur origine est extraprofessionnelle. C’est pourquoi ils ont élaboré des programmes de promotion et de protection de la santé de plus en plus complets s’adressant non seulement aux membres de leur personnel, mais également à leur famille. En inaugurant en 1987 une réunion d’un comité d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) consacrée à la promotion de la santé sur les lieux de travail, le docteur Lu Rushan, Directeur général adjoint de l’OMS, réaffirmait que cette organisation considérait la promotion de la santé des travailleurs comme une composante essentielle des services assurant la protection de la santé des travailleurs (OMS, 1988).

Pourquoi se préoccuper des lieux de travail?

Parmi les raisons qui incitent les employeurs à organiser des programmes de promotion de la santé, on distingue le souci d’éviter les chutes de rendement imputables à des affections et à des incapacités qui auraient pu être évitées (avec l’absentéisme concomitant), d’améliorer le bien-être et le moral du personnel, et de maîtriser les coûts de l’assurance maladie à la charge de l’employeur en diminuant le montant des prestations de santé requises. Ce sont des considérations similaires qui ont poussé les syndicats à parrainer de tels programmes, en particulier lorsque leurs membres sont disséminés dans de nombreuses entreprises trop petites pour mettre sur pied par elles-mêmes des programmes efficaces.

Le lieu de travail présente des avantages uniques pour la protection et la promotion de la santé: c’est là en effet que les travailleurs se rassemblent et passent la majeure partie de leur temps de veille, c’est là que l’on peut les atteindre le plus facilement. Outre cette proximité physique, la camaraderie qui règne entre eux et la similitude de leurs intérêts et préoccupations facilitent une émulation propre à motiver puissamment leur participation durable aux activités de promotion de la santé. La relative stabilité des effectifs — la plupart des travailleurs restent longtemps dans la même entreprise — favorise le maintien à long terme de comportements sains, ce qui est nécessaire pour profiter de leurs bienfaits.

Voici les possibilités uniques qu’offre le lieu de travail pour promouvoir la santé et le bien-être des travailleurs:

La promotion de la santé est-elle efficace?

On ne doute pas plus de l’efficacité de la vaccination dans la prévention des maladies infectieuses que de l’utilité de bons programmes de sécurité et de santé au travail pour réduire la fréquence et la gravité des accidents et des maladies d’origine professionnelle. De l’avis général, la détection précoce et le traitement approprié d’une maladie à ses premiers stades font baisser la mortalité et réduisent la fréquence et la gravité de l’invalidité résiduelle de nombreuses pathologies. Il est de plus en plus évident que l’élimination ou la maîtrise des facteurs de risque permettront d’empêcher, ou à tout le moins de retarder sensiblement, l’apparition de maladies aux conséquences éventuellement fatales, telles que l’infarctus, les coronaropathies et le cancer. Il ne fait pas de doute qu’une bonne hygiène de vie et la capacité de faire face avec succès aux différents problèmes psychosociaux sont de nature à entraîner une amélioration de la santé morale et de la capacité fonctionnelle favorisant la réalisation de l’objectif du bien-être, défini par l’OMS comme étant un état se situant au-delà de la simple absence de maladie. Pourtant, d’aucuns, dont des médecins, demeurent sceptiques, du moins si l’on en juge par leur attitude.

L’intérêt des programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail suscite peut-être encore plus de scepticisme. Cela découle en grande partie de l’absence d’études conçues et effectuées de manière adéquate, de facteurs de confusion tels que l’incidence déclinante de la mortalité par cardiopathies et par infarctus et, surtout, des délais nécessaires pour que la plupart des mesures de prévention produisent leurs effets. Toutefois, dans le rapport sur le Projet Santé (Health Project), Fries et coll. (1993) font une synthèse des travaux de plus en plus nombreux confirmant l’efficacité des programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail pour la réduction des dépenses de santé. Dans sa revue initiale de plus de deux cents programmes de ce type, ledit projet, qui réunit sur une base volontaire des personnalités du monde des affaires, des assureurs du secteur de l’assurance maladie, des chercheurs et des membres d’organismes gouvernementaux préconisant la promotion de la santé en vue de réduire la demande et le besoin de services de santé, en a trouvé huit qui ont de toute évidence obtenu des résultats convaincants en matière de maîtrise des dépenses de santé.

Pelletier (1991) a regroupé vingt-quatre études de programmes complets mis en œuvre sur les lieux de travail, publiées dans des journaux scientifiques entre 1980 et 1990 (les rapports portant sur des programmes à objectif unique, tels que ceux qui sont consacrés à la détection de l’hypertension et à la lutte contre le tabagisme, même s’ils ont été couronnés de succès, n’ont pas été inclus dans cette analyse). Il a défini le «programme complet» comme celui qui «assure un programme intégré et permanent de promotion de la santé et de prévention des maladies, fusionnant l’ensemble des composantes spécifiques (abandon du tabagisme, gestion du stress, réduction des risques de coronaropathie, etc.) en un programme permanent et cohérent qui soit en ligne avec les objectifs de l’entreprise et qui englobe l’évaluation». Les vingt-quatre programmes résumés dans cette analyse ont tous permis une amélioration des pratiques de santé suivies par le personnel, une réduction de l’absentéisme et des incapacités, ou des accroissements du rendement, tandis que chacune des études analysant l’impact sur les coûts liés aux soins médicaux et à l’incapacité, la rentabilité économique ou les variations du rapport coûts-avantages a mis en évidence des effets positifs.

Deux ans plus tard, Pelletier a passé en revue vingt-quatre autres études publiées entre 1991 et début 1993: vingt-trois d’entre elles faisaient état de résultats positifs en matière de santé et, à nouveau, toutes les études qui analysaient les effets sur la rentabilité économique ou le rapport coûts-avantages en soulignaient le caractère positif (Pelletier, 1993). Il a noté que les facteurs communs à tous les programmes couronnés de succès étaient les suivants: définition de buts et objectifs spécifiques pour chaque programme; accès facile au programme et aux installations; mesures d’incitation à la participation; respect et confidentialité; soutien de la direction; culture d’entreprise encourageant les efforts de promotion de la santé (Pelletier, 1991).

Certes, il serait souhaitable d’avoir des preuves confirmant l’efficacité et l’intérêt des programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail, mais le fait est que l’on en a rarement exigé avant de lancer un programme. La plupart des programmes reposent sur la conviction que la prévention est efficace. Dans certains cas, la mise en œuvre des programmes a été stimulée par l’intérêt manifesté par le personnel et, parfois, par le décès subit d’un cadre supérieur ou d’un salarié titulaire d’un poste clé, suite à un cancer ou à une maladie cardiaque, avec l’espoir qu’un programme de prévention «empêcherait la foudre de frapper deux fois au même endroit».

La structure d’un programme complet

Dans maintes entreprises, et en particulier dans les plus petites, le programme de prévention des maladies et de promotion de la santé consiste simplement en une ou plusieurs activités ponctuelles liées au mieux les unes aux autres de façon assez lâche, avec peu ou pas de continuité et qui, bien souvent, sont inspirées par un événement particulier et abandonnées sitôt que ledit événement est sorti des mémoires. Un programme véritablement complet doit avoir une structure cohérente comprenant un certain nombre d’éléments intégrés, et notamment:

Les objectifs et la conception générale du programme

Le programme vise essentiellement à maintenir et à améliorer la santé physique et morale des salariés à tous les niveaux, à éviter les maladies et l’incapacité, ainsi qu’à alléger le fardeau pesant sur les personnes et sur l’entreprise lorsque maladies et incapacité ne peuvent être évitées.

Le programme de sécurité et de santé au travail est axé sur les facteurs qui, sur le poste et le lieu de travail, peuvent influer sur la santé du personnel. Le programme de bien-être reconnaît que les préoccupations en matière de santé ne peuvent se limiter à l’usine ou au bureau, que les problèmes qui se posent sur le lieu de travail affectent inévitablement la santé et le bien-être des salariés (et, par voie de conséquence, de leur famille également), chez eux et dans la collectivité, et que, tout aussi inévitablement, les problèmes qui surgissent en dehors du travail influent sur l’absentéisme et les résultats professionnels (le terme bien-être peut être considéré comme l’équivalent de l’expression promotion et protection de la santé, et son emploi s’est répandu depuis une vingtaine d’années; il résume la définition positive de la santé selon l’OMS). En effet, il est bon que le programme de promotion de la santé traite de problèmes qui, au dire de certains, ne doivent pas entrer dans les préoccupations de l’entreprise.

La nécessité d’assurer le bien-être présente d’autant plus d’acuité qu’il est reconnu que les travailleurs présentant une capacité diminuée, même acquise, peuvent se révéler potentiellement dangereux pour leurs collègues et aussi, à certains postes, pour le public.

D’aucuns soutiennent que, comme la santé est fondamentalement une question de responsabilité personnelle de l’individu, l’intervention active des employeurs ou des syndicats (ou des deux) dans ce domaine est inopportune et peut même constituer une intrusion dans la vie privée. Ils n’ont pas tort dans la mesure où l’approche adoptée a un caractère trop paternaliste et coercitif. Toutefois, des ajustements favorables à la santé apportés au poste et au lieu de travail, associés à un accès facilité à des activités elles aussi favorables à la santé, sensibilisent les salariés à ces problèmes et leur donnent les connaissances et les instruments qui leur permettent de mieux assumer leur responsabilité personnelle.

Les composantes du programme

L’évaluation des besoins

Un directeur de programme dynamique tirera parti d’un événement particulier pour susciter un intérêt envers une activité spéciale (par exemple, une personne très en vue dans l’entreprise tombe inopinément malade; l’annonce de cas de maladies infectieuses laissant craindre des risques de contagion; les signes avant-coureurs d’une épidémie potentielle), mais un programme com- plet reposera sur une évaluation plus factuelle des besoins. Celle-ci peut tout simplement consister à comparer les caractéristiques démographiques de la main-d’œuvre aux données de morbidité et de mortalité publiées par les autorités chargées de la santé publique pour des cohortes démographiques identiques dans la région, ou à envisager l’ensemble des analyses de données sur la santé relatives à l’entreprise, par exemple les demandes de remboursement au titre de l’assurance maladie et les motifs signalés d’absentéisme et de départ pour cause d’incapacité. La détermination de l’état de santé du personnel par la compilation des résultats des opérations de dépistage, des examens médicaux périodiques et des programmes d’évaluation des risques peut être complétée par des enquêtes sur les intérêts et préoccupations des salariés en matière de santé, afin de préciser les objectifs essentiels du programme. (Il ne faut pas oublier que les problèmes de santé touchant certaines cohortes du personnel qui méritent attention risquent d’être occultés si l’on se fie uniquement aux données concernant la totalité du personnel.) De telles évaluations des besoins sont utiles non seulement pour préciser certaines activités du programme et leur conférer la priorité, mais aussi pour les faire accepter des salariés les plus susceptibles de les trouver bénéfiques. Elles fournissent également un étalon pour mesurer l’efficacité du programme.

Les éléments du programme

Tout programme complet de promotion de la santé et de prévention des maladies comporte un certain nombre d’éléments, dont:

La promotion du programme

Une diffusion permanente de documents promotionnels, tels que prospectus, notes internes, affiches, brochures, articles dans les journaux d’entreprise, etc., servira à appeler l’attention sur la possibilité et l’opportunité d’une participation au programme. On pourra mettre en lumière les succès obtenus par certains salariés qui ont atteint les objectifs, ainsi que les récompenses qui leur auront été décernées, cela naturellement avec leur permission.

L’évaluation de l’état de santé

Chaque fois que possible, l’état de santé de tout salarié doit être évalué dès le moment où il participe au programme, afin d’avoir une base pour la définition des objectifs individuels à atteindre et des activités spécifiques indiquées, puis, périodiquement, afin d’évaluer les progrès réalisés et l’évolution de son état de santé. L’évaluation des risques pour la santé peut être mise à profit avec ou sans bilan médical aussi approfondi que possible selon les circonstances et complété par des examens de laboratoire et des diagnostics. Des programmes de dépistage peuvent servir à identifier les personnes pour lesquelles des activités spécifiques sont indiquées.

Les activités

Il existe une longue liste d’activités qui peuvent être organisées dans le cadre du programme. Certaines sont permanentes, d’autres périodiques. Certaines visent l’individu ou des catégories de salariés, d’autres s’adressent à la totalité du personnel. La prévention des maladies et de l’incapacité constitue le lien commun à toutes ces activités. Elles peuvent être réparties en diverses catégories qui d’ailleurs se chevauchent:

D’une manière générale, à mesure que les programmes se développent et que l’on prend conscience de leur efficacité, les activités croissent en nombre et en diversité. Toutefois, certaines ont vu leur importance atténuée, soit que les moyens qui leur étaient consacrés aient été réduits en raison de pressions financières, soit que les ressources aient été réaffectées à des domaines nouveaux ou plus populaires.

Les moyens

Les moyens employés dans les activités de promotion de la santé sont déterminés par la taille et l’emplacement de l’entreprise, le degré de centralisation du personnel sur le plan géographique et les horaires de travail; les ressources disponibles, qu’il s’agisse de budget, de technologie ou de compétences; les caractéristiques du personnel (niveau d’instruction et niveau social); l’ingéniosité du directeur du programme. On distingue:

La mise en œuvre du programme

Dans de nombreuses entreprises, et en particulier les plus petites, les activités de promotion de la santé sont menées au coup par coup, un peu au hasard, et souvent pour répondre à des situations critiques réelles ou menaçant le personnel ou la collectivité. Toutefois, dans les grandes entreprises, elles sont souvent regroupées après un certain temps dans un cadre plus ou moins cohérent, que l’on appelle «programme», et confiées à la responsabilité d’une personne désignée comme directeur ou coordonnateur du programme.

Le choix des activités du programme peut être dicté par les résultats d’enquêtes sur les intérêts du personnel, par des événements ponctuels, par le calendrier ou par l’adéquation des moyens disponibles. Nombreux sont les programmes qui organisent leurs activités de manière à tirer parti de la publicité faite par les organismes de santé bénévoles lors de leurs campagnes annuelles de collecte de fonds, par exemple, le Mois du cœur (Hearth Month), ou la Semaine nationale de la forme et du sport (National Fitness and Sports Week) (tous les ans au mois de septembre aux Etats-Unis, le Centre national d’information sur la santé de l’Office de la prévention des maladies et de la protection de la santé (National Health Information Center in the Office of Disease Prevention and Health Protection) publie National Health Observances, liste des mois, semaines et jours consacrés à un aspect particulier de la santé; on peut désormais se procurer cette liste par courrier électronique).

On s’accorde en général à penser qu’il est prudent de réaliser le programme de manière progressive, en y ajoutant activités et thèmes à mesure qu’il gagne en crédibilité et en popularité auprès du personnel, et de varier les sujets sur lesquels on insistera particulièrement, afin que l’initiative ne perde pas de son intérêt. La grande société financière de New York, J. P. Morgan and Co., Inc., a introduit un sous-programme «cyclique et novateur» dans son programme de promotion de la santé qui met l’accent successivement sur des thèmes choisis pour une période de quatre ans (Schneider, Stewart et Haughey, 1989). La première année (l’Année du cœur) est consacrée à la prévention des maladies cardio-vasculaires; la deuxième (l’Année du corps) est consacrée à la détection précoce et à la prévention du sida et du cancer; la troisième (l’Année de l’esprit) traite des aspects psychologiques et sociaux; la quatrième (l’Année de la bonne santé) s’attache à des sujets aussi importants que la vaccination des adultes, l’arthrite et l’ostéoporose, la prévention des accidents, le diabète et la santé pendant la grossesse. Le cycle terminé, on recommence. Cette approche, ainsi que l’affirment Schneider et ses coauteurs, permet de renforcer les moyens fournis tant par l’entreprise que par la collectivité, encourage les salariés à participer en diversifiant les centres d’intérêt et offre la possibilité de revoir et de compléter le programme en fonction des progrès médicaux et scientifiques.

L’évaluation du programme

Il est toujours souhaitable d’évaluer le programme à la fois pour justifier l’allocation de ressources et pour déterminer les améliorations nécessaires et soutenir les recommandations préconisant son extension. L’évaluation peut aller d’un simple tableau de la participation (y compris les abandons) associé à l’expression de la satisfaction du personnel (sollicitée et non sollicitée), à des enquêtes plus systématiques. Les données obtenues par tous ces moyens démontreront le degré d’application et la popularité du programme dans son ensemble et de ses différents éléments; elles sont en général disponibles dès la fin de la période d’évaluation.

Toutefois, les données reflétant les résultats du programme sont encore plus intéressantes. Dans un article montrant comment perfectionner l’évaluation des programmes de promotion de la santé, Anderson et O’Donnell (1994) proposent une classification des domaines dans lesquels lesdits programmes peuvent produire des résultats significatifs (voir figure 15.1).

Figure 15.1 Les différents résultats de la promotion de la santé

Figure 15.1

Néanmoins, l’évaluation des résultats nécessite un effort planifié avant même le début du programme et doit porter sur une période suffisante pour être véritablement utile. Par exemple, on peut compter le nombre de personnes qui ont été vaccinées contre la grippe et, ensuite, effectuer un suivi de la population totale pendant un an afin de démontrer que les personnes vaccinées ont moins souffert d’infections respiratoires de type grippal que celles qui ont refusé la vaccination. L’étude peut être élargie de manière à corréler les taux d’absentéisme des deux groupes et à comparer les coûts du programme avec les économies directes et indirectes réalisées par l’entreprise.

Par ailleurs, il est aisé de démontrer que tel ou tel individu a amélioré son profil de risque vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires, par exemple. En revanche, il faudra sans doute plusieurs dizaines d’années pour mettre en évidence une réduction de la morbidité et de la mortalité par coronaropathie dans une cohorte de travailleurs. Même alors, la taille de la cohorte en question peut ne pas être suffisante pour rendre les données significatives.

Les articles cités précédemment démontrent qu’il est possible de réaliser de bonnes évaluations et que de telles enquêtes sont de plus en plus fréquentes et publiées. Leur intérêt ne fait pas de doute. Néanmoins, ainsi que l’indiquent Freis et ses coauteurs (1993), «il existe déjà des modèles de programmes qui améliorent le niveau de santé et réduisent les coûts. Ce ne sont pas les connaissances qui manquent, c’est la mise en œuvre de tels programmes sur des sites de plus en plus nombreux qui fait défaut».

Observations et mises en garde

Les entreprises qui envisagent le lancement d’un programme de promotion de la santé doivent être attentives à certains points d’éthique sensibles dont il faut tenir compte, ainsi qu’à un certain nombre de traquenards à éviter, dont quelques-uns ont déjà été évoqués. On peut les regrouper sous les titres suivants:

L’élitisme contre l’égalitarisme

Un certain nombre de programmes présentent un caractère élitiste: quelques-unes de leurs activités sont en effet limitées à des personnes ayant atteint un rang donné. Ainsi, une salle de remise en forme dans une entreprise peut n’être accessible qu’aux seuls cadres sous prétexte qu’ils sont plus importants pour l’entreprise, que leurs horaires de travail sont plus longs, et qu’il leur est difficile de se libérer pour se rendre dans un club de mise en forme extérieur. Or, pour certains, cela peut ressembler à un «passe-droit», à l’instar de la clé de toilettes privées, de l’admission au restaurant gratuit des cadres et du droit à une place de parking préférentielle. De tels privilèges peuvent susciter un certain ressentiment chez le travailleur de base qui trouvera trop cher de fréquenter une salle de sport publique et à qui l’on ne permettra pas de prendre du temps sur sa journée de travail pour faire de l’exercice.

On constate une forme d’élitisme plus subtile dans certaines salles de gymnastique d’entreprise dont le quota de membres est entièrement constitué de «fanatiques de l’exercice» qui auraient probablement trouvé le moyen d’en faire de toute façon. Or, ceux qui effectuent un travail sédentaire et pourraient tirer un bien plus grand parti d’un exercice physique régulier sous contrôle se voient refuser l’entrée. Et même lorsqu’ils parviennent enfin à participer au programme de mise en forme, ils sont bien souvent découragés de poursuivre, embarrassés qu’ils sont par leurs piètres performances comparées à celles de collègues de rang inférieur. Cela est tout particulièrement vrai du cadre qui se trouve blessé dans sa fierté de mâle lorsqu’il découvre qu’il ne peut atteindre le niveau de performance de sa propre secrétaire.

Certaines entreprises sont plus égalitaristes. Leurs salles de sport sont ouvertes à tous sur la base du «premier arrivé, premier servi», le titre de membre permanent n’étant accessible qu’à ceux qui les fréquentent assidûment. D’autres encore adoptent le moyen terme en réservant certaines cartes de membre aux salariés qui sont en rééducation à la suite d’une maladie ou d’un accident, ou aux membres plus âgés du personnel qui ont peut-être davantage besoin d’être encouragés à participer que leurs collègues plus jeunes.

La discrimination

Dans certains domaines, les lois et règlements antidiscriminatoires peuvent exposer l’entreprise à des plaintes, voire à des litiges, si l’on peut démontrer que le programme de promotion de la santé a entraîné une discrimination vis-à-vis de certaines personnes sur la base de l’âge, du sexe ou de l’appartenance à des minorités ou à des groupes ethniques. Il est peu probable que cela se produise, à moins que la culture d’entreprise ne présente une orientation plus insidieuse, mais une discrimination dans le cadre du programme de promotion de la santé peut effectivement être à l’origine de plaintes.

Même si des accusations formelles de cet ordre ne sont pas proférées, le ressentiment et l’insatisfaction, qui peuvent prendre des proportions d’autant plus importantes qu’ils se communiquent de bouche à oreille parmi le personnel, ne favorisent ni les bonnes relations sociales, ni le moral des salariés en général.

Il peut arriver aussi que l’on exagère les préoccupations engendrées par des allégations de discrimination selon le sexe. Par exemple, et même si cela est déconseillé comme mesure de routine chez les hommes ne présentant pas de symptômes (Preventive Services Task Force, 1989), certaines entreprises proposent un dépistage du cancer de la prostate à titre de compensation pour les frottis vaginaux et les mammographies pratiqués sur le personnel féminin.

Les plaintes pour discrimination viennent de personnes qui se sont vu refuser certaines primes pour cause de problèmes de santé congénitaux ou de maladies acquises qui les empêchent de participer aux activités de promotion de la santé ou d’atteindre le niveau idéal en matière de santé individuelle. En même temps, on peut voir un problème d’équité lorsqu’on récompense certaines personnes parce qu’elles corrigent un problème de santé potentiel (par exemple, en arrêtant de fumer ou en perdant un excès de poids), tout en refusant ces mêmes récompenses à celles qui ne souffrent pas de tels problèmes.

Le rejet de la faute sur la victime

Du concept judicieux qui veut que l’état de santé soit une affaire de responsabilité personnelle découle la notion selon laquelle les individus sont fautifs s’ils ont des problèmes de santé et qu’ils doivent être reconnus coupables de n’y avoir pas remédié par eux-mêmes. Ce type de raisonnement ne tient pas compte du fait que la recherche génétique démontre de plus en plus souvent que certains problèmes sont héréditaires et que, par conséquent, même s’ils peuvent parfois être corrigés, ils ne peuvent être pleinement réglés par les personnes affectées.

On peut citer en exemples de ce «rejet de la faute sur la victime», a) l’attitude trop fréquente selon laquelle l’infection par le virus du sida n’est qu’une juste punition des «aberrations» sexuelles ou de l’injection de drogue par voie intraveineuse, ses victimes ne méritant par conséquent ni compassion ni soins; b) l’imposition de barrières financières et bureaucratiques rendant difficile aux jeunes femmes célibataires de bénéficier de soins prénatals adéquats quand elles deviennent enceintes.

Plus important encore, le fait d’insister dans le cadre professionnel sur la responsabilité de chacun vis-à-vis de ses problèmes de santé tend à atténuer la responsabilité de l’employeur quant aux facteurs liés à l’organisation et au milieu de travail qui peuvent présenter un danger pour la santé et le bien-être du personnel. L’exemple le plus classique est peut-être celui de l’entreprise qui propose des cours de gestion du stress afin d’enseigner à ses salariés à mieux y faire face, mais qui ne se préoccupe nullement de ce qui, sur le lieu de travail, engendre un stress inutile.

Il faut impérativement reconnaître que les dangers présents sur le lieu de travail peuvent non seulement affecter les travailleurs et, par extension, leur famille, mais aussi précipiter et aggraver les problèmes de santé personnels d’origine autre que professionnelle. Tout en retenant le concept de la responsabilité individuelle en matière de santé, il faut l’équilibrer par le fait que les facteurs liés au milieu de travail, dont l’employeur est responsable, peuvent également influer sur la santé. Cette considération met en lumière toute l’importance de la communication et de la coordination entre le programme de promotion de la santé et les programmes de sécurité et de santé de l’employeur et les autres programmes axés sur la santé, notamment lorsqu’ils ne se situent pas dans la même case de l’organigramme.

La persuasion plutôt que la coercition

L’un des principes cardinaux des programmes de promotion de la santé sur le lieu de travail est le caractère volontaire de la participation. Les salariés doivent être convaincus de l’opportunité des interventions suggérées, il faut leur y donner accès et les persuader d’y participer. Toutefois, la marge est souvent étroite entre la persuasion enthousiaste et la contrainte, entre le paternalisme bien intentionné et la coercition. Dans de nombreux cas, la coercition peut être plus ou moins subtile: ainsi, certains professionnels de la promotion de la santé ont tendance à se montrer trop autoritaires; les salariés peuvent craindre de se sentir gênés, de souffrir d’ostracisme, voire d’être pénalisés s’ils rejettent les conseils qui leur sont donnés; les choix offerts à un travailleur quant aux activités de promotion de la santé recommandées sont parfois trop limités; enfin, certains cadres peuvent se montrer désagréables envers leurs subalternes s’ils ne se joignent pas à eux dans leur activité favorite, comme la course à pied de très bon matin.

Si de nombreuses entreprises offrent des récompenses pour un comportement sain, par exemple des témoignages de satisfaction, des prix et une assurance maladie «indexée sur le risque» (assortie, aux Etats Unis, d’une réduction sur la part des primes à la charge du salarié), un petit nombre d’autres imposent des sanctions à ceux qui ne se conforment pas à leurs normes arbitraires en la matière. Ces sanctions peuvent aller du refus d’emploi ou du frein à l’avancement, au licenciement ou au non-octroi d’avantages auxquels l’employé aurait normalement droit. Un exemple d’entreprise américaine appliquant des sanctions est la firme E.A. Miller, conserverie de viande sise à Hyrum, (Utah), ville de 4 000 habitants située à quelque 60 km au nord de Salt Lake City (Mandelker, 1994). E.A. Miller est le plus gros employeur de cette petite agglomération et couvre les frais d’assurance maladie de ses 900 salariés et de leurs 2 300 conjoints, enfants et autres personnes à charge. Ses activités de promotion de la santé sont classiques à maints égards, mais il y a des sanctions en cas de non-participation:

Une forme de coercition très en vogue est celle de la «menace sur l’emploi» pour les salariés chez qui l’abus d’alcool ou de drogues a entraîné des absences ou influé négativement sur leurs résultats professionnels. Dans ce cas, l’employé est confronté au problème et on le prévient que les mesures disciplinaires seront suspendues s’il observe le traitement prescrit et continue à faire preuve d’abstinence. Une possibilité de rechute est prévue (dans certaines entreprises, elle est limitée à un nombre précis de cas), et tout manquement à observer le traitement est synonyme de licenciement. L’expérience a amplement démontré que la menace de la perte d’emploi, considérée par certains comme le plus puissant facteur de stress rencontré dans le cadre du travail, constitue une motivation efficace pour un grand nombre de personnes souffrant de tels problèmes, qui acceptent alors de prendre part à un programme de mesures correctives.

La confidentialité des informations et le respect de la vie privée

Une autre condition nécessaire au succès d’un programme de promotion de la santé est que les informations personnelles concernant les employés participants — et les non-participants également — restent confidentielles et, en particulier, ne figurent pas dans les dossiers individuels. Afin de préserver le caractère privé de ces informations lorsqu’on en a besoin pour dresser des tableaux et procéder à des évaluations, certaines entreprises ont constitué des bases de données dans lesquelles chaque employé est identifié par un numéro de code ou d’une autre manière. Une telle méthode convient tout particulièrement aux opérations de dépistage de masse et aux examens de laboratoire, où il peut arriver que des erreurs administratives soient commises.

Qui participe?

Certains critiquent les programmes de promotion de la santé du fait que ceux qui y participent sont généralement plus jeunes, plus sains et plus soucieux de leur santé que ceux qui n’y participent pas (ce qui revient à porter de l’eau à la rivière). Cette réalité pose à ceux qui conçoivent et mettent en œuvre les programmes le défi d’intéresser les personnes qui ont le plus à gagner à une participation.

Qui paie?

Les programmes de promotion de la santé entraînent des frais pour l’entreprise. On peut les exprimer en termes de dépenses nécessaires à l’acquisition de services et de matériels, de temps pris sur les heures de travail, d’absence des participants et de la gestion et de l’administration. Ainsi que nous l’avons noté précédemment, il est de plus en plus manifeste que ces débours sont plus que compensés par la réduction des frais de personnel et par l’amélioration du rendement. Il y a également d’autres avantages moins tangibles, tels que l’amélioration de l’image de l’entreprise sur le plan des relations publiques et de sa réputation en tant qu’endroit où il est agréable de travailler, ce qui facilite ses efforts de recrutement.

La plupart du temps, l’entreprise prend à sa charge la totalité des coûts liés au programme. Parfois, en particulier lorsqu’une activité se déroule à l’extérieur dans des installations de la collectivité, il est demandé aux participants de payer une partie des frais. En revanche, certaines entreprises remboursent à l’employé tout ou partie de sa contribution s’il termine son programme ou stage avec succès.

Nombreuses sont les polices d’assurance maladie collectives qui couvrent les prestations préventives dispensées par les professionnels de la santé, notamment les vaccinations, les examens médicaux, les tests et les procédures de dépistage. Cette couverture par l’assurance pose toutefois certains problèmes: elle peut en accroître le coût, et la part non remboursable des honoraires et paiements conjoints déductibles exigée en général peut constituer un réel obstacle pour les travailleurs à bas salaires. En dernière analyse, il peut se révéler moins coûteux pour les employeurs de financer directement les services de prévention en évitant ainsi les frais administratifs de traitement des demandes d’assurance et de remboursement.

Les conflits d’intérêts

Si la plupart des professionnels de la santé font preuve d’une intégrité exemplaire, il faut impérativement exercer une grande vigilance afin d’identifier ceux pour qui ce n’est pas le cas, et agir en conséquence. On citera l’exemple de ceux qui falsifient les dossiers pour mettre leurs efforts en valeur et ceux qui sont en relation avec un prestataire extérieur de services qui leur donne des dessous-de-table pour les personnes qui lui sont adressées. Il convient aussi de surveiller l’action des fournisseurs extérieurs de prestations afin d’identifier ceux qui soumissionnent volontairement trop bas pour emporter le marché et qui, par la suite, pour économiser de l’argent, font appel à un personnel insuffisamment qualifié pour assurer leurs services.

Il existe un conflit d’intérêts encore plus subtil lorsque des membres du personnel d’encadrement et des fournisseurs détournent les besoins et les intérêts des salariés au profit des buts de l’entreprise ou des projets de ses dirigeants. Ce type d’action répréhensible peut être occulte. Cela consisterait, par exemple, à orienter des salariés souffrant de troubles vers un programme de gestion du stress sans trop faire d’efforts pour persuader l’entreprise de réduire les niveaux de stress anormalement élevés sur le lieu de travail. Les professionnels expérimentés n’auront aucun mal à servir convenablement les intérêts du personnel aussi bien que ceux de l’entreprise, mais ils doivent être prêts à faire face à des situations dans lesquelles les valeurs éthiques sont plus consciencieusement respectées chaque fois que l’encadrement exerce des pressions abusives.

On assiste à un autre conflit subtil risquant d’affecter les salariés lorsqu’une relation de compétition, plutôt que de coordination et de collaboration, se développe entre le programme de promotion de la santé et d’autres activités sur le même thème dans l’entreprise. Un tel état de choses n’est pas si rare lorsque ces programmes dépendent de secteurs différents de l’organigramme et sont placés sous l’autorité de hiérarchies différentes. Comme nous l’avons relevé, il est essentiel que, même s’il fait partie de la même entité, le programme de promotion de la santé ne fonctionne pas aux dépens du programme de sécurité et de santé des travailleurs.

Le stress

Le stress est probablement la menace pour la santé la plus insidieuse que l’on rencontre tant au travail qu’en dehors de celui-ci. A l’occasion d’une étude générale patronnée par la St. Paul Fire and Marine Insurance Company et portant sur près de 28 000 salariés de 215 entreprises américaines de diverses branches d’activité, Kohler et Kamp (1992) ont constaté que le stress professionnel était étroitement lié aux problèmes de santé et de résultats de l’employé. Ils ont également découvert que, parmi les problèmes de la vie privée, ce sont ceux qui sont engendrés par le travail qui ont le plus de poids, et qu’ils prennent plus d’importance que les problèmes purement personnels comme ceux d’ordre familial, juridique ou financier. Il en résulte, estiment-ils, que «certains travailleurs se trouvent pris dans un cercle vicieux de problèmes professionnels et familiaux — les problèmes du travail engendrent des problèmes à la maison, qui à leur tour sont ramenés au travail, et ainsi de suite». En conséquence, si l’attention doit être principalement consacrée à une maîtrise des facteurs de risque psychosociaux inhérents au travail, il faut compléter cette démarche par des activités de promotion de la santé destinées à lutter contre les facteurs de stress personnels les plus susceptibles d’affecter les résultats professionnels.

L’accès aux soins

Sujet digne d’attention en soi, une formation permettant de se retrouver dans le système d’accès aux soins devrait être dispensée dans le cadre du programme; on tiendra compte également des besoins futurs en matière de prestations de santé. Cela commencera par ce qu’il faut faire soi-même — savoir comment agir lors de l’apparition de signes et de symptômes, se rendre compte de la nécessité de recourir à des services professionnels — pour finir par le choix d’un spécialiste qualifié ou d’un hôpital. Il faut également apprendre aux salariés à distinguer les bons soins des mauvais et les sensibiliser aux droits des patients.

Pour faire économiser du temps et de l’argent aux salariés, certains services médicaux d’entreprise offrent sur place des prestations de santé plus ou moins complètes (qui vont souvent jusqu’aux radiographies, analyses de laboratoire et autres procédures de diagnostic) et transmettent les résultats aux médecins traitants. D’autres ont une liste de médecins qualifiés, de dentistes et de professionnels de la santé à qui les salariés eux-mêmes, et parfois les membres de leur famille, peuvent s’adresser. La possibilité de s’absenter du travail pour se rendre chez le médecin est une aide appréciable lorsque l’accès aux prestations de santé est impossible en dehors des horaires de travail.

Aux Etats-Unis, même en bénéficiant d’un bon programme d’assurance maladie collectif, les salariés à faible revenu et leur famille peuvent trouver que les parts déductibles et coassurées des charges couvertes font obstacle à l’obtention des prestations de santé, sauf en cas d’absolue nécessité. Certains employeurs les aident à surmonter ces obstacles en les exemptant de ces paiements ou en concluant des arrangements spéciaux avec leurs fournisseurs de soins médicaux.

Le climat du lieu de travail

Les programmes de promotion de la santé sur le lieu de travail sont présentés souvent de façon explicite, comme l’expression du souci que l’employeur a de la santé et du bien-être de son personnel. Or, ce message est contredit lorsque l’employeur demeure sourd aux plaintes des salariés concernant les conditions de travail et ne fait rien pour les améliorer. Les salariés ne seront pas enclins à accepter ou à participer à des programmes s’ils sont proposés dans de telles conditions ou dans des périodes de conflit avec la direction.

La diversité de la main-d’œuvre

Le programme de promotion de la santé doit tenir compte de la diversité qui caractérise de plus en plus la main-d’œuvre actuelle. Les différences touchant à l’origine ethnique et au niveau culturel, au niveau d’instruction, à l’âge et au sexe doivent être prises en considération dans le contenu et la présentation des activités de promotion de la santé.

Conclusion

Il ressort clairement de tout ce qui précède que le programme de promotion de la santé sur le lieu de travail représente une extension du programme de sécurité et de santé qui, lorsqu’il est convenablement conçu et mis en œuvre, peut être bénéfique pour le salarié à titre individuel, pour le personnel dans son ensemble et pour l’entreprise. En outre, ce peut être également une force propice à un progrès social dans la collectivité.

Depuis quelques décennies, les programmes de promotion de la santé sur le lieu de travail ont crû en nombre et en ampleur, dans les petites et moyennes entreprises, mais aussi dans les grandes, ainsi que dans les secteurs privé, bénévole et public. Comme le démontre l’éventail des articles contenus dans le présent chapitre, ils ont également évolué dans leur portée, passant de la simple fourniture directe de soins de santé, par exemple, avec examens médicaux et vaccinations, à une participation aux problèmes personnels et familiaux dont le lien avec le travail peut sembler plus ténu. Il convient de se laisser guider dans le choix des éléments et activités du programme par les caractéristiques particulières du personnel, de l’entreprise et de la collectivité, en gardant à l’esprit le fait que certains d’entre eux ne conviendront qu’à des catégories déterminées de salariés et non au personnel dans son ensemble.

Il est conseillé à ceux qui envisagent la création d’un programme de promotion de la santé sur le lieu de travail de l’élaborer avec soin, de le mettre en œuvre progressivement, de prévoir sa croissance et son extension futures, d’en suivre le déroulement et la qualité et, dans toute la mesure possible, d’en évaluer les résultats. Les articles de ce chapitre devraient être utiles à cette fin.

LA PROMOTION DE LA SANTÉ SUR LES LIEUX DE TRAVAIL

Jonathan E. Fielding

La raison d’être

Les locaux de travail constituent des lieux appropriés pour la poursuite de buts liés à la santé tels que l’évaluation, l’éducation, les conseils et la promotion de la santé en général. Du point de vue de la politique publique, ils conviennent parfaitement à des activités impliquant, comme cela est souvent le cas, un important rassemblement de personnes. Par ailleurs, la plupart des travailleurs se trouvent une grande partie de la semaine dans un lieu de travail connu. Le lieu de travail est habituellement un milieu contrôlé, où des individus ou des groupes peuvent suivre des programmes éducatifs ou recevoir des conseils sans être exposés aux distractions de leur foyer ou à l’atmosphère souvent stressante d’un cabinet médical.

La santé est une fonction positive en ce sens qu’elle permet à l’individu de poursuivre d’autres objectifs, et notamment d’obtenir de bons résultats professionnels. Les employeurs ont tout intérêt à promouvoir la santé de leur personnel en raison de son lien étroit avec le rendement, en quantité comme en qualité. Ainsi, réduire la fréquence et la gravité des affections entraînant des absences, de l’incapacité ou des résultats inférieurs à la moyenne est un but auquel on doit conférer un rang élevé dans l’ordre de priorité et d’importants investissements. Les organisations syndicales, fondées aux fins de veiller au bien-être de leurs adhérents, ont, elles aussi, tout intérêt à parrainer des programmes propres à améliorer leur état de santé et leur qualité de vie.

Le parrainage

Le parrainage par l’employeur comprend habituellement un soutien financier total ou partiel du programme. Toutefois, il peut arriver que certains employeurs ne participent qu’à la program-mation ou à la mise en place d’activités de promotion de la santé pour lesquelles chaque salarié devra payer. Les programmes parrainés par l’employeur comportent parfois des mesures stimulant la participation des salariés, prévoyant le suivi intégral du programme, ou encourageant une évolution salutaire de l’hygiène de vie. Ces mesures peuvent consister en temps libre, en récompenses financières pour avoir participé ou obtenu de bons résultats, ou encore en éloges pour avoir atteint des objectifs particuliers relatifs à la santé. Dans les branches où les travailleurs sont syndiqués, en particulier celles où ils sont dispersés sur de nombreux lieux de travail trop petits pour qu’il soit possible d’y implanter un programme, les activités de promotion de la santé peuvent être conçues et mises en œuvre par l’organisation syndicale. Bien que le parrainage par les employeurs ou les syndicats des programmes d’éducation et de conseil en matière de santé  implique généralement qu’ils soient proposés sur le lieu de travail, ils peuvent aussi se dérouler en tout ou en partie dans des locaux publics gérés par le gouvernement ou par des associations à but lucratif ou non.

Le financement doit nécessairement être complété par un engagement de l’employeur, exprimé tant par la direction que par l’encadrement. Toute entreprise établit son ordre de priorité. Si la promotion de la santé doit être considérée comme l’une d’entre elles, elle doit bénéficier du soutien actif et tangible des organes de direction, tant sur le plan financier que par le suivi attentif du programme, dont l’importance doit être soulignée dans les propos adressés aux salariés, aux actionnaires, aux cadres dirigeants et même aux investisseurs extérieurs.

La confidentialité des informations et le respect de la vie privée

Si la santé du salarié est un élément déterminant de la productivité et de la vitalité d’une entreprise, la santé en soi est une affaire personnelle. Un employeur ou une organisation syndicale qui souhaite dispenser une formation et des conseils en matière de santé doit impérativement intégrer à ses programmes des procédures visant à garantir la confidentialité des informations et le respect de la vie privée. Le désir des salariés de participer volontairement à de tels programmes d’éducation et de conseils est conditionné par l’assurance que les informations privées touchant leur santé ne seront pas révélées à des tiers sans leur autorisation. Il est particulièrement important pour les travailleurs et leurs représentants que les informations obtenues par des programmes de santé ne soient d’aucune manière utilisées dans l’évaluation des résultats professionnels ou dans les décisions de la hiérarchie en matière d’embauche, de licenciement ou d’avancement.

L’évaluation des besoins

L’élaboration du programme commence généralement par une évaluation des besoins. On mène souvent une enquête sur le personnel afin d’obtenir des informations sur des sujets comme: a) la fréquence des habitudes de vie telle qu’indiquée par les intéressés (par exemple, tabagisme, activité physique, nutrition); b) les autres risques pour la santé: stress, hypertension, hypercholestérolémie et diabète, etc.; c) les préoccupations prioritaires de chacun en matière de réduction des risques et d’amélioration de la santé; d) l’attitude vis-à-vis d’autres conceptions possibles du programme; e) les lieux préférentiels pour la tenue des activités de promotion de la santé; f) la volonté de participer aux activités du programme; g) parfois la volonté de prendre en charge une partie du coût. Les enquêtes peuvent également porter sur les attitudes envers les règles applicables ou susceptibles d’être édictées par l’employeur, par exemple l’interdiction de fumer ou l’offre d’une alimentation plus saine sur le lieu de travail, tant dans les cafétérias que dans les distributeurs automatiques.

L’évaluation des besoins comprend parfois une analyse des problèmes de santé du groupe de salariés par l’examen des dossiers cliniques du service médical, des carnets de santé, des demandes de prestations pour incapacité et réparation des accidents du travail, ainsi que du nombre des absences. De telles analyses fournissent des informations épidémiologiques générales sur la prévalence et le coût des différents problèmes de santé, aussi bien somatiques que psychologiques, ce qui permet l’évaluation des possibilités de prévention tant du point de vue de la programma-tion que du financement.

La structure du programme

Les  résultats  de  l’évaluation  des  besoins  sont  examinés  à  la lumière des ressources financières et humaines disponibles, de l’expérience des programmes antérieurs, des impératifs réglementaires et de la nature du personnel. Certains des principaux éléments de l’économie d’un programme qui doivent être clairement définis lors du processus de planification sont énumérés à la figure 15.2. L’une des décisions clés à prendre consiste à identifier les moyens les plus efficaces d’atteindre la ou les populations visées. Par exemple, dans le cas d’un personnel très dispersé, une programmation à base communautaire ou effectuée par téléphone ou par courrier pourrait se révéler la solution la plus pratique et la plus rentable. Une autre décision importante à prendre est de savoir si l’on inclut, comme le font certains responsables de programme, les retraités et les conjoints et les enfants des salariés en plus de ces derniers.

Figure 15.2 Les éléments d'un programme de promotion de la santé

Figure 15.2

La responsabilité d’un programme de promotion de la santé sur le lieu de travail peut échoir à l’un quelconque des départements préexistants, parmi lesquels: le service médical ou l’infir-merie; les ressources humaines et le personnel; la formation; l’administration; la mise en forme; l’assistance au personnel, etc. Il est également possible d’installer un département distinct de promotion de la santé. Ce choix est souvent très important pour le succès du programme. Un département ayant tout intérêt à faire de son mieux pour ses administrés, possédant de solides connaissances de base, entretenant de bonnes relations de travail avec les autres secteurs de l’entreprise et jouissant de la confiance de la direction et de l’encadrement opérationnel, aura toutes les chances de succès. L’attitude des salariés envers le département à qui le programme a été confié et leur confiance dans son sérieux, eu égard tout particulièrement à la confidentialité des renseignements personnels, peuvent influer sur l’accueil qu’ils réserveront au programme.

Les thèmes

D’après des enquêtes effectuées auprès de sociétés privées employant 50 personnes ou plus, la fréquence selon laquelle les divers thèmes de promotion de la santé sont traités, est indiquée à la figure 15.3. Un examen des résultats d’enquêtes comparables faites en 1985 et en 1992 révèle des progrès notables dans la plupart des domaines. En 1985, environ 66% des lieux de travail se livraient au moins à une activité, tandis qu’en 1992, une proportion de 81% en menaient une ou plusieurs. Les domaines qui se sont le plus développés sont ceux qui ont trait à l’exercice et à la forme physique, à la nutrition, ainsi qu’à la maîtrise de la tension artérielle et du poids. Plusieurs domaines étudiés pour la première fois en 1992 présentaient des fréquences relativement élevées, notamment l’information sur le VIH/sida, le cholestérol, la santé mentale et la prévention des risques et accidents du travail. Détail symptomatique de l’extension des domaines d’intérêt, l’étude de 1992 a permis de constater que 36% des lieux de travail dispensaient une formation ou d’autres programmes sur l’abus d’alcool et de drogue, 28% sur le VIH/sida, 10% sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles et 9% sur l’éducation prénatale.

Figure 15.3 Information ou activités concernant la promotion de la santé, par sujet, 1985 et 1992.

Figure 15.3

Un groupe de thèmes importants que l’on rencontre de plus en plus souvent dans les programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail (sur 16% des sites en 1992) est celui des soins auto-administrés. Les éléments communs à ces programmes forment un matériel pédagogique consacré à la façon de traiter les problèmes de santé mineurs et d’appliquer des règles simples afin de juger de la gravité des divers signes et symptômes, ce qui permet de décider s’il convient de s’adresser à un professionnel de la santé et dans quel délai il faut agir.

Faire en sorte que les consommateurs soient mieux informés des services de santé est un objectif connexe du programme, ce qui suppose qu’on leur enseigne entre autres la façon de choisir un médecin, les questions à poser à celui-ci, les avantages et les inconvénients des divers traitements, comment décider s’il faut faire établir un diagnostic ou recommander une procédure thérapeutique et où les obtenir, les thérapies non traditionnelles et les droits des patients.

Les évaluations de l’état de santé

Quel que soit leur rôle, et quelles que soient leur ampleur et la population visée, on procède généralement à des évaluations multidimensionnelles de la santé des salariés participant aux premiers stades du programme et, par la suite, à intervalles réguliers. Les données recueillies systématiquement concernent le plus souvent les habitudes sanitaires, l’état de santé, des mesures physiologiques simples, telles que la tension artérielle et le profil lipidique et (moins souvent) les attitudes vis-à-vis de la santé, l’importance sociale de celle-ci, le recours à des services préventifs, les pratiques en matière de sécurité et les antécédents familiaux. Les résultats du traitement informatique, communiqués à chaque salarié et rassemblés aux fins de la planification, du suivi et de l’évaluation du programme, permettent en général d’estimer les risques absolus ou relatifs, qui vont du risque absolu de crise cardiaque au cours des dix années à venir (ou comparaison du risque quantifiable, pour un individu, d’être victime d’une crise cardiaque, au risque moyen, pour des individus du même âge et du même sexe) à l’évaluation qualitative du niveau de santé et de risque sur une échelle allant de «mauvais» à «excellent». Des recommandations personnalisées sont également formulées. Par exemple, il sera conseillé aux personnes sédentaires d’avoir une activité physique régulière, et à quelqu’un qui ne voit que rarement sa famille ou ses amis d’avoir plus de contacts sociaux.

Un bilan de santé peut être proposé systématiquement au moment de l’embauche ou comme corollaire de programmes spécifiques et, par la suite, à intervalles fixes ou selon une périodicité dictée par les conditions d’âge, de sexe et de risque pour la santé.

Les conseils

Un autre élément commun à la plupart des programmes consiste à donner des conseils en vue d’abandonner certaines habitudes néfastes telles que le tabagisme, de mauvaises pratiques nutritionnelles ou un comportement sexuel à haut risque. Il existe des méthodes efficaces pour motiver les gens et les aider à modifier leurs habitudes, pour les assister pendant le processus de changement proprement dit et pour minimiser les risques de rechute, ou de récidive. On a souvent recours à des séances de groupe animées par un professionnel de la santé ou une personne ayant suivi une formation spéciale afin d’aider à modifier leur comportement, tandis que le soutien des collègues peut renforcer les résultats dans des domaines tels que l’abandon du tabagisme ou l’exercice physique.

L’éducation sanitaire des travailleurs peut comporter des thèmes susceptibles d’influer positivement sur la santé des membres de la famille. Par exemple, elle peut inculquer des principes de protection de la santé de la femme enceinte, souligner l’importance de l’allaitement maternel et du rôle des parents, et apprendre comment faire face efficacement aux besoins en matière de soins et autres des parents âgés. En dispensant de bons conseils, on évite de culpabiliser les participants au programme qui ont de la difficulté à modifier leurs habitudes ou qui choisissent de ne pas procéder aux changements recommandés touchant leur hygiène de vie.

Les travailleurs ayant des besoins particuliers

Une grande proportion de la population active, en particulier si elle comporte beaucoup de travailleurs âgés, souffrira tôt ou tard d’une ou plusieurs affections chroniques comme le diabète, l’arthrite, la dépression, l’asthme ou les lombalgies. En outre, un sous-groupe important sera considéré comme présentant un risque élevé de futurs problèmes de santé, par exemple une maladie cardio-vasculaire due à l’aggravation de facteurs de risque, tels le cholestérol sérique total, l’hypertension artérielle, le tabagisme, l’obésité ou le stress.

Ces populations peuvent être responsables d’un recours disproportionné aux services de santé, des coûts de l’assurance maladie et de la baisse de productivité, mais ces effets peuvent être atténués par des efforts de prévention. C’est pourquoi les programmes d’éducation et de conseil consacrés à ces affections et risques sont devenus de plus en plus courants. Ils font souvent appel à du personnel infirmier spécialement formé (ou, plus rarement, à un hygiéniste ou à un nutritionniste) pour aider ces personnes à changer leur comportement et à s’y tenir et à collaborer plus étroitement avec leur généraliste afin de mettre en œuvre les mesures médicales appropriées, notamment en ce qui concerne la consommation de produits pharmaceutiques.

Les prestataires

Diverses personnes interviennent dans les programmes de promotion de la santé parrainés par l’employeur ou par le personnel. Dans les grandes entreprises, en particulier celles dans lesquelles la main-d’œuvre est très concentrée, le personnel en place, qu’il soit à temps complet ou à temps partiel, peut fournir les principaux intervenants — personnel infirmier, hygiénistes, psychologues, physiologistes en médecine sportive et autres. Les inter- venants peuvent également venir de l’extérieur, qu’il s’agisse de consultants ou d’entreprises aptes à fournir un personnel spé- cialisé dans une vaste gamme de disciplines. Les entreprises qui offrent de tels services sont les hôpitaux; les organisations bénévoles (par exemple, l’Association américaine de cardiologie (American Heart Association)); les sociétés de promotion de la santé à but lucratif proposant des programmes de dépistage, de mise en forme, de gestion du stress, de nutrition, etc.; les organismes spécialisés. Le matériel pédagogique peut provenir de ces diverses sources ou être mis au point dans l’entreprise. Les organisations syndicales développent parfois leurs propres programmes à l’attention de leurs membres; elles peuvent aussi assurer certains services de promotion de la santé en collaboration avec l’employeur.

Nombreux sont les programmes d’éducation et de formation qui ont été élaborés afin de préparer et les étudiants et les professionnels de la santé à planifier, à mettre en œuvre et à évaluer les programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail. Maintes universités proposent des cours sur ces sujets et certaines ont même un programme spécial ou un domaine de spécialisation intitulé «promotion de la santé sur les lieux de travail». De nombreux stages de formation continue sur la façon de travailler dans une entreprise, la gestion des programmes et les progrès techniques sont proposés par des établissements d’enseignement publics et privés, ainsi que par des organismes professionnels. Pour être efficaces, les prestataires doivent impérativement comprendre le contexte, les contraintes et les attitudes propres au milieu de travail. Lors de la planification et de la mise en œuvre du programme, ils doivent être attentifs aux règles spécifiques associées au type d’emploi et au lieu de travail, ainsi qu’à tout ce qui peut se révéler pertinent en matière de relations professionnelles, d’horaires de travail, de structures organiques statutaires ou non, sans parler de la culture d’entreprise, de ses normes et de ses attentes.

La technologie

Les techniques utilisables vont des supports d’auto-assistance comprenant traditionnellement les livres, brochures, cassettes audio ou vidéo et, désormais, des logiciels d’enseignement programmé et des vidéodisques interactifs. La plupart des programmes appellent des contacts entre les personnes par l’intermédiaire de groupes, à l’occasion de cours, de conférences et de séminaires, ou par une formation et des conseils individuels dispensés par un intervenant sur place, par téléphone ou même par liaison informatique. On peut aussi faire appel à des groupes d’auto-assistance.

Les bases de données informatiques sont essentielles à l’efficacité du programme et assurent un éventail très varié de fonctions de gestion — budgétisation et affectation des ressources, programmation, suivi individuel et évaluation tant des méthodes que des résultats. Parmi les autres technologies, on pourrait citer des modalités aussi sophistiquées que la liaison bio-informatique directe relevant les mesures physiologiques — tension artérielle ou acuité visuelle —, voire la participation du sujet au programme proprement dit (sa fréquentation d’une salle de sport). Des moyens informatiques portatifs d’aide pédagogique sont actuellement testés afin d’évaluer leur capacité de renforcer les changements d’habitudes.

L’évaluation

Il y a toute une gamme d’évaluations allant des remarques anecdotiques recueillies auprès des salariés jusqu’aux méthodes complexes qui méritent d’être publiées dans les journaux spécialisés. Ainsi l’évaluation peut porter sur toute une variété de procédés et de résultats. Par exemple, l’évaluation d’un procédé peut permettre d’analyser la façon dont le programme a été mis en œuvre, le nombre de salariés qui y ont participé et ce qu’ils en pensent. Les évaluations des résultats peuvent être axées sur l’évolution de l’état de santé, comme la fréquence ou le niveau d’un facteur de risque, qu’il soit autosignalé (degré d’exercice) ou évalué objectivement (hypertension). L’évaluation peut se concentrer sur des données économiques telles que l’utilisation et le coût des services de santé, ou sur l’absentéisme ou l’incapacité, que ce soit ou non en liaison avec le travail.

Les évaluations peuvent ne porter que sur les participants au programme ou couvrir tous les salariés exposés à des risques. La première sorte d’évaluation peut répondre aux questions relatives à l’efficacité d’une intervention donnée, mais la seconde répond à la question plus importante de savoir si les facteurs de risque d’une population entière ont été effectivement réduits. Si de nombreuses évaluations se concentrent sur les efforts destinés à faire évoluer un seul facteur de risque, d’autres s’attachent aux effets simultanés des interventions à composantes multiples. L’analyse de 48 études publiées évaluant les résultats de programmes complets de promotion de la santé et de prévention des maladies sur les lieux de travail a permis de constater que 47 d’entre elles signalaient un ou plusieurs résultats positifs pour la santé (Pelletier, 1991). Nombre de ces études présentent d’importantes lacunes au niveau de la conception, de la méthodologie ou de l’analyse. Néanmoins, elles observent presque unanimement des résultats positifs, et les constatations découlant de celles qui étaient les mieux conçues suggèrent que les effets réels vont dans le sens souhaité. On est moins sûr, en revanche, de la reproductibilité des effets dans les programmes répliqués, du maintien des effets initialement observés et du reflet de leur importance statistique dans les constatations cliniques. En outre, la preuve de l’efficacité est bien plus évidente pour certains facteurs de risque, tels que le tabagisme et l’hypertension, que pour l’activité physique, les pratiques nutritionnelles et les facteurs de santé mentale, notamment le stress.

Les tendances

Les programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail se développent et dépassent les thèmes traditionnels de la lutte contre l’abus d’alcool et de drogues, de la nutrition, de la maîtrise du poids, de l’abandon du tabagisme, de l’exercice physique et de la gestion du stress. De nos jours, les activités portent généralement sur de nombreux thèmes liés à la santé, qui vont des aspects médicaux de la grossesse ou de la ménopause à la façon de gérer une affection chronique telle que l’arthrite, la dépression ou le diabète. On met de plus en plus l’accent sur les différents aspects d’un bon équilibre mental. Par exemple, sous la rubrique des programmes parrainés par l’employeur, peuvent apparaître des cours ou autres activités sur la manière «d’améliorer la commu-nication entre les personnes», «de développer l’estime de soi», «d’améliorer le rendement individuel au travail et chez soi», ou «de surmonter la dépression».

Une autre tendance consiste à fournir des informations et des conseils plus variés sur la santé. Les interventions personnalisées ou de groupe peuvent être complétées par des conseils donnés par des collègues, par un enseignement informatisé et par l’utilisation de vidéodisques interactifs. L’existence de multiples modes d’apprentissage a conduit à élargir la palette des démarches pédagogiques, afin d’accroître l’efficacité par une meilleure adéquation du type d’apprentissage personnalisé et des préférences ou approches en matière d’enseignement. Cette diversité d’approches permet à chacun de choisir le cadre, le rythme et la forme d’enseignement qui lui convient le mieux.

Aujourd’hui, on propose de plus en plus une éducation et des conseils en matière de santé aux salariés des grandes entreprises, et notamment à ceux qui peuvent être amenés à travailler sur des sites éloignés, avec quelques rares collègues, et à ceux qui travaillent à domicile. L’enseignement par correspondance et par téléphone, lorsqu’il est possible, permet d’étendre la portée des programmes. L’avantage de ces modes d’exécution réside dans une plus grande équité, le personnel sur le terrain n’étant plus désavantagé par rapport à celui du siège. Ce surcroît d’équité est parfois obtenu au prix d’une réduction des contacts personnels avec des spécialistes sur les questions de promotion de la santé.

Des règles favorables à la santé

On s’accorde de plus en plus à reconnaître que les règles d’organisation et les normes sociales sont des facteurs déterminants pour promouvoir la santé et l’efficacité des efforts destinés à l’améliorer. Par exemple, la limitation, voire l’interdiction de fumer dans les lieux de travail peut entraîner un déclin substantiel de la consommation individuelle de cigarettes chez les salariés fumeurs. Une règle précisant qu’aucune boisson alcoolisée ne sera servie à l’occasion des réceptions données par la société permet d’envisager une évolution du comportement du personnel. Une nourriture à faible teneur en matières grasses et à forte teneur en hydrates de carbone complexes servie au restaurant d’entreprise fournit une autre occasion d’aider les employés à mieux se porter.

Toutefois, on peut craindre aussi que des règles d’entreprise favorables à la santé, ou encore l’expression de convictions socionormatives sur ce qui constitue une bonne santé, n’aient pour résultat d’ostraciser les personnes qui adoptent certaines habitudes nocives à la santé, comme celle de fumer, ou encore les personnes qui ont une forte prédisposition génétique à l’obésité. Il n’est pas surprenant que la plupart des programmes attirent surtout les salariés qui ont des habitudes «saines» et présentent les risques les plus faibles.

L’intégration dans d’autres programmes

La promotion de la santé comporte de multiples facettes. Il semble que l’on fasse toujours davantage d’efforts pour assurer une intégration plus étroite entre l’éducation et les conseils de santé, l’ergonomie, les programmes d’aide au personnel et, en particulier, les activités à orientation médicale telles le dépistage et la mise en forme. Dans les pays où les employeurs ont la faculté de mettre au point leurs propres programmes de prestations de santé ou de compléter les mesures gouvernementales par des avantages précis, nombreux sont ceux qui proposent des prestations cliniques préventives, notamment de dépistage et de promotion de la santé, comme l’admission dans des clubs sportifs et de mise en forme municipaux. Les politiques fiscales qui permettent aux employeurs de déduire ces prestations de leurs déclarations d’impôts sont particulièrement motivantes.

L’ergonomie est un facteur déterminant pour la santé des travailleurs et elle va bien au-delà de la simple adaptation physique du salarié aux outils de travail. Il convient de prêter attention à l’aptitude globale de l’individu à effectuer ses tâches et à s’adapter à son milieu de travail en général. Par exemple, un environnement de travail sain exige une bonne adéquation entre l’autonomie et la responsabilité dans le travail, d’une part, et une adaptation efficace au style de travail de l’individu, à ses besoins familiaux et à la souplesse des exigences du poste, d’autre part. Il ne faut pas non plus oublier la relation entre les contraintes du travail et la capacité de l’individu d’y faire face. En outre, on peut favoriser la santé en s’assurant que les travailleurs, tant individuellement qu’en groupe, aident à modeler le contenu de leurs tâches de manière à leur donner un sentiment d’efficacité et de réussite personnelle.

Les programmes d’aide au personnel qui englobent, de façon générique, les activités à orientation professionnelle parrainées par l’employeur qui servent de moyen d’évaluation, de conseil et de consultation pour tout salarié ayant des problèmes personnels, doivent être étroitement liés aux programmes de promotion de la santé et être à l’écoute des déprimés, des stressés et des préoccupés. En retour, les programmes d’aide au personnel peuvent renvoyer les travailleurs intéressés à d’autres programmes: gestion du stress parrainée par l’employeur; remise en condition physique afin de soulager la dépression; conseils nutritionnels pour ceux qui doivent perdre ou prendre du poids ou qui souffrent simplement d’une mauvaise nutrition; groupes d’auto-assistance pour ceux qui ont besoin d’un soutien social.

Conclusion

La promotion de la santé sur les lieux de travail est parvenue à maturité, grâce, en grande partie, aux mesures favorisant l’investissement des employeurs, aux résultats positifs signalés pour la plupart des programmes et à l’acceptation croissante de la promotion de la santé en tant qu’élément essentiel d’un plan complet d’avantages sociaux. Sa portée s’est considérablement accrue, reflétant une définition plus exhaustive de la santé et une meilleure compréhension des facteurs déterminants pour la santé de l’individu et de sa famille.

Il existe des méthodes très au point de planification et de mise en œuvre des interventions, des professionnels de la santé bien formés pour encadrer les programmes et un vaste choix de supports et de vecteurs d’enseignement. Le succès d’une telle initiative dépend de son adéquation à la culture de l’entreprise, ainsi qu’aux possibilités existantes en matière de promotion de la santé et aux contraintes organisationnelles propres à chaque lieu de travail. La plupart des résultats confirment la nécessité d’un énoncé précis des objectifs des programmes, mais il faudrait disposer d’évaluations plus nombreuses faisant appel à des méthodes et à des protocoles scientifiques solides.

LA PROMOTION DE LA SANTÉ AU TRAVAIL EN ANGLETERRE

Leon Kreitzman

Dans sa déclaration de politique générale sur la santé de la nation, le gouvernement britannique a souscrit à la double stratégie (pour paraphraser l’énoncé de ses objectifs) consistant: 1) à «ajouter des années à la vie» en favorisant un accroissement de l’espérance de vie et une réduction du nombre de décès prématurés; 2) à «ajouter de la vie aux années» en accroissant le nombre d’années de vie sans problèmes de santé, en réduisant ou en minimisant les effets néfastes de la maladie et de l’incapacité, en favorisant une bonne hygiène de vie et en améliorant l’environnement physique et social — en bref, en améliorant la qualité de la vie.

Il est apparu que les efforts visant à atteindre ces buts auraient plus de chances de succès s’ils étaient déployés dans des «contextes» préexistants, à savoir les écoles, les familles, les hôpitaux et les lieux de travail.

On savait qu’il existait une importante activité de promotion de la santé sur les lieux de travail (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 1991), mais on ne disposait pas d’informations de base complètes sur son niveau et sa nature. Diverses études avaient été menées, mais elles avaient toutes été limitées d’une manière ou d’une autre, que ce soit du fait de leur concentration sur une activité unique telle que le tabagisme, ou de leur limitation à une zone géographique restreinte ou à un petit nombre de lieux de travail.

Une étude complète de la promotion de la santé sur les lieux de travail en Angleterre a été entreprise pour le compte de l’Office de l’éducation en matière de santé (Health Education Authority). Deux modèles ont été utilisés pour la conduite de cette étude: l’Enquête nationale américaine relative à la promotion de la santé sur les lieux de travail (US National Survey of Worksite Health Promotion) de 1985 (Fielding et Piserchia, 1989), et une étude, de 1984, menée par l’Institut d’étude des lieux de travail en Grande-Bretagne (Policy Studies Institute of Workplaces in Britain) (Daniel, 1987).

L’enquête

Il existe plus de 2 millions de lieux de travail en Angleterre (le lieu de travail se définissant comme un cadre géographiquement délimité). Leur distribution est très déséquilibrée: 88% d’entre eux emploient moins de 25 personnes et occupent environ 30% de la main-d’œuvre totale; seuls 0,3% des lieux de travail emploient plus de 500 personnes et, pourtant, ce très petit nombre de grands établissements occupe plus de 20% de toute la main-d’œuvre.

L’enquête a été organisée à l’origine pour refléter cette répartition en faisant une très large place aux plus grands établissements dans un échantillon aléatoire de l’ensemble des lieux de travail, englobant à la fois les secteurs public et privé et les lieux de travail de toutes tailles; toutefois, les travailleurs indépendants et les travailleurs à domicile ont été exclus de l’enquête. Les seules autres exclusions concernaient divers organismes publics comme les établissements travaillant pour la défense, les services de police et l’administration pénitentiaire.

Au total, l’enquête a porté sur 1 344 lieux de travail et elle s’est déroulée en mars et avril 1992. Les entretiens ont eu lieu par téléphone, un entretien complet prenant en moyenne vingt-huit minutes. L’entretien avait lieu avec la personne responsable des activités liées à la santé, quel que soit son poste. Dans les petits établissements, cette personne n’avait que rarement une spécialisation quelconque en matière de santé.

Les résultats de l’enquête

La figure 15.4 illustre la réponse spontanée à la question de savoir si des activités liées à la santé avaient été entreprises au cours de l’année écoulée et la corrélation étroite entre la taille du lieu de travail et le type de réponse.

