Leffet dagents toxiques sur la reproduction chez lhomme et chez la femme est un sujet dintérêt croissant pour létude des risques professionnels. Leffet dagents toxiques sur la reproduction a été défini comme la survenue deffets secondaires néfastes pour le système reproducteur pouvant résulter dune exposition à des agents liés à lenvironnement. Cette toxicité peut sexprimer par des modifications des organes génitaux ou du système endocrinien correspondant et se manifester par:
Les mécanismes à la base dune toxicité pour la reproduction sont complexes. Davantage de substances xénobiotiques testées se sont montrées plus toxiques pour le processus de reproduction chez lhomme que chez la femme. On ignore cependant si ce phénomène est dû à des différences inhérentes à la toxicité ou au fait quil est plus facile détudier le sperme que les ovocytes.
La toxicité pour le développement a été définie comme la survenue deffets secondaires néfastes sur lorganisme en cours de développement pouvant résulter dune exposition (de lun ou lautre parent) avant la conception, au cours du développement prénatal ou en période postnatale, jusquau moment de la maturation sexuelle. Les effets secondaires néfastes pour le développement peuvent être décelés à nimporte quel moment de la vie de lorganisme. Les principales manifestations de la toxicité pour le développement sont les suivantes:
Dans les paragraphes qui suivent, lexpression toxicité pour le développement sera utilisée comme hyperonyme pour se référer à lexposition de la mère, du père ou du produit de conception ayant entraîné une anomalie du développement. Le terme tératogenèse sera employé pour désigner de manière plus spécifique une exposition du produit de conception entraînant une malformation structurale. Notre article nabordera pas les effets dune exposition postnatale sur le développement.
Outre la toxicité pour la reproduction, lexposition de lun des parents avant la conception est susceptible de provoquer des anomalies congénitales par le biais dune mutagenèse, cest-à-dire de modifications du matériel génétique transmis par les parents à leur descendance. Ces modifications peuvent se produire soit au niveau des gènes ponctuels, soit au niveau des chromosomes. Des modifications ponctuelles de gènes peuvent entraîner la transmission de messages génétiques modifiés, tandis que des changements au niveau chromosomique peuvent entraîner la transmission danomalies du nombre ou de la structure des chromosomes.
Il est intéressant de remarquer que, parmi les preuves les plus évidentes du rôle de lexposition avant la conception dans les anomalies congénitales, certaines proviennent détudes sur lexposition du père. Par exemple, le syndrome de Prader-Willi, malformation congénitale caractérisée par une hypotonie néonatale, puis par une obésité importante et des troubles comportementaux, a été associé à une exposition professionnelle du père aux hydrocarbures. Dautres études ont montré une relation entre une exposition du père à des agents physiques avant la conception et des malformations congénitales ou des cancers de lenfant. En particulier, une exposition professionnelle du père à des rayonnements ionisants a été associée à une augmentation du risque de malformation du tube neural et de leucémie chez lenfant; plusieurs études ont suggéré lexistence dun lien entre une exposition professionnelle du père à des champs électromagnétiques et des tumeurs cérébrales chez lenfant (Gold et Sever, 1994). Quand on évalue à la fois les risques pour la fonction de reproduction et les risques danomalies congénitales dune exposition sur le lieu de travail, il est nécessaire dêtre de plus en plus attentif aux effets potentiels chez les sujets de sexe masculin.
Il est tout à fait probable que certaines anomalies détiologie inconnue ont une composante génétique pouvant être rattachée à une exposition parentale. Etant donné quun lien a été établi entre lâge du père et les taux de mutation, il est logique de penser quune exposition et dautres facteurs paternels peuvent avoir un lien avec des mutations géniques. La relation, clairement établie, entre lâge de la mère et la non-disjonction chromosomique, qui entraîne des anomalies du nombre de chromosomes, semble indiquer que lexposition maternelle joue un rôle important dans les anomalies chromosomiques.
Nos connaissances du génome humain se développant, il est vraisemblable que nous allons être capables de relier un plus grand nombre danomalies congénitales à des modifications mutagènes au niveau de lADN des gènes ponctuels ou à des modifications structurales de segments de chromosomes.
Les effets secondaires néfastes pour le développement humain de lexposition du produit de conception à des agents chimiques exogènes sont connus depuis la découverte du pouvoir tératogène de la thalidomide en 1961. Wilson a établi en 1973 six «principes généraux de tératologie» qui nous intéressent directement dans le cadre de cet article. Ces principes sont les suivants:
Les quatre premiers principes seront exposés plus en détail ultérieurement, ainsi que lassociation des principes 1, 2 et 4 (issue, moment de lexposition et dose).
Il existe une grande variété dissues défavorables pouvant être associées à une exposition. Des études sur les professions, focalisées sur une seule issue, risquent de méconnaître dautres effets importants sur la reproduction.
La figure 9.1 donne quelques exemples de troubles du développement pouvant être associés à une exposition à des agents tératogènes professionnels. Les résultats de certaines études sur les professions semblent indiquer que les malformations congénitales et les avortements spontanés sont liés au même type dexposition, aux gaz anesthésiques et aux solvants organiques, par exemple.
Lavortement spontané est une issue quil est important détudier, car il peut être dû à différents mécanismes faisant intervenir plusieurs processus pathogènes. Un avortement spontané peut être le résultat dune toxicité embryonnaire ou ftale, de modifications chromosomiques, deffets sur un gène ou danomalies morphologiques. Quand on étudie les avortements spontanés, il est important dessayer de distinguer les produits de conception normaux du point de vue du caryotype de ceux qui ne le sont pas.
Le deuxième principe de Wilson établit un lien entre la sensibilité à une anomalie congénitale et le moment de lexposition, cest-à-dire lâge gestationnel du produit de conception. Ce principe a été clairement établi en ce qui concerne linduction de malformations structurales et on connaît les périodes de sensibilité de lorgano-genèse pour un grand nombre de structures. Si lon prend en compte un large éventail dissues, la période de sensibilité pendant laquelle une influence quelconque peut entraîner un effet observable quel quil soit doit être étendue à la durée totale de la gestation.
Quand on évalue les risques professionnels de malformations congénitales, il faut déterminer la nature de lexposition et la classer dans la période critique appropriée, cest-à-dire lâge gestationnel, pour chaque issue. Par exemple, les avortements spontanés et les malformations congénitales sont vraisemblablement liés à une exposition au cours du premier et du deuxième trimestre, tandis que le faible poids de naissance et les troubles fonctionnels, comme les crises dépilepsie et le retard mental, sont plus vraisemblablement liés à une exposition au cours des deuxième et troisième trimestres.
Selon le troisième principe, il est important de prendre en compte les mécanismes susceptibles dinduire une anomalie de lembryogenèse. Un certain nombre de mécanismes pouvant aboutir à une tératogenèse ont été évoqués (Wilson, 1977), parmi lesquels:
En prenant en compte les mécanismes, les chercheurs peuvent mettre au point une méthode de regroupement des issues significative du point de vue biologique, ce qui peut également donner un aperçu des produits potentiellement tératogènes; par exemple, pendant un certain temps, on a discuté des rapports entre cancérogenèse, mutagenèse et tératogenèse. Dans la perspective dune évaluation des risques professionnels pour la reproduction, cette question revêt une importance particulière à deux titres: 1) des substances cancérogènes ou mutagènes ont une probabilité accrue dêtre également tératogènes, ce qui montre quil est particulièrement important dêtre attentif aux effets de telles substances sur la reproduction; 2) les effets sur lacide désoxyribonucléique (ADN), en induisant des mutations somatiques, sont des mécanismes à la fois cancérogènes et tératogènes.
Le quatrième principe concernant la tératogenèse est la relation entre lissue et la dose. Ce principe a été clairement établi grâce à de nombreuses études chez lanimal. Selevan (1985), qui a étudié son application potentielle à lêtre humain, a noté limportance de la multiplicité des issues avec des doses spécifiques, et émis lidée quune relation dose-réponse pouvait se traduire par une augmentation du taux dune issue particulière parallèlement à une augmentation de la dose ou une modification du spectre des issues observées.
Sagissant de la tératogenèse et de la dose, on se préoccupe beaucoup des troubles fonctionnels résultant déventuels effets comportementaux de lexposition prénatale à des agents liés à lenvironnement. Les connaissances sur la tératologie comportementale chez lanimal se développent rapidement, mais celles concernant la tératologie comportementale liée à lenvironnement chez lhomme sont encore assez rudimentaires. La définition, ainsi que les certitudes dans ce domaine des issues comportementales sont actuellement très limitées pour les études épidémiologiques. Il est en outre possible quune faible exposition à des produits toxiques pour le développement joue un rôle important en ce qui concerne certains effets fonctionnels.
Pour identifier les risques de malformations congénitales sur le lieu de travail, les concepts de diversité des issues, de moment de lexposition et de dose sont particulièrement importants. Daprès nos connaissances en biologie du développement, il existe de toute évidence des liens entre des issues de la reproduction telles que lavortement spontané, le retard de croissance intra-utérine et les malformations congénitales. De plus, il a été prouvé que de nombreux toxiques agissant sur le développement ont des effets multiples (voir tableau 9.1).
Exposition |
Issue |
|||
Avortement spontané |
Malformation congénitale |
Faible poids de naissance |
Handicaps du développement |
|
Alcool |
X |
X |
X |
X |
Gaz anesthésiques |
X |
X |
|
|
Plomb |
X |
|
X |
X |
Solvants organiques |
X |
X |
|
X |
Tabac |
X |
X |
X |
|
Dans le cadre de cette question, il faut tenir compte du moment de lexposition et de la relation dose-réponse. On sait depuis longtemps que la période embryonnaire au cours de laquelle se produit lorganogenèse (deux à huit semaines après la conception) est le moment le plus sensible pour linduction de malformations structurales. La période ftale (de huit semaines jusquau terme) est le moment de lhistogenèse au cours duquel se produisent simultanément une augmentation rapide du nombre de cellules et une différenciation cellulaire. Cest au cours de cette période que les risques danomalies fonctionnelles et de retard de croissance sont les plus nombreux. Il est possible quil existe une relation entre la dose et la réponse au cours de cette période, pendant laquelle une forte dose pourrait aboutir à un retard de croissance et une faible dose à des troubles fonctionnels ou comportementaux.
Si lon pense habituellement que les anomalies congénitales sont dues à lexposition de la femme et du produit de conception, cest-à-dire à des effets tératogènes, des études menées chez lanimal et chez lêtre humain apportent de plus en plus déléments prouvant que les effets congénitaux peuvent être à médiation masculine. Ces effets pourraient être liés à la transmission de produits chimiques par le père au produit de conception à travers le liquide séminal, à une contamination indirecte de la mère et du produit de conception par des substances rapportées du lieu de travail au foyer du fait dune contamination individuelle et, comme cela a été mentionné plus haut, à une exposition du père avant la conception, provoquant des modifications génétiques transmissibles (mutations).
Les effets dagents toxiques sur la reproduction présentent nombre de différences importantes et tout à fait particulières par rapport aux effets sur dautres systèmes. Tandis que les autres formes de toxicité liées à lenvironnement impliquent habituellement le développement dune maladie chez la personne exposée, du fait que la reproduction exige une interaction entre deux individus, la toxicité pour la reproduction sexprime au niveau dune unité reproductrice, ou couple. Cet aspect particulier, couple-dépendant, même sil est évident, est distinctif de la toxicité pour la reproduction. Il est possible que lexposition dun membre du couple reproducteur (lhomme, par exemple) à un toxique se manifeste par une issue de la reproduction défavorable chez lautre membre du couple (une augmentation de la fréquence des avortements spontanés). Toute létude des causes environnementales de la toxicité pour la reproduction doit prendre en compte cet aspect couple-dépendant.
Dautres aspects distinctifs reflètent les problèmes posés par la toxicité pour la reproduction. A linverse de la fonction rénale, cardiaque ou pulmonaire, la fonction génitale ne sexerce que par intermittence, ce qui signifie que lexposition professionnelle peut interférer avec la reproduction sans être remarquée au cours des périodes pendant lesquelles la fécondité nest pas souhaitée. Ce caractère intermittent rend plus difficile lidentification dun produit toxique pour la reproduction chez les êtres humains. Une autre caractéristique particulière de la reproduction, découlant directement des considérations précédentes, est quune évaluation complète de lintégrité fonctionnelle du système reproducteur exige que le couple essaie davoir un enfant.
La spermatogenèse et la spermiogenèse sont les processus cellulaires qui produisent des cellules sexuelles mâles matures. Ces processus ont lieu dans les tubes séminifères des testicules de lhomme pubère, comme le montre la figure 9.2. Les tubes séminifères de lhomme mesurent entre 30 et 70 cm de long et 150 à 300 µm de diamètre (Zaneveld, 1978). Les spermatogonies (cellules souches), disposées le long de la membrane basale des tubes séminifères, sont les cellules de base pour la production de spermatozoïdes.
Le spermatozoïde parvient à maturité par une série de divisions cellulaires au cours desquelles les spermatogonies prolifèrent et deviennent des spermatocytes de premier ordre. Ceux-ci, encore inactifs, traversent les étroits espaces formés par les cellules de Sertoli et atteignent la face luminale de cette barrière testiculaire. Au moment où les spermatocytes atteignent la barrière membranaire du testicule, la synthèse de lADN, le matériel génétique du noyau cellulaire, est, pour lessentiel, achevée. Lorsquils rencontrent la lumière du tube séminifère, ils passent par un type particulier de division cellulaire qui se produit uniquement dans les cellules germinales et qui sappelle méiose. La division cellulaire méiotique provoque le clivage des paires de chromosomes du noyau, de sorte que chaque cellule germinale qui en résulte ne contient quune seule copie de chaque brin de chromosome au lieu dune paire.
Au cours de la méiose, les chromosomes changent de forme: ils se condensent et deviennent filamenteux. A un moment, la membrane nucléaire qui les entoure se rompt et des fuseaux microtubulaires se fixent sur les paires de chromosomes, les obligeant à se séparer. Cela met fin à la première division méiotique, qui donne naissance à deux spermatocytes haploïdes de deuxième ordre. Ceux-ci passent par une seconde division méiotique à lissue de laquelle il se forme un nombre égal de chromosomes X et Y portant des spermatides.
La transformation morphologique des spermatides en spermatozoïdes sappelle la spermiogenèse. Lorsque celle-ci est terminée, chaque cellule spermatique est libérée par les cellules de Sertoli dans la lumière du tube séminifère par un processus appelé spermiation. Le spermatozoïde migre le long du tube vers le rete testis et dans la tête de lépididyme. Les spermatozoïdes qui quittent le tube séminifère sont immatures: ils ne sont capables ni de féconder un ovule, ni de se déplacer. Les spermatozoïdes libérés dans la lumière du tube séminifère sont en suspension dans un liquide produit essentiellement par les cellules de Sertoli. En raison de légères modifications du milieu ionique du rete testis, du sperme concentré en suspension dans ce liquide sécoule en permanence depuis les tubes séminifères jusque dans lépididyme par les canaux efférents. Lépididyme est un tube unique très enroulé (5 à 6 mètres de long) dans lequel les spermatozoïdes séjournent 12 à 21 jours.
Dans lépididyme, les spermatozoïdes acquièrent progressivement leur motilité et leur pouvoir fécondant, peut-être en raison dun changement de nature du liquide contenant la suspension qui se trouve dans lépididyme. Cest-à-dire que, au fur et à mesure que les cellules mûrissent, lépididyme absorbe les composants du liquide contenant les sécrétions des cellules de Sertoli (la protéine liant les androgènes, par exemple), ce qui augmente la concentration en spermatozoïdes. Lépididyme apporte également ses propres sécrétions au liquide, dont la glycérylphosphorylcholine et la carnitine, qui sont des substances chimiques.
La morphologie du spermatozoïde continue de se transformer dans lépididyme. La gouttelette cytoplasmique est éliminée et le noyau du spermatozoïde se condense encore plus. Si lépididyme est le principal réservoir de stockage des spermatozoïdes jusquà léjaculation, environ 30% des spermatozoïdes dun éjaculat étaient stockés dans le canal déférent. Des éjaculations fréquentes accélèrent le passage du sperme dans lépididyme et peuvent augmenter le nombre de spermatozoïdes immatures (stériles) dans léjaculat (Zaneveld, 1978).
Une fois dans le canal déférent, les spermatozoïdes sont transportés par les contractions musculaires de léjaculation plutôt que par le flux liquidien. Au cours de léjaculation, des liquides sont expulsés énergiquement des glandes sexuelles annexes, produisant le plasma séminal. Ces glandes nexpulsent pas leurs sécrétions en même temps. La glande bulbo-urétrale (glande de Cowper) expulse dabord un liquide clair, puis suivent les sécrétions prostatiques, les liquides contenant les spermatozoïdes issus de lépi- didyme et de lampoule du canal déférent et, enfin, la plus grande partie provenant essentiellement des vésicules séminales. Le plasma séminal nest donc pas un liquide homogène.
Des toxiques peuvent perturber la spermatogenèse à différents niveaux. Les toxiques les plus nocifs sont ceux qui détruisent ou modifient les spermatogonies, ou les cellules de Sertoli, du point de vue génétique (sans réparation possible), car leur action est irréversible. Des études chez lanimal ont permis de déterminer le stade auquel un toxique attaque le processus de spermatogenèse. Pour ces études, on soumet les animaux à une exposition de courte durée à un toxique, puis on effectue des prélèvements destinés à en déterminer les effets. En connaissant la durée de chaque stade de la spermatogenèse, il est possible den déduire le stade affecté.
Lanalyse biochimique du plasma séminal fournit un aperçu de la fonction des glandes sexuelles annexes. Les substances chimiques sécrétées principalement par chacune de ces dernières sont généralement choisies comme marqueur pour chaque type de glande. Ainsi, lépididyme est représenté par la glycérylphosphorylcholine, les vésicules séminales par le fructose et la prostate par le zinc. Il faut noter que ce type danalyse ne fournit que des informations grossières sur la fonction glandulaire et peu, ou pas, dinformations sur les autres constituants sécrétoires. La mesure du pH et de losmolalité du sperme donne des informations générales supplémentaires sur la nature du plasma séminal.
