Le développement de lagriculture, de lexploitation minière et de lindustrie, quelle soit manufacturière ou de transformation, sest accompagné de lapparition de dermatoses professionnelles. Le premier constat de maladie cutanée causée par le travail a été dressé chez des mineurs qui souffraient dulcérations provoquées par des sels métalliques. Par la suite, avec le développement des sociétés et des cultures, de nouvelles substances ont été découvertes et des techniques et des procédés inconnus jusqualors sont apparus. Le progrès technique a modifié le milieu de travail et chaque nouvelle avancée a retenti dune façon ou dune autre sur la santé des travailleurs. Les maladies professionnelles en général et les dermatoses en particulier sont depuis longtemps une conséquence imprévue du progrès industriel.
Il y a cinquante ans aux Etats-Unis, par exemple, les dermatoses professionnelles constituaient pas moins de 65 à 70% du contingent des maladies professionnelles déclarées; selon des statistiques récentes du ministère américain du Travail, elles ne représenteraient plus que 34% environ. Cette diminution serait le résultat du développement de lautomatisation, du confinement des procédés de fabrication et dune meilleure formation des chefs dentreprise, des personnels dencadrement et des travailleurs à tous les aspects de la prévention des maladies professionnelles. Toutes ces mesures ont certes profité aux salariés des nombreuses grandes entreprises dotées de services de prévention efficaces, mais bien des personnes travaillent encore dans des conditions qui favorisent la survenue de maladies professionnelles. On ne dispose hélas daucune information précise sur le nombre de cas et de journées de travail perdues, sur les facteurs étiologiques et sur le coût réel des dermatoses professionnelles dans la plupart des pays.
De manière générale, on désigne les maladies professionnelles de la peau sous des appellations diverses: dermatite professionnelle ou eczéma professionnel voire si elles sont propres à une substance ou à une profession particulière grâce à des expressions se rapportant à la fois à la cause et à leffet: dermite des cimentiers, pigeonneaux du chrome, acné chlorique, prurit de la fibre de verre, boutons dhuile ou encore urticaire de contact dû au latex. En raison du grand nombre daltérations cutanées que peuvent causer les agents mis en uvre dans les entreprises et les conditions qui y prévalent, on regroupe à juste titre lensemble de la pathologie cutanée due au travail sous le terme de dermatoses professionnelles terme qui englobe toute anomalie causée ou aggravée par le milieu de travail. Mentionnons que la peau peut également être la voie de pénétration de certains produits toxiques à lorigine dune intoxication chimique par absorption percutanée.
Lexpérience nous a appris que la peau peut réagir à de très nombreux agents mécaniques, physiques, biologiques et chimiques, seuls ou combinés. En dépit de cette vulnérabilité, la dermatite professionnelle nest pas une conséquence inévitable du travail. La majorité des travailleurs parviennent en effet à rester indemnes de tout trouble cutané professionnel invalidant, dune part en raison de la protection inhérente à la structure et à la physiologie de la peau, dautre part grâce au recours quotidien à des mesures de protection individuelle qui limitent le contact de la peau avec les agents nocifs employés sur le lieu de travail. Le fait que la plupart des travailleurs soient épargnés est aussi à imputer cest du moins ce que lon peut espérer à des aménagements des postes destinés à réduire les risques cutanés.
Sauf à la paume et à la plante, la peau humaine est assez fine et dépaisseur variable. Elle comprend deux couches: lépiderme (externe) et le derme (interne). Ce dernier peut faire office de barrière souple grâce à la trame collagène et aux fibres élastiques qui le composent. Dans la plupart des cas, la peau constitue une protection exceptionnelle contre les agressions mécaniques et la pénétration de nombreuses substances chimiques. Elle limite les pertes hydriques de lorganisme et protège des effets de la lumière naturelle et artificielle, de la chaleur et du froid. La peau saine et ses sécrétions forment un rempart relativement efficace contre les micro-organismes, à condition de ne pas être altérée par des lésions mécaniques ou chimiques. La figure 12.1 montre la composition de la peau et ses fonctions physiologiques.
La couche épidermique externe de cellules mortes que lon appelle la kératine assure la protection contre les agents extérieurs. Ces cellules, les kératinocytes, peuvent former des callosités protectrices lorsquelles sont exposées à des frottements et à des pressions répétés et elles peuvent sépaissir après exposition aux rayons ultraviolets. Normalement disposés en bardeaux sur 15 ou 16 couches, les kératinocytes offrent une assez bonne protection contre leau, les substances hydrosolubles et les acides faibles, mais ils résistent moins bien à un contact répété ou prolongé avec des composés alcalins organiques ou inorganiques, même en faible concentration. Les substances alcalines amollissent les kératinocytes, sans toutefois les dissoudre complètement. Elles en bouleversent la structure interne à tel point, cependant, que la cohésion cellulaire sen trouve affaiblie. Lintégrité de la couche kératinique dépend de sa teneur en eau qui, à son tour, détermine sa pliabilité. Lorsque la température ou lhumidité diminuent, de même que sous linfluence de produits chimiques dessiccants tels que les acides, les bases, les détergents et les solvants puissants, la couche cornée perd de son eau, se déssèche et enfin se craquèle. Il sensuit que les facteurs dambiance ou les produits chimiques qui abaissent la teneur normale de la kératine en eau lempêchent de jouer son rôle de rempart et en compromettent les défenses.
Les systèmes de défense cutanés ne sont efficaces que dans certaines limites. Toute rupture dun ou de plusieurs maillons entrave lefficacité de la totalité de la chaîne défensive. Par exemple, labsorption percutanée est accrue en cas de rupture de la continuité de la peau provoquée par des lésions physiques ou chimiques ou par une abrasion mécanique de la couche de kératine. Les substances toxiques peuvent être absorbées par la peau, mais aussi par les follicules pileux, les pores cutanés et les canaux sudoripares, même si ces dernières voies sont moins importantes que labsorption transépidermique. Un certain nombre de substances chimiques utilisées dans lindustrie et lagriculture ont provoqué une intoxication générale de lorganisme après absorption percutanée. Cest le cas notamment du mercure, du tétraéthylplomb, des composés aromatiques et amino-nitrés, de certains pesticides organo-phosphatés ou à base dhydrocarbures chlorés. Notons que, pour de nombreuses substances, cest linhalation qui provoque le plus souvent une intoxication généralisée, mais labsorption par voie percutanée est possible et ne saurait être négligée.
La barrière cutanée possède la remarquable propriété de pouvoir renouveler en permanence les cellules germinatives de la membrane basale, assurant ainsi à lépiderme un système intégré de réplication et de réparation.
La peau joue le rôle déchangeur de chaleur qui est indispensable à la vie. Le fonctionnement des glandes sudoripares, la vasodilatation et la vasoconstriction, sous commande du système nerveux sont, tout comme lévaporation de leau à la surface de la peau, des phénomènes essentiels à la régulation thermique de lorganisme. La constriction des vaisseaux sanguins assure une protection contre le froid en préservant la température centrale du corps. Les nombreuses terminaisons nerveuses qui se trouvent à lintérieur du tissu cutané jouent le rôle de récepteurs de la chaleur, du froid et dautres stimuli dont elles signalent la présence au système nerveux qui répond en retour à la stimulation.
Les cellules pigmentaires de la peau, les mélanocytes, jouent un rôle très important par leur fonction protectrice. Incluses parmi les cellules basales, dans la partie la plus profonde de lépiderme, ces cellules produisent le pigment mélanique (mélanine) qui protège la peau des rayons ultraviolets, composants dangereux de la lumière solaire et de certains types de lumières artificielles. Les grains de mélanine sont captés par les cellules épidermiques et font office de filtre vis-à-vis des rayonnements de lumière naturelle ou artificielle qui traversent la peau. La couche des kératinocytes apporte une protection supplémentaire, quoique moindre, puisquelle sépaissit après exposition aux ultraviolets. Comme nous lexpliquons ci-après, il est indispensable que les personnes qui travaillent à lextérieur appliquent un écran solaire anti-UV-A et anti-UV-B (indice égal ou supérieur à 15) sur les parties de leur corps qui sont exposées au soleil et quelles portent des vêtements assurant une bonne protection contre les lésions actiniques.
Les dermatoses professionnelles sont daspect (morphologie) et de gravité variables. Elles peuvent aller dun léger érythème (rougeur) ou dun changement de coloration de la peau à une altération beaucoup plus complexe telle quune tumeur maligne. En dépit du grand nombre de substances reconnues comme étant capables dinduire des anomalies cutanées, il est difficile en pratique détablir la relation causale entre une lésion spécifique et une exposition à une substance donnée. Quelques catégories de produits chimiques sont cependant associées à des réactions caractéristiques et la nature des lésions, de même que leur localisation peuvent constituer un bon indice de causalité.
Un certain nombre dagents chimiques exerçant ou non un effet toxique cutané direct peuvent également causer une intoxication généralisée après avoir été absorbés par la peau. Pour pouvoir agir comme toxique systémique, lagent doit traverser la couche cornée et les différentes couches de létage épidermique, puis la jonction dermo-épidermique. A cet endroit, il peut facilement passer dans le système sanguin ou lymphatique et être transporté jusquaux organes cibles sensibles.
La dermatite eczémateuse de contact aiguë peut être provoquée par plusieurs centaines de substances chimiques, végétales et photoréactives irritantes et sensibilisantes. La plupart des dermatoses allergiques professionnelles peuvent être classées parmi les dermatites eczémateuses de contact aiguës. Les signes cliniques sont la chaleur, la rougeur, la tuméfaction, la présence de vésicules et le suintement, les symptômes étant le prurit et la sensation de brûlure et de malaise général. La dermatite de contact aiguë siège de préférence dans un premier temps sur le dos des mains, à la face interne des poignets et des avant-bras, mais à un stade plus avancé toutes les topographies sont possibles. Si la dermatose apparaît au niveau du front, des paupières, des oreilles, du visage ou du cou, elle est vraisemblablement due à des poussières ou à des vapeurs. La dermatite de contact généralisée, qui ne se limite pas à une ou à quelques localisations spécifiques, est en principe provoquée par une exposition plus importante telle que le port de vêtements contaminés, ou par une autosensibilisation à partir dune dermatite préexistante. Une vésication importante ou une destruction tissulaire traduisent généralement laction dun agent irritant absolu ou puissant. Les antécédents dexposition, recueillis dans le cadre des consultations spécialisées de dermatologie, peuvent permettre lidentification de lagent causal. Un des articles du présent chapitre fournit des compléments dinformation sur la dermatite de contact.
Par un effet cumulatif, le contact répété avec les agents faiblement et modérément irritants peut induire une forme subaiguë de dermatite de contact, caractérisée par la présence de plaques rouges et sèches. La persistance de lexposition entraîne une évolution de la dermatite vers la chronicité.
Quand une dermatite récidive pendant une longue période, elle prend le nom de dermatite eczémateuse de contact chronique. Les mains, les doigts, les poignets et les avant-bras sont le siège le plus fréquent des lésions eczémateuses chroniques, caractérisées par une peau sèche, épaissie et squameuse. Des crevasses et des fissures peuvent apparaître au niveau des doigts et des paumes, accompagnées ou non dune dystrophie unguéale chronique. Il arrive souvent que les lésions suintent en cas de réexposition à lagent responsable ou après un traitement et des soins trop agressifs. De nombreuses substances sans rapport avec la dermatose initiale sont susceptibles dentretenir ce problème cutané chronique récidivant.
La plupart des photoréactions cutanées sont de nature phototoxique. Les sources de lumière naturelle et artificielle, seules ou associées à diverses substances chimiques, végétales ou médicamenteuses, peuvent provoquer une réaction phototoxique ou photosensible. La réaction phototoxique est généralement limitée aux zones exposées à la lumière, alors que la réaction photosensible peut fort bien se développer dans des parties du corps non exposées. Parmi les agents photoréactifs, il faut citer les substances chimiques comme les produits de distillation du goudron de houille tels que la créosote, le brai et les anthracènes. Ajoutons à cette liste des végétaux comme ceux de la famille des ombellifères: le céleri, le panais et la carotte sauvage, le fenouil et laneth dont les agents réactogènes sont les psoralènes.
Les travailleurs exerçant des métiers malpropres présentent souvent des lésions des orifices folliculaires. Les comédons (points noirs) peuvent être la seule conséquence visible de lexposition, mais ils saccompagnent souvent dune infection secondaire du follicule. Le manque dhygiène corporelle et des habitudes de toilette trop sommaires peuvent aggraver le problème. Les lésions folliculaires apparaissent indifféremment sur toutes les parties du corps à lexception des régions palmo-plantaires. Les sièges les plus fréquents sont toutefois les avant-bras et, plus rarement, les cuisses et les fesses.
Les dermatoses folliculaires et acnéiformes sont dues à une exposition excessive à des fluides de coupe insolubles, à plusieurs dérivés du goudron, à la paraffine ainsi quà certains hydrocarbures aromatiques chlorés. Lacné provoquée par lun de ces agents peut être très étendue. Lacné chlorique est la forme la plus grave, non seulement pour des raisons esthétiques (défiguration par hyperpigmentation et cicatrices), mais aussi en raison des troubles hépatiques qui peuvent laccompagner, dont la porphyrie cutanée tardive, et dautres effets systémiques que les substances chimiques peuvent avoir. Au nombre des substances chimiques responsables de lacné chlorique figurent les chloronaphtalènes, les chlorodiphényles, les chlorotriphényles, lhexachlorodibenzo-p-dioxine, le tétrachloroazoxybenzène et la tétrachlorodibenzodioxine (TCDD). Les comédons et les lésions kystiques de lacné chlorique apparaissent souvent dabord sur les côtés du front et sur les paupières. Si lexposition se poursuit, des lésions étendues peuvent se produire en tout endroit du corps, sauf aux paumes et aux plantes.
De nombreux travailleurs sont exposés à la chaleur. Lorsquil fait trop chaud, quils transpirent abondamment et que la sueur à la surface de leur peau sévapore mal, ils peuvent souffrir dune miliaire. Lirritation de la région lésée par frottement peau contre peau entraîne fréquemment une infection bactérienne ou fongique secondaire, en particulier dans la région axillaire, sous les seins, au niveau de laine et entre les fesses.