Figure 15.4 Des activités liées à la santé ont-elles été entreprises au cours des 12 derniers mois?3:11 PM 4/11/2003

Figure 15.4

Une série de questions spontanées et d’autres, provoquées par le cours de l’entretien, a suscité de la part des interlocuteurs un volume bien plus considérable d’informations sur l’ampleur et la nature des activités de santé. La gamme de ces activités et leur incidence sont présentées au tableau 15.1. Certaines de ces activités, comme celles qui portent sur la satisfaction au travail (en Angleterre, un terme fourre-tout comprenant la responsabilité du rythme et du contenu du travail, l’estime de soi, les relations professionnelles, les qualifications et la formation), sont normalement considérées comme sortant du cadre de la promotion de la santé, mais certains observateurs sont d’avis que ces facteurs revêtent une grande importance pour l’amélioration de la santé.

Tableau 15.1 Gamme d'activité liées à la santé, selon la taille de l'effectif

 

Effectif (activités en %)

 

Toutes

1-24

25-99

100-499

500+

Tabagisme

31

29

42

 61

81

Alcool et prise de boisson raisonnable

14

13

21

 30

46

Régimes

 6

 5

13

 26

47

Nourriture saine

 5

 4

13

 30

45

Gestion du stress

 9

 7

14

111

32

VIH/sida et pratiques sexuelles

 9

 7

16

 26

42

Maîtrise du poids

 3

 2

 4

 12

30

Exercice et condition physique

 6

 5

10

 20

37

Santé cardiaque et activités liées aux maladies cardiaques

 4

 2

 9

 18

43

Dépistage du cancer du sein

 3

 2

 4

 15

29

Dépistage du cancer du col de l’utérus

 3

 2

 5

 12

23

Bilan de santé

 5

 4

10

 29

54

Evaluation de l’hygiène de vie

 3

 2

 2

  5

21

Recherche du cholestérol

 4

 3

 5

 11

24

Contrôle de l’hypertension artérielle

 4

 3

 9

 16

44

Activités liées à l’abus de drogues et d’alcool

 5

 4

13

 14

28

Activités de santé spécifiques à la femme

 4

 4

 6

 14

30

Activités de santé spécifiques à l’homme

 2

 2

 5

  9

32

Prévention des lésions causées par une hyper-sollicitation

 4

 3

10

 23

47

Dorsalgies

 9

 8

17

 25

46

Vue

 5

 4

12

 27

56

Ouïe

 4

 3

 8

 18

44

Aménagement ergonomique des bureaux et locaux

 9

 8

16

 23

45

Ventilation et éclairage intérieurs

16

14

26

 38

46

Satisfaction au travail

18

14

25

 25

32

Bruit

 8

 6

17

 33

48

Base non pondérée = 1 344.

Parmi les autres sujets étudiés figuraient le processus de décision, les budgets, la consultation du personnel, la sensibilisation aux informations et aux conseils, les avantages des activités de promotion de la santé pour l’employeur et le salarié, les difficultés de mise en œuvre et la conscience de l’importance de la promotion de la santé. Il convient de faire un certain nombre de remarques générales:

  1. Globalement, 40% des établissements ont entrepris au moins une activité majeure en matière de santé au cours de l’année précédant l’enquête. En dehors de la lutte contre le tabagisme sur les lieux de travail occupant plus de 100 personnes, aucune activité de promotion de la santé n’a lieu dans une majorité d’établissements classés par taille.
  2. Sur les petits sites, les seules activités directes de promotion de la santé de quelque importance concernent la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. Même alors, elles n’ont l’une et l’autre qu’une incidence mineure (29% et 13%).
  3. Le milieu physique immédiat, qui se reflète dans des facteurs tels que la ventilation et l’éclairage, est considéré comme étant étroitement lié à la santé, comme aussi la satisfaction au travail. Toutefois, ces points ne sont mentionnés que par moins de 25% des établissements occupant moins de 100 personnes.
  4. A mesure que leur taille s’accroît, on constate non seulement qu’un plus fort pourcentage de lieux de travail entreprennent une activité quelconque, mais aussi qu’il y a une plus vaste gamme d’activités dans chacun d’eux. C’est ce que montre la figure 15.5, qui illustre la réalisation probable d’un ou de plusieurs grands programmes. Seuls 9% des grandes entreprises n’ont pas de programme du tout et plus de 50% en ont au moins trois. Sur les plus petits sites, seuls 19% comptent deux programmes ou plus. Entre les deux, 35% des établissements comptant de 25 à 99 personnes ont deux ou plusieurs programmes en cours, tandis que 56% de ceux-ci qui occupent de 100 à 499 salariés en ont deux ou plus, et 33% trois ou plus. Toutefois, ce serait aller trop loin que de voir apparaître dans ces chiffres ce que l’on pourrait qualifier de «lieu de travail sain». Même si l’on définit ainsi un site qui a plus de cinq programmes en place, il faut nécessairement en évaluer la nature et l’intensité. Les entretiens approfondis suggèrent que, dans de très rares cas, l’activité s’intègre à une fonction planifiée de promotion de la santé, et que, dans des cas encore plus rares, à supposer qu’il existent, on assiste à une modification soit des pratiques, soit des objectifs de l’entreprise en faveur de l’amélioration de la santé.
  5. Figure 15.5 Nombre probable de grans programmes de promotion de la santé, selon l'effectif

    Figure 15.5

  6. Après les programmes de lutte contre le tabagisme, dont l’incidence atteint 81% dans les établissements les plus grands, et ceux de lutte contre l’alcoolisme, les plus fortes incidences concernent le contrôle de la vue, le dépistage des problèmes de santé et les dorsalgies.
  7. Les dépistages des cancers du sein et du col de l’utérus n’a qu’une faible incidence, même dans les établissements comptant 60% et plus de travailleuses (voir tableau 15.2).
  8. Tableau 15.2 Taux de participation (spontanée ou imposée) aux tests de dépistage des cancers du
    sein et du col de l'uterus, en pourcentage de l'effectif féminin

     

    Pourcentage de l’effectif féminin

     

    Supérieur à 60%

    Inférieur à 60%

    Dépistage du cancer du sein

    4%

    2%

    Dépistage du cancer du col de l’utérus

    4%

    2%

    Base non pondérée = 1344.

  9. Les entreprises du secteur public affichent pour leurs activités une incidence double de celles du secteur privé, et cela vaut pour toutes les activités.
  10. S’agissant de la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, les sociétés à capitaux étrangers mènent davantage d’activités sur les lieux de travail que leurs homologues britanniques. En revanche, la différence est relativement faible dans la plupart des activités autres que les dépistages (15% contre 5%) et les activités connexes concernant, par exemple, le cholestérol et la tension artérielle.
  11. Seul le secteur public participe de façon significative aux activités relatives au VIH/sida. Dans la plupart des activités, le secteur public obtient des résultats supérieurs aux autres secteurs, à l’exception notable de la lutte contre l’alcoolisme.
  12. Les lieux de travail qui n’ont pas d’activité de promotion de la santé sont pratiquement tous de petites ou moyennes entreprises du secteur privé, à capitaux britanniques et appartenant en majorité aux secteurs de la distribution et de la restauration.

Problématique

L’enquête  quantitative  par  téléphone  et  les  entretiens  directs menés en parallèle ont permis d’obtenir une masse d’informations sur le niveau des activités de promotion de la santé dans les entreprises anglaises.

Dans une étude de cette nature, il n’est pas possible de démêler toutes les variables qui peuvent être sources de confusion. Il semblerait toutefois que la taille de l’entreprise, en termes d’effectifs, son appartenance au secteur public ou à des intérêts privés, le niveau de syndicalisation et la nature du travail en lui-même constituent des facteurs importants.

Les messages sur la promotion de la santé sont en grande partie transmis par des méthodes collectives comme l’affichage, la distribution de dépliants ou le prêt de vidéos. Les travailleurs des grandes entreprises ont beaucoup plus de chances de disposer de conseils personnalisés, en particulier sur des thèmes tels que l’abandon du tabagisme, les problèmes d’alcoolisme et la gestion du stress. Il ressort clairement de la méthodologie de recherche utilisée que les activités de promotion de la santé ne sont pas «intégrées» à l’entreprise et qu’il s’agit d’activités très contingentes, dont l’efficacité est conditionnée, dans la grande majorité des cas, par les personnes qui les entreprennent. Jusqu’à ce jour, la promotion de la santé n’a pas atteint l’équilibre entre ses coûts et ses avantages qui la justifierait. Un tel calcul n’a pas besoin de revêtir la forme d’une analyse détaillée et sophistiquée, mais elle donne simplement une indication de son intérêt qui pourrait servir à persuader un plus grand nombre d’entreprises du secteur privé d’accroître leurs activités. Très peu d’établissements méritent d’être considérés comme des «lieux de travail sains». Il est très rare que la promotion de la santé soit intégrée dans une fonction planifiée de cette promotion et il est encore plus rare que l’on constate une modification des pratiques ou des objectifs de l’entreprise qui mettrait l’accent sur l’amélioration de la santé.

Conclusion

Il semble que les activités de promotion de la santé soient en aug- mentation, car 37% des personnes interrogées affirment qu’ elles se sont développées au cours de l’année précédant l’enquête. La promotion de la santé est considérée comme un sujet important, 41% des petites entreprises allant même jusqu’à le qualifier de très important. Des bienfaits considérables pour la santé et la forme des salariés ont été portés au crédit des activités de promotion de la santé, comme la réduction de l’absentéisme et de l’incidence des maladies.

Toutefois, on ne dispose que de peu d’évaluations systématiques et, si des règles écrites ont été adoptées, elles sont loin d’être d’application générale. Même si les buts de la promotion de la santé sont approuvés et si l’on en perçoit les avantages, on ne voit encore guère de manifestations d’une institutionnalisation de ces activités dans la culture d’entreprise. En Angleterre, la promotion de la santé sur les lieux de travail semble contingente et précaire.

LA PROMOTION DE LA SANTÉ DANS LES PETITES ENTREPRISES: L’EXPÉRIENCE AMÉRICAINE

Sonia Muchnick-Baku et Leon J. Warshaw

La raison d’être des programmes de promotion et de protection de la santé et leurs différents modes de réalisation ont déjà fait l’objet d’autres articles du présent chapitre. Les principales activités entreprises à la suite de ces initiatives ont été conduites dans les grandes sociétés qui disposent de moyens suffisants pour instaurer des programmes complets. Toutefois, la majorité de la main-d’œuvre est salariée dans de petites entreprises où la santé et le bien-être des travailleurs sont susceptibles d’avoir un impact plus important sur la capacité de production et, au bout du compte, sur le succès de l’entreprise. Reconnaissant la justesse de ce point, quelques petites sociétés se préoccupent désormais de la relation entre les pratiques de santé préventives et les salariés productifs. Un nombre croissant d’entre elles se rendent compte que, avec l’aide de grands groupes commerciaux, de ressources communautaires, d’organismes publics et bénévoles de santé et de modestes stratégies novatrices conçues pour répondre à leurs besoins spécifiques, elles peuvent établir des programmes efficaces et peu coûteux donnant de bons résultats.

Ces dix dernières années, le nombre de programmes de promotion de la santé implantés dans les petites entreprises a considérablement augmenté. C’est là une tendance importante non seule- ment parce qu’elle représente un progrès sur le plan de la promotion de la santé dans les lieux de travail, mais aussi par ses incidences sur la future politique de santé de la nation. Nous examinerons ici quelques-uns des obstacles auxquels sont confrontées les petites entreprises dans la mise en œuvre de ces programmes et décrirons les stratégies adoptées par celles qui ont su les surmonter. Nous nous inspirons en partie d’un article publié en 1992 à l’issue d’un colloque sur les petites entreprises et la promotion de la santé, organisé sous le patronage de diverses instances, le Groupe économique de Washington sur la santé (Washington Business Group on Health), l’Office de la prévention des maladies du Service de la santé publique des Etats-Unis (Office of Disease Prevention of the US Public Health Service), et l’Administration des petites entreprises des Etats-Unis (US Small Business Administration) (Muchnick-Baku et Orrick, 1992). A titre d’exemple, nous citerons des entreprises qui ont réussi, grâce à leur ingéniosité et à leur détermination, à mettre en œuvre des programmes efficaces avec des moyens limités.

Les obstacles rencontrés par les petites entreprises

Même si les propriétaires de nombreuses petites entreprises sont favorables au concept de promotion de la santé sur le lieu de travail, ils peuvent hésiter à implanter un programme devant les nombreux obstacles qu’ils rencontrent (Muchnick-Baku et Orrick, 1992):

Les avantages des petites entreprises

Même si les petites entreprises ont effectivement à faire face à de gros obstacles sur les plans financier et administratif, elles jouissent aussi de certains avantages. Parmi ceux-ci, citons (Muchnick-Baku et Orrick, 1992):

L’assurance maladie et la promotion de la santé dans les petites entreprises

Plus l’entreprise est petite, moins elle est susceptible d’offrir une police d’assurance collective pour les soins de santé à ses salariés et à leur famille. Pourtant, il est difficile à un employeur d’affirmer qu’il se soucie de la santé de ses salariés pour justifier des activités de promotion de la santé s’il ne met pas à leur disposition une assurance maladie de base. Même lorsqu’une telle assurance est offerte, les exigences budgétaires la restreignent bien souvent aux «prestations minimales» ne procurant qu’une couverture très limitée.

D’un autre côté, de nombreux plans collectifs d’assurance couvrent les examens médicaux périodiques, les mammographies, les frottis vaginaux, les vaccinations et les soins aux nourrissons et aux enfants en bas âge. Malheureusement, les avances à consentir pour couvrir la part déductible des honoraires et paiements conjoints nécessaires avant le remboursement des prestations dissuadent souvent de faire appel à ces services. Pour surmonter ce problème, certains employeurs prennent des dispositions afin de rembourser les salariés de tout ou partie de ces frais; d’autres trouvent plus pratique et moins coûteux de les prendre tout simplement à leur charge en les inscrivant sous la rubrique «dépenses d’exploitation».

Indépendamment de l’inclusion des services de prévention dans leur couverture, certains organismes d’assurance proposent des programmes de promotion de la santé à leurs titulaires de polices collectives, généralement à titre onéreux, mais parfois sans frais supplémentaires. Ces programmes portent en général sur des supports imprimés et audiovisuels, mais certains sont plus complets et conviennent particulièrement aux petites entreprises.

Dans un nombre croissant de domaines, les entreprises et autres types d’établissements ont formé des groupes d’«action-santé» pour développer l’information et la compréhension et pour fournir des réponses aux problèmes de santé auxquels elles-mêmes et les communautés locales sont confrontées. Nombre de ces groupes fournissent à leurs membres une aide à la conception et à la mise en œuvre de programmes de promotion de la santé sur les lieux de travail. En outre, des conseils voués au bien-être se créent dans un nombre croissant de communautés où ils encouragent l’élaboration d’activités de promotion de la santé dans les entreprises et la collectivité.

Suggestions à l’intention des petites entreprises

Les suggestions ci-après contribueront à assurer le succès du lancement et de l’exécution d’un programme de promotion de la santé dans une petite entreprise:

Conclusion

Même s’il reste d’importants obstacles à franchir, ceux-ci ne sont pas insurmontables. Les programmes de promotion de la santé sont tout aussi valables — et souvent plus — dans les petites entreprises que dans les grandes. Même s’il est difficile de réunir des données fiables, on peut s’attendre à ce qu’elles révèlent des avantages similaires sur le plan de la santé physique et du bien-être des salariés, ainsi que de la productivité. Y parvenir avec des moyens souvent limités exige un grand soin dans la planification et la mise en œuvre, l’aval et le soutien de la haute direction, la participation des salariés et de leurs représentants, l’intégration du programme de promotion de la santé dans les politiques et pratiques de l’entreprise en matière de sécurité et de santé, un plan d’assurance pour les soins de santé et la conclusion d’accords paritaires appropriés, et, enfin, l’utilisation des appuis et des services gratuits ou peu coûteux disponibles dans la collectivité.

LE RÔLE DU SERVICE MÉDICAL INTERNE DANS LES PROGRAMMES DE PRÉVENTION

John W.F. Cowell

Le service médical interne est essentiellement chargé d’assurer le traitement des lésions et affections aiguës survenant sur le lieu de travail, d’effectuer les examens d’aptitude au travail (Cowell, 1986) et de prévenir, de détecter et de traiter les accidents et les maladies liés au travail. Toutefois, il peut également jouer un rôle important dans les programmes de prévention et de protection de la santé. Dans le présent article, nous vouerons une attention particulière aux services pratiques que cette unité organique peut assurer en la matière.

D’entrée de jeu, le service médical a servi de centre de prévention des problèmes de santé extraprofessionnels. Ses activités traditionnelles englobent la distribution d’un matériel d’éducation à la santé, la rédaction par son personnel d’articles de promotion de la santé destinés à être publiés dans les journaux d’entreprise et, chose peut-être plus importante encore, la sensibilisation du personnel médical (médecins du travail, personnel infirmier d’entreprise) à la nécessité de dispenser des conseils préventifs lors des visites médicales de salariés présentant des risques ou les premiers signes d’atteintes à leur santé. Des examens médicaux périodiques axés sur les effets potentiels des risques professionnels ont souvent permis de déceler les symptômes avant-coureurs d’un problème de santé.

Le chef du service médical est bien placé pour jouer un rôle clé dans les programmes de prévention de l’entreprise. Sa position lui permet en effet d’intégrer une composante de prévention dans les services liés au travail, et de tirer parti de la considération que les employés lui accordent généralement et des relations qu’il a établies avec la haute direction; or, c’est par cette dernière que seront apportés les changements souhaitables à l’organisation et au milieu de travail et que les moyens nécessaires à un bon programme de prévention seront obtenus.

Dans certains cas, les programmes de prévention à caractère non professionnel sont placés sous l’égide d’autres départements de l’entreprise, comme ceux du personnel ou des ressources humaines. Une telle pratique est généralement malavisée, mais elle peut être nécessaire quand, par exemple, ces programmes sont exécutés par différents prestataires extérieurs. En ce cas, il faudrait au moins assurer leur coordination en étroite collaboration avec le service médical interne.

Selon la nature et l’implantation du lieu de travail, et l’engagement de l’entreprise envers la prévention, ces services peuvent être soit très complets et couvrir pratiquement tous les aspects des soins de santé, soit réduits au minimum et ne fournir qu’un matériel d’information médicale limité. Il est souhaitable d’avoir des programmes complets lorsque le lieu de travail se situe dans une zone isolée où les services collectifs font défaut; dans de telles situations, l’employeur doit impérativement offrir des services de santé complets, y compris, bien souvent, aux personnes à charge de ses salariés, afin d’attirer et de retenir un personnel fidèle, en bonne santé et productif. On trouve généralement des services réduits au minimum dans les cas où il existe un bon système de santé publique, ou encore lorsque l’entreprise est petite, dépourvue de moyens ou, enfin, quelle que soit sa taille, si elle est indifférente à la santé et au bien-être de son personnel.

Nous n’évoquerons aucune de ces situations extrêmes et tournerons au contraire notre attention vers des situations plus courantes et plus favorables où les activités et les programmes assurés par le service médical interne complètent utilement les services organisés par la collectivité.

L’organisation des services de prévention

Généralement, les services de prévention comportent une éducation et une formation en matière de santé, des bilans et des examens médicaux périodiques, des programmes de dépistage de certains problèmes de santé et des conseils dans ce domaine.

La participation à l’une quelconque de ces activités devrait procéder d’une démarche volontaire, et toutes constatations et recommandations individuelles devraient rester confidentielles entre le service médical et le salarié, quoiqu’il soit possible, avec l’assentiment de ce dernier, d’adresser un rapport à son médecin de famille. Procéder d’une autre façon ôterait définitivement toute efficacité au programme. Ce sont là des considérations importantes dont on a toujours tiré d’utiles enseignements. Les programmes qui ne jouissent pas de la confiance des salariés auront du mal à recruter des participants et, si l’impression prévaut que ces programmes ne sont proposés par la direction que pour servir ses propres intérêts ou pour manipuler le personnel, il y a peu de chance qu’il en résulte quoi que ce soit d’utile.

En principe, les services de prévention sont dispensés par le personnel du service médical, souvent en collaboration avec un service interne d’éducation ouvrière (s’il en existe). Lorsque le personnel en question manque de temps ou de l’expérience nécessaire, ou lorsqu’il faut un équipement spécial (par exemple, pour une mammographie), ces services peuvent être fournis en passant un contrat avec un prestataire extérieur. Compte tenu des particularités de certaines entreprises, ces contrats sont parfois conclus par un responsable n’appartenant pas au service médical interne — c’est souvent le cas des entreprises décentralisées où ces contrats de services sont négociés par la direction avec des prestataires locaux. Toutefois, il est souhaitable de laisser au chef du service médical la responsabilité d’établir le cadre du contrat, de vérifier les capacités des prestataires éventuels et de les surveiller.

Dans de tels cas, et bien que des comptes rendus généraux puissent être fournis à la direction, les résultats individuels doivent être envoyés au service médical interne et conservés par ce dernier ou par le prestataire extérieur dans des dossiers confidentiels placés sous surveillance. En aucun cas, ces informations sur la santé du salarié ne doivent figurer dans le dossier classé au département des ressources humaines. L’un des grands avantages de disposer d’un service médical interne ne réside pas seulement dans le fait de pouvoir séparer les dossiers médicaux des autres dossiers de l’entreprise et de les placer sous le contrôle d’un professionnel de la santé au travail, mais aussi dans la possibilité d’utiliser ces informations comme base d’un suivi discret, de manière à ce que des recommandations médicales importantes ne soient pas ignorées. L’idéal est que le service médical interne, si possible de concert avec le médecin personnel du salarié, assure ou surveille la fourniture des services de diagnostic ou thérapeutiques voulus. D’autres membres du service médical interne, tels que kinésithérapeutes, masseurs, spécialistes de l’exercice physique, nutritionnistes, psychologues et hygiénistes pourront également faire profiter les intéressés de leurs connaissances particulières.

Les activités de promotion et de protection de la santé assurées par le service médical interne doivent nécessairement compléter son rôle premier de prévention et de traitement des accidents et des maladies liés au travail. Mises en œuvre et gérées de manière adéquate, elles apporteront une nette amélioration au programme de base de sécurité et de santé au travail, mais à aucun moment elles ne doivent s’y substituer. Confier la responsabilité des services de prévention au service médical interne facilitera la bonne intégration des deux programmes et permettra une utilisation optimale de ressources limitées.

Les éléments du programme

L’éducation et la formation

Le but ici est d’informer les salariés et les membres de leur famille sur une bonne hygiène de vie et de les convaincre de l’observer. L’idée est de les mettre en mesure de changer leur comportement en matière de santé afin de leur assurer une existence plus longue, plus saine, plus productive et plus agréable.

Diverses techniques de communications et divers types de présentations peuvent être utilisés à cette fin. Des dépliants attrayants et faciles à lire peuvent se révéler très utiles en cas de contraintes budgétaires. Ils sont mis à la disposition des intéressés dans des présentoirs de salles d’attente, distribués par courrier interne ou expédiés par la poste. Il est particulièrement indiqué de les remettre au salarié lors d’une discussion sur tel ou tel point de santé. Le chef du service médical ou la personne responsable du programme de prévention doit veiller à ce que les informations qu’ils contiennent soient exactes, pertinentes et présentées dans des termes compréhensibles (des éditions distinctes sont parfois nécessaires pour atteindre les différentes couches d’un personnel diversifié).

Le personnel du service médical interne ou des orateurs invités peuvent exposer certaines questions intéressant la santé au cours de réunions internes, tenues à l’heure du déjeuner; les salariés amènent leur casse-croûte, déjeunent tout en écoutant, sans se soucier d’une quelconque interférence avec les horaires de travail. Le travail en petits groupes interactifs animés par un professionnel de la santé bien informé est tout indiqué pour les travailleurs partageant un problème particulier; la pression de l’entourage constitue souvent une puissante motivation pour le respect des recommandations de santé. La consultation directe est bien entendu un vecteur excellent, mais elle est très exigeante en personnel et doit être réservée aux situations spéciales. Il faut toutefois veiller à ce que les salariés ayant des questions à poser aient toujours accès à une source d’informations fiable.

Les thèmes portent sur l’abandon du tabagisme, la gestion du stress, la consommation d’alcool et de drogues, la nutrition et la maîtrise du poids, la vaccination, les conseils préalables aux voyages et les maladies sexuellement transmissibles. On met souvent l’accent sur le contrôle des facteurs de risque de maladies cardio-vasculaires et cardiaques tels que l’hypertension et les teneurs anormales du sang en lipides. Parmi d’autres sujets fréquemment abordés, on peut citer le cancer, le diabète, les allergies, le traitement personnel des maladies mineures courantes et la sécurité chez soi et sur la route.

Certains thèmes se prêtent à des démonstrations et à une participation active: formation à la réanimation cardio-pulmonaire, formation aux premiers secours, exercices permettant d’éviter les efforts répétitifs et les dorsalgies, exercices de relaxation et cours d’autodéfense, particulièrement appréciés du personnel féminin.

Enfin, des expositions sur la santé organisées périodiquement, avec présentation d’organismes sanitaires bénévoles locaux, et des espaces proposant des campagnes de dépistage de masse, constituent un moyen très apprécié de susciter l’intérêt, voire l’engouement du public.

Les examens médicaux périodiques

Outre les visites médicales périodiques requises ou conseillées pour les salariés exposés à des risques particuliers du fait de leur travail ou du milieu, de nombreux services médicaux d’entreprise proposent des bilans de santé périodiques plus ou moins complets. Si les moyens en personnel et en équipement sont limités, des arrangements peuvent être conclus pour qu’ils soient effectués, souvent aux frais de l’employeur, dans des dispensaires locaux ou par des médecins privés. Lorsque de tels services ne sont pas disponibles localement, on peut faire en sorte qu’un prestataire vienne sur place avec une unité d’examen mobile ou installe des véhicules équipés sur l’aire de stationnement.

A l’origine, dans la plupart des entreprises, ces examens étaient réservés aux cadres moyens et supérieurs. Parfois, ils s’étendaient aux salariés justifiant d’un certain nombre d’années d’ancienneté ou atteints d’une affection déterminée. Ils comportaient fréquemment une anamnèse complète et un examen physique associé à toute une série de tests de laboratoire, d’examens radiologiques, d’électrocardiogrammes et de tests d’effort, et à l’exploration de tous les orifices corporels. Du moment que l’entreprise acceptait de payer, les centres d’examen à vocation «commerciale» ne tardaient pas à ajouter de nouveaux tests à mesure que de nouvelles technologies se faisaient jour. Dans les entreprises prêtes à offrir des prestations encore plus élaborées, ces contrôles avaient lieu à l’occasion d’un court séjour dans une station thermale en vogue: ils donnaient parfois des indications importantes et utiles, mais les erreurs étaient également fréquentes. Pour user d’un euphémisme, les examens pratiqués dans de telles conditions étaient plutôt coûteux.

Depuis quelques décennies, l’intensification des pressions économiques, la tendance à l’égalitarisme et, en particulier, l’absence de justification de ces examens, ont fait qu’on les a à la fois généralisés et rendus moins exhaustifs.

Aux Etats-Unis, le Groupe d’étude sur la prévention (US Preventive Services Task Force) a publié une évaluation de l’efficacité de 169 interventions préventives (1989). La figure 15.7 présente, sur une durée de vie complète, un calendrier des examens et des analyses destinés à des adultes en bonne santé occupant des postes de direction à faible risque (Guidotti, Cowell et Jamieson, 1989). Ce sont de tels efforts qui ont abaissé le coût et accru l’efficacité des examens médicaux périodiques.

Figure 15.7 Programme de suivi de l'état de santé sur la vie entière

Figure 15.7

Les dépistages périodiques

Ces programmes sont conçus pour détecter le plus tôt possible un état de santé ou un processus pathologique qui réponde à une intervention précoce visant à y remédier, d’une part, et, d’autre part, pour déceler les premiers signes et symptômes associés à de mauvaises habitudes de vie; si celles-ci sont abandonnées, on évitera ou différera une maladie ou un vieillissement prématuré.

L’accent est généralement mis sur les affections cardio-respiratoires, métaboliques (diabète) et musculo-squelettiques (lombalgies, efforts répétitifs), et la détection précoce du cancer (côlon, poumon, utérus, sein).

Certaines entreprises proposent de procéder à des évaluations périodiques des risques pour la santé sous la forme d’un questionnaire portant sur l’hygiène de vie et les symptômes potentiellement significatifs, souvent complété par des mesures physiques telles que la taille et le poids, l’épaisseur du pli cutané, la tension artérielle, l’analyse d’urine et la détermination du taux de cholestérol dans le sang. D’autres lancent des programmes de dépistage à grande échelle; les plus courants sont ceux qui recherchent l’hypertension, le diabète, le taux de cholestérol et le cancer. Il ne nous appartient pas de discuter ici de l’utilité de ces tests. Toutefois, le chef du service médical joue un rôle critique dans le choix des protocoles les plus appropriés au personnel et dans l’évaluation de la précision, de la spécificité et de l’intérêt prédictif des tests. Il importe, tout particulièrement lorsqu’on fait appel à du personnel temporaire ou à des partenaires extérieurs, que le chef du service médical vérifie leurs qualifications et leur formation afin de s’assurer de la qualité de leurs services. Tout aussi importants sont la communication rapide des résultats aux personnes ayant subi le dépistage, la possibilité de procéder immédiatement à des tests de confirmation et à un diagnostic plus poussés pour ceux dont les résultats sont positifs ou équivoques, l’accès à des informations fiables pour ceux qui peuvent avoir des questions à poser et un système de suivi destiné à encourager l’observation des recommandations. Lorsqu’on ne dispose pas d’un service médical interne ou si ce dernier ne peut participer au programme de dépistage, ces considérations sont souvent négligées, ce qui remet en question tout l’intérêt du programme.

La mise en forme physique

Dans nombre de grandes entreprises, la mise en forme physique est au centre du programme de promotion et d’entretien de la santé. Elle comprend des activités d’aérobic pour le cœur et les poumons, et des exercices de musculation et d’assouplissement pour le système musculo-squelettique.

Dans les entreprises disposant d’une salle de sport, celle-ci dépend souvent du service médical. De ce fait, elle est utilisable non seulement pour les programmes de mise en forme, mais aussi pour les exercices de prévention et de traitements des dorsalgies, des syndromes douloureux de l’épaule et de la main, etc. Une telle organisation facilite aussi le suivi médical des programmes d’exercice spéciaux destinés aux femmes reprenant leur travail à la suite d’une grossesse et aux salariés ayant subi une intervention chirurgicale ou ayant été victimes d’un infarctus du myocarde.

Les programmes de mise en forme physique peuvent être efficaces, mais ils doivent être élaborés et guidés par un personnel dûment formé sachant comment amener les personnes en mauvais état physique ou atteintes d’une déficience à une forme normale. Pour éviter les éventuels effets contraires, chaque personne participant à un programme de mise en forme physique doit passer une visite médicale, par exemple dans le service médical de l’entreprise.

L’évaluation du programme

Le chef du service médical est le mieux placé pour évaluer le programme de protection et de promotion de la santé de l’entreprise. L’accumulation des données tirées des estimations de risques, des examens médicaux et des dépistages périodiques, des visites au service médical, des absences pour accidents ou maladies, etc., recueillies pour un groupe donné de salariés ou pour l’ensemble du personnel, peut être mise en parallèle avec les évaluations du rendement, les coûts de réparation des accidents du travail et de l’assurance maladie et autres données relatives à la gestion pour permettre, au fil du temps, d’évaluer l’efficacité du programme. Ces analyses peuvent aussi servir à identifier d’éventuelles insuffisances justifiant une modification du programme et, parallèlement, elles peuvent montrer à la direction combien il est opportun de continuer à allouer au programme les moyens nécessaires. Des formules permettant de calculer le rapport coûts-avantages de ces programmes ont été publiées (Guidotti, Cowell et Jamieson, 1989).

Conclusion

Les publications scientifiques du monde entier apportent des preuves à l’appui des programmes de prévention médicale (Pelletier, 1991 et 1993). Le service médical d’entreprise présente des avantages uniques pour mener ces programmes et peut, à tout le moins, participer à leur conception, assurer leur suivi et évaluer leurs résultats. Le chef du service médical est parfaitement placé pour inscrire ces programmes dans les activités consacrées à la sécurité et à la santé des travailleurs, de manière à les promouvoir dans l’intérêt tant des salariés individuels (et de leur famille, lorsqu’elle participe au programme) que de l’entreprise.

LES PROGRAMMES D’AMÉLIORATION DE LA SANTÉ CHEZ MACLAREN INDUSTRIES, INC.: ÉTUDE DE CAS

Ian M.F. Arnold et Louis Damphousse

Introduction

L’entreprise

James Maclaren Industries, Inc., l’entreprise choisie pour cette étude de cas, fabrique du papier et de la pâte à papier et est implantée dans l’Ouest de la province du Québec, au Canada. Filiale de Noranda Forest, Inc., elle comporte trois grandes divisions: une usine de pâte de bois dur, une unité de production de papier journal à partir de pâte mécanique, une centrale hydroélectrique. L’industrie du papier et de la pâte à papier prédomine dans la région, et la société objet de l’étude est plus que centenaire. Le personnel, soit environ 1 000 salariés, est d’origine locale, et il n’est pas rare que plusieurs générations de la même famille aient travaillé pour cet employeur. La langue de travail est le français, mais la plupart des salariés sont pratiquement bilingues (français et anglais). L’entreprise dispose depuis plus de quarante ans d’un service médical interne. Si les prestations offertes à l’origine étaient plutôt de type «traditionnel», depuis quelques années, l’entreprise a adopté une approche préventive qui va de pair avec la volonté d’«amélioration permanente» affichée dans toute l’entreprise Maclaren.

La prestation de services de médecine du travail

Le médecin d’entreprise a des responsabilités sur les lieux de travail, et il est placé sous l’autorité directe des directeurs de la santé, de la sécurité et de l’amélioration permanente. Ce dernier rend compte directement au président de la société. Un personnel infirmier est employé à plein temps sur les deux principaux sites (l’usine de pâte à papier, qui compte 390 salariés, et l’unité de papier journal qui en compte 520) et relève du médecin pour toutes les questions touchant à la santé. L’infirmière affectée à la division du papier journal est également responsable de la division énergie/forêt (60 personnes) et du siège social (50 personnes). Un hygiéniste à temps complet et des fonctionnels sécurité sur les trois sites viennent compléter l’équipe professionnelle s’occupant de la santé et d’activités connexes.

L’approche préventive

La prévention des maladies et des accidents est conduite par l’équipe chargée de la sécurité et de la santé du travail, avec la collaboration de toutes les parties intéressées. Les méthodes généralement utilisées n’établissent pas de distinction entre la prévention liée au travail et celle qui ne l’est pas. On considère que la prévention reflète une attitude ou une qualité qui ne s’arrête pas aux portes de l’usine. Dans le même esprit, l’entreprise est convaincue que la prévention est susceptible d’améliorations permanentes; c’est la raison pour laquelle elle fait évaluer ses divers programmes.

L’amélioration permanente des programmes de prévention

Les programmes d’évaluation de l’état de santé, de l’hygiène du travail, de l’environnement, des plans d’urgence et de la sécurité font partie intégrante de la politique d’amélioration permanente. Les conclusions des évaluations, même si elles ont trait au respect de la légalité et du règlement intérieur, insistent également sur les «meilleures pratiques de gestion» dans les domaines jugés susceptibles d’amélioration. Aussi les programmes de prévention sont-ils sans cesse réexaminés et des idées présentées, afin d’atteindre les objectifs de prévention des programmes de santé au travail et des programmes connexes.

Les bilans de santé

Tous les candidats à l’emploi sont soumis à des bilans de santé préalables à l’embauche axés sur les risques (chimiques, physiques ou biologiques) présents sur le lieu de travail. Des recommandations indiquant l’aptitude au travail et des restrictions éventuelles sont formulées en fonction de ce bilan. Elles visent à réduire les accidents ou les maladies. L’enseignement de l’hygiène du travail, qui fait partie du bilan de santé, a pour but de sensibiliser les travailleurs aux effets possibles des risques professionnels et de les inciter à prendre des mesures pour les réduire, en particulier celles qui concernent leur santé.

Les programmes d’évaluations périodiques de l’état de santé dépendent de l’exposition et des risques propres au lieu de travail. Le programme de protection de l’ouïe est un exemple parfait d’un programme conçu pour éviter les atteintes à la santé. L’accent est mis sur la réduction du bruit à la source et le personnel participe à l’établissement d’un ordre de priorité en la matière. Un bilan audiométrique effectué tous les cinq ans fournit une excellente occasion de conseiller le personnel quant aux signes et symptômes d’un déficit auditif induit par le bruit et aux mesures préventives, tout en aidant à évaluer l’efficacité du programme de contrôle. Il est recommandé aux salariés de suivre les mêmes conseils hors du travail — c’est-à-dire d’utiliser une protection auditive et d’éviter toute exposition au bruit.

Des bilans de santé spécifiques pour certains risques sont également effectués pour les travailleurs affectés à des tâches spéciales telles que la lutte contre l’incendie, le sauvetage, le travail en station d’épuration, les travaux entraînant une exposition excessive à la chaleur, la manœuvre d’une grue et la conduite de véhicules. De même, les salariés qui se servent de masques respiratoires doivent subir un examen permettant de déterminer s’ils sont médicalement aptes au port du masque. Les risques d’exposition encourus par le personnel des sous-traitants sont également évalués.

Informations sur les risques

Il est également obligatoire de communiquer à tout le personnel des informations relatives aux risques pour la santé. Il s’agit là d’une tâche d’envergure puisqu’il faut informer les salariés des effets sur la santé des diverses substances auxquelles ils peuvent être exposés. A titre d’exemple, on parlera des substances qui peuvent provoquer toute une série de troubles respiratoires, c’est-à-dire soit des produits issus de réactions impliquant d’autres matières, soit des produits présentant un danger par exposition directe: on citera dans ce domaine le dioxyde de soufre, le sulfure d’hydrogène, le chlore, le dioxyde de chlore, le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote et les fumées de soudage. Les fiches de données de sécurité (FDS) relatives aux produits (connues également en anglais sous le nom de Material Safety Data Sheets (MSDS)) constituent la principale source d’informations sur ce sujet. Malheureusement, les FDS des fournisseurs ne donnent pas des informations suffisamment précises sur les risques pour la santé et sur la toxicité, et il peut se faire qu’elles ne soient pas disponibles dans les deux langues officielles. Ce problème a été résolu sur l’un des sites de la société (cette mesure sera étendue aux autres sites) par la mise au point de fiches donnant sur une page des informations médicales tirées d’une base de données complète et fiable (utilisant un logiciel de rédaction de FDS disponible dans le commerce). Le projet a été entrepris avec le soutien des membres du comité paritaire de santé et de sécurité; il a non seulement permis de résoudre un problème de communication, mais encore a encouragé toutes les parties présentes sur le lieu de travail à y participer.

Les programmes de dépistage de l’hypercholestérolémie

L’entreprise a mis à la disposition de tous ses employés, et sur tous ses sites, un programme volontaire de dépistage de l’hypercholestérolémie. Ce programme fournit des conseils sur les conséquences pour la santé d’un taux élevé de cholestérol, sur le suivi médical nécessaire (par le médecin de famille) et sur la nutrition. Lorsqu’il existe des services de restauration sur le lieu de travail, des aliments à apport nutritif contrôlé sont proposés au personnel. Le personnel médical met également des brochures sur la nutrition à la disposition des salariés et de leur famille pour les aider à comprendre et à réduire les facteurs de risque pour leur santé personnelle.

Les programmes de dépistage de l’hypertension artérielle

Que ce soit en conjonction avec les campagnes publiques annuelles ou périodiques (Mois du cœur (Heart Month)), l’entreprise encourage ses employés à faire contrôler leur tension artérielle et, le cas échéant, à se faire suivre. Des conseils leur sont dispensés pour les aider — eux et, indirectement, leur famille — à comprendre les complications médicales que peut entraîner l’hypertension et à recourir aux ressources médicales publiques dans le cas où un suivi plus poussé ou un traitement se révélerait nécessaire.

Les programmes d’aide aux salariés et à leur famille

Les problèmes qui se répercutent sur les résultats professionnels ont fréquemment leur origine dans des difficultés extérieures au travail. Dans de nombreux cas, ils reflètent des difficultés liées au contexte social de l’employé, à son milieu familial ou à la collectivité. Il existe pour cela des possibilités de consultations internes et externes. L’entreprise a mis en place depuis plus de cinq ans un programme confidentiel d’aide aux salariés (et, plus récemment, à leur famille) qui touche bon an mal an environ 5% du personnel. Il a bénéficié d’une large publicité, et les travailleurs ont été encouragés à y participer dès qu’ils en éprouvent le besoin. Les informations reçues en retour indiquent que le programme a largement contribué à minimiser ou à éviter la détérioration des performances professionnelles. Les raisons principales invoquées pour recourir au programme d’aide sont les problèmes familiaux et sociaux (90%); l’alcoolisme et les problèmes de drogue ne représentent qu’un faible pourcentage du total des cas (10%).

Le programme d’aide au personnel contient un autre élément institué par l’entreprise, une procédure de suivi psychologique pour tous les incidents sérieux. En effet, les accidents mortels ou graves peuvent avoir des effets particulièrement néfastes sur les salariés et entraîner de lourdes conséquences à long terme, non seulement pour le bon fonctionnement de l’entreprise mais aussi, et plus particulièrement, pour les personnes impliquées dans l’incident.

Les programmes de bien-être

Plus récemment, l’entreprise a décidé d’élaborer un programme de «bien-être» qui vise à prévenir les maladies par une approche intégrée. Ce programme comporte plusieurs composantes: santé cardio-respiratoire, mise en condition physique, nutrition, abandon du tabagisme, gestion du stress, traitement des dorsalgies, prévention du cancer et lutte contre l’abus de certaines substances. Plusieurs de ces thèmes ont déjà été mentionnés plus haut; d’autres (non abordés ici) seront mis en œuvre de manière progressive.

Les programmes spéciaux de communication

  1. VIH/sida. L’apparition du VIH/sida dans la population a mis en lumière la nécessité d’informer la communauté des travailleurs, et ce, pour deux raisons: d’une part, pour apaiser la peur d’une contagion en cas de contamination d’un salarié et, d’autre part, pour faire connaître les mesures de prévention et les modes de contamination. Un programme a été mis à la disposition du personnel, à titre volontaire, afin de répondre à ces deux objectifs. Les centres de santé ont également distribué des brochures et autres documents.
  2. Communication des résultats d’études. On trouvera ci-après des exemples de deux communications récentes sur des études de santé menées dans des domaines qui préoccuperaient tout spécialement les salariés.
  3. Sujets d’intérêt collectif. Toujours animée par un souci de prévention, la société a invité les médecins locaux à visiter ses bâtiments, à rencontrer le personnel chargé de l’hygiène et de la santé du personnel et à assister à des exposés sur la santé dans l’industrie du papier et de la pâte à papier. Cette initiative a aidé les praticiens locaux à mieux comprendre les conditions de travail et, notamment, l’exposition aux risques, ainsi que les exigences liées au travail des salariés. L’entreprise et les médecins œuvrent désormais de concert afin de diminuer les effets néfastes éventuels des accidents et maladies.
    La population locale a également été invitée à des séances d’information sur les problèmes d’environnement liés aux activités de la société et elle a pu poser des questions sur les sujets qui la préoccupent (y compris les problèmes de santé). L’intérêt de la prévention est ainsi porté à la connaissance de la collectivité.
  4. Tendances de la prévention. On envisage de recourir à des techniques de modification du comportement pour renforcer l’état de santé des travailleurs et diminuer l’incidence des accidents et maladies. Les modifications n’auront pas seulement un effet positif sur les habitudes d’hygiène professionnelle des travailleurs, mais également sur leur milieu familial.

La participation du personnel aux décisions sur la sécurité et la santé existe déjà dans les comités mixtes de sécurité et de santé. On recherche activement à l’heure actuelle d’autres moyens d’étendre ce partenariat à de nouveaux domaines.

Conclusion

Les éléments essentiels du programme de Maclaren sont les suivants:

La présente étude de cas a été axée sur des programmes existants conçus pour promouvoir la santé du personnel et éviter certains effets indésirables. Les possibilités de renforcement de cette approche sont illimitées et s’harmonisent parfaitement avec la volonté d’amélioration permanente qui caractérise cette entreprise.

LE RÔLE DU SERVICE MÉDICAL INTERNE DANS LES PROGRAMMES DE PRÉVENTION: ÉTUDE DE CAS

Wayne N. Burton

La First Chicago Corporation est une société holding de la First National Bank of Chicago, qui occupe la onzième position parmi les plus grandes banques des Etats-Unis. Cette société compte 18 000 salariés, dont 62% de femmes. L’âge moyen est de 36,6 ans. La plupart des salariés travaillent dans les Etats de l’Illinois, de New York, du New Jersey et du Delaware. Il y a environ cent lieux de travail distincts dont la taille va de 10 à plus de 4 000 salariés. Les six plus grands, avec chacun plus de 500 salariés (représentant à eux seuls 80% de l’effectif total), disposent de services médicaux internes gérés par le département médical du siège, en collaboration avec le responsable local des ressources humaines. Les petits établissements sont visités par un personnel infirmier professionnel et participent aux programmes par des documents écrits, des cassettes vidéo et des communications téléphoniques et, pour les programmes spéciaux, par des contrats passés avec des partenaires locaux.

En 1982, le département médical et l’administration des prestations de la société ont mis au point un programme complet de bien-être géré par le département médical et visant notamment à améliorer l’état de santé des salariés et de leur famille afin de réduire autant que possible les coûts des soins de santé et de l’incapacité.

Du besoin de données sur les soins de santé

Afin que la First Chicago Corporation reprenne un certain contrôle de l’escalade des coûts de santé, le département médical et l’administration des prestations de la société sont tombés d’accord sur le fait qu’il fallait analyser en détail les sources de dépenses. En 1987, la frustration éprouvée à la suite de l’insuffisance qualitative et quantitative des données disponibles a conduit la société à planifier, à mettre en œuvre et à évaluer ses propres programmes de promotion de la santé. Deux consultants spécialistes des systèmes d’information ont été engagés pour aider à constituer une base de données interne, dénommée Système d’information sur la médecine et les soins infirmiers du travail (Occupational Medicine and Nursing Information (OMNI) System) (Burton et Hoy, 1991). Pour garantir sa confidentialité, le système est installé dans le département médical.

Les bases de données OMNI regroupent les demandes de remboursement de soins de santé (hospitalisation et traitement ambulatoire) et celles formulées au titre de l’incapacité et des accidents du travail, les prestations fournies par le Programme d’aide aux salariés de la banque (Bank’s Employee Assistance Program (EAP)), les relevés d’absences, la participation au programme de bien-être, les évaluations des risques pour la santé (ERS), les traitements prescrits et les conclusions des analyses de laboratoire et des examens médicaux. Ces données sont examinées périodiquement afin d’évaluer l’impact du programme de bien-être et d’indiquer les éventuels changements à opérer.

Le programme de bien-être de la First Chicago Corporation

Le programme de bien-être comprend un vaste éventail d’activités portant sur les domaines ci-après:

Le programme de santé destiné au personnel féminin

En 1982, la First National Bank of Chicago s’est rendu compte de ce que plus de 25% du total des soins de santé des employés et de leur famille correspondaient à des problèmes de santé féminins. En outre, plus de 40% de tous les arrêts pour incapacité de courte durée (six mois au maximum) étaient dus à des grossesses. Pour maîtriser ces coûts en contribuant à assurer des soins de qualité à prix raisonnable, un programme complet a été élaboré, axé sur la prévention, la détection précoce et le contrôle des problèmes de santé chez les femmes (Burton, Erikson et Briones, 1991). Le programme comprend aujourd’hui les prestations suivantes:

Le programme d’aide aux salariés et les soins de santé mentale

En 1979, la banque a institué un programme d’aide aux salariés (Employee Assistance Programme (EAP)) dans lequel figurent consultations, conseils, renvoi à des spécialistes et suivi pour de nombreux problèmes personnels tels que troubles psychologiques, conflit de personnalité, dépendance vis-à-vis de l’alcool et d’autres drogues, ainsi que tous les troubles de la dépendance en général. Les salariés peuvent demander eux-mêmes à bénéficier de ces services, ou cette démarche peut être faite par un supérieur hiérarchique ayant discerné des difficultés dans leur travail ou dans leurs relations avec des collègues. Le programme EAP organise également des ateliers sur toute une variété de thèmes tels que la gestion du stress, la violence et les bons comportements parentaux. Ce programme, qui dépend du département médical, compte désormais six psychologues cliniciens salariés à temps plein ou à temps partiel. Les psychologues sont attachés à chacun des six services médicaux et, de plus, ils se déplacent dans les locaux des banques satellites en cas de besoin.

En outre, le programme EAP gère les cas d’invalidité psychiatrique de courte durée (jusqu’à six mois d’arrêt continu). Le but de cette démarche est de veiller à ce que les employés recevant des pensions d’incapacité pour motifs psychiatriques soient convenablement soignés.

En 1984, un programme complet a été lancé dans le but de mettre à la disposition des salariés et de leurs personnes à charges des prestations de soins psychologiques à la fois économiques et de bonne qualité (Burton et coll., 1989; Burton et Conti, 1991). Ce programme comporte quatre composantes:

Malgré un élargissement de la couverture d’assurance maladie permettant de rembourser à hauteur de 85% (au lieu de 50%) les frais liés aux solutions de remplacement de l’internement (par exemple, les programmes d’hospitalisation partielle et les programmes de soins ambulatoires intensifs), le coût des soins de santé mentale de la First Chicago Corporation est tombé de près de 15% du total des frais médicaux en 1983, à moins de 9% en 1992.

Conclusion

Il y a plus de dix ans que la First Chicago Corporation a lancé un programme de bien-être complet dont le slogan était «La First Chicago mise sur votre santé». Le programme de bien-être est le résultat d’un effort conjoint du département médical et de l’administration des prestations de la banque. On estime qu’il a entraîné une amélioration de la santé et du rendement des employés et une réduction des coûts des soins de santé évitables, tant pour les salariés que pour la banque elle-même. En 1993, le programme de bien-être de la First Chicago Corporation a reçu le prix C. Everett Koop ainsi nommé en l’honneur de l’ancien ministre de la Santé des Etats-Unis.

LA PROMOTION DE LA SANTÉ SUR LES LIEUX DE TRAVAIL AU JAPON

Toshiteru Okubo

La promotion de la santé sur les lieux de travail au Japon a sensiblement progressé depuis que la loi sur la sécurité et la santé au travail a été modifiée en 1988 et que les employeurs ont été invités à introduire des programmes de promotion de la santé dans leurs entreprises. Même si la loi ainsi modifiée ne prévoyait pas de sanctions, le ministère du Travail de l’époque a commencé à encourager activement les employeurs à mettre en place des programmes de promotion de la santé. C’est ainsi qu’il a soutenu la formation et l’éducation en vue d’accroître le nombre de spécialistes qualifiés pour participer à de tels programmes, dont des médecins spécialistes de la promotion de la santé au travail, des formateurs et animateurs en matière de santé, des conseillers en santé mentale, en nutrition et en santé des travailleurs. Si les employeurs sont encouragés à organiser des programmes de promotion de la santé dans leurs entreprises, ils ont aussi la possibilité d’opter pour des prestations extérieures, et ce tout spécialement lorsqu’il s’agit d’une petite entreprise n’ayant pas les moyens de mettre sur pied un programme interne. Le ministère du Travail établit des directives sur le fonctionnement de ces services. Le programme de promotion de la santé des travailleurs, désormais conçu et administré par le gouvernement japonais, est intitulé «plan de promotion de la santé globale».

Le programme standard de promotion de la santé

Si une entreprise est suffisamment grande pour se doter de tous les spécialistes susmentionnés, il lui est fortement recommandé de les réunir en comité et de leur confier la responsabilité de la planification et de l’exécution du programme de promotion de la santé. Ce comité doit tout d’abord analyser l’état de santé des travailleurs et établir un ordre de priorité pour le programme de promotion de la santé qui doit être complet et reposer sur des approches à la fois collectives et individuelles.

Sur le plan collectif, divers cours d’éducation peuvent être proposés, par exemple sur la nutrition, l’hygiène de vie, la gestion du stress et les loisirs. Il est recommandé d’organiser des activités de groupe en plus des cours théoriques, afin d’encourager les employés à participer à des activités pratiques, de manière que les informations dispensées pendant les cours modifient effectivement les comportements.

Comme première mesure de l’approche individuelle, un bilan de santé doit être établi par le praticien de la promotion de la santé au travail. Celui-ci fournit ensuite à l’intéressé un plan fondé sur les résultats et tenant compte des informations obtenues du conseiller en santé des travailleurs ou du conseiller en santé mentale (ou des deux). Suivant ce plan, les spécialistes fourniront les instructions ou conseils nécessaires. Le formateur aux soins de santé mettra alors au point un programme d’entraînement physique du personnel, et l’animateur surveillera l’instruction pratique dans le gymnase. Le cas échéant, un conseiller en nutrition enseignera les principes de sa discipline, et le conseiller en santé mentale ou en santé des travailleurs rencontrera l’intéressé pour lui prodiguer des conseils spécifiques. Les résultats de ces plans personnalisés doivent être évalués périodiquement par le médecin du travail, de façon à améliorer le programme au fil du temps.

La formation de spécialistes

Le ministère a chargé l’Association japonaise de sécurité et de santé au travail (d’après son nom anglais (Japan Industrial Safety and Health Association (JISHA)), organisation semi-officielle de promotion des activités bénévoles de sécurité et de santé dans le secteur privé, d’organiser officiellement des stages de formation des spécialistes de la promotion de la santé. Pour être reconnu comme l’un des six spécialistes évoqués plus haut, il faut justifier de connaissances de base et suivre un stage de spécialisation. Le médecin du travail, par exemple, doit être titulaire du diplôme national du médecine et avoir suivi une formation de 22 heures sur la conduite du bilan de santé qui détermine l’élaboration du plan de promotion de la santé. Le stage destiné au formateur en matière de santé, le plus long des six, dure 139 heures; une condition préalable à l’admission est la possession d’une licence en sciences de la santé ou d’un diplôme d’athlétisme. Les personnes ayant trois années ou plus d’expérience pratique du poste d’animateur sont admises à suivre ce stage. L’animateur est la personne responsable de la formation du personnel selon les prescriptions du formateur. Pour devenir animateur, il faut avoir au moins 18 ans et avoir suivi un stage d’une durée de 28,5 heures. Pour être admis au stage de conseiller en santé mentale, il est nécessaire d’avoir l’une des expériences suivantes ou d’être titulaire de l’un des diplômes suivants: licence de psychologie, de sciences de la santé ou de sciences sociales; certificat d’infirmier de santé publique ou diplôme d’infirmier; diplôme de formateur; avoir suivi un cours de la JISHA; qualification de surveillant de santé; ou cinq années ou plus d’expérience comme conseiller. La durée du stage de conseiller en santé mentale est de 16,5 heures. Seuls les nutritionnistes qualifiés sont en droit de suivre le stage de conseiller en nutrition, d’une durée de 16 heures. Le personnel infirmier qualifié de santé publique et le personnel infirmier ayant trois années ou plus d’expérience pratique comme conseiller peuvent suivre le stage de conseiller en santé des travailleurs qui dure 20,5 heures. On compte sur le conseiller en santé des travailleurs pour assurer le succès du programme de promotion de la santé au travail. A la fin décembre 1996, les spécialistes inscrits auprès de la JISHA comme ayant dûment suivi les stages se répartissaient comme suit: médecins spécialistes de la promotion de la santé au travail, 2 895; formateurs, 2 800; animateurs, 11 364; conseillers en santé mentale, 8 307; conseillers en nutrition, 3 888; conseillers en santé des travailleurs, 5 233.

Les institutions de services

La JISHA agrée deux sortes d’institutions de services en matière de promotion de la santé et tient à la disposition du public une liste des institutions enregistrées. L’une est autorisée à faire des bilans de santé permettant au médecin du travail de mettre au point un plan personnalisé. Ce type d’institution peut dispenser de nombreuses prestations de promotion de la santé. L’autre type ne peut qu’assurer des cours d’éducation physique, conformément au plan élaboré par un formateur. Fin mars 1997, le nombre d’institutions était de 72 pour la première catégorie et de 295 pour la seconde.

Le soutien financier du ministère

Le ministère du Travail dispose d’un budget pour financer les stages de formation proposés par la JISHA, mettre en place de nouveaux programmes par les entreprises et doter les institutions de services de matériel d’éducation physique. Lorsqu’une entreprise instaure un nouveau programme, le ministère prend les dépenses à sa charge par l’intermédiaire de la JISHA pour une période de trois ans au maximum. Le montant dépend de la taille de l’entreprise: le ministère participe à hauteur des deux tiers de l’investissement total si le nombre de salariés d’une entreprise est inférieur à 300 et à un tiers du total si le nombre dépasse 300 salariés.

Conclusion

Il est encore un peu tôt dans l’histoire du «plan de promotion de la santé globale» pour procéder à une évaluation fiable de son efficacité, mais il est généralement admis qu’il doit faire partie intégrante de tout programme complet de santé au travail. Le statut général des services japonais de santé au travail fait toujours l’objet d’améliorations. Dans les entreprises les plus modernes, c’est-à-dire en général les plus grandes, le plan est déjà parvenu à un niveau permettant d’évaluer le degré de promotion de la santé dans le personnel et l’ampleur des gains en productivité. En revanche, dans les entreprises de plus petite taille, et même si la majeure partie des dépenses nécessaires au plan peuvent être prises en charge par l’Etat, les systèmes de santé déjà en place ne peuvent pas, le plus souvent, intégrer des activités supplémentaires de maintien de la santé.

L’ÉVALUATION DES RISQUES POUR LA SANTÉ

Leon J. Warshaw

Introduction

Depuis quelques dizaines d’années, l’évaluation des risques pour la santé (ERS) est devenue un instrument de plus en plus apprécié, principalement aux Etats-Unis, pour sensibiliser le public aux questions de santé et entraîner une modification des comportements. Elle sert aussi d’introduction aux dépistages périodiques ou de solution de remplacement et, lorsqu’elle est pratiquée sur un groupe de personnes, elle permet de définir les objectifs du programme d’éducation ou de promotion de la santé à élaborer pour le groupe en question. Elle se fonde sur les concepts suivants:

La mise au point de l’ERS dans les années quarante et cinquante est attribuée au docteur Lewis Robbins, qui collaborait à l’étude prospective Framingham sur les maladies cardiaques avant de rejoindre l’Institut national du cancer (National Cancer Institute) (Beery et coll., 1986). Les années soixante ont vu le développement de modèles complémentaires et, en 1970, Robbins et Hall ont publié l’ouvrage de référence qui définissait la technique utilisée, décrivait les instruments de l’enquête et les calculs de risque, et ébauchait une stratégie d’information du patient (Robbins et Hall, 1970).

L’intérêt pour l’ERS et la promotion de la santé en général a été stimulé par plusieurs phénomènes: l’importance de maîtriser le facteur risque, premier échelon dans une campagne de promotion de la santé, a été reconnue; le développement de l’informatique aux fins de la collecte et de l’analyse des données; l’inquiétude croissante, tout spécialement aux Etats-Unis, face à l’escalade des dépenses de santé et l’espoir que la prévention pourrait ralentir sa spirale ascensionnelle. En 1982, Edward Wagner et ses collègues de l’Université de Caroline du Nord furent en mesure d’identifier 217 fournisseurs d’ERS publics et privés aux Etats Unis (Wagner et coll., 1982). Bon nombre de ceux-ci ont depuis lors disparu, mais ils ont été remplacés, au moins dans une certaine mesure, par de nouveaux venus sur le marché. D’après le compte rendu paru en 1989 d’une enquête portant sur un échantillon aléatoire de lieux de travail sur le territoire des Etats-Unis, 29,5% d’entre eux avaient mené des activités liées à l’ERS; pour les établissements de plus de 750 salariés, le chiffre s’élevait à 66% (Fielding, 1989). Les autres pays ont pris un retard considérable dans la mise en œuvre de l’ERS.

Qu’est-ce qu’une ERS?

Aux fins du présent article, une ERS se définit comme un instrument d’évaluation des risques pour la santé qui comporte trois éléments essentiels:

  1. Un questionnaire à remplir soi-même portant sur le profil de l’intéressé, ses antécédents médicaux et familiaux, ses habitudes personnelles et son hygiène de vie. Ces informations sont fréquemment complétées par des mesures biomédicales telles que la taille, le poids, la tension artérielle et l’épaisseur du pli cutané, ainsi que par des données tirées de l’analyse d’urine, de la recherche du taux de cholestérol sanguin et d’autres examens de laboratoire, qu’elles soient fournies par l’intéressé ou relevées par l’ERS.
  2. Une estimation quantitative du risque de décès ou autre incident de la personne lié à des causes spécifiques, se fondant sur une comparaison de ses réponses avec des données épidémiologiques, des statistiques nationales de mortalité et des calculs actuariels. Certains questionnaires sont auto-évalués: des points sont attribués à chaque réponse et leur addition permet d’en tirer une note de risque. Au moyen d’un logiciel informatique approprié, on peut saisir les réponses dans un micro-ordinateur qui calculera la note définitive. La plupart du temps, les questionnaires complétés sont envoyés à un service central en vue d’être traités par lots, et les résultats individuels sont expédiés par courrier ou remis directement aux participants.
  3. Des informations en retour adressées à l’intéressé, assorties de suggestions touchant son hygiène de vie et d’autres actions susceptibles d’améliorer son bien-être et de réduire le risque de maladie ou de décès prématuré.

A l’origine, l’évaluation du risque total était représentée par un chiffre unique; l’objectif pouvait être alors de le ramener à une valeur «normale», voire même inférieure à la normale (par rapport à l’ensemble de la population), par une modification du comportement. Pour rendre les résultats plus parlants et plus convaincants, le risque s’exprime parfois sous la forme d’un «âge médical» ou «âge de risque» à comparer à l’âge chronologique de la personne, et d’un «âge optimum» comme objectif des interventions. Par exemple, un compte rendu pouvait se lire ainsi: «Votre âge actuel est de 35 ans, mais vous avez l’espérance de vie d’une personne de 42 ans. En suivant ces recommandations, vous pouvez ramener votre âge de risque à 32 ans, d’où un gain de dix ans sur votre durée de vie projetée.»

Plutôt que de comparer l’état de santé de l’intéressé avec la «norme» correspondant à l’ensemble de la population, certaines ERS proposent une note de «santé optimale»: c’est la plus haute note qui puisse être atteinte en suivant toutes les recommandations. Cette approche apparaît particulièrement utile pour amener les jeunes qui peuvent ne pas avoir encore accumulé de risques significatifs pour leur santé à une hygiène de vie optimale.

Le recours à un «âge de risque» ou à un chiffre unique pour représenter le statut de risque composite de l’intéressé peut être trompeur: en effet, un facteur de risque important peut être compensé statistiquement par de «bonnes» notes dans les autres domaines et créer un faux sentiment de sécurité. Par exemple, une personne présentant une tension artérielle normale, un faible taux de cholestérol et de bons antécédents familiaux, qui entretient sa forme physique et porte sa ceinture de sécurité en voiture, peut obtenir une bonne note de risque, même si elle fume. On voit donc combien il est souhaitable de se concentrer sur chaque élément de risque «supérieur à la moyenne», au lieu de se fier à une seule note composite.

Il convient de ne pas confondre le questionnaire ERS avec ceux que l’on utilise pour classifier l’admissibilité de patients à des traitements particuliers ou pour évaluer les résultats de ceux-ci, pas plus qu’avec les divers instruments utilisés pour évaluer le degré d’incapacité, la santé mentale, la mauvaise santé ou l’asociabilité, encore qu’il arrive que ces échelles soient parfois incorporées à certaines ERS.

Le questionnaire ERS

Quoique le questionnaire ERS fasse parfois partie d’un examen médical périodique préalable à l’embauche ou au placement, il est généralement proposé indépendamment de celui-ci et à titre volontaire. Il en existe de nombreuses variétés: certains se limitent aux questions essentielles qui amènent directement au calcul de l’âge de risque, d’autres les insèrent parmi des thèmes médicaux et comportementaux (anamnèse complète; perception du stress; échelles de mesure de l’anxiété, de la dépression et autres troubles psychologiques; nutrition; recours aux services de prévention; habitudes personnelles et même relations avec l’entourage). Certains fournisseurs autorisent les acheteurs à ajouter des questions, encore que les réponses ne soient généralement pas intégrées dans le calcul du risque pour la santé.

Pratiquement toutes les ERS utilisent désormais des formulaires comportant des cases à cocher ou à remplir au crayon aux fins de saisie manuelle sur ordinateur par un opérateur ou par un système de reconnaissance optique de caractères. Il est de règle que les questionnaires complétés soient recueillis et traités par lots dans l’entreprise ou chez le fournisseur d’ERS. Pour assurer la confidentialité du programme, les questionnaires complétés sont parfois expédiés directement par la poste au fournisseur pour traitement, les comptes rendus étant expédiés également par la poste au domicile des participants. Dans certains programmes, seuls les résultats «normaux» sont envoyés par la poste aux participants, tandis que les salariés dont les résultats appellent une intervention sont invités à des entretiens privés avec des personnes formées à cet effet, qui interprètent les résultats et ébauchent les mesures correctives appropriées. La généralisation des micro-ordinateurs et la plus grande familiarité avec ce matériel ont conduit à la mise au point de logiciels interactifs qui permettent la saisie directe des réponses sur un micro-ordinateur, ainsi que le calcul et la communication immédiats des résultats, assortis de recommandations visant la réduction du risque. Cette approche permet à chacun de décider s’il doit se faire aider par un membre du personnel spécialisé au cas où une clarification des résultats et de leurs conséquences serait nécessaire. A l’exception des cas où le programme informatique permet le stockage des données ou leur transfert dans une banque de données centralisée, cette solution ne fournit pas d’informations autorisant un suivi systématique et elle empêche la mise au point de rapports généraux.

La gestion du programme

La gestion du programme ERS est généralement confiée aux directeurs respectifs du service médical interne, du programme de bien-être ou, moins fréquemment, du programme d’aide aux salariés. Assez souvent, toutefois, le programme est organisé et contrôlé par les services du personnel ou des ressources humaines. Dans certains cas, un comité consultatif est créé, souvent avec une participation du personnel ou du syndicat. Les programmes incorporés à la marche normale de l’entreprise semblent tourner plus régulièrement que ceux qui existent en tant que projets isolés (Beery et coll., 1986). La place du programme dans l’entreprise peut faciliter son acceptation par les salariés, en particulier lorsque la confidentialité des informations personnelles sur la santé est en question. Pour éliminer toute préoccupation de ce genre, le questionnaire complété est généralement expédié par la poste sous enveloppe fermée au fournisseur de services, qui traite les données et expédie le compte rendu individuel (là encore sous pli fermé) directement au domicile du participant.