Il est possible danalyser le plasma séminal, à la recherche dun toxique ou de son métabolite. Des métaux lourds y ont été détectés grâce à la spectrophotométrie par absorption atomique, tandis que des hydrocarbures halogénés ont été dosés dans le sperme par chromatographie en phase gazeuse après extraction ou filtration protéine-limitante (Stachel et coll., 1989; Zikarge, 1986).
La viabilité et la motilité des spermatozoïdes dans le plasma séminal reflètent habituellement sa qualité. Des modifications de leur viabilité, mesurée par labsence de coloration ou le gonflement hypo-osmotique, ou de leurs paramètres de motilité pourraient évoquer des effets toxiques post-testiculaires.
Lanalyse du sperme peut également indiquer si la production de cellules spermatiques a été touchée par un toxique. Le nombre et la morphologie des spermatozoïdes donnent des indications sur lintégrité de la spermatogenèse et de la spermiogenèse. Le nombre de spermatozoïdes présents dans léjaculat est directement lié au nombre de cellules germinales par gramme de testicule (Zukerman et coll., 1978), tandis quune morphologie anormale résulte probablement dune spermiogenèse anormale. Des spermatozoïdes morts ou immobiles reflètent souvent les effets dévénements post-testiculaires. Le type deffet toxique ou le moment de sa survenue donne des indications sur la cible du toxique. Par exemple, lexposition de rats mâles au 2-méthoxyéthanol a entraîné une diminution de la fécondité après quatre semaines (Chapin et coll., 1985). Ce signe, confirmé par lexamen histologique, indique que la cible de leffet toxique est le spermatocyte (Chapin et coll., 1984). Sil nest pas acceptable du point de vue éthique dexposer intentionnellement des sujets humains à des produits que lon suspecte dêtre toxiques pour la reproduction, lanalyse du sperme provenant déjaculats en série dhommes accidentellement exposés sur une courte durée à des toxiques potentiels peut fournir des informations similaires utiles.
Lexposition professionnelle au 1,2-dibromochloropropane (DBCP) a diminué la concentration de spermatozoïdes dans les éjaculats, la faisant passer de 79 millions de cellules/ml en moyenne chez des hommes nayant pas été exposés à 46 millions de cellules/ml chez des travailleurs exposés (Whorton et coll., 1979). Une fois soustraits à cette exposition, les hommes dont le nombre de spermatozoïdes avait diminué ont récupéré partiellement, tandis que ceux qui étaient azoospermiques sont restés stériles. La biopsie testiculaire a révélé que la cible du DBCP était la spermatogonie. Cela confirme la gravité de leffet lorsque les cellules souches sont la cible des toxiques. Rien nindiquait que lexposition dhommes au DBCP était associée à une issue défavorable de la grossesse (Potashnik et Abeliovich, 1985). Létude de travailleurs exposés au dibromure déthylène constitue un autre exemple de toxiques ayant pour cible la spermatogenèse/spermiogenèse. Ces travailleurs avaient plus de spermatozoïdes à tête fuselée et moins de spermatozoïdes par éjaculat que les témoins (Ratcliffe et coll., 1987).
Latteinte génétique est difficile à déceler dans le sperme humain. Plusieurs études chez lanimal utilisant le test de mutation létale dominante (Ehling et coll., 1978) indiquent que lexposition du père peut entraîner une issue pathologique de la grossesse. Des études épidémiologiques portant sur des populations importantes ont montré une augmentation de la fréquence des avortements spontanés chez des femmes dont le mari travaillait dans la mécanique automobile (McDonald et coll., 1989). De telles études indiquent la nécessité de trouver des méthodes permettant de déceler latteinte génétique du sperme humain. Plusieurs laboratoires sont en train de mettre au point certaines techniques, notamment des sondes dADN destinées à détecter les mutations génétiques (Hecht, 1987), le caryotypage des chromosomes des spermatozoïdes (Martin, 1983) et lévaluation de la stabilité de lADN par cytométrie de flux (Evenson, 1986).
La figure 9.3 donne la liste des toxiques connus pour affecter la qualité du sperme et le tableau 9.2 présente un résumé des résultats des études épidémiologiques concernant les effets de lexposition paternelle sur la reproduction.
Référence |
Type d’exposition ou de profession |
Association avec une exposition1 |
Effet |
Etudes de populations basées sur le dossier médical |
|||
Lindbohm et coll., 1984 |
Solvants |
– |
Avortement spontané |
Lindbohm et coll., 1984 |
Station-service |
+ |
Avortement spontané |
Daniell et Vaughan, 1988 |
Solvants organiques |
– |
Avortement spontané |
McDonald et coll., 1989 |
Mécanique |
+ |
Avortement spontané |
McDonald et coll., 1989 |
Traitement des aliments |
+ |
Anomalies du développement |
Lindbohm et coll., 1991a |
Oxyde d’éthylène |
+ |
Avortement spontané |
Lindbohm et coll., 1991a |
Raffinerie de pétrole |
+ |
Avortement spontané |
Lindbohm et coll., 1991a |
Produits d’imprégnation du bois |
+ |
Avortement spontané |
Lindbohm et coll., 1991a |
Produits chimiques utilisés dans l’industrie du caoutchouc |
+ |
Avortement spontané |
Olsen et coll., 1991 |
Métaux |
+ |
Risque de cancer chez l’enfant |
Olsen et coll., 1991 |
Machinistes |
+ |
Risque de cancer chez l’enfant |
Olsen et coll., 1991 |
Forgerons |
+ |
Risque de cancer chez l’enfant |
Kristensen et coll., 1993 |
Solvants |
+ |
Naissance prématurée |
Kristensen et coll., 1993 |
Plomb et solvants |
+ |
Naissance prématurée |
Kristensen et coll., 1993 |
Plomb |
+ |
Mort périnatale |
Kristensen et coll., 1993 |
Plomb |
+ |
Morbidité des enfants de sexe masculin |
Etudes cas-témoins |
|||
Kucera, 1968 |
Imprimerie |
(+) |
Fente labiale |
Kucera, 1968 |
Peinture |
(+) |
Fente palatine |
Olsen, 1983 |
Peinture |
+ |
Atteinte du système nerveux central |
Olsen, 1983 |
Solvants |
(+) |
Atteinte du système nerveux central |
Sever et coll., 1988 |
Rayonnements de faible intensité |
+ |
Malformations du tube neural |
Taskinen et coll., 1989 |
Solvants organiques |
+ |
Avortement spontané |
Taskinen et coll., 1989 |
Hydrocarbures aromatiques |
+ |
Avortement spontané |
Taskinen et coll., 1989 |
Poussière |
+ |
Avortement spontané |
Gardner et coll., 1990 |
Rayonnements |
+ |
Leucémie de l’enfant |
Bonde, 1992 |
Soudure |
+ |
Difficultés de conception |
Wilkins et Sinks, 1990 |
Agriculture |
(+) |
Tumeur cérébrale de l’enfant |
Wilkins et Sinks, 1990 |
Construction |
(+) |
Tumeur cérébrale de l’enfant |
Wilkins et Sinks, 1990 |
Traitement des aliments/du tabac |
(+) |
Tumeur cérébrale de l’enfant |
Wilkins et Sinks, 1990 |
Métaux |
+ |
Tumeur cérébrale de l’enfant |
Lindbohmn et coll., 1991b |
Plomb |
(+) |
Avortement spontané |
Sallmen et coll., 1992 |
Plomb |
(+) |
Malformations congénitales |
Veulemans et coll., 1993 |
Ethylèneglycoléther |
+ |
Anomalies du spermogramme |
Chia et coll., 1992 |
Métaux |
+ |
Cadmium dans le sperme |
1 Pas d'association significative; (+) association légèrement significative; + association significative
Source: d'après Taskinen, 1993.
Le fonctionnement global du système reproducteur est contrôlé par le système nerveux et les hormones produites par les glandes (système endocrinien). Laxe neuroendocrinien reproducteur de lhomme comprend essentiellement le système nerveux central, lantéhypophyse et les testicules. Les afférences du système nerveux central et de la périphérie sont intégrées par lhypothalamus, qui régule directement la sécrétion de gonadotrophines par lantéhypophyse. Les gonadotrophines, à leur tour, agissent essentiellement sur les cellules de Leydig contenues dans linterstitium et sur les cellules de Sertoli et les cellules germinales contenues dans les tubes séminifères, afin de réguler la spermatogenèse et la production dhormones par les testicules.
Lhypothalamus sécrète une neurohormone, la gonadostimuline, dans le système porte hypophysaire, qui la transporte vers lantéhypophyse. La sécrétion pulsatile de ce décapeptide provoque la libération concomitante de lhormone lutéinisante (LH) et, dune manière moins synchrone et avec cinq fois moins de puissance, celle de lhormone folliculo-stimulante (FSH) (Bardin, 1986). Il existe des preuves convaincantes de la présence dune hormone libératrice de la FSH particulière, bien quelle nait pas encore pu être isolée (Savy-Moore et Schwartz, 1980; Culler et Negro-Vilar, 1986). Ces hormones sont sécrétées par lantéhypophyse. La LH agit directement sur les cellules de Leydig afin de stimuler la synthèse et la libération de testostérone, tandis que la FSH stimule laromatisation de la testostérone en stradiol par les cellules de Sertoli. La stimulation gonadotrope entraîne la libération de ces hormones stéroïdiennes dans la veine spermatique.
La sécrétion de gonadotrophines, à son tour, est contrôlée par la testostérone et lstradiol au moyen de mécanismes de rétroaction négative. La testostérone agit principalement sur lhypothalamus pour réguler la sécrétion de gonadostimuline et, ainsi, diminue la fréquence des pulsations libérant essentiellement la LH. Dautre part, lstradiol agit sur lhypophyse afin de diminuer lamplitude de la libération de gonadotrophines. Par ces boucles endocriniennes rétroactives, la fonction testiculaire en général, et la sécrétion de testostérone en particulier, sont maintenues relativement constantes.
La LH et la FSH sont généralement considérées comme nécessaires à une spermatogenèse normale. Il est probable que leffet de la LH est secondaire à linduction dune concentration intratesticulaire élevée de testostérone. Par conséquent, la FSH de lhypophyse et la testostérone des cellules de Leydig agissent sur les cellules de Sertoli contenues dans lépithélium du tube séminifère afin de déclencher la spermatogenèse. La production de spermatozoïdes se poursuit, bien que quantitativement réduite, après la disparition soit de la LH (et probablement de la forte concentration intratesticulaire de testostérone), soit de la FSH. La FSH est nécessaire pour déclencher la spermatogenèse à la puberté et, dans une moindre mesure, pour relancer la spermatogenèse lorsquelle a été interrompue (Matsumoto, 1989; Sharpe, 1989).
La synergie hormonale qui sert à entretenir la spermatogenèse pourrait comporter le recrutement par la FSH de spermatogonies différenciées afin quelles entament la méiose, tandis que la testo-stérone contrôlerait des stades ultérieurs spécifiques de la spermatogenèse. La FSH et la testostérone peuvent également agir sur les cellules de Sertoli afin de stimuler la production dun ou de plusieurs facteurs paracrines pouvant modifier le nombre de cellules de Leydig et leur production de testostérone (Sharpe, 1989). La FSH et la testostérone stimulent la synthèse de protéines par les cellules de Sertoli, notamment la synthèse de la protéine liant les androgènes (ABP), tandis que la FSH seule stimule la synthèse de laromatase et de linhibine. LABP, sécrétée essentiellement dans le liquide du tube séminifère, est transportée vers la partie proximale de la tête de lépididyme, où elle sert probablement de support local pour les androgènes (Bardin, 1986). Laromatase catalyse la conversion de la testostérone en stradiol dans les cellules de Sertoli et dans dautres tissus périphériques.
Linhibine est une glycoprotéine composée de deux sous-unités différentes, a et b, liées par un pont disulfure. Si linhibine entrave préférentiellement la libération de FSH, elle peut également diminuer la libération de LH en présence dune stimulation par la gonadostimuline (Kotsugi et coll., 1988). La FSH et la LH stimulent la libération dinhibine avec sensiblement la même puissance (McLachlan et coll., 1988). Il est intéressant de noter que linhibine est excrétée dans le sang de la veine spermatique par des pulsations synchrones avec celles de la testostérone (Winters, 1990). Cela ne reflète probablement pas une action directe de la LH ou de la testostérone sur lactivité des cellules de Sertoli, mais plutôt les effets dautres produits des cellules de Leydig excrétés soit dans les espaces interstitiels, soit dans la circulation.
La prolactine, également sécrétée par lantéhypophyse, agit en synergie avec la LH et la testostérone pour activer la fonction de reproduction chez lhomme. La prolactine se fixe sur des récepteurs spécifiques portés par les cellules de Leydig et augmente la quantité du complexe récepteur dandrogènes dans le noyau des tissus sensibles aux androgènes (Baker et coll., 1977). Lhyperprolactinémie saccompagne dune réduction de la taille des testicules et de la prostate, du volume de sperme et de la concentration de LH et de testostérone circulante (Segal et coll., 1979). Lhyperprolactinémie a également été associée à une impuissance, apparemment non liée à une modification de la sécrétion de testostérone (Thorner et coll., 1977).
Si on mesure la quantité de métabolites des hormones stéroïdes dans lurine, il faut tenir compte du fait que lexposition étudiée peut en modifier le métabolisme. Cela est dautant plus pertinent que la plupart des métabolites sont formés par le foie, cible de nombreux toxiques. Le plomb, par exemple, diminue la quantité de stéroïdes sulfatés excrétés dans lurine (Apostoli et coll., 1989). Chez lhomme, le taux sanguin de chaque gonadotrophine sélève au cours du sommeil au début de la puberté, tandis que la testostérone se maintient à son taux diurne pendant tout lâge adulte (Plant, 1988). Cest pourquoi les prélèvements de sang, durine et de salive doivent être faits à peu près à la même heure du jour afin déviter des variations liées au schéma sécrétoire diurne.
Il est très vraisemblable que les effets patents de lexposition à un toxique ayant pour cible le système neuroendocrinien reproducteur se manifestent par des modifications biologiques des androgènes. Chez lhomme adulte, les manifestations régulées de manière significative par les androgènes et pouvant être décelées au cours dun examen physique de base sont les suivantes: 1) la rétention azotée et le développement musculaire; 2) létat des organes génitaux externes et des organes génitaux annexes; 3) lhypertrophie du larynx et lépaississement des cordes vocales à lorigine de la voix masculine; 4) la croissance de la barbe et des poils axillaires et pubiens, les golfes temporaux et la calvitie; 5) la libido et les performances sexuelles; 6) la présence dans certains tissus (foie, reins, glandes salivaires) de protéines spécifiques dorganes; 7) un comportement agressif (Bardin, 1986). Une modification de lun ou lautre de ces traits peut indiquer une altération de la production dandrogènes.
Le plomb est un exemple classique de toxique qui atteint directement le système neuroendocrinien. Chez des hommes exposés au plomb pendant moins dun an, la concentration sérique de LH était élevée. Cet effet nétait pas supérieur chez les hommes exposés pendant plus de cinq ans. Le taux sérique de FSH nétait pas modifié. Dautre part, le taux sérique dABP avait augmenté et celui de testostérone totale diminué chez les hommes exposés au plomb pendant plus de cinq ans. Le taux sérique de testostérone libre avait baissé de manière significative après une exposition au plomb de trois à cinq ans (Rodamilans et coll., 1988). En revanche, la concentration sérique de LH, de FSH, de testostérone totale, de prolactine et de 17-cétostéroïdes neutres nétait pas modifiée chez les travailleurs ayant une plombémie basse, même si la fréquence de distribution des spermatozoïdes était modifiée (Assennato et coll., 1986).
Lexposition de peintres de chantiers navals au 2-éthoxyéthanol avait entraîné une diminution du nombre de spermatozoïdes sans modification concomitante du taux sérique de LH, de FSH ou de testostérone (Welch et coll., 1988). Ainsi, des toxiques peuvent affecter séparément la production dhormones et le taux de spermatozoïdes.
Chez des travailleurs affectés à la fabrication du DBCP, un nématocide, le taux sérique de LH et de FSH avait augmenté, tandis que le nombre de spermatozoïdes et la fécondité avaient diminué. Ces effets sont apparemment des séquelles de laction du DBCP sur les cellules de Leydig, qui modifie la production ou laction des androgènes (Mattison et coll., 1990).
Plusieurs composés peuvent être toxiques en raison de leur similitude structurale avec les hormones stéroïdiennes de la reproduction. Cest ainsi quen se fixant sur le récepteur endocrinien correspondant des toxiques peuvent se comporter en agonistes ou en antagonistes et perturber les réponses biologiques. La chlordécone (Képone), un insecticide qui se fixe sur les récepteurs strogéniques, avait fait diminuer le nombre et la motilité des spermatozoïdes, stoppé leur maturation et fait régresser la libido. Sil est tentant de supposer que ces effets sont dus à linterférence de la chlordécone avec les strogènes au niveau neuroendocrinien ou testiculaire, les variations du taux sérique de testostérone, de LH et de FSH nétaient pas, dans ces études, comparables à celles obtenues à la suite dun traitement par lstradiol. Le DDT et ses métabolites possédant également des propriétés stéroïdiennes, on pourrait sattendre à ce quils modifient la fonction génitale de lhomme en interférant avec les fonctions des hormones stéroïdiennes. Des xénobiotiques comme les biphéniles polychlorés, les biphéniles polybromés et les pesticides organochlorés peuvent également perturber les fonctions reproductrices de lhomme par une activité strogénique agoniste ou antagoniste (Mattison et coll., 1990).
On entend par fonction sexuelle humaine lensemble des activités intégrées des testicules et des glandes sexuelles secondaires, des systèmes de contrôle endocriniens et des composantes comportementales et psychologiques de la reproduction, basées sur le système nerveux central (libido). Lérection, léjaculation et lorgasme sont trois événements physiologiques et psychodynamiques distincts et indépendants qui surviennent normalement en même temps chez lhomme.