Les changements de coloration de la peau dorigine professionnelle peuvent résulter du contact avec les colorants, les métaux lourds, les explosifs, certains hydrocarbures chlorés, les goudrons et la lumière solaire. Ces changements peuvent nêtre rien de plus quune coloration chimique de la kératine: cest ce qui se produit avec la métaphénylènediamine, le bleu de méthylène ou le trinitrotoluène. Il peut sagir aussi dun pigment plus profondément implanté et qui affecte la peau de façon permanente comme dans largyrie ou les tatouages traumatiques. Lhyperpigmentation causée par les hydrocarbures chlorés, les composés du goudron, les métaux lourds et les huiles de pétrole résulte généralement dune stimulation et dune augmentation de la production de mélanine. Lhypopigmentation ou la dépigmentation localisées du tissu cutané peuvent être la conséquence dune brûlure préexistante, dune dermatite de contact, dune exposition à des composés de lhydroquinone ou dautres antioxydants utilisés dans certaines colles et certains antiseptiques dont lamylphénol tertiaire, le butylcatéchol tertiaire et le butylphénol tertiaire.
Les lésions néoplasiques dorigine professionnelle peuvent être malignes ou bénignes (cancéreuses ou non cancéreuses). Le mélanome et le cancer cutané non mélanocytaire sont traités dans deux articles distincts du présent chapitre. Les kystes traumatiques, les fibromes, les verrues induites par lamiante, le pétrole ou le goudron et les kérato-acanthomes sont des néoformations bénignes caractéristiques. Les kérato-acanthomes peuvent être associées à une exposition solaire excessive ou encore au contact avec le pétrole, le brai et le goudron.
Lacide chromique, le dichromate de potassium concentré, le trioxyde darsenic, loxyde de calcium, le nitrate de calcium et le carbure de calcium sont des agents ulcérants notoires. Ils provoquent le plus souvent des lésions au niveau des doigts, des mains, des plis de flexion et des plis palmaires, mais plusieurs dentre eux peuvent aussi causer une perforation de la cloison nasale.
Les brûlures chimiques et thermiques, les contusions et les infections bactériennes et fongiques peuvent évoluer vers une ulcération de la zone lésée.
De nombreuses expositions professionnelles peuvent être à lorigine de granulomes si les conditions propices à leur apparition sont réunies. Cest ainsi que des bactéries, des champignons, des virus ou des parasites ont pu causer des granulomes dorigine professionnelle. Les substances inertes telles que les fragments osseux, les échardes de bois, les cendres, les coraux et gravillons et les minéraux comme le béryllium, la silice et le zirconium peuvent eux aussi donner lieu, après enchâssement dans la peau, à la formation de granulomes.
Les dermatites de contact dorigine professionnelle représentent 80% au moins de lensemble des dermatoses professionnelles. Outre celles citées précédemment, dautres anomalies sont susceptibles daffecter la peau, les cheveux et les ongles. Cest le cas notamment de lalopécie secondaire aux brûlures, aux agressions mécaniques ou à lexposition à certaines substances chimiques ou encore de la bouffée vasomotrice du visage qui succède à labsorption dalcool accompagnée de linhalation de certains agents chimiques tels que le trichloroéthylène ou le disulfiram. Mentionnons aussi lacro-ostéolyse, affection osseuse des doigts, accompagnée de troubles vasculaires des mains et des avant-bras (avec ou sans syndrome de Raynaud) que lon a pu constater chez des ouvriers nettoyant les cuves de polymérisation du poly(chlorure de vinyle). Les altérations unguéales sont traitées dans un autre article du présent chapitre.
On ne connaît que partiellement les mécanismes daction des agents irritants primaires; cest ainsi que certains gaz vésicants (la moutarde à lazote, le bromométhane, la lewisite, etc.) agissent sur certaines enzymes de la peau et bloquent telle ou telle phase du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines. On ignore pourquoi et de quelle manière se forme la vésicule (phlyctène), mais lobservation des réactions de ces substances chimiques in vitro donne une idée des mécanismes biologiques possibles.
En résumé, une base réagissant toujours avec un acide, un lipide ou une protéine, on en a conclu quune telle réaction peut aussi se produire avec les lipides et les protéines du tissu cutané. Ce phénomène se traduit par une modification des lipides superficiels doù résulte une perturbation de la structure de la kératine. Les solvants organiques et inorganiques dissolvent les graisses et les huiles et on peut imaginer quils exercent le même effet sur les lipides cutanés. Toutefois, il semble quen outre les solvants éliminent certaines substances ou modifient le tissu cutané de manière que la couche de kératine se déshydrate et que les défenses cutanées perdent de leur efficacité. Les agressions prolongées provoquent une réaction inflammatoire qui évolue vers une dermatite de contact.
Certaines substances chimiques se combinent facilement avec leau présente à lintérieur et à la surface de la peau et provoquent une réaction chimique puissante. Quelques composés du calcium, notamment loxyde de calcium ou le chlorure de calcium, exercent leur action de cette manière.
Certaines substances par exemple le brai de houille, la créosote, le pétrole brut, certains hydrocarbures aromatiques chlorés , lorsquelles sont associées à lexposition solaire, stimulent les mélanocytes et provoquent une hyperpigmentation. La dermatite aiguë peut également causer une hyperpigmentation après sa guérison. Réciproquement, les brûlures, les agressions mécaniques, la dermatite de contact chronique, le contact avec léther monobenzylique de lhydroquinone ou avec certaines substances phénoliques peuvent inhiber, complètement ou partiellement, la mélanogenèse et provoquer une hypopigmentation ou une dépigmentation cutanée.
Le trioxyde darsenic, le brai de houille, la lumière solaire et les rayonnements ionisants, entre autres, peuvent léser les cellules cutanées dont la croissance anormale aboutit à des altérations cancéreuses de la peau exposée.
A la différence de lirritation primaire, la sensibilisation allergique est la conséquence dune altération spécifiquement acquise de la capacité de réaction, due à une activation des lymphocytes T. Depuis plusieurs années, il est établi que la dermatite de contact allergique représente 20% environ de lensemble des dermatoses professionnelles. Cette estimation est sans doute en deçà de la réalité, puisquon ne cesse dintroduire de nouveaux produits chimiques dans les entreprises dont un grand nombre sont connus pour induire des dermatites de contact de nature allergique.
Le nombre de substances ou de situations pouvant provoquer une dermatose professionnelle est infini. On les classe par catégories agents mécaniques, physiques, biologiques et chimiques et leur nombre ne cesse de croître dannée en année.
Le frottement, la pression ou dautres types dagressions plus violents peuvent déterminer des altérations qui vont des simples callosités ou ampoules à la myosite, en passant par la ténosynovite, les lésions osseuses ou nerveuses, les lacérations, la déchirure tissulaire et les abrasions. Les lacérations, les abrasions, les déchirures tissulaires et les ampoules ouvrent la voie aux infections secondaires bactériennes ou, moins souvent, fongiques. La plupart des travailleurs sont exposés quotidiennement à des agressions diverses dont lintensité peut être faible ou modérée. Toutefois, ceux qui emploient des riveteuses, des burins, des marteaux-perforateurs, des marteaux-piqueurs ou autres outils pneumatiques sont plus susceptibles de lésions aux mains et aux avant-bras, quil sagisse datteintes neuro-vasculaires et des tissus mous ou du développement pathologique de tissu fibreux ou osseux. Lutilisation doutils vibrants fonctionnant à une certaine gamme de fréquences peut causer des spasmes douloureux des doigts de la main qui tient loutil. Laffectation à un autre travail, lorsque cette solution est possible, atténue généralement les troubles. Le matériel moderne est conçu pour réduire les vibrations et prévenir ainsi les problèmes.
La chaleur, le froid, lélectricité, la lumière solaire, le rayonnement ultraviolet artificiel, les rayons laser et les sources de rayonnement à haute énergie comme les installations à rayons X, le radium et dautres substances radioactives sont potentiellement dangereux pour la peau et pour lensemble de lorganisme. Les températures élevées, la grande humidité que lon rencontre dans certains lieux de travail ou sous les climats tropicaux peuvent entraver la sudation et entraîner une atteinte générale: le syndrome de rétention sudorale. Une exposition plus modérée à la chaleur peut induire une miliaire, un intertrigo (irritation par frottement), une macération cutanée avec risque dinfection bactérienne ou fongique, en particulier chez les sujets atteints de surcharge pondérale et chez les diabétiques.
Les brûlures thermiques sont fréquentes chez les opérateurs de fours électriques, les fondeurs de plomb, les soudeurs, les chimistes travaillant en laboratoire, les ouvriers des pipelines ou le personnel dentretien de la voirie, les couvreurs et les travailleurs de la distillation de goudron qui manipulent le goudron liquide. Lexposition prolongée à leau froide ou à des températures basses provoque des atteintes de gravité variable, allant de lérythème et des phlyctènes (vésiculation) à lulcération, voire à la gangrène. Les gelures du nez, des oreilles, des doigts et des orteils sont des formes courantes de lésions dues au froid chez les ouvriers du bâtiment, les pompiers, les employés des postes, les militaires et dautres travailleurs en plein air.
Les accidents électriques par contact avec des fils dénudés ou des appareils électriques défectueux ou à la suite de courts-circuits provoquent des brûlures de la peau qui détruisent les tissus profonds.
Les travailleurs totalement exempts dexposition au rayonnement solaire sont rares et certains sujets fréquemment exposés peuvent présenter des lésions cutanées actiniques graves. En outre, lindustrie utilise de nos jours maintes sources de rayonnement ultraviolet artificiel potentiellement dangereux. Parmi les travaux caractérisés par de telles sources, il faut citer le soudage, loxycoupage, la coulée de métal en fusion, le soufflage du verre, la conduite de fours électriques, le travail au chalumeau à plasma et les procédés utilisant les rayons laser. Les rayons ultraviolets de la lumière naturelle ou artificielle ne sont pas les seuls à être susceptibles de provoquer des lésions cutanées; le goudron de houille et plusieurs de ses dérivés, notamment certains colorants, ainsi que certaines plantes ou certains fruits contenant des agents phytotoxiques et plusieurs médicaments à administration locale ou parentérale renferment des substances chimiques dangereuses qui sont activées par des longueurs donde particulières des rayons ultraviolets. Cette photosensibilisation peut revêtir un caractère toxique ou allergique.
Lénergie électromagnétique dintensité élevée que développent les faisceaux laser peut provoquer des lésions des tissus de lorganisme humain, de lil en particulier. Le risque de lésions cutanées est moindre, mais nest pas à écarter.
Les expositions professionnelles aux bactéries, aux agents mycosiques, aux virus et aux parasites peuvent être à lorigine dinfections primaires ou secondaires de la peau. Avant lavènement de lantibiothérapie moderne, les infections bactériennes et fongiques étaient plus fréquentes et invalidantes, voire mortelles. Linfection bactérienne peut survenir dans toute activité professionnelle, mais le risque dexposition est plus important dans certaines professions telles que éleveurs et autres métiers animaliers, agriculteurs, pêcheurs, employés des industries alimentaires ou travailleurs du cuir et des peaux. De même, les infections fongiques (levures) sont fréquentes chez les boulangers, les barmen, les ouvriers des conserveries ou de la transformation alimentaire, les cuisiniers et les plongeurs, le personnel des garderies et des crèches. Par comparaison avec les dermatoses dorigine chimique, celles dues aux infections parasitaires sont peu fréquentes, mais quand elles surviennent, on les observe surtout chez les travailleurs de lagriculture ou de lélevage, chez les préposés à la manutention des céréales et les moissonneurs, ainsi que chez les dockers et les employés des silos.
Les infections cutanées virales dorigine professionnelle sont numériquement peu importantes, mais certaines dentre elles sont encore signalées, notamment le nodule des trayeurs chez les employés de laiteries, lherpès simplex chez le personnel médical et dentaire, et la variole ovine (clavelée) chez les éleveurs de bétail.
Les agents chimiques organiques et inorganiques constituent la principale source de risques pour la peau. Des centaines dagents nouveaux sont introduits sur les lieux de travail chaque année dont bon nombre peuvent léser la peau soit comme irritants cutanés primaires, soit comme substances sensibilisantes et allergisantes. On estime que 75% des dermatoses professionnelles sont imputables au contact avec des irritants chimiques primaires. Cependant, dans les centres de soins où lon pratique couramment des tests épicutanés diagnostiques, on note chez les travailleurs une augmentation de la fréquence des dermatites de contact de type allergique. Par définition, un agent irritant primaire est une substance chimique qui attaque la peau sans distinction chez les sujets, à condition que lexposition ait été suffisante. Les irritants absolus (ou forts) provoquent des lésions sur une peau quelconque dans les quelques minutes qui suivent le contact ou quelques heures plus tard; cest le cas des acides et des bases concentrés, des sels métalliques, de certains solvants et gaz. On peut observer de tels effets toxiques en quelques minutes, selon la concentration de la substance en contact et la durée du contact. A linverse, maints agents acides et bases dilués, poussières alcalines, de nombreux solvants et fluides de coupe solubles, entre autres peuvent navoir des effets observables que plusieurs jours plus tard. Ce sont des substances dites faiblement ou relativement irritantes.
Les plantes et les bois sont souvent considérés, du point de vue des dermatoses professionnelles, comme des facteurs étiologiques distincts, mais peuvent être rangés à bon droit parmi les agents chimiques. De nombreuses plantes provoquent une irritation mécanique ou chimique et une sensibilisation allergique; dautres sont mieux connues pour leur pouvoir photosensibilisant. La famille des anacardiacées, qui comprend notamment le sumac vénéneux (herbe à puce), lanacardier (qui fournit lhuile de coquille de noix de cajou) et lAnacardium semecarpus, est une cause bien connue de dermatites professionnelles en raison dun groupe de composants actifs, les phénols polyhydriques, que les arbres et les arbustes de cette famille renferment. Les sumacs vénéneux sont fréquemment à lorigine de dermatites de contact allergiques. Parmi les autres plantes responsables de dermatites de contact, professionnelles ou extraprofessionnelles, figurent les graines de ricin, le chrysanthème, le houblon, le jute, le laurier-rose, lananas, la primevère, lherbe à poux ou le séneçon, les bulbes de jacinthe et de tulipe. On a aussi incriminé certains fruits et légumes (asperge, carotte, céleri, chicorée, agrumes, ail et oignon) dans la survenue des dermatites de contact chez les personnes qui les récoltent, ainsi que chez celles qui sont préposées au conditionnement et à la préparation de produits alimentaires.