Pour encourager la participation, la plupart des entreprises annoncent le programme par tracts, affiches et articles dans la lettre d’information interne. A l’occasion, des petits cadeaux (par exemple, T-shirts, livres et autres prix) sont offerts en récompense pour avoir mené l’exercice à bien; on peut même envisager des récompenses monétaires (baisse de la contribution des salariés aux primes d’assurance maladie) en cas de succès dans la réduction d’un risque grave. Certaines entreprises réunissent le personnel pour lui communiquer les objectifs et procédures du programme et lui indiquer comment compléter le questionnaire. D’autres se contentent de distribuer un questionnaire accompagné d’instructions écrites à chaque salarié (et aux personnes à leur charge si celles-ci participent au programme). Dans certains cas, un ou plusieurs rappels sont envoyés afin d’accroître la participation. Il est de toute façon important qu’une personne soit désignée, que ce soit dans l’entreprise ou chez le fournisseur du programme ERS, pour répondre directement ou par téléphone aux questions posées. Il convient de noter que, même si le questionnaire n’a pas été complété et renvoyé, le seul fait de le lire peut renforcer les informations reçues d’autres sources, sensibiliser aux questions de santé et influer favorablement sur le comportement futur.

Nombreux sont les formulaires qui demandent des informations cliniques dont l’intéressé peut ou non avoir connaissance. Dans certaines entreprises, le personnel chargé du programme mesure effectivement la taille, le poids, la tension artérielle et l’épaisseur du pli cutané, et recueille des échantillons de sang et d’urine pour les analyses de laboratoire. Les résultats sont ensuite intégrés dans les réponses au questionnaire; si ces données ne sont pas saisies, le logiciel de traitement informatique peut insérer automatiquement des chiffres représentant les «normes» pour des personnes de même sexe et de même âge.

Le délai d’exécution peut être un facteur important de l’intérêt du programme. La plupart des fournisseurs promettent une communication des résultats dans un délai de 10 à 15 jours, mais le traitement par lots et les délais postaux peuvent allonger cette période. Il peut arriver que certains participants, avant d’avoir reçu leur compte rendu, oublient la façon dont ils ont répondu et abandonnent l’opération; pour y remédier, certains fournisseurs de services renvoient le questionnaire complété, ou mentionnent dans le compte rendu les réponses faites par l’intéressé.

Les comptes rendus adressés aux participants

Les comptes rendus peuvent aller d’une simple feuille énonçant les résultats et formulant des recommandations à une brochure de plus de 20 pages comportant des graphiques et des illustrations en couleurs, ainsi que des explications détaillées sur le caractère significatif des résultats et l’importance des recommandations. Certains reposent en quasi-totalité sur des informations générales préimprimées, tandis que d’autres produisent un compte rendu entièrement personnalisé. Il existe des programmes dans lesquels l’exercice a déjà été répété et les données précédentes ont été conservées; ils permettent de comparer les résultats présents avec les précédents – s’ils sont bons, la satisfaction ressentie est susceptible de renforcer l’incitation à modifier son comportement.

Une des clés du succès d’un programme réside dans l’accès à un professionnel de la santé, ou à un conseiller dûment formé, qui puisse expliquer l’importance des conclusions et proposer un programme d’intervention personnalisé. Ces conseils peuvent se révéler extrêmement précieux pour soulager toute anxiété éventuellement causée par la mauvaise interprétation des résultats, aider les individus à modifier leur comportement et les orienter vers les bonnes solutions.

Les comptes rendus adressés à l’entreprise

Dans la plupart des programmes, les résultats individuels sont résumés sous la forme d’un compte rendu d’ensemble adressé à l’employeur ou à l’organisme responsable. Ces comptes rendus offrent une présentation, sous forme de tableaux, des caractéristiques des participants, parfois classées par lieu géographique et statut professionnel, et une analyse de la gamme et des niveaux de risques constatés. Certains fournisseurs d’ERS ajoutent des projections de l’accroissement des dépenses de santé susceptibles d’être encourues par les salariés à haut risque. Ces données sont extrêmement importantes pour mettre au point les éléments du programme de bien-être et de promotion de la santé de l’entreprise, ainsi que pour l’inciter à envisager des modifications de la structure des emplois, du milieu de travail et de la culture d’entreprise visant à promouvoir la santé et le bien-être du personnel.

Notons que la valeur du compte rendu d’ensemble dépend du nombre de salariés et du niveau de participation au programme ERS. Les participants tendent à être plus conscients de l’importance d’une bonne santé et, lorsqu’ils sont peu nombreux, leurs notes peuvent ne pas refléter exactement les caractéristiques de l’ensemble du personnel.

Le suivi et l’évaluation

L’efficacité du programme ERS peut être renforcée par un système de suivi rappelant aux participants les recommandations et les encourageant à s’y conformer (notes adressées personnellement, conseils donnés soit directement par un médecin, un infirmier, une infirmière ou un hygiéniste, soit lors de réunions de groupe). Le suivi revêt une importance toute particulière pour les individus à haut risque.

L’évaluation du programme ERS doit débuter par la mise sous forme de tableaux du niveau de participation, analysé de préférence sur la base de caractéristiques telles que l’âge, le sexe, le lieu géographique ou l’unité de travail, le poste et le niveau d’instruction. Ces données permettent d’identifier les différences dans l’accueil réservé au programme et donc d’en modifier ensuite la présentation.

Une participation accrue aux éléments réducteurs de risque du programme de bien-être (par exemple, aux cours de mise en forme ou d’abandon du tabagisme, aux séminaires de gestion du stress) peut être le signe que les recommandations de l’ERS sont suivies. Au bout du compte, l’évaluation déterminera l’évolution du statut de risque. Il faudra peut-être analyser les résultats du suivi des individus à haut risque ou de la répétition du programme après un intervalle approprié. Ces résultats peuvent être corrélés avec d’autres données, comme le recours aux prestations de santé et la mesure de l’absentéisme ou du rendement. Il faut cependant accorder l’attention requise aux autres facteurs qui ont pu entrer en jeu (par exemple, biais dû au type de personnes revenant pour refaire les tests, droite de régression et tendances longues); une évaluation authentiquement scientifique du programme appelle une étude clinique prospective aléatoire (Schoenbach, 1987; DeFriese et Fielding, 1990).

La valeur et l’utilité de l’ERS

Les facteurs susceptibles d’affecter la précision et la validité d’une ERS ont été étudiés ailleurs (Beery et coll., 1986; Schoenbach, 1987; DeFriese et Fielding, 1990) et nous en ferons simplement mention ici. Ils représentent une liste de contrôle pour les décideurs des entreprises qui évaluent différents instruments; en voici quelques-uns:

Des questions ont également été soulevées quant à l’utilité de l’ERS sur la base de considérations telles que:

  1. L’ERS vise surtout l’espérance de vie. Jusqu’à ces derniers temps, on n’accordait guère d’attention aux principaux facteurs influant sur la morbidité à partir d’états qui ne sont généralement pas mortels, mais qui peuvent avoir des effets d’autant plus prononcés sur le bien-être, le rendement et les dépenses de santé (par exemple, l’arthrite, les troubles mentaux et les effets à long terme des traitements visant à réduire des risques spécifiques). Le problème est que l’on manque de bonnes bases de données sur la morbidité de la population en général, sans parler des sous-groupes définis par l’âge, le sexe, la race ou l’origine ethnique.
  2. On s’est inquiété des effets néfastes de l’anxiété engendrée par les constatations de risques élevés reflétant des facteurs sur lesquels la personne n’est pas en mesure d’intervenir (par exemple, l’âge, l’hérédité et les antécédents médicaux), et du fait que des comptes rendus faisant état de risques «normaux» ou faibles incitent les gens à négliger des signes et des symptômes potentiellement significatifs qui n’ont pas été mentionnés ou qui sont apparus après l’ERS.
  3. La participation à une ERS procède généralement d’une démarche volontaire, mais certaines personnes auraient été contraintes d’en faire partie ou d’en suivre les recommandations;
  4. Les employeurs qui proposent l’ERS comme un élément d’un programme de promotion de la santé, mais ne font pas grand-chose pour maîtriser les risques propres au milieu de travail, ont été accusés à juste titre de rejeter la faute sur la victime.
  5. La confidentialité des informations personnelles est une préoccupation constante, en particulier lorsqu’une ERS s’insère dans un programme interne et qu’il s’avère que des conclusions anormales ont pour effet de déclencher des mesures discriminatoires.

L’intérêt de la réduction des risques pour la santé est de plus en plus évident, comme le montre l’accumulation des preuves. Par exemple, Fielding et ses associés de Johnson and Johnson Health Management, Inc., ont observé que les 18 000 salariés qui avaient subi l’ERS proposée par leurs employeurs faisaient appel à des services préventifs dans des proportions beaucoup plus élevées qu’une population comparable répondant à l’Enquête nationale de santé (National Health Interview Survey) (Fielding et coll., 1991). Une étude menée pendant cinq ans auprès de 46 000 employés de la société DuPont a montré que ceux qui présentaient l’un des six facteurs de risque cardio-vasculaire comportementaux identifiés par une ERS (par exemple, tabagisme, tension artérielle élevée, cholestérolémie élevée, manque d’exercice) avaient des taux d’absentéisme et de recours aux prestations de santé significativement plus élevés que ceux qui ne présentaient pas les mêmes facteurs de risque (Bertera, 1991). Par ailleurs, l’application de modèles de régression à variables multiples à 12 mesures sanitaires évoquées notamment dans une ERS a permis à Yen et à ses collègues du Centre de recherche sur la forme physique de l’Université du Michigan (University of Michigan Fitness Research Center) de prévoir quels employés coûteraient le plus à l’employeur au titre du remboursement des dépenses médicales et de l’absentéisme (Yen, Edington et Witting, 1992).

La mise en œuvre d’un programme ERS

La mise en œuvre d’un programme ERS n’est pas un exercice à prendre à la légère et il ne faut pas s’y atteler sans l’avoir étudié et planifié avec soin. Le coût d’un questionnaire individuel et de son traitement peut ne pas être très élevé, mais le coût d’ensemble pour l’entreprise peut atteindre des proportions considérables si l’on additionne des postes tels que le temps consacré par l’encadrement à la planification, à la mise en œuvre et au suivi, celui passé par les salariés à remplir les questionnaires et les programmes connexes de promotion de la santé. Certains des facteurs dont il faut tenir compte en la matière sont présentés à la figure 15.8.

Figure 15.8 Liste de contrôle pour la mise en œvre de l'évaluation de risques pour la santé (ERS)

Figure 15.8

Faut-il avoir un programme ERS?

De plus en plus d’entreprises, tout du moins aux Etats-Unis, répondent désormais à cette question par l’affirmative, encouragées qu’elles sont par un nombre croissant de prestataires de services assurant une commercialisation énergique de leurs programmes ERS. Les médias populaires et les publications «commerciales» regorgent d’anecdotes décrivant des programmes «couronnés de succès», alors qu’il y a relativement peu d’articles dans les revues professionnelles qui avancent des preuves scientifiques de l’exactitude de leurs résultats, de leur fiabilité pratique et de leur validité scientifique.

Définir son propre statut de risques est évidemment la condition préalable à leur réduction. Mais d’aucuns se demandent si un exercice systématique tel que l’ERS est bien nécessaire à cette fin. De nos jours, quiconque persiste à fumer s’est vu présenter les preuves des effets nocifs du tabagisme; de même, les bienfaits d’une nutrition saine et d’une bonne forme physique ont été largement vantés. Les tenants de l’ERS rétorquent que la réception d’un compte rendu ERS personnalise l’information sur les risques, met ceux-ci en lumière, ce qui peut inciter les gens à prendre les mesures appropriées. Par ailleurs, ajoutent-ils, l’ERS peut indiquer certains facteurs de risque que les participants ignoraient peut-être: elle les rend attentifs aux possibilités de réduire les risques qu’ils courent en suivant l’ordre de priorité qu’ils établiront eux-mêmes.

De l’avis général, l’ERS n’a qu’un intérêt limité lorsqu’on s’en sert isolément (c’est-à-dire en l’absence d’autres modalités) et elle ne trouve sa pleine utilité que lorsqu’elle fait partie d’un programme intégré de promotion de la santé. Loin de se borner à proposer des explications et conseils personnalisés, ce programme devrait donner accès à des interventions sur les facteurs de risque identifiés qui peuvent être assurées de façon interne (dans l’entreprise ou dans la collectivité). Ainsi, l’engagement de proposer l’ERS doit-il impérativement être élargi (peut-être à plus de frais) en proposant ou en organisant des activités telles que des cours d’abandon du tabagisme, une mise en forme physique et des conseils en nutrition. Cet engagement élargi doit figurer de manière explicite dans l’énoncé des objectifs du programme, et une demande de crédit budgétaire être présentée.

En planifiant un programme ERS, il faut prendre plusieurs décisions: va-t-on le proposer à l’ensemble du personnel ou à certaines personnes seulement (par exemple, aux travailleurs salariés ou rémunérés à l’heure, aux deux, aux travailleurs d’un certain âge, ayant une ancienneté déterminée, occupés dans certains établissements ou encore appartenant à telle ou telle catégorie professionnelle)? Inclura-t-on les conjoints et autres personnes à charge (qui, en règle générale, constituent plus de la moitié des utilisateurs des prestations de santé)? Point essentiel, une personne compétente au moins dans l’entreprise doit être chargée de surveiller la conception et la mise en œuvre du programme, ainsi que les prestations tant du fournisseur de services que du personnel interne.

Certaines entreprises qui ont supprimé ou espacé les examens médicaux annuels proposent l’ERS à titre de remplacement, soit seule, soit en combinaison avec certains examens de dépistage. Cette stratégie ne manque pas d’intérêt en ce qu’elle améliore le rapport coûts-avantages d’un programme de promotion de la santé, mais elle est parfois fondée non pas tant sur la valeur intrinsèque de l’ERS que sur le désir de s’affranchir du mécontentement engendré par ce qui risque d’être perçu comme la suppression d’un avantage acquis.

Conclusion

Malgré ses limitations et l’absence d’études scientifiques confirmant sa validité et son utilité, l’usage de l’ERS continue à progresser aux Etats-Unis et ailleurs, quoique à un rythme plus lent. DeFriese et Fielding, qui font autorité en la matière, lui annoncent un brillant avenir: ils prévoient de nouvelles sources d’information sur les risques et de grands progrès techniques en informatique (matériel et logiciels), qui vont permettre la saisie directe sur ordinateur des réponses aux questionnaires, autoriser la modélisation des effets des modifications comportementales et produire des comptes rendus et des graphiques en couleur plus expressifs (DeFriese et Fielding, 1990).

L’ERS devrait constituer un élément d’un programme permanent et bien conçu de bien-être ou de promotion de la santé. Elle exprime l’engagement implicite de l’entreprise d’organiser des activités et d’apporter à la culture de la maison des modifications qui offrent l’occasion de maîtriser les facteurs de risque qu’elle va identifier. La direction de l’entreprise devrait être consciente de cet engagement et être prête à ouvrir les crédits nécessaires.

Même s’il reste beaucoup de recherches à faire, nombreuses sont les entreprises qui verront dans l’ERS un complément utile à leurs efforts pour améliorer la santé de leur personnel. L’autorité scientifique implicite des informations qu’elle fournit, la mise à profit de l’informatique et l’effet personnalisé des résultats en termes de mise en rapport de l’âge chronologique et de l’âge de risque semblent renforcer son pouvoir de motiver les participants et de les inciter à adopter un comportement sain, propre à réduire les risques. Les preuves s’accumulent pour démontrer que les salariés (et les personnes à leur charge) qui maintiennent leur profil de risque à un bas niveau sont moins souvent absents, font montre d’un meilleur rendement et utilisent moins de soins médicaux, tous éléments qui ont un effet positif sur les résultats financiers de l’entreprise.

LES PROGRAMMES D’ÉDUCATION PHYSIQUE ET DE MISE EN FORME: UN ATOUT POUR LES ENTREPRISES

James Corry

Les programmes d’éducation physique et de mise en forme sont les programmes de promotion et de protection de la santé des travailleurs les plus courants. Ils ont du succès lorsqu’ils contribuent aux objectifs de l’entreprise, protègent la santé des salariés et demeurent agréables et utiles pour les participants (Dishman, 1988). Etant donné que les objectifs, les effectifs et les ressources des entreprises varient énormément d’une région du monde à l’autre, ces programmes peuvent être organisés de mille et une manières et offrir des services fort divers.

Nous examinerons ici les raisons qui poussent les entreprises à proposer des programmes d’éducation physique et de mise en forme; la manière dont ces programmes s’intègrent dans la structure administrative; les services habituellement offerts aux participants; le personnel spécialisé chargé de ces services; les problèmes que pose très souvent la programmation de la mise en forme sur les lieux de travail; les besoins de certains groupes de travailleurs. Nous nous attacherons surtout aux programmes proposés dans les établissements.

La qualité et la programmation de la mise en forme

Aujourd’hui, l’économie mondiale détermine les objectifs et les stratégies commerciales de dizaines de milliers d’employeurs et touche des millions de travailleurs dans le monde. La concurrence internationale acharnée oblige les entreprises à offrir des produits et des services de plus grande qualité à des prix toujours plus bas; autrement dit, elles doivent viser ce que l’on appelle «la qualité». Les entreprises qui s’y emploient attendent de leurs salariés qu’ils soient «attentifs à la clientèle», qu’ils travaillent avec énergie, enthousiasme et précision toute la journée, qu’ils se forment et progressent en permanence sur les plans professionnel et personnel et qu’ils assument la responsabilité de leur comportement au travail, tout comme celle de leur bien-être personnel.

Les programmes d’éducation physique et de mise en forme peuvent jouer un rôle déterminant dans les entreprises qui recherchent la qualité en aidant les travailleurs à se sentir mieux. C’est particulièrement important dans les branches qui occupent surtout des cols blancs, c’est-à-dire des employés sédentaires. Dans le secteur manufacturier et l’industrie lourde, l’entretien de la force physique et de la souplesse peuvent améliorer la capacité de travail et l’endurance et protéger les travailleurs contre les accidents. Outre le bien-être physique, les exercices de mise en forme atténuent la tension et donnent un sens des responsabilités dans les autres habitudes de vie: nutrition et maîtrise du poids, prévention des comportements dangereux, (alcoolisme, toxicomanie, consommation de médicaments et tabagisme).

Les entreprises qui recherchent la qualité proposent en général des exercices d’aérobic, de relaxation et d’assouplissement, des séances de musculation, des activités de loisirs sur le thème de l’aventure et des compétitions sportives. Ces offres s’inscrivent souvent dans les initiatives de bien-être de l’entreprise — le «bien-être» consistant notamment à aider les gens à réaliser leur plein potentiel tout en acquérant des habitudes de vie propices à une bonne santé — et elles reposent sur le fait prouvé que la vie sédentaire constituant un facteur de risque, il importe d’encourager l’exercice physique régulier.

Les services essentiels de mise en forme

Les participants à des programmes de mise en forme devraient en connaître les rudiments, qui comportent notamment les points suivants:

En plus de l’instruction, les services comportent une évaluation de la forme physique et la prescription de certains exercices, l’orientation vers les activités voulues et une formation à l’utilisation du matériel, des cours et activités systématiques d’aérobic, de relaxation, d’assouplissement et de prévention des dorsalgies. Certaines entreprises offrent des cours individuels, ce qui peut être assez coûteux, car ils exigent un personnel nombreux.

Certains programmes offrent un entraînement à l’endurance, c’est-à-dire des exercices qui permettent d’améliorer les aptitudes des travailleurs devant effectuer des tâches répétitives et difficiles, et de rééduquer ceux qui relèvent de maladie ou d’accident. Ils prévoient souvent des pauses pendant le travail pour exécuter certains exercices afin de détendre et d’étirer les muscles trop sollicités et de renforcer les groupes de muscles antagonistes pour éviter les syndromes de fatigue et les accidents dus aux gestes répétitifs. Au besoin ils proposent de modifier le contenu du travail et, éventuellement, les machines utilisées.

Le personnel chargé de l’éducation physique et de la mise en forme

Les kinésithérapeutes, les moniteurs d’éducation physique et les spécialistes des loisirs constituent la majorité des professionnels qui dirigent les programmes de mise en forme des travailleurs. Les hygiénistes et les spécialistes en rééducation y participent également.

Le kinésithérapeute prévoit un ensemble d’exercices personnalisés pour chacun, après évaluation de la condition physique, laquelle comporte généralement une description des antécédents médicaux, l’appréciation des risques pour la santé, l’évaluation de la forme et de l’aptitude physiques (surtout pour les porteurs de handicap ou les victimes d’accident) et la confirmation des objectifs recherchés. L’évaluation de la condition physique consiste notamment à prendre le rythme cardiaque et la tension artérielle au repos, à déterminer la composition corporelle, à mesurer la force et la souplesse musculaires, l’efficacité cardio-vasculaire et, souvent, les distributions des lipides sanguins. On compare en général ces résultats avec la norme pour les personnes de même sexe et de même âge.

Aucun des services offerts par le kinésithérapeute n’a pour objectif de poser un diagnostic médical; en cas d’anomalies, les salariés sont adressés au service médical de l’entreprise ou à leur médecin personnel. En réalité, de nombreuses entreprises exigent des personnes désirant s’inscrire à ces programmes l’autorisation préalable d’un médecin. Dans le cas des employés qui relèvent d’une maladie ou ont eu un accident, le kinésithérapeute peut travailler en étroite collaboration avec le médecin personnel et le conseiller en rééducation.

Les moniteurs d’éducation physique ont été formés pour diriger des séances d’exercices, enseigner les principes d’un exercice sain et sans danger, faire des démonstrations de diverses disciplines athlétiques et assurer l’entraînement, élaborer et exécuter un programme multidisciplinaire de mise en forme. Bon nombre d’entre eux ont appris à effectuer les examens d’aptitude physique bien que, à notre époque où la spécialisation est reine, cette tâche soit plus souvent laissée au kinésithérapeute.

Les spécialistes des loisirs font des sondages pour connaître les besoins et les intérêts des participants afin de juger de leur mode de vie et de leurs préférences en matière de loisirs. Ils peuvent donner des cours d’éducation physique, mais ils s’occupent plus généralement d’organiser des voyages, des concours et des activités éducatives, de solliciter physiquement les participants et de les inciter à se livrer à une saine activité physique globale.

Il est souvent difficile aux entreprises qui essaient de trouver le personnel voulu de vérifier la formation et la compétence des moniteurs. Aux Etats-Unis, au Japon et dans de nombreux autres pays, les organismes gouvernementaux exigent des diplômes et une expérience attestée de la part des professeurs d’éducation physique qui enseignent dans les écoles. La plupart des gouvernements n’exigent pas de diplômes professionnels; aux Etats-Unis, le Wisconsin est le seul Etat à avoir adopté une loi sur les moniteurs d’éducation physique. Lorsqu’on envisage de s’inscrire à des centres de culture physique, que le personnel soit bénévole comme dans les Associations chrétiennes de jeunes gens (YMCA) ou salarié, il faut prendre soin de vérifier la compétence des moniteurs, car la plupart d’entre eux sont des bénévoles ou des personnes n’ayant reçu qu’une formation minimale.

Plusieurs associations professionnelles décernent des certificats à ceux qui s’occupent de mise en forme physique des adultes. Par exemple, le Collège américain de médecine sportive (American College of Sports Medicine) délivre un certificat aux moniteurs d’éducation physique, et l’Association internationale d’enseignement de la danse (International Dance Education Association) en offre un aux moniteurs d’aérobic. Ces certificats ne sanctionnent que l’expérience et une formation poussée et ne constituent pas un permis d’exercer.

Les programmes de mise en forme et la structure de l’entreprise

En règle générale, seules les entreprises moyennes ou grandes occupant au minimum de 500 à 700 salariés peuvent se doter d’installations d’éducation physique destinées au personnel. La taille n’est pas le seul point pris en considération, il faut aussi que les entreprises aient la capacité et la volonté de prévoir les crédits budgétaires et des locaux pour abriter les installations et l’équipement nécessaires, y compris les vestiaires et les douches.

En général, la place qu’occupe le programme dans l’organigramme de l’entreprise en détermine l’importance et les objectifs. Par exemple, s’il concerne surtout la santé (réduire les risques cardio-vasculaires, diminuer les absences pour maladie, prévenir les accidents et rééduquer, lutter contre la tension), il relèvera du service médical ou complétera les services de santé destinés au personnel. Lorsque les principaux objectifs concernent le moral et les loisirs du personnel, le programme sera normalement géré par le département des ressources humaines ou celui des relations avec le personnel. Comme le service des ressources humaines est généralement chargé des initiatives d’amélioration de la qualité, les programmes de mise en forme axés sur le bien-être et la qualité lui sont souvent confiés.

Les départements de la formation s’occupent rarement des programmes d’activité gymnique et de mise en forme, étant donné que leur mission se limite habituellement au développement des qualifications et à la formation professionnelle. Toutefois, certains d’entre eux proposent aux salariés des activités de loisirs basés sur l’aventure ou le défi pour leur donner le sens du travail en équipe, améliorer la confiance qu’ils ont en eux et leur inculquer les moyens de surmonter les épreuves. Lorsque les emplois comportent des activités physiques, le programme de formation peut comprendre l’enseignement de bonnes techniques de travail. Ce type de formation existe en général dans les services de police, de lutte contre l’incendie et de sauvetage, les entreprises de camionnage et de livraison, les exploitations minières et pétrolières, les entreprises de plongée et de renflouage de navires, la construction, etc.

Les programmes de mise en forme offerts sur place ou dans la collectivité

Lorsqu’une entreprise n’a ni les locaux ni les moyens de construire des salles d’éducation physique, elle peut cependant organiser des programmes restreints sur le lieu de travail. Les cafétérias et les salles de réunion, les halls d’entrée et les aires de stationnement peuvent être utilisés pour des cours d’éducation physique lorsqu’ils sont libres. Une compagnie d’assurances de New York a créé dans un grand dépôt d’archives une piste intérieure de course à pied qui passe entre des rangées de classeurs contenant des documents importants, mais rarement consultés. Dans de nombreuses entreprises un peu partout dans le monde, des pauses sont régulièrement prévues pendant la journée de travail pour permettre aux travailleurs de faire des exercices de gymnastique rythmique et d’autres exercices simples, sans quitter leur poste.

Lorsqu’elles ne disposent pas d’installations sur place (ou que celles-ci sont trop petites pour le nombre d’employés qui souhaiteraient les utiliser), les entreprises se tournent vers des installations publiques comme les centres de culture physique, les écoles et les universités, les églises, les centres communautaires, les clubs et les YMCA, les centres de loisirs municipaux ou syndicaux, etc. Certaines zones industrielles disposent pour les exercices physiques d’un bâtiment que les entreprises se partagent.

Par ailleurs, les programmes de mise en forme peuvent consister en activités physiques simples, pratiquées à la maison ou aux alentours. Selon certaines études, une activité quotidienne, même faible ou moyenne, peut avoir un effet protecteur sur la santé. La marche, la bicyclette ou la montée d’escalier, qui exigent que la personne exerce de façon dynamique des groupes importants de muscles pendant 30 minutes cinq fois par semaine, peuvent prévenir les maladies cardio-vasculaires ou retarder leur progression tout en ménageant un répit agréable dans la tension quotidienne. Des programmes qui encouragent les salariés à venir au travail à pied ou à bicyclette peuvent être mis en place à peu de frais, même pour de très petites entreprises.

Dans certains pays, les travailleurs ont droit à des congés qu’ils peuvent prendre dans un établissement thermal ou de cure proposant un programme complet de repos, de relaxation, d’exercices, de nourriture saine, de massages et d’autres formes de thérapie réparatrice. L’objectif est bien sûr de continuer à mener une vie aussi saine après le retour à la maison et la reprise du travail.

Les exercices destinés à des groupes particuliers

On peut offrir aux employés âgés, obèses et sédentaires depuis longtemps des programmes d’exercices en douceur, peu intenses pour éviter les accidents orthopédiques et les crises cardio-vasculaires. Dans l’entreprise même, on peut prévoir des intervalles et des salles d’exercice séparés pour protéger l’intimité et la dignité de ces groupes.

Les femmes enceintes qui étaient actives physiquement peuvent continuer à travailler ou à s’exercer avec l’accord de leur médecin personnel et en suivant ses conseils, tout en gardant à l’esprit les directives médicales concernant les exercices physiques pendant la grossesse (American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG), 1994). Certaines entreprises offrent des programmes spéciaux de remise en forme aux femmes qui reprennent leur travail après avoir accouché.

Les personnes atteintes dans leur intégrité physique ou porteuses de handicap devraient être invitées à participer au programme de mise en forme tant par souci d’équité que dans leur intérêt. Le personnel chargé du programme devra cependant être vigilant et bien connaître les situations où les risques d’accident, voire de décès, sont plus grands, par exemple dans le cas du syndrome de Marfan (maladie congénitale) ou de certaines maladies cardiaques. Pour ces personnes, une évaluation médicale préliminaire et une estimation de la condition physique sont particulièrement importantes, comme d’ailleurs une surveillance attentive pendant les exercices.

Quels objectifs fixer au programme d’exercices?

Les objectifs choisis pour un programme d’exercices devraient compléter et renforcer ceux de l’entreprise. La figure 15.9 reproduit une liste récapitulative d’objectifs du programme qui, classés par ordre d’importance et groupés pour une entreprise donnée, faciliteront l’élaboration du programme.

Figure 15.9 Objectifs suggérés pour un programme de mise en forme et d'exercises physiques

Figure 15.9

Figure 15.9

L’admissibilité au programme d’exercices

Comme la demande peut dépasser à la fois le budget, l’espace et le temps accordés au programme, les entreprises doivent étudier avec soin la question de l’accessibilité. Il est prudent de définir à l’avance les raisons de cette offre et le nombre de bénéficiaires. Un manque de préparation pourrait jeter la direction dans l’embarras et susciter l’hostilité des candidats éconduits.

Certaines entreprises qui disposent des installations nécessaires les réservent souvent aux cadres supérieurs sous prétexte de leurs salaires élevés et de leur temps précieux. Le programme devient alors un privilège au même titre que la salle à manger de la direction ou une place de stationnement bien située. D’autres entreprises sont plus équitables et offrent le programme à tout le monde, les premiers arrivés étant les premiers servis. Lorsque la demande dépasse les capacités matérielles, certaines entreprises choisissent l’ancienneté comme critère de priorité. Parfois, un règlement prévoit une utilisation mensuelle minimale afin de décourager ceux qui ne viennent que de temps en temps.

Le recrutement et la fidélisation des participants

La commodité et le faible coût de participation font que le programme risque d’intéresser particulièrement ceux qui font déjà de l’exercice, ce qui laisse peu de place à ceux qui auraient besoin d’en faire. Les premiers vont sans doute continuer à entretenir leur forme de toute façon, alors que les seconds seront pour la plupart découragés par la difficulté de participer au programme ou par l’attente. C’est pourquoi il est utile et important de simplifier et de faciliter les inscriptions.

Il faut généralement faire campagne pour attirer les participants, du moins lors du lancement du programme, notamment par des affiches, des prospectus et des annonces diffusées par les moyens de communication interne, mais aussi par des visites des installations et des possibilités d’inscription à l’essai.

Les abandons lancent un véritable défi aux administrateurs du programme: monotonie, douleurs musculaires et problèmes de temps sont les principales raisons invoquées. Les salles tentent donc de distraire les membres à l’aide de musique, vidéocassettes et émissions de télévision, jeux de motivation, activités spéciales, remise de prix tels que T-shirts et certificats de présence ou de réalisation d’un objectif individuel. S’ils sont bien conçus et contrôlés, les exercices permettent de réduire au minimum les accidents et les douleurs physiques et, en même temps, les séances seront plus efficaces et exigeront moins de temps. Certaines salles de sport proposent des journaux et des revues professionnelles, ainsi que des programmes spécialisés ou de formation, à la télévision et sur vidéocassette, auxquels on peut avoir accès pendant les exercices pour justifier le temps consacré à ceux-ci.

La sécurité et la surveillance

Les entreprises qui offrent des programmes de mise en forme doivent garantir la sécurité. Il faut interroger les futurs membres pour connaître leurs problèmes médicaux et les exercices contre-indiqués. Seuls des appareils bien conçus et bien entretenus doivent être mis à disposition, et leur utilisation doit être convena- blement expliquée aux participants. Des panneaux de mise en garde seront mis en place, et le règlement de la salle devra être respecté; de plus, tout le personnel devra suivre un cours de secourisme comprenant la réanimation cardio-respiratoire. Un professionnel de l’éducation physique dûment qualifié surveillera l’exploitation de la salle.

Les dossiers et la confidentialité

Les dossiers individuels contiendront des données sur la santé, la forme physique et les besoins en exercices physiques, les objectifs visés et les progrès réalisés, ainsi que toutes autres notes pertinentes. Dans de nombreux programmes, les participants sont autorisés à relever le compte rendu de chaque séance. Les dossiers seront placés en lieu sûr, et leur consultation réservée aux seuls participants et personnel du programme. A l’exception du personnel du service médical, qui est tenu de respecter les mêmes règles de confidentialité et, en cas d’urgence, du médecin personnel du participant, les détails relatifs à la participation et aux progrès de l’intéressé ne seront communiqués à personne sans son autorisation expresse.

On pourra demander au personnel d’adresser à la direction des rapports périodiques dans lesquels figureront des données globales sur la participation au programme et les résultats.

La question du temps et des frais

La plupart des programmes d’exercices physiques destinés aux travailleurs sont volontaires et, donc, considérés comme une prestation supplémentaire ou un avantage. En conséquence, l’entreprise propose normalement le programme au personnel en dehors des heures de travail (pendant la pause du déjeuner ou après le travail) et s’attend à ce qu’il prenne à sa charge tout ou partie des coûts. Cela vaut généralement aussi pour les programmes organisés à l’extérieur. Dans certaines entreprises, la cotisation des employés est indexée sur leur salaire, et des «bourses» sont parfois offertes à ceux qui sont peu rémunérés ou qui ont des problèmes financiers.

De nombreux employeurs autorisent la participation pendant les heures de travail, normalement pour les cadres supérieurs, et prennent à leur charge la plus grande partie, sinon la totalité, des coûts. Quelques-uns remboursent les cotisations aux salariés qui ont atteint certains objectifs en matière d’assiduité ou de condition physique.

Lorsque la participation au programme est obligatoire, comme dans la formation à la sécurité au travail ou à de nouvelles tâches, les règlements officiels ou les conventions collectives prévoient que les séances d’entraînement ont lieu pendant les heures de travail et que l’employeur assume la totalité des coûts.

La douleur physique

On croit souvent que les exercices doivent être douloureux pour être salutaires, selon la formule «on n’a rien sans mal». Il revient au personnel chargé du programme de montrer que cela est faux et de changer l’idée que les gens se font de l’exercice physique grâce à des campagnes de sensibilisation, à des séances d’éducation et à la progressivité des exercices (ils ne doivent pas être douloureux, mais rester agréables).

Si les participants se plaignent de douleurs, il faut les encourager à persévérer en faisant des exercices moins intenses ou simplement en se reposant jusqu’à ce que les douleurs aient disparu. Il faut leur indiquer la conduite à tenir en cas d’accident sportif: se reposer, mettre de la glace sur la blessure, des compresses, et élever la partie du corps blessée.

Les programmes sportifs

De nombreuses entreprises encouragent leur personnel à participer aux rencontres sportives qu’elles organisent. Il peut s’agir de matchs de soft-ball (sorte de base-ball) et de football américain au cours du pique-nique annuel de l’entreprise, de championnats internes divers ou de compétitions interentreprises telles que le Chemical Bank’s Corporate Challenge; cette course de fond pour les équipes d’employés des entreprises participantes a vu le jour à New York et s’étend désormais à d’autres régions, avec le parrainage de très nombreuses autres sociétés.

Un élément important des programmes sportifs est la gestion des risques. Si le sport de compétition comporte des avantages qui peuvent être considérables, y compris pour le moral et l’esprit d’équipe, il présente aussi des risques. Lorsque des travailleurs participent à une compétition, ils y vont parfois avec la tension psychologique associée à leur travail, ce qui peut poser des problèmes, notamment s’ils ne sont pas en forme. Par exemple, le cadre d’âge mûr qui n’est pas en bonne condition physique essaiera d’impressionner ses jeunes subordonnés. Il peut alors se blesser en dépassant ses capacités. Il peut aussi s’agir du travailleur qui, s’estimant en concurrence avec un autre pour sa place dans l’entreprise, peut transformer ce qui est censé être un simple jeu amical en une confrontation violente.

Les entreprises qui souhaitent favoriser la participation à des sports de compétition devraient se pénétrer des conseils ci-dessous:

Dans certaines entreprises, la compétition sportive est à l’origine de nombreux cas d’incapacité parmi le personnel. Les recommandations ci-dessus montrent que l’on peut «gérer» les risques, mais il faut tenir compte de la contribution effective que l’on peut raisonnablement attendre des activités sportives, s’agissant du programme d’éducation physique et de mise en forme.

Conclusion

Les programmes d’exercices physiques dans l’entreprise, s’ils sont bien conçus et exécutés de façon professionnelle, peuvent être bénéfiques pour le personnel parce qu’ils protègent sa santé, assurent son bien-être, améliorent son moral et son rendement. Ils profitent aux entreprises, car ils améliorent qualitativement et quantitativement la productivité, préviennent les accidents liés au travail, accélèrent la récupération des salariés après une maladie ou un accident et réduisent l’absentéisme. La conception et la mise en œuvre de chaque programme devraient tenir compte des caractéristiques de l’entreprise et de son effectif, de la collectivité et des ressources disponibles. Le programme devra être géré ou du moins surveillé par un spécialiste qualifié de la mise en forme qui vérifiera en permanence son apport aux participants et à l’entreprise et qui sera prêt à le modifier au fur et à mesure que de nouveaux besoins et défis se présenteront.

LES PROGRAMMES DE NUTRITION SUR LES LIEUX DE TRAVAIL

Penny M. Kris-Etherton  et John W. Farquhar

Le régime alimentaire, l’activité physique et les autres habitudes de vie, comme l’abandon du tabagisme et la réduction du stress, sont importants pour prévenir les maladies chroniques. Une bonne alimentation et d’autres pratiques de vie saines aident également l’individu à rester en forme et à maintenir son rendement. Le milieu de travail est un excellent endroit pour inculquer aux gens de bonnes habitudes — nutrition saine, maîtrise du poids et exercice physique. C’est un cadre idéal pour diffuser l’information de façon efficace, contrôler et renforcer les changements apportés au mode de vie (Kaplan et Brinkman-Kaplan, 1994). Les programmes diététiques comptent parmi les activités les plus couramment intégrées aux programmes de bien-être organisés par les employeurs, les syndicats et, parfois, par les deux. En plus des cours et des programmes proprement dits, d’autres initiatives peuvent contribuer à l’éducation du personnel, notamment les bulletins d’information, les notes de service, les encarts joints aux feuilles de paie, les affiches, les tableaux d’affichage et le courrier électronique. Le matériel d’information sur la nutrition peut également être envoyé aux personnes à charge des salariés, et l’on peut inviter à des cours et séminaires les femmes au foyer intéressées qui sont responsables des habitudes alimentaires de la famille. Ces différentes méthodes assurent la diffusion d’informations utiles faciles à mettre en pratique au travail et ailleurs, qui peuvent contribuer à renforcer les connaissances théoriques et encourager les travailleurs à prendre part aux programmes ou à profiter des possibilités offertes sur le lieu de travail (par exemple, la cafétéria). De plus, un matériel pédagogique et des cours soigneusement ciblés peuvent avoir des effets très significatifs sur de nombreuses personnes, y compris la famille des travailleurs et, surtout, les enfants, qui adoptent ainsi de bonnes habitudes alimentaires qu’ils conserveront toute leur vie et transmettront aux générations futures.

Pour réussir, les programmes offerts sur le lieu de travail doivent s’inscrire dans un cadre favorable permettant aux travailleurs de donner suite aux messages sur la nutrition. Il est donc essentiel que les salariés trouvent dans les cafétérias et les distributeurs automatiques une nourriture correspondant au régime recommandé. Ceux qui apportent leur déjeuner au travail devraient disposer d’emplacements appropriés pour y laisser leur collation ou leur repas. De plus, des cantines ambulantes prévues par l’employeur ou l’entreprise peuvent servir une nourriture saine à ceux qui travaillent sur le terrain, loin de tout restaurant. Il faut aussi aménager les installations nécessaires pour que les travailleurs puissent procéder à une toilette sommaire avant de manger. Les employeurs qui offrent ce genre d’installations montrent qu’ils se soucient de la santé et du bien-être de leur personnel.

Les services de restauration, les distributeurs automatiques et les pauses-café

De nombreux employeurs subventionnent en partie ou en totalité des services de restauration dans l’établissement, qu’ils aménagent de façon agréable et commode. Même lorsqu’il n’y a qu’une équipe par jour, de nombreuses cafétérias servent des petits déjeuners et des dîners aussi bien que des collations et des rafraîchissements à l’heure des pauses, ce qui est particulièrement utile pour les célibataires ou pour les personnes qui se nourrissent mal chez elles. Certaines cafétérias sont ouvertes aux amis et aux familles des employés pour les encourager à déjeuner sur place au lieu de se rendre dans des établissements plus onéreux et souvent moins soucieux des principes diététiques.

Une modification des mets proposés sur le lieu de travail encourage les bonnes habitudes alimentaires (Glanz et Mullis, 1988). En fait, les interventions dans les cafétérias figurent parmi les programmes diététiques les plus appréciés, car elles facilitent l’accès à des informations pertinentes (Glanz et Rogers, 1994). Les menus peuvent aussi proposer des aliments moins gras et peu caloriques, mais riches en fibres, ou encore mettre en vedette les plats «bons pour le cœur» (Richmond, 1986). Les entreprises peuvent mener une saine politique en matière de restauration et offrir des aliments riches en éléments nutritifs, mais à faible teneur en graisses, en cholestérol et en sel (American Dietetic Association, 1994). On peut également négocier avec les exploitants de distributeurs automatiques pour qu’ils y placent des aliments à faible teneur en graisses, notamment des fruits. Grâce à un tel programme, le personnel d’un établissement bénéficie d’un plus grand choix d’aliments peu caloriques (Wilber, 1983). La direction des services de restauration, les traiteurs et les exploitants de distributeurs automatiques peuvent vendre davantage et augmenter leur clientèle en servant des aliments savoureux, appétissants et sains (American Dietetic Association, 1994).

Les pauses-café au cours desquelles une restauration légère et riche en éléments nutritifs est proposée peuvent également aider les salariés à combler leurs besoins. On ne dispose souvent que de trente ou quarante minutes pour déjeuner et, comme certains employés profitent de cet intervalle pour aller faire des courses, rencontrer des gens ou vaquer à leurs affaires personnelles, ils ne mangent pas. Peut-être serait-il bon de prolonger la pause de midi. De plus, l’entreprise démontrera son souci de la santé du personnel en assurant l’hygiène voulue au restaurant et en veillant à ce que l’ensemble du personnel des services alimentaires de restauration soit en bonne santé et ait reçu la formation voulue (même lorsque le service est exploité sous contrat par une entreprise extérieure); les salariés auront alors davantage envie de recourir aux services de restauration du lieu de travail et de participer aux autres programmes.

Conseils généraux en matière de nutrition

Les principales recommandations alimentaires publiées par les services officiels de différents pays encouragent la promotion de la santé et la prévention des maladies non transmissibles liées au régime alimentaire (FAO et OMS, 1992). Les conseils reposent sur les principes suivants:

Des preuves scientifiques convaincantes soutiennent ces recommandations. Un poids corporel anormal constitue non seulement un risque de contracter de nombreuses maladies chroniques, mais, de plus, la répartition des graisses est également importante pour la santé (Bray, 1989). L’obésité androïde, ou excès de graisse abdominale, constitue un risque plus grand pour la santé que l’obésité gynoïde, c’est-à-dire la présence d’une surcharge pondérale au-dessous de la ceinture (au niveau des hanches et des cuisses). Un rapport taille-hanches légèrement inférieur ou supérieur à 1 est associé à un risque supérieur d’hypertension, d’hyperlipidémie, de diabète et de résistance à l’insuline (Seidell, 1992). Ainsi, l’indice de masse corporelle (IMC) — c’est-à-dire le poids corporel (en kilogrammes) divisé par la taille (en mètres) élevée au carré — et le rapport taille-hanches sont tous deux utiles pour évaluer la normalité du poids ou la nécessité d’en perdre éventuellement. La figure 15.10 illustre la classification de l’IMC en poids insuffisant, poids souhaitable, poids excessif et obésité.

Figure 15.10 Classification en fonction de l'indice de masse corporelle (IMC)

Figure 15.10

A peu près tout le monde, même les personnes qui ont un poids corporel idéal, pourrait tirer avantage de conseils alimentaires visant à prévenir le gain de poids qui se produit généralement à mesure que l’on avance en âge. Pour être efficace, un programme de maîtrise du poids doit s’appuyer sur des principes et des techniques de nutrition, d’exercice physique et de changement de comportement.

Pour garder une cholestérolémie souhaitable (c’est-à-dire <200 mg/dl), on recommande généralement un régime dont moins de 30% des calories fournies proviennent des graisses, moins de 10% de calories des graisses saturées et moins de 300 mg de cholestérol par jour (National Institutes of Health, 1993b). Les graisses saturées et le cholestérol font augmenter la cholestérolémie. Un régime relativement faible en matières grasses totales facilite le respect de la recommandation concernant les graisses saturées. Un régime de 2 000 calories peut comprendre 67 g de matières grasses totales et moins de 22 g de graisses saturées par jour. Un régime faible en matières grasses totales permet aussi de réduire les calories lorsqu’on veut maîtriser son poids; il peut être suivi en incluant une grande variété d’aliments pour répondre aux besoins de nutriments sans dépasser les besoins de calories.

Les régimes riches en glucides complexes (que l’on trouve dans les céréales, les légumineuses, les légumes et, jusqu’à un certain point, les fruits) sont également riches en autres éléments nutritifs (notamment en vitamines B, A et C, en zinc et en fer) et faibles en graisses. On recommande de consommer du sucre avec modération car, bien qu’il constitue une source d’énergie, sa valeur nutritive est limitée. Ainsi, les personnes qui ont de faibles besoins de calories devraient consommer très peu de sucre. En revanche, le sucre peut être utilisé comme source de calories, avec modération, dans les régimes à fort apport calorique (équilibres sur le plan nutritionnel). Bien que le sucre favorise les caries dentaires, il est moins cariogène lorsqu’il est consommé au cours d’un repas qu’entre les repas.

En raison du lien entre l’apport de sodium et l’hypertension systolique, on recommande de ne consommer le sel alimentaire et le sodium qu’avec modération. Un régime qui n’offre pas plus de 2 400 mg de sodium par jour est recommandé pour prévenir l’hypertension (National Institutes of Health, 1993a). On a également démontré qu’un régime riche en sodium favorisait l’excrétion du calcium et contribuait de ce fait à l’apparition de l’ostéoporose, risque auquel les femmes sont très exposées (Anderson, 1992). Les principales sources de sodium alimentaire sont les aliments préparés et le sel (ou les condiments très salés comme la sauce de soja) ajoutés aux aliments pendant la cuisson ou à table.

Si l’on consomme de l’alcool, la plus grande modération est de rigueur, tout excès pouvant entraîner des maladies du foie et du pancréas, de l’hypertension et attaquer le cerveau et le cœur. Autres conséquences négatives liées à une forte consommation d’alcool, la dépendance, le risque accru d’accidents et une baisse du rendement au travail.

On recommande aussi généralement de consommer une grande variété d’aliments de tous types. Pour être en bonne santé, une personne a besoin de plus de 40 éléments nutritifs différents. Etant donné qu’aucun aliment consommé seul ne peut fournir tous ces éléments, une alimentation variée permet d’avoir un régime satisfaisant. Les guides diététiques recommandent en général un certain nombre de rations d’aliments des différents groupes (voir figure 15.11). Le premier chiffre représente le minimum à consommer chaque jour. Le nombre de rations devrait augmenter au fur et à mesure des besoins énergétiques.

Figure 15.11 Exemple de rations quotidiennes recommendées pour une alimentation saine

Figure 15.11

D’autres recommandations ont été faites dans différents pays: fluoration de l’eau, allaitement maternel, apport complémentaire d’iode. Beaucoup préconisent une consommation suffisante de protéines tout en évitant les excès. D’autres ont publié des directives sur la proportion relative des protéines d’origine animale et végétale dans le régime. D’autres encore insistent sur l’absorption de vitamine C et de calcium. Il est évident que ces recommandations propres à certains pays visent à combler les besoins particuliers décelés dans des régions données. Les autres apports nutritionnels qui sont importants et pertinents pour la population mondiale sont notamment le calcium, l’hydratation, les vitamines antioxydantes et les sels minéraux.

Il est important d’absorber suffisamment de calcium tout au long de la vie pour avoir une ossature solide et une masse osseuse la plus importante possible (le maximum est atteint entre 18 et 30 ans) et retarder la diminution de cette dernière liée au vieillissement qui entraîne souvent l’ostéoporose. Dès 1 an jusqu’à un âge avancé, il est préconisé de consommer 800 mg de calcium par jour mais, à l’adolescence, période de croissance rapide des os, 1 200 mg sont recommandés. Certains scientifiques estiment que les jeunes adultes, les femmes ménopausées et les hommes de plus de 65 ans ont besoin de 1 500 mg de calcium par jour et que le régime de tous les autres adultes devrait en fournir 1 000 mg. Les femmes enceintes et allaitantes doivent en absorber 1 200 mg par jour. Les produits laitiers sont des sources importantes de calcium. Il est recommandé de les choisir à faible teneur en matières grasses pour maîtriser la cholestérolémie.

Il est primordial d’assurer une hydratation suffisante pour obtenir un rendement maximum au travail. L’une des conséquences graves de la déshydratation est l’incapacité de dissiper efficacement la chaleur, ce qui entraîne une augmentation de la température corporelle. La soif est normalement un bon indicateur du niveau d’hydratation, sauf pendant les exercices physiques intensifs. Les travailleurs devraient toujours réagir à la soif et boire beaucoup. Les boissons fraîches, diluées, sont celles qui remplacent le plus vite la déperdition d’eau. Les travailleurs manuels devraient également boire beaucoup; toute perte de poids de 500 g due à l’exercice doit être compensée par l’absorption d’un demi-litre d’eau.

On s’est beaucoup intéressé ces derniers temps aux antioxydants parce que, selon des indications de plus en plus nombreuses, ils pourraient protéger du cancer, des maladies cardiaques, de la cataracte et même ralentir le vieillissement. Les vitamines antioxydantes sont le bêtacarotène et les vitamines A, E et C. Le sélénium est également un antioxydant. On pense que les antioxydants empêchent la formation des radicaux libres nocifs qui détruisent à la longue les structures cellulaires et provoquent l’apparition de diverses maladies. D’après les résultats obtenus jusqu’ici, les antioxydants pourraient protéger du cancer, des maladies cardiaques et de la cataracte, bien que la relation de cause à effet n’ait pas encore été établie. Les sources alimentaires de bêtacarotène et de vitamine A sont les légumes verts, les fruits et les légumes de couleur rouge, orange et jaune. Les céréales et le poisson sont des sources importantes de sélénium. Les agrumes contiennent beaucoup de vitamine C et on trouve la vitamine E dans les graisses polyinsaturées comme les noix, les graines, les huiles végétales et le germe de blé.

La similitude assez remarquable des recommandations faites dans divers pays montre que les nutritionnistes sont d’accord sur le régime alimentaire le plus indiqué pour promouvoir la santé et le bien-être. A eux maintenant de mettre en œuvre ces recommandations destinées au grand public et d’assurer une bonne nutrition à l’échelle de la planète. Il faudra pour cela non seulement offrir un approvisionnement suffisant en aliments sains à la population mondiale, mais également élaborer et instaurer des programmes d’éducation nutritionnelle dans le monde entier pour enseigner à chacun les principes d’une bonne alimentation.

Les approches culturelles et ethniques en matière d’alimentation

Pour être efficace, l’éducation nutritionnelle doit tenir compte du contexte culturel et des habitudes alimentaires ethniques. Il est très important de s’intéresser à la culture lorsqu’on prévoit ce type de programme comme aussi lorsqu’on veut communiquer efficacement avec un individu et lui prodiguer des conseils. Etant donné l’accent mis aujourd’hui sur la diversité culturelle et sur la rencontre avec d’autres cultures dans les entreprises et vu l’intérêt que certains manifestent à l’égard des autres cultures, les programmes de nutrition qui intègrent les différences culturelles devraient être bien accueillis.

Les conceptions en matière de prévention, d’étiologie et de traitement des maladies diffèrent considérablement selon les sociétés. La valeur accordée à la bonne santé et à la nutrition est très variable. Pour aider les gens à adopter de bonnes habitudes en matière de nutrition et de style de vie, il faut bien comprendre leurs croyances, leur culture et leurs valeurs (US Department of Health and Human Services, 1990). Les messages sur la nutrition doivent être ciblés sur les pratiques particulières de telle popula-tion ou de tel groupe ethnique. De plus, lorsqu’on prévoit d’intervenir, il faut tenir compte des croyances généralement répandues en ce qui concerne la santé et les habitudes alimentaires. Par exemple, certaines cultures désapprouvent l’alcool alors que d’autres le considèrent comme un élément essentiel de leur régime, même s’il est consommé pendant les repas pris au travail. Dans ces conditions, les interventions en matière de nutrition doivent non seulement répondre aux besoins du groupe cible, mais encore inclure les valeurs et les croyances propres à sa culture.

L’obésité

Les principaux facteurs environnementaux qui contribuent à l’apparition de l’obésité sont l’excès de calories et le manque d’activité physique.

L’embonpoint et l’obésité sont le plus souvent classés sur la base de l’IMC, qui est lié à la composition corporelle (r = 0,7-0,8). Les catégories de poids selon l’IMC pour les hommes et les femmes de moins et de plus de 35 ans sont présentées à la figure 15.10. Les risques de l’embonpoint et de l’obésité pour la santé sont évidents. Les données tirées de nombreuses études dessinent une courbe en J entre le poids corporel et la mortalité, toutes causes confondues. Bien que le taux de mortalité augmente lorsque l’IMC dépasse 25, cette augmentation est plus nette encore lorsqu’il dépasse 30. Point intéressant, la maigreur augmente également le taux de mortalité, bien que dans une moindre mesure que l’embonpoint. Si les personnes atteintes d’embonpoint et d’obésité risquent de mourir d’une affection cardio-vasculaire, d’une maladie de la vésicule biliaire ou du diabète sucré, les personnes maigres sont sujettes, elles, aux maladies gastro-intestinales et pulmonaires (Lew et Garfinkel, 1979). L’incidence de l’embonpoint et de l’obésité dans certains pays développés peut atteindre 25 à 30% de la population; elle peut même être plus élevée encore dans certains groupes ethniques et dans ceux qui sont situés au bas de l’échelle socio-économique.

Un régime hypocalorique, qui entraîne une perte de poids de 0,2 à 0,9 kg (0,5 à 2 livres) par semaine, est recommandé pour maigrir. Un régime à faible teneur en matières grasses (30% au maximum des calories provenant des graisses), mais riche en fibres (15 g pour 1 000 calories) est indiqué pour faciliter la diminution de l’apport de calories et procurer un sentiment de satiété. Tout programme d’amaigrissement devrait comprendre à la fois des exercices physiques et une modification du comportement. Une perte de poids régulière et lente est recommandée pour réussir à modifier les habitudes alimentaires et pérenniser ainsi le résultat. On trouvera à la figure 15.12 des conseils pour un programme raisonnable d’amaigrissement.

Figure 15.12 Conseils pour un programme raisonnable d'amaigrissement

Figure 15.12

Un sondage aléatoire effectué par téléphone auprès de 60 589 adultes aux Etats-Unis a révélé qu’environ 38% des femmes et 24% des hommes s’efforçaient de perdre du poids. Conformément aux efforts de commercialisation de ce qui est devenu une véritable industrie de l’amaigrissement, les méthodes employées allaient des jeûnes périodiques aux comprimés pour maigrir en passant par la participation à des programmes d’amaigrissement comportant souvent des aliments préparés et des suppléments particuliers. La moitié seulement des personnes qui essayaient de perdre du poids ont déclaré utiliser la méthode recommandée d’alimentation hypocalorique associée à des exercices physiques, ce qui prouve l’importance des programmes d’éducation nutritionnelle sur les lieux de travail (Serdula, Williamson et coll., 1994).

La perte de poids chez les personnes obèses a un effet bénéfique sur divers facteurs de risque de maladies chroniques (NIH, 1993a). Elle entraîne une réduction de la tension artérielle, des lipides et des lipoprotéines plasmatiques (c’est-à-dire du cholestérol total, du cholestérol à lipoprotéines de faible densité (LDL) et des triglycérides) et augmente le cholestérol à lipoprotéines de forte densité (HDL), qui sont d’importants facteurs de risque de maladies coronariennes (voir figure 15.13). De plus, elle a un effet favorable sur les taux de glycémie, d’insuline et d’hémoglobine glycosylée. Des pertes de poids aussi modestes que 4 kg environ, même si l’on reprend du poids par la suite, entraînent une amélioration de ces paramètres.

Figure 15.13 Les principaux facteurs de risque de maladies coronariennes

Figure 15.13

La maîtrise du poids est essentielle pour réduire la morbidité et la mortalité dues aux maladies chroniques. Cette constatation est à la base des recommandations alimentaires faites par de nombreux groupes partout dans le monde en vue d’atteindre et de maintenir un poids corporel optimal. Elles sont destinées principalement aux pays développés où l’embonpoint et l’obésité posent de graves problèmes de santé publique. Bien que le régime, l’exercice et la modification du comportement soient recommandés pour perdre du poids, il est essentiel de mettre en œuvre des programmes de prévention efficace en vue de réduire l’incidence de l’embonpoint et de l’obésité.

La maigreur

La maigreur (définie comme un poids corporel inférieur de 15 à 20% ou davantage aux normes établies) peut constituer un problème grave qui entraîne une perte d’énergie et augmente les risques de lésions et d’infections. Elle est due à une absorption insuffisante d’aliments, à une activité excessive, à une mauvaise absorption ou à une mauvaise utilisation des aliments, à l’hypermétabolisme et au stress psychologique. Les régimes énergétiques sont recommandés pour une reprise progressive et régulière de poids, par exemple, un régime contenant de 30 à 35% de calories provenant de matières grasses et 500 à 1 000 calories supplémentaires par jour. On peut encourager les personnes maigres à prendre des repas et des en-cas caloriques sur le lieu de travail en leur offrant une grande variété d’aliments appétissants et à la mode.

Les régimes spéciaux

Des régimes spéciaux sont prescrits pour le traitement de certaines maladies. De plus, des modifications du régime alimentaire devraient aller de pair avec des habitudes de vie saines et des programmes diététiques, d’une part, et, d’autre part, être apportées à divers moments de la vie, par exemple pendant la grossesse et l’allaitement. Le succès des régimes spéciaux peut être assuré par diverses stratégies utilisées pour répondre à leurs spécificités nutritives. Ainsi, des régimes individualisés répondant aux besoins de chaque personne sont essentiels si l’on veut qu’ils soient suivis de façon durable et apportent des avantages pour la santé.

Le régime faible en graisses, en graisses saturées>et en cholestérol

Deux régimes sont recommandés pour le traitement de l’hypercholestérolémie: le premier prévoit <30% de calories provenant de matières grasses, 8 à 10% de calories provenant de matières grasses saturées et <300 mg de cholestérol, et le second, <30% de calories provenant de matières grasses, <7% de calories provenant de graisses saturées et <200 mg de cholestérol (NIH, 1993b). Ces régimes sont conçus pour réduire progressivement l’absorption de graisses saturées et de cholestérol et pour diminuer l’apport total en matières grasses. Les principales sources de graisses du régime sont la viande et la volaille, les produits laitiers entiers, les matières grasses et les huiles. En général, en ce qui concerne la plupart des personnes vivant dans les pays développés, pour respecter le premier régime, il faut réduire les matières grasses totales et les graisses saturées d’environ 20 à 25%, alors que, pour suivre le second, il faut diminuer d’autant les matières grasses totales et réduire d’environ 50% les graisses saturées. On peut suivre le premier assez facilement en appliquant une ou deux stratégies de réduction des graisses, par exemple en choisissant des viandes maigres, de la volaille et du poisson plutôt que des produits plus gras; en remplaçant les produits laitiers entiers par des produits à faible teneur en matières grasses ou faits avec du lait écrémé; en utilisant moins de graisse dans la préparation des aliments et en ajoutant moins de graisse aux aliments avant de les consommer (par exemple, beurre, margarine ou sauce à salade) (Smith-Schneider, Sigman-Grant et Kris-Etherton, 1992). Le second régime exige une planification plus soignée et une formation poussée dispensée par un nutritionniste qualifié.

Le régime très faible en graisses

Un régime qui fournit 20% ou moins de calories à partir de matières grasses est recommandé par quelques nutritionnistes pour prévenir certains cancers liés aux régimes à forte teneur en graisses (Henderson, Ross et Pike, 1991). Il est riche en fruits et légumes, céréales, légumineuses et produits laitiers à base de lait écrémé. Une consommation modérée de viande rouge ainsi que de graisses et d’huile est autorisée. Il est conseillé de préparer les aliments en ajoutant peu, voire pas de graisse, et de les faire cuire au four ou à la vapeur, bouillir ou pocher.

Il a été prouvé qu’un régime qui apporte des quantités minimales de graisses saturées (3% de calories) et de matières grasses totales (10% de calories) et associé à une modification des habitudes de vie (abandon du tabagisme, exercice et méditation), entraîne une régression de l’athérosclérose (Ornish et coll., 1990). Ce régime exige des modifications importantes du mode de vie (par exemple, un changement des pratiques culinaires), y compris l’adoption d’un régime essentiellement végétarien dans lequel la viande, le poisson et la volaille ne sont servis que comme garnitures, voire écartés, et qui donne la priorité aux céréales, aux légumineuses, aux fruits, aux légumes et aux produits laitiers écrémés. Son observation peut exiger l’achat d’aliments spéciaux (produits sans graisses), tout en évitant la plupart des aliments préparés du commerce. Si ce régime est une solution pour certaines personnes qui présentent un risque élevé de maladies cardio-vasculaires, surtout pour remplacer un traitement pharmacologique, il exige beaucoup de volonté et une forte motivation.

Le régime des travailleurs diabétiques

On recommande dans ce cas de prescrire un régime individuel fondé sur le métabolisme, la nutrition et le mode de vie (American Dietetic Association (ADA), 1994). Habituellement, les protéines alimentaires fournissent de 10 à 20% des calories. Les graisses saturées devraient compter pour moins de 10% dans l’apport calorique total. La répartition de l’énergie restante à partir des glucides et des graisses varie selon l’état du patient et dépend des résultats précis visés concernant le glucose, les lipides et le poids. Pour ceux qui ont pratiquement un poids idéal, il est recommandé que 30% des calories proviennent des graisses. Pour les personnes qui ont un excès de poids, une réduction des matières grasses totales rend plus facile la diminution des calories et entraîne une perte de poids correspondante. Pour celles qui ont un taux élevé de triglycérides, un régime plus riche en matières grasses totales et, en particulier, en graisses mono-insaturées est recommandé, à mener sous étroite surveillance; les régimes plus riches en matières grasses risquent de maintenir ou d’aggraver l’obésité. Le nouveau modèle de régime thérapeutique pour le diabète comprend une évaluation des paramètres du métabolisme et des habitudes de vie de l’individu, un plan d’intervention et un suivi des résultats thérapeutiques.

Le régime des femmes enceintes et allaitantes

La grossesse et l’allaitement exigent beaucoup d’apports énergétiques et nutritifs. Pendant la grossesse, le régime doit fournir suffisamment de calories pour permettre le gain de poids voulu (National Research Council, 1989). Les calories et les nutriments nécessaires pour favoriser au maximum la grossesse et la lactation, éventuellement pendant plusieurs années dans le cas des grossesses multiples et des périodes prolongées d’allaitement, peuvent être obtenus avec un régime qui comprend les principaux groupes d’aliments. Les autres recommandations, tant pour les femmes enceintes que pour celles qui allaitent, comprennent un choix d’aliments variés dans chacun des groupes, des repas et collations réguliers comportant suffisamment de fibres alimentaires et de liquides. Les boissons alcooliques devraient être évitées, ou du moins nettement diminuées chez les femmes enceintes, comme chez celles qui allaitent. Il est également recommandé aux femmes enceintes de saler modérément leurs aliments. Un régime adapté est indispensable pendant la grossesse et l’allaitement pour garantir la croissance et le développement normaux du fœtus et du nouveau-né, ainsi que la santé et le bien-être de la mère, et on devrait insister sur ces points dans les programmes d’éducation nutritionnelle des lieux de travail et dans les services de restauration.

L’intolérance au lactose et au gluten

De nombreux adultes, notamment dans certains groupes ethniques, doivent éviter le lactose dans leur alimentation en raison d’une déficience en lactase. Les produits laitiers et les aliments qui en contiennent constituent la principale source de lactose. Il faut observer que l’excipient de nombreux médicaments est le lactose, ce qui peut poser des problèmes à ceux qui en prennent. Les quelques personnes qui présentent une intolérance au gluten (maladie cœliaque) doivent supprimer de leur régime les aliments en contenant. Le gluten alimentaire se trouve dans le blé, le seigle, l’orge et l’avoine. Si nombre de personnes souffrant d’une intolérance au lactose peuvent en supporter de petites doses, surtout lorsque celles-ci sont absorbées avec des aliments qui n’en contiennent pas, les personnes qui ont une intolérance au gluten doivent éviter tout aliment en contenant. Les services de restauration des entreprises devraient proposer des aliments appropriés aux salariés souffrant de ces affections.

Résumé

Le lieu de travail est un cadre idéal pour organiser des interventions visant à enseigner les principes d’une alimentation saine. Il existe divers programmes qui peuvent être mis en place sur les lieux de travail. Indépendamment des cours et du matériel d’éducation diététique destinés à l’ensemble du personnel, des programmes spéciaux peuvent être élaborés à l’intention des travailleurs présentant des risques élevés de maladies chroniques ou pour des groupes choisis en fonction de leurs caractéristiques ethniques ou démographiques. Pour réduire les risques de maladies chroniques, il faut que les travailleurs et leurs employeurs prennent des engagements durables. De bons programmes nutritionnels exécutés sur les lieux de travail permettent de réduire les risques de maladies chroniques dans tous les pays.

LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME SUR LES LIEUX DE TRAVAIL

Jon Rudnick

Introduction

La prise de conscience des effets négatifs de la cigarette s’est renforcée depuis les années soixante, époque à laquelle le premier rapport du ministère de la Santé des Etats-Unis, sur ce sujet, a été présenté. Depuis lors, les attitudes envers le tabagisme sont devenues de plus en plus négatives: désormais, on exige l’apposition de mises en garde sur les paquets de cigarettes et dans la publicité, certains pays interdisent les annonces publicitaires sur le tabac à la télévision, certains lieux publics créent des zones non-fumeurs, et d’autres bannissent totalement le tabac. En matière de santé publique, on entend de plus en plus de déclarations assorties de preuves, qui décrivent les dangers des produits à base de tabac, malgré toutes les tentatives faites par l’industrie du tabac pour nier le problème. Des millions et des millions de dollars sont dépensés chaque année par des personnes qui essaient de se débarrasser de cette mauvaise habitude. Livres, cassettes, thérapies de groupe, chewing-gum à la nicotine et timbres transdermiques, voire ordinateurs de poche ont été utilisés, avec plus ou moins de succès, pour aider les personnes dépendantes du tabac. La confirmation des effets cancérogènes du tabagisme passif a donné un nouvel élan à cette lutte.

Dans ces conditions, il est naturel que le tabagisme sur les lieux de travail devienne un souci croissant pour les employeurs et les salariés. En tout premier lieu, la cigarette représente un risque d’incendie. Du point de vue du rendement, la cigarette distrait ou dérange, selon que l’on est fumeur ou non-fumeur. Le tabagisme est une cause importante de morbidité chez les travailleurs: il entraîne un ralentissement du rendement en raison de l’absentéisme pour cause de maladie et une charge financière pour l’entreprise du fait des dépenses de santé; il peut aussi avoir un effet additif ou multiplicateur par interaction avec les risques environnementaux que l’on rencontre dans certains lieux de travail, ce qui augmente nettement le risque de nombreuses maladies professionnelles (voir figure 15.14).

Figure 15.14 Exemples d'interactions pathogènes entre la profession et la cigarette

Figure 15.14

Nous évoquerons dans cet article les raisons qui militent en faveur d’une limitation du tabagisme au travail et nous proposerons une approche pratique pour faire face au problème, étant entendu que la seule exhortation ne suffit pas. Nous ne sous-estimerons pas non plus les terribles effets d’accoutumance à la nicotine, ni les difficultés rencontrées lorsqu’on essaie d’arrêter de fumer. Nous estimons que cette façon d’aborder ce problème complexe est plus réaliste que certaines attitudes adoptées dans le passé.

Le tabagisme sur les lieux de travail

Les entreprises associent de plus en plus les habitudes malsaines comme le tabagisme à des coûts d’exploitation plus élevés, et les employeurs prennent davantage de mesures pour réduire les coûts excessifs liés aux salariés fumeurs. Les personnes qui fument un paquet de cigarettes ou plus par jour sont responsables de 18% de dépenses médicales de plus que les non-fumeurs, selon l’étude sur les effets des divers risques liés aux habitudes de vie effectuée par la firme Ceridian Corporation, entreprise de services technologiques ayant son siège à Minneapolis (Minnesota). Cette étude (Lesmes, 1993) montre que les gros fumeurs ont 25% de journées d’hospitalisation et présentent 29% de demandes de remboursement annuelles de frais médicaux dépassant 5 000 dollars de plus que les non-fumeurs.

Les effets du tabagisme sur la santé de la population et sur le système de soins de santé sont sans équivalent (US Department of Health and Human Services, 1989). Selon l’Organisation mondiale de la santé (1992), le tabac tue au moins trois millions de personnes chaque année dans le monde: dans les pays où fumer est une habitude bien ancrée, il est responsable d’environ 90% de tous les décès dus au cancer du poumon; de 30% de tous les cancers; de plus de 80% des cas de bronchite chronique et d’emphysème; et de quelque 20 à 25% des maladies coronariennes et des décès dus à un accident vasculaire cérébral. De nombreux autres problèmes de santé, y compris les maladies respiratoires, les ulcères gastroduodénaux et les complications de la grossesse lui sont également imputables. Le tabac reste la principale cause des décès évitables dans de nombreux pays; ses effets sont si graves aux Etats-Unis, par exemple, qu’il est responsable d’environ un sixième des décès, toutes causes confondues (Davis, 1987).

L’effet combiné de l’usage du tabac et des risques professionnels a été prouvé par des différences importantes entre les taux de morbidité des fumeurs et des non-fumeurs dans de nombreuses professions. L’interaction des deux types de risques augmente la probabilité d’apparition de nombreuses maladies, surtout les bronchopathies chroniques obstructives, le cancer du poumon, les maladies cardio-vasculaires ainsi que diverses incapacités (voir figure 15.14).

Les complications bien connues dues à l’exposition aux risques du tabac sont décrites de façon approfondie dans toute la documentation technique. On s’est récemment attaché à étudier les aspects suivants:

Le tabagisme passif

Le fait de fumer n’est pas seulement dangereux pour les fumeurs, mais également pour les non-fumeurs. Le tabagisme passif est un risque particulier pour ceux qui, comme les employés de bureau, travaillent en milieu clos. Dans les pays développés, indique l’Organisation mondiale de la santé (1992), la fumée du tabac est le polluant le plus courant de l’air intérieur et elle est généralement présente dans des concentrations plus fortes que les autres polluants. En dehors des effets aigus d’irritation des yeux et de la gorge, le tabagisme passif augmente le risque de cancer du poumon et éventuellement de maladie cardio-vasculaire. Il est particulièrement gênant pour les personnes qui ont déjà un problème de santé, comme l’asthme, la bronchite, les maladies cardio-vasculaires, les allergies et les infections des voies respiratoires supérieures, et il constitue un défi particulièrement frustrant pour ceux qui ont arrêté de fumer récemment et qui luttent pour ne pas recommencer.

L’Institut national américain de sécurité et de santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)) a conclu en 1991 que:

A l’exception des cas où la législation interdit de fumer sur les lieux de travail, la protection des salariés non fumeurs face aux risques médicaux liés à l’exposition passive au tabac demeure un formidable défi pour de nombreux employés des secteurs public et privé. Encouragés par l’industrie du tabac, les fumeurs soutiennent que le droit de fumer est strictement individuel, même si l’élimination de la fumée du tabac du milieu de travail exige de nouveaux systèmes de ventilation et entraîne des dépenses élevées pour les employeurs. Des précédents de jurisprudence ont établi le devoir des employeurs de fournir un milieu de travail sûr et notamment libre de tabagisme passif, et les tribunaux de certains pays ont rendu des employeurs responsables des effets néfastes pour la santé d’une exposition passive au tabac sur le lieu de travail.

Des enquêtes sur les connaissances et les attitudes du public concernant les risques du tabagisme passif et sur l’utilité d’imposer des restrictions à l’usage du tabac dans le milieu de travail révèlent une inquiétude généralisée suscitée par ce genre d’exposition et un soutien de plus en plus ferme des interdictions strictes, tant parmi les non-fumeurs que parmi les fumeurs (American Lung Association, 1992). Les gouvernements prennent de plus en plus d’arrêtés et de règlements pour limiter l’usage du tabac dans les lieux de travail publics et privés (Corporate Health Policies Group, 1993).

L’effet du tabagisme sur les coûts des entreprises

Traditionnellement, les efforts des employeurs pour réduire le tabagisme sur le lieu de travail ont été motivés par des questions de coûts et de pertes de rendement. Plusieurs études ont comparé le coût des fumeurs et des non-fumeurs pour les employeurs. Ainsi, selon une étude sur les salariés adhérant à une importante assurance maladie collective, les fumeurs avaient, en moyenne, des frais de soins ambulatoires plus élevés (122 dollars contre 75 dollars), des soins médicaux assurés plus élevés (1 145 dollars contre 762 dollars), des hospitalisations plus fréquentes par tranche de 1 000 salariés (174 contre 76), des journées d’hospitalisation plus nombreuses par tranche de 1 000 salariés (800 contre 381) et des séjours hospitaliers plus longs (6,47 contre 5,03 jours) (Penner et Penner, 1990).

Une autre étude entreprise sur une période de trois ans et demi par la Dow Chemical Company et portant sur 1 400 salariés (Fishbeck, 1979) indique que les fumeurs s’absentent 5,5 jours de plus par an que les non-fumeurs, ce qui coûte à Dow plus de 650 000 dollars par an uniquement en salaires supplémentaires. Ce chiffre ne prend pas en compte le coût des soins médicaux qui s’ajoutent. De plus, les fumeurs totalisent 17,4 jours d’incapacité par an contre 9,7 jours pour les non-fumeurs. Les fumeurs ont également 2 fois plus de problèmes circulatoires, 3 fois plus de pneumonies, 41% de plus de bronchites et d’emphysèmes et 76% de plus de maladies respiratoires de tous types. Pendant la durée de l’étude, pour 2 décès de non-fumeurs, on comptait 7 fumeurs décédés.

Une étude réalisée par la United States Steel Corporation a conclu que les salariés qui fument ont un taux d’absentéisme plus élevé que ceux qui n’ont jamais fumé. Elle montre également que, dans chaque groupe d’âge, lorsque le nombre de cigarettes consommées par jour par les fumeurs invétérés augmente, le nombre de jours d’absence pour maladie augmente aussi. De plus, les hommes qui fument plus de 2 paquets par jour ont été près de 2 fois plus souvent absents que leurs collègues non fumeurs. Une étude sur la façon dont les facteurs de risque dus au comportement individuel contribuent aux coûts globaux des cas d’incapacité et aux coûts de santé d’une grande entreprise industrielle comptant plusieurs établissements révèle que les fumeurs ont un taux d’absence supérieur de 32% et que le coût moyen annuel supplémentaire dû à la maladie est de 960 dollars par salarié (Bertera, 1991).

Dans son rapport annuel, la Commission des soins de santé des employés de l’Etat du Kansas (Kansas State Employees Health Care Commission) signale que les hospitalisations de fumeurs dépassent de 33% celles des non-fumeurs (106,5 contre 71,06 hospitalisations pour 1 000 personnes). Le total des demandes de remboursement par salarié est en moyenne de 282,62 dollars plus élevé pour les fumeurs que pour les non-fumeurs.

De tels résultats ont incité certains employeurs américains à ajouter une surprime à la prime d’une assurance maladie collective que paient les employés fumeurs afin de couvrir les demandes de remboursement plus élevées liées à ce groupe. La Resinoid Engineering Corporation a cessé d’engager des fumeurs dans son usine de l’Ohio, car leurs demandes de remboursement de frais médicaux étaient supérieures de 6 000 dollars par salarié et par année à celles des non-fumeurs; une mesure semblable prise par une entreprise de Chicago (Illinois) a dû être rapportée parce que la législation de l’Etat interdit toute discrimination à l’embauche fondée sur le mode de vie.

D’autres employeurs, optant pour la carotte plutôt que pour le bâton, offrent des encouragements tels que primes ou autres prix à leurs salariés qui cessent de fumer. Il n’est pas rare que les frais d’inscription à un programme d’abandon du tabagisme soient remboursés à ceux qui suivent le cours jusqu’à la fin ou, condition plus stricte, à ceux qui ne fument plus pendant une certaine période après la fin du cours.

En plus des coûts supplémentaires des soins de santé et de ceux liés à la diminution de rendement due aux maladies des fumeurs, d’autres dépenses augmentent du fait du tabagisme, à savoir celles qui découlent de la non-productivité pendant les pauses, les primes plus élevées des assurances incendie et vie, et les frais de nettoyage généralement supérieurs du fait de la fumée. Par exemple, la compagnie Air Canada a constaté que sa politique d’interdiction de fumer lui avait fait économiser près de 700 000 dollars par an: 1) il n’y a plus de cendriers à nettoyer; 2) la fréquence des grands nettoyages des avions a été repoussée de six à neuf mois (OMS, 1992). Une étude de Kristein (1983), visant à recenser tous les coûts supplémentaires causés par le tabagisme, évalue le total à 1 300 dollars par fumeur et par an (montant ajusté en dollars de 1993). L’étude aborde aussi les coûts supplémentaires dans d’autres secteurs, notamment l’entretien des ordinateurs et autres matériels délicats, ainsi que l’installation et l’entretien des systèmes de ventilation. L’auteur ajoute qu’il y a d’autres coûts consécutifs par exemple au «manque de concentration et aux erreurs, si l’on en croit les études sur les effets de taux élevés de monoxyde de carbone chez les fumeurs, de l’irritation des yeux, de la diminution de l’attention et de la capacité cognitive et physique».

Les politiques et les règlements concernant le tabagisme

Dans les années quatre-vingt, les lois et les mesures adoptées délibérément pour réglementer la consommation de tabac sur les lieux de travail ont augmenté en nombre et en force. Certaines ne concernent que les bâtiments publics qui, avec ceux où se trouvent des enfants, sont souvent les premiers où l’on impose de telles mesures. D’autres touchent et les bâtiments publics et les édifices privés. Elles se caractérisent par une interdiction pure et simple de fumer; l’interdiction de fumer dans les parties communes telles que les cafétérias et les salles de réunion; l’autorisation de fumer dans des endroits réservés; la nécessité de respecter les intérêts des fumeurs et des non-fumeurs en accordant la priorité aux vœux de ces derniers.

Certains programmes réglementent l’usage du tabac pendant le travail en présence de matières dangereuses. C’est ainsi que la Norvège a adopté, en 1976, une réglementation interdisant d’affecter des fumeurs à des secteurs où ils pourraient être exposés à l’amiante. En 1988, l’Espagne a interdit de fumer dans tout lieu où l’association du tabac et des risques professionnels présente un risque plus élevé pour la santé des travailleurs. Elle interdit également de fumer dans les lieux de travail en présence de femmes enceintes. D’autres pays ont pris des mesures législatives antitabac applicables sur les lieux de travail, comme le Costa Rica, Cuba, le Danemark, l’Islande et Israël (OMS, 1992).

De plus en plus, la législation qui réglemente le tabagisme pendant le travail fait partie de dispositions plus générales applicables aux lieux publics. La Norvège, la Nouvelle-Zélande et la Suède ont promulgué de telles lois alors que la Belgique, l’Irlande et les Pays-Bas ont adopté des lois interdisant de fumer dans la plupart des lieux publics. Une loi française de 1991 interdit de fumer dans tous les lieux à usage collectif, notamment les écoles et les transports publics (OMS, 1992).

Au Canada et aux Etats-Unis, bien que les organismes fédéraux aient adopté des politiques antitabac, la législation s’est limitée aux Etats, aux provinces et aux municipalités. Dès 1989, 45 Etats américains avaient adopté des lois restreignant l’usage du tabac dans les lieux publics, tandis que 19 Etats et le district de Columbia avaient pris des arrêtés le réglementant dans les lieux de travail privés (Bureau of National Affairs, 1989). L’Etat de Californie a préparé un projet de loi qui devrait interdire totalement l’usage du tabac dans tous les lieux de travail clos et qui obligerait également l’employeur à prendre des mesures raisonnables pour empêcher les visiteurs de fumer (Maskin, Connelly et Noonan, 1993). Depuis un certain temps, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) envisage de lutter contre le tabagisme passif dans les lieux de travail en considérant la fumée à la fois comme un produit toxique en tant que tel et un élément de l’atmosphère ambiante (Corporate Health Policies Group, 1993).

Certains cas d’incapacité dus au tabagisme passif ont valu aux victimes une indemnisation pour accident du travail, ce qui est de nature à inciter les employeurs à limiter l’usage du tabac dans leurs établissements. En 1982, une cour d’appel fédérale a jugé une salariée admissible à la retraite pour invalidité parce qu’elle avait été contrainte de travailler dans un environnement enfumé (Parodi vs. Veterans Administration, 1982). De même, des salariés ont obtenu une réparation pour accident du travail en raison de troubles dus à la fumée de tabac pendant le travail. En fait, William Reilly, ancien administrateur de l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis (US Environmental Protection Agency (EPA)) a exprimé l’espoir que la menace de responsabiliser l’employeur, suscitée par la désignation récente du tabagisme passif par l’EPA comme un risque important pour la santé, rende désormais inutile toute réglementation supplémentaire du gouvernement fédéral (Noah, 1993).

Un autre facteur qui favorise l’élaboration de mesures visant à réduire l’usage du tabac pendant le travail est le changement d’attitude du public dû à 1) la reconnaissance des arguments scientifiques toujours plus nombreux sur les risques que fait courir la fumée du tabac, aux fumeurs comme aux non-fumeurs; 2) une diminution du nombre de fumeurs; 3) une moindre tolérance sociale à l’égard des fumeurs; 4) une plus grande sensibilisation aux droits des non-fumeurs. L’Association américaine de lutte contre les maladies pulmonaires (American Lung Association, 1992) a signalé une augmentation progressive du pourcentage général d’adultes favorables à une interdiction du tabac sur les lieux de travail, qui est passée de 81% en 1983 à 94% en 1992, alors que pendant la même période, le nombre de personnes favorables à une interdiction totale est passé de 17 à 30%, tandis que le nombre de ceux qui sont contre toute interdiction a diminué, passant de 15 à 5%.

Les syndicats aussi sont de plus en plus favorables à des politiques antitabac (Corporate Health Policies Group, 1993).

Selon des enquêtes effectuées aux Etats-Unis, on observe une nette tendance à l’adoption de restrictions générales s’appliquant aux fumeurs, mais aussi à une sévérité plus grande (Bureau of National Affairs 1986, 1991). Le pourcentage des entreprises appliquant une telle politique est passé de 36% en 1986 à 85% en 1991 alors que, pendant la même période, il y a eu multiplication par 16 du pourcentage des interdictions totales ou des politiques antitabac (Bureau of National Affairs, 1991; Coalition on Smoking and Health, 1992).

Les programmes d’abandon du tabagisme

Le lieu de travail est de plus en plus le cadre d’efforts intensifs d’éducation et de promotion de la santé. Parmi les études citées (Coalition on Smoking and Health, 1992), une enquête signale que 35,6% des entreprises offrent divers types d’aide pour l’abandon du tabagisme. Une autre étude indique que les politiques antitabac peuvent aussi aider ceux qui essaient de renoncer à fumer. Une telle politique peut donc être considérée comme un élément important de tout programme de sevrage tabagique.

Les méthodes d’abandon du tabagisme se répartissent en deux catégories:

L’efficacité de ces diverses méthodes est sujette à controverse, essentiellement en raison des difficultés et des coûts liés au suivi à long terme et de l’intérêt évident de ceux qui proposent ces programmes et ces produits. Une sérieuse limitation est liée à la possibilité de vérifier l’attitude des participants aux programmes (Elixhauser, 1990). Les analyses de salive pour mesurer la cotinine, métabolite de la nicotine, constituent un indicateur objectif et efficace pour vérifier si l’individu a fumé récemment, mais elles sont assez compliquées et coûteuses et, de ce fait, on les pratique peu. En conséquence, il faut se fier à l’individu qui affirme avoir réussi soit à arrêter de fumer, soit à réduire sa consommation. Ces problèmes rendent extrêmement difficile la comparaison entre les diverses méthodes et même le recours à un groupe témoin.

Malgré tout, on peut tirer deux conclusions générales. Tout d’abord, les personnes qui réussissent le mieux à arrêter définitivement de fumer le font seules, souvent après de nombreuses tentatives. Ensuite, à part l’arrêt brutal, des interventions mixtes multiples semblent rendre plus efficaces les efforts pour cesser de fumer, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’un soutien et de la répétition du message incitant à ne plus fumer (Bureau of National Affairs, 1991). L’importance de ce message est confirmée par une étude (Sorensen, Lando et Pechacek, 1993) qui a permis de constater que les plus grands pourcentages de fumeurs qui parviennent à arrêter se retrouvent chez ceux qui travaillent parmi de nombreux non-fumeurs et à qui on demande souvent de ne pas fumer. Pourtant, 12% seulement de ces personnes ont renoncé à fumer pendant six mois contre 9% dans le groupe témoin. Il est clair que l’on ne peut pas attendre de ces programmes en général qu’ils produisent des résultats spectaculaires, mais plutôt considérer qu’ils exigent un effort soutenu et de la patience pour atteindre l’objectif.

Certains programmes offerts par les entreprises ont une approche beaucoup trop simple ou naïve, tandis que d’autres ne se fondent pas sur une détermination et un engagement prolongés. Les entreprises ont tout essayé, en commençant par une simple interdiction de fumer dans certains secteurs, ou en annonçant soudainement de façon autoritaire qu’il est totalement interdit de fumer, allant même jusqu’à proposer des programmes coûteux et intensifs (mais souvent de courte durée) conçus par des consul-tants extérieurs. Le problème et le défi consistent à réussir la transition vers l’instauration d’un milieu de travail exempt de fumée, sans pour autant sacrifier le moral ou le rendement des travailleurs.

La section suivante présente une approche qui intègre nos connaissances actuelles sur les difficultés que les personnes rencontrent en essayant d’arrêter de fumer et sur l’attitude que doit adopter l’employeur s’il veut atteindre dans les meilleures conditions l’objectif d’un milieu de travail sans fumée.

Une autre manière d’instaurer un milieu de travail sans fumée

L’expérience montre que le simple fait d’offrir des programmes d’abandon du tabagisme aux volontaires ne permet guère d’atteindre l’objectif d’un milieu de travail sans fumée, et ce, parce que la majorité des fumeurs n’y participent pas. A un moment quelconque, 20% seulement des fumeurs sont prêts à l’abstinence, et une minorité d’entre eux s’inscrira à un programme d’abandon. Pour les 80% de fumeurs restants qui ne veulent pas arrêter, ou qui ne croient pas pouvoir y parvenir lorsque l’entreprise sera déclarée «sans fumée», l’interdiction de fumer pendant le travail les poussera simplement à sortir pour fumer pendant les heures de travail pour se rendre soit dans un lieu réservé aux fumeurs, soit à l’extérieur du bâtiment. Le problème des «80%» — c’est-à-dire le fait que 80% des fumeurs ne vont pas recevoir d’aide, ni même envisager de participer au programme si on leur en offre un — a de nombreuses conséquences négatives sur les relations entre les salariés, la productivité, les coûts d’exploitation et les coûts de la santé.

Une autre méthode, qui a connu un certain succès, a été mise au point par Addiction Management Systems à Toronto (Canada): elle part du principe que la modification du comportement est un processus qui peut être planifié et géré à l’aide de techniques comportementales et organisationnelles. Elle consiste notamment à traiter la lutte contre le tabagisme comme n’importe quel autre changement important de politique ou de méthode de l’entreprise, à la suite de décisions éclairées prises par la direction après avoir entendu des groupes représentatifs de salariés. Un changement maîtrisé se fait en aidant les cadres responsables du contrôle du changement et en agissant de telle façon que tous les fumeurs y participent activement en leur donnant les «outils» nécessaires pour s’adapter au nouvel environnement sans fumée, sans exiger d’eux qu’ils arrêtent de fumer. L’accent est mis sur la communication et l’esprit d’équipe en faisant participer tous ceux qui sont touchés par la nouvelle politique et en les informant convenablement.

Le passage proprement dit à un milieu de travail sans fumée commence avec l’annonce du changement de politique et le début de la période de transition qui doit durer plusieurs mois. Sur le plan du comportement, le changement de politique visant un environnement sans fumée joue le rôle de «stimulus» et crée un nouveau climat dans lequel il est dans l’intérêt de tous les fumeurs de chercher le moyen de s’adapter.

L’annonce du changement de politique est suivie d’un programme de communication visant tous les salariés, mais destiné plus particulièrement à deux groupes importants: les responsables chargés de la mise en œuvre et de la surveillance de la nouvelle politique et les fumeurs qui doivent apprendre à s’adapter au nouvel environnement. Un élément important du programme de communication consiste à sensibiliser les fumeurs au fait que, bien que l’on ne leur demande pas d’arrêter de fumer, ils devront néanmoins respecter la nouvelle politique interdisant de fumer dans l’entreprise pendant les heures de travail. Tous les salariés sont informés de la politique et des changements à venir.

Pendant la période de transition, les responsables reçoivent un matériel de communication et un programme de formation pour leur permettre de comprendre le changement de politique et de prévoir les questions, les problèmes et autres préoccupations qui pourraient apparaître pendant ou après le changement. Comme ils seront directement en cause lorsque la politique entrera en vigueur, les fumeurs seront consultés sur leurs besoins particuliers et se verront offrir leur propre programme de formation. Celui-ci est axé sur des tentatives personnelles de lutte contre le tabagisme et comporte plusieurs options qui permettent aux fumeurs de comprendre le programme et d’apprendre à modifier leur comportement afin d’éviter de fumer pendant les heures de travail, comme cela leur sera demandé une fois que la nouvelle politique entrera en vigueur. Chaque fumeur peut ainsi personnaliser son programme et donner sa propre définition du terme «succès», qu’il s’agisse d’arrêter complètement ou simplement d’apprendre à ne pas fumer pendant la journée de travail. On neutralise ainsi le ressentiment, et la transition vers un milieu de travail sans fumée devient un facteur de motivation pour le fumeur.

Grâce à cette approche, lorsque la date d’entrée en vigueur de la politique arrive, la transition vers un milieu de travail sans fumée devient un «non-événement» — on en est arrivé là, et c’est un succès. Si les choses se passent de cette façon, on peut dire que le travail de préparation a été bien fait, que la communication a été établie et que tous les intéressés comprennent ce qui va se produire et ont les moyens de mener à bien la transition.

Pour l’entreprise, l’important est que le changement soit en quelque sorte auto-entretenu, que la direction n’ait guère à intervenir, qu’une fois que les fumeurs ont appris à «gérer» leur problème, ceux qui appartiennent au groupe «des 80%» aient tendance à aller encore plus loin, jusqu’à l’abandon complet. Enfin, outre l’effet bénéfique pour le bien-être et le moral des salariés qui ont activement participé à la transition vers un milieu sans fumée, l’entreprise en tire des avantages à long terme puisque la productivité augmente et que les coûts des soins de santé diminuent.

L’évaluation de l’efficacité du programme

Deux critères distincts permettent d’évaluer l’efficacité du programme. Tout d’abord, il faut savoir si le lieu de travail est devenu véritablement un milieu sans fumée, ce qui est relativement facile à vérifier: on tient compte des rapports réguliers des responsables sur les infractions dans leur secteur, des plaintes déposées par les autres salariés et des résultats d’inspections faites à l’improviste pour révéler la présence ou l’absence de mégots de cigarette, de cendres et d’air enfumé.

Le deuxième critère, qui est plus difficile à appliquer, consiste à déterminer le nombre de salariés qui ont effectivement arrêté définitivement de fumer. Il est sans doute plus facile de ne se préoccuper que de l’usage du tabac pendant le travail. Mais, il faut savoir que ce succès limité sera moins bénéfique à long terme, surtout en ce qui concerne la réduction des maladies et des coûts des soins médicaux. Si les analyses périodiques obligatoires de salive pour détecter la cotinine et identifier ceux qui continuent à fumer constituent le meilleur moyen et la méthode la plus objective pour évaluer la réussite du programme à long terme, elles sont non seulement compliquées et coûteuses, mais elles risquent en outre de soulever de nombreuses questions juridiques et éthiques en rapport avec la vie privée des travailleurs. Un compromis consiste à envoyer un questionnaire anonyme annuel ou semestriel sur l’usage du tabac des individus, les changements survenus et le succès de l’abandon du tabagisme. Ce questionnaire permet, en même temps, d’évaluer l’évolution de l’attitude des salariés à l’égard de la politique de l’entreprise et du programme. En outre, il permet de rappeler le message antitabac et de garder les options ouvertes pour ceux qui continuent à fumer et qui envisagent d’abandonner cette habitude.

Une autre évaluation définitive des résultats durables consiste à contrôler les absences pour maladies et les coûts des soins de santé. Tout changement sera au départ subtil, mais au bout d’un certain nombre d’années, les effets se cumuleront et seront plus importants. Les prestations en cas de décès versées avant l’âge normal de la retraite pourraient constituer un autre facteur de vérification du succès du programme. Il importe bien sûr d’ajuster ces données pour tenir compte de facteurs tels que les changements dans l’effectif, les caractéristiques des salariés (âge et sexe) et d’autres facteurs touchant l’organisation. L’analyse de ces données est bien entendu soumise aux règles de la statistique et ne sera sans doute valable que dans les entreprises où l’effectif est assez important et assez stable, et où les capacités de collecte, de stockage et d’analyse des données sont suffisantes.

La lutte antitabac dans le monde

Un peu partout dans le monde, on est de moins en moins prêt à continuer à assumer le fardeau de la cigarette et de la nicotinomanie avec leurs effets sur le bien-être et le rendement, la santé et les coûts des soins de santé et la prospérité économique des entreprises et des nations. Preuve en est la participation de plus en plus forte à la Journée mondiale sans tabac lancée par l’Organisation mondiale de la santé en 1987 et qui a lieu chaque année en mai (OMS, 1992).

L’objectif de cette manifestation est non seulement de demander aux gens d’arrêter de fumer pendant une journée, mais aussi de susciter un intérêt pour la lutte antitabac dans les entreprises publiques et privées et d’encourager la population à faire pression pour que des lois ou des règlements favorisent l’avènement de sociétés sans tabac. On espère aussi que les institutions compétentes seront incitées à entreprendre des recherches sur des thèmes particuliers, à publier des informations ou à prendre des mesures. Pour ce faire, on attribue à chaque Journée mondiale sans tabac un thème particulier (voir tableau 15.3); les lecteurs du présent article apprendront certainement avec intérêt que la Journée 1997 avait pour thème «Tous unis pour un monde sans tabac».

Tableau 15.3 Tableau 15.3 Thèmes des «Journées mondiales sans tabac»

1992

Travail sans tabac: franchissons le pas

1993

La santé contre le tabagisme

1994

Les médias à l’appui d’une société sans tabac

1995

Le tabac

1996

Sport et arts sans tabac: jouez gagnant... sans tabac

1997

Tous unis pour un monde sans tabac

On commence à s’apercevoir qu’il y a un problème de tabagisme dans les pays en développement où, poussées par les flatteries commerciales de l’industrie du tabac, la population a ten- dance à considérer la cigarette comme un signe de progrès social et de raffinement.

Conclusion

Les effets néfastes de la cigarette sur les individus et la société sont de plus en plus admis et compris (sauf par l’industrie du tabac). Néanmoins, la cigarette est toujours à la mode et compte de nombreux adeptes. Beaucoup de jeunes deviennent nicotinomanes bien avant d’atteindre l’âge actif, ce qui pose un problème particulier.

Le milieu de travail est un cadre qui se prête très bien à la lutte contre ce risque pour la santé. Les politiques et les programmes des entreprises peuvent exercer une influence positive et forte sur le comportement des salariés qui fument, sans parler des pressions de leurs collègues non fumeurs. Il est donc sage qu’une entreprise comprenne non seulement que la lutte contre le tabac dans le travail l’intéresse directement sur les plans de la responsabilité juridique, des absences, de la production et des coûts liés à la santé, mais également qu’elle peut être une question de vie ou de mort pour les salariés.

LES PROGRAMMES ANTITABAC CHEZ MERRILL LYNCH AND COMPANY: ÉTUDE DE CAS

Kristan D. Goldfein

En 1990, le gouvernement des Etats-Unis a manifesté le grand intérêt qu’il porte aux programmes de promotion de la santé au travail en publiant Healthy People 2000, dans lequel il définit les objectifs nationaux de promotion de la santé et de prévention de la maladie pour l’an 2000 (US Public Health Service, 1991). L’un de ces objectifs est la multiplication des activités proposées par les entreprises à leurs salariés d’ici à l’an 2000, «de préférence dans le cadre d’un programme global de promotion de la santé des salariés» (objectif 8.6). Deux objectifs portent plus précisément sur les efforts à déployer pour interdire ou limiter strictement l’usage du tabac dans les établissements, en augmentant le pourcentage des lieux de travail qui appliquent une politique en matière de tabagisme (objectif 3.11) et en mettant en œuvre, au niveau des Etats, une législation générale sur la salubrité de l’air dans les locaux (objectif 3.12).

Compte tenu de ces objectifs et des intérêts du personnel, Merrill Lynch and Company (appelée ci-après Merrill Lynch) a lancé le programme «Le bien-être et vous» à l’intention des employés des sièges sociaux situés dans la ville de New York et dans l’Etat du New Jersey. Merrill Lynch est une société américaine de gestion et de conseils financiers d’envergure mondiale qui compte parmi ses clients des particuliers, des entreprises et des institutions. Les 42 000 employés de Merrill Lynch, répartis dans plus de trente pays, offrent des services de souscription de valeurs mobilières, de négociation et de courtage; des services bancaires d’investissement, de transactions sur devises étrangères, de produits de base et de produits dérivés; des services bancaires et de crédit; des services de vente et d’assurance. Son personnel présente une grande diversité, qu’il s’agisse de l’appartenance ethnique, de la nationalité, du niveau d’instruction ou du salaire. Pratiquement la moitié des salariés travaillent dans New York et sa banlieue (y compris une partie du New Jersey) et dans deux centres de Floride et du Colorado.

Le programme «Le bien-être et vous» de Merrill Lynch

Le programme «Le bien-être et vous» relève du Département des services de soins de santé et est dirigé par un éducateur en matière de santé, titulaire d’un doctorat et placé sous les ordres du directeur médical. L’équipe de base comprend un directeur et un assistant à temps plein et est complétée par les médecins, les infirmiers et les conseillers du personnel et, au besoin, par des consultants extérieurs.

En 1993, année de son lancement, plus de 9 000 employés représentant environ 25% de l’effectif ont participé à diverses activités du programme «Le bien-être et vous» et, notamment, à:

En 1994, le programme a été élargi pour inclure un service de dépistage gynécologique sur place, où l’on procède à des frottis vaginaux et à des examens pelvien et des seins, ainsi qu’un service international d’assistance médicale d’urgence pour aider les employés américains à trouver un médecin anglophone partout dans le monde. Depuis 1995, les programmes de bien-être ont été étendus aux bureaux de Floride et du Colorado et sont ainsi à la disposition de la moitié environ de l’effectif total. La plupart des services sont offerts aux salariés gratuitement ou à un prix symbolique.

Les programmes antitabac chez Merrill Lynch

Ces dernières années, les programmes antitabac ont pris une place éminente dans le domaine du bien-être professionnel. En 1964, le ministre de la Santé des Etats-Unis a déclaré que le tabagisme était la principale cause de la plupart des maladies évitables et des décès prématurés (US Department of Health, Education, and Welfare, 1964). Depuis lors, la recherche a montré que les risques dus à l’inhalation de fumée ne se limitent pas aux fumeurs, mais à tous ceux qui, passivement, inhalent leur fumée (US Department of Health and Human Services, 1991). En conséquence, de nombreux employeurs prennent des mesures pour interdire ou réduire l’usage du tabac chez leurs salariés par souci tant de leur santé que de la productivité de l’entreprise. Chez Merrill Lynch, le programme «Le bien-être et vous» comprend trois types d’initiatives: 1) la distribution d’informations écrites; 2) des programmes d’abandon du tabagisme; 3) des mesures de réglementation du tabagisme.

Les informations écrites

Le programme de bien-être dispose d’un grand choix de matériel pédagogique de qualité pour fournir des informations, une aide et les encouragements voulus aux salariés afin qu’ils protègent leur santé. Le matériel d’auto-assistance — brochures et cassettes audio — conçu pour renseigner sur les effets nocifs du tabac et sur les avantages d’un abandon du tabagisme, est disponible dans les salles d’attente du service médical et, sur demande, par le courrier interne.

Des informations écrites sont aussi distribuées dans le cadre des expositions sur la santé. Souvent, ces expositions sont organisées en même temps que les initiatives nationales afin de profiter de l’attention que leur accordent les médias. Par exemple, le troisième jeudi de novembre, chaque année, la Société américaine du cancer (American Cancer Society) organise la grande campagne américaine pour l’abandon du tabagisme. Cette campagne nationale, conçue pour encourager les fumeurs à s’abstenir pendant vingt-quatre heures, est annoncée dans tous les Etats-Unis par la télévision, la radio et la presse. L’idée est que, si les fumeurs peuvent se prouver à eux-mêmes qu’ils arrivent à arrêter de fumer pendant un jour, ils peuvent y renoncer définitivement. En 1993, dans le cadre de cette campagne, 20,5% des fumeurs américains (9,4 millions de personnes) ont cessé de fumer ou réduit le nombre de cigarettes par jour; 8 millions d’entre eux ont déclaré, entre un et dix jours plus tard, qu’ils ne fumaient plus ou qu’ils avaient réduit leur consommation.

Chaque année, les membres du département médical de Merrill Lynch mettent en place des espaces d’exposition dans leurs établissements principaux pour inciter à cesser de fumer le jour de la campagne. Ces espaces sont situés dans des lieux très fréquentés (entrées et cafétérias) et offrent de la documentation, des «trousses de survie» (contenant du chewing-gum, des bâtons de cannelle et du matériel d’auto-assistance) et des badges de promesse d’abandon du tabagisme pour encourager les fumeurs à arrêter de fumer au moins ce jour-là.

Les programmes de sevrage tabagique

Etant donné qu’il n’existe aucun programme d’abandon du tabagisme valable pour chacun, Merrill Lynch offre à ses salariés diverses possibilités. Il s’agit notamment d’une documentation écrite d’auto-assistance («dossiers d’abandon»), de programmes de groupe, de cassettes audio, de conseils individuels et de consul- tations médicales. Ces interventions vont de l’éducation et de la modification classique du comportement à l’hypnose en passant par la thérapie de substitution de la nicotine (timbres transdermiques et chewing-gum à la nicotine); plusieurs de ces éléments peuvent aussi être combinés. La plupart de ces services sont offerts gratuitement aux employés et certains programmes, tels que les interventions de groupe, sont subventionnés par le département des prestations sociales de l’entreprise.

La politique antitabac

En plus des efforts visant à l’abandon du tabagisme et s’adressant aux individus, les interdictions de fumer sont de plus en plus courantes sur les lieux de travail. De nombreuses autorités, y compris les Etats de New York et du New Jersey, ont adopté des lois strictes concernant l’usage du tabac sur les lieux de travail qui, pour la plupart, limitent cet usage aux bureaux privés. Il n’est permis de fumer dans les lieux de travail communs et dans les salles de conférence que si toutes les personnes présentes l’acceptent. Les lois obligent en général à donner la priorité aux non-fumeurs, au point d’interdire complètement l’usage du tabac. La figure 15.15 énumère les arrêtés municipaux et les règlements de l’Etat applicables à la ville de New York.

Figure 15.15 Résumé des interdictions de fumer décidées par la ville et l'Etat de New York

Figure 15.15

Dans de nombreux bureaux, Merrill Lynch a mis en œuvre des mesures antitabac qui dépassent les prescriptions légales. Dans la plupart des cafétérias des sièges sociaux de New York et du New Jersey, il est interdit de fumer. De plus, l’interdiction totale a été décrétée dans certains immeubles de bureaux du New Jersey et de Floride, ainsi que dans certains secteurs de la ville de New York.

Il semble que les effets nocifs de l’exposition au tabac ne soient guère contestés. Toutefois, il y a d’autres questions à prendre en compte lorsqu’on élabore une politique concernant le tabac dans l’entreprise. La figure 15.16 illustre les nombreuses raisons qui font qu’une entreprise peut choisir ou non de dépasser les obligations légales concernant l’interdiction de fumer.

Figure 15.16 Avantages et inconvénients de la réglementation du tabagisme dans les lieux de travail

Figure 15.16

L’évaluation des programmes et des mesures antitabac

Comme le programme «Le bien-être et vous» est relativement récent, aucune évaluation officielle n’a été faite pour l’instant pour vérifier l’effet de ces efforts sur le moral des employés ou sur leurs habitudes tabagiques. Néanmoins, selon certaines études, la majorité des employés est favorable à une réglementation du tabagisme en milieu de travail (Stave et Jackson, 1991), la réglementation entraînant une réduction de la consommation de cigarettes (Brigham et coll.,1994; Baile et coll., 1991; Woodruff et coll., 1993) et faisant augmenter nettement le pourcentage de personnes qui arrêtent de fumer (Sorensen et coll., 1991).

LE CANCER: PRÉVENTION ET LUTTE

Peter Greenwald et Leon J. Warshaw

On prévoit que, dans les dix prochaines années, le cancer deviendra la cause principale de décès dans de nombreux pays développés. Cette évolution est due non pas tant à une augmentation de la fréquence des cancers qu’à une diminution de la mortalité due aux maladies cardio-vasculaires qui sont actuellement en tête de liste des causes de mortalité. Tout autant que le taux de mortalité élevé, le spectre du cancer, qui en fait une maladie redoutée, nous hante: on le perçoit comme une maladie invalidante à plus ou moins brève échéance, associée à de grandes souffrances. Ce sombre tableau s’éclaircit quelque peu lorsqu’on pense aux connaissances de plus en plus approfondies acquises en matière de réduction des risques, aux techniques de dépistage précoce et aux nouvelles réalisations remarquables dans le domaine thérapeutique. Toutefois, le tribut de ces nouveaux traitements peut être lourd sur le plan physique, psychologique et économique pour les patients comme pour leurs proches. Selon l’Institut américain du cancer (National Cancer Institute (NCI)), on peut réduire sensiblement les taux de morbidité et de mortalité du cancer en appliquant les recommandations actuelles concernant le tabagisme, le régime alimentaire, la surveillance du milieu, le dépistage et les thérapies de pointe.

Pour l’employeur, le cancer pose de graves problèmes, indépendamment de sa responsabilité éventuelle en matière de cancers professionnels. Les travailleurs atteints peuvent avoir une productivité diminuée et s’absenter fréquemment à la fois à cause de la maladie elle-même et des effets secondaires de la thérapie. De bons salariés seront perdus en raison de longues périodes d’inaptitude au travail ou d’une mort prématurée, et leur remplacement entraînera des coûts considérables de recrutement et de formation.

L’employeur en pâtit même lorsque c’est le conjoint, ou une autre personne à charge plutôt que le salarié en bonne santé, qui est atteint du cancer. Les soins à apporter au malade peuvent être cause de distraction, de fatigue, voire l’obliger à s’absenter, ce qui nuira à sa productivité. D’autre part, les frais médicaux, souvent lourds, augmentent le coût de l’assurance maladie souscrite par l’employeur. Par conséquent, il est hors de doute que la prévention du cancer doit être un élément important des programmes de mieux-être dans le travail.

La prévention primaire

La prévention primaire consiste à éviter de fumer et à modifier toute une série d’autres facteurs qui pourraient influer sur le développement du cancer, à identifier les substances potentiellement cancérogènes dans le milieu de travail et à éliminer, ou en tout cas à limiter, l’exposition des travailleurs à ces facteurs.

La réduction de l’exposition

La recherche fondamentale et les études épidémiologiques sur les populations exposées permettent d’identifier les substances cancérogènes potentielles et avérées. Les études épidémiologiques peuvent chercher à évaluer la fréquence, l’importance et la durée des expositions en milieu industriel et à assurer une surveillance médicale complète des travailleurs exposés comprenant, entre autres, une analyse des causes de maladie et de décès. Pour éviter l’exposition, il faut éliminer ces cancérogènes potentiels du milieu de travail ou, lorsque cela n’est pas possible, diminuer l’exposition. Il faut aussi étiqueter soigneusement les produits dangereux et rappeler en permanence aux travailleurs les consignes de manutention, de stockage et d’élimination.

Le tabac et le risque de cancer

Près d’un tiers des décès dus au cancer et 87% des cancers du poumon aux Etats-Unis sont imputables au tabac. Principale cause des cancers du larynx, de la cavité buccale et de l’œsophage, la consommation de tabac favorise aussi l’apparition des cancers de la vessie, du pancréas, du rein et du col de l’utérus. Il existe une relation dose-effet évidente entre le risque de cancer du poumon et la consommation quotidienne de cigarettes: chez ceux qui fument plus de 25 cigarettes par jour, le risque est vingt fois plus élevé que chez les non-fumeurs.

Selon les experts, l’absorption passive de la fumée de tabac émise par les fumeurs («tabagisme passif») est un important facteur de risque de cancer du poumon chez les non-fumeurs. En janvier 1993, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)) a classé la fumée de tabac ambiante parmi les cancérogènes humains re- connus, puisqu’on estime qu’elle est responsable d’environ 3 000 décès par cancer du poumon chaque année parmi les non-fumeurs américains.

Le rapport de 1990 du ministère américain de la Santé sur les bienfaits du sevrage tabagique prouve clairement que cesser de fumer, à quelque âge que ce soit, a un effet positif sur la santé. Par exemple, le risque de cancer du poumon chez les sujets ayant arrêté de fumer depuis cinq ans est abaissé; toutefois, ce risque reste cependant plus élevé que celui des sujets n’ayant pas fumé pendant vingt-cinq ans.

L’élimination de l’exposition au tabac grâce aux programmes de sevrage tabagique mis en œuvre par les employeurs et les syndicats, et les mesures appliquées pour offrir un milieu de travail sans fumée, représentent un élément important de la plupart des programmes de bien-être proposés aux travailleurs.

La modification des facteurs hôtes

Le cancer est une aberration de la division et du développement cellulaires qui fait que certaines cellules connaissent un rythme de division et un développement anarchiques, migrent parfois vers d’autres parties du corps, perturbant ainsi la structure et le fonctionnement des organes concernés, et finissent par entraîner la mort du sujet. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine biomédical, on connaît de mieux en mieux la cancérogenèse et on commence à identifier les facteurs génétiques, humoraux, hormonaux, alimentaires et autres qui pourraient l’accélérer ou la freiner — d’où la recherche sur les interventions qui favorisent l’identification précoce des processus précancéreux et contribuent ainsi à rétablir un développement cellulaire normal.

Les facteurs génétiques

Les épidémiologistes continuent à rassembler des preuves sur la différence de la fréquence de certains types de cancer d’une famille à l’autre. Ces données ont été étayées par les spécialistes de la biologie moléculaire qui ont déjà identifié des gènes semblant commander les différentes étapes de la division et du développement cellulaires. Lorsque ces gènes «suppresseurs de tumeurs» sont endommagés par des mutations naturelles ou par l’effet d’un cancérogène ambiant, le processus peut échapper à tout contrôle et un cancer commence à se développer.

On a trouvé des gènes transmissibles chez des patients atteints du cancer et chez certains de leurs parents proches. Un certain gène a été associé à un risque élevé de cancer du côlon et de cancer de l’utérus ou de l’ovaire chez la femme; un autre a été associé à un risque élevé de cancer du sein et de l’ovaire; un troisième à une forme de mélanome malin. Ces découvertes ont entraîné un débat sur les problèmes éthiques et sociologiques soulevés par les analyses de l’ADN destinées à identifier les individus porteurs de ces gènes qui craignent que ces résultats servent à les exclure des emplois comportant des risques d’exposition à des cancérogènes possibles ou reconnus. Après avoir étudié la question, le Conseil consultatif national américain pour la recherche sur le génome humain (National Advisory Council for Human Genome Research) (1994) s’est interrogé sur la fiabilité des analyses, l’efficacité actuelle d’éventuelles interventions thérapeutiques et la possibilité d’une discrimination d’ordre génétique à l’encontre des personnes à haut risque, et a conclu qu’il «était prématuré de proposer un examen de l’ADN pour le dépistage de ceux qui ont une prédisposition au cancer, si ce n’est dans un cadre de recherche soigneusement contrôlé».

Les facteurs humoraux

Les essais cliniques n’ont pas permis de prouver scientifiquement la valeur de l’analyse de l’antigène prostatique spécifique comme examen de dépistage systématique du cancer de la prostate chez les hommes âgés. Mais on le préconise dans certains cas aux travailleurs, parfois pour assurer symboliquement l’égalité entre les sexes parce que l’on propose aux travailleuses des mammographies et des frottis vaginaux. Certains services de consultation qui procèdent aux examens de routine proposent l’analyse de l’antigène prostatique spécifique en complément et parfois même en lieu et place du traditionnel toucher rectal, ainsi que l’échographie rectale d’apparition récente. Bien que le recours à cet examen semble justifié chez les hommes présentant des anomalies ou des symptômes prostatiques, selon une étude internationale, le dosage de cet antigène ne devrait pas être une procédure de routine dans le dépistage des populations masculines saines (Adami, Baron et Rothman, 1994).

Les facteurs hormonaux

Les hormones ont été mises en cause par différentes études dans la genèse de certains cancers et elles font partie de la thérapie employée pour lutter contre d’autres types de cancer. Il ne semble cependant pas indiqué d’attacher beaucoup d’importance aux hormones dans les programmes de promotion de la santé des travailleurs. La seule exception éventuelle serait de mettre en garde contre le risque cancérogène qu’elles peuvent parfois représenter lorsqu’on recommande une hormonothérapie substitutive pour traiter les symptômes de la ménopause et pour prévenir l’ostéoporose.

Les facteurs alimentaires

Les chercheurs évaluent à environ 35% le taux de mortalité dû à l’ensemble des cancers liés au régime alimentaire aux Etats-Unis. En 1988, le rapport du ministère américain de la Santé sur la nutrition et la santé signalait que les cancers du poumon, du côlon et du rectum, du sein, de la prostate, de l’estomac, de l’ovaire et de la vessie pouvaient être liés au régime alimentaire. Des études montrent que certains facteurs alimentaires — graisses, fibres, vitamines et oligoéléments tels que le bêtacarotène, les vitamines A, C et E, et le sélénium — peuvent avoir une incidence sur le risque de cancer. Des preuves épidémiologiques et expérimentales révèlent qu’en tenant compte de ces facteurs dans le régime alimentaire, on peut réduire la fréquence d’apparition de certains cancers.

Les graisses alimentaires

Des études épidémiologiques et des études de laboratoire ont révélé un lien entre la consommation excessive de graisses alimentaires et le risque de certains cancers, notamment ceux du sein, du côlon et de la prostate. Des études internationales comparatives ont mis en évidence un lien étroit entre l’incidence de ces cancers et l’apport total en matières grasses alimentaires, même après correction des données en fonction de l’apport calorique total.

Outre la quantité de matières grasses, le type de graisses consommées peut être un important facteur de risque de cancer. Plusieurs acides gras sont susceptibles de favoriser ou, au contraire, d’empêcher l’apparition de tumeurs de localisation spécifique. L’apport total en matières grasses et en graisses saturées est étroitement corrélé aux cancers du côlon et de la prostate et au cancer du sein postménopausique; la consommation d’huile végétale polyinsaturée est associée de façon positive aux cancers du sein postménopausique et de la prostate, mais pas à celui du côlon. Inversement, la consommation d’acides gras oméga-3 hautement polyinsaturés que l’on trouve dans certaines huiles de poisson peut ne pas avoir d’incidence sur le risque de cancer du sein et du côlon et elle peut même le réduire.

Les fibres alimentaires

Les études épidémiologiques montrent que le risque de survenue de certains cancers, surtout ceux du côlon et du sein, peut être abaissé grâce à une augmentation de l’apport en fibres alimentaires et grâce à d’autres régimes associant d’importantes consommations de légumes, de fruits et de céréales complètes.

Les oligoéléments

De manière générale, les études épidémiologiques indiquent une relation inverse entre l’incidence du cancer et l’absorption d’aliments riches en éléments ayant des propriétés antioxydantes comme le bêtacarotène, la vitamine C (acide ascorbique) et la vitamine E (alpha-tocophérol). Plusieurs études ont montré qu’une consommation faible de fruits et de légumes est associée à un risque accru de cancer du poumon et que des carences en sélénium et en zinc augmenteraient le risque de cancer.

Dans plusieurs études sur le rôle des doses supplémentaires d’antioxydants, on a constaté une réduction du nombre de crises cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux graves par rapport au nombre attendu, mais les données concernant le cancer étaient moins évidentes. Toutefois, un essai clinique sur la prévention du cancer du poumon par l’alpha-tocophérol et le bêtacarotène (ATBC), réalisé par le NCI en collaboration avec l’Institut national finlandais de santé publique, montre que l’apport complémentaire de vitamines E et de bêtacarotène n’a pas d’effet préventif sur le cancer du poumon. L’apport complémentaire en vitamine E a également entraîné une réduction de 34% des cancers de la prostate et de 16% des cancers du côlon et du rectum, mais les sujets qui prenaient du bêtacarotène ont eu 16% de plus de cancers du poumon, ce qui est statistiquement significatif, et un nombre légèrement plus élevé d’autres cancers que ceux qui prenaient de la vitamine E ou un placebo. Rien n’indiquait que la vitamine E et le bêtacarotène donnent de meilleurs résultats en association que de façon isolée. Les chercheurs n’ont pas encore pu établir pourquoi les personnes qui prenaient du bêtacarotène avaient davantage de cancers du poumon. Il est possible que les aliments à forte teneur en bêtacarotène et en vitamine E renferment un ou des éléments pouvant être à l’origine de l’effet protecteur observé dans ces travaux épidémiologiques. Les chercheurs ont également argué que la durée de l’apport complémentaire avait peut-être été trop courte pour empêcher l’apparition des cancers chez les fumeurs de longue date. Des analyses plus poussées sur l’ATBC ainsi que les résultats d’autres essais permettront de répondre à certaines des questions posées, surtout celle de savoir si des doses importantes de bêtacarotène sont susceptibles d’être nocives aux fumeurs.

L’alcool

La consommation excessive de boissons alcoolisées a été associée au cancer du rectum, du pancréas, du sein et du foie. Il existe aussi des preuves sérieuses de l’effet synergique de l’association alcool-tabagisme dans l’augmentation du risque de cancer de la cavité buccale, du pharynx, de l’œsophage et du larynx.

Recommandations diététiques

Etant donné que des preuves incontestables établissent un lien entre le régime alimentaire et le risque de cancer, le NCI a élaboré des directives sur l’alimentation dans lesquelles figurent les recommandations suivantes:

Ces directives sont destinées à être appliquées dans le cadre d’un régime alimentaire général qui peut être recommandé à l’ensemble de la population.

Les maladies infectieuses

On est de plus en plus avertis de l’association entre certains agents infectieux et plusieurs types de cancers: par exemple, le virus de l’hépatite B avec le cancer du foie, le virus du papillome humain avec le cancer du col de l’utérus et le virus d’Epstein-Barr avec le lymphome de Burkitt (la fréquence du cancer chez les personnes atteintes du sida est due à leur immunodéficience et non à l’effet cancérogène direct de l’agent du VIH). Il existe maintenant un vaccin contre l’hépatite B qui, s’il est inoculé aux enfants, réduira par la suite leur risque de cancer du foie.

La prévention du cancer sur les lieux de travail

Afin d’étudier les possibilités qu’offre le milieu de travail si l’on veut promouvoir des comportements visant à prévenir le cancer et à le combattre, le NCI a lancé un projet concernant le mieux-être au travail, intitulé «Working Well Project». Ce projet consiste en une série d’initiatives destinées à réduire l’usage du tabac, modifier les habitudes alimentaires, augmenter la fréquence des dépistages et réduire les expositions professionnelles. Il a été lancé en septembre 1989 dans les quatre centres de recherche américains suivants:

Le projet englobe quelque 21 000 salariés dans 114 entreprises réparties sur tout le territoire américain. Les sites choisis, pour la plupart des usines, mais aussi des casernes de sapeurs-pompiers et des imprimeries, ont organisé des interventions visant à réduire le tabagisme et à modifier les habitudes alimentaires, en accordant plus ou moins d’importance à l’une ou à l’autre de ces options ou en en ajoutant d’autres en fonction des conditions climatiques ou socio-économiques propres à la région. Les centres de Floride et du Texas, par exemple, ont mis l’accent sur le dépistage du cancer de la peau et sur l’utilisation de crèmes de protection solaire en raison de l’exposition au soleil de la population dans ces régions. Les centres du Massachusetts et du Texas ont choisi d’offrir des programmes insistant sur le lien entre cancer et tabagisme. Le centre de Floride a proposé une intervention visant à modifier les habitudes alimentaires parce qu’il est facile d’obtenir des agrumes frais auprès des entreprises agricoles et fruitières locales. Ce centre a également créé des conseils syndicaux-patronaux de consommateurs sur les lieux de travail qui relèvent de sa compétence pour qu’ils prennent des dispositions avec les services de restauration afin de garantir un bon choix de fruits et légumes frais dans les cafétérias. Plusieurs entreprises participantes offrent des prix — bons-cadeaux ou repas gratuits à la cafétéria — à ceux qui continuent à participer au projet ou qui atteignent l’objectif recherché (ne plus fumer, par exemple). Dans les lieux où la pollution par les moteurs diesel est fréquente et ceux où on utilise couramment des solvants ou des équipements d’irradiation, on a cherché à réduire l’exposition des travailleurs. Voici quelques-uns des programmes proposés:

L’information sur le cancer

Les programmes d’éducation sanitaire offerts sur les lieux de travail doivent renseigner sur les signes et les symptômes pouvant suggérer l’existence d’un cancer au stade précoce — par exemple, présence de grosseurs, saignements au niveau du rectum ou autre, lésions cutanées qui ne se cicatrisent pas — et sur la nécessité de consulter rapidement un médecin. On peut également offrir dans le cadre de ces programmes des séances d’instruction sur l’autopalpation des seins, comportant de préférence une mise en pratique sous surveillance.

Le dépistage du cancer

On procède à des examens de dépistage en vue de déceler le plus tôt possible les lésions précancéreuses ou les cancers naissants et pour pratiquer leur ablation. Un élément important du dépistage consiste à renseigner le public sur les premiers signes et symptômes du cancer pour l’inciter à consulter un médecin dès leur apparition.

Tout examen médical systématique devrait comprendre la recherche de cancers au stade précoce. De plus, le dépistage généralisé de certains types de cancers peut être effectué sur le lieu de travail ou dans un établissement proche. Pour être acceptable et justifiable, toute campagne de dépistage du cancer sur une population asymptomatique devrait respecter les critères suivants:

Les critères supplémentaires suivants conviennent particulièrement aux lieux de travail:

Un dernier critère revêt une importance primordiale: le dépistage devrait être effectué par des professionnels de la santé dûment qualifiés et accrédités utilisant un matériel de pointe, et l’interprétation et l’analyse des résultats devraient être de la plus haute qualité et de la plus grande exactitude possibles.

En 1989, le groupe de travail américain sur les services de prévention (US Preventive Service Task Force), qui rassemble 20 experts du secteur médical et d’autres domaines apparentés, s’appuyant sur les conclusions de centaines de «conseillers» des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni, a évalué l’efficacité de quelque 169 actions de prévention. Ses recommandations concernant le dépistage du cancer sont résumées au tableau 15.4. Etant donné l’attitude généralement prudente du groupe de travail et les critères rigoureux qui sont appliqués, ces recommandations peuvent différer de celles d’autres groupes.

Tableau 15.4 Dépistage des affections néoplastiques

Type de cancer

Recommandations du groupe de travail américain sur les services de prévention (Preventive Services Task Force)

Sein

Toutes les femmes âgées de plus de 40 ans devraient passer un examen clinique annuel des seins. Pour les femmes de 50 ans à 75 ans, on préconise une mammographie tous les ans ou tous les deux ans, sauf si un état pathologique a été détecté. Il peut être sage de commencer les mammographies plus tôt chez les sujets qui ont des risques élevés de cancer du sein. Bien que l’on ne recommande pas expressément d’apprendre à faire soi-même l’examen d’autopalpation des seins, l’état des connaissances n’est pas suffisant pour que l’on conseille de modifier les pratiques actuelles en la matière (en d’autres termes ceux qui l’enseignent pour l’instant devraient continuer à le faire).

Côlon et rectum

Les preuves ne sont pas suffisantes pour recommander ou non la recherche de sang occulte dans les matières fécales ou une sigmoïdoscopie aux fins du dépistage du cancer colorectal chez les personnes asymptomatiques. Les raisons ne sont pas non plus suffisantes pour arrêter ce genre de dépistage s’il est pratiqué actuellement ou pour le refuser aux personnes qui le demandent. Il peut être cliniquement prudent d’offrir ce dépistage aux personnes de 50 ans et plus qui présentent des facteurs de risque connus de ce type de cancer.

Col de l’utérus

Le frottis vaginal est recommandé pour toutes les femmes qui sont ou ont été actives sexuellement. Les frottis vaginaux devraient commencer avec le début de l’activité sexuelle et être répétés selon l’avis du médecin tous les un à trois ans. Après 65 ans, on peut cesser de les faire si les frottis précédents ont toujours été normaux.

Prostate

Il n’existe pas suffisamment de preuves pour recommander ou non le toucher rectal courant aux fins du dépistage du cancer de la prostate chez les hommes asymptomatiques. Chez ces derniers, il n’est pas non plus recommandé de procéder régulièrement au dépistage par échographie transrectale et marqueurs tumoraux sériques.

Poumon

Aucune recommandation ne peut être faite quant à l’efficacité du dépistage du cancer du poumon chez les personnes asymptomatiques grâce à une radiographie thoracique ou à un examen cytologique systématique des expectorations.

Peau

Le dépistage systématique du cancer de la peau est recommandé chez les personnes à haut risque. Les cliniciens devraient conseiller à tous les patients passant beaucoup de temps à l’extérieur de se protéger contre les rayons ultraviolets par des crèmes solaires ou d’autres moyens. A l’heure actuelle, on ne dispose pas de preuves suffisantes pour demander aux patients d’effectuer ou non un auto-examen de la peau.

Testicule

Le dépistage périodique du cancer du testicule par un examen est recommandé dans le cas des hommes qui ont des antécédents de cryptorchite, d’orchitopexie ou d’atrophie testiculaire. Aucun argument ne prouve qu’il y ait un avantage ou un inconvénient clinique à recommander ou non le dépistage systématique du cancer du testicule chez les autres hommes. Actuellement, on ne dispose pas de preuves suffisantes pour conseiller ou non aux patients d’effectuer un auto-examen périodique des testicules.

Ovaire

Le dépistage du cancer de l’ovaire chez les femmes asymptomatiques n’est pas expressément recommandé. Il est prudent d’examiner les annexes lorsqu’on effectue un examen gynécologique pour d’autres raisons.

Pancréas

Le dépistage systématique du cancer du pancréas chez les personnes asymptomatiques n’est pas expressément recommandé.

Bouche

Le dépistage systématique du cancer de la bouche chez les personnes asymptomatiques par des cliniciens spécialistes des soins primaires n’est pas expressément recommandé. On devrait conseiller à tous les patients de se faire examiner les dents régulièrement, d’arrêter l’usage du tabac sous toutes ses formes et de limiter leur consommation d’alcool.

Source: Preventive Services Task Force, 1989

Le dépistage du cancer du sein

Les experts s’accordent en général pour dire qu’un dépistage comportant une mammographie et un examen clinique des seins tous les ans ou tous les deux ans permettrait de réduire jusqu’à 30% le nombre de décès dus au cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans. Ils ne sont toutefois pas d’accord sur l’intérêt du dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes asymptomatiques de 40 à 49 ans. Le NCI recommande que les femmes de ce groupe d’âge subissent un examen de dépistage tous les ans ou tous les deux ans et que les sujets à risque demandent à leur médecin s’il juge opportun de commencer les examens de dépistage avant 40 ans.

Dans bien des entreprises, il ne se justifie pas, vu le petit nombre de femmes, de disposer sur place des équipements radiologiques nécessaires aux mammographies. En conséquence, la plupart des entreprises qui organisent des programmes parrainés par les employeurs ou les syndicats (ou par les deux) font appel à des entreprises extérieures qui apportent leur propre matériel sur les lieux de travail, ou invitent les employées participantes à se rendre dans des services de consultation proches pendant leurs heures de travail, soit pendant leur temps libre. Dans un cas comme dans l’autre, il convient de s’assurer que le matériel respecte les normes de sûreté radiologique du Collège américain de radiologie (American College of Radiology) et que la qualité des clichés et leur lecture sont satisfaisantes. Il est de plus indispensable de prendre à l’avance des dispositions avec un spécialiste dans le cas des femmes qui auront besoin d’une biopsie par aspiration ou d’un autre examen pour confirmer le diagnostic.

Le dépistage du cancer du col de l’utérus

D’après les preuves scientifiques dont on dispose, le dépistage régulier par frottis vaginaux permettrait de réduire de façon sensible la mortalité due au cancer du col de l’utérus chez les femmes sexuellement actives ou ayant atteint l’âge de 18 ans. La survie semble être directement liée à la précocité du diagnostic. La détection précoce, à l’aide d’un examen cytologique de la muqueuse vaginale, est actuellement le seul moyen pratique de déceler le cancer du col de l’utérus lorsqu’il est encore localisé ou à l’état précancéreux. Le risque de généralisation du cancer de l’utérus est de trois à dix fois plus important chez les femmes qui n’ont jamais été soumises à un dépistage que chez celles qui ont eu des frottis vaginaux tous les deux ou trois ans.

S’agissant du coût des programmes de dépistage, il est utile de préciser que les frottis vaginaux pour l’examen cytologique peuvent fort bien être pratiqués par des infirmières dûment formées et n’exigent pas l’intervention d’un médecin. Mais il est indispensable que les prélèvements soient envoyés pour analyse à des laboratoires compétents et spécialisés.

Le dépistage du cancer du côlon et du rectum

On estime que la détection précoce des polypes précancéreux et des cancers du côlon et du rectum par la recherche régulière de sang dans les selles, par le toucher rectal et les examens au sigmoïdoscope, ainsi que leur ablation rapide, réduisent la mortalité par ce type de cancer chez les sujets de 50 ans et plus. L’examen est rendu moins gênant et plus fiable grâce au remplacement du sigmoïdoscope rigide par le fibroscope, qui est plus long et plus souple. Des divergences existent cependant quant aux examens à privilégier et à leur fréquence.

Les avantages et les inconvénients du dépistage

On admet généralement l’intérêt du dépistage du cancer chez les sujets à risque en raison d’antécédents familiaux ou personnels, ou encore chez les sujets exposés à des substances potentiellement cancérogènes, mais on s’inquiète avec raison du dépistage généralisé parmi une population saine.

Ses partisans arguent que la détection précoce permettrait une diminution des taux de morbidité et de mortalité, ce qui s’est révélé exact dans certains cas, mais pas toujours. Par exemple, bien qu’il soit possible de déceler plus tôt le cancer du poumon grâce à la radiographie pulmonaire ou à l’examen cytologique des expectorations, cette détection précoce n’a pas entraîné une amélioration des résultats de la thérapie. De même, on craint que le déclenchement rapide de la thérapie dans les cancers précoces de la prostate ne présente en fait plus d’inconvénients que d’avantages, car les patients dont on reporte le traitement bénéficient d’un répit.