En raison des problèmes décrits plus haut, les données fiables concernant les effets dune exposition professionnelle sur la fonction sexuelle sont peu nombreuses. Il a été montré que les médicaments peuvent affecter chacun des trois stades de la fonction sexuelle masculine (Fabro, 1985), ce qui donne à penser quune exposition professionnelle peut exercer des effets similaires. Les antidépresseurs, les antagonistes de la testostérone et les stimulants de la libération de prolactine diminuent effectivement la libido chez lhomme. Les antihypertenseurs agissant sur le système nerveux sympathique provoquent une impuissance chez certains hommes, mais, chose surprenante, un priapisme chez dautres. La phénoxybenzamine, un antagoniste des récepteurs adrénergiques, a été utilisée en clinique pour éviter lémission du sperme sans empêcher lorgasme (Shilon, Paz et Homonnai, 1984). Les antidépresseurs anticholinergiques permettent lémission du sperme tout en bloquant son éjection et en empêchant lorgasme, de sorte que le sperme suinte de lurètre au lieu den être éjecté.
Les drogues douces affectent également la fonction sexuelle (Fabro, 1985). Lalcool peut diminuer limpuissance en augmentant la libido. La cocaïne, lhéroïne et les cannabinoïdes à forte dose diminuent la libido. Les opiacés retardent ou entravent également léjaculation.
Le grand nombre et la grande variété des produits pharmaceutiques qui se sont avérés avoir une action sur le système reproducteur masculin viennent étayer lidée que des produits chimiques présents sur le lieu de travail peuvent aussi être toxiques pour la reproduction. Des méthodes de recherche fiables et pratiques dans les conditions détude sur le terrain sont nécessaires pour évaluer ce domaine important quest la toxicologie de la reproduction.
Lappareil reproducteur féminin est contrôlé par des éléments du système nerveux central, notamment lhypothalamus et lhypophyse. Il se compose des ovaires, des trompes de Fallope, de lutérus et du vagin (voir figure 9.4). Les ovaires, gonades féminines, sont la source des ovocytes; ils synthétisent et sécrètent également les principales hormones sexuelles féminines: strogènes et progestérone. Les trompes de Fallope amènent les ovocytes vers lutérus et permettent aux spermatozoïdes den sortir. Lutérus est un organe musculaire en forme de poire, dont la partie supérieure communique, par les trompes de Fallope, avec la cavité abdominale et la partie inférieure, par létroit canal du col, avec le vagin et, de là, avec lextérieur. Le tableau 9.3 présente les composés, ainsi que les manifestations cliniques, le site et les mécanismes daction des produits potentiellement toxiques pour la reproduction.
Produit |
Manifestation clinique |
Site |
Mécanisme/cible |
Réactivité chimique |
|||
Agents alkylants |
Troubles des règles |
Ovaire |
Toxicité pour les cellules de la granulosa |
Plomb |
Troubles des règles |
Hypothalamus |
Diminution du taux de FSH |
Mercure |
Troubles des règles |
Hypothalamus |
Modification de la production et de la sécrétion de gonado-trophines |
Cadmium |
Atrésie folliculaire |
Ovaire |
Toxicité vasculaire |
Similarité structurale |
|||
Azathioprine |
Réduction du nombre de follicules |
Ovaire |
Analogue de la purine |
Chlordécone |
Baisse de la fécondité |
Hypothalamus |
Agoniste des strogènes |
DDT |
Troubles des règles |
Hypophyse |
Perturbation de FSH, LH |
2,4-D |
Stérilité |
|
|
Lindane |
Aménorrhée |
|
|
Toxaphène |
Hyperménorrhée |
|
|
BPC, BPB |
Troubles des règles |
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Perturbation de FSH, LH |
Source: d'après Plowchalk, Meadows et Mattison, 1992. Ce sont essentiellement des tests de toxicité chez l'animal qui laissent supposer que ces produits sont des toxiques agissant directement sur la reproduction.
Lhypothalamus est situé dans le diencéphale, qui se trouve au sommet du tronc cérébral, entre les hémisphères cérébraux. Cest le principal intermédiaire entre les systèmes nerveux et endocrinien, qui sont les deux grands systèmes de contrôle du corps. Il régule lhypophyse et la production dhormones.
Les mécanismes par lesquels un produit chimique peut perturber la fonction reproductrice de lhypothalamus sont, de façon générale, tous les événements susceptibles de modifier la production pulsatile de gonadostimuline. Cela peut impliquer une modification de la fréquence ou de lamplitude des pulsations de gonadostimuline. Les processus sensibles à une agression chimique sont ceux participant à la synthèse et à la sécrétion de gonadostimuline, plus spécifiquement la transcription ou la traduction, lencapsulation ou le transport axonal, ainsi que les mécanismes sécrétoires. Ces processus représentent des sites au niveau desquels des composés chimiquement réactifs agissant directement peuvent interférer avec la synthèse ou la libération hypothalamique de gonadostimuline. Une modification de la fréquence ou de lamplitude des pulsations de gonadostimuline pourrait être due à la perturbation des voies stimulatrices ou inhibitrices qui en régulent la libération. Des études sur la régulation du générateur de pulsations de gonadostimuline ont montré que les catécholamines, la dopamine, la sérotonine, lacide gamma-aminobutyrique et les endorphines sont tous susceptibles, dans une certaine mesure, de modifier la libération de gonadostimuline. Par conséquent, des xéno-biotiques agonistes ou antagonistes de ces composés pourraient modifier la libération de gonadostimuline, perturbant ainsi la communication avec lhypophyse.
La prolactine, lhormone folliculo-stimulante (FSH) et lhormone lutéinisante (LH) sont trois hormones protéiniques sécrétées par lantéhypophyse qui sont essentielles à la reproduction. Elles jouent un rôle fondamental dans lentretien du cycle ovarien en dirigeant le recrutement et la maturation folliculaires, la stéroïdogenèse, lachèvement de la maturation des ovules, lovulation et la lutéinisation.
Le contrôle exact du système reproducteur, réglé avec précision, est assuré par lantéhypophyse en réponse à des signaux de rétroaction positive et négative provenant des gonades. La libération adéquate de FSH et de LH au cours du cycle ovarien contrôle le développement folliculaire normal; labsence de ces hormones entraîne une aménorrhée et une atrophie des gonades. Les gonadotrophines jouent un rôle déterminant par le fait quelles provoquent des modifications morphologiques des follicules ovariens et de leur micro-environnement stéroïdien en stimulant la production de stéroïdes et en induisant des populations de récepteurs. Une libération opportune et adéquate de ces gonadotrophines est également essentielle à lovulation et à une phase lutéale correcte. Etant donné que les gonadotrophines sont essentielles à la fonction ovarienne, une modification de leur synthèse, de leur stockage ou de leur sécrétion peut compromettre sérieusement la capacité de reproduction. Une interférence avec lexpression génique, que ce soit dans la transcription ou dans la traduction, au cours dévénements post-traductionnels, de lencapsulation ou des mécanismes sécrétoires, risque de modifier le taux de gonadotrophines atteignant les gonades. Des produits chimiques agissant par le biais dune similarité structurale ou dune modification de lhoméostasie endocrinienne pourraient avoir des effets en interférant avec les mécanismes de rétroaction normaux. Des agonistes et des antagonistes des récepteurs stéroïdiens pourraient amorcer une libération inappropriée de gonadotrophines par lhypophyse, ce qui provoquerait la production denzymes métabolisant les stéroïdes et diminuerait la demi-vie des stéroïdes et, par conséquent, le taux circulant de stéroïdes atteignant lhypophyse.
Chez les primates, lovaire est responsable du contrôle de la reproduction par le biais de ses principaux produits, les ovocytes et les hormones stéroïdiennes et protéiniques. La folliculogenèse, qui implique des mécanismes de régulation à la fois intra- et extra-ovariens, est le processus de production des ovocytes et des hormones. Lovaire lui-même se compose de trois sous-unités fonctionnelles: le follicule, lovocyte et le corps jaune. Au cours du cycle menstruel normal, ces composants, sous linfluence de la FSH et de la LH, fonctionnent de concert afin de produire un ovule viable pour la fécondation, ainsi quun milieu convenable pour limplantation et la gestation qui sensuit.
Durant la période préovulatoire du cycle menstruel, la mobilisation et le développement des follicules ont lieu sous linfluence de la FSH et de la LH. Cette dernière stimule la production dandrogènes par les cellules thécales, tandis que la première entraîne laromatisation des androgènes en strogènes par les cellules de la granulosa et la production dune hormone protéinique, linhibine. Celle-ci, au niveau de lantéhypophyse, diminue la libération de FSH, ce qui empêche une stimulation excessive du développement des follicules, tout en permettant la poursuite du développement du follicule dominant destiné à lovulation. La production dstrogènes augmente, stimulant à la fois la poussée de LH (aboutissant à lovulation) et les modifications cellulaires et sécrétoires survenant dans le vagin, le col, lutérus et les trompes de Fallope, qui accroissent la viabilité et le transport des spermatozoïdes.
Au cours de la phase postovulatoire, les cellules thécales et de la granulosa restant dans la cavité folliculaire de lovocyte de premier ordre ovulé forment le corps jaune et sécrètent de la progestérone. Cette hormone stimule lutérus afin de fournir un environnement convenable pour limplantation de lembryon en cas de fécondation. A linverse de la gonade mâle, la gonade femelle possède un nombre fini de cellules germinales à la naissance; elle est donc particulièrement sensible aux produits toxiques pour la reproduction. Une exposition de la femme à ces produits risque de diminuer la fécondité, daugmenter les avortements spontanés et daboutir à une ménopause précoce ou à la stérilité.
En tant quunité reproductrice de base de lovaire, le follicule fournit le délicat milieu hormonal nécessaire à la croissance et à la maturation dun ovocyte. Comme nous lavons noté précédemment, ce processus complexe, appelé folliculogenèse, implique une régulation à la fois intra- et extra-ovarienne. De nombreuses modifications morphologiques et biochimiques se produisent lorsquun follicule primordial se transforme en follicule préovulatoire (contenant un ovocyte en cours de développement), et chaque stade du développement folliculaire possède un schéma caractéristique de sensibilité aux gonadotrophines, de production de stéroïdes et de voies de rétroaction. Ces caractéristiques semblent indiquer quun certain nombre de sites sont disponibles pour une interaction avec des xénobiotiques. Par ailleurs, il existe dans lovaire diverses populations de follicules, ce qui complique encore la situation en entraînant une toxicité folliculaire différentielle. Cela crée une situation dans laquelle les schémas de stérilité induits par un produit chimique dépendent du type de follicule atteint. Par exemple, un effet toxique pour des follicules primordiaux ne donne pas de signes immédiats de stérilité, mais va finalement diminuer la durée de la période dactivité reproductrice. En revanche, un effet toxique pour les follicules antraux ou préovulatoires entraînera larrêt immédiat de la fonction reproductrice. Le complexe folliculaire se compose de trois élé- ments de base: les cellules de la granulosa, les cellules thécales et lovocyte. Chacun de ces composants possède des caractéristiques qui lui confèrent une sensibilité particulière à une agression chimique.
Plusieurs chercheurs se sont intéressés à une méthodologie destinée à détecter les xénobiotiques toxiques pour la granulosa en mesurant les effets sur la production de progestérone par les cellules de la granulosa en culture. Lstradiol interrompt la production de progestérone par les cellules de la granulosa, phénomène qui a été utilisé pour étudier la réactivité de ces dernières. Le p,p'-DDT, un pesticide, et son isomère o,p'-DDT arrêtent la production de progestérone avec une puissance apparemment égale à celle de lstradiol. En revanche, le malathion, le parathion et la dieldrine, dautres pesticides, ainsi que lhexachlorobenzène, un fongicide, sont sans effet. Une nouvelle analyse détaillée de la réaction aux xénobiotiques des cellules de la granulosa isolées est nécessaire afin de définir lutilité de cette méthode dessai. Lattrait de ces systèmes isolés réside dans le fait quils sont bon marché et faciles à utiliser; toutefois, il ne faut pas oublier que les cellules de la granulosa ne représentent quun composant du système reproducteur.
Les cellules thécales fournissent des précurseurs des stéroïdes synthétisés par les cellules de la granulosa. On pense quelles sont recrutées dans les cellules du stroma ovarien au cours de la formation et du développement des follicules. Leur recrutement peut impliquer une prolifération cellulaire du stroma aussi bien quune migration vers les zones entourant le follicule. Les xénobiotiques qui entravent la prolifération, la migration et la communication cellulaires ont un impact sur la fonction cellulaire thécale. Ceux qui modifient la production thécale dandrogènes peuvent aussi entraver la fonction folliculaire. Par exemple, les androgènes métabolisés en strogènes par les cellules de la granulosa proviennent des cellules thécales. Il est probable quune modification de la production dandrogènes par les cellules thécales, quil sagisse dune augmentation ou dune diminution, aura un effet significatif sur la fonction folliculaire. On suppose notamment quune production trop importante dandrogènes par les cellules thécales aboutit à une atrésie folliculaire. De plus, une atteinte à la production dandrogènes par les cellules thécales peut entraîner une diminution de la production dstrogènes par les cellules de la granulosa. Il est clair que dans les deux cas il y aura un impact sur la reproduction. On sait peu de choses actuellement sur la vulnérabilité des cellules thécales aux xénobiotiques.
Bien quil existe peu dinformations sur la vulnérabilité des cellules ovariennes aux xénobiotiques, certaines données démontrent clairement que les ovocytes peuvent être altérés ou détruits par de tels produits. Les agents alkylants détruisent les ovocytes chez la femme et chez les animaux de laboratoire. Le plomb est toxique pour lovaire. Le mercure et le cadmium provoquent également des lésions de lovaire, peut-être par le biais dune action toxique sur lovocyte.
La gamétogenèse, la libération et lunion de cellules germinales mâles et femelles sont des événements préliminaires aboutissant à un zygote. Les spermatozoïdes déposés dans le vagin doivent traverser le col, puis remonter lutérus et la trompe de Fallope pour rencontrer lovule. La pénétration du spermatozoïde dans lovule et la fusion de leurs ADN respectifs constituent le processus de fécondation. Après la fécondation, la division cellulaire samorce et elle se poursuit au cours des trois ou quatre jours suivants, formant un amas cellulaire compact appelé morula. Les cellules de la morula continuent à se diviser et, au moment où lembryon en cours de développement atteint lutérus, cest une boule creuse appelée blastocyte.
Après la fécondation, lembryon migre par la trompe de Fallope vers lutérus. Le blastocyte pénètre dans celui-ci et simplante dans lendomètre sept jours environ après lovulation. A ce moment, lendomètre est en phase postovulatoire. Une fois implanté, le blastocyte peut absorber des éléments nutritifs ou des toxiques amenés par les glandes et les vaisseaux sanguins de lendomètre.
Dans le monde entier, le nombre de femmes ayant un emploi rémunéré est en augmentation. Aux Etats-Unis, par exemple, près de 70% des femmes travaillent hors de chez elles au cours de leurs principales années dactivité génitale (entre 20 et 34 ans). Par ailleurs, depuis les années quarante, on enregistre une augmentation à peu près linéaire de la fabrication de produits chimiques organiques de synthèse, ce qui crée un environnement plus dangereux pour la femme enceinte qui travaille et pour sa descendance.
La réussite de la reproduction dun couple dépend finalement dun équilibre biochimique délicat chez le père, la mère et le ftus, et entre eux. Les modifications métaboliques qui se produisent au cours de la grossesse peuvent augmenter lexposition à des toxiques dangereux à la fois pour la femme et pour le produit de conception. Parmi ces modifications métaboliques, on compte laugmentation de labsorption pulmonaire et du débit cardiaque, le retard de vidange gastrique, laugmentation de la motilité intestinale et de la quantité de graisses corporelles. Comme le montre la figure 9.5, lexposition du produit de conception peut avoir différents effets selon le stade de développement précoce ou tardif de lembryogenèse, ou période ftale.
La durée du transport dun ovule fécondé avant limplantation est de deux à six jours. Au cours de ce stade précoce, lembryon peut se trouver exposé à des substances chimiques qui pénètrent dans les liquides utérins. Labsorption de xénobiotiques peut saccompagner de modifications dégénératives, dune altération du profil protidique du blastocyte ou dun échec de limplantation. Durant cette période, une agression est susceptible de provoquer un avortement spontané. Daprès des données expérimentales, on pense que lembryon est assez résistant aux agressions tératogènes au cours de ce stade précoce, car les cellules nont pas encore amorcé la séquence complexe de la différenciation chimique.
La période plus tardive dembryogenèse est caractérisée par la différenciation, la mobilisation et lorganisation des cellules et des tissus en ébauches dorganes. Une pathogenèse précoce peut provoquer la mort cellulaire, un échec de linteraction cellulaire, une réduction de la biosynthèse, des anomalies des déplacements morphogénétiques, une perturbation mécanique, des adhérences ou un dème (Paul, 1993). Les facteurs de médiation qui déterminent la susceptibilité aux effets sont la voie, le niveau et le schéma dexposition, ainsi que le génotype ftal et maternel. Des facteurs extrinsèques, comme les carences alimentaires ou les effets additionnels, synergiques ou antagonistes, associés à des expositions répétées, peuvent avoir un impact supplémentaire sur la réponse. Les principales réactions indésirables au cours de la phase tardive de lembryogenèse sont lavortement spontané, les anomalies structurales macroscopiques, la mort ftale, un retard de croissance ou des anomalies du développement psychomoteur.
La période ftale, qui va de lembryogenèse à la naissance, commence entre le 54e et le 60e jour de la gestation, le produit de conception mesurant 33 mm du vertex au coccyx. La distinction entre la période embryonnaire et la période ftale est quelque peu arbitraire. Du point de vue du développement, la période ftale se caractérise par la croissance, lhistogenèse et la maturation fonctionnelle. Un effet toxique peut se manifester par une diminution de la taille et du nombre de cellules. Le cerveau demeure sensible aux agressions; la myélinisation est incomplète jusquà la période postnatale. Un effet toxique au cours de la période ftale peut provoquer un retard de croissance, des troubles fonctionnels, des perturbations de la grossesse, des troubles comportementaux, une cancérogenèse transplacentaire ou la mort. Le présent article traite des effets biologiques, sociologiques et épidémiologiques de lexposition maternelle professionnelle ou environnementale.