On a attribué à diverses essences la responsabilité de dermatoses professionnelles chez les bûcherons, les employés des scieries, les charpentiers et autres artisans du bois. Cependant, les affections cutanées dues au bois sont beaucoup moins fréquentes que celles dues aux plantes. Il est probable que les oléorésines contenues dans le bois provoquent moins de dermatites réactionnelles que certaines des substances chimiques couramment utilisées comme xyloprotecteurs. Parmi les produits chimiques employés pour préserver le bois contre les insectes, les champignons et la dégradation provoquée par la terre et lhumidité, il faut citer les diphényles et les naphtalènes chlorés, le naphténate de cuivre, la créosote, les fluorures, les composés mercuriels organiques, le goudron et certains composés arsenicaux.
Il ressort de ce qui précède quil nest à proprement parler pas une seule profession qui soit exempte de risque dermatologique, sous une forme ou sous une autre, parfois manifeste, parfois occulte. Certains facteurs indirects ou prédisposants peuvent être intéressants à cet égard. Une prédisposition peut être ethnique ou congénitale, elle peut aussi résulter dun déficit du pouvoir physiologique de protection de la peau résultant dexpositions antérieures. Quelle quen soit la raison, certains travailleurs présentent une tolérance moindre à certaines substances ou conditions de travail. Dans les grandes entreprises industrielles qui disposent de programmes sanitaires, il est plus facile daffecter ces sujets à des postes où leur santé ne sera pas menacée, mais dans les petites entreprises, les facteurs prédisposants ou indirects peuvent ne pas recevoir de la part des médecins lattention quils méritent.
Plusieurs maladies de la peau dorigine extraprofessionnelle peuvent être aggravées par des facteurs professionnels. Les plus connues dentre elles sont les suivantes:
Lacné. Lacné juvénile peut empirer en cas dexposition au goudron et aux produits utilisés dans lusinage et la mécanique. Les huiles non solubles, de nombreux dérivés du goudron, les graisses et les agents chimiques inducteurs de lacné chlorique sont particulièrement dangereux pour ces sujets.
Les eczémas chroniques. Il peut parfois savérer difficile détablir létiologie de leczéma chronique affectant la main et parfois des sites à distance. Au diagnostic, ce type deczéma peut en effet se présenter comme une dermatite allergique, un eczéma dyshidrosique, un eczéma atopique, un psoriasis pustuleux ou une mycose. Quelle que soit la maladie, léruption peut être aggravée par bien des agents chimiques irritants, dont les plastiques, les solvants, les fluides de coupe, les détergents industriels ou encore lhumidité prolongée. Les sujets qui en sont atteints peuvent continuer à travailler dans les mêmes conditions, mais au prix dune gêne considérable et probablement dune baisse de rendement.
Les dermatomycoses. Les infections fongiques peuvent être aggravées par le travail. Si linfection touche aussi les ongles, il peut savérer difficile dapprécier le rôle joué par les agents chimiques ou traumatiques dans cette atteinte. Les sujets présentant une dermatomycose chronique des pieds (pied dathlète) sont menacés dexacerbations périodiques, surtout sils sont contraints de porter de grosses chaussures.
Lhyperhidrose. La transpiration excessive au niveau de la paume et de la plante peut ramollir la peau (macération), surtout quand le port de gants imperméables ou de chaussures protectrices est nécessaire. Les sujets dans ce cas sont plus vulnérables aux effets dautres expositions.
Maladies diverses. Les travailleurs présentant une photoéruption polymorphe, un lupus érythémateux discoïde chronique, une porphyrie ou un vitiligo encourent un risque nettement accru, notamment en cas dexposition simultanée aux rayons ultraviolets naturels ou artificiels.
Les roux et les blonds aux yeux bleus, surtout ceux dorigine celtique, supportent moins bien le soleil que les sujets à peau plus sombre. De plus, ce type de peau tolère également moins bien lexposition aux produits chimiques et aux végétaux photoréactifs et semble plus sensible à laction des solvants et autres irritants primaires. En règle générale, la peau des Noirs tolère mieux la lumière solaire et les substances chimiques photoréactives, et a moins tendance à développer des cancers cutanés. Cependant, les peaux sombres ont tendance à réagir aux agressions mécaniques, physiques et chimiques par une pigmentation postinflammatoire. Elles ont également une plus grande prédisposition aux chéloïdes après un traumatisme.
Certains types de peaux, tels que les peaux velues, grasses ou mates, sont plus vulnérables que les autres à la folliculite et à lacné. Les sujets à peau sèche ou ichtyosique sont désavantagés sils doivent travailler dans des ambiances dont le degré hygrométrique est peu élevé ou avec des substances chimiques qui déshydratent la peau. Pour ceux qui transpirent abondamment, la nécessité de porter des vêtements protecteurs imperméables ajoute à leur inconfort. De même, les obèses sont menacés de dermatose intertrigineuse ou de miliaire en été, sils séjournent sous les tropiques ou sils doivent travailler dans des ambiances surchauffées. La transpiration contribue au rafraîchissement de la peau, mais elle peut également hydrolyser certaines substances chimiques qui se comportent alors comme des agents irritants cutanés.
La cause et leffet des dermatoses professionnelles peuvent être établis par un interrogatoire détaillé portant sur les troubles anciens et ceux du moment, ainsi que sur la situation professionnelle du travailleur. Les antécédents familiaux, surtout allergiques, et les maladies de lenfance sont importants à connaître. Il convient de noter le nom de la profession, la nature du travail, les substances manipulées, le nombre dannées dancienneté. Il est important de savoir quand et en quel endroit de la peau est apparue léruption, son évolution pendant les arrêts de travail, si dautres travailleurs ont présenté des troubles, les produits utilisés pour nettoyer et protéger la peau, ainsi que la nature du traitement entrepris (en automédication et sur prescription); on précisera également si le sujet a une peau sèche ou un eczéma chronique des mains ou un psoriasis et sil a dautres troubles cutanés; le nom des médicaments éventuellement pris pour une maladie particulière; et, enfin, les produits employés à la maison pour des activités telles que le jardinage, la menuiserie ou la peinture.
Les informations suivantes sont importantes pour le diagnostic clinique:
La dermatite eczémateuse de contact aiguë dorigine professionnelle a tendance à samender après élimination du contact. De plus, les traitements modernes peuvent en accélérer la guérison. Cependant, si le travailleur est autorisé à reprendre le travail dans les mêmes conditions, sans quil soit dûment informé des précautions nécessaires et sans que son employeur ait pris des mesures préventives, il est probable que la dermatose récidivera rapidement après la reprise de lexposition.
Les dermatoses eczémateuses chroniques, les lésions acnéiformes et les dyschromies réagissent moins bien au traitement, même après lélimination du contact, contrairement aux ulcérations avec lesquelles on constate en général une amélioration après cessation de lexposition. Dans le cas des lésions granulomateuses et tumorales, la suppression du contact agresseur peut prévenir lapparition de nouvelles lésions, mais na quun effet minime ou nul sur la maladie déjà installée.
Lorsquon soupçonne une dermatose professionnelle chez un patient, il faut rechercher dautres causes si on ne note pas damélioration dans les deux mois qui suivent larrêt du contact avec lagent responsable présumé. Toutefois, dans le cas des dermatoses induites par des métaux tels que le nickel et le chrome, la situation est différente. Ces dermatoses ont une évolution notoirement longue, à cause notamment de leur nature ubiquitaire et le fait quun sujet nait pas de contact avec le milieu de travail ne permet pas dexclure une étiologie professionnelle. Mais si on a pu éliminer lun ou lautre de ces métaux ou dautres allergènes potentiels comme agent causal, il est raisonnable de dénier lorigine professionnelle de la maladie, et on pourra alors sorienter vers une autre cause, éventuellement un contact extraprofessionnel avec ces métaux, par exemple lors de lentretien et de la réparation dautomobiles et de bateaux, de lutilisation de colles à carrelage, dactivités de jardinage, ou encore un traitement médical mal toléré, quil soit pris en automédication ou sur prescription.
Il existe trois types histologiques de cancers de la peau non mélanocytaires (CCNM) (CIM-9: 173; CIM-10: C44): les épithéliomas baso-cellulaires, les carcinomes à cellules squameuses et les sarcomes des tissus mous (peau, tissu sous-cutané, glandes sudoripares, glandes sébacées et follicules pileux), de survenue rare.
Lépithélioma baso-cellulaire est le cancer cutané non mélanocytaire le plus fréquent dans les populations de race blanche (75 à 80% de ce type de cancer). Il se développe généralement sur le visage, sétend lentement et a peu tendance à métastaser.
Les cancers à cellules squameuses représentent 20 à 25% des cancers cutanés non mélanocytaires déclarés. Ils peuvent apparaître en nimporte quel endroit du corps, mais tout particulièrement sur les mains et les jambes, et ils peuvent donner des métastases. Chez les sujets à peau fortement pigmentée, les cancers à cellules squameuses sont les cancers cutanés non mélanocytaires les plus fréquents.
Les cancers primitifs multiples de ce type sont courants. La majorité dentre eux se développent sur la tête et le cou, à la différence des mélanomes qui touchent surtout le tronc et les membres. La localisation de ces cancers suit les habitudes vestimentaires.
Leur traitement associe différentes techniques: exérèse, irradiation et chimiothérapie locale auxquels ils répondent bien puisque plus de 95% sont guéris par exérèse (CIRC, 1990).
Il est difficile dévaluer lincidence des cancers cutanés non mélanocytaires, parce que les cas sont notoirement sous-déclarés et que de nombreux registres des cancers ne les incluent pas. Le nombre de nouveaux cas aux Etats-Unis a été estimé à 900 000-1 200 000 en 1994, soit une fréquence comparable au nombre total des cancers autres que ceux de la peau (Miller et Weinstock, 1994). Les incidences déclarées varient considérablement et sont en voie daugmentation dans un certain nombre de populations, en Suisse et aux Etats-Unis, par exemple. Les taux annuels les plus élevés se retrouvent en Tasmanie (167/100 000 chez les hommes et 89/100 000 chez les femmes) et les plus bas en Asie et en Afrique (globalement 1/100 000 chez les hommes et 5/100 000 chez les femmes). Dix fois plus nombreux chez les Blancs que dans les autres races, les cancers cutanés non mélanocytaires sont la forme de cancer la plus fréquente dans la race blanche. Leur létalité est très faible (Higginson et coll., 1992).
La prédisposition aux cancers de la peau est inversement proportionnelle au degré de pigmentation par la mélanine, qui semble jouer un rôle protecteur en sopposant à leffet cancérogène des rayonnements ultraviolets solaires (UV). Le risque de cancer non mélanocytaire dans les populations de race blanche augmente au fur et à mesure que lon se rapproche de léquateur.
En 1992, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, 1992b) a étudié le pouvoir cancérogène du rayonnement solaire et a conclu quil était bien réel chez lhumain et quil induisait des tumeurs malignes cutanées: mélanomes et cancers cutanés non mélanocytaires.
La diminution de lexposition au soleil semble réduire la fréquence de ce type de cancers. Dans la population blanche, 90 à 95% des cancers cutanés non mélanocytaires sont imputables au rayonnement solaire (CIRC, 1990).
Les cancers de ce type peuvent apparaître dans les zones qui sont le siège dune inflammation chronique, dune irritation ou de cicatrices de brûlures. Les traumatismes et les ulcérations chroniques de la peau constituent dimportants facteurs de risque de cancer cutané à cellules squameuses, surtout en Afrique.
La radiothérapie, les chimiothérapies utilisant les moutardes à lazote, les traitements immunosuppresseurs, les psoralènes en association avec une irradiation par les UV-A et les applications de goudron de houille sur les lésions cutanées ont été corrélés à un risque accru de ce type de cancer. La relation entre laugmentation des cancers de la peau chez lhumain et lexposition à larsenic trivalent et aux composés arsenicaux présents dans lenvironnement a été établie (CIRC, 1987). Larsenicisme peut provoquer des kératoses palmo-plantaires arsénieuses, des cancers épidermoïdes et des épithéliomas baso-cellulaires superficiels.
Certaines maladies héréditaires telles que la déficience en enzymes nécessaires à la réparation de lADN lésé par les rayons UV peuvent accroître le risque de cancer cutané non mélanocytaire. Langioréticulose de Kaposi (xeroderma pigmentosum) est lune de ces maladies héréditaires.
Le premier constat de cancer cutané professionnel a été dressé en 1775 par sir Percival Pott. Il était localisé au scrotum chez les ramoneurs et était provoqué par la suie. Au début du XXe siècle, on a pu observer des cancers de ce type chez des renvideurs travaillant dans des filatures de coton où ils étaient exposés à lhuile de schiste servant à lubrifier les bobines de coton. Il devait se révéler que les cancers du scrotum des ramoneurs et des renvideurs étaient en fait dus à des hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA), dont un grand nombre sont cancérogènes chez lanimal, en particulier les HPA à 3, 4 et 5 cycles tels que le benzo[a]pyrène et le dibenzo[a,h]anthracène (CIRC, 1983; 1984a; 1984b; 1985). A côté des mélanges contenant déjà des HPA cancérogènes, des substances cancérogènes peuvent aussi se former par craquage lors du chauffage de composés organiques.
Parmi les autres professions associées à un nombre accru de cancers cutanés non mélanocytaires liés aux HPA, il faut citer: les travailleurs préposés à la réduction de lalumine, à la gazéification du charbon, au pavage et à lentretien des routes ou encore à la production de lhuile de schiste, les travailleurs des fours à coke, les souffleurs de verre, les conducteurs de locomotive, les ajusteurs mécaniciens ou outilleurs (voir tableau 12.1). On trouve des HPA cancérogènes dans les goudrons de houille, les brais qui en dérivent, les autres dérivés du charbon, lhuile danthracène et de créosote, ainsi que les huiles de coupe et de lubrification.