Lorsqu’on prévoit des programmes généralisés de détection, il faut également tenir compte des répercussions que les résultats faussement positifs peuvent avoir sur le bien-être et le budget des patients. Par exemple, dans plusieurs séries de cas, 3 à 8% des femmes qui avaient présenté des résultats positifs au dépistage du cancer du sein ont subi des biopsies inutiles pour des tumeurs bénignes; et lors d’une campagne de dépistage du cancer du côlon et du rectum par la recherche de sang dans les selles, sur un tiers des participants qui avaient été envoyés chez un spécialiste pour une coloscopie diagnostique, la plupart ont obtenu des résultats négatifs.

De toute évidence, des recherches supplémentaires s’imposent. C’est pourquoi, le NCI a lancé une étude importante, intitulée Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trials (PLCO) (Essais de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et du rectum, et de l’ovaire), pour évaluer l’intérêt des différentes techniques de détection précoce pour ces quatre types de cancer. Ce programme qui a débuté en novembre 1993 doit porter sur 148 000 hommes et femmes, âgés de 60 à 74 ans, répartis au hasard entre le groupe d’intervention et le groupe témoin. Dans le groupe d’intervention, on procédera au dépistage du cancer du poumon, du côlon et du rectum et de la prostate chez les hommes tandis que l’on recherchera le cancer du poumon, du côlon et du rectum, et de l’ovaire chez les femmes; les sujets du groupe témoin recevront les soins médicaux habituels. Pour le cancer du poumon, on étudiera l’intérêt d’un seul cliché thoracique par année; dans le cas du cancer colo-rectal, on effectuera une sigmoïdoscopie fibroscopique tous les ans également; on procédera à un toucher rectal et à une analyse du sang pour détecter l’antigène prostatique spécifique pour le cancer de la prostate et, pour le cancer de l’ovaire, on pratiquera un examen médical, une échographie transvaginale et une analyse de sang chaque année afin de déceler le marqueur tumoral CA-125. Ce programme qui doit durer seize ans et coûter 87,8 millions de dollars devrait permettre d’obtenir des données sérieuses sur l’intérêt du dépistage pour les diagnostics précoces susceptibles de prolonger la vie et de réduire la mortalité.

La thérapie et les soins prolongés

La thérapie et les soins prolongés visent à améliorer la qualité de la vie des personnes atteintes d’un cancer et de celles qui les soignent. Les services de santé au travail et les programmes d’assistance aux salariés offerts par les employeurs et les syndicats peuvent fournir des conseils et un accompagnement utiles aux travailleurs qui sont soignés pour un cancer ou qui ont une personne à charge qui suit une thérapie. On peut notamment donner des explications sur la situation et sur l’évolution probable de la maladie, informations que ne donnent pas toujours les cancérologues et les chirurgiens; on peut aussi orienter les intéressés vers des spécialistes pour obtenir d’autres avis, et vers des services de consultation et d’aide pour l’accès à des centres de soins hautement spécialisés. Grâce aux congés de maladie et à des aménagements des horaires de travail, les travailleurs peuvent continuer à travailler tout en suivant une thérapie et ils peuvent même reprendre le travail plus tôt en cas de rémission. Dans certaines entreprises, on a constitué des groupes de soutien où chacun parle de son expérience et où les travailleurs faisant face à des problèmes semblables peuvent s’entraider.

Conclusion

Les programmes de prévention et de détection du cancer peuvent contribuer réellement au bien-être des travailleurs et des personnes qui sont à leur charge et être très rentables pour les employeurs et les syndicats qui les proposent. Comme pour les autres actions de prévention, il est nécessaire que ces programmes soient bien conçus et mis en œuvre avec soin et, étant donné que leurs avantages s’échelonneront sur plusieurs années, on doit continuer à les proposer régulièrement.

LA SANTÉ DES FEMMES

Patricia A. Last

On croit généralement, mais à tort, qu’en dehors des différences liées aux fonctions de reproduction, les risques pour la santé sur le lieu de travail et les mesures destinées à les limiter sont comparables pour les travailleurs et les travailleuses. Même si hommes et femmes souffrent la plupart du temps des mêmes maladies, ils sont différents sur le plan physique, métabolique, hormonal, physiologique et psychologique. Par exemple, la taille moyenne et la masse musculaire moindres des femmes imposent que l’on accorde une attention particulière à l’ajustement des vêtements et du matériel de protection et à la fourniture d’outils à main spécialement conçus. Par ailleurs, leur masse corporelle généralement inférieure les rend en moyenne plus sensibles aux effets de l’abus d’alcool sur le foie et le système nerveux central.

Les femmes diffèrent également par le type d’emploi qu’elles occupent, par leur situation socio-économique qui influe sur leur mode de vie et par leur participation et leurs réactions aux activités de promotion de la santé. Bien que des changements se soient produits, les femmes ont plus de chances de se retrouver dans des emplois routiniers et monotones où elles sont exposées aux accidents dus aux gestes répétitifs. Elles souffrent de l’absence d’équité salariale et sont beaucoup plus souvent que les hommes accablées par les responsabilités ménagères, les soins aux enfants et aux personnes âgées à charge.

Dans les pays industriels, les femmes, quelle que soit la tranche d’âge considérée, ont une plus grande espérance de vie que les hommes. A 45 ans, on peut s’attendre à ce qu’une Japonaise vive en moyenne encore 37,5 ans et une Ecossaise 32,8 ans, tandis que les femmes de la plupart des autres pays développés se situent entre ces deux limites. De ce fait, on a tendance à conclure que les femmes sont généralement en bonne santé. On semble oublier que ces années «supplémentaires» sont souvent gâchées par des maladies chroniques et des invalidités qui sont en grande partie évitables. De nombreuses femmes mesurent mal les risques qu’elles encourent et sous-estiment de ce fait les précautions qu’elles pourraient prendre pour les limiter et se prémunir contre les maladies et les accidents graves. Elles sont, par exemple, nombreuses à s’inquiéter avec raison du cancer du sein, mais elles ignorent aussi que les maladies cardiaques représentent chez elles de loin la principale cause de décès et que, en raison essentiellement du développement de leur tabagisme — et la cigarette représente un facteur de risque important de maladies coronariennes —, la fréquence du cancer du poumon est en augmentation.

Aux Etats-Unis, une enquête nationale réalisée en 1993 (Harris et coll., 1993), dans laquelle on a interrogé plus de 2 500 femmes et plus de 1 000 hommes, adultes dans les deux cas, confirme que les femmes souffrent de graves problèmes de santé et que beaucoup d’entre elles ne reçoivent pas les soins voulus. Selon l’étude, entre trois et quatre femmes sur dix risquent de souffrir d’une maladie guérissable non diagnostiquée parce qu’elles n’ont pas accès à des services cliniques de prévention et n’ont pas d’assurance maladie, ou que leur médecin ne les a jamais informées de l’existence de certains examens. De plus, un grand nombre des Américaines interrogées n’étaient pas satisfaites de leur médecin personnel: quatre sur dix (deux fois plus que chez les hommes) déclarent qu’il s’adresse à elles sur un ton condescendant et 17% (contre 10% chez les hommes) qu’il leur avait dit que leurs symptômes étaient «dans leur tête».

Si les taux globaux de maladies mentales sont à peu près les mêmes chez les hommes et chez les femmes, leur expression diffère: les femmes souffrent davantage de dépression et d’anxiété, alors que la toxicomanie, l’alcoolisme et les troubles de la personnalité psychopathiques sont plus courants chez les hommes (Glied et Kofman, 1995). Les hommes ont davantage tendance à consulter des spécialistes de la santé mentale, tandis que les femmes sont souvent traitées par des médecins généralistes qui, pour la plupart, s’intéressent peu aux troubles psychiques quand ils ne manquent pas carrément de compétences pour les traiter. Les femmes, et en particulier les femmes âgées, se voient bien plus souvent prescrire des psychotropes, au point que l’on se demande si le recours à ces médicaments n’est pas excessif. Trop souvent, les problèmes découlant d’un stress trop intense ou de maladies évitables et guérissables sont associés par les professionnels de la santé, les autres membres de la famille, l’encadrement et les collègues de travail, et même par les femmes elles-mêmes, à la menstruation ou à la ménopause et ne sont donc pas traités.

Ces problèmes sont accentués par la croyance que les femmes — jeunes et moins jeunes — sont très bien renseignées sur leur corps et son fonctionnement. C’est pourtant bien loin d’être le cas. Il existe une ignorance très généralisée et des idées fausses que l’on accepte sans sourciller. De nombreuses femmes ont honte de révéler leur manque de connaissances et s’inquiètent inutilement de symptômes qui sont en fait «normaux» ou parfaitement explicables.

Etant donné que les femmes constituent 50% de la population active dans un segment important du marché de l’emploi et qu’elles sont nettement plus nombreuses dans certains secteurs de services, les conséquences de leurs problèmes de santé évitables et auxquels on pourrait remédier pèsent lourdement et inutilement sur leur bien-être et sur leur productivité, ainsi que sur l’entreprise elle-même. On pourrait nettement réduire cette charge en offrant des programmes de promotion de santé sur le lieu de travail spécialement conçus à leur intention.

La promotion de la santé des femmes dans l’entreprise

L’information en matière de santé est en grande partie fournie par les journaux, les revues et la télévision, mais elle est bien souvent incomplète et entachée de sensationnalisme ou conçue pour promouvoir des produits ou des services particuliers. Trop souvent, lorsqu’ils rendent compte des progrès récents de la médecine et de la science, les médias soulèvent davantage de questions qu’ils ne donnent de réponses et causent même une angoisse inutile. Les professionnels de la santé dans les hôpitaux, les cliniques et les cabinets privés ne prennent pas toujours soin de vérifier que leurs patients sont bien informés de leurs problèmes ni de les renseigner sur des problèmes de santé graves sans rapport avec leurs symptômes.

Un programme de promotion de la santé au travail bien conçu et bien géré devrait fournir des renseignements exacts et complets, la possibilité de poser des questions en groupe ou au cours de séances individuelles, des services cliniques de prévention, l’accès à diverses activités de promotion de la santé et des séances d’orientation pour prévenir ou diminuer le sentiment de détresse et l’invalidité. Le milieu de travail offre un cadre idéal pour la mise en commun des expériences et de l’information médicales, surtout lorsqu’elles sont directement liées à des situations vécues dans le cadre professionnel. On peut aussi profiter des pressions exercées par les collègues pour inciter davantage les travailleurs à participer durablement aux activités de promotion de la santé et à adopter des habitudes de vie saines.

Les programmes destinés aux femmes peuvent être élaborés de diverses façons. Ernst and Young, important cabinet d’experts-comptables, a organisé à l’intention de ses employées de Londres une série de séminaires sur la santé conçus pour les femmes et conduits par un consultant extérieur. Tous les échelons du personnel y étaient représentés et ces séminaires ont été bien accueillis. Les participantes étaient à l’aise avec la méthode choisie pour les exposés. En tant que personnalité extérieure, le consultant ne constituait pas, pour ces femmes, une menace pour leur emploi et elles ont pu préciser ensemble de nombreux domaines où une certaine confusion régnait en matière de santé féminine.

Marks and Spencer, importante chaîne de magasins de détail au Royaume-Uni, propose dans le cadre de son service médical interne un programme faisant appel à des ressources extérieures afin de fournir des services aux employées des nombreuses succursales régionales. On offre des examens de dépistage et des conseils individuels à tout le personnel, ainsi que de nombreuses brochures de documentation et vidéocassettes sur la santé, produits en grande partie par l’entreprise.

De nombreuses entreprises ont recours à des conseillers médicaux indépendants. Par exemple, au Royaume-Uni, la BUPA (British United Provident Association) propose ce genre de services dans ses centres médicaux qui suit des milliers de femmes grâce à un réseau de 35 centres intégrés, mais éparpillés géographiquement et que viennent compléter des unités mobiles. La plupart de ces femmes sont envoyées là dans le cadre de program-mes de promotion de la santé offerts par l’employeur; les autres viennent à titre personnel.

La BUPA a sans doute été la première association, du moins au Royaume-Uni, à créer un centre de santé féminine consacré exclusivement aux services de prévention destinés aux femmes. Les centres de santé féminine en milieu hospitalier ou les centres indépendants deviennent de plus en plus courants et semblent attirer les femmes qui ne sont pas satisfaites du système médical en place. Outre des soins prénatals et obstétricaux, ils offrent des soins de santé primaires très variés et la plupart d’entre eux accordent une importance particulière à la prévention.

Il ressort de l’enquête nationale sur les centres de santé féminine (Women’s Health Centers), réalisée en 1994 par des chercheurs de l’Ecole d’hygiène et de santé publiques de la Johns Hopkins School avec le soutien de la Fondation du Commonwealth (Weisman, 1995), qu’il existe 3 600 centres de santé féminine aux Etats-Unis, dont 71% sont des centres de soins génésiques qui proposent essentiellement des examens gynécologiques systématiques en consultation externe, des frottis vaginaux et des services de planification familiale. Ils offrent également des tests de grossesse, des conseils en matière d’avortement (82%), organisent si nécessaire des interruptions volontaires de grossesse (IVG) (50%), des tests de dépistage et le traitement des maladies sexuellement transmissibles, la palpation des seins et la prise de la tension artérielle.

Douze pour cent sont des centres de soins primaires (y compris des services de santé universitaires destinés aux femmes) qui offrent les soins essentiels de prévention et de maintien de la forme physique, notamment les examens cliniques réguliers, les examens gynécologiques et les frottis vaginaux de routine, le diagnostic et le traitement des problèmes menstruels, des conseils relatifs à la ménopause, ainsi qu’une hormonothérapie substitutive, et des services de santé mentale comportant notamment des conseils et des traitements aux toxicomanes et aux alcooliques.

Les centres de dépistage de cancer du sein constituent 6% du total (voir ci-dessous), alors que les autres centres offrent des combinaisons variables de services. La plupart se sont dits intéressés par les contrats de services destinés aux salariées des entreprises voisines dans le cadre de leurs programmes de promotion de la santé des travailleurs.

Quel que soit l’endroit choisi, le succès des programmes de promotion de la santé des travailleuses dépend non seulement de la fiabilité de l’information et des services offerts, mais encore et surtout, de la façon dont ils sont présentés. Les programmes doivent prendre en compte la mentalité et les aspirations des femmes, ainsi que leurs inquiétudes, et s’ils proposent une aide, ils doivent éviter l’attitude condescendante que l’on retrouve généralement face à ces problèmes.

Le reste du présent article sera consacré à trois catégories de problèmes considérés comme particulièrement importants pour la santé des femmes — les troubles menstruels, les cancers du col de l’utérus et du sein, et l’ostéoporose. Toutefois, lorsqu’il aborde des problèmes qui entrent dans d’autres catégories, le programme de promotion de la santé au travail ne doit pas négliger ceux qui présentent un intérêt particulier pour les femmes.

Les troubles de la menstruation

Pour la majorité des femmes, les règles sont un processus «naturel» qui pose peu de problèmes. Le cycle menstruel peut être perturbé pour diverses raisons et donner lieu de ce fait à une certaine gêne ou à une inquiétude chez l’employée. Elle peut ainsi être poussée à prendre un congé de maladie régulièrement, déclarant souvent qu’elle a «pris froid» ou qu’elle a «mal à la gorge», au lieu de dire qu’elle a un problème de menstruation, surtout si elle doit présenter sa feuille d’absence à un supérieur de sexe masculin. Toutefois, la régularité des absences est révélatrice et l’orientation vers un professionnel de la santé qualifié pourrait permettre de résoudre rapidement le problème. Les troubles menstruels qui peuvent avoir un effet sur le travail sont l’aménorrhée, la ménorragie, la dysménorrhée, le syndrome prémenstruel et la ménopause.

L’aménorrhée

Si l’aménorrhée peut susciter une inquiétude, elle n’affecte généralement pas le rendement au travail. La cause la plus fréquente d’aménorrhée chez les femmes jeunes est la grossesse et chez les femmes âgées la ménopause ou l’hystérectomie. Toutefois, on peut également l’attribuer à d’autres causes:

La ménorragie

En l’absence de toute mesure objective du flux menstruel, il est généralement admis qu’un écoulement menstruel suffisamment important pour empêcher une femme de vaquer à ses occupations normales ou pour causer une anémie, est excessif. Lorsque l’écoulement est suffisamment important pour neutraliser le facteur anticoagulant circulant normal, une femme qui a des «règles abondantes» peut se plaindre du passage de caillots. L’insuffisance des protections périodiques normales, en l’occurrence, peut gêner considérablement l’intéressée dans son travail et la contraindre à s’absenter régulièrement un ou deux jours par mois.

La ménorragie peut être due à des fibromes ou à des polypes. Elle peut aussi être due à l’usage du stérilet et, plus rarement, être le premier signe d’une anémie grave ou d’autres troubles sanguins sérieux tels que la leucémie.

La dysménorrhée

Bien que la grande majorité des femmes réglées ressentent une certaine gêne au moment des règles, rares sont celles ayant des douleurs assez pénibles pour les empêcher de vaquer à leurs occupations habituelles et nécessitant donc de consulter un médecin. Ici encore, on peut se douter que ce problème existe s’il y a absences mensuelles régulières. Il est possible, pour des raisons pratiques, de classer les troubles de la menstruation de la façon suivante:

  1. Dysménorrhée primaire. Les jeunes femmes chez qui aucun signe de maladie n’est évident peuvent ressentir, le jour qui précède les règles ou le premier jour de celles-ci, des douleurs suffisamment fortes pour qu’elles s’absentent de leur travail. Bien que l’on n’ait trouvé aucune cause à ce phénomène, on sait qu’il est lié à l’ovulation et que l’on peut donc l’éviter en prescrivant la pilule contraceptive ou un autre médicament qui empêche l’ovulation.
  2. Dysménorrhée secondaire. L’apparition de règles douloureuses chez une femme approchant les 35 ans, ou plus, peut être le signe d’un problème pelvien et doit faire l’objet d’un examen gynécologique complet.
Il faut savoir que certains analgésiques en vente libre ou donnés sur ordonnance pour la dysménorrhée peuvent entraîner une somnolence et constituer de ce fait un problème pour les femmes dont l’emploi exige de la vigilance à l’égard des risques professionnels.

Le syndrome prémenstruel

Le syndrome prémenstruel, ensemble de symptômes physiques et psychologiques que ressentent un pourcentage relativement restreint de femmes de sept à dix jours avant les règles, a donné lieu à une véritable mythologie. On le rend à tort responsable de la prétendue émotivité ou de l’instabilité de l’humeur des femmes. Selon certains hommes, toutes les femmes en souffrent, alors que les féministes acharnées prétendent le contraire. Au travail, on l’a invoqué comme prétexte pour ne pas offrir aux femmes de postes à responsabilités exigeant l’exercice du jugement, et il sert d’excuse pratique pour leur refuser des promotions à des postes d’encadrement et de direction. On l’a rendu responsable des pro- blèmes relationnels féminins et, en Angleterre, il a même servi à étayer un plaidoyer de folie passagère qui a permis à deux prévenues dans des causes différentes d’échapper à une inculpation pour meurtre.

Les composantes physiques du syndrome prémenstruel peuvent comprendre le gonflement abdominal, la sensibilité des seins, la constipation, l’insomnie, la prise de poids due à une augmentation de l’appétit ou à une rétention de sodium et d’eau, une maladresse lors des mouvements fins et des erreurs de jugement. Les symptômes psychiques comprennent les crises de larmes, les accès de colère, la dépression, la difficulté de prendre des décisions, l’incapacité de faire face à certaines situations et l’absence de confiance en soi. Ils apparaissent toujours pendant les journées qui précèdent les règles et s’atténuent immédiatement après. Les femmes qui prennent des œstroprogestatifs comme contraception orale et celles qui ont subi une ovariectomie connaissent rarement ce syndrome.

Le diagnostic du syndrome prémenstruel repose sur son lien temporel avec les règles; en l’absence de causes précises, il n’existe pas d’examens de diagnostic. Son traitement, dont l’intensité est déterminée par la gravité des symptômes et leur effet sur les activités normales, est purement empirique. On obtient dans la plupart des cas de bons résultats avec des mesures simples que l’on applique soi-même, comme la suppression de la caféine du régime alimentaire (le thé, le café, le chocolat et la plupart des boissons non alcoolisées à base de cola contiennent tous des quantités importantes de caféine), des en-cas fréquents pour minimiser une tendance à l’hypoglycémie, la réduction de la consommation de sel pour limiter la rétention aqueuse et la prise de poids et des exercices réguliers et modérés. Lorsque ces mesures ne réussissent pas à faire disparaître les symptômes, les médecins peuvent prescrire des diurétiques faibles (pendant deux ou trois jours seulement) pour lutter contre la rétention de sodium et d’eau, ou des hormones par voie orale pour modifier l’ovulation et le cycle menstruel. Le syndrome prémenstruel est généralement curable et ne devrait pas constituer un problème grave pour les femmes qui travaillent.

La ménopause

La ménopause correspond à une cessation de l’activité ovarienne qui peut se produire dès la trentaine ou bien au-delà de 50 ans; à l’âge de 48 ans, la moitié des femmes environ sont ménopausées. Le moment de son apparition dépend de la santé générale, de l’alimentation et de facteurs héréditaires.

Les symptômes de la ménopause sont un espacement des règles allant généralement de pair avec un flux menstruel réduit, des bouffées de chaleur avec ou sans sueurs nocturnes, une diminution des sécrétions vaginales qui peut rendre les rapports sexuels douloureux. Les autres symptômes fréquemment attribués à la ménopause sont la dépression, l’angoisse, les crises de larmes, l’absence de confiance en soi, les maux de tête, la modification de la texture cutanée, la diminution de la libido, les problèmes urinaires et l’insomnie. Chose curieuse, une étude contrôlée sous forme de questionnaire portant sur les symptômes soumis à des hommes comme à des femmes montre que les hommes du même âge se plaignent aussi de la plupart de ces symptômes (Bungay, Vessey et McPherson, 1980).

La ménopause, puisqu’elle survient vers l’âge de 50 ans, peut coïncider avec ce phénomène que l’on appelle la «crise de la quarantaine ou de la cinquantaine», qui désigne collectivement ce que vivent apparemment les hommes comme les femmes vers le milieu de leur vie (en fait, elle semble plus courante chez les hommes). Elle entraîne une démotivation, l’insatisfaction dans le travail et dans la vie en général, la dépression, une baisse de la libido et une tendance à réduire les contacts sociaux. Ces phénomènes peuvent être accentués par la perte du conjoint, du compagnon ou de la compagne du fait d’une séparation ou d’un décès ou, en ce qui concerne l’emploi, par la non-matérialisation d’une promotion attendue, la cessation d’emploi par suite d’un licenciement ou d’une retraite volontaire. Contrairement à la ménopause, cette crise du milieu de la vie n’a pas de cause hormonale connue.

Cette période peut être associée, plus particulièrement chez les femmes, au «syndrome du nid vide», sentiment d’inutilité qui peut être ressenti lorsque les enfants ayant quitté le foyer, toute raison d’être peut sembler perdue. Dans de tels cas, les contacts professionnels et sociaux ont souvent un effet stabilisateur, voire thérapeutique.

Comme de nombreux autres «problèmes féminins», la ménopause a suscité sa propre mythologie. Une information préalable permettant de détruire ces mythes grâce à des conseils judicieux et amicaux fera beaucoup pour prévenir ces bouleversements. Il peut être particulièrement utile, pour qu’une femme reste en bonne forme à ce moment de sa vie, qu’elle continue à travailler et à bien faire son travail.

C’est à ce moment-là que l’on peut envisager une hormonothérapie substitutive (HS). Bien qu’actuellement controversée, l’HS était à l’origine prescrite pour corriger les symptômes ménopausiques lorsqu’ils devenaient particulièrement sérieux. Bien qu’en principe efficaces, les hormones couramment utilisées entraînaient souvent des saignements vaginaux et, chose plus grave, on les soupçonnait d’être cancérogènes. De ce fait, on ne les prescrivait que pour des périodes limitées, le temps de corriger les symptômes gênants de la ménopause.

L’HS n’a pas d’effet sur les symptômes de la «crise de la quarantaine ou de la cinquantaine». Toutefois, lorsqu’on aura réglé le problème des bouffées de chaleur chez une femme et qu’elle pourra bien dormir parce qu’elle n’aura plus de sueurs nocturnes, ou si elle réagit mieux aux rapports sexuels parce qu’ils ne seront plus douloureux, certains de ses autres problèmes seront peut-être aussi résolus.

A l’heure actuelle, l’intérêt d’une HS prolongée est de plus en plus reconnu pour le maintien de l’intégrité osseuse chez les femmes atteintes d’ostéoporose (voir ci-dessous) et pour la réduction du risque de maladies coronariennes, qui sont actuellement la première cause de décès chez les femmes dans les pays industriels. Avec les nouvelles hormones, les nouvelles associations d’hormones et une chronologie d’administration différente, on peut éliminer l’apparition prévisible des saignements vaginaux et il semble qu’il y ait peu ou pas de risques oncologiques, même chez les femmes ayant déjà eu un cancer. Toutefois, comme de nombreux médecins ont un net préjugé pour ou contre ce type de thérapie, les femmes doivent en connaître les avantages et les inconvénients pour accepter en connaissance de cause d’y avoir ou non recours.

Il y a quelques années, le Collège américain des obstétriciens et des gynécologues (American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG)), évoquant les millions de femmes nées pendant la période du «baby boom» (après la seconde guerre mondiale) et qui arriveront à l’âge de la ménopause au cours de la présente décennie, a lancé une mise en garde contre le risque de voir l’ostéoporose et les maladies cardiaques se développer de façon spectaculaire, si les femmes n’étaient pas mieux renseignées sur la ménopause et sur les interventions prévues pour prévenir la maladie et l’invalidité, de même que pour prolonger et améliorer leur vie après la ménopause (Voelker, 1995). Le président de l’ACOG, le docteur William C. Andrews, a proposé un programme en trois parties comprenant une campagne généralisée d’éducation des médecins sur la ménopause, une «visite périménopausique» chez le médecin pour toutes les femmes de plus de 45 ans afin d’évaluer les risques et de les conseiller efficacement, et la participation des médias à l’éducation des femmes et de leur famille en ce qui concerne les symptômes de la ménopause, ainsi que les avantages et les inconvénients de traitements tels que l’hormonothérapie substitutive avant la ménopause. Les programmes de promotion de la santé au travail peuvent contribuer grandement à cet effort éducatif.

Le dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein

Tout programme de promotion de la santé des travailleuses doit offrir, ou du moins recommander, le dépistage périodique des cancers du col de l’utérus et du sein.

Le cancer du col de l’utérus

Le dépistage régulier est couramment pratiqué pour déceler toute manifestation précancéreuse au niveau du col de l’utérus au moyen de frottis vaginaux. De nombreuses entreprises assurent ce service sur place ou dans une unité mobile itinérante, afin d’éviter aux salariées de perdre du temps en se rendant dans un établissement local ou chez leur médecin. L’intervention d’un médecin n’est pas nécessaire pour cet acte: une infirmière ou une auxiliaire médicale ayant reçu la formation voulue peut parfaitement pratiquer ce prélèvement. Par contre, la qualité de l’interprétation du frottis et le respect des procédures d’archivage et de communication des résultats revêtent une grande importance.

Le cancer du sein

Bien que le dépistage du cancer du sein par la mammographie soit très répandu dans presque tous les pays développés, il n’y a qu’au Royaume-Uni qu’il fasse l’objet d’un programme national. A l’heure actuelle, près d’un million de femmes sont surveillées dans ce pays et toutes les femmes âgées de 50 à 64 ans passent une mammographie tous les trois ans. Tous les examens, y compris les explorations diagnostiques complémentaires pour élucider des anomalies constatées sur les clichés, sont gratuits. La participation à ces mammographies triennales est de plus de 70%. Les études concernant la période 1993-94 (Patnick, 1995) indiquent un taux de 5,5% d’orientations vers des examens complémentaires. On a découvert un cancer du sein chez 5,5 femmes sur 1 000 lors du dépistage. La valeur prévisionnelle des biopsies chirurgicales était de 70% dans ce programme contre 10% dans les programmes signalés ailleurs dans le monde.

Pour les mammographies, deux questions revêtent une importance fondamentale: la qualité de l’examen lui-même au cours duquel on prendra soin de maintenir les doses de rayonnement au niveau le plus faible possible, et la lecture précise des clichés. Aux Etats-Unis, l’Administration fédérale de contrôle des denrées alimentaires et des produits pharmaceutiques (Food and Drug Administration (FDA)) a adopté plusieurs règles de qualité proposées par le Collège américain de radiologie (American College of Radiology) et que devaient observer, à partir du 1er octobre 1994, plus de 10 000 services de mammographie ou d’interprétation des mammogrammes dans l’ensemble du pays (Charafin, 1994). Aux termes de la loi américaine sur les normes en matière de mammographie entrée en vigueur en 1992, tous les services compétents des Etats-Unis (à l’exception de ceux qui relèvent du ministère des Anciens Combattants, qui établit actuellement ses propres normes) devaient avoir reçu l’agrément de la FDA à cette date. Ce règlement est résumé à la figure 15.17.

Figure 15.17 Les normes américaines de qualité des mammographies

Figure 15.17

L’augmentation du nombre de centres spécialisés dans le dépistage et le traitement des maladies du sein aux Etats-Unis est un phénomène récent puisque 76% d’entre eux datent d’après 1985 (Weisman, 1995). Ils sont en majorité affiliés à un hôpital (82%), les autres étant principalement des entreprises à but lucratif qui appartiennent à des groupes de médecins. Environ un cinquième possèdent des unités mobiles. Ils offrent des services de dépistage et de diagnostic en ambulatoire comprenant l’examen clinique des seins, le dépistage et le diagnostic par mammographie, l’échographie des seins, la biopsie par aspiration et la formation à l’autopalpation des seins. Un peu plus d’un tiers offrent également un traitement du cancer du sein. Si la plupart de ces centres essaient d’obtenir une clientèle venue d’elle-même ou orientée par le milieu médical, bon nombre s’efforcent d’obtenir des contrats dans le cadre de programmes de promotion de la santé offerts par les employeurs ou les syndicats afin de proposer des services de dépistage du cancer du sein à leurs employées.

L’introduction de ces programmes de dépistage sur les lieux de travail peut rendre certaines femmes très anxieuses, surtout celles qui ont des antécédents personnels ou familiaux de cancer ou celles chez qui les résultats sont «anormaux» (ou peu probants). Il faut, lorsqu’on présente le programme, expliquer clairement qu’il est possible d’avoir des résultats «non négatifs» de ce genre, et garantir que des dispositions seront prises pour faire effectuer des examens supplémentaires qui permettront d’expliquer ces anomalies et de prendre les mesures voulues. Les responsables devraient être informés de la conduite à tenir en cas d’absence de ces femmes lorsque le suivi nécessaire ne peut pas être organisé promptement en dehors des heures de travail.

L’ostéoporose

L’ostéoporose est un trouble du métabolisme osseux beaucoup plus fréquent chez les femmes que chez les hommes et qui se traduit par une réduction progressive de la masse osseuse, entraînant une prédisposition aux fractures qui risquent de se produire à la suite de mouvements et d’accidents en apparence anodins. Elle représente un important problème de santé publique dans la plupart des pays développés.

Les fractures les plus fréquentes sont celles des vertèbres, de la partie distale du radius et de la partie supérieure du fémur. Lorsque de telles fractures se produisent chez les personnes âgées, on peut supposer que l’ostéoporose en est la cause.

Même si ces fractures se produisent généralement plus tard dans la vie, après le départ à la retraite, le risque d’ostéoporose devrait faire l’objet d’une attention particulière dans les programmes de promotion de la santé des travailleurs pour plusieurs raisons: 1) les fractures peuvent survenir chez des retraités et augmenter considérablement les frais médicaux à la charge de l’employeur; 2) les fractures peuvent survenir chez les parents âgés ou les beaux-parents de salariés et ces derniers peuvent être obligés de prendre soin de ces personnes, ce qui risque de compromettre leur assiduité et leur rendement; 3) le lieu de travail est un bon endroit pour informer les plus jeunes des dangers éventuels de l’ostéoporose et les inciter à modifier assez tôt leurs habitudes de vie pour ralentir son évolution.

Il y a deux types d’ostéoporose primaire:

Ces deux types d’ostéoporose peuvent être présents simultanément chez les femmes. De plus, dans un faible pourcentage de cas, l’ostéoporose a été attribuée à diverses causes secondaires dont l’hyperparathyroïdie, la prise de corticostéroïdes, de lévothyroxine, d’antiacides et d’autres médicaments contenant de l’aluminium, un séjour prolongé au lit, le diabète sucré, la con- sommation d’alcool et de tabac et la polyarthrite chronique évolutive.

L’ostéoporose peut exister pendant des années, voire des décennies, avant de provoquer des fractures. On peut la détecter par une technique désormais courante, celle de la mesure radiographique de la densité osseuse, calibrée en fonction de l’âge et du sexe, que l’on complète par une analyse de laboratoire du métabolisme du calcium et du phosphore. Une transparence relative inhabituelle de l’os aux rayons X peut constituer un indice, mais on ne peut normalement déceler de façon sûre cette ostéopénie qu’au-delà d’une perte de 30% de la masse osseuse.

Il est généralement admis que le dépistage régulier de l’ostéoporose chez les individus asymptomatiques n’est pas à conseiller, surtout dans le cadre des programmes de promotion de la santé au travail. Il est coûteux, peu fiable sauf dans les établissements dotés du personnel voulu; il implique une exposition aux rayonnements et, qui plus est, ne permet pas d’identifier les femmes atteintes d’ostéoporose et qui risquent le plus d’avoir des fractures.

En conséquence, bien que chacun subisse une certaine perte de masse osseuse, le programme de prévention de l’ostéoporose est avant tout destiné aux personnes les plus exposées à une évolution rapide, et qui sont donc plus sujettes aux fractures. Il se pose cependant un problème particulier: en effet, plus on commence tôt à prendre des mesures de prévention, plus elles sont efficaces, mais il est néanmoins difficile d’inciter les jeunes à adopter de nouvelles habitudes de vie en vue d’éviter un problème de santé qui pourrait apparaître à un âge considéré par beaucoup comme étant très éloigné. Mais il se trouve que bon nombre des changements recommandés sont également utiles pour prévenir d’autres problèmes et favoriser une bonne santé générale.

On ne peut modifier certains facteurs de risque d’ostéoporose.

Comme ces facteurs de risque échappent à notre contrôle, il est d’autant plus important de se soucier de ceux sur lesquels on peut intervenir. Entre autres mesures que l’on peut prendre pour retarder l’apparition de l’ostéoporose ou diminuer sa gravité, on peut citer:

Une fois l’ostéoporose diagnostiquée, le traitement vise à empêcher une perte osseuse supplémentaire en suivant toutes les recommandations ci-dessus. Certains médecins conseillent la prise de calcitonine, dont il a été prouvé qu’elle augmentait la teneur totale en calcium de l’organisme. Toutefois, il faut l’administrer par voie parentérale; elle est coûteuse; et il n’est pas encore prouvé qu’elle retarde ou inverse la perte du calcium osseux, ni même qu’elle diminue la fréquence des fractures. Les biphosphonates sont en train de gagner du terrain comme agents antirésorption.

Il faut se rappeler que l’ostéoporose crée un terrain propice aux fractures, mais qu’elle ne les cause pas. Les fractures sont dues à des chutes ou à des mouvements brusques ou imprudents. Il faut donc insister, dans les programmes de sécurité au travail, sur l’importance de la prévention des chutes, en particulier chez les personnes susceptibles de souffrir d’ostéoporose. De même, le programme de promotion de la santé devrait faire connaître les précautions à prendre tant au travail qu’à la maison (par exemple, éliminer ou isoler les fils électriques qui traînent, mettre en évidence avec de la peinture le bord des marches ou les irrégularités du sol, clouer les tapis glissants et éponger rapidement tout liquide répandu sur le sol) et sensibiliser les personnes au danger des chaussures instables et des sièges dont il est difficile de se lever parce qu’ils sont trop bas ou trop mous.

La santé des femmes et le travail

Les femmes font partie de la population active rémunérée et c’est là une situation irréversible. En fait, elles constituent le pilier de nombreuses branches d’activité. Elles doivent être placées sur un plan d’égalité avec les hommes à tous égards; les seules différences concernent certains aspects de la santé. Le programme de promotion de la santé doit informer les femmes de ces différences et leur permettre de rechercher les types et la qualité de soins qui leur sont nécessaires et qui leur sont dus. Les entreprises et leurs dirigeants doivent comprendre que la plupart des femmes ne souffrent pas des problèmes décrits dans cet article, et que, pour la faible proportion de celles qui en pâtissent, la prévention ou le contrôle sont possibles. Sauf dans de rares cas, ces problèmes, qui ne sont pas plus fréquents que ceux des hommes victimes de troubles comparables, ne constituent pas des obstacles à l’assiduité et au bon rendement professionnel.

Les femmes qui accèdent à des postes de direction le doivent non seulement à l’excellence de leur travail, mais également au fait qu’elles ne connaissent aucun des problèmes de santé féminine que nous avons abordés ci-dessus. Cela peut rendre certaines d’entre elles intolérantes, voire peu compréhensives à l’égard d’autres femmes vivant ces difficultés. Il semble que l’un des plus gros obstacles à la promotion des femmes en milieu professionnel soit les femmes elles-mêmes.

Un programme de promotion de la santé dans les lieux de travail qui incorpore spécialement les questions et problèmes de santé féminins et qui les traite avec la délicatesse et l’honnêteté voulues, peut avoir un réel effet positif, non seulement sur les femmes qui travaillent, mais également sur leur famille, sur la collectivité et, qui plus est, sur l’entreprise.

ÉTUDE DE CAS: PROGRAMME DE MAMMOGRAPHIE CHEZ MARKS AND SPENCER

Jillian Haslehurst

Cette étude de cas décrit le programme de mammographie mis en place chez Marks and Spencer et qui est le premier du genre à avoir été proposé par un employeur à l’échelle nationale. Marks and Spencer est une chaîne internationale de magasins de détail qui compte 612 établissements de par le monde, la majorité étant située au Royaume-Uni, dans d’autres pays d’Europe et au Canada. Indépendamment de plusieurs contrats de concessions internationales, la société est propriétaire des supermarchés Brooks Brothers et Kings aux Etats-Unis, ainsi que de D’Allaird’s au Canada et s’adonne à d’importantes activités financières.

La société emploie 62 000 personnes, dont la majorité travaille dans les 285 magasins situés au Royaume-Uni et en République d’Irlande. Sa réputation de bon employeur est légendaire et sa politique de relations humaines avec le personnel prévoit notamment des programmes complets de grande qualité de promotion de la santé et du bien-être.

Bien que des services thérapeutiques soient fournis dans quelques établissements, ce sont en grande partie les médecins généralistes locaux qui répondent à ce besoin. La politique de santé de la société met l’accent sur la détection précoce et la prévention des maladies. Plusieurs programmes novateurs de dépistage ont donc été mis au point au cours des vingt dernières années, dont un bon nombre reprennent des projets semblables du Service national de la santé (National Health Service (NHS)). L’effectif est féminin à plus de 80%, ce qui a influencé le choix des programmes de dépistage, lesquels comprennent notamment des analyses cytologiques des frottis vaginaux, la détection du cancer de l’ovaire et des mammographies.

La détection du cancer du sein

Vers le milieu des années soixante-dix, l’Etude HIP de New York (Shapiro, 1977) a prouvé que la mammographie permettait de détecter des cancers du sein non décelables à la palpation, faisant par là même espérer qu’une détection précoce allait s’accompagner d’une réduction de la mortalité. Pour l’employeur d’un grand nombre de femmes d’âge moyen, l’intérêt de la mammographie était évident et un programme de détection a donc été introduit en 1976 (Hutchinson et Tucker, 1984; Haslehurst, 1986). A l’époque, il n’était pratiquement pas possible de faire effectuer une mammographie fiable et de qualité dans le secteur public, les services offerts par les établissements de soins privés étant coûteux et de qualité variable. La première tâche a donc consisté à offrir un service uniformément de bonne qualité, défi que l’on a pu relever en ayant recours à des unités mobiles itinérantes dotées chacune d’une salle d’attente, d’un espace d’examen et d’appareils de mammographie.

Grâce à une gestion et à un service de développement des films centralisés, il a été possible de vérifier systématiquement tous les aspects de la qualité et de faire interpréter les clichés par un groupe de spécialistes en mammographie. Ce système présentait cependant un inconvénient dans la mesure où le technicien en radiographie ne pouvait pas examiner immédiatement le film développé pour déceler d’éventuelles erreurs techniques et, au besoin, refaire sur-le-champ de nouveaux clichés.

La participation qui a toujours été exceptionnellement élevée et est restée au-dessus de 80% dans tous les groupes d’âge est sans aucun doute due aux pressions des collègues, au fait que les prestations étaient facilement accessibles et à l’absence, jusqu’à une date récente, de services de mammographie assurés par le NHS.

Les femmes sont invitées à prendre part au programme de dépistage, mais la participation est laissée à la discrétion de chacune. Avant le dépistage, une brève séance d’information est proposée par le médecin ou l’infirmière de la société, qui sont tous deux disponibles pour répondre aux questions et donner des explications ou encore dissiper les craintes concernant les rayonnements et la douleur causée par la compression du sein. Les femmes qui sont rappelées pour des examens supplémentaires les passent pendant leurs heures de travail et elles sont entièrement remboursées des frais de déplacement encourus par elles-mêmes ou par un accompagnateur.

On avait recours à trois modes d’examen pendant les cinq premières années du programme: l’examen clinique effectué par une infirmière hautement qualifiée ou un praticien, la thermographie et la mammographie. La thermographie prenait du temps, aboutissait à un nombre élevé de faux-positifs et ne contribuait guère à la détection du cancer. En conséquence, on a cessé de la pratiquer en 1981. Bien que d’une valeur limitée pour la détection du cancer, l’examen clinique, qui comprend une étude détaillée des antécédents personnels et familiaux, fournit des renseignements précieux au radiologue et donne du temps à la cliente pour discuter de ses craintes et de ses autres problèmes de santé avec un professionnel de la santé attentif. La mammographie est le plus sensible des trois examens. Au premier examen, on prend des radiographies obliques de face et de profil, alors que l’on ne fait qu’un seul cliché lors des contrôles intermédiaires. En principe, une seule lecture des clichés suffit, bien qu’une double lecture soit effectuée dans les cas difficiles et pour des contrôles aléatoires de qualité. La figure 15.18 indique la contribution de l’examen clinique et des mammographies au taux total de détection du cancer. Sur 492 cancers constatés, 10% ont été décelés par le seul examen clinique, 54% par la mammographie uniquement et 36% par les deux examens.

Figure 15.18 Dépistage du cancer du sein. Contribution de l'examen clinique et de la
mammographie à la détection du cancer par groupe d'âge

Figure 15.18

Lorsque le programme a été lancé, l’examen était proposé aux femmes de 35 à 70 ans, mais le faible taux de détection du cancer et la grande fréquence des anomalies bénignes du sein dans le groupe des 35-39 ans ont fait que ce service n’a plus été offert à ces femmes à partir de 1987. La figure 15.19 donne les chiffres des cancers détectés au cours du dépistage, par groupe d’âge.

Figure 15.19 Répartition par âge des cancers détectés au dépistage

Figure 15.19

De même, la fréquence du dépistage a changé. D’un intervalle annuel (reflétant l’enthousiasme initial), on est passé à un examen tous les deux ans. La figure 15.20 indique le nombre de cancers décelés grâce au dépistage, par tranche d’âge, avec les chiffres correspondants des tumeurs apparues dans l’intervalle et des tumeurs passées inaperçues. Les tumeurs apparues dans l’intervalle sont celles qui sont survenues après un dépistage ayant donné un résultat négatif exact, entre deux examens de routine. Les tumeurs passées inaperçues sont les cancers que l’on peut voir rétrospectivement sur les clichés, mais qui n’ont pas été identifiés au moment du dépistage.

Figure 15.20 Nombre de cancers détectés au dépistage, de cancers apparus dans l'intervalle et
de cancers non détectés, par groupe d'âge

Figure 15.20

Parmi la population ayant subi le dépistage, 76% des cancers du sein ont été mis en évidence grâce au dépistage et 14% de plus sont apparus pendant l’intervalle entre les examens. Le nombre de cancers apparus dans l’intervalle est attentivement surveillé pour vérifier qu’il n’augmente pas et n’atteint pas un niveau inacceptable.

L’avantage que présente le dépistage pour la survie des femmes de moins de 50 ans n’est pas encore prouvé, bien que l’on s’accorde généralement pour dire que l’on détecte des cancers de plus en plus petits et que ce diagnostic précoce permet à certaines femmes de choisir entre une mastectomie et un traitement conservateur — choix auquel de nombreuses femmes sont très attachées. La figure 15.21 indique la taille des cancers détectés au cours du dépistage. La majorité des tumeurs sont inférieures à 2 cm et sans atteinte ganglionnaire.

Figure 15.21 Taille des cancers détectés au dépistage

Figure 15.21

Les répercussions du rapport Forrest

A la fin des années quatre-vingt, le professeur Patrick Forrest a recommandé que le dépistage régulier du cancer du sein soit proposé aux femmes de plus de 50 ans par le NHS (c’est-à-dire gratuitement sur le lieu de prestation du service) (Forrest, 1987). Il préconisait surtout que le dépistage ne commence pas avant que le personnel spécialisé ait reçu la formation multidisciplinaire complète nécessaire au diagnostic du cancer du sein. Ce personnel doit comprendre des radiologues, du personnel infirmier chargé de conseiller les patientes et des médecins spécialistes. Depuis 1990, le Royaume-Uni est doté d’un remarquable service d’évaluation et de détection du cancer du sein pour les femmes de plus de 50 ans.

La coïncidence a voulu que, pendant la mise en place de ce service à l’échelle nationale, Marks and Spencer examine ses résultats et constate une lacune importante dans son programme. Le taux de rappel, après le dépistage de routine, était supérieur à 8% chez les femmes de plus de 50 ans et de 12% chez les femmes plus jeunes. Après analyse des données, on a conclu que les raisons du rappel étaient fréquemment des problèmes techniques, c’est-à-dire un mauvais positionnement du sein, des erreurs de développement des clichés, des problèmes de correspondance avec les lignes de la grille ou la nécessité de radiographies supplémentaires. Par ailleurs, on s’est aperçu que le recours à l’échographie, à la mammographie spécialisée et à la biopsie cytologique par aspiration pouvait réduire encore davantage le taux des rappels et d’orientation vers un médecin. Une première étude a confirmé ces impressions, et il a été décidé de revoir le protocole de dépistage pour que les patientes qui auraient besoin d’examens supplémentaires ne soient pas renvoyées à leur médecin de famille, mais continuent à faire partie du programme de dépistage jusqu’à ce que l’on ait établi un diagnostic définitif. La plupart de ces femmes reviennent à un calendrier de rappel de routine après les examens complémentaires, ce qui permet de réduire au minimum le taux d’orientation vers les services de chirurgie.

Plutôt que de reproduire les prestations offertes par le NHS, on a opté chez Marks and Spencer pour un partenariat qui lui a permis de profiter du savoir-faire du secteur public. Par ailleurs, l’apport financier de la société contribue à améliorer les services destinés à toute la population. Le programme de détection du cancer du sein est maintenant proposé par un certain nombre de fournisseurs de services: environ la moitié des besoins est couverte par des services mobiles, mais les employées des magasins, dans les grandes villes, vont maintenant passer leur examen de dépistage de routine dans des centres spécialisés privés ou publics. Cette coopération avec le NHS a été une expérience enrichissante des plus réusssies qui a permis d’améliorer les normes générales de diagnostic et de traitement du cancer du sein au bénéfice de toute la population. En associant les programmes du secteur public à ceux des entreprises privées, il est possible d’offrir un service d’une qualité exceptionnelle à la population la plus large qui soit.

LES STRATÉGIES DU MILIEU DE TRAVAIL POUR PROTÉGER LA SANTÉ DE LA FUTURE MÈRE ET DU NOUVEAU-NÉ: L’EXPÉRIENCE DES EMPLOYEURS AUX ÉTATS-UNIS

Maureen P. Corry et Ellen Cutler

Les employeurs des secteurs public et privé des Etats-Unis sont de plus en plus nombreux à se rendre compte du lien qui existe entre une naissance bien vécue, la productivité et la situation économique de l’entreprise. De même, ils s’inquiètent davantage des risques professionnels encourus par les femmes enceintes. Jamais les employeurs n’ont eu autant de raisons de protéger la santé des employées enceintes et de leurs nouveau-nés. L’augmentation des frais médicaux, l’évolution démographique de la population active et les preuves toujours plus nombreuses d’un lien entre une meilleure productivité et des salariés en bonne santé sont des raisons convaincantes d’ajouter la santé de la future mère et du nouveau-né aux programmes de promotion de la santé et d’éducation en matière de santé.

On parle généralement de stratégie pour la santé de la future mère et du nouveau-né pour désigner toute initiative soigneusement conçue par l’employeur ou un syndicat visant à favoriser la bonne santé et le bien-être des femmes avant, pendant et après la grossesse, ainsi que celle des nouveau-nés pendant leur première année de vie. Il n’existe pas de solution ou de méthode unique pour protéger la santé de la future mère et du nouveau-né. Il s’agit plutôt, pour la plupart des employeurs, de conjuguer les diverses initiatives évoquées ci-dessous et de les adapter aux conditions particulières à chaque lieu de travail.

Les prestations médicales

Il faut considérer les prestations médicales destinées à la femme enceinte et au nouveau-né comme formant un tout avec les services de sensibilisation à la santé génésique et avec les conseils et services de planification familiale tout au long de la phase reproductive de la vie. Les prestations sont énumérées au tableau 15.5.

Tableau 15.5 Prestations d'assurance maladie

Avant la grossesse

Pendant la grossesse

Après la grossesse

Première enfance

Visite annuelle avant la conception ou entre deux grossesses (comprend des services de planification familiale)

Conseils et examens génétiques

Soins postnatals

Soins normaux du nouveau-né

Conseils et examens génétiques

Soins prénatals — devraient être proposés sans franchise ni paiement partiel par l’intéressée

Médicaments

Soins néonatals intensifs — sans conditions préalables d’exclusion de certains nouveau-nés

Médicaments

Le travail et l’accouchement à l’hôpital ou dans une maternité devraient être offerts sans franchise ni paiement partiel par l’intéressée

Soins à domicile

Médicaments

Traitement des toxicomanies

  • Frais de séjour à l’hôpital ou à la maternité

Traitement des toxicomanies

Soins à domicile

 

  • Services d’anesthésie

 

 

 

  • Assurance maladie (y compris les vitamines prénatales)

 

 

 

  • Soins à domicile

 

 

 
  • Traitement des toxicomanies

 

 

Source: March of Dimes Birth Defects Foundation, 1994.

L’analyse des prestations

De nombreux régimes américains d’assurance maladie offrent une garantie pour la période qui précède la conception et pour les soins prénatals. Pourtant, il s’avère parfois difficile — et ce pour de multiples raisons — pour certaines femmes d’obtenir des soins abordables et de qualité. Par exemple, dans certains cas, l’assurée doit payer à l’avance les soins prénatals et les services d’accouchement mais n’est remboursée qu’après l’accouchement. D’autres obstacles entravent l’accès aux soins, notamment les franchises élevées ou les avances demandées, les heures d’ouverture peu pratiques, la non-couverture des personnes à charge et l’éloignement géographique. Les employeurs ne peuvent pas tous les éliminer, mais ce serait un excellent début s’ils prenaient à leur charge les paiements anticipés ainsi que les franchises trop élevées et s’ils aidaient l’employée à trouver un prestataire de soins prénatals qui leur convienne.

Chez Texas Instruments (TI), l’objectif est de rendre les soins prénatals abordables quel que soit le salaire de l’employée ou le prestataire des soins. Les futures mères qui essaient d’obtenir des soins prénatals dans le réseau de TI ne paient que 10% d’un prix négocié au départ pour les services de soins prénatals et les accouchements sans complication, ainsi que les césariennes.

La société Haggar Apparel Company assume intégralement les frais des soins prénatals dès le début si l’employée ou la personne à charge se présente pour ces soins pendant le premier trimestre de la grossesse. Home Depot (chaîne de magasins de détail commercialisant des matériaux et des fournitures pour le bâtiment) ne fait pas payer la franchise hospitalière à la femme enceinte si les visites prénatales commencent au premier trimestre de la grossesse.

Si de nombreux régimes d’assurance incluent les soins requis aux premiers jours de la vie du nouveau-né, la couverture des soins préventifs permanents du nourrisson une fois qu’il a quitté l’hôpital est souvent insuffisante, quand bien même elle existe.

A la First National Bank de Chicago, les femmes enceintes qui ont souscrit un plan de prise en charge et qui suivent un cours d’enseignement prénatal avant la fin du quatrième mois de grossesse n’ont pas à payer la franchise de 400 dollars prévue au titre de l’assurance maladie de la première année de la vie du nouveau-né. La Monfort Company, usine de conditionnement de la viande de bœuf à Greeley (Colorado), couvre entièrement les soins donnés à l’enfant jusqu’à trois ans.

Services liés aux prestations et programmes en faveur des salariées

On trouvera au tableau 15.6 la liste des services et des programmes liés aux prestations qui sont considérés comme des éléments importants d’une stratégie médicale à l’intention de la future mère et du nouveau-né. Ces services et ces programmes peuvent être proposés directement par l’employeur soit au travail, soit à proximité, ou encore dans le cadre d’un contrat avec un organisme extérieur, selon l’organisation, la situation et la taille de l’entreprise, et ils peuvent être administrés par le service des prestations, de santé du personnel, de promotion de la santé ou d’aide aux salariés.

Tableau 15.6 Autres services liés aux prestations et offerts par l'employeur

SERVICES

Avant la grossesse

Pendant la grossesse

Après la grossesse

Première enfance

  • Programme de gestion de la maternité
  • Gestion des maternités à haut risque (peut faire partie du programme de gestion de la maternité)
  • Prestations pour incapacité de travail due à la maternité
  • Services pour les nouveau-nés à haut risque
  • Remboursement des soins des personnes à charge

PROGRAMMES

Avant la grossesse

Pendant la grossesse

Après la grossesse

Première enfance

  • Promotion de la santé avant la conception
  • Programmes d’abandon du tabagisme
  • Promotion de la santé prénatale
  • Sensibilisation des cadres
  • Cours destinés aux parents sur le soin et le développement du nouveau-né
  • Programme de sevrage tabagique
  • Programme d’allaitement
  • Soins pédiatriques offerts sur place
  • Orientation vers des services pédiatriques

Source: March of Dimes Birth Defects Foundation, 1994.

Rares sont les entreprises qui peuvent offrir toutes ces prestations; or, plus le plan est complet, mieux la santé des jeunes mères et des nourrissons est protégée.

Avant et pendant la grossesse

Les programmes de «gestion» de la maternité sont de plus en plus recherchés, car ils présentent des avantages tant pour les parents qui attendent un enfant que pour l’employeur. Bien qu’elle ne soit pas conçue pour remplacer les soins prénatals prodigués par un spécialiste, la gestion de la maternité s’apparente à une prestation dans le cadre de laquelle des conseils et un soutien personnalisés sont prodigués à la mère en fonction des besoins et des risques.

Levi Strauss and Company, l’un des plus gros fabricants de vêtements des Etats-Unis, offre un programme de gestion de la maternité administré par une compagnie d’assurances. Les employées sont encouragées à participer au programme dès qu’elles sont enceintes et reçoivent 100 dollars en espèces lorsqu’elles appellent le numéro gratuit mis à leur disposition. En 1992, les frais acquittés par les mères qui participaient au programme pour leurs nouveau-nés étaient inférieurs de près de 50% à ceux des mères qui n’y participaient pas.

La First National Bank de Chicago offre le programme de promotion de la santé prénatale Babies and You (Les bébés et vous), dans le cadre de la campagne appelée March of Dimes. Ce programme fait partie de la stratégie médicale menée en faveur de la future mère et du nouveau-né. On trouvera ci-dessous une description du programme; voir aussi supra l’étude de cas de Burton sur le rôle du service de santé de l’entreprise dans les programmes de prévention.

Babies and you: un programme de promotion de la santé prénatale

Le programme de promotion de la santé prénatale Babies and You (Les bébés et vous) mentionné ci-dessus a été lancé en 1982 en association avec des spécialistes des soins à donner à la future mère et au nouveau-né de l’ensemble du pays. Très largement évalué sur le terrain par les sections locales de la March of Dimes et par les établissements participants, le programme est sans cesse actualisé et amélioré.

Babies and You enseigne aux adultes comment adopter des habitudes de vie saines avant et pendant la grossesse, incite les femmes à recevoir des soins prénatals réguliers dès le début de la grossesse et pousse les employeurs à prendre des dispositions favorables à une grossesse bien vécue.

Les activités de promotion de la santé prénatale devraient s’adresser aussi bien aux employés, hommes ou femmes, qu’à leur conjoint et aux autres membres de la famille et amis. Le programme est adaptable en fonction des besoins particuliers de l’entreprise. Il tient compte du niveau d’instruction, de la culture et de la langue des participants éventuels, ainsi que des restrictions qui existent dans le travail et des ressources disponibles localement.

Comme les employeurs ne sont pas tous au même stade en ce qui concerne les activités de promotion de la santé, le programme offre trois possibilités de mise en œuvre: une campagne d’information, des séminaires pédagogiques et la formation des professionnels de la santé (voir encadré). Les sujets les plus fréquemment abordés dans les documents d’information et au cours des séminaires pédagogiques sont la période qui précède la conception et les soins prénatals, le développement du fœtus, la génétique, le rôle de l’homme dans la grossesse, l’alimentation pendant la grossesse et l’éducation des enfants. D’après une enquête réalisée par le New York Business Group on Health (groupe new-yorkais d’entreprises sur la santé) auprès de 3 entreprises sur les sujets couverts dans les programmes prénatals, les thèmes dominants sont la compréhension des événements pendant la grossesse et lors de l’accouchement, la surveillance précoce par des spécialistes, les habitudes de vie saines durant la grossesse permettant d’éviter les risques pour la mère et le fœtus, les soins au nouveau-né et le maintien de relations familiales et professionnelles satisfaisantes (Duncan, Barr et Warshaw, 1992).

Babies and You: niveaux d’intervention

Niveau I: la campagne d’information est conçue pour montrer aux salariées l’importance du suivi prénatal dès le début de la grossesse et avec des contrôles réguliers. Pour cette intervention, on peut obtenir auprès de la «March of Dimes» toute une série de documents imprimés et audiovisuels.

Niveau II: les séminaires d’éducation sont proposés sur les lieux de travail par des spécialistes bénévoles de la «March of Dimes». On peut choisir parmi 14 thèmes où figurent les soins avant la conception, les soins prénatals, l’alimentation, l’exercice et la grossesse, la grossesse après l’âge de 35 ans, le stress et la grossesse, les complications de la grossesse, les soins au nourrisson, le rôle du père dans la grossesse et l’allaitement maternel.

Niveau III: la formation des professionnels de la santé permet à une entreprise d’intégrer le programme Les bébés et vous au nombre des activités de mieux-être. La «March of Dimes» offre une formation d’une journée sur la mise en œuvre du programme destinée aux professionnels de la santé de l’entreprise tels que les infirmières du travail, les responsables des prestations, les directeurs médicaux et les spécialistes de la promotion de la santé.

Mais quel que soit le niveau du programme que l’entreprise décide d’offrir, il y a huit objectifs à viser pour que l’effort de promotion de la santé prénatale soit un succès:

  • participation de la direction;
  • planification interdépartementale du programme;
  • intervention des employées;
  • mesures d’incitation;
  • prestations et politiques favorables;
  • création d’un réseau de communication;
  • accès aux ressources locales;
  • évaluation.

Après la grossesse et pendant la petite enfance

Outre la mise en œuvre de programmes de promotion de la santé et d’autres services qui insistent sur la santé de la future mère, avant et pendant la grossesse, de nombreux employeurs offrent également après la grossesse des programmes de soutien aux parents et aux nouveau-nés pendant la période critique des douze premiers mois et au-delà. Les prestations d’incapacité de travail pour cause de maternité, les programmes d’allaitement, le remboursement des soins aux personnes à charge (par exemple, les retenues salariales avant impôt dont pourront se servir les employés pour payer les frais médicaux des personnes à charge), les cours sur l’éducation des enfants et la protection infantile sur place sont un des nombreux services et programmes offerts actuellement.

Par exemple, pour maintenir de bonnes relations avec leurs employées, les laboratoires Lancaster, situés à Lancaster (Pennsylvanie), qui fournissent des services de recherche en laboratoire et de consultation sous contrat à des entreprises des secteurs de l’environnement, de l’alimentation et de l’industrie pharmaceutique, continuent d’offrir à leurs salariées des prestations d’assurance maladie pendant le congé de maternité et le congé parental non payé, et ce, qu’elles envisagent ou non de reprendre le travail après la naissance. Cette méthode de gestion favorable à la famille a donné des résultats convaincants: dans un secteur où il n’est pas rare que le taux de mobilité de la main-d’œuvre soit de 27%, il n’est que de 8% chez Lancaster (March of Dimes, 1994).

Les programmes d’allaitement offerts par les entreprises sont une autre mesure facile à mettre en œuvre et rentable. Les avantages de l’allaitement maternel pour la santé dépassent le bien-être de l’enfant proprement dit. D’après une étude, en améliorant la santé du nourrisson par l’allaitement maternel, on influe directement sur le rendement de l’employée. Lorsque les nouveau-nés sont en bonne santé, les parents s’absentent beaucoup moins souvent pour s’occuper d’un enfant malade (Ryan et Martinez, 1989). Or, les moyens à mettre en œuvre sont simples et peu onéreux: il suffit de prévoir un local et le matériel voulu pour recueillir le lait maternel et le conserver.

A Los Angeles, le service de l’eau et de l’électricité a pu quantifier certains avantages de son programme d’allaitement:  86% des participantes ont affirmé que le programme avait facilité leur retour au travail; 71% ont déclaré prendre moins de congés et les départs chez les participantes n’est que de 2% (March of Dimes, 1994).

Les mesures prises par les employeurs

Les employeurs disposent de toute une panoplie de mesures pour créer un cadre favorable à la santé de la future mère et du nouveau-né. L’instauration de nouvelles politiques et la modification des anciennes est un gage de la volonté de changement de l’entreprise.

Certaines mesures comme la réglementation du tabagisme ont une influence directe sur la santé de tous les travailleurs. D’autres s’adressent à des groupes particuliers, telles celles qui concernent les risques professionnels pour la santé prénatale et qui cherchent à répondre aux besoins des hommes et des femmes souhaitant avoir un enfant. Citons aussi l’adoption de régimes de travail souples, le soutien apportés aux femmes enceintes pour les aider à organiser leurs visites prénatales et l’allègement de la charge des parents de nouveau-nés et d’enfants en bas âge. On peut aussi aménager les tâches de la travailleuse pendant la grossesse et proposer des solutions en cas d’incapacité de travail, protéger sa santé et limiter les répercussions de son état sur les tâches qui lui sont confiées.

Lorsque l’entreprise Warner-Lambert Company, chef de file dans le secteur des produits pharmaceutiques, des produits de santé destinés aux consommateurs et des produits de confiserie, a lancé ses programmes de gestion de la maternité et d’éducation prénatale, elle a également proposé tout un ensemble de recommandations pour protéger la maternité. Ces directives encouragent les employées à remplir des questionnaires afin d’évaluer les risques que leur emploi ou leur poste de travail présentent pour une femme enceinte. Au besoin, un ingénieur de la sécurité de Warner-Lambert peut effectuer une étude pour établir si des mesures de prévention des risques ou des restrictions pour certains emplois s’imposent, et le cas échéant, lesquelles.

Indépendamment des mesures concernant les risques pour la maternité, plusieurs employeurs offrent des possibilités de congés familiaux sur une base souple. Par exemple, chez AT&T, le géant des communications, les salariés peuvent prendre jusqu’à 12 mois de congé sans solde après la naissance d’un enfant ou après une adoption. Plus de la moitié des salariés qui se sont prévalus de ce congé depuis 1990 ont repris le travail dans les 3 mois qui ont suivi et 82% dans les 6 mois (March of Dimes, 1994).

Chez PepsiCo Inc., le plus gros conglomérat de boissons et de produits alimentaires situé à Purchase (New York), les pères des nouveau-nés peuvent prendre jusqu’à huit semaines de congé payé et huit semaines supplémentaires de congé sans solde avec la garantie de retrouver le même travail ou un emploi comparable à leur retour (March of Dimes, 1994)

Elaboration d’une stratégie de la santé pour la future mère et le nouveau-né afin de répondre aux besoins de l’entreprise

Toute stratégie de santé à l’intention de la future mère et du nouveau-né mise en place par l’employeur qui se veut viable doit être acceptable aux yeux des travailleurs et, de plus, correspondre à des objectifs commerciaux valables. Selon les objectifs de l’entreprise, on peut privilégier divers programmes, prestations ou mesures. Il est utile de suivre les étapes ci-dessous lorsqu’on définit une nouvelle stratégie:

  1. Se renseigner sur les prestations, programmes et politiques qui existent déjà en matière de santé de la future mère et du nouveau-né pour élaborer une stratégie de base.
  2. Voir quelles sont les ressources disponibles localement pour aider l’entreprise dans ses efforts.
  3. Etablir une liste, par ordre de priorité, des initiatives préliminaires de santé à l’intention de la future mère et du nouveau-né qui prévoient la modification ou la mise en place des prestations, des programmes ou des politiques.
  4. Obtenir l’appui de la direction avant de passer à l’étape suivante.
  5. Evaluer les besoins pressentis et les stratégies proposées à l’essai avec les employées pour confirmer les recommandations provisoires.
  6. Développer une stratégie proprement dite de la santé de la future mère et du nouveau-né en précisant sa mission et ses objectifs, en lui accordant les ressources nécessaires, en prévoyant les obstacles éventuels et les principaux acteurs, en préparant un calendrier de mise en œuvre et en obtenant le soutien voulu de tous les échelons de l’entreprise.

La mise en œuvre des initiatives de santé à l’intention de la future mère et du nouveau-né

L’étape suivante consiste à mettre en œuvre les prestations, les programmes et les politiques qui entrent dans le cadre de la stratégie. Les diverses étapes sont en principe les suivantes:

  1. Désigner les responsables de la mise en œuvre.
  2. Choisir les méthodes d’évaluation de la qualité permettant de gérer le programme.
  3. Choisir à bon escient les fournisseurs de services.
  4. Etudier les incitations et autres méthodes visant à accroître la participation des employées.
  5. Faire connaître les initiatives aux employées et aux membres de leur famille.