Les stades de développement du zygote, qui se comptent en jours à partir de lovulation (JOV), vont du stade blastocyste, 15e au 20e jour (1 à 6 JOV), limplantation survenant au 20e ou au 21e jour (6 ou 7 JOV), jusquà la période embryonnaire, 21e au 62e jour (7 à 48 JOV), et la période ftale du 63e jour (49 + JOV) jusquà la période dite de viabilité, qui va du 140e au 195e jour. Lestimation de la probabilité dun avortement spontané à lun de ces stades dépend à la fois de la définition de la mort ftale et de la méthode utilisée pour déterminer cet événement. La définition de stade ftal précoce et tardif varie considérablement, allant de la fin de la 20e à la 28e semaine. Les définitions de mort ftale et de mort néonatale recommandées par lOrganisation mondiale de la santé (OMS) (OMS, 1977) figurent au tableau 9.4. Aux Etats-Unis, lâge gestationnel de 20 semaines, qui détermine la limite inférieure pour la naissance dun enfant mort-né, est maintenant largement accepté.
Avortement spontané |
≤ 500 g ou 20-22 semaines ou 25 cm de longueur |
Enfant mort-né |
500 g (1 000 g international) non viable |
Mort néonatale précoce |
Mort d’un nourrisson né vivant ≤ 7 jours (168 heures) |
Mort néonatale tardive |
7 jours à ≤ 28 jours |
Source: Organisation mondiale de la santé, 1977.
Comme la plupart des ftus issus davortements précoces présentent des anomalies chromosomiques, il a été proposé, dans un but de recherche, de faire une distinction plus fine entre la mort ftale précoce, avant 12 semaines de gestation, et la mort ftale tardive (Källén, 1988). Lorsquon étudie les morts ftales tardives, il est également judicieux dinclure les morts néonatales précoces, qui peuvent avoir des causes identiques. LOMS définit la mort néonatale précoce comme la mort dun nouveau-né âgé de 7 jours ou moins, la mort néonatale tardive survenant entre le 7e et le 29e jour. Dans les études menées dans les pays en développement, il est important de faire la distinction entre la mort prepartum et intrapartum. En raison des mauvaises conditions daccouchement, la mort intrapartum est à lorigine dun pourcentage important des naissances de mort-nés dans les pays moins développés.
Dans lanalyse de neuf enquêtes rétrospectives ou transversales effectuée par Kline, Stein et Susser (1989), le pourcentage de morts ftales avant la 20e semaine de gestation est compris entre 5,5 et 12,6%. Si la définition est élargie de façon à inclure les morts jusquà la 28e semaine de gestation, il va de 6,2 à 19,6%. Toutefois, dans quatre études prospectives, le pourcentage de morts ftales pour des grossesses cliniquement diagnostiquées se situait dans des limites relativement étroites, de 11,7 à 14,6% pour une période de gestation allant jusquà la 28e semaine. Ce pourcentage plus faible dans les études prospectives que dans les études rétrospectives et transversales peut être attribué à des différences dans les définitions de base, à des avortements provoqués déclarés comme spontanés et à une classification des retards de règles ou des règles abondantes parmi les morts ftales.
Lorsquon inclut les avortements cachés ou les morts «chimiques» précoces identifiés par une élévation des gonadotrophines chorioniques humaines, le pourcentage total des avortements spontanés augmente de manière spectaculaire. Dans une étude basée sur le dosage de ces gonadotrophines, lincidence de mort subclinique dovules fécondés faisant suite à une implantation était de 22% (Wilcox et coll., 1988). Dans ces études, les gonadotrophines urinaires étaient mesurées par dosage radio-immunométrique utilisant un anticorps de détection. La méthode de dosage, employée à lorigine par Wilcox, faisait appel à un anticorps polyclonal de lapin, à forte affinité, maintenant éteint. Des études plus récentes ont utilisé un anticorps monoclonal inépuisable nécessitant moins de 5 ml durine pour la réplication des échantillons. Le facteur limitant lutilisation de cette méthode de dosage dans les études sur le lieu de travail nest pas uniquement son coût et les moyens nécessaires pour coordonner le prélèvement, le stockage et lanalyse des échantillons durine, mais également limportance de la population nécessaire. Dans une étude sur les avortements spontanés précoces chez des sujets travaillant sur terminal à écran de visualisation, 7 000 environ avaient été sélectionnés afin dobtenir une population utilisable de 700 femmes. Cette obligation de recruter une population dix fois plus importante pour obtenir un échantillon de taille adéquate tient à la diminution du nombre de femmes disponibles en raison dune inadmissibilité due à lâge, à la stérilité et au recrutement exclusif de femmes nutilisant pas de contraceptifs ou pratiquant une forme de contraception relativement inefficace.
Des études plus classiques sur lexposition professionnelle ont utilisé, afin didentifier les avortements spontanés, des données enregistrées ou recueillies au moyen de questionnaires. Les sources des données enregistrées étaient des statistiques démographiques et des dossiers médicaux provenant dhospitalisations et de consultations privées ou hospitalières. Lemploi des systèmes denregistrement de données ne permet didentifier quun sous-ensemble de toutes les morts ftales, essentiellement celles qui surviennent après le début de la surveillance prénatale, en général après deux ou trois mois de retard de règles. Les données provenant de questionnaires sont recueillies soit par courrier, soit au cours dun entretien téléphonique ou personnel. En interrogeant des femmes sur leurs antécédents gynécologiques, il est possible dobtenir une documentation plus complète sur toutes les pertes ftales reconnues. Parmi les questions habituellement incluses dans les antécédents gynécologiques, on trouve toutes les issues des grossesses précédentes, la surveillance prénatale, les antécédents familiaux dissues défavorables de grossesses, les antécédents matrimoniaux, lalimentation, le poids avant la grossesse, la taille, la prise de poids, la consommation de cigarettes et dalcool, la prise de médicaments sur ordonnance ou non, létat de santé de la mère avant la grossesse et au cours de celle-ci et lexposition domestique ou professionnelle à des agents physiques et chimiques, tels que vibrations, rayonnements, métaux, solvants et pesticides. Les données fournies par les entretiens peuvent être une source valable dinformation sur les avortements spontanés, en particulier si lanalyse inclut ceux survenus à huit semaines ou plus de gestation durant les dix dernières années.
Les principaux facteurs physiques, génétiques, sociaux et environnementaux associés à un avortement spontané sont résumés dans le tableau 9.5. Afin de sassurer que la corrélation entre lexposition et leffet observé nest pas due à dautres facteurs de risque (facteurs de confusion), il est important didentifier ceux qui peuvent être associés à lissue considérée. Les maladies associées à une mort ftale sont la syphilis, la rubéole, les infections génitales à mycoplasmes, lherpès, les infections utérines et lhyperthermie généralisée. Parmi les facteurs de risque les plus importants davortement spontané cliniquement diagnostiqué figurent les antécédents de fausse couche. La grande multiparité est associée à une augmentation du risque, mais elle peut être associée à des antécédents davortement spontané. La multiparité en tant que facteur de risque peut être interprétée de diverses manières en raison de son association avec lâge maternel, les antécédents gynécologiques et lhétérogénéité des femmes à différents degrés de parité. Le pourcentage des avortements spontanés est plus élevé chez les femmes de moins de 16 ans et de plus de 36 ans. Après ajustement du nombre de grossesses et des antécédents davortement, le risque de perte ftale est deux fois plus élevé chez les femmes de plus de 40 ans que chez les femmes plus jeunes. Laugmentation du risque avec lâge a été associée à une augmentation des anomalies chromosomiques, de la trisomie en particulier. La possibilité de perte ftale à médiation masculine a été rapportée récemment (Savitz, Sonnenfeld et Olshan, 1994). On a montré lexistence dune relation plus nette avec une exposition paternelle au mercure et aux gaz anesthésiques, ainsi quune relation évocatrice, mais irrégulière, avec lexposition au plomb, ainsi quavec la fabrication du caoutchouc et de certains solvants et pesticides.
Retard de croissance intra-utérine |
|
Physiques et génétiques |
Environnementaux et sociaux |
Prématurité |
Malnutrition |
Naissances multiples |
Faibles revenus/faible niveau d’instruction |
Malformation du ftus |
Tabagisme maternel |
Hypertension |
Alcoolisme maternel |
Anomalie du placenta ou du cordon |
Exposition professionnelle |
Antécédents médicaux maternels |
Stress psychosocial |
Antécédents d’issue pathologique de grossesse |
Altitude |
Race |
Antécédents d’infections |
Anomalies chromosomiques |
Consommation de marijuana |
Sexe |
|
Taille, poids et gain pondéral de la mère |
|
Taille du père |
|
Parité |
|
Durée de la gestation |
|
Grossesses rapprochées |
|
Mort ftale |
|
Physiques et génétiques |
Environnementaux et sociaux |
Multiparité |
Conditions socio-économiques |
Age de la mère |
Antécédents de tabagisme |
Ordre de naissance |
Consommation de médicaments et de drogues douces |
Race |
Alcoolisme |
Avortements spontanés à répétition |
Mauvaise alimentation |
Diabète insulino-dépendant |
Infections/fièvre maternelles |
Troubles utérins |
Spermicides |
Gémellité |
Facteurs professionnels |
Facteur immunologique |
Exposition à des produits chimiques |
Facteurs hormonaux |
Irradiation |
La situation dans la profession peut constituer un facteur de risque, quel que soit le risque physique ou chimique, et se comporter comme un facteur de confusion dans lévaluation de lexposition professionnelle et de lavortement spontané. Certains chercheurs estiment que les femmes qui continuent à travailler sont plus susceptibles davoir une issue de grossesse défavorable et peuvent, de ce fait, continuer à travailler; dautres pensent que ce groupe représente un sous-ensemble de population mieux protégé par nature en raison de revenus plus élevés et dun meilleur suivi prénatal.
Pendant les 60 premiers jours suivant la conception, le ftus est sans doute plus sensible aux toxiques xénobiotiques quà tout autre stade de la vie. Historiquement, les monstruosités et les malformations congénitales étaient des défauts structuraux présents à la naissance, visibles à lil nu ou au microscope, internes ou externes, héréditaires ou non, uniques ou multiples. Actuellement, la définition de lanomalie congénitale est plus large et comprend les anomalies comportementales, fonctionnelles et biochimiques. Les malformations peuvent être uniques ou multiples; les altérations chromosomiques produisent généralement des troubles multiples, tandis que les modifications dun gène unique ou lexposition à des agents présents dans lenvironnement peuvent provoquer un défaut unique ou un syndrome.
Lincidence des malformations dépend de létat du produit de conception: enfant vivant, produit dun avortement spontané, mort-né. Le pourcentage global danomalies dans les produits davortements spontanés est de 19% environ, soit dix fois plus que chez les nouveau-nés vivants (Shepard, Fantel et Fitsimmons, 1989). Un taux danomalies de 32% a été observé chez des ftus mort-nés pesant plus de 500 g. Lincidence des malformations majeures chez les nouveau-nés viables est denviron 2,24% (Nelson et Holmes, 1989). La prévalence des malformations mineures va de 3 à 15% (environ 10% en moyenne). Les anomalies congénitales sont associées à des facteurs génétiques (10,1%), à un héritage multifactoriel (23%), à des facteurs utérins (2,5%), à la gémellité (0,4%) ou à des substances tératogènes (3,2%). Les autres malformations sont de cause inconnue. Le pourcentage de malformations est plus élevé de 41% chez les garçons que chez les filles, ce qui sexplique par le pourcentage significativement plus élevé danomalies des organes génitaux chez les garçons.
Lune des difficultés, lorsquon étudie les malformations, tient à leur classification. Les anomalies peuvent être classées suivant plusieurs paramètres: gravité (majeure, mineure), mécanisme physiopathologique (déformation, perturbation), survenue (associée, isolée), appareil touché et étiologie (atteintes chromosomiques, anomalie génique ponctuelle ou action dune substance tératogène, par exemple). Il arrive souvent que toutes les malformations soient associées ou quelles soient toutes majeures ou mineures. On peut définir une malformation majeure comme celle qui provoque la mort, qui nécessite une intervention chirurgicale ou un traitement médical, ou qui constitue un handicap physique ou psychologique important. La raison pour laquelle les anomalies sont classées en grands groupes est que la majorité dentre elles surviennent à peu près pendant la même période, au cours de lorganogenèse. Ainsi, plus les échantillons sont grands, plus la puissance statistique augmente avec le nombre total de cas. Toutefois, si leffet dune exposition est spécifique dun certain type de malformation (atteinte du système nerveux central, par exemple), il peut être masqué par ce type de regroupement. On peut également regrouper les malformations par appareil. Si cette méthode représente un progrès, certains défauts peuvent dominer la classe, comme le pied varus dans le système musculo-squelettique. Pour un échantillon dune taille suffisante, lapproche optimale consiste à répartir les malformations en groupes homogènes du point de vue embryologique et pathogénique (Källén, 1988). Il faut être attentif à lexclusion ou à linclusion de certaines malformations, comme celles qui sont vraisemblablement dues à des aberrations chromosomiques, à des caractères autosomiques dominants ou à une malposition in utero. Enfin, quand on analyse les anomalies congénitales, il faut maintenir un équilibre entre la précision et la puissance statistique.
Un certain nombre de toxiques liés à lenvironnement ou à la profession ont été associés à des malformations congénitales dans la descendance. Lun des plus importants est la consommation maternelle daliments contaminés par du méthylmercure, qui provoque des anomalies morphologiques et du système nerveux central, ainsi que des troubles neurocomportementaux. Au Japon, la grande majorité des cas était due à la consommation de poisson et de fruits de mer contaminés par le mercure provenant des effluents dune usine chimique. Les enfants les plus sévèrement touchés présentaient une infirmité motrice cérébrale. Les mères ayant ingéré des biphényles polychlorés provenant dhuile de riz contaminée ont donné naissance à des bébés atteints de troubles multiples, parmi lesquels un retard de croissance, une pigmentation brune de la peau, la percée précoce des dents, une hyperplasie gingivale, un élargissement de la suture sagittale, un dème facial et une exophtalmie. Des professions comportant une exposition à des mélanges ont été associées à différents types dissues de grossesses défavorables. Chez les enfants de femmes travaillant dans lindustrie de la pâte à papier, soit dans un laboratoire, soit à des tâches comprenant des «transformations» ou un affinage du papier, le risque danomalie du système nerveux central, datteinte cardiaque ou de fentes faciales était plus élevé. Chez les enfants de femmes travaillant dans lindustrie ou dans le bâtiment et soumises à des expositions non spécifiées, on a pu constater une augmentation de 50% des anomalies du système nerveux central et, chez les femmes travaillant dans les transports et les communications, on a noté un risque deux fois plus important de donner naissance à un enfant porteur dune fente faciale. Les vétérinaires constituent un groupe particulier de personnel médical exposé aux gaz anesthésiques, aux rayonnements, aux traumatismes dus aux coups de pied des animaux, aux insecticides et aux zoonoses. Si aucune différence na été observée dans le pourcentage davortements spontanés et dans le poids de naissance des enfants entre les femmes vétérinaires et les avocates, le nombre danomalies congénitales est, en revanche, beaucoup plus important chez les vétérinaires (Schenker et coll., 1990). Il existe des listes regroupant les produits tératogènes connus, les produits éventuellement tératogènes et les produits probablement non tératogènes, ainsi que des bases de données informatiques et des lignes dappel durgence donnant des informations à jour sur les tératogènes potentiels (Paul, 1993). Toutefois, il est particulièrement difficile dévaluer les anomalies congénitales dans une cohorte de femmes actives en raison de la taille de léchantillon requis pour avoir une représentation statistique significative, ainsi que des limites de notre capacité didentifier des expositions spécifiques survenant pendant un court laps de temps, essentiellement pendant les 55 premiers jours de la gestation.
Parmi les multiples facteurs liés à la survie du nouveau-né, le sous-développement physique associé à un faible poids de naissance représente lun des risques majeurs. Il faut attendre le deuxième trimestre de la gestation pour que le ftus commence réellement à prendre du poids. Le produit de conception pèse 1 g à 8 semaines, 14 g à 12 semaines et il atteint 1 100 g à 28 semaines. Ensuite, il prend 1 100 g toutes les 6 semaines, jusquau terme. Le nouveau-né normal pèse environ 3 200 g à terme. Son poids dépend de son rythme de croissance et de son âge gestationnel au moment de laccouchement. On dit dun nouveau-né dont la croissance a été retardée quil est hypotrophe. Un nouveau-né né avant terme aura un poids réduit, mais pas nécessairement un retard de croissance. Les facteurs associés à un accouchement prématuré sont analysés ailleurs, et le sujet de cette étude est le nouveau-né présentant un retard de croissance. Les expressions «faible poids à la naissance» et «hypotrophe» seront utilisées indifféremment. Un faible poids à la naissance est défini comme un poids inférieur à 2 500 g, un très faible poids de naissance correspond à moins de 1 500 g et un poids de naissance extrêmement faible à moins de 1 000 g (OMS, 1969).
Lorsquon examine les causes dun déficit de croissance, il est important de faire la distinction entre les retards de croissance harmonieux et dysharmonieux. Un retard de croissance dysharmonieux, cest-à-dire lorsque le poids est plus atteint que la structure squelettique, est associé principalement à un facteur de risque intervenant à la fin de la grossesse. En revanche, un retard de croissance harmonieux sera plus vraisemblablement associé à une cause agissant pendant toute la durée de la gestation (Kline, Stein et Susser, 1989). La différence entre les pourcentages de retard de croissance dysharmonieux et harmonieux est particulièrement nette lorsquon compare les pays développés et les pays en développement. Dans ces derniers, le pourcentage de retard de croissance est de 10 à 43%; il sagit essentiellement dun retard harmonieux, le principal facteur de risque étant la sous-alimentation. Dans les pays développés, ce pourcentage est habituellement beaucoup plus faible, de 3 à 8%; il est généralement dysharmonieux et détiologie multifactorielle. Cest pourquoi la proportion de nouveau-nés ayant un faible poids de naissance, définie comme retard de croissance intra-utérin plutôt que comme prématurité, varie spectaculairement dun pays à lautre. En Suède et aux Etats-Unis, le pourcentage est denviron 45%, alors que dans les pays en développement, comme lInde, il varie entre 79 et 96% environ (Villar et Belizan, 1982).