Substance ou agent cancérogène |
Branche ou danger |
Processus ou groupe à risque |
Brai, goudron ou dérivés du goudron |
Réduction de l’alumine |
Travailleurs des ateliers d’électrolyse de l’aluminium |
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Industries du charbon, du gaz et du coke |
Fours à coke, distillation du goudron, fabrication du gaz de houille, chargement du brai |
|
Fabrication de charbon aggloméré |
Fabrication de briquettes |
|
Industrie de l’asphalte |
Construction de routes |
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Utilisateurs de créosote |
Travailleurs des briquetteries et des tuileries, boiseurs |
Suie |
Ramonage |
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Industrie du caoutchouc |
Mélangeurs de noir de carbone (suie commerciale) et d’huile |
Huiles de lubrification et de coupe |
Soufflage du verre |
|
|
Raffinage de l’huile de schiste |
|
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Industrie du coton |
Renvideurs |
|
Travailleurs employant l’huile de paraffine |
|
|
Industries mécaniques |
Ajusteurs et opérateurs de machines d’ajustage en ateliers automatisés (huiles de coupe) |
Arsenic |
Raffinage des lubrifiants |
Personnel de nettoyage des cuves de distillation |
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Usines de bains parasiticides pour moutons |
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Insecticides à base d’arsenic |
Personnel de fabrication et utilisateurs (jardiniers, producteurs de fruits, viticulteurs) |
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Extraction minière de l’arsenic |
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Rayonnements ionisants |
Radiologues |
|
|
Autres travailleurs exposés aux rayonnements |
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Rayonnement ultraviolet |
Travailleurs en plein air |
Agriculteurs, pêcheurs, viticulteurs et autres travailleurs en plein air (ouvriers du bâtiment) |
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UV industriels |
Soudage à l’arc; lampes germicides; procédés de découpage et d’impression |
Dautres professions ont été associées à un risque accru de ce type de cancer: les ouvriers du jute, les travailleurs en plein air, les préparateurs en pharmacie, les ouvriers des scieries, les préposés aux bains parasiticides pour moutons, les pêcheurs, les viticulteurs et les personnes travaillant sur leau. Chez ces dernières qui pour lessentiel pratiquent la pêche traditionnelle, on a mis en évidence dans le Maryland, aux Etats-Unis, un risque accru de cancer, mais à cellules squameuses uniquement. Le rayonnement solaire est une des explications possibles de cet accroissement du risque chez les pêcheurs, les travailleurs en plein air, les viticulteurs et les personnes travaillant sur leau. Outre lexposition au soleil, les pêcheurs sont également appelés à manipuler des huiles et des goudrons, et ils peuvent ingérer de larsenic inorganique en consommant le poisson quils pêchent. Tous ces facteurs peuvent contribuer à lexcès de risque observé dans une étude suédoise sur des populations de pêcheurs, risque qui est le triple de celui trouvé dans les données par comté (Hagmar et coll., 1992). Le risque accru chez les préposés aux bains parasiticides pour moutons peut sexpliquer par la présence de composés arsenicaux qui induisent des cancers cutanés par ingestion plutôt que par contact cutané. Les agriculteurs, pour leur part, ont un risque légèrement accru de mélanome, et un risque de cancer cutané non mélanocytaire qui semble normal si lon en croit les études épidémiologiques menées au Danemark, en Suède et aux Etats-Unis (Blair et coll., 1992).
Les rayonnements ionisants ont entraîné des cancers cutanés chez les premiers radiologues et chez les personnes qui manipulaient le radium. Dans ces deux cas, les expositions étaient prolongées et importantes. Les accidents professionnels causant des lésions de la peau ou une irritation cutanée prolongée peuvent accroître le risque de cancer cutané non mélanocytaire.
Le port de vêtements adaptés au risque et lemploi dune crème solaire ayant un indice protecteur anti-UV-B égal ou supérieur à 15 contribueront à protéger les travailleurs en plein air exposés aux rayons ultraviolets. De plus, le remplacement de certaines substances cancérogènes (notamment des denrées alimentaires) par des substances non cancérogènes est évidemment une autre mesure, qui nest cependant pas toujours possible. Lintensité de lexposition aux substances cancérogènes peut être réduite grâce à linstallation décrans protecteurs sur le matériel, au port de vêtements de protection et à des mesures dhygiène.
Léducation des travailleurs est la clé de voûte du succès de la prévention. Ces derniers doivent en effet être tenus informés de la nature du risque auquel ils sont exposés et des raisons et de lintérêt des mesures de protection.
Enfin, les cancers cutanés se développent généralement sur plusieurs années et beaucoup dentre eux passent par un certain nombre de stades précancéreux avant datteindre leur plein potentiel de malignité, comme dans le cas des kératoses arsenicales et des kérato-acanthomes. Ces premiers stades sont facilement décelables à lexamen visuel. Le dépistage régulier des cancers de la peau offre donc une réelle possibilité de réduire la mortalité chez les sujets dont on sait quils ont été exposés à un agent cancérogène cutané.
Le mélanome malin est plus rare que le cancer cutané non mélanocytaire et, à lexception de lexposition aux rayons du soleil, aucun autre facteur environnemental ne présente dassociation constante avec ce type de cancer. Les corrélations avec la profession, lalimentation et les facteurs hormonaux nont pas été confirmées (Koh et coll., 1993).
Le mélanome malin est un cancer cutané agressif (CIM-9 172.0 à 173.9; CIM-10: C43) qui se développe à partir des cellules produisant les pigments cutanés, généralement à partir dun nævus préexistant. La tumeur a généralement de quelques millimètres à plusieurs centimètres dépaisseur; elle est de couleur brune ou noire, grossit, présente des modifications de couleur et peut saigner ou sulcérer (Balch et coll., 1993).
Les éléments de mauvais pronostic du mélanome malin de la peau sont le sous-type nodulaire, lépaisseur de la tumeur, les tumeurs primitives multiples, les métastases, lulcération, le saignement, lancienneté de la tumeur, son siège et, pour certains sites, lappartenance au sexe masculin. Les antécédents de mélanome malin de la peau augmentent le risque de mélanome secondaire. Dans les régions à incidence élevée, le taux de survie à cinq ans après le diagnostic est de 80 à 85%, mais il est moins bon dans les régions à faible incidence (Ellwood et Koh, 1994; Stidham et coll., 1994).
Il existe quatre types histologiques de mélanome malin de la peau. Premièrement, les mélanomes à extension superficielle qui représentent 60 à 70% de lensemble des mélanomes dans la population blanche et moins dans les autres races. Ces mélanomes progressent en général lentement et sont plus fréquents chez la femme que chez lhomme. Deuxièmement, les mélanomes nodulaires qui représentent 15 à 30% des mélanomes malins de la peau. Ils sont invasifs, croissent rapidement et sont plus fréquents chez les hommes. Troisièmement, les mélanomes malins lentigineux ou taches mélaniques de Hutchinson qui comptent pour 4 à 10%. Ces mélanomes croissent lentement, apparaissent souvent sur le visage des personnes âgées et métastasent rarement. Enfin, dernier type, les mélanomes lentigineux des extrémités qui sont responsables de 35 à 60% de lensemble des mélanomes malins de la peau chez les non-Blancs et de 2 à 8% chez les Blancs. Ces mélanomes se développent souvent à la plante (Bijan, 1993).
On traite les mélanomes malins de la peau en utilisant, seuls ou en association, la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et les traitements biologiques (interféron alpha ou interleukine-2).
Au cours des années quatre-vingt, lincidence annuelle corrigée en fonction de lâge des mélanomes malins de la peau a varié, pour 100 000 habitants, de 0,1 chez les hommes à Khon Kaen, en Thaïlande, à 30,9 environ chez les hommes et 28,5 chez les femmes au Queensland, en Australie (CIRC, 1992b). Les mélanomes malins représentent moins de 1% de lensemble des cancers dans la plupart des populations. Une augmentation annuelle de 5% environ de lincidence des mélanomes a été notée dans la plupart des populations blanches entre le début des années soixante et lannée 1972 environ. La mortalité par mélanome a progressé au cours des dernières décennies dans la plupart des populations, mais à un rythme moins rapide que son incidence, probablement en raison du diagnostic précoce qui en est fait et des campagnes dinformation qui sont maintenant organisées (CIRC, 1992b). Des données plus récentes montrent différents schémas dévolution, certaines indiquant même une tendance à la baisse.
Daprès les statistiques, les mélanomes malins de la peau font partie des dix cancers les plus fréquents en Amérique du Nord, en Australie et en Europe, et leur risque de survenue au cours de la vie est compris entre 1 et 5%. Les populations à peau blanche sont plus menacées que les autres, le risque augmentant chez ces sujets au fur et à mesure que lon se rapproche de léquateur.
La répartition des mélanomes cutanés en fonction du sexe varie beaucoup dune population à lautre (CIRC, 1992a). Dans la majorité dentre elles, lincidence est plus faible chez la femme que chez lhomme; quant au siège des lésions, il varie aussi en fonction du sexe, ces dernières touchant plus volontiers le tronc et la face chez lhomme et les membres chez la femme.
Les mélanomes malins de la peau sont plus fréquents dans les classes socio-économiques élevées que dans les classes plus défavorisées (CIRC, 1992b).
Les mélanomes à composante familiale sont rares, mais ils sont bien documentés, 4 à 10% des patients déclarant des antécédents de mélanome chez leurs parents au premier degré.
Lirradiation par les UV-B solaires est selon toute vraisemblance la principale cause de la hausse très sensible de lincidence des mélanomes cutanés (CIRC, 1993). On ignore toutefois si le trou dans la couche dozone stratosphérique et laugmentation de lirradiation par les UV qui en résulte sont à lorigine du phénomène (CIRC, 1993; Kricker et coll., 1993). Leffet des UV dépend de certaines caractéristiques telles que le phénotype I ou II et la couleur bleue des yeux. On soupçonne sans pour autant disposer de preuve formelle à ce sujet que les rayons UV émis par les lampes fluorescentes jouent un rôle (Beral et coll., 1982).
Daprès les estimations qui ont été faites, une diminution de lexposition solaire pendant les activités de loisirs et lemploi de crèmes solaires devraient permettre de réduire de 40% lincidence des mélanomes malins dans les populations à haut risque (CIRC, 1990). Chez les personnes travaillant en plein air, lapplication de crèmes solaires ayant un indice de protection anti-UV-B de 15 au moins et dune crème solaire anti-UV-A, ainsi que le port de vêtements de protection sont de bonnes mesures de prévention. Sil est possible que les travailleurs en plein air soient davantage exposés au risque du fait de laugmentation de lexposition au rayonnement solaire, les résultats des études sur lexposition en rapport avec lexercice régulier dune profession en plein air ne sont pas cohérents. Ces résultats contradictoires peuvent sexpliquer par des observations épidémiologiques donnant à penser que le risque accru de mélanome nest pas associé à une exposition régulière au rayonnement solaire, mais bien à une exposition intermittente à des doses élevées (CIRC, 1992b).
Les traitements immunosuppresseurs peuvent entraîner un risque accru de mélanome malin de la peau. On a fait également état dune augmentation du risque liée à lemploi des contraceptifs oraux, mais celle-ci semble peu probable (Hannaford et coll., 1991). Les strogènes peuvent induire des mélanomes chez le hamster, mais la preuve dun tel effet chez lhumain na pas pu être apportée.
Chez les adultes de race blanche, la majeure partie des tumeurs malignes intraoculaires primitives sont des mélanomes, qui se développent généralement à partir des mélanocytes du tractus uvéal. La fréquence estimée de ces cancers ne présente pas les variations géographiques et la tendance à augmenter dans le temps observées dans le cas des mélanomes cutanés. Lincidence et la mortalité des mélanomes oculaires sont très faibles chez les sujets de race noire et asiatique (CIRC, 1990; Sahel et coll., 1993). Les causes du mélanome oculaire sont inconnues (Higginson et coll., 1992).
Les études épidémiologiques ont montré un excès de risque de mélanome malin chez les administrateurs et le personnel dencadrement, les pilotes de ligne, les travailleurs de lindustrie chimique, les employés de bureau, les employés des centrales électriques, les mineurs, les physiciens, les policiers et les gardiens, les vendeurs, les travailleurs des raffineries et des entrepôts qui sont exposés à lessence. On a signalé un excès de risque dans des branches comme la production de fibres cellulosiques, les produits chimiques, la confection, les produits électriques et électroniques, la métallurgie, les produits minéraux non métalliques, la pétrochimie, limprimerie et les télécommunications. Un grand nombre de ces observations sont cependant isolées et nont pas été retrouvées dans dautres études. Une série de méta-analyses des risques de cancer chez les agriculteurs (Blair et coll., 1992; Nelemans et coll., 1993) a montré un excès peu important, mais significatif (ratio du risque cumulé de 1,15), des mélanomes malins de la peau dans 11 études épidémiologiques.
Une étude multicentrique cas-témoins des cancers professionnels, menée à Montréal (Canada) (Siemiatycki et coll., 1991), a permis dassocier certaines expositions professionnelles à un risque significativement accru de mélanome malin de la peau: chlore, émissions de moteurs au propane, produits de la pyrolyse des plastiques, poussières de tissu, fibres de laine, fibres acryliques, colles synthétiques, autres peintures, vernis, alkènes chlorés, trichloroéthylène et agents de blanchiment. Compte tenu des associations significatives mises en évidence dans cette étude, on a estimé à 11,1% le risque attribuable aux expositions professionnelles au sein de cette population.
Les termes dermatite et eczéma sont interchangeables et désignent un type particulier de réaction inflammatoire de la peau qui peut être déclenchée par des facteurs internes ou externes. La dermatite de contact professionnelle est un eczéma exogène dû à linteraction de la peau avec des agents chimiques, biologiques ou physiques présents sur le lieu de travail.
La dermatite de contact représente 90% de lensemble des dermatoses professionnelles et, dans 80% des cas, elle affecte le principal outil des travailleurs, leurs mains (Adams, 1988). Ce type de dermatite est habituellement provoqué par le contact direct avec lagent causal, mais dautres mécanismes sont possibles. Ainsi, des substances particulaires comme la poussière ou la fumée et les vapeurs de substances volatiles peuvent entraîner une dermatite de contact aéroportée. Certaines substances peuvent passer des doigts à dautres endroits du corps et provoquer une dermatite de contact ectopique. Enfin, lactivation de lagent réactogène par son exposition à la lumière ultraviolette pourra causer une dermatite de photocontact.