Le succès de la stratégie visant à assurer la santé de la future mère et du nouveau-né

Une fois la stratégie mise en œuvre, il faut en vérifier l’efficacité en fonction des objectifs fixés au départ et en fonction des besoins de l’entreprise. L’évaluation de la stratégie, d’une part, et les réactions des participants, de l’autre, sont des éléments essentiels, car ils sont le gage que les initiatives de santé maternelle et infantile répondent à la fois aux besoins des employeurs et des salariées.

Conclusion

Avec le développement du travail des femmes, la nécessité de prendre des dispositions en faveur de la santé maternelle et infantile sur les lieux de travail aux Etats-Unis va s’accentuer, car il n’est pas possible de dissocier les problèmes familiaux des problèmes professionnels. Les entreprises tournées vers l’avenir l’ont déjà reconnu et font preuve de créativité dans leur façon d’aborder la question. Les employeurs sont bien placés pour influer sur le changement et pour montrer la voie en matière de promotion de la santé de la mère et de l’enfant.

La santé maternelle et infantile en France

Peu après la seconde guerre mondiale, la France a instauré la Protection maternelle et infantile (PMI), système national grâce auquel les professionnels de la santé des secteurs public et privé, en collaboration avec les services sociaux, offrent des services de prévention médicale de base, des services médicaux, sociaux et éducatifs aux femmes enceintes, aux nouveau-nés et aux enfants jusqu’à l’âge de 6 ans.

En général, les familles et les médecins du secteur privé prévoient pour chaque cas des rencontres avec une conseillère pour la période précédant la conception, des consultations de planification familiale, des soins prénatals précoces et réguliers, ainsi que des examens médicaux de prévention et des vaccinations pour les enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. On encourage à participer au programme en offrant le remboursement à 100% des frais par la sécurité sociale (pour avoir droit à cette prise en charge, les femmes doivent déclarer leur grossesse dans les 15 premières semaines de la gestation), des allocations de maternité mensuelles entre le quatrième mois de grossesse et le troisième mois de la vie de l’enfant, afin d’inciter les mères à respecter les lignes directrices nationales en matière de soins préventifs, et un programme permanent d’information et d’éducation.

Les femmes qui ne peuvent pas obtenir les soins dans le secteur privé peuvent se rendre dans l’un des 96 centres locaux de PMI (il en existe un par département). Dispensaires de quartier gratuits, ces centres identifient les femmes enceintes et les enfants à risque et prévoient les interventions voulues, effectuent des visites à domicile et suivent les progrès de toutes les femmes et de tous les nouveau-nés dans le but de vérifier que les services de prévention prévus dans les lignes directrices nationales sont bien administrés.

Le rôle des employeurs dans ce système est régi par la loi. Ils doivent offrir aux femmes enceintes:

  • de nouveaux emplois, des horaires souples pour faciliter les trajets et des périodes de repos afin de réduire la tension et la fatigue qui pourraient provoquer un accouchement prématuré;
  • un congé de maternité avec sécurité de l’emploi aux mères qui portent ou adoptent un enfant afin de faciliter l’instauration de relations étroites et la croissance normale de l’enfant (des prestations de maternité correspondant à 84% du salaire sont payées par la sécurité sociale jusqu’à concurrence d’un certain plafond);
  • des aménagements de travail à temps partiel et un congé parental sans solde avec sécurité de l’emploi pour permettre aux parents d’assumer de façon équilibrée leurs responsabilités familiales et professionnelles (une allocation parentale nationale permet de compenser le coût des congés sans solde) (Richardson, 1994).

INFORMATION SUR LE VIH ET LE VIH/SIDA

B.J. Stiles

A mesure que la contamination par le VIH s’aggrave et s’étend, un nombre sans cesse croissant d’entreprises, de syndicats, d’employeurs et de salariés sont touchés par la menace d’infection par le VIH et du VIH/sida (désigné ci-après VIH/sida). Les effets sont souvent spécifiques et très visibles; ils peuvent également être insidieux et discrets. Depuis le début de l’épidémie due au VIH, les conséquences directes et indirectes du VIH/sida pour les entreprises et les lieux de travail (à distinguer de ses conséquences sur le plan médical) ont été considérées comme étant un aspect secondaire de la gravité et de l’ampleur de cette maladie.

L’attitude et l’opinion des salariés à l’égard du VIH/sida revêtent une importance capitale et on se doit de les évaluer si l’on veut implanter et gérer efficacement un programme en milieu de travail. L’ignorance des salariés et leurs connaissances insuffisantes du problème peuvent constituer des obstacles considérables à un programme d’information; elles peuvent semer la méfiance et le trouble en cas d’évaluation inexacte ou maladroite et aggraver du même coup les préjugés et les craintes déjà très répandus au sujet de cette maladie.

Aux Etats-Unis, «le VIH/sida a entraîné plus de procès pour des problèmes de santé toutes causes confondues que toute autre maladie», note Lawrence Gostin, membre du projet d’enquête concernant les poursuites sur le VIH (HIV Litigation Project). Une enquête nationale sur les attitudes des travailleurs américains à l’égard du VIH/sida, menée en 1993 par la Coalition nationale sur le sida (National Leadership Coalition on AIDS), montre qu’un grand nombre d’entre eux continuent à avoir des attitudes négatives, voire discriminatoires, à l’égard de leurs collègues porteurs du VIH; elle indique en outre que la plupart des salariés ne savent pas comment leur employeur réagirait s’il apprenait qu’un de ses salariés est séropositif ou infecté par le VIH/sida, ou pensent que leur employeur licencierait un employé infecté dès les premiers signes de maladie. La discrimination à l’encontre des salariés, fondée uniquement sur l’incapacité de travail, est expressément interdite aux Etats-Unis en vertu de la loi sur les Américains porteurs de handicaps (Americans with Disabilities Act) qui couvre les personnes séropositives et celles qui sont atteintes du VIH/sida. Cette loi oblige les employeurs de plus de quinze personnes à prévoir des «aménagements raisonnables» ou des adaptations de poste en faveur des salariés atteints d’invalidité, y compris ceux qui sont infectés par le VIH ou ceux qui ont le VIH/sida.

Par exemple, 32% des travailleurs américains interrogés dans le cadre de l’enquête estimaient qu’un employé infecté par le VIH serait licencié ou mis en congé d’invalidité aux premiers signes de maladie. Il est évident que l’employeur qui déciderait de licencier un employé ainsi atteint en se fondant uniquement sur le diagnostic enfreindrait la loi. Une telle ignorance des responsabilités légales expose les employeurs — et, par extension, leurs cadres et leur personnel — à des poursuites judiciaires coûteuses pour discrimination, à des interruptions du travail et à des problèmes de moral et de rendement.

Les préjugés sur l’épidémie peuvent également engendrer des attitudes et un comportement discriminatoires de la part des cadres et du personnel, attitudes qui peuvent aussi faire courir des risques à l’employeur. En effet, 67% des travailleurs qui ont participé à l’enquête estimaient que leurs collègues seraient mal à l’aise de devoir travailler avec un séropositif. Si l’on n’y prend pas garde, de telles attitudes et les types de comportements qu’elles engendrent peuvent être très préjudiciables à l’employeur. Les cadres peuvent présumer à tort que la discrimination à l’encontre des personnes atteintes, ou que l’on croit atteintes par le VIH et le VIH/sida, est justifiée.

Les défis lancés par le VIH/sida

L’épidémie du sida, et les problèmes médicaux, juridiques, financiers et professionnels qu’elle engendre, confrontent les victimes, mais aussi leur famille, les syndicats et les employeurs à de multiples défis. Les dirigeants syndicaux, les chefs d’entreprise, les spécialistes en ressources humaines et les cadres doivent faire face à des responsabilités de plus en plus mal définies, notamment en ce qui concerne la maîtrise des coûts, la confidentialité des renseignements médicaux personnels et l’obligation d’offrir des «aménagements raisonnables» à leurs salariés atteints du VIH ou du VIH/sida, sans parler de la protection des personnes atteintes, ou que l’on croit atteintes par la maladie, contre toute discrimination en matière de recrutement et d’avancement. Les personnes séropositives conservent maintenant leur emploi plus longtemps, si bien que les employeurs doivent prévoir un moyen de traiter équitablement et efficacement leurs salariés victimes de cette maladie pendant plus longtemps et, le plus souvent, sans avoir reçu la moindre formation ou les moindres conseils. Pour pouvoir bien gérer cette question, il faut se tenir au courant de toutes les nouvelles options thérapeutiques, des questions d’assurance maladie et du coût des soins, ainsi que des prescriptions légales et réglementaires. Il faut en outre prévoir des «aménagements raisonnables» et régler les problèmes que peut poser cette maladie: confidentialité et respect de la vie privée, discrimination, craintes du personnel, harcèlement envers les salariés séropositifs, préoccupations de la clientèle, interruptions de travail, actions en justice, baisse du rendement et mauvais moral des intéressés, tout en assurant la productivité et la rentabilité de l’entreprise et en s’efforçant d’atteindre les objectifs fixés.

Il s’agit d’un ensemble vaste et complexe de responsabilités qui dicte la conduite à tenir si l’on veut instaurer un programme d’information interne. Pour cela, il faut commencer par former les membres de l’encadrement et les inciter à considérer le VIH/sida en milieu de travail comme un facteur à part entière des stratégies et des objectifs à long terme de l’entreprise.

Face à la multitude de questions et de problèmes soulevés par cette épidémie et à la nécessité de trouver les moyens d’en limiter les répercussions sur l’entreprise, les employeurs peuvent néanmoins prendre des mesures suffisamment rentables pour limiter le plus possible les risques, réduire les frais médicaux, protéger l’avenir de leur entreprise et surtout, sauver des vies humaines.

Première étape: instaurer une réglementation interne concernant le VIH/sida

Pour gérer de manière efficace les difficultés que pose l’épidémie de VIH dans l’entreprise, on doit commencer par adopter une politique rationnelle. Celle-ci doit énoncer clairement les divers moyens auxquels l’entreprise aura recours pour faire face aux problèmes innombrables, mais surmontables, que pose le VIH/ sida. Pour reprendre les termes de Peter Petesch, avocat de Washington spécialiste du droit du travail qui s’intéresse à la question du VIH/sida et à ses répercussions dans l’entreprise: «L’adoption d’une politique interne rationnelle, tenant compte des responsabilités de l’employeur à l’égard des travailleurs porteurs du virus ou de la maladie, permettra à l’entreprise d’éviter de créer, à ses dépens, un précédent».

Le fait d’adopter une politique interne ne fera pas disparaître comme par enchantement toutes les difficultés que peut poser l’attitude à adopter vis-à-vis d’un employé atteint d’une maladie mortelle à laquelle sont généralement associés des stigmates. Elle aura néanmoins le mérite de préparer l’entreprise à faire les efforts nécessaires pour limiter au maximum les risques et protéger son personnel. Une telle politique doit être fondée notamment sur les principes suivants:

Des mesures efficaces en matière de VIH devraient prévoir des directives sur le respect de la loi, la non-discrimination, la confidentialité et le respect de la vie privée, la sécurité, les normes de rendement, les «aménagements raisonnables», les préoccupations des collègues et l’information des salariés. Pour être efficaces, de telles mesures devraient être communiquées aux salariés à tous les échelons de la hiérarchie et bénéficier de l’appui franc et massif des cadres supérieurs et de la direction, y compris du président-directeur général, pour mettre en évidence l’urgence et l’importance des messages susmentionnés. En l’absence d’un tel degré d’engagement, une politique qui n’existerait que «sur le papier» risque de rester lettre morte.

L’élaboration d’une politique concernant le VIH/sida peut se faire selon deux démarches générales:

  1. La démarche axée sur le caractère potentiellement mortel de la maladie. Certains employeurs décident de faire de leur politique concernant le VIH/sida un prolongement des mesures applicables à toutes les maladies ou invalidités qui peuvent être mortelles. Ces mesures prévoient généralement que le VIH/sida soit traité de la même façon que toutes les maladies de longue durée, à savoir avec compassion, tact et de façon non discriminatoire.
  2. La démarche axée spécifiquement sur le VIH/sida. Cette démarche consiste à considérer le VIH/sida comme un problème de santé grave, susceptible d’avoir des conséquences en milieu de travail, et à prendre les mesures nécessaires. Outre l’énoncé de la stratégie proprement dite, cette approche est généralement assortie d’un volet pédagogique précisant que le VIH/ sida n’est pas transmissible par contacts ordinaires en milieu de travail et que les salariés porteurs du VIH ou du VIH/sida ne mettent pas en danger la santé de leurs collègues ou des clients.

Deuxième étape: la formation des cadres moyens et supérieurs

Les cadres moyens et supérieurs doivent être parfaitement au courant des directives internes officielles de l’employeur concernant le VIH/sida. Il conviendrait que les cadres, à tous les échelons, disposent d’informations d’ordre médical claires et cohé- rentes, et qu’ils connaissent les risques — minimes — de transmission du virus ou de la maladie sur le lieu de travail. Dans les pays où il existe des lois antidiscriminatoires, les cadres doivent également en connaître les dispositions. Il faut citer ici, pour les Etats-Unis, la loi sur les Américains porteurs de handicap et ses dispositions en matière d’«aménagements raisonnables», de non-discrimination, de confidentialité et de protection de la vie privée, de normes sur la sécurité au travail et de rendement des salariés.

De même, tous les cadres devraient pouvoir répondre au pied levé aux questions du personnel sur le VIH/sida en milieu de travail et apaiser leurs inquiétudes. Souvent, les cadres subalternes sont les premiers à devoir fournir des renseignements, à recommander d’autres sources d’information et à donner aux salariés des réponses détaillées sur les aspects préoccupants de la séropositivité et du VIH/sida et sur les comportements à adopter. Les cadres devraient donc recevoir une formation adéquate avant que des programmes d’information destinés aux salariés soient instaurés.

Troisième étape: l’information des salariés

Les programmes internes d’information sont des moyens peu coûteux et rentables auxquels on peut recourir pour réduire au minimum les risques, protéger la vie des salariés, maîtriser les dépenses de santé et sauver des vies humaines. M. MacAllister Booth, président-directeur général de la Polaroid Corporation, déclarait qu’il était moins coûteux d’assurer l’éducation et la formation concernant le VIH/sida de tout le personnel de l’entreprise que de traiter un seul cas.

Les programmes de bien-être et de promotion de la santé font déjà partie intégrante de la vie d’un nombre croissant de travailleurs, notamment ceux des organisations syndicales et des grandes entreprises. Les campagnes menées pour réduire les frais médicaux et les absences dues à des maladies qu’il est possible de prévenir mettaient l’accent sur les avantages qu’il y a à s’abstenir de fumer, à faire de l’exercice et à suivre un régime alimentaire sain et équilibré. Les programmes de bien-être s’appuyant sur les efforts qui visent à accroître la sécurité des lieux de travail et à protéger la santé des travailleurs sont déjà courants, car ils permettent de renseigner efficacement les salariés sur les questions de santé. Des programmes d’information sur le VIH/sida peuvent fort bien être intégrés à ces programmes.

En outre, certaines études ont montré que de nombreux salariés font confiance à leur employeur pour leur fournir des informations exactes sur toute une série de thèmes, y compris celui de la santé. La question du VIH/sida les inquiète et la plupart ne possèdent pas une compréhension suffisante des faits concernant l’épidémie, que ce soit sur le plan médical ou sur le plan juridique, et souhaitent en savoir plus.

D’après une étude du groupe new-yorkais d’entreprises sur la santé dont nous avons déjà parlé (voir p. 63) (Barr, Waring et Warshaw, 1991), les salariés ont généralement une bonne opinion des employeurs qui fournissent des informations sur le VIH/sida et — selon le genre de programme offert — estiment que ces derniers sont une source d’information plus fiable que les médias ou les pouvoirs publics. D’après les résultats de l’enquête sur l’attitude des travailleurs américains à l’égard du VIH/sida, qui a été effectuée par la Coalition nationale sur le sida, 96% des salariés ayant reçu des informations sur le VIH/sida en milieu de travail sont en faveur de ce type de sensibilisation.

En principe, la participation des salariés aux séances d’information devrait être obligatoire et le programme devrait durer au moins une heure et demie. Les séances devraient être dirigées par un instructeur compétent, capable d’exposer les données de façon objective et neutre. La possibilité de poser des questions devrait également être prévue, ainsi que celle d’obtenir de l’aide en toute confidentialité. Les initiatives internes concernant le VIH/sida devraient avoir un caractère permanent et non pas ponctuel; elles sont plus efficaces lorsqu’elles se conjuguent à des manifestations publiques soulignant l’ampleur du problème, telles que la Journée mondiale du VIH/sida. Enfin, un excellent moyen de débattre du VIH/sida avec les employés consiste à inviter une personne séropositive ou atteinte par la maladie à prendre la parole au cours d’une de ces séances. On a constaté que le contact direct avec une telle personne était particulièrement fructueux.

Enfin, un programme d’information ne saurait être complet sans des exposés sur les thèmes suivants:

Certaines études signalent que les attitudes négatives à l’égard du VIH/sida peuvent être aggravées par une séance d’information ou de formation trop courte et peu approfondie, où le dialogue est insuffisant. On a également constaté que la simple distribution d’une brochure accroissait l’anxiété vis-à-vis de cette maladie. Lorsque la séance est de courte durée et que le sujet est abordé de façon superficielle, les participants assimilent une partie des renseignements donnés, mais repartent sans être rassurés, bien au contraire, sur la transmission du VIH. Par conséquent, il faut prévoir suffisamment de temps pour qu’une discussion en profondeur puisse avoir lieu et pour signaler d’autres sources de renseignements confidentiels. En principe, la participation à une séance de formation devrait être obligatoire, car la plupart des salariés hésitent à assister à des séances libres en raison des préjugés sur la séropositivité et le VIH/sida.

Exemples d’initiatives syndicales concernant le VIH/sida

Voici quelques exemples d’initiatives syndicales à caractère pédagogique et stratégique concernant le VIH/sida.

  1. Le Syndicat international des gens de mer (Seafarers International Union) a instauré un programme d’information sur le VIH/sida qui fait partie des cours obligatoires des élèves à la Lundeberg School of Seamanship de Piney Point (Maryland). Les aspirants à cette profession peuvent suivre un cours de formation de quatorze semaines dans cette école; les marins professionnels peuvent assister à des cours gratuits pour se perfectionner et pour obtenir un diplôme correspondant au diplôme d’études secondaires. Les séminaires du syndicat sur le VIH/sida qui durent deux heures ont été conçus en partant du principe qu’il est nécessaire de donner une formation approfondie si l’on veut répondre aux besoins d’une catégorie de travailleurs appelés à voyager à l’étranger et à exercer leur métier en vase clos. Le cours de prévention du VIH fait partie d’un programme qui porte sur les pratiques d’embauche, la sécurité et la santé au travail et la maîtrise des dépenses de santé. La formation est complétée par la projection de cassettes vidéo traitant du VIH/sida sur le réseau de télévision de l’école, la publication d’articles dans sa gazette et la diffusion de brochures dans les bureaux syndicaux des ports. Des préservatifs sont également distribués gratuitement.
  2. Le Syndicat international des salariés des services (Service Employees International Union (SEIU)) a décidé d’organiser des activités en liaison avec le VIH/sida en 1984, lorsque les employés de l’hôpital général de San Francisco affiliés à ce syndicat ont commencé à craindre les risques de transmission du VIH/sida. Il fallait impérativement apaiser ces craintes irrationnelles par des informations précises, tout en introduisant des mesures de précaution adéquates, pour que les travailleurs du secteur de la santé puissent continuer à dispenser des soins attentifs à leurs malades. Cette crise a incité le SEIU à instaurer son programme sur le VIH/sida, qui est un modèle de collaboration entre collègues, car les membres s’entraident pour répondre aux besoins d’information et de soutien moral. Le programme comprend des procédures de contrôle de la séropositivité dans les hôpitaux, certains membres du syndicat ayant demandé à bénéficier de programmes de formation sur le VIH/sida; par ailleurs, il encourage la direction de l’hôpital à coordonner ses initiatives avec celles du SEIU dans ce domaine.
  3. Un important avantage de la façon dont le SEIU a abordé la question du VIH/sida est que ce syndicat a adopté des mesures et des programmes d’éducation de ses membres fondés sur des données scientifiques, ce qui démontre l’intérêt réel porté à toutes les personnes concernées par cette épidémie, y compris les travailleurs du secteur de la santé, les malades et le public en général. Le syndicat mène des campagnes actives de sensibilisation, tant à l’échelle nationale qu’internationale, dans le cadre de conférences et de réunions. Il est donc devenu le principal responsable de l’éducation des travailleurs immigrants à qui il enseigne la prévention du VIH ainsi que la conduite à tenir pour se protéger au travail des agents pathogènes à diffusion hématogène. Cet effort pédagogique tient compte de la langue maternelle ou préférée des principaux intéressés et des différences culturelles.

Conclusion

Les syndicats et les entreprises relevant efficacement les défis quotidiens posés par le VIH/sida dans les lieux de travail restent encore une minorité. Toutefois, nombreux sont ceux qui ont mis à la disposition d’autres entreprises ou organisations des modèles et des informations de plus en plus élaborées pour les aider à adopter des mesures efficaces en la matière. Les connaissances et l’expérience accumulées au cours des dernières années prouvent que des politiques bien conçues, des normes et pratiques appropriées, une direction avisée et l’éducation permanente des cadres et des salariés constituent des moyens sûrs de surmonter ces difficultés.

A mesure que les syndicats, les industriels et le milieu des affaires prennent conscience des conséquences de plus en plus graves du VIH/sida dans leurs secteurs, de nouveaux groupes se forment pour répondre à leurs besoins spécifiques. Le groupement d’entreprises thaïlandaises pour la lutte contre le VIH/sida, créé en 1993, incitera probablement d’autres groupes analogues à se former dans les pays de la région du Pacifique. Plusieurs groupes d’entreprises commerciales et industrielles d’Afrique centrale et australe ont programmé l’éducation des travailleurs et des initiatives analogues voient le jour au Brésil et dans les Caraïbes.

L’édition de 1993 du Rapport sur le développement dans le monde: investir dans la santé (Banque mondiale, 1993) examinait les interactions entre la santé humaine, la politique de santé et le développement économique. Ce rapport cite un certain nombre de cas où le VIH/sida représente une menace pour les stratégies et les initiatives de développement. Il explique comment il est devenu plus facile d’utiliser les compétences et les ressources mondiales en matière de financement et de développement, et de collaborer plus harmonieusement avec les responsables mondiaux du secteur de la santé publique pour élaborer des plans d’action plus efficaces dans le but de relever les défis économiques et commerciaux générés par le VIH/sida (Hammer, 1994).

Les syndicats et les employeurs constatent qu’en appliquant les politiques et les programmes d’information des salariés, avant même qu’ils ne soient confrontés à un cas de séropositivité, on peut réduire les perturbations éventuelles sur le lieu de travail, faire des économies tout en protégeant la santé des travailleurs, éviter des actions en justice coûteuses et préparer la direction et le personnel à relever efficacement les défis que pose le VIH/sida dans les lieux de travail. Les outils nécessaires pour gérer au jour le jour les problèmes multiples et complexes liés à cette maladie sont facilement accessibles et peu coûteux. En fait, ils permettent de sauver des vies humaines et de maîtriser les dépenses.

LA PROTECTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ: LES MALADIES INFECTIEUSES

William J. Schneider

La prévention et le contrôle des maladies infectieuses est l’une des principales responsabilités des services de santé des entreprises dans les régions où ces maladies sont endémiques, où les salariés sont exposés à des agents infectieux spécifiques auxquels la population peut être particulièrement sensible et où les services de santé publics sont déficients. Dans de telles circonstances, le directeur du service médical doit jouer le rôle d’agent de la santé publique auprès du personnel, tâche qui nécessite une surveillance de l’hygiène, de la salubrité des aliments et de l’eau et des vecteurs potentiels d’infection; elle nécessite en outre l’administration de vaccins lorsque cela est possible, ainsi qu’une détection précoce et un traitement rapide des infections.

Dans les zones urbaines développées où les salariés sont en assez bonne santé, on se préoccupe moins des maladies infectieuses que d’autres problèmes, mais la prévention et la maîtrise de ces maladies demeurent néanmoins une responsabilité importante des services de santé au travail. En vertu de leur prévalence dans toutes les tranches d’âge (y compris évidemment celles dont les membres sont les plus susceptibles d’occuper un emploi) et de leur capacité intrinsèque de propagation en raison même de la promiscuité qui caractérise un cadre de travail typique, les maladies infectieuses constituent une cible privilégiée de tout programme de promotion de la santé du personnel. Toutefois, les efforts déployés par les services de santé au travail pour lutter contre cette menace sont souvent passés sous silence. Ce manque d’intérêt peut être attribué au fait que ces efforts, qui prennent par exemple la forme de programmes saisonniers de vaccination contre la grippe, sont généralement considérés comme une simple affaire de routine. En outre, si les activités de ce type ne sont pas mentionnées, c’est parce qu’elles ne sont pas nécessairement liées aux initiatives générales de promotion de la santé, mais font partie intégrante du programme général de protection de la santé du personnel. Par exemple, les examens médicaux périodiques que passent les salariés sont généralement l’occasion — tout en leur prodiguant des soins et des conseils — de les mettre en garde contre les dangers des maladies infectieuses. Même si elles ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un programme officiel, toutes ces initiatives peuvent fort bien être regroupées pour former une stratégie globale de prévention et de contrôle des maladies infectieuses.

Ces activités peuvent prendre des formes diverses: diffusion d’information et éducation du personnel; campagnes de vaccinations; réaction aux épidémies; protection de la santé des voyageurs; contacts avec les membres de la famille et mise à jour des connaissances. Pour illustrer la façon dont ces initiatives peuvent être regroupées dans le cadre d’un programme global de protection de la santé d’un grand nombre de travailleurs dans une région urbaine, des cols blancs pour la plupart, nous décrivons ci-après celui de la société J. P. Morgan and Company, Inc., dont le siège se trouve à New York. Bien que possédant certains traits originaux, ce programme ressemble à ceux de la plupart des grandes entreprises.

J.P. Morgan and Company, Inc.

J.P. Morgan and Company, Inc. est une entreprise qui offre toute une gamme de services financiers dans le monde entier. Elle a son siège social à New York où travaillent environ 7 500 de ses 16 500 employés et possède des succursales de taille diverse dans d’autres régions des Etats-Unis et au Canada, ainsi que dans les principales villes d’Amérique latine, d’Australie, d’Asie et d’Europe.

Les grandes succursales sont dotées de services médicaux depuis le début du siècle; après la fusion de J.P. Morgan avec Guaranty Trust Company, le service médical du personnel a évolué. Il n’offre plus uniquement des services médicaux courants, mais également toute une palette de prestations gratuites: examens médicaux périodiques, vaccinations, soins primaires externes, programme d’assistance aux salariés et d’information sur la santé. L’équipe médicale, qui se trouve à New York, est d’autant plus efficace que la majorité de l’effectif de Morgan se trouve concentrée dans un petit nombre de bureaux centraux.

La diffusion de l’information

La diffusion de l’information est en principe la pierre angulaire de tout programme de promotion de la santé et, sans doute, la formule la plus simple à appliquer, quelles que soient les ressources dont on dispose. Fournir des renseignements précis, utiles et compréhensibles, en les adaptant, au besoin, en fonction de l’âge, de la langue, de l’origine ethnique et du niveau d’instruction des salariés, sert non seulement à leur éducation, mais également à corriger les idées fausses, à exposer des stratégies de prévention efficaces et à orienter les salariés vers les ressources nécessaires soit à l’intérieur soit hors de l’entreprise.

Cette information peut revêtir de multiples formes: documentation pouvant être distribuée aux salariés à leur poste de travail, à domicile ou dans les bureaux centraux; bulletins ou publications que l’on peut se procurer en s’adressant notamment à des organismes publics ou bénévoles du secteur de la santé, à des entreprises pharmaceutiques ou commerciales; parfois également documents internes, si l’entreprise a les moyens d’en produire.

Les conférences et séminaires peuvent se révéler plus utiles encore, surtout lorsqu’ils permettent aux travailleurs de poser les questions qui les intéressent personnellement. En revanche, ils ont l’inconvénient de devoir être facilement accessibles et exigent que l’employeur et le personnel y consacrent plus de temps; en outre, l’anonymat ne peut y être respecté, ce qui peut poser certains problèmes.

Le VIH/sida

A en juger d’après notre expérience en la matière, l’infection par le VIH peut être considérée comme un domaine de prédilection pour ce genre d’activité. Les premiers cas ont été signalés en 1981 et nous avons eu connaissance de la présence de nouveaux cas parmi notre personnel dès 1985. En 1986, les employés d’une de nos succursales en Europe (où aucun cas de maladie n’avait encore été déclaré) ont demandé que l’on organise des séances d’information sur le VIH/sida à cause, notamment, de la campagne de sensibilisation menée par les médias locaux. Etaient présents le directeur médical de la société et un spécialiste en maladies infectieuses d’un hôpital universitaire de la région. L’auditoire était composé pour près de 10% du personnel de l’établissement en question, en majorité des femmes (80%). Ces exposés et les suivants ont principalement porté sur la transmission du virus et sur les stratégies de prévention. Comme en témoigne la composition de l’assistance, le problème de la propagation chez les hétérosexuels suscitait de vives inquiétudes.

Le succès de cette initiative a facilité l’élaboration, l’année suivante, d’un programme beaucoup plus ambitieux au siège de New York. Avant les séances d’information proprement dites, un bulletin et une brochure contenant des renseignements succincts sur la maladie, des affiches et d’autres types d’annonces ont rappelé aux intéressés la date, l’heure et l’endroit où auraient lieu les exposés, et la direction a vivement encouragé le personnel à s’y rendre. Grâce à la collaboration de la direction et à cause des inquiétudes que la maladie suscitait dans la collectivité, 25 à 30% de l’effectif des différents sites ont participé aux divers exposés.

Au cours des débats, le directeur médical de la société a annoncé que des cas avaient été déclarés parmi le personnel et a expliqué que l’entreprise maintiendrait ces salariés dans leurs fonctions tant que leur état de santé leur permettrait de bien accomplir leurs tâches. Il a exposé la politique de la société en matière de maladies potentiellement mortelles et précisé que le service médical offrait la possibilité de se soumettre à un examen de dépistage confidentiel. Une vidéo éducative sur la maladie a été projetée aux participants, puis un expert des services municipaux de santé a pris la parole. Cet exposé a été suivi d’une série de questions- réponses et, à la fin de la séance, des dossiers d’information sur l’infection par le VIH et sur les mesures préventives ont été remis à tous les participants.

La réaction du personnel a été très positive. Alors que d’autres entreprises connaissaient toutes sortes de problèmes dus à la présence de salariés séropositifs, Morgan n’en a eu aucun. Une enquête indépendante menée auprès des salariés (et de ceux de plusieurs autres entreprises ayant des programmes analogues) a révélé que les participants se félicitaient d’avoir pu assister à de telles séances et que les informations fournies étaient bien plus utiles que celles qu’ils avaient pu obtenir par ailleurs (Barr, Waring et Warshaw, 1991).

De nouvelles séances d’information sur l’infection par le VIH ont été organisées en 1989 et en 1991, mais la participation a peu à peu diminué. Cette désaffection progressive est sans doute due d’une part, au phénomène de saturation et, d’autre part, au fait que la maladie s’était propagée plutôt chez les chômeurs de longue durée (dans la région); concrètement, le nombre de nouveaux cas connus d’infection dans l’entreprise par le VIH a considérablement diminué après 1991.

La maladie de Lyme

Entre-temps, la maladie de Lyme, affection bactérienne transmise par les piqûres de tiques dans les banlieues et les lieux de villégiature locaux, a fait son apparition parmi nos salariés. Un exposé sur le sujet, complété par une documentation, a suscité beaucoup d’intérêt en 1993. Parmi les principaux sujets abordés à cette occasion figuraient la détection des symptômes de la maladie, son dépistage, son traitement et surtout sa prévention.

D’une manière générale, les programmes axés sur la diffusion d’informations, que ce soit sous une forme écrite ou de vive voix, doivent être plausibles, compréhensibles, pratiques et pertinents. Ils doivent servir à sensibiliser les principaux intéressés, à leur faire connaître les moyens de prévention individuelle, ainsi que le moment et la façon de s’adresser à un spécialiste. Par ailleurs, ils doivent servir à dissiper les craintes injustifiées.

Les programmes de vaccination

Les campagnes de vaccination en milieu professionnel répondent à un important besoin dans le domaine de la santé publique et elles peuvent présenter certains avantages concrets, non seulement pour les salariés auxquels elles sont destinées, mais aussi pour l’entreprise en général. Dans les pays développés, de nombreux employeurs ne possèdant pas de service médical s’organisent pour faire venir dans l’entreprise des équipes extérieures qui se chargent sur place de vacciner les salariés.

La grippe. Alors que la plupart des vaccinations assurent une protection pendant de nombreuses années, le vaccin antigrippe doit être administré tous les ans, non seulement à cause de l’évolution constante du virus, mais aussi en raison de la baisse de l’immunité du sujet. Etant donné que la grippe est une maladie saisonnière qui sévit généralement en hiver, le vaccin doit être administré en automne. Les salariés ayant le plus besoin d’être vaccinés sont les travailleurs âgés et ceux qui sont atteints d’affections chroniques ou d’immunodéficiences: diabète, troubles pulmonaires, cardiaques ou rénaux. Le personnel des établissements de soins devrait être encouragé à se faire vacciner, non seulement parce qu’il est le plus exposé, mais aussi parce qu’il faut pouvoir compter sur sa présence en cas d’épidémie grave. Une étude montre que la vaccination des travailleurs adultes contre la grippe est également très bénéfique tant sur le plan sanitaire que sur celui de l’économie. Puisque cette maladie peut couramment entraîner une incapacité de travail d’une semaine ou plus, qu’elle frappe souvent plusieurs personnes du même service simultanément, qu’elle nuit à la productivité, les employeurs ont intérêt à recourir à cette méthode de vaccination relativement bénéfique et peu coûteuse, en particulier lorsque les autorités publiques prévoient une évolution sensible du virus et annoncent une grave épidémie.

Le principal obstacle à l’efficacité des programmes de vaccination contre la grippe (ou de tout autre programme analogue) demeure sans doute la réticence des salariés. Pour parvenir à les convaincre, il faut bien les renseigner sur la nécessité et la possibilité de se faire vacciner, tout en rendant la vaccination facilement accessible. Il conviendrait de les informer par tous les moyens, en précisant tous les cas où la vaccination s’impose, en insistant sur l’innocuité relative du vaccin et en expliquant la marche à suivre.

Le temps nécessaire pour se rendre chez le médecin de famille et les inconvénients que ce déplacement peut entraîner dissuadent bien des personnes; les programmes les plus efficaces sont donc ceux qui assurent un service de vaccination sur place, pendant les heures de travail et dans des délais les plus courts possible. Enfin, les frais, qui constituent un obstacle non négligeable, devraient être substantiellement réduits, voire entièrement pris en charge soit par l’employeur, soit par le régime d’assurance maladie collective.

La publicité et les programmes d’incitation contribuent par ailleurs à convaincre les salariés. Lorsque les médias annoncent une menace d’épidémie de grippe, les salariés ressentent le besoin de se faire vacciner. En 1993, pour inciter tous les salariés à faire vérifier leur carnet de vaccination et à mettre à jour leurs vaccins, la direction médicale de Morgan a offert à ceux qui acceptaient de participer des billets de loterie dont les prix étaient des actions de la compagnie. Cette année-là, le nombre d’employés qui se sont fait vacciner a augmenté de moitié par rapport à l’année précédente.

La diphtérie et le tétanos. Parmi les autres vaccins recommandés aux adultes en bonne santé et en âge de travailler, il faut citer ceux contre la diphtérie et le tétanos et, éventuellement, contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. La vaccination antidiphtérique-antitétanique est conseillée tous les dix ans, pendant toute la vie, à supposer que le sujet ait reçu ses primovaccinations. On constate que c’est avec cet intervalle qu’il est le plus facile de confirmer l’immunité et d’administrer le vaccin à l’occasion des visites médicales périodiques (voir ci-après), sans empêcher pour autant le lancement d’une campagne générale de vaccination, comme celle qui s’est déroulée dans le cadre du programme incitatif mentionné ci-dessus.

La rougeole. Les services de la santé publique recommandent la vaccination à toute personne née après 1956, ne pouvant prouver qu’elle a reçu deux doses de vaccin contre la rougeole à son premier anniversaire, ou après, ou qu’elle a contracté la maladie, avec confirmation par un médecin ou par un laboratoire spécialisé. Ce vaccin peut être facilement administré pendant un examen médical d’embauche ou dans le cadre d’une campagne interne de vaccination.

La rubéole. Les services de la santé publique recommandent à chacun de posséder une preuve médicale de vaccination contre la rubéole ou les résultats d’examens de laboratoire confirmant l’immunité contre cette maladie. La vaccination contre la rubéole est surtout importante pour les travailleurs du secteur de la santé, et dans leur cas, elle peut même être obligatoire.

Rappelons qu’il est indispensable de s’assurer que les travailleurs sont bien immunisés contre la rubéole et ce par des campagnes de vaccination, au moment du recrutement, ou encore dans le cadre des visites médicales périodiques. Les personnes qui doivent être vaccinées contre la rubéole peuvent recevoir le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole). Des examens sérologiques peuvent être effectués avant la vaccination pour vérifier si une personne est immunisée, mais cette formule n’est proba- blement pas rentable.

L’hépatite B. Comme l’hépatite B est transmise par contact sexuel et par contact direct avec du sang ou d’autres fluides biologiques, les premiers efforts d’immunisation ont été axés sur les populations à haut risque, comme les professionnels de la santé et les personnes ayant de nombreux partenaires sexuels. En outre, à cause de la prévalence accrue de la maladie dans certaines régions géographiques comme l’Extrême-Orient et l’Afrique subsaharienne, la priorité a été accordée à tous les nouveau-nés de ces régions et aux personnes qui s’y rendent fréquemment ou qui y font des séjours prolongés. Aux Etats-Unis et dans d’autres pays, la vaccination de tous les nouveau-nés a été proposée, car on considère que c’est une stratégie plus efficace pour immuniser les sujets vulnérables.

Dans l’entreprise, l’immunisation contre l’hépatite B s’adresse principalement au personnel des services de santé, étant donné les risques de contact direct avec du sang. En fait, aux Etats-Unis, les règlements officiels exigent qu’on informe ce personnel et toute autre personne susceptible d’intervenir dans des urgences médicales qu’il leur est conseillé de se faire vacciner contre l’hépatite B, tout en leur précisant les précautions générales à prendre. Il faut dès lors prévoir les services de vaccination nécessaires.

Par conséquent, dans le cas particulier de Morgan, les renseignements sur l’immunisation contre l’hépatite B sont communiqués à trois niveaux: dans le cadre de discussions sur les maladies sexuellement transmissibles comme le VIH/sida; lors d’exposés destinés à informer le personnel de santé et des services d’urgence des risques et des précautions à prendre au cours de leurs activités professionnelles; lorsque des employés et leur famille doivent être envoyés en mission dans des régions où l’hépatite B est endémique. Les services de vaccination sont assurés parallèlement à ces programmes.

L’hépatite A. Cette maladie, qui est généralement transmise par des denrées alimentaires ou de l’eau contaminées, est beaucoup plus répandue dans les pays en développement que dans les pays industriels. Les efforts de protection sont donc axés sur les personnes qui voyagent dans les régions à risque ou sur celles qui sont en contact avec des sujets atteints et dont la maladie a été récemment diagnostiquée.

Etant donné qu’il existe maintenant un vaccin efficace et sans danger contre l’hépatite A, on vaccine les personnes se rendant dans les pays en développement et celles qui sont appelées à côtoyer des sujets atteints et dont la maladie a été confirmée par un diagnostic récent. S’il ne reste pas suffisamment de temps avant le départ pour obtenir les anticorps voulus, un sérum à base d’immunoglobulines peut être administré simultanément.

Dès lors, les efforts de vaccination peuvent être axés sur un groupe cible plus large. Il faudrait au moins que les personnes qui voyagent fréquemment et les habitants des régions où la maladie est endémique soient vaccinés; on devrait également étendre la couverture vaccinale aux personnes qui manipulent des produits alimentaires en raison des risques de transmission.

Avant de procéder à la vaccination, il conviendrait de rechercher d’éventuelles contre-indications telles qu’une hypersensibilité à l’un des composants du vaccin et, dans le cas de vaccins vivants comme ceux contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, tenir compte d’une immunodéficience éventuelle ou d’une grossesse en cours ou prévisible. Il est nécessaire de fournir à l’intéressé tous renseignements utiles sur les risques éventuels et de lui faire signer une décharge, car il existe toujours un risque de réaction, même minime.

Les entreprises dotées d’un service médical interne peuvent évidemment réaliser par son entremise un programme de vaccination du personnel. Les autres peuvent faire assurer les services de vaccination soit par des médecins, soit par des infirmières ou infirmiers locaux, soit par des hôpitaux ou des centres de santé, soit encore par des services de l’Etat.

La réaction aux épidémies

Il est à proprement parler peu d’événements qui suscitent autant d’attention et d’inquiétude, dans un service particulier ou dans toute l’entreprise, que le fait d’apprendre qu’un collègue est atteint d’une maladie contagieuse. Il faut impérativement que le service médical identifie les personnes atteintes et isole tant le cas source que les cas secondaires, et qu’il diffuse des renseignements sur cette maladie afin d’apaiser les craintes des salariés pensant avoir été exposés. Certaines entreprises, dans l’espoir de minimiser une éventuelle anxiété, se contentent d’informer ceux ayant pu entrer en contact avec des sujets contagieux. D’autres, conscientes du fait que la rumeur va se répandre et que la nouvelle risque d’être déformée au point de déclencher une vague d’inquiétude, profiteront de l’occasion pour mettre tous les employés au courant des risques de propagation de la maladie et des précautions à prendre. Morgan a connu plusieurs incidents de ce genre liés à trois maladies: la tuberculose, la rubéole et la gastro-entérite due à une intoxication alimentaire.

La tuberculose. La tuberculose est redoutée à juste titre, en raison de sa morbidité potentiellement élevée, notamment depuis l’accroissement des cas de bactéries multirésistantes aux médicaments. En ce qui nous concerne, c’est avec la nouvelle de l’hospitalisation et du diagnostic définitif des premiers cas que nous avons appris l’existence de la maladie dans l’entreprise; fort heureusement, le nombre de cas secondaires a été très limité et il ne s’agissait que de virages de cuti-réactions.

En pareil cas, les services de santé publique sont généralement avertis, et il est recommandé aux personnes ayant été en contact avec un malade de se soumettre à une cuti-réaction de base ou à une radiographie thoracique; les tests cutanés sont renouvelés dix ou douze semaines plus tard. Les personnes qui, après avoir eu une réaction négative au premier test cutané, ont une réaction positive au test suivant, doivent passer une radiographie thoracique. Si les résultats sont positifs, ces personnes doivent être traitées; s’ils sont négatifs, on prescrit une prophylaxie à l’isoniazide.

A chaque étape du processus, des séances à la fois collectives et individuelles d’information sont organisées. L’inquiétude manifestée est généralement disproportionnée par rapport aux risques et les réunions d’information consistent pour l’essentiel à rassurer les intéressés et à prévoir un suivi prudent.

La rubéole. Chez Morgan, des cas de rubéole ont été diagnostiqués à l’occasion des visites médicales du personnel. Pour éviter tout nouveau contact, les salariés en cause sont renvoyés chez eux, même s’il n’existe qu’une présomption clinique de la maladie. Après confirmation sérologique, en principe dans les quarante-huit heures, des enquêtes épidémiologiques sont effectuées pour détecter d’autres cas éventuels, et on informe le personnel de la situation. Bien que les personnes visées par ces programmes soient surtout des femmes, qui peuvent être enceintes et qui ont pu être exposées, cette première manifestation de la maladie a été également l’occasion de vérifier que les vaccinations de tous les salariés étaient à jour et de proposer de vacciner tous ceux et celles qui en auraient éventuellement besoin. Là aussi, il convient d’informer les services de santé publique et de tirer parti de leur aide et de leur compétence pour répondre aux besoins de l’entreprise.

L’intoxication alimentaire. Morgan n’a connu qu’un cas de maladie par intoxication alimentaire remontant à plusieurs années. Il s’agissait d’une intoxication par staphylocoques, imputable à un employé des services de restauration porteur d’une lésion cutanée à la main. Plus de cinquante clients du restaurant de l’entreprise avaient contracté une maladie spontanément résolutive, caractérisée par des nausées, des vomissements et des diarrhées, qui s’est déclarée environ six heures après avoir consommé de la salade de viande de canard froide; le problème a été réglé en vingt-quatre heures.

Dans ce cas précis, on s’est surtout employé à sensibiliser les employés des services de restauration aux signes et symptômes de maladie qui devraient les inciter à s’arrêter de travailler et à consulter un médecin. Certaines initiatives ont été prises au niveau de la direction et de nouvelles mesures ont été adoptées. Il s’agissait:

Deux entreprises du voisinage ont également eu des problèmes d’intoxication alimentaire. Dans un cas, l’hépatite A a été transmise à quelques salariés par un employé du restaurant de l’entreprise; dans l’autre, un certain nombre d’employés ont eu une toxi-infection alimentaire à la salmonelle après avoir consommé un dessert à base d’œufs crus dans un restaurant de la ville. Dans le premier cas, les efforts d’information de l’entreprise ont été axés sur le personnel de restauration; dans le deuxième, des renseignements sur les divers aliments à base d’œufs crus — et les risques qu’ils comportent — ont été communiqués à tout le personnel.

Les interventions individuelles

Alors que les trois expériences décrites ci-dessus correspondent au schéma-type de promotion de la santé qui vise sinon l’ensemble, du moins une grande partie du personnel, la plupart des activités dans des entreprises comme Morgan reposent, en ce qui concerne les maladies infectieuses, sur les échanges individuels. Ces interventions sont rendues possibles grâce aux visites médicales d’embauche, aux visites médicales périodiques ou de préretraite, aux demandes de renseignements lors de voyages à l’étranger et aux autres consultations du service médical.

Les examens médicaux d’embauche. Les postulants examinés à l’occasion du recrutement sont généralement jeunes, en bonne santé, peu susceptibles d’avoir reçu récemment des soins médicaux. Ils ont souvent besoin d’être vaccinés contre la rougeole, la rubéole ou la diphtérie et le tétanos. En outre, les employés pouvant être affectés à des services où les risques de transmission de maladies sont plus élevés, comme les services médicaux ou de restauration, bénéficient des recommandations d’ordre préventif qui s’imposent.

Les visites médicales périodiques. L’examen médical périodique est également l’occasion de s’assurer que les vaccinations sont à jour, de parler des risques liés à certaines maladies chroniques et d’expliquer les précautions à prendre. Par exemple, il est nécessaire de vacciner chaque année contre la grippe les diabétiques et les asthmatiques et de donner aux diabétiques des instructions sur les soins podologiques pour éviter une infection locale.

Les informations les plus récentes sur les maladies infectieuses doivent être communiquées, notamment aux sujets qui ont des problèmes reconnus de santé. Par exemple, l’annonce d’une épidémie colibacillaire imputable à la consommation de viande hachée mal cuite intéresse l’ensemble du personnel, alors que les risques de contracter la cryptosporidiose en allant nager dans des piscines publiques concernent plus particulièrement les personnes séropositives ou atteintes d’autres types d’immunodéficience.

Les visites médicales préalables à la retraite. Il faudrait recommander vivement aux salariés qui passent un examen médical en prévision de leur retraite de se faire administrer un vaccin antipneumococcique et leur conseiller de se faire vacciner chaque année contre la grippe.

Les précautions à prendre avant un voyage. Le développement des affectations et des déplacements professionnels à l’étranger, de même que la vogue des voyages touristiques, font augmenter sans cesse le nombre de personnes nécessitant une protection contre des maladies infectieuses qui n’existent pas dans leur propre pays. Les visites médicales effectuées avant le départ doivent comporter un examen des antécédents médicaux pour déceler toute vulnérabilité personnelle susceptible d’accroître les risques pendant le voyage ou l’affectation en question. Un bon exemple — qui n’est pas rare — est celui de la femme enceinte qui envisage de se rendre dans une région où sévit un paludisme à souches résistant à la chloroquine, ne lui laissant pour seule alternative qu’un autre type de prophylaxie antipaludéenne qui peut être contre-indiqué pendant la grossesse.

Il importe de fournir des informations complètes sur les maladies infectieuses répandues dans les régions de destination, en particulier sur leurs modes de transmission, les techniques de prévention et les méthodes prophylactiques, de même que sur les symptômes caractéristiques et la conduite à tenir pour les faire traiter en cas d’apparition. Et, bien sûr, administrer les vaccins requis.

Les consultations du service médical. Dans la plupart des entreprises, le service médical est en mesure de traiter les premiers symptômes de maladie; certaines entreprises, comme Morgan, assurent une gamme étendue de services de soins primaires. Chaque visite est l’occasion de procéder à des interventions (vaccinations) et de donner des conseils à caractère préventif (diffusion d’informations sur les précautions à prendre contre les affections sous-jacentes ou les risques d’exposition). Cette formule offre un avantage, car si l’employé s’adresse spontanément au service médical c’est le signe qu’il est probablement plus réceptif aux conseils prodigués qu’il ne le serait si ces mêmes renseignements lui étaient communiqués dans le cadre d’une campagne générale d’information. Le professionnel de la santé devrait profiter de ces visites pour mettre à la disposition du salarié les informations requises, ainsi que les vaccins ou médicaments prophylactiques nécessaires.

L’extension des services aux membres de la famille. Bien que la médecine du travail s’adresse d’abord et avant tout au travailleur à qui l’entreprise se doit de garantir la santé et le bien-être, elle doit aussi orienter ses efforts de promotion de la santé vers les membres de sa famille. De toute évidence, la plupart des objectifs signalés plus haut s’appliquent aussi aux autres adultes de la famille et, quoiqu’ils ne puissent pas bénéficier du service médical de l’entreprise en général, des informations peuvent fort bien leur être communiquées par le truchement de bulletins et de brochures, ainsi que par contacts personnels.

Il convient également de se préoccuper de la santé des enfants, surtout en raison de l’importance de la vaccination au cours de la petite enfance. Le fait est que l’on néglige souvent de faire les vaccins nécessaires, ou du moins certains vaccins, non seulement dans les milieux défavorisés, mais aussi dans les milieux plus aisés. Des séminaires sur les soins à donner aux enfants et des documents d’information publiés par l’employeur ou par sa compagnie d’assurance maladie peuvent contribuer à améliorer la situation à cet égard. En outre, il est bon de modifier la couverture du régime d’assurance maladie pour y inclure des mesures prophylactiques comme les vaccinations, car on pourrait ainsi inciter les parents à leur porter toute l’attention qu’elle mérite.

La nécessité de se tenir au courant

Bien que l’avènement des antibiotiques vers le milieu du XXe siècle ait laissé espérer une éradication prochaine des maladies infectieuses, l’expérience a en fait prouvé le contraire. Non seulement de nouvelles maladies infectieuses sont apparues (VIH et maladie de Lyme, par exemple), mais certains agents infectieux sont toujours plus résistants à des médicaments qui étaient efficaces auparavant (paludisme, tuberculose, etc.). Il est donc impératif que les professionnels de la santé au travail se tiennent au courant de l’évolution des connaissances dans le domaine des maladies infectieuses et de leur prophylaxie. Bien qu’il existe une foule de possibilités, certains rapports et bulletins périodiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’organismes de santé nationaux, comme les centres de lutte contre la maladie (US Centers for disease Control and Prevention (CDC)), aux Etats-Unis, sont particulièrement utiles.

Conclusion

La prévention et la lutte contre les maladies infectieuses dans l’entreprise constituent une des principales responsabilités des employeurs en matière de santé. Il leur appartient notamment d’identifier les sujets contaminés, de les isoler et de leur donner le traitement qui leur convient, en évitant qu’ils transmettent ces infections à leurs collègues et aux membres de leur famille. Il leur appartient aussi d’apaiser les craintes des personnes qui pensent avoir été en contact. Enfin, il convient d’éduquer et de protéger dûment les employés exposés à ce type de maladies dans leur cadre de travail ou ailleurs. Les services médicaux d’entreprise (voir ci-dessus la description des activités de J. P. Morgan and Company, Inc., à New York) ont un rôle à jouer à cet égard dans l’intérêt des employés, de l’entreprise dans son ensemble et de la collectivité.

LA PROTECTION DE LA SANTÉ DU VOYAGEUR

Craig Karpilow

A une époque où les organisations multinationales se multiplient et où le commerce international est en pleine expansion, les salariés sont de plus en plus souvent appelés à entreprendre des voyages d’affaires. Ils sont aussi sont plus nombreux à passer leurs vacances dans des contrées éloignées en compagnie de leur famille. Si, pour la plupart des gens, ces voyages sont passionnants et agréables, ils peuvent être pénibles, voire périlleux, surtout pour ceux qui ne sont pas bien préparés. Il peut bien sûr arriver qu’on se trouve dans des situations dangereuses, mais la plupart des problèmes liés aux voyages ne sont pas très graves. Pour les touristes, ces problèmes sont surtout source d’inquiétude et de désagrément, voire de déception ou de dépenses inattendues s’ils se voient contraints d’interrompre leur voyage et de prendre de nouvelles dispositions. En revanche, pour les personnes en voyages d’affaires, des difficultés de cet ordre peuvent avoir des répercussions graves sur l’entreprise, car elles peuvent nuire au bon déroulement des négociations ou autres démarches que leurs représentants sont censés mener, sans parler des frais que peut causer l’annulation ou le report d’une mission ou encore la nécessité d’envoyer un remplaçant pour terminer le travail.

Cet  article propose un programme global destiné à la protection des personnes faisant de courts voyages d’affaires et décrit brièvement les diverses précautions à prendre pour se prémunir des risques les plus fréquents (le lecteur pourra consulter d’autres sources, par exemple, Karpilow, 1991, pour obtenir des renseignements sur les programmes destinés aux personnes envoyées en longues missions à l’étranger et sur les programmes s’adressant à des services entiers ou à des groupes de salariés affectés à des postes de travail éloignés).

Le programme complet de protection du voyageur

Les entreprises, surtout celles qui envoient souvent des collaborateurs en déplacement à l’étranger, organisent des séminaires sur la gestion des risques inhérents aux voyages dans le cadre des programmes de promotion de la santé au travail. Ces entreprises disposent souvent d’un service des voyages qui peut être chargé d’organiser des séances d’information et de se procurer les dépliants et autre documentation. L’éducation du futur voyageur et les services éventuellement nécessaires sont toutefois assurés, la plupart du temps, sur une base individuelle plutôt que collective.

En principe, cette tâche incombe au service médical de l’entreprise qui se compose d’un médecin-conseil ou d’un autre professionnel de la santé, chargé de renseigner les salariés envisageant de partir en voyage. Outre la commodité d’accès, l’existence d’un tel service dans l’entreprise même comporte les avantages suivants: connaissance de l’entreprise, de ses politiques et de son personnel; possibilité de collaboration étroite avec d’autres services concernés (services du personnel et des voyages); accès aux dossiers médicaux contenant des renseignements sur l’état de santé des salariés qui doivent voyager, y compris sur les difficultés rencontrées lors de voyages antérieurs; et connaissance générale de la nature et de l’intensité du travail à accomplir pendant le voyage.

Lorsqu’il n’existe pas de service médical dans l’entreprise, le voyageur peut être envoyé dans un des services de pathologie tropicale dont sont dotés de nombreux hôpitaux publics et établissements médicaux privés. Ces services présentent notamment l’avantage de mettre les voyageurs en contact avec un personnel médical spécialisé dans la prévention et le traitement des maladies des voyageurs, de connaître parfaitement les pathologies propres aux régions à visiter et de posséder des lots frais de tous les types de vaccins requis.

Pour qu’un programme de protection du voyageur soit vraiment complet, il devrait comprendre un certain nombre d’éléments examinés ci-après.

Une politique précise

Bien que les déplacements à l’étranger soient le plus souvent décidés longtemps à l’avance, on attend souvent le dernier moment pour prendre les mesures de protection qui s’imposent quand bien même on les prend. Par conséquent, il est indispensable que l’entreprise dispose d’un règlement écrit à cet égard. Comme la plupart des personnes entreprenant des voyages d’affaires sont des cadres supérieurs, cette politique devrait être décidée et cautionnée par le président-directeur général de l’entreprise afin qu’elle soit appliquée par tous les services s’occupant des missions et des préparatifs de voyage, lesdits services pouvant être dirigés par des cadres de rang inférieur. Dans leur règlement, certaines entreprises interdisent expressément à leurs salariés de partir en voyage d’affaires s’il n’ont pas reçu l’agrément du service médical. Certains règlements sont tellement détaillés qu’ils précisent même à partir de quelle taille et de quel poids les salariés sont autorisés à voyager en classe affaires, plus coûteuse, plutôt que dans les sections économique ou touriste plus fréquentées des vols commerciaux; ils peuvent aussi spécifier dans quelles circonstances le voyageur peut être accompagné de son conjoint ou d’autres membres de sa famille.

La préparation du voyage

Le chef du service médical ou le professionnel de la santé responsable devrait participer à la préparation de l’itinéraire avec l’agence de voyages et le supérieur du salarié concerné en tenant compte des questions suivantes: 1) importance de la mission et de ses aspects connexes (y compris obligations sociales); 2) exigences du voyage et maladies endémiques dans les régions visitées; 3) état de santé physique et mental du voyageur, ainsi que son aptitude à supporter les rigueurs de l’expérience tout en s’acquittant bien de son travail. Idéalement, il faudrait que le voyageur soit consulté si l’on décide de reporter ou d’annuler son voyage, de raccourcir ou de modifier l’itinéraire ou la mission (nombre de personnes à voir ou nombre et durée des réunions, par exemple), s’il doit se faire accompagner par un collaborateur ou encore pour établir les pauses ou les périodes de repos dans l’itinéraire.

La visite médicale avant le départ

Si le candidat au départ n’a pas eu de bilan de santé récent, il conviendrait de procéder à un examen clinique général complété par les analyses de laboratoire habituelles, y compris un électrocardiogramme, pour s’assurer qu’il tolérera bien les rigueurs du voyage proprement dit et les autres circonstances. Il faut évaluer l’état de santé des personnes souffrant de maladies chroniques et recommander certaines adaptations, dans le cas des diabétiques, des sujets immunodéprimés ou encore des femmes enceintes. Il conviendrait d’établir un rapport écrit contenant les résultats des examens et certaines recommandations à l’intention des médecins qui pourraient être consultés pour des problèmes de santé survenant au cours du voyage. L’examen doit également fournir une base d’évaluation des maladies que le voyageur risque de contracter après son retour.

Au cours de la consultation, il conviendrait également d’envisager de faire certains vaccins sans oublier de mentionner leurs effets secondaires possibles et établissant bien la distinction entre les vaccins indispensables et ceux qui sont seulement recommandés. Un calendrier de vaccination personnalisé devrait être établi en fonction des besoins du voyageur et de la date de départ et les vaccins nécessaires devraient lui être administrés.

Tous les médicaments pris par le voyageur devraient être contrôlés et des ordonnances prévoyant des quantités suffisantes devraient lui être délivrées en tenant compte des risques de détérioration ou de perte. Il faut adapter les ordonnances (doses et prises) lorsqu’il s’agit de voyageurs traversant plusieurs fuseaux horaires (pour les diabétiques qui doivent prendre de l’insuline, par exemple). Il conviendrait aussi de prescrire des médicaments pour la prévention de certaines maladies comme le paludisme, la diarrhée du voyageur, les effets du décalage horaire et de l’altitude, en fonction de la nature de la mission et du mode de transport. En outre, il conviendrait de prescrire ou de fournir des médicaments pour le traitement immédiat de maladies bénignes comme les infections des voies respiratoires supérieures (et plus particulièrement la congestion nasale et la sinusite), la bronchite, le mal des transports, les affections cutanées et d’autres troubles raisonnablement prévisibles.

Les trousses de premiers secours

Dans le cas du voyageur qui ne tient pas à perdre un temps précieux à chercher une pharmacie en cas de besoin, une trousse de premiers secours peut rendre bien des services. A destination, le pharmacien ne connaîtra pas nécessairement les problèmes de santé dont il souffre et l’obstacle de la langue peut poser de graves problèmes de communication. En outre, les médicaments proposés risquent d’être peu sûrs ou peu efficaces. Dans bien des pays, il n’existe pas de réglementation formelle en matière d’étiquetage des médicaments et, parfois, aucune quant à la garantie de qualité. Les petites pharmacies ne tiennent généralement pas compte des dates de péremption et, dans les pays tropicaux, les températures élevées peuvent neutraliser certains médicaments qui sont exposés à la chaleur sur les rayons des officines.

Il existe dans le commerce des trousses de premiers secours contenant des médicaments courants, mais il est recommandé d’en compléter le contenu en fonction des besoins particuliers du voyageur. Parmi les médicaments les plus utiles, outre ceux qui ont été prescrits pour des problèmes de santé bien précis, il faut mentionner les médicaments contre le mal des transports, la congestion nasale, les allergies, l’insomnie et l’anxiété, les analgésiques, les antiacides et les laxatifs, ainsi que les médicaments pour les hémorroïdes, les troubles menstruels et les crampes nocturnes. La trousse peut également contenir des antiseptiques, des bandages et d’autres fournitures chirurgicales.

Il est recommandé d’emporter des lettres sur papier à en-tête signées par un médecin ou des ordonnances vierges contenant la liste des médicaments transportés et indiquant les problèmes de santé pour lesquels ils ont été prescrits. Cette mesure simple peut éviter bien des ennuis et de longs retards aux postes frontière internationaux où les agents des douanes recherchent les drogues illicites avec un zèle particulier.

Il est également recommandé d’emporter une paire de lunettes ou de lentilles de contact de rechange, ainsi qu’une quantité suffisante de solutions de nettoyage et d’autres accessoires (il est conseillé aux personnes qui voyagent dans des régions très empoussiérées de porter des lunettes plutôt que des lentilles de contact). Il faudra aussi se munir d’une copie de l’ordonnance de l’ophtalmologiste afin de pouvoir, au besoin, racheter des lunettes pour remplacer celles qui auraient été perdues ou cassées.

Les grands voyageurs devraient vérifier leurs nécessaires de soins avant chaque voyage pour s’assurer que leur contenu convient bien à l’itinéraire choisi et que les médicaments ne sont pas périmés.

Les dossiers médicaux

En plus des ordonnances justifiant l’usage des médicaments emportés, le voyageur devrait également se munir d’une carte ou d’une lettre décrivant brièvement tout problème médical important, les résultats du bilan de santé dressé avant le départ et une copie d’un électrocardiogramme récent et de tout autre examen de laboratoire. S’il présente une liste de ses vaccins récents, le voyageur peut être dispensé de l’inoculation obligatoire au poste frontière. Ce document devrait préciser les nom, adresse, numéro de téléphone et de télécopie d’un médecin susceptible de fournir au besoin des renseignements supplémentaires sur le voyageur (à cet effet, le port d’un insigne ou d’un bracelet du genre Medic-Alert peut être utile).

Quelques commerces spécialisés peuvent fournir des fiches médicales avec plaquettes de microfilm contenant le dossier médical complet du voyageur. Cependant, le médecin étranger ne possède pas nécessairement un lecteur de microfilms ou une loupe suffisamment forte pour pouvoir lire ces documents. Il faut également s’assurer que les renseignements sont à jour.

Les vaccins

Certains pays exigent que tous les visiteurs soient vaccinés contre diverses maladies telles que le choléra, la fièvre jaune ou la peste. Bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne recommande que la vaccination antiamarile, plusieurs pays exigent toujours la vaccination contre le choléra. Les vaccins obligatoires ont pour but de protéger non seulement les voyageurs, mais aussi les indigènes contre les maladies dont ces voyageurs peuvent être porteurs.

Les vaccins recommandés ont pour but d’immuniser les voyageurs contre certaines maladies endémiques. La liste est beaucoup plus longue que celle des vaccins obligatoires et elle s’allonge chaque année, à mesure que de nouveaux vaccins sont mis au point pour lutter contre des maladies nouvelles ou des affections qui se propagent avec rapidité. L’utilité de tel ou tel vaccin varie d’ailleurs souvent en fonction de la fréquence et de la virulence de la maladie dans la région en cause. C’est pourquoi il est indispensable de posséder les informations les plus récentes qui peuvent être obtenues auprès de l’OMS, des organismes officiels comme les centres de lutte contre la maladie aux Etats-Unis (U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC)), le ministère de la Santé et du Bien-Etre social au Canada, ou le Commonwealth Department of Health à Sydney, en Australie. De même, on peut également obtenir des renseignements de cet ordre auprès d’autres sources, des organismes bénévoles ou commerciaux locaux, ainsi qu’au moyen de logiciels mis à jour périodiquement.

On recommande à tous les voyageurs de se faire vacciner contre la diphtérie et le tétanos, la poliomyélite, la rougeole (pour les personnes nées après 1956 qui ne sont pas munies d’un document médical attestant qu’elles ont déjà contracté la maladie), la grippe et l’hépatite B (en particulier s’ils risquent d’être exposés à cette maladie en raison de la nature de leur affectation).

Les délais dont on dispose avant le départ peuvent avoir une influence sur le programme de vaccination et les dosages. Par exemple, deux piqûres, à quatre semaines d’intervalle, devraient donner à ceux qui n’ont jamais été vaccinés contre la typhoïde le titre d’anticorps maximum. Si le temps fait défaut, on peut faire prendre un jour sur deux quatre pilules de vaccin, mis au point récemment, aux personnes qui n’ont pas encore été vaccinées. Cette posologie sera beaucoup plus efficace qu’une seule dose administrée par injection. On peut également avoir recours aux vaccins oraux pour le rappel lorsque les intéressés ont déjà été vaccinés par injection.

L’assurance maladie et le rapatriement

De nombreux régimes d’assurance maladie nationaux et privés n’assurent pas la prise en charge des soins médicaux reçus en dehors d’une zone spécifiée. De telles restrictions peuvent être source de bien des difficultés, de retards dans l’administration des soins requis et de grosses dépenses pour les voyageurs qui ont été blessés ou qui ont contracté des maladies aiguës à l’étranger. Il est, par conséquent, prudent de vérifier si l’assurance maladie du voyageur le protège pendant toute la durée du voyage; dans le cas contraire, il lui est recommandé de prendre une assurance temporaire pour toute la période en question.