Des études sur la famine menées aux Pays-Bas ont montré quune carence alimentaire limitée au troisième trimestre de la grossesse diminue la croissance ftale dune manière dysharmonieuse, avec une anomalie portant essentiellement sur le poids de naissance, le périmètre crânien étant moins atteint (Stein, Susser et Saenger, 1975). Une croissance dysharmonieuse a également été observée dans des études dexposition à des agents environnementaux. Dans une étude portant sur 202 femmes enceintes habitant près dune zone dans laquelle le risque dexposition au plomb était élevé, des prélèvements sanguins ont été pratiqués sur les mères pendant la période prénatale, entre la 6e et la 28e semaine de gestation (Bornschein, Grote et Mitchell, 1989). Après ajustement en fonction dautres facteurs de risque pertinents, dont la durée de la gestation, les conditions socio-économiques, la consommation dalcool et de tabac, la présence de plomb dans le sang a été associée à une diminution du poids et de la taille de naissance, mais pas au périmètre crânien. La présence de plomb dans le sang de la mère na été un facteur de risque pour la taille que chez les enfants caucasiens. La taille de naissance des nouveau-nés caucasiens était réduite de 2,5 cm environ par palier dunité de log de la plombémie maternelle. Il faut être très prudent dans le choix de la variable étudiée. Si, dans cette étude, on avait choisi uniquement le poids de naissance, les effets du plomb sur les autres paramètres de croissance nauraient peut-être pas été observés. De plus, si les enfants caucasiens et afro-américains avaient été regroupés, les différences observées chez les caucasiens, sans doute dues à des différences génétiques en ce qui concerne le stockage et la capacité de fixation du plomb, auraient pu être ignorées. Après ajustement en fonction dautres covariables, un facteur de confusion significatif a également été observé entre la plombémie prénatale, lâge de la mère et le poids de naissance du bébé. Ces résultats montrent que, pour une femme de 30 ans ayant une plombémie estimée à 20 µg/dl environ, lenfant pesait 2 500 g environ, alors que celui dune femme de 20 ans ayant une plombémie similaire pesait environ 3 000 g. Les chercheurs pensent que cette différence pourrait indiquer soit que les femmes plus âgées sont plus sensibles à lagression supplémentaire représentée par lexposition au plomb, soit quelles pourraient avoir été exposées à une quantité plus importante de plomb en raison dun plus grand nombre dannées dexposition ou de concentrations ambiantes de plomb supérieures lorsquelles étaient enfants. Laugmentation de la tension artérielle pourrait être un autre facteur. Toutefois, la leçon importante à tirer de cette étude est quil est nécessaire dexaminer attentivement les sous-populations à haut risque en fonction de lâge, de la race, de la situation économique, des habitudes de vie, du sexe de lenfant et dautres différences génétiques, afin de découvrir les effets les plus subtils dune exposition sur la croissance et le développement ftaux.
Le tableau 9.5 résume les facteurs de risque associés à un faible poids de naissance. La classe sociale, évaluée en termes de revenus ou dinstruction, demeure un facteur de risque dans les cas où il ny a pas de différences ethniques. Le tabagisme, le travail physique, la surveillance prénatale et lalimentation sont aussi des facteurs qui peuvent dépendre de la classe sociale ou de la race. Les femmes entre 25 et 29 ans ont moins de risques de mettre au monde un enfant présentant un retard de croissance. Le tabagisme maternel augmente le risque de faible poids de naissance du nouveau-né, de 200% environ chez les grandes fumeuses. Parmi les maladies maternelles entraînant un faible poids, on peut citer les anomalies du placenta, les cardiopathies, les pneumonies virales, les atteintes hépatiques, la prééclampsie, léclampsie, lhypertension chronique, la prise de poids et des vomissements importants. Des antécédents de grossesse pathologique, de mort ftale, daccouchement prématuré ou de naissance dun enfant de faible poids multiplient par deux ou quatre le risque de faible poids à la naissance. Un intervalle de moins dun an entre les naissances triple le risque davoir un nouveau-né de faible poids. Les anomalies chromosomiques associées à une croissance anormale sont le syndrome de Down, la trisomie 18 et la plupart des syndromes malformatifs.
Le tabagisme est lun des principaux comportements les plus directement liés à la naissance denfants ayant un faible poids de naissance. Il a été démontré que le tabagisme maternel durant la grossesse multiplie par deux ou trois le risque davoir un enfant de faible poids à la naissance et quil entraîne un déficit pondéral de 150 à 400 g. La nicotine et loxyde de carbone sont considérés comme étant les agents les plus vraisemblablement responsables, car tous deux traversent rapidement et préférentiellement la barrière placentaire. La nicotine est un vasoconstricteur puissant et des différences significatives dans la taille des vaisseaux ombilicaux des mères fumeuses ont été observées. La quantité doxyde de carbone dans la fumée de cigarette varie de 20 000 à 60 000 ppm. Loxyde de carbone a une affinité pour lhémoglobine 210 fois supérieure à celle de loxygène et, en raison dune faible pression artérielle en oxygène, le ftus est particulièrement touché. Pour dautres chercheurs, ces effets ne sont pas dus à la fumée, mais aux caractéristiques des fumeurs. Certaines professions comportant une exposition potentielle à loxyde de carbone, comme celles associées à la pâte à papier, aux hauts fourneaux, à lacétylène, aux brasseries, au noir de carbone, aux fours à coke, aux garages, à la synthèse de produits organiques et aux raffineries de pétrole, doivent être considérées comme des métiers à haut risque pour les employées enceintes.
Lalcool, qui est également très utilisé et qui fait lobjet de nombreuses études, est associé à un retard de croissance ftale (ainsi quà des anomalies congénitales). Une étude menée sur 9 236 naissances a montré quune consommation maternelle dalcool supérieure à 45,36 g par jour entraînait une augmentation du taux denfants mort-nés ou porteurs dun retard de croissance (Kaminski, Rumeau et Schwartz, 1978). Lingestion dalcool par la mère saccompagne également dune diminution de la taille et du périmètre crânien.
Lorsquon évalue les effets possibles dune exposition à des substances toxiques sur le poids de naissance, certains problèmes se posent. Il faut considérer laccouchement prématuré comme un intermédiaire possible et prendre en compte les effets potentiels sur lâge gestationnel. De plus, les grossesses plus longues sont davantage exposées aux agents toxiques. Si un nombre suffisant de femmes travaillent jusquà ce que leur grossesse soit bien avancée, lassociation entre la plus longue exposition cumulée, dune part, et lâge gestationnel le plus grand et les bébés les plus gros, dautre part, ne représente peut-être quun artefact. On dispose dun certain nombre de techniques permettant de résoudre ce problème, dont une variante du modèle de régression de la table de survie de Cox, qui peut prendre en compte les covariables dépendant de la durée.
La définition du faible poids de naissance pose un autre problème. Les études le définissent souvent comme une variable dichotomique: moins de 2 500 g. Mais il faut que lexposition soit très puissante pour provoquer une baisse importante du poids des nouveau-nés. Le poids de naissance, défini comme une variable continue et analysé dans un modèle de régression multiple, est plus sensible en ce qui concerne la détection deffets subtils. Sagissant de lexposition professionnelle et des enfants hypotrophes, la rareté relative des résultats significatifs dans la littérature peut être due, dans une certaine mesure, à lignorance de ces modèles et de ces résultats danalyse.
Les études sur les issues de grossesse défavorables doivent caractériser les expositions pendant un laps de temps plutôt court. Si la femme a changé de travail ou si elle a cessé de travailler pendant une période critique, comme lorganogenèse, il se peut que la relation exposition-effet soit profondément modifiée. Par conséquent, le chercheur est tenu à des critères stricts pour identifier lexposition de la femme pendant une période critique, à linverse des études sur les maladies chroniques pour lesquelles des erreurs de quelques mois, voire de quelques années, nont souvent quun impact minime.
Le retard de croissance intra-utérin, les anomalies congénitales et les avortements spontanés sont souvent évalués dans les études sur lexposition professionnelle. Plusieurs approches permettent détudier chacune de ces issues. Ces problèmes sont importants pour la santé publique en raison de leur coût à la fois psychologique et financier. On a généralement observé une absence de spécificité dans le rapport exposition-issue, par exemple pour lexposition au plomb, aux gaz anesthésiques et aux solvants. Du fait que la relation exposition-effet peut ne pas être spécifique, il est nécessaire de concevoir des études permettant danalyser plusieurs issues associées à une série de mécanismes possibles.
La question de la conciliation du travail et de la maternité constitue un important problème de santé publique dans les pays industriels où plus de 50% des femmes en âge de procréer travaillent en dehors de leur foyer. Quil sagisse des femmes, des syndicats, des employeurs, des politiques ou des cliniciens, tous recherchent les moyens de prévenir les complications de la grossesse et de son issue qui puissent être en relation avec les conditions de travail des femmes enceintes.
Or, les femmes souhaitent continuer à travailler pendant leur grossesse et ressentent parfois les médecins comme surprotecteurs et inutilement restrictifs dans leurs conseils concernant leur mode de vie durant cette période.
Rappelons dabord quelques observations de la physiologie de la grossesse pouvant interférer avec lactivité professionnelle.
Lorganisme maternel est soumis au cours de la grossesse à des modifications profondes qui lui permettent de sadapter aux besoins du foetus. Ces remaniements concernent en particulier certaines fonctions qui subissent par ailleurs des variations lors dun changement de posture ou dun exercice physique système circulatoire, respiratoire, métabolisme hydrique. Il en résulte quune activité physique peut entraîner des réactions physiologiques ou physiopathologiques spécifiques chez la femme enceinte.
Les principales modifications physiologiques, anatomiques et fonctionnelles de la femme enceinte sont (Mamelle et coll., 1982):
Parmi les issues de grossesse défavorables, nous avons choisi de présenter la prématurité, cest-à-dire la naissance dun enfant avant 37 semaines de gestation. La naissance prématurée est associée à un faible poids de naissance et à des complications importantes pour le nouveau-né. La prématurité reste un problème de santé publique majeur et une des préoccupations des obstétriciens.
Lorsque nous avons commencé à travailler dans ce domaine, il y a une vingtaine dannées, il existait, en France, une législation relativement protectrice pour les femmes enceintes, avec un congé prénatal de 6 semaines avant la date prévue de laccouchement. Bien que le taux de prématurité ait chuté de 10 à 7% en 10 ans, il est apparu que cette diminution avait atteint une limite et que ces mesures de prévention médicale correspondaient à un niveau maximum defficacité. Nous avons alors cherché à mettre en évidence des facteurs de risque sociaux susceptibles dêtre réduits par une intervention sociale. Nos hypothèses étaient alors les suivantes:
Notre première étude menée en 1977-78 dans deux maternités hospitalières portait sur 3 400 femmes dont 1 900 travaillaient pendant leur grossesse et 1 500 étaient au foyer (Mamelle, Laumon et Lazar, 1984). Interrogées immédiatement après laccouchement, les femmes étaient invitées à décrire avec précision leur mode de vie pendant la grossesse, tant sur le plan familial que professionnel.
Voici les résultats obtenus:
Lexercice dune profession en soi ne peut être considéré comme un facteur de risque de prématurité, car les femmes au foyer présentent un taux de prématurité supérieur à celui des femmes qui travaillent (7,2 contre 5,8%).
Une durée hebdomadaire de travail excessive apparaît être un autre facteur de risque, car il existe une augmentation régulière du taux de prématurité lorsque le nombre dheures de travail augmente. Certaines catégories professionnelles sont plus exposées au risque de prématurité (les commerçantes et employées de commerce, le personnel médico-social, les ouvrières spécialisées, le personnel de service) que dautres (les employées de bureau, les enseignantes, les cadres et les ouvrières qualifiées ou contremaîtresses); les risques de prématurité sont, en moyenne dans ces deux groupes, respectivement de 8,3 et 3,8%.
La description analytique de la tâche permet de distinguer cinq sources de fatigue professionnelle: les postures, le travail sur machine industrielle, la charge physique, la charge mentale et lenvironnement du poste de travail. Chaque source de fatigue peut être considérée comme un facteur de risque de prématurité (voir tableaux 9.6. et 9.7).
Indice de fatigue professionnelle |
Indice ÉLEVÉ si: |
Posture |
Station debout pendant plus de 3 heures par jour |
Travail sur machine |
Travail à la chaîne sur machine industrielle; travail indépendant sur machine industrielle avec efforts importants |
Charge physique |
Effort physique continu ou périodique; transport de charges de plus de 10 kg |
Charge mentale |
Travail monotone; tâches variées nécessitant peu d’attention, sans stimulation |
Milieu de travail |
Nuisance sonore importante; froid; atmosphère très humide; manipulation de produits chimiques |
Source: Mamelle, Laumon et Lazar, 1984.
Indice |
Indice faible (%) |
Indice élevé (%) |
RR |
Signification statistique |
Posture |
4,5 |
7,2 |
1,6 |
Significatif |
Travail sur machine |
5,6 |
8,8 |
1,6 |
Significatif |
Charge physique |
4,1 |
7,5 |
1,8 |
Hautement significatif |
Charge mentale |
4,0 |
7,8 |
2,0 |
Hautement significatif |
Milieu de travail |
4,9 |
9,4 |
1,9 |
Hautement significatif |
Source: Mamelle, Laumon et Lazar, 1984.
Laccumulation des sources de fatigue ainsi définies paraît être préjudiciable à lissue de la grossesse dans la mesure où le taux de prématurité augmente significativement lorsque les sources de fatigue saccumulent sur la femme (voir tableau 9.8). Ainsi, il apparaît que 20% des femmes sont soumises à au moins trois sources de fatigue concomitantes et présentent un taux de prématurité deux fois plus élevé que les autres. Il y a un effet cumulatif de la fatigue professionnelle et de la durée excessive du travail de telle sorte que les femmes soumises à une fatigue intense pendant une durée hebdomadaire importante présentent un taux de prématurité encore majoré. La présence dun facteur de risque médical surajouté au facteur professionnel conduit à une augmentation du risque de prématurité: la détection de la fatigue professionnelle chez une femme est donc dautant plus importante que celle-ci présente, par ailleurs, un facteur de risque médical.
Nombre d’indices de fatigue élevés |
Femmes exposées(%) |
Risque relatif estimé |
0 |
24 |
1,0 |
1 |
28 |
2,2 |
2 |
25 |
2,4 |
3 |
15 |
4,1 |
4-5 |
8 |
4,8 |
Source: Mamelle, Laumon et Lazar, 1984.
Depuis lors, toute une série de travaux en Europe et en Amérique du Nord ont confirmé ces résultats et le score de fatigue, défini précédemment, a été montré reproductible dans dautres enquêtes, en France, et dans dautres pays.
Une nouvelle étude menée en France quelques années plus tard (Mamelle et Muñoz, 1987), dans les mêmes maternités, avec un protocole de type cas-témoins, a montré que parmi les cinq indices de fatigue définis préalablement, deux seulement étaient significativement liés à la prématurité. Il faut noter que, pendant cette période, des mesures de prévention sétaient instaurées sur les lieux de travail, les femmes enceintes ayant plus souvent la possibilité de sasseoir ou étant soustraites à des tâches physiques exténuantes. Cependant, le score de fatigue reste un facteur de risque de prématurité dans cette deuxième enquête.
Une étude effectuée à Montréal, au Québec (McDonald et coll., 1988), a porté sur 22 000 femmes enceintes interrogées rétrospectivement sur leurs conditions de travail. Les résultats montrent leffet significatif des longues heures de travail hebdomadaire, des horaires alternés et du port de charges lourdes; les autres facteurs étudiés napparaissent pas liés à la prématurité, mais un score de fatigue construit comme la somme des sources de fatigue prises en compte apparaît significativement lié au risque de prématurité.
A partir dun échantillon représentatif des naissances en France, une étude a été conduite (Saurel-Cubizolles et Kaminski, 1987) en interrogeant rétrospectivement 5 000 femmes enceintes. Aucune relation significative entre les éléments des conditions de travail et la prématurité na été mise en évidence, sauf pour le travail à la chaîne sur machine industrielle. Cependant, un score de fatigue, inspiré du nôtre, a été trouvé significativement lié au risque de prématurité.
Aux Etats-Unis, Homer, Beredford et James (1990), à partir dune étude de cohorte historique, ont confirmé le risque élevé de prématurité lié à la charge physique. Teitelman et son équipe (1990), dans une étude prospective auprès de 1 200 femmes enceintes dont le travail a été qualifié de sédentaire, actif ou debout, daprès le titre de lemploi, met en évidence une relation entre la position debout et le risque de prématurité.
Barbara Luke et ses collaborateurs (Luke et coll., 1995), dans une étude rétrospective menée auprès des infirmières américaines travaillant en maternité, a utilisé notre grille de risque professionnel et obtenu des résultats similaires pour les longues heures de travail hebdomadaire, la position debout, la charge physique, lenvironnement du poste de travail. De plus, le risque de prématurité est significativement plus élevé lorsque la femme est soumise à trois ou quatre sources de fatigue concomitantes. Il faut noter, en outre, que cela concerne plus de 50% des infirmières américaines.
Cependant, certains résultats contradictoires ont été obtenus par dautres auteurs. Cela peut être dû à des échantillons trop petits (Berkowitz, 1981), à une définition différente de la prématurité (Launer et coll., 1990), à un repérage des conditions de travail à partir du titre de lemploi et non dune description analytique du poste de travail (Klebanoff, Shiono et Carey, 1990), à une description théorique du poste de travail par le médecin du travail, par exemple, et non par la femme elle-même (Peoples-Sheps et coll., 1991), alors que nous croyons important de prendre en compte la fatigue subjective telle quelle est décrite, ressentie par la femme.