On a coutume de classer la dermatite de contact en deux grandes catégories en fonction de son mécanisme de survenue: dermatite de contact par irritation et dermatite de contact allergique. Le tableau 12.2 recense les principales caractéristiques de lune et de lautre.
Caractéristique |
Dermatite de contact par irritation |
Dermatite de contact allergique |
Mécanisme de production |
Effet cytotoxique direct |
Immunité cellulaire de type retardé (type IV de Gell et Coombs) |
Victimes potentielles |
Tout le monde |
Un petit nombre de sujets |
Survenue |
Progressive, après exposition répétée ou prolongée |
Rapide, en 12-48 heures, chez les sujets sensibilisés |
Signes |
Eczéma subaigu à chronique, avec érythème, desquamation et fissures |
Eczéma aigu à subaigu avec érythème, dème, bulles et vésicules |
Symptômes |
Douleur et sensation de brûlure |
Prurit |
Concentration de l’agent de contact |
Elevée |
Faible |
Consultation |
Antécédents et examen clinique |
Antécédents et examen clinique |
|
|
Tests épicutanés |
La dermatite de contact par irritation résulte dune action cytotoxique directe de lagent responsable. Le système immunitaire participe indirectement aux lésions cutanées en provoquant une inflammation visible de la peau. Avec 80% de lensemble des cas, ce type de dermatite de contact est le plus fréquent de tous.
Les agents irritants sont pour la plupart des substances chimiques que lon classe en fonction de leur effet: immédiat ou cumulatif. Les substances corrosives telles que les bases ou les acides forts font partie des substances irritantes à effet immédiat, car elles provoquent des lésions cutanées en quelques minutes ou quelques heures dexposition. Ces substances sont généralement bien connues et portent une marque distinctive, de sorte que le contact avec elles, lorsquil survient, est le plus souvent accidentel. En revanche, les substances irritantes à effet cumulatif agissent de façon plus insidieuse et sont souvent jugées inoffensives par le travailleur, les lésions pouvant mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines ou mois dexposition répétée avant dapparaître. Comme le montre le tableau 12.3, ces agents irritants regroupent les solvants, les distillats de pétrole, les acides et bases dilués, les savons et détergents, les résines et plastiques, les désinfectants et même leau (Gellin, 1972).
Acides et bases |
|
Savons et détergents |
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Solvants |
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Plastiques |
|
Métaux |
La dermatite de contact par irritation, qui apparaît après plusieurs années de manipulation sans problème dune substance, peut être due à une perte de tolérance consécutive à une défaillance de la barrière épidermique après des agressions infracliniques répétées. Plus rarement, on assiste à un épaississement de lépiderme et à dautres mécanismes dadaptation qui ont pour résultat daccroître la tolérance à certains agents irritants: ce phénomène sappelle lendurcissement.
On peut dire, pour résumer, que la dermatite de contact par irritation survient chez un grand nombre de sujets sils sont exposés à des concentrations suffisantes de lagent causal pendant une période suffisamment longue elle aussi.
La dermatite de caractère allergique représente 20% de lensemble des dermatites de contact. Elle est provoquée par une réaction allergique retardée, à médiation cellulaire, semblable à celle observée dans le rejet de greffe. Ce type de réaction, qui se produit chez un petit nombre de sujets, résulte dune participation active du système immunitaire en présence de très faibles concentrations de lagent réactogène. De nombreux allergènes sont également irritants, mais la quantité de produit nécessaire au déclenchement dune irritation est généralement beaucoup plus élevée que celle nécessaire au déclenchement dune sensibilisation. La séquence des événements qui culmine avec lapparition de lésions visibles se divise en deux phases.
Les allergènes sont des substances chimiques hétérogènes, organiques ou inorganiques, capables de traverser la barrière épidermique en raison de leur lipophilie (attirance pour les lipides de la peau) et de leur faible poids moléculaire, généralement inférieur à 500 daltons (voir tableau 12.4). Les allergènes sont des antigènes incomplets ou haptènes, ce qui signifie quils doivent se lier aux protéines épidermiques pour devenir des antigènes complets.
Métaux |
Végétaux |
Nickel |
Urushiol (Toxicodendron) |
Chrome |
Lactones sesquiterpéniques (Compositae) |
Cobalt |
Primine (Primula obconica) |
Mercure |
Tulipaline A (Tulipa, Alstrmeria) |
Additifs du caoutchouc |
Plastiques |
Mercaptobenzothiazole |
Monomère époxy |
Thiurames |
Monomère acrylique |
Carbamates |
Résines phénoliques |
Thiourées |
Catalyseurs aminés |
Colorants |
Biocides |
Paraphénylènediamine |
Formaldéhyde |
Révélateurs de photographies en couleur |
Kathon CG |
Colorants textiles de type «disperse» |
Thimérosal |
Les cellules de Langerhans sont des cellules dendritiques porteuses dantigènes qui représentent moins de 5% de lensemble des cellules épidermiques. Elles capturent les antigènes cutanés, les absorbent et les traitent avant de les réexprimer sur leur face externe, liés à des protéines du complexe majeur dhistocompatibilité. Après quelques heures de contact, les cellules de Langerhans quittent lépiderme et migrent par les vaisseaux lymphatiques vers les ganglions lymphatiques de drainage. Les lymphokines telles que linterleukine-1 (IL-1) et le facteur nécrosant des tumeurs de type alpha (TNF-alpha) sécrétés par les kératinocytes jouent un rôle capital dans la maturation et la migration des cellules de Langerhans.
Dans la zone paracorticale des ganglions lymphatiques proximaux, les cellules de Langerhans entrent en contact avec des lymphocytes T naïfs accessoires CD4+ et leur présentent leur charge antigénique. Pour que les cellules de Langerhans puissent interagir avec les cellules T accessoires, il faut que les récepteurs des lymphocytes T reconnaissent lantigène et quil se produise un engrènement de nombreuses molécules dadhérence et dautres glycoprotéines de surface. Si les récepteurs reconnaissent effectivement lantigène, on assiste à une expansion clonale de lymphocytes T à mémoire qui passent dans le sang et diffusent à la totalité de la peau. Au cours de cette phase qui dure de 5 à 21 jours, aucune lésion napparaît.
Lors de la réexposition à lallergène, les lymphocytes T sensibilisés sont activés et sécrètent de puissantes lymphokines telles que lIL-1, lIL-2 et linterféron gamma (IFN-gamma). A leur tour, celles-ci induisent la transformation blastique des lymphocytes T, la production de lymphocytes T cytotoxiques et suppresseurs, le recrutement et lactivation de macrophages et dautres cellules effectrices et la production dautres médiateurs de linflammation, comme le TNF-alpha et les molécules adhérentes. En lespace de 8 à 48 heures, cette cascade de phénomènes provoque une vasodilatation et un érythème, une tuméfaction dermo-épidermique (dème), la formation de vésicules (vésiculation) et un suintement. En labsence de traitement, cette réaction peut durer de deux à six semaines.
On constate alors une baisse de la réponse immunitaire avec dégradation de lantigène, destruction des cellules de Langerhans, augmentation de la production de lymphocytes suppresseurs CD8+ et production par les kératinocytes dIL-10 qui inhibe la prolifération des lymphocytes T auxiliaires/cytotoxiques.
Morphologie. La dermatite de contact peut être aiguë, subaiguë ou chronique. En phase aiguë, les lésions apparaissent rapidement et ont laspect au début de plaques urticariennes érythémateuses, dématiées et prurigineuses. Ldème peut être très étendu, surtout aux endroits où la peau est lâche, comme au niveau des paupières ou dans la région génitale. En quelques heures, ces plaques se rejoignent et se couvrent de petites vésicules qui peuvent grandir ou sunir pour former des bulles. La rupture de celles-ci laisse sourdre un liquide poisseux de couleur ambrée.
Ldème et la vésiculation sont moins importants dans la dermatite subaiguë qui se caractérise par un érythème, une vésiculation, une desquamation cutanée, un suintement modéré et la formation de croûtes jaunâtres.
Au stade chronique, la vésiculation et le suintement cèdent la place à une desquamation accrue, un épaississement de lépiderme qui prend une teinte grisâtre et lapparition de sillons (lichénification) profonds et douloureux dans les régions articulaires et au niveau des parties lésées. Un lymphdème persistant peut apparaître après plusieurs années dévolution de la dermatite.
Distribution. Laspect particulier et la localisation de la dermatite permettent souvent au médecin de suspecter son origine exogène et parfois didentifier lagent étiologique. Ainsi, des stries érythémateuses linéaires ou serpigineuses et la présence de vésicules sur des zones de peau découverte lui permettront de conclure de façon quasi certaine à une dermatite de contact due aux végétaux, tandis quune réaction plus prononcée sur le dos des mains et autour des poignets indiquera indubitablement ou presque une allergie au port de gants.
Le contact répété avec leau et les produits de nettoyage est responsable de la traditionnelle «dermatite des ménagères», caractérisée par un érythème, une desquamation et des fissures de lextrémité et de la face dorsale des doigts, avec atteinte de la peau interdigitale. Par contre, la dermatite due au frottement des outils ou au contact avec des objets solides a tendance à se localiser sur la paume et sur la face antérieure des doigts.
La dermatite de contact par irritation due aux particules de fibres de verre affecte le visage, les mains et les avant-bras et est plus marquée aux plis de flexion, autour du cou et de la taille, là où les mouvements et le frottement des vêtements forcent la pénétration des petites épines dans la peau. Une atteinte de la face, des paupières supérieures, des oreilles et de la région sous-mentonnière est évocatrice dune dermatite aéroportée. Une dermatite de photocontact épargnera les zones protégées du soleil comme les paupières supérieures, la région sous-mentonnière et les zones rétroauriculaires.
Extension à distance. La dermatite par irritation reste localisée à la zone de contact. La dermatite de contact allergique, surtout quand elle est aiguë et sévère, se caractérise par sa tendance à diffuser à distance du site dexposition initial. Deux mécanismes peuvent expliquer ce phénomène. Le premier, lauto-eczématisation, également appelée eczématide ou «syndrome dexcitation de la peau», correspond à un état dhypersensibilité du tissu cutané dans son ensemble, en réponse à une dermatite persistante ou grave et localisée. Le second, celui de la dermatite de contact généralisée, survient lorsquun patient sensibilisé localement à un allergène est réexposé au même agent par voie orale ou parentérale. Dans les deux cas, il se produit une dermatite généralisée, facile à confondre avec un eczéma dorigine endogène.
Lapparition dune dermatite professionnelle est déterminée par la nature et la concentration de lagent auquel le travailleur est exposé et par la durée de lexposition. Le fait que, dans les mêmes conditions dexposition, seul un petit nombre de travailleurs développent une dermatite est la preuve de limportance dautres facteurs prédisposants, personnels et environnementaux (voir tableau 12.5).
Age |
Les travailleurs jeunes sont souvent inexpérimentés ou imprudents et risquent davantage de développer une dermatite professionnelle que les travailleurs plus âgés |
Type de peau |
Les Orientaux et les Noirs sont généralement plus résistants à l’irritation que les Blancs |
Maladie préexistante |
L’atopie prédispose à la dermatite de contact par irritation |
Température et humidité |
L’hygrométrie élevée diminue l’efficacité de la barrière épidermique |
Conditions de travail |
Un lieu de travail malpropre est plus souvent contaminé par des substances chimiques toxiques ou allergisantes |
Age. Les travailleurs jeunes sont davantage sujets aux dermatites professionnelles soit parce quils sont moins expérimentés que leurs aînés, soit parce quils sont moins attentifs aux consignes de sécurité. On peut aussi penser que les travailleurs âgés se sont endurcis aux agents irritants doux ou ont appris à éviter les contacts avec les substances dangereuses, ou bien encore quils forment un groupe autosélectionné de sujets nayant jamais eu de problèmes, les autres ayant spontanément quitté la profession.
Le type de peau. Dans lensemble, la peau des Noirs ou des Orientaux semble être plus résistante aux effets des substances irritantes de contact que celle des Blancs.
Maladie préexistante. Les travailleurs sujets aux allergies (qui ont un terrain atopique se traduisant par de leczéma, de lasthme ou une rhinite allergique) ont plus de chances de développer une dermatite de contact par irritation. Le psoriasis et le lichen plan peuvent être aggravés par le frottement ou les agressions répétés, par un phénomène dit de Kbner. Quand ces lésions sont circonscrites aux paumes, il peut savérer difficile de les distinguer dune dermatite de contact par irritation chronique.
Température et humidité. En cas de très forte chaleur, les travailleurs négligent souvent de porter leur équipement de protection, gants ou autre. Un degré dhygrométrie important réduit lefficacité de la barrière épidermique, alors que la sécheresse et le froid favorisent les crevasses et les fissures.
Conditions de travail. La fréquence de la dermatite de contact est plus élevée dans les lieux de travail malpropres, contaminés par des substances chimiques, équipés dun matériel obsolète, ou dépourvus de moyens de protection et dinstallations sanitaires. Du fait des activités manuelles quils sont appelés à accomplir en étant exposés à des substances irritantes ou à des allergènes puissants, certains travailleurs comme les coiffeurs, les imprimeurs ou encore les prothésistes dentaires encourent plus de risques.
Le diagnostic de dermatite de contact professionnelle peut généralement être porté après un interrogatoire détaillé et un examen clinique soigneux.
Antécédents. Il conviendrait de demander au travailleur de remplir un questionnaire précisant le nom et ladresse de son employeur, le titre de son poste et ses fonctions. Le travailleur devrait fournir une liste de toutes les substances chimiques quil utilise accompagnée, si possible, des informations figurant, par exemple, sur les fiches de données de sécurité. La date de survenue et la localisation de la dermatite devraient être notées, de même que les changements éventuels constatés pendant les vacances ou les absences pour maladie, en cas dexposition au soleil, ou de traitement. Le médecin examinateur devrait également demander des précisions sur les loisirs du travailleur, son mode de vie, ses antécédents dermatologiques, son état de santé général et les traitements quil suit.