Dans certaines régions sous-développées, il peut être nécessaire d’évacuer le malade ou le blessé parce qu’il n’existe pas d’installations sanitaires suffisamment modernes ou que la qualité des soins laisse à désirer. Le voyageur peut être rapatrié ou, si la distance est trop grande, être transporté dans un centre médical urbain mieux équipé. Plusieurs compagnies d’assurances offrent des services d’évacuation d’urgence dans le monde entier; toutefois, il arrive que ces services ne soient disponibles que dans certaines régions. Etant donné qu’il s’agit généralement de situations graves et urgentes pour les malades en cause, il est sage de prendre au préalable des dispositions avec une compagnie qui dessert les régions visitées et de s’assurer que ces services sont bien couverts par le régime d’assurance maladie du voyageur, car ils sont très onéreux.

La visite médicale après le voyage

Peu après son retour, il est souhaitable de consulter un médecin qui passera en revue tous les problèmes de santé qui ont pu survenir et prodiguera des soins adéquats pour ceux qui persis-tent. Le médecin aura également l’occasion de signaler tout incident justifiant des recommandations et des préparatifs plus judi- cieux si la personne ou quelqu’un d’autre doit refaire le même voyage.

Les risques du voyage

Un voyageur est presque toujours exposé à certains risques médicaux qui peuvent être désagréables ou même entraîner des maladies graves et invalidantes, ou pire encore. La plupart de ces risques peuvent être évités ou limités, à condition que le voyageur fasse des efforts spéciaux en ce sens. Un des principaux objectifs du programme de protection des voyageurs est de les sensibiliser à ces risques et de leur donner les moyens d’y faire face. Certains des risques les plus courants sont examinés ci-après.

Le décalage horaire. Le passage rapide d’un fuseau horaire à l’autre peut perturber les rythmes physiologiques et psychologiques — les rythmes circadiens — qui règlent les fonctions de l’organisme. Ce phénomène de décalage horaire, qui ne se produit pour ainsi dire que pendant un voyage aérien, peut perturber le sommeil, provoquer des malaises, rendre irritable, nuire aux aptitudes mentales et physiques et causer apathie, dépression, fatigue, perte d’appétit, troubles gastriques et intestinaux. En règle générale, il faut plusieurs jours pour que les rythmes circadiens du voyageur se réadaptent aux nouveaux horaires. Par conséquent, il est prudent d’entreprendre les vols long-courriers plusieurs jours avant des réunions d’affaires ou des obligations sociales importantes, pour laisser au voyageur le temps de retrouver son énergie, sa vivacité d’esprit et sa capacité de travail (il en va de même pour le retour). Ces précautions sont particulièrement nécessaires pour les personnes âgées, car les effets du décalage horaire ont tendance à s’accentuer avec l’âge.

Les moyens conseillés pour essayer d’atténuer le plus possible les effets du décalage horaire sont multiples. Certains préconisent un régime spécial, qui consiste à absorber en abondance, puis à éviter complètement, les hydrates de carbone ou les aliments à forte teneur en protéines pendant les trois jours qui précédent le départ. D’autres recommandent de faire un repas composé principalement d’aliments à forte teneur en hydrates de carbone avant le départ, à ne manger que des salades, des fruits et autres mets légers en cours de vol, à boire beaucoup avant et pendant le voyage (en quantité suffisante pour devoir aller aux toilettes toutes les heures dans l’avion) et à éviter toute boisson alcoolisée. D’autres encore recommandent l’utilisation d’une lampe frontale qui arrête la sécrétion, par la glande pinéale, de mélatonine, dont l’excès est lié à certains des symptômes du décalage horaire. Depuis peu, on constate que la prise de faibles doses de mélatonine en comprimés (de 1 mg au maximum, car des doses plus fortes, que l’on prescrit dans d’autres cas, provoquent la somnolence), à intervalles donnés pendant plusieurs jours avant et après le voyage, atténue efficacement les effets du décalage horaire. Ces moyens sont tous utiles, mais ne sauraient remplacer un bon repos et un rythme de travail ralenti jusqu’à complète réadaptation.

Les voyages aériens. Indépendamment du décalage horaire, les voyages aériens peuvent être pénibles pour d’autres raisons. Le trajet jusqu’à l’aéroport peut être source d’inquiétude et d’irritation, surtout en cas d’encombrements sur les voies d’accès ou lorsqu’on voyage avec des bagages lourds ou volumineux, quand les vols sont retardés ou annulés et quand il faut changer rapidement d’aérogare pour prendre une correspondance. La position assise prolongée sur des sièges étroits et le manque d’espace pour les jambes peuvent non seulement être inconfortables, mais aussi provoquer une phlébite. Dans les appareils modernes bien entretenus, la plupart des passagers n’auront aucune difficulté à respirer, car les cabines sont pressurisées de façon à maintenir une altitude simulée inférieure à 2 600 m par rapport au niveau de la mer. La fumée de cigarette peut être gênante pour les passagers des sections fumeurs (ou à proximité) sur les vols où il est permis de fumer.

On peut remédier à la plupart de ces inconvénients en prenant certaines dispositions pour se rendre à l’aéroport et en revenir, en prévoyant de faire convoyer les bagages, en mettant des voiturettes électriques ou des fauteuils roulants à la disposition des voyageurs pour qui la longue marche entre l’entrée de l’aérogare et la porte d’embarquement peut s’avérer pénible, en prenant des repas légers et en évitant les boissons alcoolisées pendant le vol, en buvant beaucoup pour lutter contre la déshydratation et en se levant fréquemment pour se dégourdir les jambes. Lorsqu’il n’est pas possible de quitter son siège, il est indispensable de faire des exercices d’étirement et de relaxation semblables à ceux qui sont décrits dans la figure 15.22. Au cours du vol, les masques antilumière peuvent faciliter le sommeil et l’utilisation systématique de protège-tympans réduit la tension et la fatigue.

Figure 15.22 Exercises à effectuer au cours de longs voyages en avion

Figure 15.22

Dans quelques pays, notamment l’Argentine, l’Australie, l’Inde, le Kenya, le Mexique, le Mozambique et la Nouvelle-Zélande, un insecticide doit être pulvérisé dans la cabine de l’appareil juste après l’atterrissage, avant que les passagers ne le quittent. Cette précaution a pour but d’éviter l’importation d’insectes vecteurs de maladies. La pulvérisation est parfois superficielle, mais elle est souvent faite avec soin; dans ce cas, toute la cabine y est soumise, y compris les passagers et l’équipage. Il est recommandé aux voyageurs susceptibles d’être incommodés ou irrités par les émanations d’hydrocarbures provenant des pulvérisateurs de se couvrir le visage d’un linge humide et de faire des exercices respiratoires de relaxation.

Le gouvernement américain réprouve cette pratique. Le secrétaire aux transports, Federico F. Peña, a proposé d’obliger toutes les compagnies aériennes et agences de voyages à avertir les voyageurs, et le ministère des Transports compte saisir l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) du problème; il envisage, en outre, de coparrainer un colloque de l’OMS sur le sujet (Fiorino, 1994).

Les piqûres de moustiques et d’autres insectes. Le paludisme et d’autres maladies transmises par les arthropodes (fièvre jaune, encéphalite virale, dengue ou fièvre rouge, filariose, leishmaniose, onchocercose, trypanosomiase et maladie de Lyme) sont endémiques dans de nombreuses régions du monde. Eviter de se faire piquer est la première parade contre ces maladies.

On peut utiliser des insectifuges contenant du DEET (N,N-diéthyl-méta-toluamide) sur la peau et sur les vêtements. Etant donné que le DEET peut être absorbé par la peau et provoquer des symptômes neurologiques, les préparations contenant une concentration supérieure à 35% ne sont pas recommandées, surtout chez les enfants. L’hexanédiol est un bon produit de remplacement pour les personnes sensibles au DEET. Le produit hydratant Skin-So-Soft (marque de commerce) doit être appliqué toutes les vingt minutes environ pour être efficace.

Il est recommandé à toutes les personnes voyageant dans des régions où les maladies transmises par les insectes sont endémiques, de porter des chemises à longues manches et des pantalons, surtout après la tombée du jour. En réalité, dans les pays chauds, on souffre moins de la chaleur lorsqu’on porte des vêtements amples en coton ou en lin qu’en laissant la peau à nu. Il convient d’éviter les parfums et les produits cosmétiques, savons et lotions parfumés, qui risquent d’attirer les insectes. Les vestes à mailles légères, les chapeaux et les masques protecteurs sont particulièrement utiles dans les régions infestées. Les moustiquaires pour lits et fenêtres sont aussi fortement recommandées (avant le coucher, on prendra soin de vaporiser l’intérieur de la moustiquaire au cas où des insectes indésirables s’y trouveraient).

Les vêtements et les filets protecteurs peuvent être traités avec un produit insectifuge contenant du DEET ou avec de la perméthrine, qu’on peut acheter en aérosol ou sous forme liquide.

Le paludisme. Malgré des dizaines d’années d’efforts pour éradiquer les moustiques, le paludisme reste endémique dans la plupart des zones tropicales et subtropicales. Comme il s’agit d’une maladie extrêmement dangereuse et débilitante, à la lutte contre les moustiques devrait s’ajouter l’usage prophylactique d’un ou de plusieurs remèdes antipaludéens. Un certain nombre d’antipaludéens relativement efficaces ont été mis au point, mais diverses souches de parasites du paludisme sont devenues très résistantes à quelques-uns des médicaments utilisés actuellement, si ce n’est à tous. Par exemple, la chloroquine, qui est depuis longtemps le médicament le plus utilisé, est toujours efficace contre certaines souches de vecteurs de paludisme dans certaines régions, mais inefficace dans beaucoup d’autres. Le proguanil, la méfloquine et la doxycycline sont aujourd’hui les produits préférés pour les souches résistant à la chloroquine. Le maloprim, le sulfadoxine et le sulfisoxazole sont également utilisés dans certaines zones. Avant d’arriver dans la région où sévit le paludisme, on entreprend un traitement prophylactique qu’il faudra poursuivre quelque temps après la fin du séjour.

On choisit le médicament en fonction des toutes dernières recommandations faites pour la région où doit se rendre le voyageur. Il faut également tenir compte des effets secondaires; par exemple, le sulfadoxine est contre-indiqué pendant la grossesse et l’allaitement, alors que la méfloquine ne devrait être utilisée ni par les pilotes de ligne ni par ceux chez qui les effets secondaires du médicament sur le système nerveux central pourraient nuire à leurs performances et compromettre ainsi la sécurité des autres, ni par les sujets qui prennent des bêtabloquants ou des inhibiteurs calciques ou d’autres médicaments modifiant la conduction cardiaque.

L’eau polluée. L’eau du robinet peut être polluée, et cela, dans le monde entier. Même dans les centres urbains modernes, des conduites et des raccordements défectueux dans des édifices vétustes ou mal entretenus peuvent entraîner la propagation de l’infection. L’eau en bouteille peut elle aussi être de qualité douteuse, surtout si la capsule en plastique n’est pas intacte. La consommation de boissons gazeuses ne comporte généralement aucun danger pour autant qu’on ne les laisse pas devenir plates.

Pour désinfecter l’eau, il faut la chauffer pendant dix minutes à une température de 62° C ou y ajouter de l’iode ou du chlore après l’avoir filtrée pour en retirer les parasites et les larves, puis la laisser reposer pendant trente minutes.

Les filtres à eau vendus pour le camping ne conviennent en principe pas pour les régions où l’eau est suspecte, car ils ne neutralisent ni les bactéries ni les virus. On trouve dans le commerce des systèmes à filtres, tels que Katadyn, qui filtrent des organismes d’une taille supérieure à 0,2 micron, mais il faut ensuite traiter l’eau à l’iode ou au chlore pour supprimer les virus. Les filtres PUR, plus récents, sont composés d’une série de filtres de 1 micron et d’une matrice en résine à triple couche iodée qui élimine les bactéries, les parasites et les virus en une seule opération.

Dans les régions où l’eau est suspecte, il est recommandé de ne pas consommer de la glace ou des boissons contenant de la glace, et il est conseillé de se brosser les dents avec de l’eau désinfectée.

Autre précaution à suivre: éviter de nager ou de tremper ses jambes dans l’eau douce des lacs ou des cours d’eau qui abritent les vers trématodes vivant sur des escargots-hôtes qui véhiculent les parasites responsables de la schistosomiase (bilharziose).

La contamination des denrées alimentaires. Les denrées alimentaires peuvent être contaminées à la source par l’utilisation de poudrette (engrais organique composé de matières fécales humaines desséchées et réduites en poudre) comme fertilisant, ou pendant le transport, si la réfrigération est insuffisante et si la cargaison a été exposée aux mouches et autres insectes ou si les règles d’hygiène n’ont pas été observées par les personnes qui font la cuisine et qui manipulent les aliments. Les aliments achetés chez un marchand des rues, dont on connaît les ingrédients et dont on peut suivre la préparation, sont peut-être en un sens moins dangereux que les mets préparés dans un restaurant «quatre étoiles», où l’ambiance de luxe et la propreté des tenues du personnel peuvent cacher des insuffisances de stockage, de préparation et de service. Le meilleur conseil que l’on puisse donner au voyageur est probablement d’éviter de manger ce qu’il ne peut pas cuire ou éplucher lui-même, comme l’indique une vieille maxime.

La diarrhée du voyageur. La diarrhée du voyageur sévit dans le monde entier, aussi bien dans les centres urbains modernes que dans les régions sous-développées. La majorité des cas sont imputables à la présence de certains organismes dans les produits alimentaires et les boissons, mais une bonne partie d’entre eux sont tout simplement dus à la consommation d’aliments et de préparations exotiques, à des excès alimentaires ou encore à la fatigue. Certains cas peuvent également se déclarer après un bain ou une douche dans de l’eau insalubre ou après une baignade dans un lac, un cours d’eau ou une piscine pollués.

La plupart des cas sont spontanément résolutifs et réagissent rapidement à des remèdes simples tels qu’un apport hydrique suffisant, un régime sans aliments trop sapides et le repos. Certains médicaments simples tels que l’attapulgite (produit argileux qui joue le rôle d’absorbant), le sous-salicylate de bismuth et certains agents inhibiteurs de la motilité gastrique, comme la lopéramide ou le reglan, peuvent soulager la diarrhée. Toutefois, lorsque la diarrhée est aiguë, qu’elle dure plus de trois jours ou qu’elle est accompagnée de vomissements répétés ou de fièvre, il est recommandé de consulter un médecin et de prendre des antibiotiques. Le choix de l’antibiotique dépend de l’identification en laboratoire de l’organisme en cause ou, si ce n’est pas possible, d’une analyse des symptômes et des données épidémiologiques indiquant le degré de propagation d’une infection particulière dans les régions visitées. Le voyageur devrait recevoir un dépliant, tel que celui de l’OMS (voir figure 15.23), expliquant les mesures à prendre dans un langage simple et non alarmiste.

Figure 15.23 Guide à l'usage des voyageurs sur la salubrité des aliments (Organisation
mondiale de la santé)

Figure 15.23

La prise d’antibiotiques à titre préventif a déjà été recommandée aux voyageurs qui se rendent dans une région où l’eau et les aliments sont suspects, mais cette pratique suscite bien des réticences en raison des effets secondaires possibles et parce qu’elle risque d’amener le voyageur à négliger les mesures prophylactiques élémentaires.

Dans certains cas, la diarrhée ne se déclenche qu’après le retour chez soi. Ce symptôme est particulièrement révélateur de la présence d’une maladie parasitaire et il faut alors faire pratiquer des examens de laboratoire.

Le mal aigu des montagnes. Les personnes qui se rendent dans des régions montagneuses, à Aspen (Colorado), à Mexico ou encore à La Paz (Bolivie), peuvent ressentir les effets de l’altitude, en particulier celles qui sont atteintes d’une maladie coronarienne, d’une insuffisance cardiaque congestive ou de maladies pulmonaires telles que l’emphysème, la bronchite chronique ou l’asthme. Un léger mal des montagnes peut causer fatigue, maux de tête, dyspnée d’effort, insomnie ou nausées. Ces symptômes disparaissent généralement au bout de quelques jours d’activité physique réduite et de repos.

Dans les cas plus graves, ces symptômes peuvent aller jusqu’à l’insuffisance respiratoire, aux vomissements et aux troubles de la vision. Le voyageur devrait alors consulter un médecin et descendre dès que possible à plus basse altitude, éventuellement même sous oxygène.

La criminalité et les troubles intérieurs. La plupart des voyageurs auront la sagesse d’éviter les zones de conflit armé ainsi que les régions troublées. Toutefois, quand ils séjournent dans une ville étrangère, ils peuvent s’égarer dans des quartiers à forte criminalité où les touristes sont des cibles de choix. Pour éviter d’être victime d’une agression, il peut être prudent de mettre ses bijoux et autres objets de valeur en sûreté et de regarder sur le plan le chemin le plus sûr entre l’aéroport et le centre ville, ainsi que les quartiers à éviter.

La fatigue. La fatigue normale est une cause fréquente d’inconfort et de baisse du rendement. Les difficultés attribuées au décalage horaire sont dues pour la plupart aux rigueurs du voyage en avion, en autobus et en automobile, au fait d’avoir mal dormi dans un lit auquel on n’est pas habitué et de se trouver dans un milieu étranger, aux excès de table et à la consommation de boissons alcoolisées, ainsi qu’à des horaires de travail et à des engagements sociaux trop denses et trop éprouvants.

Par ailleurs, les personnes en voyage d’affaires sont souvent surmenées par les nombreuses tâches à terminer avant le départ, ainsi que par les préparatifs du voyage, sans parler de la nécessité de rattraper le retard accumulé au retour. Pour protéger le voyageur, il faut lui apprendre à éviter toute accumulation de fatigue et à rappeler aux organisateurs de la mission que ce risque est omniprésent.

Conclusion

Avec la multiplication des voyages d’affaires et d’agrément dans des régions étrangères et lointaines, la protection de la santé du voyageur est devenue un élément important du programme de promotion de la santé dans les entreprises. Le voyageur devra être sensibilisé aux dangers auxquels il sera exposé et bien informé de tous les moyens nécessaires pour les éviter. Il faudrait également lui offrir divers services médicaux tels que les consultations avant le départ, les vaccinations et les médicaments dont il pourrait avoir besoin en cours de route. La direction de l’entreprise peut également jouer un rôle important en fixant des objectifs raisonnables à la mission et en préparant soigneusement le voyage proprement dit et les autres aspects du séjour. L’essentiel est de remplir la mission avec succès et de ramener sains et saufs les membres du personnel qui en sont chargés.

LES PROGRAMMES DE GESTION DU STRESS

Leon J. Warshaw

Les programmes de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ont pour rôle essentiel de promouvoir leur santé, leur bien-être et leur productivité, individuellement et collectivement. Cet objectif ne saurait être atteint sans une bonne connaissance du stress et de ses répercussions sur les individus et les entreprises, et sans un programme bien conçu qui en atténue les effets délétères et surtout, qui les prévienne.

Tout individu quel qu’il soit est exposé au stress. Il est lié à l’idée qu’il se fait du bien-être, des relations avec sa famille, ses amis, ses collègues et les étrangers, ainsi que de son aptitude à satisfaire aux exigences de la vie familiale, professionnelle et sociale; le stress agit lui-même sur tous ces facteurs. Lorsqu’il est excessif, il engendre des symptômes physiques ou psychologiques et, s’il persiste, il peut entraîner une incapacité de travail et même rendre malade. Il modifie les perceptions, les sentiments, les attitudes et les comportements des individus et influe sur les entreprises s’ils y exercent un rôle de direction ou d’exécution. Le stress fait l’objet d’une étude plus approfondie dans les chapitres no 5 (La santé mentale) et no 34 (Les facteurs psychosociaux et organisationnels) de la présente Encyclopédie.

L’élaboration d’un programme de gestion du stress

Un programme efficace de gestion du stress dans le travail doit comporter un certain nombre d’éléments agissant en synergie. Certains d’entre eux peuvent être regroupés pour former un programme de gestion du stress à proprement parler, tandis que d’autres relèvent purement et simplement de la gestion générale de l’entreprise, même s’ils ont explicitement pour objectif de maîtriser le stress. Certains de ces éléments sont axés sur les salariés, que ce soit à titre individuel ou collectif; d’autres s’intéressent aux facteurs de stress survenant en milieu de travail; d’autres encore traitent des facteurs de stress qui affectent l’entreprise en tant que telle, et qui finissent inévitablement par avoir des répercussions sur une partie, voire sur l’ensemble du personnel. Dans les sections qui suivent, on trouvera une analyse des divers éléments d’un programme de gestion du stress dans le travail.

  1. Gestion des symptômes du stress. Cet aspect du programme s’adresse aux personnes qui souffrent déjà des effets du stress. Désigné comme «modèle médical», il vise à détecter les sujets présentant certains signes et symptômes et à les convaincre de consulter d’eux-mêmes le service médical ou des spécialistes capables d’évaluer leurs problèmes, d’en diagnostiquer les causes et de proposer un traitement. Cette démarche peut se faire dans le cadre du service médical ou d’un service d’aide aux salariés, ou encore dans le cadre d’autres services de consultation assurés par l’entreprise. Les prestations offertes peuvent être très diverses: entrevues, consultations personnelles, assistance téléphonique d’urgence ou services dispensés par un personnel qualifié dans des centres pluridisciplinaires; ces prestations seront assurées tantôt par des spécialistes engagés à plein temps ou à temps partiel, tantôt par des consul-tants venant sur le lieu de travail ou exerçant dans des établissements proches. Certains services traitent tous les cas; d’autres sont plus ou moins axés sur un syndrome spécifique du stress: hypertension, dorsalgies, alcoolisme, toxicomanie ou problèmes familiaux. L’efficacité de ces divers éléments repose sur les capacités suivantes:
  2. Réduction de la vulnérabilité personnelle. Les aspects les plus courants des programmes de gestion du stress sont ceux qui aident les individus à surmonter le stress en réduisant leur vulnérabilité. Ils comprennent une série de séminaires et d’ateliers, complétés par des cassettes audio ou vidéo et des dépliants ou d’autres publications qui expliquent aux salariés comment résister plus efficacement au stress. Les dénominateurs communs de ces programmes sont les suivants:
  3. Un certain nombre des moyens utilisés dans ces programmes sont énumérés à la figure 15.24. Pour ceux qui ne connaissent pas le terme, les groupes de parole sont des groupes qui se réunissent, en présence ou non de supérieurs, et qui permettent aux participants de parler de leurs expériences et de leurs problèmes et d’exposer librement leurs doléances. Ils s’apparentent aux réunions d’atelier organisées sous les auspices des syndicats.

    Figure 15.24 Quelques moyens de réduire la vulnérabilité

    Figure 15.24

  4. Relations personnelles dans le travail. Les entreprises sont de plus en plus conscientes des facteurs de stress dus à la diversité de la main-d’œuvre et des problèmes relationnels qu’ils engendrent souvent. Ce n’est pas parce qu’un individu franchit la porte de son lieu de travail qu’il se débarrasse automatisquement de ses préjugés et de son sectarisme. La situation est souvent aggravée par le manque de compassion et le comportement discriminatoire des cadres et des supérieurs. Les préjugés d’ordre sexuel et racial peuvent mener au harcèlement, voire s’exprimer ou se manifester sous forme d’actes de violence. Lorsqu’elles se répandent, de telles attitudes doivent être immédiatement corrigées par une politique explicite prévoyant des mesures disciplinaires envers les coupables et assurant la protection contre des représailles des victimes qui se sont plaintes.
  5. Gestion du stress professionnel. Il incombe à l’entreprise de neutraliser le plus possible les facteurs de stress liés au travail qui peuvent nuire à l’efficacité des salariés. Il est capital de s’assurer que les gestionnaires et la direction, à tous les échelons, reçoivent une formation leur permettant de déceler les problèmes de relations personnelles inévitables en milieu de travail pour les régler promptement.
  6. Gestion du stress propre à l’entreprise. L’entreprise dans son ensemble est exposée à des facteurs de stress qui, s’ils ne sont pas bien gérés, se répercutent sur la main-d’œuvre et ont inévitablement des effets néfastes sur le personnel, à tous les niveaux. C’est pourquoi il est nécessaire de se fixer des objectifs ambitieux, mais réalisables, de déceler et d’évaluer très tôt les facteurs de stress risquant de compromettre ces objectifs, de coordonner les ressources dont l’entreprise dispose pour y faire face et de communiquer les résultats de ces efforts au personnel. Cette communication revêt une importance critique en période d’austérité économique, lorsque la collaboration du personnel et une productivité optimale sont capitales pour surmonter les crises que peuvent provoquer notamment des changements dans la direction, des menaces de fusion et de prise de contrôle, des fermetures d’usines, des délocalisations ou des compressions d’effectifs.
  7. Gestion des facteurs de stress personnels. Bien que la gestion des facteurs de stress émanant du milieu familial et social soit à proprement parler un problème personnel, les employeurs constatent que le stress engendré par ces facteurs poursuit les salariés jusque dans leur travail ou que, pris isolément ou ajoutés aux facteurs de stress liés au travail, ils compromettent souvent le bien-être des employés et leur rendement. Par conséquent, les employeurs jugent utile (et, dans certains cas, nécessaire) d’établir des programmes pour aider les salariés à faire face à des facteurs de stress de ce genre. On trouvera, énumérés à la figure 15.25, les facteurs de stress personnels les plus courants et les initiatives qui peuvent être prises par l’entreprise pour les maîtriser.

Figure 15.25 Facteurs de stress en milieu de travail et programmes internes pour aider à les contrôler

Figure 15.25

Les principes de base du programme

Lorsqu’on veut instaurer un programme de gestion du stress au travail, il est essentiel d’appliquer certains principes fondamentaux.

Premièrement, il ne faut pas oublier qu’il n’existe pas de démarcation entre le stress lié au milieu de travail et celui qui est lié au milieu familial ou social. Chaque individu représente une combinaison originale de tous ces facteurs de stress et ce fardeau le suit, où qu’il aille. Donc, un programme axé sur les problèmes qui se posent dans le travail doit aussi tenir compte de leur incidence sur la vie privée du travailleur et des facteurs externes. Maintes études ont montré que le travail proprement dit, ainsi que le soutien des collègues et de l’entreprise, peuvent avoir un effet thérapeutique et aider à faire face aux problèmes personnels et familiaux. La perte de ce soutien est probablement en grande partie responsable de l’effet inhibiteur de la retraite, même lorsqu’elle est volontaire.

Deuxièmement, le stress est extrêmement contagieux. Il affecte non seulement des individus en particulier, mais aussi leur entourage et leurs collaborateurs. Par conséquent, la gestion du stress a des effets à la fois thérapeutiques et préventifs.

Troisièmement, la gestion du stress est une responsabilité individuelle. Les salariés qui ont des problèmes peuvent être identifiés et recevoir des conseils. On peut les aider et les encourager, et leur enseigner à faire face au stress. Au besoin, on peut les renvoyer à certains professionnels de la santé locaux, avec qui ils pourront entreprendre une thérapie plus approfondie ou plus longue. Mais il va de soi qu’on ne pourra appliquer ces remèdes qu’avec le consentement et la participation de l’intéressé, lesquels dépendent de la manière dont le programme est structuré, de l’importance qu’on lui accorde au sein de l’entreprise, de la compétence des responsables, de la réputation qu’ils ont acquise et, finalement, de son accessibilité. Le facteur déterminant de l’efficacité du programme est peut-être l’assurance que le principe de non-divulgation des renseignements personnels sera strictement respecté.

Quatrièmement, la gestion du stress professionnel incombe essentiellement à la direction. Le programme doit reposer sur une politique explicite où la santé et le bien-être du personnel occupent une place de choix. En outre, cette politique doit être visible dans l’attitude et le comportement général des cadres, à tous les échelons.

Cinquièmement, le programme ne connaîtra de succès que dans la mesure où les salariés participeront à son élaboration et à son application, notamment en ce qui concerne l’identification des facteurs de stress et la recherche de moyens de les maîtriser. Or, cet objectif est plus facile à atteindre dans les nombreuses entreprises dotées de comités de sécurité et de santé composés de représentants de la direction et des syndicats; ces comités incitent en effet les travailleurs à participer aux décisions.

Enfin, pour qu’un programme de gestion du stress soit efficace, il faut bien connaître les salariés et le milieu dans lequel ils travaillent. Le mieux est de déceler et de régler les problèmes avant qu’ils ne causent des dommages.

Conclusion

Le rôle essentiel des programmes de promotion de la sécurité et de la santé des travailleurs est de protéger et d’améliorer leur santé, leur bien-être et leur productivité, tant sur le plan individuel que collectif. Ce rôle ne peut être assuré sans une bonne connaissance du stress et de ses mécanismes d’action sur les personnes et les entreprises et sans un programme cohérent pour en atténuer les effets néfastes et, surtout, les prévenir.

L’ABUS D’ALCOOL ET DE DROGUES

Sheila B. Blume

Introduction

Depuis des temps immémoriaux, l’être humain tente de modifier ses pensées, ses sentiments et sa perception de la réalité. Des techniques psychodysleptiques réduisant l’influx sensoriel, la danse au son d’un rythme obsédant, la privation de sommeil, le jeûne et la méditation prolongée, ont ainsi été employés dans de nombreuses cultures. Cependant, la méthode la plus répandue pour obtenir des changements psychiques et modifier la perception est l’utilisation des psychotropes. Sur les 800 000 espèces végétales répertoriées, environ 4 000 sont connues pour produire des substances psychoactives. Une soixantaine d’entre elles ont été utilisées pour leurs effets stimulants ou enivrants (Malcolm, 1971). C’est le cas du café, du thé, du pavot, de la feuille de coca, du tabac et du chanvre indien, ainsi que des plantes à partir desquelles l’alcool est fabriqué par fermentation. En plus des substances naturelles, la recherche pharmaceutique moderne produit une série de sédatifs, de substances opiacées et de tranquillisants. Certaines drogues psychotropes, à base de plantes ou synthétiques, sont couramment utilisées à des fins médicales. Plusieurs substances traditionnelles sont également employées dans les rites religieux et dans le cadre d’activités sociales et récréatives. En outre, dans certaines cultures, on utilise des drogues dans les activités professionnelles courantes. Au Pérou, par exemple, les Indiens des Andes mâchent des feuilles de coca et les Jamaïcains qui travaillent dans les plantations de canne à sucre fument du cannabis. Boire en quantité modérée de l’alcool pendant les travaux agricoles était autrefois accepté dans certaines sociétés occidentales, comme aux Etats-Unis au XVIIIe siècle et au début du XIXe. Plus récemment, il était courant (et même demandé par certains syndicats) que chaque travailleur qui incinérait les batteries d’accumulateurs pour en récupérer le plomb, chaque peintre décorateur qui utilisait des peintures à base de plomb reçoivent de leur employeur une bouteille de whisky par jour, à boire à petites gorgées pendant la journée de travail, car on croyait — à tort — que c’était là un moyen de se prémunir contre le saturnisme. En outre, consommer des boissons alcoolisées fait partie intégrante de certaines professions. C’est le cas par exemple des représentants en produits de brasserie et de distillerie qui sont invités à boire par les propriétaires lorsqu’ils passent prendre les commandes.

Certaines habitudes de consommation d’alcool persistent dans d’autres métiers ou professions, comme les apéritifs des déjeuners d’affaires et la coutume de s’arrêter en groupe au café du quartier pour quelques tournées entre amis à la fin de la journée de travail. Cette habitude est dangereuse surtout pour les travailleurs qui rentrent chez eux en voiture.

On continue à prendre des boissons légèrement stimulantes dans les usines, où les pauses-café sont désormais une tradition. Toutefois, divers facteurs historiques ont fait que le recours aux substances psychoactives dans le travail est à présent considéré comme un grave problème social et économique. Le premier facteur est l’utilisation de techniques de plus en plus perfectionnées. L’industrie moderne exige un esprit alerte, des réflexes vifs et une perception précise de la part des travailleurs. Or, l’affaiblissement de ces facultés peut d’une part causer de graves accidents et, d’autre part, compromettre la précision et l’efficacité du travail. Le deuxième facteur à considérer est l’apparition de drogues psychoactives plus puissantes et de modes d’administration plus rapides, comme l’absorption intranasale ou intraveineuse de cocaïne et la tendance à fumer de la cocaïne purifiée («freebase», ou «crack»). Ces modes de consommation qui rendent la cocaïne beaucoup plus active que lorsqu’elle est absorbée sous sa forme traditionnelle, c’est-à-dire en mâchant des feuilles de coca, ont considérablement accru les dangers de son usage pendant le travail.

Les effets de la consommation d’alcool et d’autres drogues pendant le travail

La figure 15.26 résume les diverses répercussions que la consommation de substances psychoactives peut avoir sur le travail des salariés. L’intoxication (effets aigus de l’ingestion de drogues) est le risque le plus manifeste; elle est responsable de toutes sortes d’accidents du travail, et de certains accidents de la circulation dus à la conduite en état d’ébriété. En outre, l’affaiblissement des facultés de jugement, l’inattention et le ralentissement des réflexes causés par l’alcool et par d’autres drogues réduisent également la productivité à tous les niveaux, depuis le conseil d’administration jusqu’à la chaîne de production. De plus, l’affaiblissement des facultés dû à la drogue et à l’alcool se prolonge généralement après la période d’intoxication aiguë. La «gueule de bois» causée par l’alcool peut provoquer des maux de tête, des nausées et une photophobie (sensibilité à la lumière) pendant une période allant de vingt-quatre à quarante-huit heures après l’absorption du dernier verre. Les alcooliques peuvent également présenter des symptômes de sevrage pendant le travail: tremblements, transpiration et troubles gastro-intestinaux. La prise de cocaïne est normalement suivie d’une période de sevrage pendant laquelle le sujet est déprimé, sans énergie et apathique, ce qui nuit à son travail. L’intoxication proprement dite et les effets secondaires de ces conduites toxicophiles sont souvent la cause de retards et d’absences au travail. De plus, l’usage chronique de substances psycho-actives est lié à toute une série de problèmes de santé tels que la cirrhose du foie, l’hépatite, le VIH/sida et la dépression clinique, qui augmentent le coût des services médicaux et de l’absentéisme.

Figure 15.26 Types de problèmes que la consommation d'alcool ou de drogues peut poser
sur le lieu de travail

Figure 15.26

Les travailleurs qui consomment régulièrement de grandes quantités d’alcool ou d’autres drogues (ou les deux) peuvent être victimes du syndrome de dépendance qui se caractérise par le besoin de se procurer de la drogue ou l’argent nécessaire pour l’acheter. Il peut en résulter une baisse du rendement avant même que les symptômes dus à la consommation d’alcool ou d’autres drogues commencent à avoir des répercussions négatives sur le travail. En outre, parce qu’il a besoin d’argent, l’employé peut voler sur le lieu de travail ou y vendre de la drogue, ce qui engendre toutes sortes d’autres problèmes graves. Enfin, l’entourage des drogués et des alcooliques (c’est-à-dire les proches) a, lui aussi, une capacité de travail diminuée par l’anxiété, la dépression et toute une série de symptômes liés au stress. Ces effets peuvent même se répercuter sur les générations suivantes et se manifester sous forme de problèmes professionnels rémanents chez les adultes dont les parents étaient alcooliques (Woodside, 1992). Sur le plan de la santé, une entreprise dépense deux fois plus pour les employés ayant de sérieux problèmes d’alcoolisme que pour les autres membres du personnel (Institute for Health Policy, 1993). Le coût des soins de santé des membres de leur famille s’accroît également (Children of Alcoholics Foundation, 1990).

Le coût social

Les raisons que nous venons d’évoquer expliquent en partie pourquoi l’abus de drogues et d’alcool a engendré un grave problème économique dans bien des pays. Aux Etats-Unis, les coûts sociaux ont été estimés à 70,3 milliards de dollars pour l’année 1985 en ce qui concerne l’alcool et à 44 milliards de dollars pour les autres drogues. Le coût de la baisse de productivité due à l’alcool se monte à 27,4 milliards de dollars (soit environ 39% du total des coûts liés à l’alcool). Le chiffre correspondant pour les autres drogues est de 6 milliards de dollars (soit environ 14%) (US Department of Health and Human Services, 1990). Les autres coûts sociaux de la consommation excessive de drogues et d’alcool sont les frais de traitement des problèmes médicaux (y compris le VIH/sida et les malformations congénitales dues à l’alcool), les accidents de la route et autres, la criminalité, la dégradation de biens, l’incarcération et les frais d’assistance aux familles. Bien que certains de ces coûts puissent être attribués à un usage acceptable de substances psychoactives, ils sont surtout causés par l’abus de drogues et d’alcool et par la dépendance qui en découle.

La consommation de drogues et d’alcool, abus et dépendance

Un moyen simple de classer les divers modes d’utilisation des substances psychoactives consiste à faire la distinction entre la consommation inoffensive (utilisation acceptée par la société ne causant aucun tort et ne comportant pas de risque élevé), l’abus de drogues et d’alcool (utilisation nocive ou comportant un risque élevé) et la dépendance de la drogue et de l’alcool (utilisation caractérisée par le syndrome de dépendance).

La  10e  édition  de  la  Classification  internationale  des  maladies (CIM-10), ainsi que la 4e édition du Diagnostic and Statistical Manual (DSM-IV) de l’Association américaine de psychiatrie (American Psychiatric Association) indiquent les divers critères diagnostiques des troubles liés à la drogue et à l’alcool. Le DSM-IV emploie le terme «abus» pour désigner les modes de consommation de drogues et d’alcool qui entraînent un affaiblissement des facultés ou de la détresse, notamment ceux qui ont une incidence sur le plan professionnel, sur le plan scolaire, sur le plan familial ou sur les activités récréatives. Cette définition s’applique à l’utilisation répétée de ces substances dans des situations dangereuses sur le plan physique, comme l’habitude de conduire une automobile avec des facultés amoindries par la drogue ou par l’alcool, même si cela n’a pas encore provoqué d’accident. La CIM-10 utilise l’expression «utilisation nocive pour la santé», au lieu d’«abus», et définit celle-ci comme un mode de consommation de drogues ou d’alcool qui a des conséquences physiologiques ou psychologiques néfastes chez un individu, lequel ne répond pas, par ailleurs, aux critères diagnostiques de la dépendance à l’égard de la drogue ou de l’alcool. Dans certains cas, l’abus de drogues et d’alcool est un état précoce, ou un symptôme avant-coureur de l’assuétude. Dans d’autres, c’est un type de comportement pathologique.

Dans la CIM-10 et le DSM-IV, on utilise l’expression «dépendance à l’égard de substances psychoactives» pour désigner une série de troubles qui empêchent le sujet de se comporter normalement (dans le milieu professionnel, familial et social) et de maîtriser ses habitudes de consommation. Certaines substances engen- drent une dépendance physiologique accompagnée d’une tolérance accrue à la drogue (des doses de plus en plus fortes étant nécessaires pour obtenir les mêmes effets), et un syndrome caractéristique de sevrage qui se manifeste lorsque le sujet cesse brutalement d’en consommer.

Une définition élaborée récemment par la Société américaine de la médecine des conduites toxicophiles (American Society of Addiction Medicine) et par le Conseil national de l’alcoolisme et des toxicomanies (National Council on Alcoholism and Drug Dependence) aux Etats-Unis décrit de la façon suivante les caractéristiques de l’alcoolisme (terme généralement employé comme synonyme de dépendance à l’égard de l’alcool):

L’alcoolisme est une maladie chronique primaire dont l’évolution et les manifestations sont influencées par des facteurs d’ordre génétique, psychosocial et environnemental. La maladie est souvent évolutive et mortelle. Elle se caractérise par un affaiblissement des facultés de maîtrise de la boisson, par l’obsession de la drogue et de l’alcool, par la consommation d’alcool en dépit de ses conséquences néfastes, par une altération du raisonnement et surtout par le rejet de la réalité. Chacun de ces symptômes peut être permanent ou périodique (Morse et Flavin, 1992).

La définition explique ensuite les termes utilisés; en particulier, l’adjectif «primaire» laisse entendre que l’alcoolisme est une maladie discrète plutôt que le symptôme d’une autre affection et que l’«affaiblissement des facultés de maîtrise» signifie que l’intéressé ne parvient pas à limiter de façon cohérente la durée des périodes où il boit ou la quantité d’alcool consommée, ni à contrôler les comportements qui en découlent. Le «rejet de la réalité» désigne une série de manœuvres physiologiques et psychologiques, influencées par le milieu culturel, qui diminuent la faculté d’appréhension des problèmes liés à l’alcool chez l’intéressé. C’est pourquoi les alcooliques considèrent souvent l’alcool comme une solution à leurs problèmes, plutôt que comme une cause.

Les substances capables d’engendrer un état de dépendance sont généralement subdivisées en catégories (voir tableau 15.7). Chaque catégorie est associée à un syndrome particulier d’intoxication aiguë et à un mélange caractéristique d’effets destructeurs dus à une surconsommation pendant une période prolongée. Bien que les syndromes de dépendance soient souvent reliés à une seule substance, l’héroïne, par exemple, les cas d’abus et de dépendance de plusieurs drogues sont également courants.

Tableau 15.7 Substances susceptibles de causer un état de dépendance

Catégorie de substances

Effets généraux types

Commentaires

Alcool (bière, vin, spiritueux)

Affaiblissement du jugement, lenteur des réflexes, troubles de la fonction motrice, somnolence, coma — une surdose peut être mortelle

Les symptômes de sevrage peuvent être sévères; danger pour le fœtus en cas de consommation excessive pendant la grossesse

Dépresseurs de l’activité (somnifères, sédatifs, certains tranquillisants)

Inattention, lenteur des réflexes, dépression, problèmes d’équilibre, étourdissements, coma — une surdose peut être mortelle

Les symptômes de sevrage peuvent être sévères

Opiacés (morphine, héroïne, codéine, certains analgésiques)

Perte d’intérêt, dodelinement — une surdose peut être mortelle. La consommation abusive par voie sous-cutanée ou intraveineuse peut favoriser la propagation de l’hépatite B, C et du VIH/sida en cas d’utilisation de la même aiguille par plusieurs personnes

 

Stimulants (cocaïne, amphétamines)

Exaltation, hyperactivité, tension/anxiété, pouls rapide, constriction des vaisseaux sanguins

Une forte consommation chronique peut provoquer la psychose paranoïaque. La consommation par voie d’injection peut favoriser la propagation de l’hépatite B, C et du VIH/sida en cas d’utilisation de la même aiguille par plusieurs personnes

Cannabis (marijuana, haschisch)

Déformation de la notion de temps, troubles de la mémoire, troubles de la coordination

 

Hallucinogènes (LSD (acide lysergique diéthylamide), PCP (phéncyclidine), mescaline)

Inattention, illusions sensorielles, hallucinations, désorientation, psychose

Ne produit pas de symptômes de sevrage mais les utilisateurs peuvent avoir des «flash-back»

Substances inhalées (hydrocarbures, solvants, essence)

Intoxication analogue à celle due à l’alcool, étourdissements, maux de tête

Peut endommager certains organes de façon irréversible (cerveau, foie, reins)

Nicotine (cigarettes, tabac à chiquer, tabac à priser)

Effets stimulants au début, puis dépresseurs

Peut causer des symptômes de sevrage. Peuvent être responsables de divers types de cancer, de maladies cardiaques et d’affections pulmonaires

Les troubles liés à la consommation de drogues et d’alcool ont souvent un effet adverse sur les relations familiales du salarié, ses relations personnelles avec autrui et sa santé, avant même d’avoir des répercussions sur sa capacité de travail. Par conséquent, pour être efficaces, les programmes appliqués dans le milieu de travail pour prévenir l’abus de drogues et d’alcool doivent déborder de ce cadre. Ils doivent mener de front la sensibilisation des salariés aux problèmes de santé en cause et les mesures de prévention, inclure des services d’intervention, de diagnostic et de réadaptation efficaces et assurer le suivi à long terme des intéressés, après leur réintégration professionnelle.

La solution des problèmes liés à la consommation de drogues et d’alcool pendant le travail

Les problèmes posés par la forte baisse de productivité engendrée par la toxicomanie et l’alcoolisme ont incité les pouvoirs publics, les syndicats et les entreprises à adopter plusieurs méthodes d’intervention. Parmi ces méthodes, il faut citer les «mesures dites de suppression» (qui comprennent le recours à des tests de dépistage chimique pour déceler la présence de drogues) et les programmes et services d’aide aux salariés.

C’est notamment la méthode adoptée par l’armée américaine. Au début des années quatre-vingt, des mesures antidrogue et des programmes de dépistage ont été établis avec succès dans tous les corps. Grâce à eux, la marine américaine a vu diminuer considérablement la proportion d’analyses d’échantillons d’urine choisis au hasard qui révélaient l’usage de drogues illicites. La proportion de résultats d’analyse positifs chez les sujets âgés de moins de 25 ans est tombée de 47% en 1982 à 22% en 1984, puis à 4% en 1986 (DeCresce et coll., 1989). En 1986, le président des Etats-Unis a émis une ordonnance interdisant à tous les fonctionnaires fédéraux de consommer des drogues illicites, au travail comme à l’extérieur. Comme il est le principal employeur des Etats-Unis, puisqu’il occupe plus de deux millions de fonctionnaires, le gouvernement fédéral a pris l’initiative de lancer un mouvement national de lutte contre la drogue en milieu de travail.

En 1987, à la suite d’un grave accident ferroviaire lié à une consommation excessive de marijuana qui avait fait plusieurs morts, le ministère américain des Transports a adopté un programme d’analyse alcoométrique et de dépistage antidrogue pour tous les travailleurs du secteur des transports, y compris ceux du secteur privé. Dans d’autres secteurs, la direction de certaines entreprises lui a emboîté le pas, en instaurant un système très efficace de surveillance, de dépistage, de réadaptation et de suivi.

Les mesures de dépistage, d’orientation et de suivi, qui font partie du programme d’assistance aux salariés (PAS), sont de plus en plus courantes dans les programmes de santé au travail. Les PAS, qui dérivent des programmes de lutte contre l’alcool pendant le travail, institués dans les années vingt aux Etats-Unis, se sont multipliés au cours des années quarante, pendant et après la seconde guerre mondiale. Les PAS actuels s’appuient généralement sur une politique officielle définie par l’entreprise, qui est le fruit de la collaboration entre la direction et les syndicats. Cette politique établit des règles de comportement en milieu de travail (pas d’alcool ni de drogues illicites, par exemple) et elle précise que l’alcoolisme et les autres formes de dépendance à l’égard de la drogue et de l’alcool sont considérés comme des maladies curables. Elle prévoit également que les renseignements d’ordre trop personnel sur les salariés ne sauraient être divulgués. Le programme comporte aussi une éducation préventive à l’usage de tous les salariés et une formation spéciale des gestionnaires, pour les aider à déceler toute baisse du rendement. On n’attend pas d’eux qu’ils sachent diagnostiquer les difficultés liées à la drogue et à l’alcool. On leur apprend plutôt à conseiller aux salariés ayant des problèmes de ce genre de participer au PAS pour faire évaluer leur cas, obtenir un plan de traitement et, au besoin, de suivi. Le traitement est généralement assuré par la collectivité, hors du milieu de travail. Les dossiers du PAS sont toujours confidentiels. La direction n’est informée que du degré de coopération de l’intéressé et des progrès réalisés en général, sauf en cas de danger imminent. Les mesures disciplinaires sont généralement suspendues aussi longtemps que l’intéressé coopère et suit le traitement. On encourage les salariés à recourir de leur propre initiative au PAS. On distingue les programmes qui aident les employés à affronter divers problèmes à caractère social, de santé mentale, de drogue et d’alcool et qui sont considérés comme des programmes polyvalents, de ceux qui sont axés uniquement sur la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie.

Personne ne conteste que l’interdiction de consommer de l’alcool et d’autres drogues pendant les heures de travail ou dans le milieu de travail soit bien fondée. En revanche, le droit que s’arrogerait l’employeur d’interdire la consommation de ces produits à l’extérieur et en dehors des heures de travail l’a été. Certains employeurs affirment ne se soucier aucunement de ce que les membres du personnel font à l’extérieur, pour autant qu’ils arrivent au travail à l’heure et qu’ils exécutent correctement leurs tâches; par ailleurs, des représentants syndicaux s’opposent aussi à ce genre d’interdiction, sous prétexte qu’elle constitue une ingérence dans la vie privée des travailleurs. Pourtant, comme on l’a signalé, la consommation excessive de drogues et d’alcool même en dehors des heures de travail peut nuire au rendement. C’est un fait reconnu par les compagnies aériennes qui interdisent toute consommation d’alcool au personnel navigant un certain nombre d’heures avant le départ. Bien que le fait d’interdire à un employé de prendre de l’alcool avant le décollage ou avant de conduire un véhicule paraisse justifié, les interdictions générales frappant la consommation de tabac, d’alcool ou de drogues en dehors du lieu de travail sont moins bien acceptées.

Les programmes de dépistage antidrogue sur les lieux de travail

Les employeurs sont de plus en plus nombreux à instituer des programmes de dépistage antidrogue sur les lieux de travail, en plus des PAS. Certains de ces programmes ne comportent que des examens de dépistage de drogues illicites; d’autres comprennent aussi des examens respiratoires ou des analyses d’urine pour déterminer le taux d’alcoolémie. Les programmes de dépistage peuvent inclure les examens suivants:

Les programmes de dépistage antidrogue confèrent des responsabilités particulières aux employeurs qui veulent les appliquer (New York Academy of Medicine, 1989) (pour de plus amples précisions, voir le chapitre no 19 intitulé «Les questions d’éthique» dans la présente Encyclopédie). Quand les employeurs se fondent sur les résultats d’analyses d’urine pour prendre des décisions en matière de recrutement, ou d’ordre disciplinaire dans des cas liés à la consommation de drogue, il convient de protéger leurs droits juridiques et ceux du personnel en apportant le plus grand soin aux méthodes de collecte et d’analyse et à l’interprétation des résultats des examens. Les échantillons doivent être prélevés avec précaution et immédiatement étiquetés. Comme les toxicomanes peuvent essayer d’échapper au dépistage en remplaçant leur urine par un échantillon d’urine ne contenant aucune trace de drogue, ou en diluant leur urine avec de l’eau, l’employeur peut exiger que l’échantillon soit recueilli sous surveillance. Etant donné que cette manière de procéder prend plus de temps et est plus coûteuse, on n’y aura peut-être recours que dans des circonstances particulières, et non de façon systématique. Une fois l’échantillon recueilli, on procède à un suivi contrôlé, c’est-à-dire que l’on suit chaque déplacement de l’échantillon pour éviter toute perte ou toute erreur d’étiquetage. Les normes des laboratoires doivent garantir l’intégrité de l’échantillon et un programme efficace de contrôle de la qualité doit être institué. Par ailleurs, le personnel doit posséder les qualifications et la formation requises. Il faut établir un seuil de référence pour éviter le plus possible les résultats positifs erronés. Enfin, les réactions positives obtenues au moyen de méthodes de détermination (chromatographie en couche mince ou techniques immunologiques) doivent être confirmées pour éliminer tout risque d’erreur, par un recours aux techniques de chromatographie en phase gazeuse ou de spectrométrie de masse, ou aux deux (DeCresce et coll., 1989). En cas de réaction positive à un examen, un médecin du travail ou un médecin expert est responsable de son interprétation; il doit notamment s’assurer que les résultats obtenus ne sont pas dus à des médicaments prescrits. Quand elle est effectuée et interprétée correctement, l’analyse d’urine est précise et peut être utile. Il convient toutefois d’évaluer la rentabilité de ce genre d’examen. Lorsqu’on décide de pratiquer des tests de dépistage de la toxicomanie ou de l’alcoolisme lors des examens d’embauche, il faut tenir compte de la prévalence des problèmes de ce type chez les candidats à un poste, tout en gardant présents à l’esprit les risques d’accident dans la branche, le coût des baisses de rendement et celui des prestations d’assurance maladie dus à l’abus de substances psychoactives.

Les autres méthodes de dépistage des problèmes liés à la drogue et à l’alcool

Bien que les analyses d’urine soient une technique reconnue de dépistage de la toxicomanie, les PAS, les médecins du travail et autres professionnels de la santé disposent aussi d’autres méthodes. Le taux d’alcoolémie peut être évalué par éthyloscopie. Toutefois, une réaction négative à un examen chimique quel qu’il soit n’exclut pas l’existence d’un problème de drogue ou d’alcool. L’alcool et certaines drogues sont métabolisés rapidement et leurs effets secondaires peuvent continuer à se faire sentir sur le rendement, même s’ils ne sont plus décelables à l’examen. En revanche, les métabolites produits par le corps humain après l’ingestion de certaines drogues peuvent persister dans le sang et dans l’urine des heures après que les effets directs et secondaires de la drogue se sont estompés. Par conséquent, une réaction positive à une analyse d’urine effectuée pour détecter la présence de métabolites dus à la drogue ne prouve pas nécessairement que le travail de l’intéressé soit perturbé par la drogue.

Pour évaluer les problèmes liés à la drogue et à l’alcool, on a recours à divers instruments de dépistage clinique (Tramm et Warshaw, 1989). On peut mentionner le test papier-crayon, comme le Michigan Alcohol Screening Test (MAST) (Selzer, 1971), le test d’identification des troubles dus à l’alcool (Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT)), mis au point par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour être appliqué dans le monde entier (Saunders et coll., 1993), et le test de dépistage d’abus de drogues (Drug Abuse Screening Test (DAST)) (Skinner, 1982). En outre, il existe un certain nombre de jeux à questions simples qui peuvent être posées à l’intéressé au sujet de ses antécédents, comme les quatre questions CAGE (Ewing, 1984) (voir tableau 15.8). Toutes ces méthodes sont utilisées par les PAS pour évaluer les cas traités. Les salariés qui s’absentent beaucoup, accumulent les retards ou ont un rendement insuffisant devraient en outre être soumis à des examens pour déceler d’autres problèmes psychologiques comme la dépression ou la passion du jeu, qui peuvent également nuire au rendement et sont souvent reliés à des troubles dus aux conduites toxicophiles (Lesieur, Blume et Zoppa, 1986). En ce qui concerne le goût pathologique du jeu, il existe aux Etats-Unis un test papier-crayon, le South Oaks Gambling Screen (SOGS) (Lesieur et Blume, 1987).

Tableau 15.8 Les questions CAGE

Tableau 15.8

Le traitement des troubles liés à la consommation de drogues et d’alcool

Bien qu’à chaque salarié corresponde un ensemble unique de problèmes pour les spécialistes du traitement de la dépendance, le traitement des troubles liés à la drogue et à l’alcool se déroule généralement en quatre étapes qui se chevauchent: 1) identification du problème et intervention (au besoin); 2) désintoxication et évaluation de l’état de santé général; 3) réadaptation; et 4) suivi à long terme.

L’identification du problème et l’intervention

Dans sa première phase, le traitement consiste à confirmer l’exis-tence d’un problème de drogues ou d’alcool (ou des deux) et à persuader le sujet de suivre un traitement. Le programme de santé, ou PAS de l’entreprise, a l’avantage de miser sur l’intérêt que porte le salarié à sa sécurité et à sa santé au travail pour le motiver suffisamment. Les programmes internes permettent également de mieux comprendre le milieu dans lequel travaille l’intéressé, ainsi que ses points forts et ses points faibles; ils peuvent par conséquent l’orienter vers le meilleur traitement. Lorsqu’il s’agit d’envoyer un salarié suivre un traitement, il faut accorder une grande importance à la nature et à l’étendue de la couverture du régime d’assurance maladie de l’entreprise (en ce qui concerne le traitement des troubles causés par la drogue et par l’alcool). Ce sont les polices d’assurance couvrant tous les traitements assurés à titre externe et en milieu hospitalier qui offrent les options les plus souples et les plus efficaces. En outre, la participation de la famille de l’intéressé, à ce stade de l’intervention, est souvent utile.

La désintoxication et l’évaluation de l’état de santé général

La deuxième étape comprend à la fois le traitement approprié, nécessaire pour aider le sujet à renoncer à la drogue et à l’alcool et une évaluation poussée de ses problèmes médicaux, psychologiques, familiaux, relationnels et professionnels. La désintoxication se déroule sur une courte période — de quelques jours à quelques semaines — durant laquelle on place le sujet sous observation et sous traitement pour éliminer la drogue en cause, en réduire les effets les plus graves et surveiller tous les symptômes de sevrage. Pendant la période de désintoxication et d’évaluation, on explique au patient et à ses proches en quoi consiste sa dépendance à l’égard de la drogue et de l’alcool et ce qu’il faut faire pour guérir. Le cas échéant, on leur expose également les principes du fonctionnement des groupes d’entraide, et le sujet est encouragé à poursuivre le traitement. La désintoxication peut se faire en régime d’hospitalisation ou en ambulatoire, selon les besoins de l’intéressé. Parmi les techniques de traitement efficaces, on peut noter divers médicaments, auxquels s’ajoutent des services de conseils, des cours de relaxation et d’autres techniques comportementales. Les agents pharmacologiques utilisés dans le cadre des cures de désintoxication sont des drogues de substitution destinées à soulager les symptômes de sevrage; on réduit progressivement les doses jusqu’à ce que le patient puisse s’en passer complètement. Les médicaments à base de phénobarbital et ceux à base de benzodiazépine, qui agissent plus longtemps, sont souvent utilisés comme produits de remplacement pour les cures de désintoxication dans les cas d’intoxication par l’alcool et par sédatifs. D’autres médicaments sont administrés pour atténuer les symptômes de sevrage, sans remplacer la drogue en cause par une drogue ayant des effets analogues. Par exemple, on utilise parfois de la clonidine dans le traitement des symptômes de sevrage aux opiacés. L’acupuncture a aussi été utilisée pour faciliter la désintoxication et ce traitement a donné quelques résultats positifs (Margolin et coll., 1993).

La réadaptation

La troisième étape du traitement consiste à la fois à aider le patient à s’abstenir durablement d’absorber toute substance susceptible de donner lieu à des abus (y compris des médicaments délivrés sur ordonnance qui peuvent causer un état de dépendance) et à traiter les troubles physiques et psychologiques qui peuvent accompagner les perturbations liées à la drogue. Le traitement peut commencer en régime d’hospitalisation ou en régime ambulatoire intensif, mais il se poursuit généralement en service ambulatoire simple pendant quelques mois. A la consultation collective, personnelle et familiale et aux techniques comportementales peut s’ajouter une surveillance psychiatrique comportant, dans certains cas, le recours à des médicaments. L’objectif poursuivi est d’aider les patients à prendre conscience de leurs habitudes de consommation de drogues ou d’alcool, à reconnaître les facteurs déclenchant des rechutes après d’autres cures de désintoxication, à les aider à résoudre leurs problèmes personnels sans avoir recours à la drogue et à s’intégrer dans un réseau d’entraide collectif digne de confiance et sobre dans ses habitudes. Dans certains cas de dépendance à l’égard des opiacés, le meilleur traitement est de prescrire à long terme un opiacé synthétique à action prolongée (la méthadone), ou un médicament bloquant les récepteurs opiacés (le naltrexone). Dans le cas des sujets intoxiqués depuis longtemps par des opiacés dont ils sont incapables ou peu désireux de se libérer, certains praticiens recommandent une dose quotidienne de méthadone. Les toxicomanes qui suivent une cure d’entretien à la méthadone pendant de longues périodes sont capables de travailler correctement. Dans bien des cas, ces patients réussissent à se désintoxiquer et à s’affranchir de la drogue; outre le traitement d’entretien, on leur offre alors des services consultatifs, des services sociaux et d’autres services de réadaptation. L’abstinence systématique de toute drogue, à l’exception de la drogue d’entretien, signe la guérison.

Le suivi à long terme

La dernière phase du traitement se poursuit en service ambulatoire pendant au moins un an avant que le patient arrive à un stade de rémission stable. L’objectif du suivi à long terme est d’éviter les rechutes et d’aider le patient à adopter de nouvelles attitudes face aux problèmes de la vie quotidienne. Le PAS ou le service médical interne peuvent jouer un rôle très utile pendant la phase de réadaptation et celle du suivi en s’assurant que le patient coopère effectivement pendant son traitement et, lorsqu’il est en voie de guérison, en l’encourageant à l’abstinence et en l’aidant à se réadapter à son milieu de travail. Certains groupes d’entraide (Alcooliques Anonymes ou Narcotiques Anonymes, par exemple) offrent un programme de soutien à vie favorisant une guérison permanente. Etant donné que la dépendance à l’égard de la drogue ou de l’alcool est une maladie chronique sujette à des rechutes, les entreprises exigent généralement un suivi et un contrôle par le PAS pendant au moins un an après le début de la période d’abstinence. Quand un salarié fait une rechute, le PAS réévalue la situation et le plan de traitement peut alors être modifié. De telles rechutes, si elles sont brèves et suivies d’un retour à l’abstinence, ne sont généralement pas le signe d’un échec du traitement. Les salariés qui ne collaborent pas au traitement, qui refusent d’admettre leurs rechutes malgré l’évidence, ou qui n’arrivent pas à s’abstenir définitivement, continueront à avoir un piètre rendement et risquent d’être licenciés pour cette raison.

L’efficacité des programmes appliqués en milieu de travail

Dans bien des entreprises, on s’est aperçu qu’il était rentable de consacrer de l’argent à des programmes internes destinés à lutter contre les problèmes dus à la consommation de drogue et d’alcool. En témoignent notamment les résultats d’une étude faite auprès de 227 salariés d’une importante entreprise américaine qui avaient été envoyés en traitement pour alcoolisme par le PAS interne. Ces sujets ont été soumis au hasard à trois modes de traitement  différents:  1)  soins  obligatoires  en  milieu  hospitalier; 2) participation obligatoire aux réunions des Alcooliques Anonymes (AA); 3) choix entre les soins en milieu hospitalier, les soins en service ambulatoire ou les AA. Deux années plus tard, on a constaté que 13% seulement des salariés avaient été licenciés. En ce qui concerne les autres, moins de 15% avaient des problèmes professionnels et 76% étaient jugés «bons» ou «excellents» par leurs supérieurs. Les périodes d’absence avaient diminué de plus d’un tiers. Malgré quelques différences entre les divers modes de traitement, les résultats étaient analogues pour les trois groupes au bout de deux ans (Walsh et coll., 1991).

La marine américaine a calculé que ses programmes de réadaptation en milieu hospitalier des salariés ayant des problèmes de drogue et d’alcool a donné un rapport global de rentabilité de 12,9 à 1. Ce chiffre a été calculé en comparant le coût du programme à ce qu’aurait coûté le remplacement des participants dont la réadaptation est réussie (Caliber Associates, 1989). La marine américaine a constaté que, pour les marins âgés de plus de 26 ans, le taux de rentabilité était plus élevé (17,8 à 1) et qu’il était peu élevé chez les plus jeunes (8,2 à 1). Elle a constaté en outre que, dans le cas du traitement de l’alcoolisme, les avantages étaient supérieurs (13,8 à 1) à ceux du traitement de la monotoxicomanie (10,3 à 1) ou de la polytoxicomanie (6,8 à 1). Le programme a dans l’ensemble entraîné des économies dans toutes les catégories.

D’une manière générale, les programmes internes axés sur l’identification et la réadaptation des salariés souffrant de problèmes d’alcoolisme et d’autres formes d’accoutumance sont avantageux pour les employeurs comme pour les travailleurs. Des versions modifiées des programmes et des services d’aide aux salariés ont aussi été adoptées par des organisations professionnelles comme les associations de médecins et d’infirmières et le barreau. Les services chargés d’appliquer ces programmes reçoivent des renseignements confidentiels sur d’éventuels signes d’affaiblissement des facultés des membres des professions libérales, renseignements fournis par des confrères ou des collègues, leurs familles, des clients ou des employeurs. Des confrères s’entretiennent en tête-à-tête avec ceux des leurs en difficultés et, le cas échéant, leur recommandent des spécialistes compétents. Ils suivent leurs progrès et les aident à maintenir leur droit d’exercer et à conserver leur clientèle (Meek, 1992).

Conclusion

L’alcool et les autres drogues psychoactives sont des causes majeures de problèmes d’ordre professionnel dans de nombreuses régions du monde. Bien que le type de drogues et son mode d’administration puissent varier d’un endroit à l’autre et d’un secteur à l’autre, l’abus de drogues et d’alcool comporte certains risques, tant sur le plan de la santé que sur celui de la sécurité, pour les consommateurs, leur famille, leurs collègues de travail et, bien souvent, la population. Toute entreprise désireuse d’adopter un programme de réadaptation devrait connaître les types de problèmes liés à la drogue et à l’alcool qui se posent pour son personnel et savoir de quelles ressources communautaires elle dispose en matière d’intervention et de traitement. Ce programme est rentable pour l’employeur, les travailleurs, leur famille et la collectivité.

Les femmes et l’abus de substances psychoactives

Alors que dans certains domaines l’évolution sociale a aplani les différences entre les hommes et les femmes, l’abus de substances psychoactives a toujours été considéré comme un problème typiquement masculin. On estimait qu’il était incompatible avec le rôle des femmes dans la société. Par conséquent, si tant est que l’on pouvait excuser cet abus chez les hommes, voire l’approuver, sous prétexte que c’était là un signe de virilité, le même abus chez les femmes provoquait une réaction négative. S’il est possible que cette mentalité ait empêché bien des femmes d’abuser des drogues, elle a aussi été synonyme de grandes difficultés pour les femmes en état de dépendance qui souhaitaient trouver de l’aide dans la société de l’époque.

En raison des attitudes négatives à l’égard de la consommation abusive de substances psychoactives par les femmes et de leur réticence à reconnaître ce fait et leur état de dépendance, on dispose d’assez peu de données spécifiques les concernant. Même dans les pays où les informations sur l’abus de drogues et la pharmacodépendance abondent, il est souvent difficile de trouver des données se rapportant directement aux femmes. Les études où le rôle des femmes dans la consommation abusive de substances psychoactives a été examiné ne portent pas sur celles-ci en particulier et, par conséquent, leurs conclusions risquent d’être faussées, la participation des femmes ayant été examinée dans une perspective masculine.

Un autre facteur qui tend à perpétuer l’idée que l’abus de substances psychoactives est un problème masculin est le fait que les services en faveur des femmes concernées sont très peu nombreux. Lorsque de tels services existent, comme le traitement et la réadaptation, ils s’inspirent souvent de modèles de comportements masculins à l’égard de la pharmacodépendance. Si on offre ce type de services aux femmes, il faudrait s’assurer qu’ils soient aisément accessibles, ce qui n’est pas toujours facile à cause de l’opprobre qui s’attache à la pharmacodépendance féminine et du coût des traitements qui les rend, dans la plupart des cas, inabordables.

Organisation mondiale de la santé, 1993.