Enfin, il est possible que des résultats négatifs puissent être liés à la mise en place de mesures de prévention. Cest le cas de létude suédoise dAhlborg, étude prospective portant sur 3 900 femmes actives ayant répondu à un autoquestionnaire lors de leur première visite prénatale (Ahlborg, Bodin et Hogstedt, 1990). Le seul élément quil met en évidence est le port de charges supérieures à 12 kg plus de 50 fois par semaine, et encore le risque relatif de 1,7 est non significatif. Ahlborg conclut lui-même quil existe maintenant des mesures de prévention pour les femmes enceintes qui exercent un travail pénible. Elles ont le droit deffectuer un travail moins fatigant pendant les deux mois précédant la date prévue de laccouchement et davoir un arrêt de travail rémunéré. Or, de telles absences sont cinq fois plus fréquentes chez les femmes qui ont déclaré avoir un travail fatigant avec port de charges. Ahlborg conclut que le risque de prématurité a pu être minimisé par une telle intervention.
Les études étiologiques paraissent-elles maintenant suffisamment probantes pour pouvoir envisager des interventions préventives et leur évaluation? La première question qui se pose est de savoir sil est justifié, en termes de santé publique, denvisager des mesures sociales de prévention de la prématurité.
Nos études antérieures ont permis dévaluer la proportion de naissances prématurées due au facteur professionnel. Sur la base de 10% de prématurés dans la population exposée à une fatigue intense et de 4,5% dans la population non exposée, la proportion de cas dus au facteur professionnel est de 21%. Ainsi, réduire la fatigue professionnelle pourrait entraîner, en France, une réduction dun cinquième des naissances prématurées parmi les femmes qui travaillent. Ce résultat justifie la mise en uvre de mesures sociales de prévention.
Quelles mesures de prévention peuvent être envisagées? Toutes les études conduisent à penser quil faut soit réduire les heures de travail, soit réduire la fatigue par un changement de poste de travail, soit prescrire des arrêts de travail en cours de grossesse ou un allongement du congé prénatal. On peut envisager trois mesures alternatives (dun coût comparable):
Rappelons tout dabord la législation française relative à la protection des femmes enceintes:
Grâce à une étude dobservation prospective dans 50 entreprises de la région Rhône-Alpes en France (Bertucat, Mamelle et Muñoz, 1987), 23 000 femmes aux conditions de travail fatigantes ont été suivies et ont donné naissance à 1 150 enfants en un an. Dans cette étude, la situation effective des femmes enceintes dans les entreprises nous a permis dobserver les modifications de leurs conditions de travail et détudier leur relation avec une éventuelle naissance prématurée (Mamelle, Bertucat et Muñoz, 1989). Nous avons observé que:
Ces modifications des conditions de travail ont-elles eu un effet sur lissue de la grossesse? Nous avons observé quun changement de poste de travail était associé à une réduction (mais non significative) du risque de prématurité et quune réduction légère de la durée du travail (une demi-heure ou une heure) était aussi associée à une réduction non significative du risque de prématurité. On peut espérer quune réduction plus importante de la durée hebdomadaire de travail aurait un effet plus important (voir tableau 9.9).
Modifications des conditions de travail |
Nombre de femmes |
Taux de prématurité(%) |
Risque relatif (intervalles de confiance à 95%) |
Modification de la situation professionnelle |
|||
Non |
1 062 |
6,2 |
0,5 (0,2-1,6) |
Oui |
87 |
3,4 |
|
Diminution de la durée hebdomadaire du travail |
|||
Non |
388 |
7,7 |
0,7 (0,4-1,1) |
Oui |
761 |
5,1 |
|
Episodes de congé maladie1 |
|||
Non |
357 |
8,0 |
0,4 (0,2-0,7) |
Oui |
421 |
3,1 |
|
Augmentation de la durée du congé de maternité prénatal1 |
|||
Aucune ou deux semaines de plus seulement |
487 |
4,3 |
1,7 (0,9-3,0) |
Oui |
291 |
7,2 |
|
1 Sur un échantillon réduit de 778 femmes sans pathologie obstétricale antérieure ou actuelle.
Source: Mamelle, Bertucat et Muñoz, 1989.
Pour analyser la relation entre congé prénatal, arrêt de travail et prématurité, il est nécessaire de restreindre lanalyse aux femmes nayant présenté aucune pathologie pendant la grossesse afin de ne pas confondre arrêt de travail préventif et curatif. Nous avons ainsi observé, dans ce sous-groupe, une réduction du taux de prématurité chez les femmes qui ont bénéficié de périodes darrêt de travail en cours de grossesse, mais aucune réduction chez celles qui ont eu un allongement de leur congé prénatal (voir tableau 9.9).
Dans cette étude dobservation nous avons montré que les femmes qui travaillent dans des conditions fatigantes ont plus souvent recours à des arrêts de travail en cours de grossesse que les autres et que des épisodes darrêts de travail accordés à titre de repos, spécialement en raison dune fatigue intense, sont associés à une réduction du risque de prématurité.
En tant quépidémiologiste, nous aurions aimé vérifier ces observations par une étude expérimentale de prévention. Mais est-il raisonnable dattendre de telles études ou devons-nous donner dès maintenant des recommandations en matière de prévention sociale de prématurité?
Le gouvernement français a récemment décidé dintroduire dans le carnet de grossesse des femmes enceintes une fiche de liaison «travail et grossesse» reproduisant le score de fatigue précité. Chaque femme enceinte peut ainsi calculer elle-même son score de fatigue. En cas de conditions de travail exténuantes, elle peut demander à rencontrer le médecin du travail ou la personne responsable de la sécurité du travail dans son entreprise pour solliciter des mesures dallégement de ses conditions de travail. En cas de refus, elle peut demander à son médecin traitant de lui prescrire des semaines de repos en cours de grossesse, voire un allongement de son congé prénatal.
Le problème est maintenant, dans chaque pays, dexaminer les stratégies préventives les mieux adaptées à sa législation et à ses conditions sociales. Il sagit alors dévaluation ou de comparaison de stratégies préventives par une approche de type économie de la santé. En effet, avant de généraliser de telles mesures, il faut en envisager tous les aspects: efficacité bien sûr, mais aussi bas coût pour la sécurité sociale, éventuelles créations demploi en résultant, sans oublier de sintéresser aux préférences des femmes et à lacceptabilité des mesures envisagées par les employeurs et par les syndicats.
Ce type de problème peut être résolu par des méthodes multicritères, du genre méthode Electre, qui conduisent à classer les stratégies préventives en fonction de chacun des critères à prendre en compte, mais aussi de pondérations affectées aux critères selon les impératifs politiques: préférence accordée au bas coût pour la sécurité sociale ou au choix des femmes, par exemple (Mamelle et coll., 1986). Selon le décideur et les options politiques, la méthode conduira à privilégier telle ou telle stratégie préventive, tout en respectant lefficacité sur le plan de la santé.
Les nourrissons et les jeunes enfants sont exposés à des risques environnementaux particuliers. Les enfants ne sont pas de «petits adultes», que ce soit dans la manière dont ils absorbent et éliminent les produits chimiques, ou la façon dont ils réagissent à une exposition à des produits toxiques. Une exposition néonatale peut avoir un impact plus grand sur le nouveau-né, étant donné que sa surface corporelle est relativement importante et que ses capacités métaboliques (ou à éliminer les produits chimiques) sont relativement sous-développées. De même, les effets toxiques potentiels sont plus importants, car le cerveau, les poumons et le système immunitaire continuent à se développer au cours des premières années de la vie.
Il existe des possibilités dexposition à la maison, dans les crèches et sur les aires de jeux:
Pour un certain nombre deffets sur la santé, discutés du point de vue de lexposition néonatale, il est difficile de faire la distinction entre les événements survenant avant et après la naissance. Les expositions prénatales (par le placenta) peuvent continuer à se manifester dans la petite enfance. Le plomb et la fumée de tabac présents dans lenvironnement ont été associés à des déficits du développement cognitif et de la fonction pulmonaire se manifestant à la fois avant et après la naissance. Dans cet article, nous nous sommes particulièrement intéressés aux expositions postnatales et à leurs effets sur la santé des très jeunes enfants.
Parmi les métaux lourds, le plomb est lélément auquel lêtre humain est le plus exposé, car il est présent à la fois dans lenvironnement et sur le lieu de travail. Dans les usines de fabrication de piles, les fonderies, les ateliers de soudure, le bâtiment et le décapage des peintures, lexposition des travailleurs est importante. On sait depuis longtemps que les parents travaillant dans ces secteurs dactivité rapportent à la maison la poussière présente sur leurs vêtements, qui peut être absorbée par les enfants. Pour ces derniers, labsorption se fait principalement par ingestion déclats de peinture, de poussière ou deau contaminés par le plomb. Labsorption respiratoire est efficace et linhalation devient une voie dexposition importante en présence dun aérosol de plomb ou dalkylplomb (Clement International Corporation, 1991).
Chez lenfant, lintoxication par le plomb peut, en principe, atteindre tous les systèmes organiques, mais les niveaux courants dexposition saccompagnent principalement de modifications neurologiques et du développement. De plus, des atteintes rénales et hématologiques ont été observées chez des adultes comme chez des enfants soumis à une exposition importante au plomb. Les maladies cardio-vasculaires et les troubles de la reproduction sont des séquelles connues de lexposition au plomb chez les adultes. Une exposition chronique de faible intensité au plomb pourrait entraîner des effets subcliniques sur les reins, le système cardio-vasculaire et le système reproducteur, mais on ne dispose que de données limitées pour confirmer cette hypothèse. Les données animales corroborent les résultats obtenus chez lêtre humain (Sager et Girard, 1994).
En termes de dose mesurable, les effets neurologiques vont dun déficit du QI pour des expositions faibles (plombémie = 10 µg/dl) à lencéphalopathie (80 µg/dl). Le taux critique pour les enfants, qui était de 25 µg/dl en 1985, a été abaissé à 10 µg/dl en 1993.
Une exposition néonatale, telle que celle provenant de la poussière rapportée du lieu de travail à la maison par les parents, a été qualifiée de «souillure du nid» par Chisholm en 1978. Depuis lors, des mesures préventives, comme lobligation de prendre une douche et de changer de vêtements avant de quitter le lieu de travail, ont diminué la quantité de poussière rapportée au domicile. Cependant, le plomb dorigine professionnelle est aujourdhui encore une source potentielle importante dexposition néonatale. Une enquête sur des enfants, menée au Danemark, a conclu à une plombémie environ deux fois plus élevée chez les enfants de travailleurs exposés que dans les foyers dans lesquels lexposition était uniquement non professionnelle (Grandjean et Bach, 1986). Lexposition des enfants à du plomb de source professionnelle a été analysée chez des épisseurs de câbles électriques (Rinehart et Yanagisawa, 1993) et des travailleurs fabriquant des condensateurs (Kaye, Novotny et Tucker, 1987).
Les sources non professionnelles dexposition au plomb ambiant représentent toujours un danger sérieux pour les jeunes enfants. Aux Etats-Unis, depuis linterdiction progressive en 1968 dutiliser du tétraéthylplomb comme additif pour les combustibles, la plombémie moyenne est tombée de 13 à 3 µg/dl chez les enfants (Pirkle et coll., 1994) pour lesquels les éclats et la poussière de peinture sont actuellement la principale cause dintoxication saturnine (Roper, 1991). Un rapport montre, par exemple, que chez les jeunes enfants (nourrissons de moins de 11 mois) ayant un excès de plomb dans le sang, le plus grand risque est celui dune exposition par la poussière et leau, tandis que chez les plus âgés (24 mois), cest celui dingérer des éclats de peinture (pica) (Shannon et Graef, 1992). La diminution de la présence de plomb grâce au décapage des surfaces peintes a permis de protéger les enfants dune exposition à la poussière et aux éclats de peinture (Farfel, Chisholm et Rohde, 1994). Mais, paradoxalement, les ouvriers participant à cette entreprise rapportaient chez eux de la poussière de plomb sur leurs vêtements. En outre, on a remarqué que lexposition continue de jeunes enfants au plomb affecte dune manière disproportionnée ceux qui sont défavorisés du point de vue économique (Brody et coll., 1994; Goldman et Carra, 1994). Cette inégalité est due, en partie, aux mauvaises conditions de logement; dès 1982, on a montré que, chez les enfants, la plombémie était directement liée à la détérioration de lhabitat (Clement International Corporation, 1991).
La présence de plomb dans le lait maternel est une autre source potentielle dexposition dérivée de la profession. On a établi un lien entre un taux élevé de plomb dans le lait et des sources tant professionnelles quenvironnementales (Ryu, Ziegler et Fomon, 1978; Dabeka et coll., 1986). La concentration de plomb dans le lait est faible par rapport à la concentration sanguine (de 1/5 à 1/2 environ) (Wolff, 1993), mais le volume important de lait absorbé par le nourrisson peut ajouter des quantités de lordre du milligramme à la charge corporelle. En comparaison, il y a normalement moins de 0,03 mg de plomb dans le sang circulant chez un nouveau-né et la prise quotidienne est habituellement inférieure à 20 µg (Clement International Corporation, 1991). De fait, lingestion par le lait maternel a des répercussions sur la plombémie du nourrisson (Rabinowitz, Leviton et Needleman, 1985; Ryu et coll., 1983; Ziegler et coll., 1978). Il faut noter que le taux normal de plomb dans le lait maternel nest pas excessif et que lallaitement contribue pour une quantité comparable à celle dautres sources dalimentation du nouveau-né. A titre comparatif, un petit éclat de peinture peut contenir plus de 10 mg (10 000 µg) de plomb.
Un retard dans le développement de lenfant a été rapproché dune exposition prénatale et postnatale au plomb. On pense que lexposition prénatale au plomb est responsable des déficits du développement mental et comportemental qui ont été observés chez des enfants jusquà lâge de deux à quatre ans (Landrigan et Campbell, 1991; Bellinger et coll., 1987). Les effets dune exposition postnatale au plomb, comme ceux observés chez les nouveau-nés à partir dune exposition professionnelle, peuvent être décelés chez les enfants de deux à six ans, voire plus. Ceux-ci ont des problèmes de comportement et une intelligence moins développée (Bellinger et coll., 1994). Ces effets ne sont pas dus uniquement à une forte exposition; ils ont été observés avec des taux relativement faibles, par exemple avec une plombémie de lordre de 10 µg/dl (Needleman et Bellinger, 1984).
Dans lenvironnement, le mercure se présente sous forme inorganique et organique (principalement sous forme de méthyle). On a observé récemment une exposition professionnelle au mercure chez des travailleurs qui fabriquaient des thermomètres ou réparaient des équipements à haute tension contenant du mercure. Dautres activités sont également liées à une exposition potentielle au mercure: la peinture, la dentisterie, la plomberie et la fabrication de produits chlorés (Agency for Toxic Substances and Disease Registry, 1992).
Lintoxication prénatale et postnatale au mercure a été bien étudiée chez les enfants. Ceux-ci sont plus sensibles que les adultes aux effets du méthylmercure en raison principalement de la «remarquable sensibilité» au méthylmercure du système nerveux central humain en cours de développement, effet également observé avec de faibles doses chez les animaux (Clarkson, Nordberg et Sager, 1985). Lexposition des enfants au méthylmercure se fait essentiellement par lingestion de poisson ou de lait maternel contaminés, tandis que le mercure élément provient dune exposition professionnelle. On a noté une exposition domestique secondaire à une exposition professionnelle (Zirschky et Wetherell, 1987). Ces dernières années, des expositions accidentelles au foyer ont été signalées dans le travail à domicile (Meeks, Keith et Tanner, 1990; Rowens et coll., 1991), ainsi quà la suite déclaboussures accidentelles de mercure métallique (Florentine et Sanfilippo, 1991). Lexposition au mercure élément se produit principalement par inhalation, tandis que lalkylmercure peut être absorbé par ingestion, inhalation ou contact cutané.
Dans lépisode dintoxication le mieux étudié, des troubles sensoriels et moteurs, ainsi quun retard mental ont été observés après une exposition à de très fortes doses de méthylmercure soit in utero, soit dans le lait maternel (Bakir et coll., 1973). Lexposition maternelle était due à lingestion de méthylmercure utilisé comme fongicide pour les céréales.
On produit chaque année dans le monde plusieurs centaines de millions de tonnes de pesticides. Les pays développés emploient dans lagriculture des herbicides, des fongicides et des insecticides afin daméliorer le rendement et la qualité des récoltes. Les produits de traitement du bois constituent une part de marché beaucoup plus modeste, mais encore très importante. Lutilisation pour la maison et le jardin représente une partie relativement peu importante de la consommation totale, mais du point de vue de la toxicité néonatale, les intoxications domestiques sont sans doute les plus nombreuses. Lexposition professionnelle est également une source potentielle dexposition indirecte pour les nourrissons si lun des parents travaille dans un domaine qui utilise des pesticides. Lexposition à ces derniers peut se faire par absorption cutanée, inhalation et ingestion. Plus de 50 pesticides ont été déclarés cancérogènes chez lanimal (McConnell, 1986).
Les pesticides organochlorés comprennent les composés aromatiques comme le DDT (bis(4-chlorophényle)-1,1,1-trichloro-éthane) et les cyclodiènes comme la dieldrine. On a commencé à utiliser le DDT au début des années quarante, car il constituait un moyen efficace déliminer les moustiques vecteurs du paludisme, utilisation encore très répandue dans les pays en développement. Le lindane est un produit organochloré abondamment utilisé de nos jours contre les poux et dans lagriculture, en particulier dans les pays en développement. Les biphényles polychlorés (BPC), autres mélanges de produits organochlorés liposolubles utilisés depuis les années quarante, représentent un danger potentiel pour la santé des jeunes enfants exposés à travers le lait maternel et dautres aliments contaminés. Le lindane et les BPC sont traités à part dans ce chapitre. Des biphényles polychromés ont également été décelés dans le lait maternel, presque uniquement dans lEtat du Michigan (Etats-Unis), où un produit ignifugeant, mélangé par inadvertance à de la nourriture pour animaux en 1973-74, a été propagé dans tout lEtat par les produits laitiers et la viande.