Examen clinique. Le médecin examinera soigneusement les zones atteintes et notera la gravité et le stade de la dermatite, sa distribution précise et son retentissement sur le travail. Un examen complet de la peau doit être pratiqué en recherchant les stigmates révélateurs dun psoriasis, dune dermatite atopique, dun lichen plan, dune dermatomycose, etc., donnant à penser que la dermatite nest pas dorigine professionnelle.
Les informations tirées de linterrogatoire et de lexamen clinique suffisent généralement à suspecter la nature professionnelle de la dermatite. Cependant, dautres tests sont nécessaires dans la plupart des cas pour confirmer le diagnostic et trouver lagent responsable.
Les tests épicutanés ou patch tests. Les tests épicutanés sont la méthode de choix pour identifier les allergènes cutanés et il convient de les pratiquer systématiquement dans tous les cas de dermatite professionnelle (Rietschel et coll., 1995). On trouve actuellement dans le commerce plus de 300 de ces allergènes. Les batteries de tests standards, qui regroupent les plus courants, peuvent être complétées par dautres séries réservées à des catégories particulières de travailleurs: coiffeurs, prothésistes dentaires, jardiniers, imprimeurs, etc. Le tableau 12.6 dresse la liste des substances irritantes et sensibilisantes utilisées dans certaines de ces professions.
Profession |
Substances irritantes |
Substances sensibilisantes |
Travailleurs du bâtiment |
Térébenthine, diluants, fibre de verre, colles |
Chromates, résines époxy et phénoliques, colophane, térébenthine, bois |
Prothésistes dentaires |
Détergents, désinfectants |
Caoutchouc, monomères époxy et acryliques, catalyseurs aminés, anesthésiques locaux, mercure, or, nickel, eugénol, formaldéhyde, glutaraldéhyde |
Agriculteurs, fleuristes, jardiniers |
Engrais, désinfectants, savons et détergents |
Végétaux, bois, fongicides, insecticides |
Employés de la transformation alimentaire, cuisiniers, boulangers |
Savons et détergents, vinaigre, fruits, légumes |
Légumes, épices, ail, caoutchouc, peroxyde de benzoyle |
Coiffeurs, esthéticiennes |
Shampooings, décolorants, eau oxygénée, produits pour permanentes, acétone |
Paraphénylènediamine des teintures capillaires, glycérylmonothioglycolate des permanentes, persulfate d’ammonium des décolorants, surfactants des shampooings, nickel, parfums, huiles essentielles, conservateurs de produits cosmétiques |
Personnel médical |
Désinfectants, alcool, savons et détergents |
Caoutchouc, colophane, formaldéhyde, glutaraldéhyde, désinfectants, antibiotiques, anesthésiques locaux, phénothiazines, benzodiazépines |
Métallurgistes, machinistes et mécaniciens |
Savons et détergents, huiles de coupe, distillats de pétrole, abrasifs |
Nickel, cobalt, chrome, biocides des huiles de coupe, hydrazine et colophane des flux de soudage, résines époxy et catalyseurs aminés, caoutchouc |
Imprimeurs et photographes |
Solvants, acide acétique, encre, monomères acryliques |
Nickel, cobalt, chrome, caoutchouc, colophane, formaldéhyde, paraphénylènediamine et colorants azoïques, hydroquinone, monomères époxy et acryliques, catalyseurs aminés, révélateurs pour photographies couleur et noir et blanc |
Travailleurs du textile |
Solvants, décolorants, fibres naturelles et synthétiques |
Résines de formaldéhyde, colorants azoïques et anthraquinoniques, caoutchouc, biocides |
Les allergènes sont mélangés à un excipient approprié, généralement de la vaseline, à une concentration connue après plusieurs années dexpérience pour être non irritante, mais suffisamment forte pour révéler une sensibilisation allergique. On vend maintenant des séries dallergènes préconditionnés, prêts à lemploi, montés sur bande adhésive, mais à lheure actuelle seuls les 24 allergènes de la série standard sont disponibles sous cette forme. Les tests pour les autres substances, conditionnés en seringues, sont vendus individuellement.
Le test doit être effectué à un moment où la dermatite est en phase quiescente et où le patient ne prend pas de corticoïdes par voie générale. Une petite quantité de chaque allergène est appliquée dans des chambres en plastique ou en aluminium montées sur des bandes adhésives hypoallergéniques poreuses. Ces rangées de chambres sont fixées sur une zone du dos du patient dépourvue de lésions dermatitiques, puis elles sont laissées en place pendant 24 heures, ou plus souvent 48 heures. Une première lecture est faite au moment où lon retire les bandes, suivie dune seconde et parfois dune troisième, respectivement après quatre et sept jours. Les réactions sont évaluées comme suit:
nul absence de réaction
? réaction douteuse, léger érythème maculaire
+ réaction faible, léger érythème papuleux
++ réaction forte, érythème, dème, vésicules
+++ réaction majeure, bulleuse ou érosive
RI réaction dirritation, érythème vernissé ou érosion sapparentant à une brûlure
En cas de suspicion dune dermatite de photocontact (nécessitant une exposition à la lumière ultraviolette, UV-A), on effectue une variante des tests épicutanés appelée «photopatch testing». Pour cela, on applique en double des allergènes sur le dos. Vingt-quatre ou 48 heures plus tard, on expose une des deux séries dallergènes à une dose de 5 joules dUV-A puis on met de nouveau les timbres en place pour ne les retirer quau bout de 24 ou 48 heures. Si les réactions sont identiques des deux côtés, on peut conclure à une dermatite de contact allergique; une réaction positive uniquement du côté exposé aux UV est indicatrice dune allergie de photocontact, tandis que des réactions des deux côtés, mais plus intenses du côté exposé aux UV, sont le signe dune dermatite combinée de contact et de photocontact.
Faciles à réaliser, mais difficiles à interpréter, les tests épicutanés doivent être faits par des dermatologues chevronnés. En règle générale, les réactions dirritation sont plutôt légères et brûlent plus quelles ne démangent; on les observe en principe lorsquon enlève les timbres et elles disparaissent rapidement. En revanche, les réactions allergiques sont prurigineuses, maximales en quatre à sept jours et peuvent persister plusieurs semaines. En présence dune réaction positive, il faut se demander si elle est en rapport avec la dermatite actuelle ou si elle traduit une sensibilisation antérieure, si le patient est exposé à cette substance particulière ou sil est allergique à un autre produit, structurellement apparenté, avec lequel il fait une réaction croisée.
Le nombre des allergènes potentiels dépasse largement les 300 disponibles dans le commerce pour réaliser des tests épicutanés. Il est donc souvent nécessaire de faire passer au patient des tests aux substances quil utilise réellement. Pour la plupart des végétaux, il est possible de pratiquer des tests avec les allergènes tels quels; dans le cas des substances chimiques, il convient de les identifier avec précision et de les tamponner si elles nont pas un pH compris entre 4 et 8. Il faut les diluer jusquà obtention de la concentration voulue et les mélanger à un excipient approprié, conformément à la pratique scientifique actuelle (de Groot, 1994). Lévaluation dun groupe de 10 à 20 sujets témoins permettra de déceler et déliminer les concentrations irritantes.
Les tests épicutanés sont généralement une technique sûre. Des réactions fortement positives peuvent parfois entraîner une exacerbation de la dermatite étudiée. En de rares cas, une sensibilisation active peut se produire, surtout quand les patients sont testés avec leurs propres produits. Des réactions sévères peuvent laisser des marques hypo- ou hyperpigmentées, des cicatrices ou des chéloïdes.
Biopsie cutanée. La principale caractéristique histologique de tous les types deczéma est ldème intercellulaire épidermique (spongiose) qui étire les ponts entre les kératinocytes jusquau point de rupture, causant ainsi une vésiculation intraépidermique. Une spongiose est présente même dans les dermatites chroniques de longue date, alors que lon nobserve macroscopiquement aucune vésicule. Un infiltrat inflammatoire de cellules lympho-histiocytaires, localisé dans la partie supérieure du derme, migre dans lépiderme (exocytose). La biopsie de peau ne permettant pas de distinguer les différents types de dermatite, on a peu recours à cet examen, sauf dans les rares cas où le diagnostic clinique est douteux et pour éliminer dautres maladies comme le psoriasis ou le lichen plan.
Autres examens. Il est parfois nécessaire deffectuer des cultures bactériennes, virales ou fongiques, ainsi que des préparations microscopiques à lhydroxyde de potassium afin de rechercher des champignons ou des ectoparasites. Et si on dispose du matériel nécessaire, on peut évaluer une dermatite de contact par irritation et la quantifier par différentes méthodes physiques telles que la colorimétrie, lévaporimétrie, la vélocimétrie par laser Doppler, léchographie et la mesure de la conductance, de la capacitance et de limpédance électrique (Adams, 1990).
Lieu de travail. Il arrive que lon ne parvienne à mettre en évidence la cause dune dermatite professionnelle quaprès une inspection soigneuse du lieu de travail. En se rendant dans lentreprise, le médecin peut bien observer comment seffectue le travail et comment il peut être modifié pour éliminer le risque de troubles cutanés. Cette visite doit toujours être organisée de concert avec la personne responsable des questions sanitaires et ladministrateur de létablissement. Les informations recueillies seront utiles au travailleur comme à lemployeur. Dans bien des pays, les travailleurs ont le droit dexiger que de telles visites aient lieu et de nombreuses entreprises disposent de comités de sécurité et dhygiène fort actifs qui fournissent des informations précieuses.
Pour traiter localement une dermatite vésiculeuse aiguë, on applique de fins pansements humides, imprégnés de sérum physiologique tiède, de solution de Burow ou deau courante, quon laisse en place pendant 15 à 30 minutes, trois à quatre fois par jour. On applique ensuite un corticoïde topique puissant. Au fur et à mesure que la dermatite saméliore et sèche, on espace les applications de pansements humides, puis on les arrête et on diminue la dose de corticoïdes en fonction de la partie du corps traitée.
Si la dermatite est sévère ou étendue, on prescrira une cure de prednisone orale, à raison de 0,5 à 1,0 mg/kg/jour pendant deux à trois semaines. Sil est nécessaire dapporter une sédation et datténuer un prurit, on complètera par des antihistaminiques par voie générale de première génération.
La dermatite subaiguë répond généralement aux crèmes corticoïdes de puissance moyenne appliquées deux à trois fois par jour, souvent associées à des mesures de protection telles que le port de gants de coton sous des gants de vinyle ou de caoutchouc quand il nest pas possible déviter le contact avec les agents irritants ou les allergènes.
La dermatite chronique nécessitera lemploi de corticoïdes sous forme de pommade, combinés avec lapplication fréquente démollients les plus gras possible. Il peut être nécessaire de traiter une dermatite persistante avec un psoralène et une photothérapie par les ultraviolets-A (PUVA) ou avec des immunosuppresseurs par voie générale comme lazathioprine (Guin, 1995).
Dans tous les cas, il est indispensable déviter strictement tout contact avec la substance responsable. Il est plus facile pour le travailleur de rester à lécart des agents mis en cause sil dispose dinformations écrites précisant leurs noms, leurs synonymes, les sources dexposition et les possibilités de réaction croisée. Cette liste doit être claire, concise et rédigée dans des termes faciles à comprendre pour le patient.
Il est souvent nécessaire de prescrire un arrêt de travail. Le médecin doit indiquer le plus précisément possible la durée estimée de la période dincapacité, en se souvenant que la restauration complète de la barrière épidermique peut prendre de quatre à cinq semaines après la guérison clinique de la dermatite. Il devra remplir sans tarder les formulaires officiels qui permettront au travailleur en incapacité de travail dêtre convenablement indemnisé. Enfin, il lui appartiendra de déterminer le degré dinvalidité définitive ou lexistence de limitations fonctionnelles, susceptibles dempêcher le patient de reprendre son ancien travail ou qui nécessiteront une réadaptation.
Dans le contexte de la prévention des maladies professionnelles, lobjectif de tout programme de santé dune entreprise est de permettre au travailleur doccuper son emploi durant de nombreuses années tout en restant en bonne santé. Pour bien cibler les éléments dun tel programme, il importe de connaître les secteurs dactivité et les populations à risque, ainsi que les facteurs de risque de chaque milieu de travail. Ces connaissances permettront ensuite dadopter une politique de prévention tant au niveau collectif quindividuel.
Au Québec (Canada), la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a répertorié en trente secteurs dactivité économique les diverses facettes de lactivité, quelle soit industrielle, commerciale ou de services (CSST, 1993). Les compilations quelle a réalisées permettent de constater que les travailleurs atteints de dermatoses professionnelles se retrouvent prioritairement dans cinq branches dactivité: alimentation et boissons; commerce; services médicaux et sociaux; autres services commerciaux et personnels; construction (travaux publics y compris). Dans la grande majorité des cas, les sujets atteints sont des travailleurs manuels exerçant les métiers suivants: employés des services, préposés à la fabrication, au montage ou à la réparation, manutentionnaires, employés du secteur de la transformation, personnel de santé.
Par ailleurs, deux groupes dâge sont plus sujets aux dermatoses professionnelles. Tout dabord, les jeunes travailleurs moins expérimentés qui ne sont pas toujours conscients des risques, parfois insidieux, que comporte leur travail. Ensuite, les travailleurs en âge de préretraite qui ne se sont pas aperçus quavec lâge leur peau était plus sèche et quelle se réhydratait moins bien après plusieurs jours de travail. De ce fait, un facteur irritant ou astringent auparavant bien toléré provoque maintenant chez eux une dermite par irritation, lorsquil agit de façon répétée.
En termes de coût, même si dans la majorité des cas lincapacité ne dure pas plus de deux semaines, dans un nombre non négligeable dentre eux, elle peut se prolonger pendant plus de deux mois (voir tableau 12.7) (Durocher et Paquette, 1985). Cette distribution illustre bien limportance que revêt la prévention si lon veut éviter le développement de dermatoses chroniques nécessitant un arrêt de travail prolongé.
Jours d’indemnisation |
0 |
1-14 |
15-56 |
57-182 |
>183 |
Nombre de cas |
10 |
370 |
195 |
80 |
80 |
Source: Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), 1993.