LES PROGRAMMES D’ASSISTANCE AUX SALARIÉS (PAS)

Sheila H. Akabas

Introduction

Les employeurs recrutent des travailleurs et les syndicats des membres, mais, dans les deux cas, ils ont affaire à des êtres humains qui arrivent sur le lieu de travail avec les préoccupations, problèmes et aspirations propres à la condition humaine. Les milieux professionnels sont de plus en plus acquis à l’idée que, dans une économie mondialisée, la compétitivité dépend de la productivité de la main-d’œuvre; aussi, les principaux protagonistes — employeurs et syndicats — consacrent-ils toute leur attention à la satisfaction des besoins de ces femmes et de ces hommes. Les programmes d’assistance aux salariés (PAS) et leurs équivalents syndicaux, les programmes d’assistance aux affiliés (PAA) (que nous désignerons tous deux par le sigle PAS), sont maintenant répandus dans les lieux de travail du monde entier. Ils ont été institués pour répondre aux besoins des travailleurs et, plus récemment, pour atteindre les objectifs humanitaires des entreprises intéressées. Le présent article décrit les origines, les fonctions et l’organisation des PAS. Il expose le point de vue des travailleurs sociaux, qui sont le principal moteur de cette évolution aux Etats-Unis et qui, en raison des contacts qui existent entre eux partout dans le monde, semblent jouer un rôle capital dans la création de ces programmes à l’échelle planétaire.

Le rythme auquel les PAS se développent varie d’un pays à l’autre, reflétant, selon Bargal, le degré d’industrialisation, le niveau de formation professionnelle, le taux de syndicalisation et le degré d’engagement de la société à l’égard des problèmes sociaux (Bargal, 1993). Les comparaisons qu’il a faites entre l’Australie, les Pays-Bas, l’Allemagne et Israël au sujet de ces programmes le portent à affirmer que, si l’industrialisation est sans doute nécessaire pour le développement des PAS, elle n’est peut-être pas suffisante. L’existence de ces programmes et services est généralement l’apanage d’une société très syndicalisée où les syndicats coopèrent avec les employeurs, et qui bénéficie d’un réseau assez élaboré de services sociaux dépendant en grande partie des pouvoirs publics. Par ailleurs, une certaine culture professionnelle, reposant sur le travail de spécialistes formés pour promouvoir les services sociaux en milieu de travail, est également nécessaire. Bargal conclut que plus ces caractéristiques sont présentes dans un pays, plus il est probable que les PAS s’y développent.

Il est aussi évident que, dans un même pays, les programmes de ce type sont très hétérogènes, diversité qui est due à la disparité des structures, des effectifs, des orientations et de leur portée. Tous les efforts des PAS s’orientent toutefois vers un objectif commun. Les partenaires sociaux s’efforcent d’offrir des services pour résoudre les problèmes des salariés. Bien que ces problèmes n’aient souvent aucun rapport avec leur travail, ils font néanmoins baisser leur productivité et nuisent parfois à leur bien-être en général. Certains observateurs ont noté une évolution dans les activités liées aux PAS. A l’origine, ces programmes se proposaient de lutter contre l’alcoolisme ou la toxicomanie des travailleurs, mais l’attention qui n’était axée que sur les individus s’est élargie au fil du temps et s’étend maintenant à toute l’entreprise.

Cet intérêt croissant pour l’entreprise montre bien que l’on comprend désormais que beaucoup de travailleurs risquent de se trouver incapables de continuer à jouer leur rôle dans l’entreprise et que ce risque dépend tout autant de l’organisation du monde du travail que de leurs caractéristiques individuelles. Par exemple, les travailleurs d’un certain âge courent des risques si, en dépit de l’évolution des techniques utilisées, on les empêche de se recycler en raison de leur âge. Les chefs de famille monoparentale et les personnes qui prennent soin de parents âgés sont aussi des sujets à risque si les conditions de travail trop rigides ne leur permettent pas d’aménagement de leurs horaires en cas de maladie d’une personne à charge. Une personne atteinte d’une invalidité est un sujet à risque lorsque la nature de son travail change et que l’on ne lui offre pas les moyens de satisfaire aux nouvelles exigences. Chacun connaît des situations semblables. Ce qu’il faut retenir c’est que, en matière de changement, qu’il s’agisse de l’individu ou de son environnement, une organisation du travail donnée ne peut manifestement être productive et rentable que si elle tient compte de l’interaction qui existe entre l’entreprise et le travailleur.

Le travail social type repose sur l’individu dans son milieu. Le rôle du travailleur social a pris de l’importance, car la notion de risque a acquis un sens nouveau. Comme l’ont noté Googins et Davidson, les programmes d’assistance doivent résoudre toute une série de problèmes qui touchent non seulement les individus mais aussi leur famille, l’entreprise et la collectivité dont ils font partie (Googins et Davidson, 1993). Un travailleur social, qui dans le contexte d’un PAS, conçoit ses fonctions dans une perspective organisationnelle et environnementale, est mieux à même de recommander des moyens non seulement de renforcer les services individualisés offerts, mais aussi d’améliorer la politique interne de l’entreprise.

La genèse des PAS

L’origine des services sociaux au sein de l’entreprise remonte à l’époque de l’industrialisation. Dans les petites entreprises artisanales caractéristiques de l’époque préindustrielle, les travailleurs étaient peu nombreux. Des relations étroites existaient entre le maître-artisan et ses compagnons ou apprentis. Ce sont les premières usines qui ont donné naissance aux grandes équipes de travailleurs et aux relations professionnelles entre employeurs et salariés. C’est à partir du moment où les employeurs ont pris conscience des problèmes de rendement qu’ils se sont mis à engager des employés, généralement appelés secrétaires des services sociaux ou d’aide sociale, chargés d’aider les travailleurs originaires des régions rurales, voire les immigrants nouvellement arrivés, à s’adapter à un milieu de travail structuré.

Dans le monde entier, on continue à recourir systématiquement à des travailleurs sociaux et à d’autres prestataires de services sociaux pour permettre à de nouveaux groupes de s’adapter aux exigences du travail en usine. Plusieurs pays, comme le Pérou ou l’Inde, exigent que les entreprises dont l’effectif dépasse un certain niveau, se dotent d’un travailleur social pour remplacer le soutien familial ou rural traditionnel. Ces spécialistes doivent répondre aux besoins des nouvelles recrues souvent d’origine rurale, et notamment aux préoccupations de la vie quotidienne comme le gîte et le couvert. De plus, ils doivent s’occuper des problèmes posés par la maladie, les accidents du travail, les décès et les obsèques.

Etant donné qu’il faut relever de nouveaux défis pour maintenir la productivité de la main-d’œuvre, il est devenu nécessaire de se doter d’un arsenal de moyens pour aborder de nouveaux problèmes. Les PAS ne correspondent sans doute plus au modèle initial incarné par le secrétaire des services sociaux ou d’aide sociale, car la lutte contre les problèmes de l’alcoolisme est devenue leur objectif principal. Poussés par la nécessité d’accroître au maximum la productivité pendant la seconde guerre mondiale, les employeurs ont voulu compenser les pertes résultant de la consommation d’alcool par les travailleurs en instaurant des programmes de lutte contre l’alcoolisme dans les principaux centres de production des alliés. Les résultats obtenus dans ce domaine et l’augmentation concomitante de la productivité des travailleurs en cause ont été reconnus après la guerre. Depuis lors, le nombre de programmes axés sur le milieu de travail a augmenté lentement, mais régulièrement, dans le monde entier, ce cadre étant propice, voire idéal, à la solution des problèmes censés être à l’origine des baisses sensibles de la productivité.

Cette évolution a été favorisée par le développement des entreprises multinationales qui, en présence d’une formule ayant fait ses preuves ou d’un système imposé par la loi, ont tendance à l’appliquer dans toutes leurs filiales. Elles l’ont fait sans trop se soucier de savoir si le programme était adéquat ou adapté à la culture du pays où est située la filiale. Par exemple, les PAS sud-africains ressemblent aux PAS américains, en partie parce que les premiers ont été instaurés dans les filiales de multinationales ayant leur siège aux Etats-Unis. Ce croisement culturel a été positif en ce sens qu’il a incité à reproduire à l’échelle mondiale ce que chaque pays a de mieux. C’est le cas des mesures préventives en matière de harcèlement sexuel dans le travail ou des problèmes posés par l’hétérogénité de la main-d’œuvre (qui ont acquis une grande acuité aux Etats-Unis), mesures qui sont devenues la norme que les filiales de sociétés américaines sont censées appliquer au niveau mondial. Elles peuvent inciter certaines entreprises locales à les imiter.

La raison d’être des PAS

Les PAS peuvent varier selon leur stade d’évolution, les principes qui les sous-tendent ou la nature des problèmes auxquels ils sont censés s’attaquer et en fonction des services à proposer pour les résoudre. La plupart des observateurs conviennent toutefois que les interventions de ce type en milieu de travail ont tendance à se multiplier dans les pays où existent déjà de tels services, alors qu’elles sont à l’état embryonnaire dans les autres. Comme on l’a déjà signalé, la diffusion de ces programmes est notamment due à la prise de conscience générale du fait que l’alcoolisme et la toxicomanie dans le travail posent un problème grave, qu’ils sont une cause d’absentéisme, coûtent cher en frais médicaux et compromettent sérieusement la productivité.

Les PAS se sont toutefois développés à la suite de toutes sortes de changements qui se sont produits à l’échelle internationale. Les syndicats, poussés à offrir des avantages pour s’assurer la loyauté de leurs membres, considèrent les PAS comme un service utile. La législation sur la discrimination positive, les congés pour raisons familiales, la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la réforme de l’aide sociale confèrent désormais au milieu de travail une dimension humaine. La responsabilisation des travailleurs et la promotion de l’égalité des sexes, qui sont nécessaires pour que les salariés jouent pleinement leur rôle dans la machine de production moderne (axée sur le travail en équipe), sont des objectifs que l’on ne peut espérer atteindre qu’en instaurant en milieu de travail des systèmes accessibles de services sociaux acceptés et universels. Ces systèmes facilitent également le recrutement et le maintien d’une main-d’œuvre compétente. Les PAS ont par ailleurs comblé les lacunes des services communautaires, qui avaient tendance à s’aggraver dans bien des pays. La propagation du VIH/sida, et le désir d’enrayer cette épidémie, ainsi que l’intérêt croissant suscité par la prévention, le mieux-être et la sécurité en général, ont contribué à renforcer le rôle éducatif des PAS dans les entreprises du monde entier.

Les PAS se sont révélés extrêmement utiles du fait qu’ils aident les entreprises à réagir à la pression des tendances démographiques. Certains changements, comme l’accroissement du nombre de familles monoparentales, de mères actives (dont les enfants sont en bas âge ou encore très jeunes) et du nombre de ménages biactifs, doivent être pris en considération. Le vieillissement de la population et le souci d’alléger le nombre des allocataires sociaux par le biais de l’insertion professionnelle des mères — situations courantes dans la plupart des pays industriels — ont fait évoluer le rôle des entreprises d’une façon telle qu’elles doivent recourir à des services sociaux. Le problème permanent de l’alcoolisme et de la toxicomanie, qui a atteint des proportions épidémiques dans bien des pays, est évidemment l’une de leurs principales préoccupations. Une enquête visant à comparer la perception que la population avait de la crise de la drogue en 1994 à celle qu’elle en avait cinq années plus tôt montre que 50% des personnes interrogées estimaient que cette crise était beaucoup plus grave, 20% qu’elle était un peu plus grave et 24% qu’elle n’avait pas évolué, alors que 6% seulement jugeaient que la situation s’était améliorée. Bien que ces tendances varient d’un pays à l’autre, elles se manifestent partout. La plupart sont caractéristiques des pays industriels où les PAS sont déjà nombreux. Les PAS se multiplient également dans les pays en développement qui commencent à s’industrialiser.

Les fonctions des PAS

La mise en place d’un PAS est une décision organisationnelle qui représente un défi pour le système existant. En effet, cette décision signifie que l’entreprise ne s’est pas suffisamment souciée des besoins des individus. Elle confirme que les employeurs et les syndicats ont reçu le mandat de réagir, dans leur propre intérêt, aux forces sociales qui agissent dans l’ensemble de la société. C’est l’occasion de procéder à des changements d’organisation. Bien qu’une résistance puisse se manifester, comme dans toutes les tentatives de changement d’un système, les tendances exposées ci-dessus sont la preuve que les efforts déployés par les PAS pour offrir des services de conseils aux salariés et pour orienter l’entreprise dans ses décisions peuvent être couronnés de succès, et cela, pour de multiples raisons.

Les diverses fonctions que remplissent les PAS concernent les problèmes susmentionnés auxquels ils tentent d’apporter une solution. Il est probable que tous les programmes existants portent sur l’alcoolisme et la toxicomanie. Les interventions dans ce domaine consistent généralement à procéder à des évaluations, à formuler des orientations, à former l’encadrement et à organiser des groupes de soutien pour permettre aux intéressés de conserver leur emploi et à les inciter à l’abstinence. La gamme des services offerts par la plupart des PAS est toutefois plus large. Les programmes proposent des services d’orientation aux salariés ayant des problèmes conjugaux ou familiaux, à ceux qui ont besoin d’aide pour trouver une garderie ou qui doivent décider des soins à donner à un parent âgé. Quelques PAS s’occupent aussi des problèmes liés au milieu de travail. Ils aident les familles à s’adapter en cas de déménagement, proposent un soutien aux employés de banque traumatisés par une attaque à main armée, aux membres d’équipes de sauvetage ou au personnel de santé exposés accidentellement à l’infection par le VIH. Ils aident non seulement les salariés licenciés à la suite d’une restructuration à surmonter cette épreuve, mais aussi ceux qui ont été épargnés. Les PAS peuvent être appelés à collaborer avec la direction lors de changements organisationnels, afin d’atteindre certains objectifs de promotion sociale, à aider les travailleurs qui cherchent un logement et à faciliter le retour au travail des personnes handicapées. Les PAS organisent également des activités préventives, notamment des programmes diététiques et antitabac; ils sont en outre chargés d’encourager les travailleurs à participer à des programmes d’activité gymnique et autres initiatives de promotion de la santé; ils doivent aussi prendre des initiatives à caractère éducatif allant des programmes d’apprentissage du rôle de parent aux programmes de préparation à la retraite.

Bien que très diversifiées, ces activités des PAS se retrouvent dans des contrées aussi éloignées l’une de l’autre que Hong-kong et l’Irlande, par exemple. Dans le cadre de l’étude effectuée sur un échantillon non aléatoire d’employeurs, de syndicats et de sous-traitants américains qui assurent des services de lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie par l’intermédiaire de PAS, Akabas et Hanson (1991) ont constaté que, dans des entreprises ayant pourtant des antécédents et des caractéristiques différents, les plans présentent tous de fortes analogies. Les chercheurs, qui s’attendaient à trouver maintes solutions originales pour répondre à la diversité des besoins, ont constaté au contraire une uniformité étonnante dans les programmes et les pratiques. Une conférence de l’Organisation internationale du Travail (OIT), organisée à Washington (DC) dans le but de comparer les initiatives nationales, a confirmé cette similitude dans toute l’Europe occidentale (Akabas et Hanson, 1991).

Les personnes interrogées dans le cadre d’enquêtes menées au sein d’entreprises américaines ont généralement répondu que la législation en vigueur avait fortement influé sur le choix des éléments de leurs programmes et services, ainsi que sur les droits et attentes de leur clientèle. Ces programmes sont généralement administrés par des spécialistes, le plus souvent des travailleurs sociaux, plutôt que par des représentants d’autres disciplines. Ils aident de nombreux travailleurs, et souvent leur famille aussi, grâce à divers services axés non seulement sur la réadaptation des alcooliques et des toxicomanes, mais aussi sur toutes sortes de problèmes courants. La plupart des programmes arrivent à vaincre l’indifférence générale des hauts dirigeants et à combler les lacunes qui existent dans la formation des cadres et dans le soutien qu’ils apportent à leurs subordonnés; le taux de participation des travailleurs varie entre 3 et 5%. Les spécialistes responsables des PAS semblent s’accorder pour dire que la confidentialité et la confiance sont les garants de l’efficacité des services. Ils affirment que la lutte contre les conduites toxicophiles est efficace mais, comme on dispose de peu d’études sur ce sujet, il leur est difficile de fournir des preuves de l’efficacité de leur intervention, à quelque niveau que ce soit.

On évalue à 10 000 le nombre de PAS existant actuellement rien qu’aux Etats-Unis. On distingue deux types principaux de services: ceux qui sont dirigés par le personnel de l’entreprise et ceux qui sont assurés par des entrepreneurs indépendants dont la clientèle comprend toutes sortes d’entreprises et de syndicats. La question des mérites respectifs des programmes internes et externes a suscité un débat passionné. Les partisans des services externes prétendent qu’ils assurent une meilleure protection de la confidentialité, qu’ils sont administrés par un personnel plus varié et que leur rôle est plus clair parce qu’il n’est pas dilué dans d’autres activités. Ceux des programmes et services internes maintiennent, pour leur part, que leur présence au sein de l’entreprise leur permet d’intervenir efficacement auprès des organes de décision et d’influencer la politique de l’entreprise parce qu’ils en connaissent tous les rouages et en font directement partie. Comme on met de plus en plus l’accent sur les initiatives applicables à l’ensemble de l’entreprise, les programmes internes sont probablement préférables dans les établissements où la demande est suffisante (au moins 1 000 employés) pour justifier la présence d’un responsable à plein temps. Comme l’ont signalé Googins et Davidson (1993), ce système permet d’étendre l’application des programmes à tout le personnel en raison de la diversité des services qui peuvent être offerts et de l’influence qui peut être exercée sur les décideurs. De plus, il favorise la collaboration et l’intégration du PAS dans les autres services de l’entreprise — avantages qui, tous, renforcent l’autorité et le rôle du PAS.

Les problèmes professionnels et la famille: un exemple typique

L’interaction qui se crée avec le temps entre les PAS et les problèmes d’ordre professionnel et familial constitue un exemple intéressant de leur évolution et de l’influence qu’ils peuvent avoir sur les individus et sur l’entreprise. En retraçant l’historique des PAS, on constate que leur multiplication a coïncidé avec l’arrivée d’un nombre croissant de femmes sur le marché du travail, surtout de mères célibataires et de mères d’enfants en bas âge ou très jeunes. Ces femmes étaient souvent partagées entre les exigences de la vie familiale, notamment les soins à donner aux personnes à leur charge — enfants ou parents âgés — et celles de la vie professionnelle, dans un milieu de travail où s’établissait une distinction nette entre leurs obligations professionnelles et familiales. En outre, la direction n’était pas disposée à faire preuve de souplesse pour leur permettre d’assumer leur double rôle de mère et de travailleuse. Là où il existait un PAS, les femmes lui soumettaient leurs problèmes. Les responsables de ces services ont constaté que les femmes stressées étaient déprimées et qu’elles essayaient parfois de surmonter leur dépression avec de la drogue ou de l’alcool. Les PAS se sont d’abord limités à offrir des services de conseils sur l’alcoolisme et la toxicomanie, à apprendre aux employées à faire bon usage de leur temps et à leur recommander des moyens de faire garder leurs enfants et leurs parents âgés.

Comme le nombre de salariées ayant des problèmes de ce genre augmentait, les PAS ont procédé à des évaluations des besoins d’où il a été conclu qu’il fallait remplacer l’action individuelle par l’action collective; les PAS ont alors cherché des solutions d’ensemble, en organisant par exemple des séances de groupe sur la gestion du stress. Mais même cette méthode s’est avérée inefficace. Comme il est apparu que les besoins variaient tout au long de la vie, les PAS se sont mis à les regrouper en fonction de l’âge des intéressés. Les jeunes parents s’attendaient à pouvoir s’absenter facilement pour s’occuper d’enfants malades et obtenir aisément des renseignements sur les garderies. Les salariés âgés de 35 à 49 ans environ étaient considérés comme une «génération sandwich»; ils avaient davantage besoin de services de soutien liés à l’éducation, à l’orientation, aux congés, aux consultations familiales et à l’abstinence d’alcool ou de drogue, car ils devaient s’occuper à la fois d’enfants adolescents et de parents âgés. Avec l’âge, les travailleurs sont soumis à de nouvelles pressions. En effet, ils peuvent avoir à faire face à des problèmes d’invalidité, à la nécessité de s’adapter à un milieu professionnel où presque tous les collègues, y compris leurs supérieurs immédiats, sont plus jeunes qu’eux, de préparer leur retraite et de prendre soin des membres de leur famille dont la santé est plus fragile (ou même de s’occuper de leurs petits-enfants). La conclusion qui ressort de l’évaluation des besoins des travailleurs et des services qui leur étaient offerts était qu’il fallait modifier la culture de l’entreprise de façon à leur permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Cette évolution a en quelque sorte façonné le rôle que jouent actuellement les PAS pour apporter des changements dans l’organisation des entreprises. En s’efforçant de répondre aux attentes des individus, les PAS se sont bâti une bonne réputation à l’intérieur du système et ont été considérés par les responsables comme faisant autorité en matière de problèmes d’ordre professionnel et familial. Les PAS ont également pris part à l’éducation et à l’information en répondant aux questions posées par les dirigeants des nombreux services qui devaient faire face aux problèmes que ces deux aspects conflictuels de la vie humaine peuvent poser. Ils ont sans doute collaboré avec de nombreux membres du personnel au sein de l’entreprise, notamment avec les représentants de la «discrimination positive», les experts en relations professionnelles, les représentants syndicaux, les spécialistes de la formation, le personnel des services de sécurité et d’hygiène, le personnel des services médicaux, les spécialistes de la prévention et des membres du service des ressources humaines, des services fiscaux, les opérationnels et les chefs d’équipe.

C’est en examinant les forces et les faiblesses de l’entreprise, technique préconisée dans les années cinquante par Lewin (1951), que l’on parviendra à définir les activités à entreprendre pour entraîner des changements internes. Le spécialiste de la santé au travail qui recherche une solution globale au conflit entre les responsabilités professionnelles et familiales doit savoir quels sont ses alliés et ses adversaires potentiels dans l’organisation. Son analyse lui permettra de prévoir quels responsables, au sein de l’entreprise, du syndicat ou de l’organisme gouvernemental de tutelle, pourraient promouvoir les changements désirés; elle doit en outre l’aider à discerner les forces positives ou négatives qui pourraient influencer sur les décisions internes dans ce domaine.

A un stade plus avancé, on constate même que le PAS participe aux travaux d’un comité d’orientation chargé de définir les objectifs de l’entreprise. Ce comité doit tenir compte du fait que les salariés ont des responsabilités à assumer à la fois dans leur travail et dans leur famille. L’entreprise devrait formellement s’engager à créer des conditions propices à la coexistence harmonieuse de ces deux types de responsabilités. Elle peut même spécifier quelles sortes d’avantages et de programmes elle entend consacrer au respect de cet engagement, notamment l’assouplissement des horaires de travail, le partage des tâches, les possibilités d’emploi à temps partiel, la garde des enfants subventionnée ou organisée sur place, les services de consultation et d’orientation visant à assurer les besoins particuliers en matière de garde des enfants et de parents âgés, l’octroi de congés spéciaux (avec ou sans solde) en cas de maladie d’un membre de la famille, les bourses d’études pour enfants et pour le perfectionnement professionnel du salarié, ainsi que les services de soutien en cas de problèmes familiaux. Toutes ces initiatives, axées sur la recherche d’une solution aux problèmes de conflit entre la vie professionnelle et la vie familiale, permettraient de trouver un compromis à la fois individuel et structurel aux besoins des travailleurs et de leur entreprise.

Conclusion

Il a été amplement démontré qu’en octroyant de tels avantages aux travailleurs, on les aide à atteindre leurs objectifs de productivité. Pourtant, ces avantages risquent d’être coûteux et ils ne garantissent pas que le travail sera pour autant accompli de façon efficace et rentable. Comme les PAS qui les engendrent, ils doivent être évalués en fonction de leur rentabilité pour l’entreprise et de la satisfaction du personnel. La pérennité de ces programmes, dont il a déjà été fait état, peut être interprétée comme une preuve de la valeur intrinsèque des services d’aide aux salariés dans tous les lieux de travail, dans toutes les entreprises et dans tous les pays. Etant donné qu’en cette ère de mondialisation, les travailleurs doivent se soumettre à des exigences croissantes et que leur bagage de connaissances et de compétences a tendance à être plus important que leur simple présence ou force physique, on ne risque guère de se tromper en prévoyant que les PAS seront appelés à conseiller de plus en plus les entreprises pour les aider à s’acquitter de leurs responsabilités sur le plan humain envers leur personnel. Avec une telle démarche individuelle et structurelle des problèmes, on peut également prédire sans trop s’avancer que les travailleurs sociaux vont avoir un rôle clé à jouer.

LE TROISIÈME ÂGE ET LA SANTÉ: PROGRAMMES DE PRÉPARATION À LA RETRAITE

H. Beric Wright

Il apparaît de plus en plus que le dernier tiers du cycle de la vie — le «troisième âge» — exige autant de réflexion et de planification que l’éducation et la formation au «premier âge» et que la carrière et le recyclage au «deuxième âge». Il y a une trentaine d’années, lorsqu’on a commencé à se préoccuper des besoins des retraités au Royaume-Uni et dans bien d’autres pays développés, les salariés du sexe masculin prenaient généralement leur retraite à 65 ans, c’est-à-dire à un âge où ils étaient plutôt fatigués, avec une espérance de vie courte et, surtout, s’ils étaient des travailleurs manuels ou des manœuvres, avec une maigre pension, voire sans aucune pension du tout.

La situation a considérablement évolué dans ce domaine. Un grand nombre de travailleurs prennent maintenant leur retraite relativement jeunes, de leur plein gré ou à un âge autre que celui de la retraite obligatoire; certains travailleurs sont obligés de prendre une retraite anticipée pour cause de maladie ou d’invalidité, ou encore parce qu’ils sont en surnombre. En revanche, beaucoup décident de continuer à travailler après l’âge «normal» de la retraite, soit qu’ils gardent leur emploi, soit qu’ils embrassent une nouvelle carrière.

On peut dire qu’en général, à notre époque, les retraités jouissent d’une meilleure santé que leurs prédécesseurs et qu’ils ont une espérance de vie supérieure. En fait, au Royaume-Uni, les personnes âgées de plus de 80 ans constituent le groupe d’âge qui augmente le plus, tandis qu’un nombre sans cesse croissant d’individus atteignent ou dépassent l’âge de 90 ans. Le nombre des femmes au travail ayant fort augmenté, la proportion de retraitées s’accroît elle aussi. Il s’agit pour la plupart de célibataires ou de veuves, car l’espérance de vie des femmes dépasse celle des hommes.

Pendant un certain temps — une vingtaine d’années, voire davantage pour certains — la plupart des retraités conservent leur mobilité, leur vigueur et des capacités fonctionnelles aiguisées par l’expérience. Grâce à un niveau de vie plus élevé et aux progrès de la médecine, cette période ne cesse de s’allonger. Toutefois, nombreuses sont les personnes qui, malheureusement, vivent plus longtemps que la capacité normale de leur organisme ne le permettrait (certaines fonctions les abandonnent, d’autres sont assurées péniblement), ce qui entraîne une dépendance médicale et sociale croissante apportant peu de compensations. L’objectif de la préparation à la retraite est de permettre aux intéressés de profiter davantage et plus longtemps de la période pendant laquelle ils sont encore en bonne santé et de disposer autant que possible des ressources et des structures de soutien nécessaires à la fin de leur vie, lorsque leur état de santé décline. Cette préparation ne se limite pas à la planification successorale ni à la disposition des biens, encore qu’il s’agisse là, dans bien des cas, d’éléments importants.

De nos jours, la retraite peut donc offrir d’importantes compensations et avantages. Les nouveaux retraités en bonne santé peuvent s’attendre à vivre encore vingt ou trente ans et à rester actifs pendant les deux tiers de cette période au moins. C’est beaucoup trop long pour se laisser aller au désœuvrement ou pour s’étioler dans une quelconque «Costa Geriatrica». Les rangs des retraités ont été gonflés par les retraites anticipées ou les licenciements et par des femmes, de plus en plus nombreuses, qui prennent leur retraite avec une pension décente et entendent rester actives au lieu d’être à la charge de la société.

Il y a cinquante ans, les pensions étaient insuffisantes pour la plupart des personnes âgées qui devaient lutter pour survivre. De nos jours, les pensions versées par les employeurs et les prestations d’aide sociale versées par l’Etat, même si elles sont insuffisantes pour bien des citoyens, permettent malgré tout de vivre assez décemment. En outre, comme il existe une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans de nombreux secteurs et que les employeurs reconnaissent que les travailleurs âgés sont productifs et souvent plus fiables que les autres, les possibilités d’emploi à temps partiel augmentent pour le «troisième âge».

Par ailleurs, les retraités représentent actuellement un tiers environ de la population. Etant sains de corps et d’esprit, ils constituent un segment important et potentiellement utile de la société. Prenant conscience de leur importance et de leur potentiel, ils peuvent s’organiser et exercer leur influence. Aux Etats-Unis, par exemple, l’Association américaine des personnes retraitées (American Association of Retired Persons (AARP)) offre toutes sortes d’avantages à ses 33 millions de membres (pas tous des retraités, puisque toute personne âgée de 50 ans peut s’y affilier) et elle exerce une influence politique considérable. En 1964, lors de la première assemblée générale annuelle de l’Association britannique de la préretraite (Pre-Retirement Association (PRA)), son président, lord Houghton, membre du cabinet, a fait la déclaration suivante: «Si seulement les retraités unissaient leurs efforts, ils pourraient modifier radicalement le verdict des urnes». Ce n’est pas encore arrivé et leur pouvoir ne se manifestera probablement jamais sous cette forme, mais on admet maintenant dans la plupart des pays développés qu’il existe une génération du «troisième âge» représentant un tiers de la population et que cette génération a ses espérances et ses besoins, ainsi qu’une énorme capacité de servir ses propres intérêts et ceux de la société en général.

Ce phénomène s’accompagne d’une sensibilisation de plus en plus aiguë à la nécessité impérieuse de pourvoir aux besoins des membres de ce groupe pour maintenir la stabilité sociale. Au cours des dernières décennies, les politiciens et les pouvoirs publics ont commencé à réagir en prolongeant et en améliorant divers programmes de sécurité sociale et autres formes d’aide sociale. Ces initiatives ont été cependant contrecarrées par des contraintes budgétaires et par la rigidité bureaucratique.

L’attitude des retraités eux-mêmes constitue un autre handicap de taille. Un trop grand nombre d’entre eux acceptent l’image personnelle et sociale stéréotypée qui présente la retraite à la fois comme l’étape de la vie où on cesse d’être considéré comme un membre utile ou digne d’intérêt de la société et où on s’attend par conséquent à être relégué dans un endroit éloigné où on pourrait être avantageusement oublié. Le principal objectif de la préparation à la retraite a été, et reste toujours, dans une certaine mesure, de mettre fin à cette perception négative.

Du fait qu’un nombre croissant de retraités sont parvenus à changer de mentalité et ont réfléchi aux possibilités de satisfaire leurs nouveaux besoins, ils ont pris conscience des lacunes des programmes gouvernementaux et ont commencé à se tourner vers les employeurs pour les combler. Grâce à leurs économies et aux régimes de pension des entreprises (issus pour la plupart des négociations collectives), ils ont découvert les ressources financières souvent considérables dont ils disposaient. Pour revaloriser les régimes de retraite privés des salariés, les employeurs et les syndicats ont pris des mesures visant à faire mettre des programmes d’information et d’aide pour la gestion de ces ressources à la disposition des retraités (ou même à leur en offrir eux-mêmes).

Au Royaume-Uni, le mérite de cette évolution revient en grande partie à la PRA qui est considérée comme le service de préparation à la retraite par excellence et qui bénéficie de l’aide du gouvernement par l’intermédiaire du ministère de l’Education (ce programme relevait au début de trois ministères: Santé, Emploi et Education).

L’accroissement considérable de la demande en la matière a donné naissance à une véritable industrie composée d’organisations, bénévoles ou non. Certaines d’entre elles sont très altruistes; d’autres agissent dans un but intéressé, notamment les compagnies d’assurances qui essaient de vendre des rentes et autres types d’assurances, les sociétés de placements qui gèrent l’épargne accumulée et les revenus de la pension, les agents immobiliers qui vendent des maisons de retraite, les exploitants de villages de retraite qui commercialisent des cartes de membre, les œuvres de bienfaisance qui vantent les avantages fiscaux que procurent les dons et les legs, etc. A cela viennent s’ajouter une foule de maisons d’édition qui proposent des livres pratiques, des revues, des cassettes audio et vidéo, et des collèges et établissements d’éducation des adultes, qui organisent des cours et des séminaires.

Alors que la plupart de ces fournisseurs de services prodiguent principalement des conseils visant à résoudre les problèmes financiers, sociaux ou familiaux, les programmes d’éducation et de promotion de la santé ont pris une importance accrue dans le but de prévenir, de retarder ou d’atténuer la maladie et l’invalidité, car il a été reconnu qu’il faut être en bonne santé pour jouir d’un certain bien-être et mener une vie productive. C’est surtout le cas aux Etats-Unis où les engagements financiers pris par les employeurs pour couvrir le coût des soins médicaux et de santé dispensés aux retraités et aux personnes à leur charge ont augmenté à un point tel qu’ils sont non seulement devenus très lourds, mais qu’ils doivent désormais être inclus dans le passif du bilan annuel des sociétés.

En fait, certains organismes bénévoles spécialisés dans un secteur de la santé (maladies cardiaques, cancer, diabète, arthrite) publient un matériel pédagogique spécialement destiné aux salariés qui approchent de l’âge de la retraite.

En bref, l’ère du troisième âge est arrivée. Les programmes de préparation à la retraite offrent toutes sortes de possibilités pour permettre aux retraités de jouir d’un maximum de bien-être, de jouer un plus grand rôle individuel et social et pour leur apporter les connaissances, la formation et le soutien nécessaires.

Le rôle de l’employeur

Bien que ce ne soit pas toujours le cas, le soutien et les fonds nécessaires proviennent principalement des employeurs (y compris les administrations locales, le gouvernement et les forces armées). Au Royaume-Uni, cela a été possible en grande partie grâce aux efforts de la PRA qui, d’emblée, a recruté des entreprises parmi ses membres, ce qui a permis aux employés de recevoir des encouragements et des conseils et de suivre une formation sur place. En fait, il n’a pas été difficile de convaincre les entreprises commerciales et industrielles que leur responsabilité ne se limite pas à offrir des pensions, loin de là. En outre, les régimes de pensions et leurs incidences fiscales sont devenus très compliqués; par conséquent, les explications détaillées et les conseils personnalisés s’imposent.

Dans le milieu de travail, on a affaire à un auditoire captif, ce qui est commode, car on peut ainsi présenter les programmes plus efficacement et à moindre coût. De plus, sous l’influence de leurs collègues, un plus grand nombre de salariés prennent part aux programmes. Les avantages qu’ils peuvent en retirer pour eux-mêmes et pour les personnes à leur charge sont évidents. En ce qui concerne les employeurs, les avantages sont nombreux également, encore que plus subtils: amélioration du moral des travailleurs, regain de prestige de l’entreprise aux yeux du personnel, incitation à conserver les employés âgés possédant une expérience précieuse et sympathie acquise des retraités dont la plupart sont également des actionnaires grâce aux programmes de participation aux bénéfices et d’investissement parrainés par l’entreprise. Lorsqu’une compression des effectifs est souhaitable, les programmes de préparation à la retraite organisés par l’employeur sont souvent agencés de façon à augmenter l’attrait de l’indemnité de départ, laquelle comprend une série de gratifications accordées à ceux et à celles qui consentent à prendre une retraite anticipée.

Les syndicats qui offrent ce genre de programmes à leurs affiliés, en plus des régimes de pension syndicaux, en retirent des avantages analogues: l’affiliation au syndicat devient plus attrayante et la bonne volonté, ainsi que l’esprit de corps, chez les affiliés, en sont renforcés. Il convient de signaler qu’au Royaume-Uni les syndicats ont commencé à manifester de l’intérêt pour ces programmes, surtout les petits syndicats, comme celui des pilotes de ligne.

L’employeur peut soit commanditer un programme complet «prêt à l’emploi», soit en élaborer un lui-même, grâce à divers éléments offerts par des associations comme la PRA, par divers établissements d’éducation permanente et par les nombreuses sociétés de placement, caisses de pension et compagnies d’assurances qui organisent des cours payants de préparation à la retraite. Bien que ces derniers soient généralement de haute qualité, il faut s’assurer qu’ils communiquent effectivement des informations simples et objectives et qu’ils ne se contentent pas de faire la promotion des produits et services offerts par le fournisseur. Les services du personnel, des pensions et, le cas échéant, de la formation, devraient participer à l’élaboration et à la présentation du programme.

Les cours peuvent être donnés intégralement sur place ou dans un local extérieur convenablement situé. Certains employeurs les organisent pendant les heures de travail, mais ils ont généralement lieu pendant la pause du déjeuner ou après les heures de travail. Ce sont ces derniers qui ont le plus de succès, car ils réduisent les risques de chevauchement avec les horaires de travail et facilitent la participation des conjoints.

Certains employeurs assurent la totalité des frais de participation, tandis que d’autres font partager les frais aux salariés ou, dans certains cas, paient tout ou partie de la quote-part des salariés qui suivent le cours jusqu’au bout avec succès. Il devrait être possible de prévoir le temps nécessaire à des questions-réponses, mais on recommande généralement aux participants de s’adresser à des experts pour des consultations personnalisées. D’une façon générale, ces participants acceptent d’acquitter les frais éventuels; lorsqu’un expert participe au programme, il arrive que l’employeur soit en mesure d’obtenir un tarif spécial.

Les cours de préparation à la retraite

Principe

Pour nombre de personnes, surtout pour les bourreaux de travail, le départ à la retraite est une expérience traumatisante. Le travail confère du prestige et une identité et permet d’avoir des relations avec autrui. Dans bien des cultures, on perçoit l’identité de l’individu et sa position sociale en fonction de sa profession ou de son métier. Le milieu de travail, surtout quand on prend de l’âge, domine la vie en ce sens qu’il détermine les activités de l’individu, ses objectifs et ses priorités quotidiennes, notamment pour les professions libérales. A la retraite, on est séparé de ses collègues et on a tendance à se laisser absorber par des petites questions familiales et domestiques; il faut alors se créer un nouveau cadre social.

Pour assurer son bien-être et sa survivance pendant la retraite, il est impératif de bien comprendre ces changements de situation et de tenter de tirer le meilleur parti possible des avantages qu’ils offrent. La protection de la santé, au sens très large que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) donne à ce concept, et l’approche holistique (relativement récente) des problèmes médicaux, sont des éléments essentiels de cette prise de conscience. A l’adoption d’un style de vie sain doit s’ajouter une bonne gestion des finances, des questions de logement, des activités diverses et des relations sociales. La protection des ressources financières en prévision du jour où on aura besoin de soins et de services spéciaux en raison d’une diminution des capacités, est souvent plus importante que la planification successorale.

Les cours systématiques fournissant informations et conseils constituent la pierre angulaire de la préparation à la retraite. Les responsables de ces cours doivent être conscients du fait que le but n’est pas de fournir toutes les réponses, mais de cerner les problèmes éventuels et de guider chaque participant vers la meilleure solution.

Thématique

Les programmes de préparation à la retraite peuvent comprendre divers éléments; les sujets énoncés succinctement ci-après sont les plus importants et devraient figurer dans tous les programmes:

Les statistiques démographiques. Espérance de vie selon le groupe d’âge — les femmes vivent plus longtemps que les hommes — et évolution de la composition de la famille et ses conséquences.

Comprendre la retraite. Le style de vie, les changements qui seront nécessaires au cours des vingt ou trente prochaines années sur le plan de la motivation et des possibilités.

La protection de la santé. Comprendre les aspects physiques et psychologiques du vieillissement et les aspects du style de vie qui favorisent un bien-être optimal et accroissent la capacité fonctionnelle (activité physique, régime alimentaire et contrôle du poids, adaptation à la détérioration de la vue et de l’ouïe, sensibilité accrue au froid et à la chaleur, modération ou abandon de la consommation d’alcool, de tabac et d’autres drogues, etc.). A cet égard, les discussions doivent porter notamment sur les rapports avec les médecins et la sécurité sociale, sur les examens médicaux périodiques et les interventions préventives, ainsi que sur les attitudes à adopter face à la maladie et à l’invalidité.

Les finances. Bien connaître le régime de pension de l’entreprise, ainsi que les diverses prestations de sécurité sociale; gérer ses fonds de façon à protéger ses ressources et à en optimiser le revenu, y compris l’investissement des indemnités forfaitaires; administrer la propriété domiciliaire, ses autres biens et les hypothèques; rester affilié au régime d’assurance maladie de l’employeur ou du syndicat et aux autres régimes d’assurance; envisager la possibilité de souscrire une assurance pour soins prolongés; choisir un conseiller financier.

Les dispositions successorales. Planification successorale et préparation d’un testament; rédaction d’un testament biologique (donner des directives médicales ou établir une procuration pour les soins médicaux, par exemple) précisant les traitements souhaités ou non en cas d’incapacité de prendre des décisions ou de maladie en phase terminale; relations avec le conjoint, les enfants, les petits-enfants; réaction à la diminution des contacts sociaux; inversion des rôles dans les cas où l’épouse poursuit sa carrière ou a des activités sociales, tandis que le mari s’occupe davantage des repas et de l’intendance.

Le logement. La maison et le jardin peuvent devenir trop grands, trop coûteux et représenter une lourde charge alors que les ressources financières et les capacités physiques diminuent; au contraire, le logement peut s’avérer trop petit si le retraité se constitue un bureau ou un atelier; lorsque les deux conjoints sont à la maison, il est recommandé de faire en sorte que chacun dispose, si possible, d’un espace personnel afin de se garantir un minimum de tranquillité pour poursuivre ses activités ou s’isoler; envisager la possibilité de déménager dans une autre région ou dans un autre pays, ou d’aller vivre dans une résidence pour retraités; tenir compte des moyens de transport publics s’il devient imprudent ou impossible de conduire une voiture; envisager l’éventualité d’un état de santé précaire; aide ménagère et contacts sociaux pour les personnes seules.

Les activités envisageables. Comment trouver des possibilités de formation à de nouveaux emplois, des violons d’Ingres et des activités bénévoles; activités éducatives (terminer des études secondaires ou supérieures qui avaient été interrompues, par exemple); voyages (aux Etats-Unis, l’Association bénévole Elderhostel, publie un volumineux catalogue de cours pour adultes; d’une durée d’une ou deux semaines, ils sont donnés dans des universités ou dans des lieux de villégiature des Etats-Unis et partout dans le monde).

La gestion du temps. Etablissement d’un programme d’activités intéressantes et distrayantes, à la fois individuelles et collectives; si la possibilité d’être à nouveau ensemble est un avantage pour un couple retraité, il ne faut pas oublier l’importance des activités personnelles et il convient d’éviter de se gêner perpétuellement; parmi les activités collectives, on peut noter les clubs, les assemblées des congrégations religieuses et les organismes communautaires locaux; il faut aussi reconnaître la satisfaction apportée par le travail rémunéré ou bénévole.

L’organisation du cours

Le type de cours, sa nature et sa durée sont généralement choisis par le commanditaire en fonction des ressources disponibles et du coût prévu, ainsi que de la motivation et de l’intérêt des participants. Peu de cours permettront d’approfondir tous les sujets énoncés ci-dessus, mais il conviendrait que le cours prévoie des discussions sur la plupart (ou, de préférence, la totalité) de ces sujets.

D’après les instructeurs, le cours idéal est celui qui est donné pendant la journée (c’est-à-dire pendant les heures de travail) et qui s’étale sur une dizaine de séances pendant lesquelles les participants peuvent faire connaissance et les instructeurs déterminer les besoins et les préoccupations de chacun. Rares sont les entreprises qui ont les moyens de s’offrir ce luxe, mais les associations de préretraite (dont il existe tout un réseau au Royaume-Uni), et les centres d’éducation pour adultes dispensent ce genre de cours avec de bons résultats. Il peut aussi s’agir d’un cours de brève durée, la meilleure formule étant sans doute un cours de deux jours qui permet de consacrer plus de temps aux discussions et conseils pratiques; c’est un compromis préférable à un cours intensif d’une seule journée qui, par la force des choses, comporte davantage d’exposés théoriques que de discussions ou à un cours étalé sur plusieurs séances plus ou moins longues.

Les participants

Il est souhaitable de permettre aux conjoints et aux partenaires de suivre également le cours ce qui peut influer sur le choix des lieux et horaires.

Tous les salariés qui approchent de la retraite devraient pouvoir participer, mais le regroupement de catégories hétérogènes pose un problème. Les cadres supérieurs ont en effet des attitudes, des aspirations, des expériences et des ressources très différentes de celles des cadres intermédiaires et du personnel d’exécution. Des antécédents scolaires et sociaux très différents risquent d’empêcher les participants de parler librement, alors que de telles discussions sont extrêmement utiles, surtout en ce qui concerne les aspects financiers et les diverses activités entreprises pendant la retraite. Les classes regroupant de nombreux participants nécessitent une méthode plus théorique; les discussions sur les sujets de préoccupation et les expériences des participants sont plus faciles si le groupe ne compte qu’une dizaine de personnes.

Les salariés de prestigieuses entreprises comme IBM aux Etats-Unis et Marks and Spencer au Royaume-Uni aiment exprimer leur sentiment d’appartenance, éprouvant ainsi des difficultés à s’adapter au monde extérieur dès qu’ils sont privés de leur soutien. On peut en dire autant des différents corps des forces armées, du moins au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Par ailleurs, dans des groupes aussi resserrés, les salariés répugnent parfois à aborder certains sujets de préoccupation qui risquent d’être interprétés comme un manque de loyauté envers l’employeur. Ce problème se pose moins lorsque les cours sont donnés à l’extérieur ou lorsqu’ils regroupent des salariés de plusieurs entreprises, ce qui est indispensable dans le cas des petits établissements. Ces groupes hétérogènes sont souvent moins structurés et plus productifs.

Les instructeurs

Il est essentiel que les instructeurs sachent et puissent communiquer avec leur auditoire pour faire du cours une expérience aussi utile qu’agréable. Certes, le cours peut être donné par des employés du service des ressources humaines, de formation ou du service médical de l’entreprise, mais on considère généralement que les consultants ou les enseignants qualifiés sont plus objectifs. Dans certains cas, des instructeurs recrutés parmi des salariés retraités de l’entreprise peuvent faire preuve d’une plus grande objectivité, tout en ayant une bonne connaissance du milieu et de la culture de l’entreprise. Etant donné qu’il est rare qu’une même personne soit experte dans tous les domaines concernés, il est souhaitable de confier la tâche à un directeur de cours aidé de plusieurs experts.

Le matériel pédagogique supplémentaire

Les cours proprement dits sont généralement complétés par des manuels, des vidéocassettes et diverses publications. Certains programmes reposent sur des abonnements à des livres, périodiques et bulletins d’information, qui sont surtout précieux lorsqu’ils sont envoyés au domicile de l’employé où les membres de la famille peuvent également les lire. En s’affiliant à des organismes nationaux comme la PRA et l’AARP, ou à leur antenne locale, l’intéressé peut avoir accès à des réunions et à des publications utiles.

Quand le cours doit-il être donné?

Les programmes de préparation à la retraite débutent généralement cinq ans environ avant la date prévue de la retraite (rappelons que l’on peut devenir membre de l’AARP à partir de 50 ans, quel que soit l’âge officiel de la retraite). Dans certaines entreprises, le cours est repris chaque année ou tous les deux ans et les salariés sont invités à y participer plusieurs fois s’ils le désirent; dans d’autres cas, le programme est scindé en plusieurs parties qui s’étalent sur plusieurs années et dont le contenu varie à mesure que la date de la retraite des participants approche.

L’évaluation

Le nombre des participants et celui des défections sont peut-être les meilleurs critères d’évaluation de l’utilité du cours. Toutefois, on devrait adopter un système permettant aux participants de donner leurs impressions sur le contenu de la formation et sur la compétence des instructeurs, dans le but d’y apporter éventuellement des améliorations.

Remarques importantes

Les cours qui consistent en une série d’exposés dénués d’originalité et de pertinence n’ont guère de chance de succès. Certains employeurs recourent à des sondages par questionnaire ou organisent des discussions de groupe afin de connaître les centres d’intérêts des éventuels participants.

A cet égard, avant de prendre une décision, il faut considérer l’état des relations professionnelles. En cas d’hostilité ouverte ou latente, les salariés n’attacheront guère d’importance aux propositions de l’employeur, quelles qu’elles soient, surtout si on leur dit qu’elles sont «dans leur intérêt». Il est possible de rendre le cours plus attrayant en faisant participer à sa préparation un ou plusieurs représentants du comité d’entreprise ou des représentants syndicaux.

Enfin, à mesure que la retraite approche et devient un mode de vie, les circonstances changent et de nouveaux problèmes surgissent. Par conséquent, il conviendrait de prévoir une reprise périodique du cours, tant pour les salariés susceptibles d’en tirer encore quelque enseignement que pour ceux qui approchent du «troisième âge».

Les activités ultérieures

De nombreuses entreprises maintiennent le contact avec les retraités pendant tout le reste de leur vie et, souvent, avec leur conjoint survivant, surtout lorsqu’ils restent affiliés à leur régime d’assurance maladie. Elles offrent des examens médicaux périodiques et des programmes d’éducation médicale et de promotion de la santé, conçus pour les «aînés», ainsi que, s’il y a lieu, des possibilités de consultations personnelles sur les problèmes de santé, financiers, familiaux et sociaux. Un nombre croissant de grandes entreprises subventionnent des clubs de retraités qui jouissent d’une autonomie plus ou moins grande quant au choix des programmes.

Certains employeurs mettent un point d’honneur à réengager des retraités à titre temporaire ou à temps partiel lorsqu’ils ont besoin de renfort. Citons notamment pour la ville de New York: Equitable Life Assurance Society of the United States, qui encourage les retraités à faire du volontariat au bénéfice d’organismes communautaires à but non lucratif et d’établissements d’enseignement, en leur offrant de couvrir leurs frais de transport et autres menues dépenses; National Executive Service Corps, qui fait profiter des entreprises et des organismes gouvernementaux du monde entier des compétences de ses cadres supérieurs à la retraite; le syndicat international de la confection féminine (International Ladies Garment Workers Union (ILGWU)) qui a institué un programme préparant des retraités à rendre des visites amicales et à prêter assistance aux membres accablés par les problèmes de la vieillesse. Des clubs de retraités britanniques parrainent des activités analogues.

A l’exception des clubs parrainés par les employeurs ou les syndicats, la plupart des programmes pour retraités sont organisés par des établissements d’éducation pour adultes, dans le cadre de leurs cours officiels. Au Royaume-Uni, il existe plusieurs associations nationales de retraités, comme PROBUS, qui tiennent régulièrement des réunions locales dans le but d’informer leurs membres et de leur permettre de maintenir des contacts sociaux, et comme la PRA, qui accueille à la fois des particuliers et des entreprises et dont l’objectif est d’informer, d’offrir des cours, de proposer des instructeurs et de fournir des conseils d’ordre général.

Une initiative intéressante, lancée au Royaume-Uni et inspirée du modèle français, est l’Université du troisième âge, dont les activités sont coordonnées par un organisme central et qui est représentée dans toutes les grandes villes. Les inscrits, pour la plupart des spécialistes et des enseignants, suivent des cours pour élargir leurs horizons et leurs connaissances.

Dans leurs publications internes régulières et leur documentation s’adressant aux retraités, de nombreuses entreprises et syndicats fournissent des renseignements et dispensent des conseils, souvent agrémentés d’anecdotes sur les activités et les expériences d’autres retraités. Dans la plupart des pays développés, il existe au moins une ou deux revues à gros tirage à l’usage des retraités: la revue française Notre Temps a une grande diffusion chez les personnes du troisième âge et, aux Etats-Unis, la revue Modern Maturity de l’AARP est envoyée à tous les membres, soit à plus de 33 millions de personnes. Au Royaume-Uni, il existe deux publications mensuelles pour les retraités: Choice et SAGA Magazine. La Commission européenne a parrainé la publication en plusieurs langues de l’ouvrage sur la retraite intitulé en anglais Making the Most of Your Retirement.

Les soins et la garde des personnes âgées

Dans les pays développés, les employeurs prennent de plus en plus conscience de l’incidence des problèmes rencontrés par les salariés ayant des parents, beaux-parents ou grands-parents âgés ou invalides. Bien que, dans certains cas, ces vieillards soient eux-mêmes retraités d’autres entreprises, leur besoin d’aide, d’attention et de services peuvent représenter une lourde charge pour les salariés qui doivent honorer à la fois leurs obligations professionnelles et familiales. Pour leur faciliter la tâche, les libérer de leurs soucis et réduire les risques de fatigue, d’absentéisme et de baisse de rendement, les employeurs proposent à ces salariés des programmes axés sur les soins aux personnes âgées (Barr, Johnson et Warshaw, 1992; US General Accounting Office, 1994). Ces employeurs offrent aux intéressés plusieurs programmes d’éducation, d’information et d’orientation, un assouplissement des horaires de travail, des congés de repos, un soutien social et une aide financière.

Conclusion

Dans les pays développés, les tendances démographiques et sociales font de plus en plus apparaître la nécessité d’informer, de former et de conseiller les personnes du troisième âge. Cette prise de conscience est reconnue par les employeurs et par les syndicats, ainsi que par les responsables politiques. Elle est à l’origine de programmes de préparation à la retraite et d’activités ultérieures qui peuvent être très utiles aux futurs retraités, à leurs employeurs, à leurs syndicats et à la société en général.

LE RECLASSEMENT EXTERNE

Saul G. Gruner et Leon J. Warshaw

Le reclassement externe est un service consultatif professionnel qui aide les entreprises à préparer et à effectuer les licenciements ou les compressions d’effectifs, de manière à limiter le plus possible les perturbations et à éviter les litiges. De plus, ce service aide les salariés licenciés à surmonter autant que faire se peut le traumatisme causé par leur situation et les oriente vers d’autres emplois ou une nouvelle carrière.

La récession des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix est caractérisée par des licenciements pandémiques dus à la fermeture de nombreux établissements, usines et entreprises obsolètes ou peu rentables, à la suppression des surnuméraires à la suite d’une fusion, d’une prise de contrôle, de l’intégration des services ou d’une restructuration, ainsi qu’à une compression d’effectifs ayant pour but de réduire le plus possible les dépenses d’exploitation. Bien qu’ils soient moins flagrants que dans le secteur privé (grâce à la protection qu’assurent les règlements de la fonction publique et les pressions politiques), les mêmes phénomènes se sont produits dans les services publics aux prises avec des déficits budgétaires et convertis au principe de l’amoindrissement de l’Etat.

Pour les salariés remerciés, la perte d’un emploi est une épreuve pénible et traumatisante, surtout lorsque le licenciement est soudain et brutal. Elle engendre colère, angoisse et dépression et peut causer une décompensation chez les personnes qui doivent déjà faire face à des troubles psychiques chroniques. Dans un très petit nombre de cas, la colère peut prendre la forme d’actes de sabotage ou de violence dirigés contre les supérieurs et les cadres responsables du licenciement, voire contre le conjoint et les autres membres de la famille.

Certaines affections telles que les céphalées, les troubles gastro-intestinaux et autres affections somatiques et des maladies liées au stress comme l’infarctus, les ulcères gastro-duodénaux hémorragiques et la colite ont été imputées au traumatisme causé par la perte d’un emploi.

En plus des problèmes financiers dus manque à gagner et, aux Etats-Unis, à l’annulation de l’assurance maladie de l’employeur, la perte d’un emploi a aussi des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des familles des salariés licenciés.

Ceux qui ne sont pas licenciés sont également touchés. Même si leurs employeurs essaient de les rassurer, le risque d’autres compressions les préoccupe (on a constaté que la menace de perdre son emploi est un facteur de stress encore plus grave que la perte d’emploi proprement dite). Il faut y ajouter la tension causée par l’adaptation à l’évolution quantitative et qualitative des nouvelles tâches à accomplir, de même que le bouleversement des relations avec les collègues. La compression des effectifs peut être traumatisante même pour l’employeur. Il doit parfois consacrer beaucoup de temps et d’efforts à apaiser les remous que les licenciements ont créés au sein de l’entreprise et à retrouver le niveau de productivité souhaité. Il se peut aussi que les bons employés décident d’eux-mêmes de quitter leur emploi pour un autre plus stable, dans une entreprise mieux gérée. Par ailleurs, il faut aussi considérer les actions en justice que peuvent intenter les salariés licenciés qui s’estiment victimes d’une rupture de contrat ou de discrimination illégale.

Le reclassement externe — une formule préventive

Ce type de reclassement est un service professionnel destiné à éviter, ou du moins à atténuer le plus possible, le traumatisme qu’une compression des effectifs peut provoquer chez les salariés touchés, chez ceux qui sont épargnés et chez l’employeur lui-même.

Les travailleurs licenciés n’ont pas tous besoin d’aide. Dans certains cas, le licenciement fournit plus tôt que prévu l’occasion de chercher un autre emploi moins monotone offrant de meilleures perspectives d’avancement. Dans la plupart des cas, une orientation professionnelle visant à les aider à surmonter leur sentiment compréhensible de déception et de colère et à trouver un nouvel emploi peut leur permettre de regagner plus rapidement confiance en eux et à retrouver leur bien-être. Même ceux qui ont accepté des indemnités de licenciement pour avoir quitté leur emploi de plein gré pourront trouver utile qu’on les aide à se réadapter à leur nouvelle situation.

On admet généralement que les services de reclassement externe les moins coûteux sont ceux qui sont assurés par l’entreprise elle-même. Cependant, même une grosse entreprise dotée d’un personnel compétent et bien organisé n’a pas forcément l’expérience d’une opération aussi délicate qu’une compression des effectifs et elle peut d’ailleurs être trop préoccupée par sa propre restructuration à la suite de cet exode, pour porter attention aux petits détails. Certains cadres, même les plus aguerris, ont des difficultés à établir des contacts directs avec leurs ex-collègues. En outre, les salariés qui quittent l’entreprise seront sans doute plus portés à faire confiance à une source neutre.

Aussi, la grande majorité des entreprises jugent-elles plus opportun de s’adresser à des consultants ou à des cabinets d’experts-conseils spécialisés. Cette neutralité est encore renforcée lorsque tous les contacts se déroulent à l’extérieur, dans des locaux occupés, ne serait-ce que temporairement, par le ou les consultants.

Le processus de reclassement externe

Ce processus doit être personnalisé et adapté aux attitudes, aux compétences et à la situation des intéressés, ainsi qu’au marché du travail local ou extérieur. Pour les travailleurs de la base et les agents de maîtrise, il faut procéder à un inventaire de leurs compétences pour les aider à retrouver un emploi correspondant, lorsqu’il existe des débouchés. Dans le cas contraire, il faut évaluer les possibilités de recyclage des personnes licenciées, leur recommander certains cours et les aider à mettre leurs aptitudes en valeur. Lorsque les nouveaux emplois auxquels elles peuvent prétendre sont moins bien rémunérés que leur emploi précédent, il se produit des complications regrettables difficiles à surmonter.

En ce qui concerne les salariés occupant des postes de direction et des postes à forte créativité, le processus à suivre comporte généralement un certain nombre d’étapes qui peuvent se chevaucher. Ces étapes sont les suivantes.

Le départ. Le but est d’aider le candidat à franchir les différentes phases de la réaction, puis de la compréhension et de l’acceptation de sa situation. Pour cela, il faut parfois faire appel à un spécialiste de la santé mentale.

Généralement, on procède à une analyse des circonstances ayant conduit à la cessation de travail. Pour gagner la confiance du candidat et établir de bons rapports avec lui, le consultant en reclassement externe examine ces circonstances et s’assure que le candidat les comprend et qu’il a en outre reçu toutes les prestations, financières et autres, auxquelles il a droit.

Cette étape prend fin lorsque le candidat adopte une attitude raisonnable face aux responsabilités et aux problèmes immédiats et qu’il se sent prêt à envisager l’avenir de façon positive. En principe, il s’est alors plus ou moins réconcilié avec son ex-employeur et est alors disposé à accepter l’aide qui lui sera éventuellement offerte. Cette aide peut comprendre, notamment, l’utili- sation temporaire d’un bureau avec une adresse et un numéro de téléphone professionnels, ainsi que les services d’une secrétaire pouvant effectuer des travaux de dactylographie ou des photocopies, prendre des messages, confirmer les rendez-vous, etc. La plupart des candidats se sentent mieux dans un cadre professionnel que chez eux. En outre, le consultant aide à formuler de façon satisfaisante la cause du départ et à établir les références destinées aux futurs employeurs.

La préparation au futur emploi. Il s’agit de préparer le candidat à adopter un état d’esprit positif et à entreprendre des démarches constructives. A ce stade, on l’aide à reprendre de l’assurance (objectif d’ailleurs poursuivi pendant tout le processus) en constituant une base personnelle de données sur ses aptitudes, ses compétences, ses connaissances et son expérience; on l’aide aussi à communiquer avec clarté et précision. C’est alors que le candidat commence à discerner et à se fixer des objectifs et à déterminer la nature des emplois qui, compte tenu de ses antécédents, pourraient particulièrement lui convenir. Tout au long du processus, le candidat acquiert l’habitude d’accumuler et de structurer des données personnelles qui mettent pleinement en valeur son expérience et ses compétences.

La rédaction du curriculum vitae. Le candidat apprend à se doter d’un outil souple qui servira de référence de base dans le but de faire connaître ses objectifs, ses compétences et son expérience, de susciter l’intérêt des employeurs potentiels et d’obtenir des entrevues. Au lieu de se présenter sous une forme définitive, le curriculum vitae doit être adaptable de manière à mettre l’accent sur les compétences et les qualifications qui paraissent les plus intéressantes pour un emploi donné.

L’évaluation des possibilités d’emploi. Après avoir examiné les divers secteurs du marché du travail dans plusieurs localités, les possibilités de perfectionnement et d’avancement et les perspectives salariales, le consultant guide le candidat dans la sélection des emplois susceptibles de lui convenir. L’expérience montre que 80% des possibilités d’emploi ne sont pas connues, car elles ne font pas nécessairement l’objet d’une publicité. Le cas échéant, il faut aussi envisager l’installation du candidat comme travailleur indépendant.

La recherche d’un emploi. Cette recherche consiste à identifier et à évaluer les débouchés réels ou possibles en contactant directement d’éventuels employeurs et en développant des relations par le truchement d’intermédiaires. Elle se propose aussi de faire obtenir des entrevues dans de bonnes conditions, de rédiger des lettres non seulement dans ce but mais aussi pour faire le suivi à une étape ultérieure.

Afin d’aider le candidat à mener à bien sa recherche, le consultant lui apprend à mieux rédiger et à se présenter sous son meilleur jour au cours des entrevues. Les exercices de rédaction de lettres servent à améliorer l’aptitude à communiquer, aspect qui peut s’avérer extrêmement utile. Pour préparer le candidat aux entrevues, on simule les situations réelles, enregistrées sur bande-vidéo, et on s’engage à faire l’autocritique de son comportement pendant l’exercice, de façon que sa personnalité, son expérience et ses aspirations fassent la meilleure impression possible. Il aura ainsi d’excellentes chances d’obtenir immédiatement un autre rendez-vous, voire une offre d’emploi en bonne et due forme.

La négociation de la rémunération. Le consultant doit aider le candidat à surmonter la répugnance, voire la crainte qu’il éprouvera, à négocier, le cas échéant, pour obtenir une juste rémunération sans se surévaluer ou se sous-estimer, ni indisposer son interlocuteur.

Le contrôle. Sous réserve que les conditions du contrat le lui permettent, le consultant maintiendra des contacts réguliers avec le candidat jusqu’à ce qu’il ait trouvé un nouvel emploi. Pour ce faire, il devra recueillir et structurer les informations dans le cadre du processus de recherche et s’assurer que le temps et les efforts consacrés à cet objectif sont aussi productifs que possible. Il doit aider le candidat à éviter les erreurs par omission et les lui signaler pour qu’il puisse les corriger.

L’information. Lorsqu’il aura obtenu un nouvel emploi, le candidat doit en avertir le consultant en reclassement, son ex-employeur et les employeurs potentiels avec lesquels il a négocié.

Le suivi. Toujours dans les limites du contrat, le consultant maintient le contact avec le candidat pour l’aider à s’adapter à son nouveau poste ou à surmonter les difficultés éventuelles et pour l’encourager dans le déroulement de sa carrière. En fin de programme, le consultant remet à l’ex-employeur un rapport général (certains renseignements, de par leur caractère personnel ou délicat, demeurent généralement confidentiels).

Le rôle de l’entreprise

Il est rare que le consultant en reclassement externe aide l’employeur à désigner les salariés qui doivent être licenciés et ceux qui doivent rester — c’est généralement la direction de l’entreprise qui prend cette décision, la plupart du temps après avoir consulté les chefs de service et les supérieurs immédiats, dans l’optique de la restructuration envisagée. Le consultant en reclassement formule toutefois des recommandations sur la préparation, le calendrier et les diverses étapes du processus de compression des effectifs et sur les communications avec les salariés qui quitteront l’entreprise ou y resteront. Comme les rumeurs circulent en général très rapidement, il est impératif que ces annonces soient faites en temps opportun et qu’elles soient complètes et précises, pour désamorcer d’éventuelles accusations de discrimination. De plus, le consultant assiste souvent l’entreprise dans l’organisation de ses modes de communication et dans ses relations avec l’industrie, la clientèle et la population.

Remarques importantes

L’ampleur du phénomène de compression des effectifs durant la dernière décennie, du moins aux Etats-Unis, a donné l’impulsion nécessaire à la création d’une véritable industrie des consultations en matière de reclassement. Un certain nombre d’entreprises spécialisées dans la recherche de candidats pour occuper les emplois vacants offrent de tels services en plus de leurs activités principales. Divers semi-professionnels, y compris d’ex-directeurs du personnel, sont devenus des conseillers en reclassement.

Jusqu’à tout récemment, il n’existait pas de codes ou de normes déontologiques reconnus. Toutefois, en 1992, l’Association internationale des spécialistes du reclassement externe (International Association of Outplacement Professionals (IAOP)) a parrainé la création d’un institut spécialisé dans le reclassement externe, l’Outplacement Institute; pour y adhérer, il faut répondre à une série de critères fondés sur la formation et sur l’expérience personnelle, prouver que l’on prend régulièrement part à des programmes de perfectionnement personnel et professionnel et s’engager à défendre et à observer les normes déontologiques de l’IAOP.

Conclusion

La compression des effectifs est, dans le meilleur des cas, une expérience pénible pour les salariés licenciés ou forcés de prendre leur retraite, pour ceux qui restent et pour l’entreprise. Pour les uns comme pour les autres, c’est une expérience traumatisante. Le reclassement externe est un service d’experts-conseils qui a pour but d’éviter aux victimes les angoisses de cette expérience ou d’en atténuer les effets sur leur santé et leur bien-être.

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