Le chlordane a été utilisé comme pesticide et comme termiticide dans les maisons, où il sest montré efficace pendant des décennies, sans doute à cause de sa persistance. Lexposition à ce produit chimique peut se faire par lalimentation ou par absorption directe, respiratoire ou cutanée. Au Japon, le taux dans le lait maternel a pu être relié à la fois à lalimentation et au traitement récent des habitations. Les femmes vivant dans des maisons qui avaient été traitées plus de deux ans auparavant avaient un taux de chlordane dans le lait trois fois supérieur à celui de femmes vivant dans des maisons qui navaient pas été traitées (Taguchi et Yakushiji, 1988).
La nourriture est la principale source de produits organochlorés persistants, mais la fumée, lair et leau peuvent également contribuer à lexposition. Les pesticides appartenant à ce groupe, appelés aussi hydrocarbures halogénés, sont très persistants dans lenvironnement, en raison de leur lipophilie, de leur résistance au métabolisme ou à la biodégradation et de leur faible volatilité. On a trouvé plusieurs centaines de ppm dans les graisses humaines et animales chez les individus les plus exposés. En raison de leur toxicité pour la reproduction sur la faune et de leur tendance à la bio-accumulation, les pesticides organochlorés ont été interdits ou soumis à des restrictions dans les pays développés.
Une neurotoxicité a été observée avec de très fortes doses de pesticides organochlorés, mais les effets potentiels à long terme sur la santé de lêtre humain sont encore plus inquiétants. Bien que les effets chroniques sur la santé naient pas été très documentés, une hépatotoxicité, des cancers et des troubles de la reproduction ont été observés chez des animaux de laboratoire et des animaux sauvages. Les préoccupations sanitaires ont pour principale origine des études effectuées chez lanimal, dans lesquelles des cancers et des modifications profondes des systèmes hépatique et immunitaire avaient été observés.
Les organophosphates et les carbamates persistent moins longtemps que les organochlorés et constituent la classe de pesticides la plus universellement utilisée. Ils se dégradent relativement vite dans lenvironnement et dans lorganisme. Un certain nombre dorganophosphates et de carbamates ont une neurotoxicité aiguë ainsi que, dans certains cas, une neurotoxicité chronique. Les dermatoses sont également un symptôme fréquemment signalé à la suite dune exposition aux pesticides.
Les produits à base de pétrole utilisés pour appliquer certains pesticides sont également une source de préoccupation. Des effets chroniques, parmi lesquels des cancers hématopoïétiques et dautres cancers de lenfance, ont été associés à lexposition parentale ou domestique à des pesticides, mais les données épidémiologiques sont assez limitées. Néanmoins, daprès les données provenant détudes chez lanimal, il est préférable déviter lexposition aux pesticides.
De nombreux risques dexposition et deffets toxiques pour le nouveau-né ont été signalés. Parmi des enfants ayant dû être hospitalisés pour intoxication aiguë, la plupart avaient avalé par inadvertance un pesticide, tandis quun nombre significatif dentre eux avaient été exposés en jouant sur des tapis traités (Casey, Thompson et Vale, 1994; Zwiener et Ginsburg, 1988). La contamination des vêtements des travailleurs par de la poudre ou un liquide contenant un pesticide est connue depuis longtemps. Cette voie fournit de nombreuses occasions dexposition domestique, à moins que les travailleurs ne prennent les précautions dhygiène adéquates après le travail. Par exemple, une famille entière a présenté un taux élevé de chlordécone (Képone) dans le sang, attribué au blanchissage à domicile des vêtements du travailleur (Grandjean et Bach, 1986). Lexposition domestique à la dioxine (TCDD) a été étudiée en raison de la présence de chloracné chez le fils et la femme de deux travailleurs exposés après une explosion (Jensen, Sneddon et Walker, 1972).
Pour les nourrissons, la plupart des expositions possibles proviennent de lapplication de pesticides dans la maison ou à proximité (Lewis, Fortmann et Camann, 1994). La poussière présente dans les tapis sest avérée très contaminée par de nombreux pesticides (Fenske et coll., 1994). La majeure partie des contaminations domestiques signalées ont été attribuées à lextermination des puces ou à lapplication de pesticides sur la pelouse ou dans le jardin (Davis, Bronson et Garcia, 1992). On estime quaprès un traitement de la maison labsorption de chlorpyriphos par les nourrissons excéderait la concentration admissible. En effet, après ce type de fumigation, les concentrations ambiantes ne redescendent pas toujours rapidement à un niveau de sécurité.
Le lait maternel est pour le nouveau-né une source potentielle dexposition aux pesticides. Sa contamination par les pesticides, notamment les organochlorés, est connue depuis des décennies. Lexposition professionnelle et environnementale peut entraîner une contamination importante du lait maternel par les pesticides (DErcole et coll., 1976; McConnell, 1986). Le taux de produits organochlorés dans le lait maternel qui, par le passé, était excessif, est en baisse dans les pays développés, parallèlement à la diminution de la concentration dans les graisses qui a été observée après la limitation de lutilisation de ces composés. La contamination du lait maternel par le DDT est donc plus importante actuellement dans les pays en développement. On a peu de preuves de la présence dorganophosphorés dans le lait maternel, fait que lon peut attribuer à lhydrosolubilité et au métabolisme rapide de ces produits dans lorganisme.
Lingestion deau contaminée par des pesticides représente également un danger potentiel pour la santé du nouveau-né. Ce problème est particulièrement important avec les aliments lactés qui doivent être préparés avec de leau. Par ailleurs, les aliments lactés pour nouveau-nés que lon trouve dans le commerce sont relativement exempts dagents contaminants (National Research Council, 1993). La contamination des aliments par des pesticides peut également exposer le nourrisson. Le lait, les fruits et les légumes vendus dans le commerce sont contaminés à un très faible niveau par les pesticides, même dans les pays développés où la réglementation et la surveillance sont les plus rigoureuses (The Referee, 1994). Si le lait est la base de lalimentation du nourrisson, les fruits (particulièrement les pommes) et les légumes (surtout les carottes) sont aussi consommés en quantité importante par les jeunes enfants et représentent, par conséquent, une source possible dexposition aux pesticides.
Dans les pays industriels, notamment aux Etats-Unis et en Europe occidentale, lutilisation de la plupart des pesticides organochlorés, dont le DDT, le chlordane, la dieldrine et le lindane, est interdite, suspendue ou limitée depuis les années soixante-dix (Maxcy, Rosenau et Last, 1994). Les pesticides encore utilisés à des fins agricoles ou non agricoles font lobjet dune réglementation en ce qui concerne leur concentration dans lalimentation, leau et les produits pharmaceutiques. Grâce à cette réglementation, les taux de pesticides dans les tissus adipeux et dans le lait maternel ont diminué dune manière significative au cours des quatre dernières décennies. Toutefois, les organochlorés sont encore très utilisés dans les pays en développement où, par exemple, le lindane et le DDT comptent parmi les pesticides les plus fréquemment employés dans lagriculture et la lutte contre le paludisme (Awumbila et Bokuma, 1994).
Le lindane est le gamma-isomère et le principe actif de la forme industrielle de lhexachlorure de benzène (HCB). Le HCB, connu également sous le nom dhexachlorocyclohexane (HCH), contient de 40 à 90% dautres isomères alpha, beta et delta. Cet organochloré est utilisé comme pesticide agricole ou non agricole dans le monde entier depuis 1949. Lexposition professionnelle peut se produire pendant la fabrication, la préparation et lapplication du HCB. Le lindane est également beaucoup utilisé sous forme de préparation pharmaceutique, crème, lotion ou shampooing, pour le traitement de la gale ou lélimination des poux. Etant donné que ces affections cutanées surviennent essentiellement chez les nourrissons et les enfants, un traitement médical peut entraîner labsorption cutanée de HCB par des enfants en bas âge. Lexposition néonatale peut également être due à linhalation de vapeurs ou de poussières apportées à la maison par lun des parents ou y subsistant après usage. Lingestion alimentaire représente également un moyen dexposition des enfants en bas âge, puisque du HCB a été décelé, comme de nombreux insecticides organochlorés, dans le lait maternel, les produits laitiers et dautres aliments. Lexposition par lallaitement était plus importante aux Etats-Unis avant que la production commerciale du lindane ne soit interdite. Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), il est possible que lhexachlorocyclohexane soit cancérogène pour lhumain (CIRC, 1987). Toutefois, les effets secondaires néfastes observés chez les nourrissons ont été principalement des atteintes du système nerveux et du système hématopoïétique.
Lexposition domestique au lindane a été décrite chez la femme dun préparateur de pesticides, ce qui montre la possibilité dune exposition similaire chez le nouveau-né. La femme avait 5 ng/ml de gamma-HCB dans le sang, concentration inférieure à celle de son mari (voir tableau 9.10) (Starr et coll., 1974). On suppose que le gamma-HCB avait été rapporté par le mari sur son corps ou ses vêtements. Les taux de gamma-HCB chez la femme et son mari étaient plus élevés que les taux constatés chez des enfants traités par une lotion contenant 0,3 à 1,0% de ce même produit.
Source d’exposition |
gamma-HCB dans le sang (ng/ml; ppb) |
|
Exposition professionnelle |
Faible exposition |
5 |
Homme adulte |
Tentative de suicide |
1 300 |
Enfant |
Intoxication aiguë |
100-800 |
Enfants |
Lotion à 1% de HCB (moyenne) |
13 |
Observation d’exposition au domicile1 |
Mari |
17 |
Populations non exposées depuis 1980 |
Yougoslavie |
52 |
1 Starr et coll., 1974; autres données: Smith, 1991.
2 En grande partie beta-isomère.
Dans le lait maternel, le HCB est présent essentiellement sous forme de beta-isomère (Smith, 1991). La demi-vie du gamma-isomère dans le corps humain est dun jour environ, tandis que le beta-isomère saccumule.
Labsorption cutanée du lindane présent dans des produits pharmaceutiques dépend de la quantité appliquée sur la peau et de la durée de lexposition. Les nourrissons et les jeunes enfants semblent plus sensibles que les adultes aux effets toxiques du lindane (Clement International Corporation, 1992). Lune des raisons pourrait être que labsorption cutanée est augmentée par la plus grande perméabilité de la peau de lenfant et par un rapport surface-volume élevé. Le taux peut se maintenir plus longtemps chez le nouveau-né en raison dun métabolisme du HCB moins efficace chez les nourrissons et les jeunes enfants. De plus, lexposition des nouveau-nés est augmentée par le fait que lenfant lèche ou porte à la bouche les zones traitées (Kramer et coll., 1990). Une douche ou un bain chauds avant lapplication sur la peau de produits pharmaceutiques peut faciliter leur absorption cutanée, augmentant ainsi leur toxicité.
Dans un certain nombre dobservations portant sur des intoxications accidentelles au lindane, des effets toxiques évidents ont été décrits, dont certains chez de jeunes enfants. Dans un cas, un nourrisson de deux mois est mort après de multiples expositions à une lotion contenant 1% de lindane, dont une application sur tout le corps après un bain chaud (Davies et coll., 1983).
La production et lutilisation de lindane sont soumises à des restrictions dans la plupart des pays développés, mais le lindane est encore utilisé à grande échelle dans le secteur agricole dautres pays. Daprès une étude sur lutilisation de pesticides dans des fermes au Ghana, il représente respectivement 35 et 85% des pesticides utilisés par les agriculteurs et par les gardiens de troupeaux (Awumbila et Bokuma, 1994).
Les biphényles polychlorés (BPC) ont été utilisés depuis le milieu des années quarante jusquà la fin des années soixante-dix comme liquides isolants dans les condensateurs et les transformateurs électriques. Des résidus sont toujours présents dans lenvironnement en raison de la pollution, due essentiellement à un mauvais traitement des déchets ou à des débordements accidentels. Certains équipements encore utilisés ou stockés demeurent une source potentielle de contamination. Un incident dans lequel des enfants jouant avec des condensateurs avaient été exposés à des concentrations décelables de BPC (Wolff et Schecter, 1991) a été signalé, de même que lexposition de la femme dun ouvrier (Fischbein et Wolff, 1987).
Dans deux études sur lexposition environnementale, une exposition prénatale et postnatale aux BPC sest accompagnée deffets bénins, mais significatifs chez des enfants. Dans lune des études, des troubles légers du développement moteur ont été observés chez des enfants dont la mère avait, immédiatement après la naissance, un taux de BPC dans le lait qui se situait dans le 95e percentile du groupe étudié (Rogan et coll., 1986). Dans lautre étude, des déficits sensoriels (ainsi quune petite taille pour lâge gestationnel) ont été observés chez des enfants ayant un taux sanguin qui se situait environ dans le 25e percentile (Jacobson et coll., 1985; Fein et coll., 1984). Ces niveaux dexposition, tout en se situant dans la fourchette supérieure pour ces études (plus de 3 ppm dans le lait maternel sur la base des lipides et plus de 3 ng/ml dans le sang des enfants), nétaient pas excessivement élevés. Une exposition professionnelle ordinaire donne des taux dix à cent fois supérieurs (Wolff, 1985). Dans les deux études, les effets ont été attribués à une exposition prénatale. Toutefois, de tels résultats appellent à la prudence en ce qui concerne lexposition indue des nouveau-nés à ce type de produits chimiques avant et après la naissance.
Les solvants forment un groupe de liquides volatils ou semi-volatils utilisés principalement pour dissoudre dautres substances. Une exposition à des solvants peut se produire au cours de processus de fabrication; cest le cas, par exemple, de lexposition à lhexane au cours de la distillation de produits pétroliers. Dans la plupart des cas, lexposition se produit au travail ou à la maison. Parmi les applications industrielles courantes, on trouve le nettoyage à sec, le dégraissage, la peinture et le décapage de la peinture, ainsi que limprimerie. A la maison, un contact direct avec des solvants est possible au cours de lutilisation de substances comme les produits dentretien pour les métaux, les produits de nettoyage à sec, les diluants pour peintures ou les vaporisateurs.
Les principales voies dexposition aux solvants, à la fois chez les adultes et chez les nourrissons, sont labsorption respiratoire et cutanée. Lingestion du lait maternel est un moyen dexposition néonatale à des solvants provenant du travail des parents. En raison de la demi-vie brève de la plupart des solvants, leur passage dans le lait maternel est également rapide. Cependant, après exposition de la mère, certains solvants restent dans le lait maternel pendant au moins un court moment (au moins une demi-vie). Parmi les solvants qui ont été décelés dans le lait maternel, on trouve le tétrachloroéthylène, le sulfure de carbone et lhalothane (un anesthésique). Une étude détaillée de lexposition potentielle du nourrisson au tétrachloroéthylène a conclu que la concentration dans le lait maternel peut facilement dépasser celle recommandée par les directives sur les risques pour la santé (Schreiber, 1993). Le risque de dépassement du pourcentage admis est plus grand pour les nourrissons dont la mère peut avoir été exposée sur son lieu de travail (58 à 600 par million de personnes). En ce qui concerne les expositions non professionnelles les plus importantes, le risque de dépassement a été évalué entre 36 et 220 pour dix millions de personnes; on trouve de telles expositions dans les logements situés juste au-dessus des teintureries. On a en outre estimé que la concentration de tétrachloroéthylène dans le lait revient à un taux normal (avant exposition) quatre à huit semaines après la cessation de lexposition.
Lexposition non professionnelle est possible pour lenfant dans un foyer où on utilise des solvants ou des produits à base de solvants. Lair ambiant contient un pourcentage très faible, mais constamment décelable de solvants, tels que le tétrachloroéthylène. Leau peut également contenir des composés volatils organiques du même type.
Une exposition aux poussières et aux fibres dorigine minérale sur le lieu de travail provoque chez les travailleurs des maladies respiratoires, dont le cancer du poumon. Lexposition à la poussière est un problème potentiel chez le nourrisson dont les parents apportent des particules sur leurs vêtements ou leur corps. Pour lamiante, des fibres provenant du lieu de travail ont été trouvées dans des logements et lexposition en résultant pour les membres de la famille a été appelée exposition familiale ou passive. On a pu étudier les maladies familiales liées à lamiante en raison de la survenue dune tumeur-signal, le mésothéliome, essentiellement associé à une exposition à lamiante. Le mésothéliome est un cancer de la plèvre ou du péritoine (membranes tapissant respectivement les poumons et labdomen) qui se manifeste après une longue période de latence, généralement 30 ou 40 ans après la première exposition à lamiante. Létiologie de cette maladie semble liée uniquement au temps écoulé depuis lexposition initiale, et non à lintensité ou à la durée de cette exposition, ni à lâge auquel elle a eu lieu (Nicholson, 1986; Otte, Sigsgaard et Kjaerulff, 1990). Des anomalies respiratoires ont également été attribuées à lexposition passive à lamiante (Grandjean et Bach, 1986). De nombreuses expérimentations animales confirment les observations chez lêtre humain.
La plupart des cas familiaux de mésothéliome ont été constatés chez les femmes de mineurs, de travailleurs des minoteries, de fabricants et dinstallateurs de matériaux isolants qui avaient été exposés. Cependant, un certain nombre dexpositions chez des enfants ont été également associées à la maladie. Un assez grand nombre de ces enfants avaient été en contact avec lamiante à un jeune âge (Dawson et coll., 1992; Anderson et coll., 1976; Roggli et Longo, 1991). Par exemple, dans lune des études qui portait sur 24 cas de mésothéliome familial survenus dans une ville minière extrayant de lamiante bleu (crocidolite), 7 cas ont été identifiés chez des sujets âgés de 29 à 39 ans au moment du diagnostic ou du décès, et dont lexposition initiale avait eu lieu à un âge inférieur à 1 an (n = 5) ou à 3 ans (n = 2) (Hansen et coll., 1993).
Il est clair que lexposition à lamiante provoque des cas de mésothéliome, mais un mécanisme épigénétique expliquerait aussi le caractère familial inhabituel de certains cas. Cest ainsi que la survenue de mésothéliomes chez 64 personnes appartenant à 27 familles évoque une caractéristique génétique qui rendrait certains individus plus sensibles à lagression de lamiante aboutissant à cette maladie (Dawson et coll., 1992; Bianchi, Brollo et Zuch, 1993). Toutefois, on a également suggéré que lexposition est une explication suffisante pour cette agrégation de cas à caractère familial (Alderson, 1986).