Plusieurs substances utilisées en milieu de travail comportent un potentiel de risque qui peut se matérialiser ou non. Le niveau de risque varie selon la nature et la concentration de la substance, ainsi que selon la fréquence et la durée du contact avec la peau. Pour bien identifier les facteurs de risque, on peut se reporter, lors de la visite des lieux, à une classification générale (voir tableau 12.8) qui regroupe ces facteurs en quatre catégories: mécanique, physique, chimique et biologique. Lors de lévaluation du milieu, la présence dun facteur de risque peut être observée directement ou suspectée par leffet constaté sur la peau des travailleurs. Le tableau 12.8 illustre le propos; dans certains cas, leffet mis en évidence est spécifique au risque alors que, dans dautres, on observe plutôt une altération cutanée se rattachant à lun ou lautre des facteurs impliqués dans cette catégorie; on parle alors dun effet de groupe. Les facteurs physiques ont des effets spécifiques sur la peau qui sont recensés au tableau 12.8 et développés notamment à la présent chapitre.
Facteurs mécaniques |
Effets de groupe |
Trauma |
Coupures, piqûres, bulles |
Facteurs physiques |
Effets spécifiques |
Rayonnements |
Photoréaction, radiodermite, cancer |
Facteurs chimiques |
Effets de groupe |
Acides, bases |
Déshydratation |
Facteurs biologiques |
Effets spécifiques |
Bactéries |
Pyodermite |
Cofacteurs de risque |
|
Eczéma (atopique, dyshidrosique, séborrhéique, nummulaire) |
Parmi les facteurs mécaniques, on retrouve les frictions répétées sur la peau, les pressions excessives prolongées, laction physique irritante de certaines poussières industrielles en fonction de leur configuration, de leur dimension et de leffet de leur frottement. Les traumatismes peuvent être dorigine mécanique (notamment en cas dexposition à des vibrations répétées), chimique ou thermique; ils peuvent infliger des lésions importantes (ulcérations, bulles), favoriser linfection secondaire ou permettre lapparition disomorphisme (phénomène de Kbner). Les sites de traumatisme peuvent aussi conserver des altérations chroniques persistantes sous forme de cicatrices (parfois chéloïdiennes), de dyschromie, de syndrome de Raynaud. Ce dernier est la manifestation dune altération neuro-vasculaire périphérique qui peut apparaître à la suite de lutilisation prolongée de machines vibrantes.
Les facteurs chimiques sont incontestablement ceux qui sont le plus souvent à lorigine de dermatoses professionnelles. Ils sont si nombreux quil serait impossible den dresser une liste exhaustive. Ils peuvent agir par mode allergique, irritatif ou par photoréaction. Ils peuvent laisser comme séquelle un aspect dyschromique. Le pouvoir irritant dun produit chimique peut aller dun simple assèchement de la peau jusquà la nécrose cellulaire complète, en passant par des degrés intermédiaires dinflammation. Pour approfondir ce sujet, on peut se reporter à larticle du présent chapitre qui traite des dermatites de contact. Pour identifier les facteurs de risque chimique, on peut consulter les fiches de données de sécurité des produits utilisés dans tel ou tel milieu; en effet, de nombreux pays ont adopté une loi obligeant les fabricants à fournir, dans chaque lieu de travail où leurs produits sont utilisés, des informations sur les dangers quils présentent pour la santé des travailleurs. Ces fiches sont des outils indispensables à une intervention efficace.
Les infections bactériennes, virales ou fongiques contractées au travail sont causées soit par la manipulation de matériel contaminé, soit par des contacts avec des personnes ou des animaux contaminés. Linfection peut se manifester sous forme de pyodermite, de folliculite, de panaris, de dermatomycose, danthrax ou de brucellose. Le développement de verrues multiples aux mains chez les travailleurs de lalimentation nécessite laction concomitante de microtraumatismes et dhumidité excessive prolongée (Durocher et Paquette, 1985). Les contaminations parasitaires peuvent provenir des animaux ou des humains (mites, acariens et poux) et provoquer gale ou pédiculose chez le personnel de garderies ou de soins de santé. Les phytodermatites sont causées par des plantes indigènes (de lespèce Rhus) ou ornementales (Alstrmeria, chrysanthèmes, tulipes, etc.). De plus, certaines essences de bois peuvent provoquer une dermatite de contact.
Certaines pathologies cutanées dorigine personnelle peuvent favoriser laction de facteurs environnementaux sur la peau du travailleur. Ainsi, il est bien connu que, même en labsence de lésion de dermite atopique, des antécédents datopie peuvent sensiblement accroître le risque de dermatite de contact par irritation. Une étude de 47 cas de dermatite de contact par irritation aux mains chez des travailleurs de lalimentation a révélé des antécédents datopie dans 64% des cas (Cronin, 1987). Agner (1991) a montré une réaction plus intense à lirritation par le laurylsulfate de sodium chez les porteurs de dermite atopique. La diathèse atopique (prédisposition aux allergies de type I) naccroît toutefois pas le risque de dermatite de contact allergique de type retardée (IV), notamment au nickel (Schubert et coll., 1987) qui est lallergène le plus souvent dépisté. Par contre, il est démontré depuis quelques années que latopie favorise lapparition de lurticaire de contact (allergie de type I), que ce soit au latex chez les personnels de santé (Turjanmaa, 1987; Durocher, 1995), ou au poisson chez les traiteurs (Cronin, 1987).
Dans le psoriasis, la couche cornée de surface est épaissie, mais elle est parakératosique, de sorte quelle offre une moins grande résistance aux irritants cutanés et aux tractions mécaniques. De plus, un travailleur atteint de psoriasis peut voir la condition de sa peau se détériorer si elle est fréquemment blessée, car de nouvelles lésions de psoriasis peuvent se développer sur les sites de cicatrisation par isomorphisme.
Chez les sujets souffrant de xérose cutanée, le contact répété avec des détergents, des solvants ou des poussières astringentes peut entraîner le développement secondaire dune dermatite de contact par irritation. De même, le porteur dacné pourra voir sa condition se détériorer en cas dexposition aux huiles de friture.
Dans les entreprises, létablissement dun programme de prévention passe par une connaissance approfondie des facteurs de risque. On distingue généralement les moyens de prévention collective des moyens de prévention individuelle. Pour être efficace, le programme de prévention nécessite une étroite collaboration entre employeurs et travailleurs. Le tableau 12.9 illustre le propos.
Prévention collective |
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Protection individuelle |
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La démarche collective cherche avant tout à éliminer le risque à la source. Lorsque cest possible, on doit sefforcer de remplacer les produits toxiques par des produits équivalents non toxiques. Ainsi, on pourra prévenir leffet toxique dun solvant utilisé pour nettoyer la peau en lui préférant un détergent synthétique sans risque systémique et moins irritant. Pour éviter les allergies au chrome hexavalent, plusieurs fabricants proposent maintenant du ciment au sulfate de fer. Dans les systèmes de refroidissement à leau, on a remplacé les chromates qui servent danticorrosifs par du borate de zinc beaucoup moins allergisant (Mathias, 1990). Dans le cas dune allergie à un biocide dans une huile de coupe, on choisira un autre agent de conservation. Au personnel de la santé allergique au latex, on proposera des gants en caoutchouc synthétique ou en poly(chlorure de vinyle). Enfin, on réduira aussi les allergies en remplaçant laminoéthanolamine par la triéthanolamine dans le flux de soudure des câbles daluminium (Lachapelle et coll., 1992).
Lorsquil est impossible de remplacer un produit toxique par un autre qui lest moins ou que le risque est limité et ne constitue pas un danger, il suffit parfois de modifier le procédé utilisé pour éviter le contact cutané. Linstallation décrans ou de tubulures flexibles pour transférer des liquides en évitant les éclaboussures, les filtres de rétention des résidus pour éviter le nettoyage manuel, les points de préhension mieux adaptés à la main pour limiter les pressions et frictions excessives, la création dintermédiaires de manipulation pour éviter le contact de la peau avec les irritants, la ventilation à la source avec capteurs adéquats pour limiter la formation de nébulisat dans lair ou diminuer la concentration de poussières aéroportées sont autant de mesures de prévention faciles à mettre en uvre dans lentreprise. Dans les cas où un procédé a été complètement automatisé pour prévenir les risques environnementaux, on doit attacher une importance particulière à la formation des équipes appelées à réparer ou à rénover de tels systèmes; lexposition de ces travailleurs à des substances à risque nécessite un renforcement des mesures préventives (Lachapelle et coll., 1992).
Nul ne devrait ignorer les risques inhérents à son travail, mais lapproche préventive collective ne saurait être efficace sans linstauration dun programme complet dinformation. A partir des fiches de données de sécurité des produits utilisés au travail, on peut établir quelles sont les substances présentant un risque réel ou potentiel. Lusage dun pictogramme autocollant permet lidentification rapide de ces agents et lajout dun code de couleur simple aide à préciser la gravité du risque par simple contact visuel. Par exemple, la couleur rouge souligne quil y a danger et quil faut éviter le contact direct avec la peau: cest le cas pour un agent corrosif qui peut attaquer rapidement la peau. En corollaire, la couleur jaune incite à la prudence, car elle indique que cette substance est susceptible de détériorer graduellement la peau en cas de contacts répétés ou prolongés (Durocher, 1984). On peut aussi renforcer linformation sur la prévention des dermatoses professionnelles et maintenir lintérêt pour un tel programme grâce à des campagnes périodiques daffichage ou encore grâce à la projection daudiovisuels.
Avant leur entrée en fonctions, les travailleurs devraient recevoir une information complète sur les risques du travail quils vont effectuer. Dans certains pays, une telle formation est spécialement assurée par des professeurs. Dans lentreprise, tout changement, quil concerne les procédés ou les tâches, doit être bien expliqué aux travailleurs dans le cadre dune formation complémentaire en cours demploi, surtout sil est susceptible de modifier les facteurs de risque. Une attitude alarmiste ou paternaliste ne favorise pas un bon climat de travail. Employeurs et travailleurs sont des partenaires qui désirent que le travail soit exécuté dans de bonnes conditions de sécurité et linformation fournie doit être réaliste pour demeurer crédible.
Comme il nexiste pas actuellement de normes en cas dexposition cutanée à des substances toxiques (Mathias, 1990), on renforce les mesures préventives par une observation vigilante de la peau des travailleurs. Cette vigilance est dautant plus facile à exercer que la peau, en particulier au niveau des mains et du visage, est directement accessible à lobservation de tous. La vigilance en milieu de travail implique de déceler les signes précoces daltération cutanée qui dénotent que les mécanismes naturels déquilibre de la peau sont dépassés. Ainsi, le travailleur, comme lintervenant en santé au travail doivent être attentifs à lapparition dun des signes cutanés avant-coureurs suivants:
Dans ce même esprit de vigilance, lorsquune maladie de la peau apparaît, il importe de lidentifier rapidement, de la traiter et den rechercher la cause pour prévenir la chronicité.
Lorsque lapproche collective de prévention savère insuffisante pour éviter le contact de la peau avec un agresseur cutané, il faut réduire au minimum la durée du contact. Pour cela, le travailleur doit pouvoir accéder facilement à de bonnes installations dhygiène et à un agent nettoyant adapté à ses besoins. Pour éviter la contamination de ce dernier, il est recommandé de le conserver dans un contenant fermé équipé dune pompe qui libère en une seule pression une quantité suffisante de produit. Lors du choix de cet agent, on recherchera un juste équilibre entre son pouvoir nettoyant et son action irritante. Les agents à haute performance contiennent souvent des solvants ou des abrasifs qui sont très irritants. Le choix doit être adapté à chaque milieu: si lagent nettoyant disponible est inefficace, les travailleurs auront souvent directement recours à un solvant. Parmi les agents nettoyants, il faut citer les savons, détergents synthétiques, pâtes ou crèmes dites savons sans eau, les particules abrasives, ainsi que les agents antimicrobiens (Durocher, 1984).
Dans plusieurs métiers, les travailleurs parviennent dautant mieux à garder leur peau propre quils auront pris soin dappliquer une crème protectrice avant de se mettre à luvre et ce, quel que soit le type de produit nettoyant utilisé. Dans tous les cas, il importe de bien rincer et de bien assécher la peau lors de chaque lavage. Les résidus de savon incomplètement rincés seront à nouveau émulsifiés par lhumidité à lintérieur de gants imperméables, par exemple, et leur action irritante sen trouvera prolongée.
Les savons dont on se sert en milieu de travail se présentent généralement sous forme liquide et sont distribués par pression de la main. Ils sont formés dacides gras dorigine animale (suif) ou végétale (huile), tamponnés avec une base (NaOH, par exemple). Léquilibre obtenu peut être imparfait et laisser persister des radicaux libres qui peuvent irriter la peau; un pH voisin de la neutralité est donc souhaitable (minimum 4 et maximum 10). Lefficacité de ces savons liquides est suffisante pour de nombreuses tâches.
Les détergents synthétiques, liquides ou en poudre, émulsifient les graisses et dispersent donc le sébum dont le rôle est de protéger la peau contre lassèchement. Cet effet, en général moins marqué avec un savon quavec un détergent synthétique, saccroît avec la concentration du détergent et, pour le limiter, on y ajoute souvent un émollient (glycérine, lanoline, lécithine).
Les pâtes ou crèmes aussi appelées savons sans eau sont des émulsions dhuiles dans de leau renfermant comme agent nettoyant un solvant, généralement dérivé du pétrole. On les dit «sans eau» parce quelles permettent de nettoyer la peau sans avoir recours à leau courante. On les utilise surtout pour enlever les souillures tenaces ou pour se laver les mains lorsquon ne dispose pas deau. Parce quils sont plus agressifs pour la peau, ces produits ne sont pas considérés comme des agents nettoyants de premier choix. On a vu plus récemment apparaître sur le marché de tels «savons sans eau», mais exempts de solvant, ce dernier ayant été remplacé par un ou des détergents synthétiques qui seraient moins irritants pour la peau. LAssociation américaine des fabricants de savon et de détergents (American Association of Soap and Detergent Manufacturers) recommande de se laver de nouveau les mains avec un savon doux après lemploi dun «savon sans eau» renfermant un solvant. De plus, le travailleur qui utilise ces «savons sans eau» trois ou quatre fois par jour devrait appliquer une lotion ou une crème hydratante à la fin de la journée de travail pour combattre leffet dassèchement.
Les particules abrasives, généralement ajoutées à lun des produits susmentionnés pour en accroître le pouvoir nettoyant, sont irritantes. Elles se présentent soit sous forme soluble (borax, par exemple), soit sous forme insoluble. Les abrasifs insolubles peuvent être dorigine minérale (pierre ponce), végétale (écales de noix) ou synthétique (polystyrène).
Lajout dun antimicrobien à un agent nettoyant devrait être limité aux milieux de travail comportant un réel risque dinfection. Plusieurs dentre eux ayant un potentiel allergisant, un tel ajout risquerait dexposer inutilement à linfection des populations non à risque.
Les mains ont souvent tendance à sassécher, que ce soit à cause des substances manipulées ou à cause de leur lavage répété. Pour empêcher quelles ne se dégradent, il importe de prendre lhabitude de les hydrater quotidiennement à une fréquence qui varie selon lindividu et le type demploi exercé. Lemploi dune lotion ou dune crème hydratante, aussi appelée crème pour les mains ou crème de soins réparatrice, suffit dans de nombreux cas. Si le travailleur a vraiment la peau très sèche ou sil passe beaucoup de temps les mains immergées, il sera plus judicieux demployer une vaseline hydrophilique. Les crèmes dites protectrices ou barrières sont généralement des crèmes hydratantes. Certains protecteurs topiques renferment du silicone ou de loxyde de zinc ou de titane. Les protecteurs topiques spécifiques sont rares, à lexception de ceux qui protègent contre les rayons ultraviolets. Depuis quelques années, ceux-ci se sont bien améliorés; ils protègent maintenant efficacement contre les UV-A et les UV-B. Pour ces derniers, on recommande un facteur de protection solaire minimum de 15 (échelle nord-américaine). Une crème appelée Stokogard (marque de commerce) semble efficace contre la dermatite de contact à lherbe à puce. En aucun cas, on ne devrait comparer lefficacité dune crème-barrière ou protectrice à celle dun gant invisible imperméable (Sasseville, 1995). De plus, il faut se rappeler que les crèmes protectrices ne sont vraiment efficaces que sur une peau saine.
Personne ne consent de bon gré à porter un dispositif de protection; on ne peut pourtant les éviter lorsque les solutions précitées savèrent insuffisantes. Ces dispositifs, bottes, tabliers, visières, manchettes, combinaisons, chaussures, gants, sont traités dans le chapitre «La protection individuelle» de la présente Encyclopédie.
Bien des travailleurs se plaignent que les gants, lorsquils sont obligés den porter, réduisent leur dextérité; il faut néanmoins parfois sy résoudre tout en cherchant à en limiter au maximum les inconvénients. Il en existe de nombreux types et leur choix doit être adapté à chaque situation. Leur composition est variable: ils peuvent être perméables (coton, cuir, mailles de métal, kevlar (marque de commerce), amiante) ou imperméables à leau (latex, néoprène, nitrile, poly(chlorure de vinyle), viton, poly(alcool vinylique), polyéthylène). Le coton offre une protection légère tout en permettant une bonne ventilation de la main. Le cuir offre une bonne protection contre les frottements, pressions, tractions et certaines lésions. Les mailles de métal évitent les coupures. Le kevlar résiste au feu. Lamiante protège contre le feu et la chaleur excessive. Les gants imperméables à leau offrent, en fonction de leur composition et de leur épaisseur, une résistance très variable aux solvants. Pour accroître cette résistance, des chercheurs ont conçu un gant multicouche formé de polymères.
Pour choisir judicieusement ses gants, il faut tenir compte de nombreuses caractéristiques: épaisseur, souplesse, longueur, rugosité, ajustement au niveau des doigts et des poignets, résistance spécifique du point de vue chimique, mécanique et thermique. Plusieurs laboratoires ont mis au point des techniques dévaluation de la perméabilité chimique des gants permettant de mesurer le temps de claquage et la constante de perméabilité. Il existe aussi des listes destinées à guider les acquéreurs lors de leur choix (Lachapelle et coll., 1992; Berardinelli, 1988).
Le port prolongé de gants peut provoquer, dans certains cas, une dermatite de contact allergique à lune des composantes du gant ou à un matériel allergénique manipulé qui le traverse. Il peut aussi accroître le risque dirritation cutanée: dune part, à cause de lhumidité excessive à laquelle la main est exposée de façon prolongée à lintérieur du gant, dautre part, parce quun agent irritant peut fort bien traverser le gant ou sy engouffrer lorsque le gant se perfore. Tout travailleur atteint dune dermatite des mains, quelle quen soit lorigine, devrait éviter de porter des gants qui augmentent la chaleur et lhumidité au niveau des lésions sous peine de voir sa maladie empirer.
Létablissement dun programme complet de prévention des dermatoses professionnelles doit se faire en adaptant les normes et principes aux paramètres propres à chaque milieu de travail. Pour demeurer efficace, ce programme de prévention devrait être révisé périodiquement à la lumière des expériences locales et de lévolution des techniques.
* Cet article a été publié à l'origine dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de securité du travail et a été adapté, pour la présente édition, par le rédacteur du chapitre
Lépithélium de lépiderme forme la surface, ou couche cornée, de la peau, dont la principale composante est la kératine, une protéine fibreuse. Dans certaines zones, lépithélium spécialement développé produit une structure kératinisée dun type particulier: les cheveux, les poils et les ongles. La lame de longle est formée en partie par lépithélium de la matrice et en partie par celui du lit unguéal. Longle pousse de la même façon que les cheveux et la couche cornée, et il est soumis à des mécanismes pathogènes analogues à ceux qui provoquent les maladies des cheveux et de la peau. Certaines substances telles que larsenic et le mercure saccumulent dans les ongles et les cheveux.
La figure 12.2 montre que la matrice de longle correspond à une invagination de lépithélium et quelle est recouverte à sa base par le repli unguéal. Une fine couche de cellules cornées, appelée cuticule, ferme lespace périunguéal situé entre le repli unguéal et la lame de longle.
Les parties les plus fragiles de longle sont le repli unguéal et la zone située sous lextrémité de la lame, mais cette dernière est exposée elle-même à des agressions physiques ou chimiques directes. Des substances chimiques ou des agents infectieux peuvent pénétrer sous la lame à son extrémité libre. Lhumidité et les bases peuvent détruire la cuticule et favoriser la pénétration de bactéries et de champignons qui provoquent une inflammation du tissu périunguéal et une croissance secondaire anormale de la lame de longle.
Les causes les plus fréquentes de troubles unguéaux sont la périonyxis chronique, les onycomycoses, les traumas, le psoriasis, la mauvaise circulation, leczéma et autres dermatites. La périonyxis est une inflammation du repli de longle. Dans sa forme aiguë, on observe une plaie suppurative et douloureuse qui nécessite une antibiothérapie et parfois un traitement chirurgical. La périonyxis chronique résulte de la disparition de la cuticule qui rend possible la pénétration de leau, des bactéries et de Candida albicans dans lespace périunguéal. Cette maladie est courante chez les sujets dont les mains sont constamment soumises à laction de leau, des substances alcalines et des détergents: personnel de cuisine et préposés au nettoyage, préparateurs de fruits et légumes, employés des conserveries et ménagères. La guérison nest complète que lorsque la cuticule et léponychium fermant le limbe unguéal ont retrouvé leur état normal.
Les personnes exposées au ciment, à la chaux et aux solvants organiques, ainsi que les bouchers et les volaillers peuvent également être sujets à des lésions de la cuticule et des replis de longle.
Toute inflammation ou maladie de la matrice de longle peut provoquer, sous sa forme symptomatique motivant le plus grand nombre de consultations médicales, une dystrophie de la lame unguéale. Lexposition au froid intense ou le spasme artériel du syndrome de Raynaud peuvent également léser la matrice et entraîner une dystrophie de longle. Parfois, la lésion est transitoire et, dès la cause éliminée et linflammation traitée, la dystrophie unguéale disparaît (voir figure 12.3).
Une des causes de lésion des ongles est lapplication directe de certaines préparations cosmétiques telles que les bases, les durcisseurs, les vernis synthétiques ou les faux ongles.
Certains métiers présentent des risques particuliers. On a signalé des cas de dystrophie due à la manipulation de pesticides à base de dipyridylium concentré (paraquat et diquat). Pendant la fabrication du dioxyde de sélénium, une fine poudre de cette substance peut pénétrer sous longle et provoquer une irritation intense, ainsi quune nécrose de lextrémité du doigt et de la lame unguéale. Il importe de mettre les travailleurs en garde contre ce risque et de les inciter à bien se brosser chaque jour les zones sous-unguéales des doigts.
Certains types de dermatite de contact allergique affectant le bout des doigts entraînent fréquemment une dystrophie secondaire de longle. Les six agents sensibilisants les plus courants à lorigine de ces troubles sont:
Le diagnostic peut être confirmé par un test épicutané positif. Laffection de la peau et des ongles disparaît avec la cessation de lexposition.
Dans de nombreux cas, lutilisation dune protection des mains adaptée au type de risque permet de préserver les ongles. Cependant, lorsque la main est effectivement exposée, les ongles doivent recevoir des soins appropriés, qui consistent pour lessentiel à préserver la cuticule et à protéger la région sous-unguéale. La peau située sous lextrémité libre de longle doit être nettoyée chaque jour pour éliminer les corps étrangers ou les agents chimiques irritants. En cas dutilisation de crèmes-barrières ou de lotions, on veillera à bien les appliquer, et sur la cuticule et sous lextrémité libre de longle.
Pour maintenir lintégrité de la cuticule, il est nécessaire déviter les soins excessifs des mains et les traumatismes, la macération par exposition prolongée à leau et la dissolution par exposition répétée aux bases, solvants et détergents.
* Cet article a été publié à l'origine dans la 2e édition de l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de securité du travail et a été adapté, pour la présente édition, par le rédacteur du chapitre
Les stigmates professionnels ou taches professionnelles sont des lésions anatomiques induites par le travail qui nentraînent pas dincapacité de travail. Les stigmates, généralement produits par une irritation mécanique, chimique ou thermique de la peau exercée pendant une longue période, sont souvent caractéristiques dune certaine profession. Toutes les formes de pression ou de frottement sur la peau peuvent avoir un effet irritant et une pression intense unique peut rompre lépiderme et entraîner la formation dexcoriations, dampoules séro-purulentes et une infection de la peau et des tissus sous-jacents. En revanche, la répétition fréquente dune action irritante modérée nentraîne pas de rupture de la peau, mais stimule au contraire les réactions de défense (épaississement et kératinisation de lépiderme). Ce processus peut prendre trois formes:
Ces callosités sont généralement produites par des agents mécaniques, parfois associés à un agent irritant thermique (comme cest le cas chez les souffleurs de verre, les boulangers, les pompiers, les travailleurs des usines de salaisons, etc.), quand elles sont de couleur brun sombre à noir, avec des fissures ou crevasses douloureuses. Cependant, si lagent mécanique ou thermique est associé à une substance chimique irritante, les callosités présentent des anomalies de couleur, un ramollissement et une ulcération.
Les callosités qui correspondent à une réaction professionnelle caractéristique (particulièrement au niveau de la peau des mains, comme le montrent les figures 12.4 et 12.5), sont observées dans de nombreuses professions. Leur forme et leur localisation dépendent de lendroit où sexerce la pression, de son intensité, de sa fréquence, de la manière dont elle est appliquée, ainsi que des outils ou des matériaux utilisés. La taille des callosités peut également révéler une tendance congénitale à la kératinisation de la peau (ichtyose, kératose palmaire héréditaire). Ces facteurs peuvent aussi souvent être responsables danomalies quant à la localisation et à la taille des callosités chez les travailleurs manuels.
Les callosités correspondent normalement à des mécanismes protecteurs, mais elles peuvent, dans certaines conditions, prendre des aspects pathologiques; cest pourquoi il ne faut pas les négliger quand on cherche à établir la pathogenèse et surtout la prophylaxie des dermatoses professionnelles.
Lorsquun travailleur cesse dexercer le métier qui lui donne des callosités, les couches cornées superflues se desquament, la peau devient fine et lisse, la dyschromie disparaît et lépiderme reprend un aspect normal. Le temps nécessaire à la régénérescence de la peau est variable: les callosités professionnelles des mains peuvent parfois être observées plusieurs mois, voire plusieurs années après cessation de lactivité (en particulier chez les forgerons, les souffleurs de verre et les ouvriers des scieries). Elles persistent plus longtemps sur la peau sénile et lorsquelles sont associées à une dégénérescence des tissus conjonctifs et à une bursite.
Les fissures et érosions de la peau sont caractéristiques de certaines professions (cheminots, armuriers, maçons, orfèvres, vanniers, etc.). Le douloureux ulcère des tanneurs, lié à lexposition aux composés du chrome (voir figure 12.4) est de forme ronde ou ovale et a un diamètre de 2 à 10 mm. La localisation des lésions professionnelles (par exemple, sur les doigts des confiseurs, sur les doigts et les paumes des tailleurs, etc.) est, elle aussi, caractéristique.
Les taches pigmentées sont dues à labsorption de colorants par la peau, à la pénétration de particules de substances chimiques solides ou de métaux industriels ou à laccumulation excessive, après trois à cinq années de travail, de mélanine, qui est le pigment de la peau, chez les travailleurs des cokeries et des centrales électriques. Dans certaines entreprises, 32% environ des travailleurs présentent des taches mélaniques. Les taches pigmentées sobservent principalement chez les travailleurs de lindustrie chimique.
En règle générale, un lavage ordinaire ne permet pas déliminer les colorants absorbés par la peau, doù leur persistance et leur caractère de stigmates professionnels. Les taches pigmentées résultent parfois dune imprégnation par des substances chimiques, des végétaux, de la terre ou dautres substances auxquelles la peau est exposée au cours du travail.
On peut voir un certain nombre de stigmates professionnels dans la région buccale (par exemple, le liseré gingival de Burton chez les travailleurs qui sont en contact avec du plomb, lérosion des dents chez les travailleurs exposés à des fumées acides, etc., la coloration bleue des lèvres chez les travailleurs employés à la fabrication de laniline, et certaines formes dacné). Les odeurs caractéristiques liées à certaines professions peuvent également être assimilées à des stigmates professionnels.