Parmi dautres poussières inorganiques associées à des maladies professionnelles, on peut citer les fibres de verre, les zéolites et le talc. Lamiante et la fibre de verre ont été abondamment utilisés comme matériaux isolants. La fibrose et le cancer pulmonaires sont associés à lamiante et, beaucoup moins nettement, à la fibre de verre. Des mésothéliomes ont été signalés dans des régions de Turquie où les habitants étaient exposés à des zéolites naturelles. Lexposition à lamiante peut également provenir de sources non professionnelles. Des couches-culottes à base de fibres damiante ont été reconnues comme source dexposition de lenfant (Li, Dreyfus et Antman, 1989); toutefois, ce rapport nexcluait pas léventualité que les vêtements des parents soient la source de contact responsable. Lamiante était également utilisé pour la fabrication de cigarettes, de séchoirs à cheveux, de carrelages et de certains talcs. Son utilisation a été interdite dans de nombreux pays. Toutefois les résidus de lamiante utilisé comme isolant dans les écoles constituent un risque important pour les enfants, qui a fait lobjet de nombreuses recherches en tant que problème potentiel de santé publique.
La fumée de cigarette ambiante est une association de la fumée exhalée par les fumeurs et de la fumée émise par une cigarette en train de se consumer. Bien que la fumée de cigarette ambiante ne soit pas en elle-même une source dexposition professionnelle pouvant atteindre le nouveau-né, elle est évoquée ici en raison de ses effets défavorables potentiels sur la santé et parce quelle constitue un bon exemple dautres expositions par aérosols. Lexposition dun non-fumeur à la fumée de tabac ambiante est souvent appelée tabagisme passif ou involontaire. Une exposition prénatale à la fumée de cigarette ambiante est nettement associée à des déficits ou à des troubles de la croissance ftale. Il est difficile de faire la distinction entre les effets produits par la fumée de cigarette ambiante pendant la période prénatale et ceux produits pendant la période postnatale, étant donné que le tabagisme parental se limite rarement à une période ou à lautre. Toutefois, il existe des preuves de la relation entre lexposition postnatale à la fumée de cigarette ambiante et les maladies respiratoires ou laltération de la fonction respiratoire. La similitude de ces résultats avec ceux dexpériences réalisées chez des adultes confirme cette corrélation.
La fumée de cigarette ambiante a été bien définie et beaucoup étudiée en termes dexposition humaine et deffets sur la santé. Elle est cancérogène chez lêtre humain (US Environmental Protection Agency, 1992). On peut évaluer lexposition à la fumée de cigarette ambiante en mesurant le taux de nicotine, un composant du tabac, et de la cotinine, son principal métabolite, dans les liquides biologiques: salive, sang et urine. La nicotine et la cotinine ont aussi été décelées dans le lait maternel. De la cotinine a également été trouvée dans le sang et lurine de nourrissons qui navaient été exposés à la fumée de cigarette ambiante que par lallaitement (Charlton, 1994; National Research Council, 1986).
La responsabilité du tabagisme paternel et maternel à la maison dans lexposition de nouveau-nés à la fumée de tabac ambiante a été clairement établie. Cest le tabagisme de la mère qui constitue la source principale dexposition. Par exemple, plusieurs études ont montré que la concentration urinaire de cotinine chez lenfant est fonction du nombre de cigarettes fumées quotidiennement par la mère (Marbury, Hammon et Haley, 1993). Les nouveau-nés sont surtout exposés à la fumée de cigarette ambiante par voie respiratoire et alimentaire (voie lactée en particulier). Les crèches représentent une autre source potentielle dexposition; de nombreuses installations accueillant des enfants nont pas de réglementation antitabac (Sockrider et Coultras, 1994).
Lhospitalisation pour maladie respiratoire est plus fréquente chez les nouveau-nés dont les parents fument. De plus, la durée du séjour à lhôpital est plus longue pour les nourrissons exposés à la fumée de cigarette ambiante. En termes de causalité, lexposition à la fumée de tabac ambiante na pas été associée à des maladies respiratoires spécifiques. Il a cependant été prouvé que le tabagisme passif aggrave des maladies préexistantes, comme la bronchite et lasthme (Charlton, 1994; Chilmonczyk et coll., 1993; Rylander et coll., 1993). Les infections respiratoires sont également plus fréquentes chez les enfants et les nourrissons exposés à la fumée de cigarette ambiante. De plus, les parents fumeurs et souffrant dune maladie respiratoire risquent de transmettre aux enfants, en toussant, des infections des voies aériennes.
Les enfants exposés à la fumée de cigarette ambiante après la naissance présentent de légers déficits de la fonction pulmonaire qui semblent indépendants dune exposition prénatale (Frischer et coll., 1992). Si les modifications liées à la fumée de cigarette ambiante sont minimes (une diminution de 0,5% par an du volume de réserve expiratoire) et si ces effets ne sont pas significatifs du point de vue clinique, ils semblent indiquer des modifications des cellules du poumon en cours de développement qui pourraient présager un risque ultérieur. Le tabagisme parental a également été associé à une augmentation du risque dotite moyenne, ou épanchement de loreille moyenne, depuis la petite enfance jusquà lâge de neuf ans. Cette pathologie est une cause fréquente de surdité chez les enfants, qui peut entraîner un retard scolaire. Le risque est confirmé par des études attribuant au tabagisme parental un tiers de tous les cas dotite moyenne (Charlton, 1994).
Lexposition à des rayonnements ionisants est un danger reconnu pour la santé, qui est généralement le résultat dune exposition importante, accidentelle ou à but médical. Du fait quelle peut endommager les cellules qui prolifèrent rapidement, elle risque dêtre très nocive pour le ftus ou le nouveau-né. Lexposition à des rayonnements émis lors dune radiographie est généralement dun très faible niveau et considérée comme inoffensive. Le radon est une source domestique potentielle de rayonnements ionisants; il est présent dans les formations rocheuses de certaines zones géographiques.
Parmi les atteintes prénatales et postnatales des rayonnements, on compte le retard mental ou de croissance, une intelligence moins développée, des malformations congénitales et des cancers. Lexposition à de fortes doses de rayonnements ionisants est également associée à une augmentation de la prévalence des cancers. Pour ce type dexposition, lincidence dépend de la dose et de lâge. En fait, cest chez les femmes qui ont été exposées à des rayonnements ionisants lorsquelles étaient jeunes que le risque relatif de cancer du sein (~9) est le plus élevé.
On sest préoccupé récemment des effets possibles des rayonnements non ionisants, ou champs électromagnétiques. Lexplication de la relation entre une exposition à des champs électromagnétiques et le cancer nest pas encore connue et la preuve épidémiologique pas encore claire. Toutefois, plusieurs études internationales ont montré une corrélation entre les champs électromagnétiques et la leucémie et le cancer du sein chez les sujets masculins.
Une trop forte exposition au soleil durant lenfance a été associée au cancer de la peau et au mélanome (Marks, 1988).
Bien que des substances spécifiques naient pas été identifiées, lexposition professionnelle des parents a été associée au cancer de lenfant. La période de latence pour le développement dune leucémie de lenfant peut aller de deux à dix ans à partir du début de lexposition, ce qui indique quune exposition in utero ou au cours de la période postnatale précoce peut être impliquée dans la genèse de cette maladie. Selon les données préliminaires, lexposition à certains pesticides organochlorés (HCB, DDT, chlordane) serait liée à la leucémie, bien que ces données naient pas été confirmées dans des études plus détaillées. De plus, un risque élevé de cancer et de leucémie a été signalé concernant les enfants dont les parents sont, de par leur profession, en contact avec des pesticides, des produits chimiques et des émanations (OLeary et coll., 1991). De la même manière, le risque de sarcome osseux dEwing chez lenfant a été associé au travail des parents dans lagriculture ou à leur exposition à des herbicides et des pesticides (Holly et coll., 1992).
De nombreux pays sefforcent de réglementer lutilisation des produits chimiques toxiques de façon à parvenir à des concentrations admissibles dans lair ambiant et les produits alimentaires, ainsi que sur les lieux de travail. Néanmoins, les occasions dexposition abondent, et les enfants sont particulièrement sensibles à la fois à labsorption et aux effets des produits chimiques toxiques. On a remarqué que «parmi les 40 000 morts denfant chaque jour dans le monde en développement, beaucoup sont la conséquence de dégradations de lenvironnement qui se reflètent dans la consommation deau insalubre, la maladie et la malnutrition» (Schaefer, 1994). Bon nombre dexpositions liées à lenvironnement peuvent être évitées. La prévention des maladies environnementales devient ainsi une priorité importante pour défendre les enfants contre les effets néfastes pour leur santé.
Au cours de la grossesse, les risques pour la santé et la sécurité auxquels la femme est exposée par son travail ou le milieu dans lequel celui-ci seffectue peuvent nuire à sa santé ou à celle de lenfant à naître. Avant et après la naissance, la femme a également besoin de disposer de temps pour se rétablir, allaiter son enfant et tisser des liens avec lui. De nombreuses femmes souhaitent reprendre leur travail après la naissance de leur enfant et doivent le faire; il sagit là dun droit de plus en plus reconnu comme fondamental dans un monde où la participation des femmes à la vie active augmente sans cesse, jusquà approcher celle des hommes dans de nombreux pays. Comme la plupart des femmes doivent subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, il est indispensable quelles continuent à percevoir un revenu pendant leur congé de maternité.
Avec le temps, les gouvernements ont pris un ensemble de mesures législatives pour la protection des femmes qui travaillent, au cours de la grossesse et au moment de la naissance. Lune des caractéristiques des mesures les plus récentes est linterdiction de la discrimination dans lemploi en raison dune grossesse. Une autre tendance consiste à donner la possibilité aux pères et aux mères de se partager le droit au congé parental après la naissance, de sorte que lun ou lautre puisse soccuper de lenfant. Dans de nombreux pays, la négociation collective peut renforcer lapplication de ces mesures et les améliore souvent. Les employeurs jouent également un rôle important lorsque les termes des contrats individuels de travail et la politique de lentreprise améliorent la protection de la maternité.
Les lois garantissant aux femmes actives une protection lors de la maternité sont généralement limitées au secteur structuré qui représente une petite partie de lactivité économique. Elles ne sappliquent pas aux femmes qui sadonnent à des activités économiques dans le secteur informel ne relevant pas de linspection du travail, ce qui, dans de nombreux pays, est le cas pour la majorité des femmes qui travaillent. Alors que, dans le monde entier, se dessine une tendance à améliorer la protection de la maternité et à en élargir la portée, protéger cette grande partie de la population qui vit et travaille hors de léconomie officielle reste un problème majeur.
Dans la plupart des pays, la législation du travail fournit une protection lors de leur maternité aux femmes employées dans les entreprises industrielles et non industrielles du secteur privé ainsi que, souvent, du secteur public. Les femmes qui travaillent à domicile, les employées de maison, les personnes à leur compte et celles qui travaillent dans les entreprises familiales sont souvent exclues. Comme beaucoup de femmes travaillent dans de petites entreprises, lexclusion relativement fréquente de celles qui emploient moins dun certain nombre de personnes (par exemple, cinq employés permanents en République de Corée) pose un problème.
Dans un certain nombre de pays, beaucoup de femmes ayant un emploi précaire, comme les intérimaires ou les travailleuses occasionnelles en Irlande, sont exclues du champ de la législation du travail. Selon leur nombre dheures de travail, les employées à temps partiel peuvent aussi être exclues. Dautres groupes de femmes peuvent lêtre également, comme les cadres (à Singapour ou en Suisse), les femmes dont les revenus sont supérieurs à un certain seuil (à lîle Maurice), ou les femmes qui sont payées selon leurs résultats (aux Philippines). Dans de rares cas, les femmes célibataires (par exemple, les professeurs à Trinité-et-Tobago) nont pas droit au congé de maternité. Cependant, en Australie (système fédéral), où le congé parental concerne les employées et leur conjoint, le terme «conjoint» est défini de façon à inclure le conjoint de fait. Lorsque des limites dâge sont fixées (par exemple, les femmes de moins de 18 ans, en Israël), elles nexcluent généralement pas beaucoup de femmes, étant donné quelles se situent avant ou après la période de procréation.
Les fonctionnaires ont souvent une couverture particulière, qui leur procure parfois des conditions plus favorables que celles du secteur privé: le congé de maternité peut être plus long; lallocation peut correspondre au plein salaire et non à un pourcentage; le congé parental est plus fréquemment prévu; ou le droit de réintégration est plus clairement établi. Dans un nombre important de pays, les conditions du service public peuvent être un facteur de progrès, car les accords conclus dans le secteur privé par la négociation collective sinspirent souvent des règles de protection de la maternité dans le service public.
A linstar de la législation du travail, les lois sur la sécurité sociale peuvent avoir des applications limitées à certains secteurs ou à certaines catégories de salariées. Si, dans un pays donné, cette législation est souvent plus restrictive que la législation du travail correspondante, elle peut néanmoins donner droit à une allocation de maternité à des groupes non couverts par la législation du travail, comme les femmes travaillant à leur compte, ou travaillant avec leur mari, lui-même à son compte. Dans de nombreux pays en développement, en raison dun manque de ressources, la législation de la sécurité sociale peut ne sappliquer quà un nombre limité de secteurs.
Au cours des vingt dernières années, toutefois, la couverture légale a été étendue à de plus nombreux secteurs économiques et à de plus nombreuses catégories de salariées; cependant, alors quune salariée est couverte par une loi, laccès à certains avantages, en particulier le congé et les allocations de maternité, peut être subordonné à certaines conditions. Ainsi, si la plupart des pays protègent la maternité, ce nest pas partout que les femmes qui travaillent jouissent dune telle protection.
La durée du repos pour une naissance peut varier de quelques semaines à plusieurs mois, et elle est souvent divisée en deux parties, avant et après laccouchement. Une interdiction de travailler peut être stipulée pour une partie ou lensemble de la période, afin dassurer aux femmes un repos suffisant. Le congé de maternité est habituellement prolongé en cas de maladie, de naissance prématurée ou après terme, et de naissances multiples, ou réduit en cas de fausse couche, de mort à la naissance ou de mort du nourrisson.
Daprès la convention de lOIT (no 3) sur la protection de la maternité, 1919, «une femme ne sera pas autorisée à travailler pendant une période de six semaines après ses couches; elle aura le droit de quitter son travail, sur production dun certificat médical déclarant que ses couches se produiront probablement dans un délai de 6 semaines». La convention de lOIT (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, confirme les 12 semaines de congé, y compris une interdiction demploi pendant les 6 semaines qui suivent laccouchement, mais ne prescrit pas lutilisation des 6 semaines restantes. La recommandation de lOIT (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, préconise un congé de 14 semaines. La plupart des pays se conforment à la norme de 12 semaines et au moins un tiers dentre eux accordent une période plus longue.
Une possibilité de choix dans la répartition du congé de maternité est assez souvent offerte. En Thaïlande, la loi ne prévoit pas la répartition du congé de maternité et les femmes peuvent partir en congé aussi tôt ou aussi tard quelles le souhaitent. Dans un autre groupe de pays, la loi précise le nombre de jours à prendre après laccouchement, le solde pouvant être pris soit avant, soit après la naissance.
Dans dautres pays, aucune flexibilité nest permise; la loi prescrit deux périodes de congé, avant et après laccouchement. Ces périodes peuvent être égales, surtout lorsque la durée totale du congé est relativement brève. Lorsque la durée totale du congé permis dépasse 12 semaines, la période prénatale est souvent plus courte que la période postnatale (par exemple, en Allemagne, 6 semaines avant et 8 semaines après la naissance).
Quelques pays (le Bénin, le Chili, lItalie) interdisent lemploi des femmes pendant toute la durée du congé de maternité. Dans dautres (la Barbade, lInde, lIrlande, le Maroc), une période de congé obligatoire est prescrite, souvent après laccouchement; il sagit souvent des 6 semaines suivant la naissance. Au cours des dix dernières années, le nombre de pays qui imposent une certaine période de congé obligatoire avant la naissance a augmenté. Toutefois, dans certains pays (le Canada), aucune période de congé nest obligatoire, car on considère que le congé est un droit qui doit être exercé librement et que la durée du repos doit être organisée de façon à satisfaire les besoins et les préférences de chacune.
Dans la plupart des pays, la législation, en précisant la durée du congé de maternité, reconnaît ainsi aux femmes le droit à ce congé; il suffit que la femme soit employée au moment où elle part en congé pour y avoir droit. Toutefois, dans un certain nombre de pays, la loi exige que les femmes aient été employées pendant une période minimum au moment où elles sabsentent. Cette période va de 13 semaines en Ontario (Canada) ou en Irlande, à 2 ans en Zambie.
Dans plusieurs pays, les femmes doivent avoir travaillé un certain nombre dheures par semaine, ou par mois, pour avoir droit à un congé ou à une allocation de maternité. Lorsque le seuil est élevé (comme à Malte, avec 35 heures par semaine), cela peut avoir pour effet dexclure un grand nombre de femmes qui forment la majorité des travailleurs à temps partiel. Toutefois, le seuil a parfois été abaissé récemment (en Irlande, de 16 à 8 heures par semaine).
Quelques pays limitent le nombre de congés de maternité auxquels la femme peut prétendre sur une période donnée (par exemple, 2 ans), ou restreignent ce droit à un certain nombre de grossesses soit par période de travail chez le même employeur, soit pendant toute la vie de la femme (lEgypte, la Malaisie). Au Zimbabwe, les femmes nont droit à un congé de maternité que tous les 24 mois, et trois fois au maximum pendant leur période de travail chez le même employeur. Ailleurs, la femme qui a plus denfants que prescrit a droit à un congé de maternité, mais non pas à des allocations (en Thaïlande), ou bénéficie dun congé de plus courte durée avec des allocations (à Sri Lanka, 12 semaines pour les deux premiers enfants, 6 semaines pour le troisième et les suivants). La liste des pays qui limitent le droit au congé ou à lallocation de maternité à un certain nombre de grossesses, denfants ou denfants survivants (entre 2 et 4) semble augmenter, même sil nest aucunement certain que la durée du congé de maternité soit un facteur décisif motivant les décisions concernant la taille de la famille.
Dans la plupart des pays, la seule condition nécessaire pour que les femmes aient droit à un congé de maternité est la présentation dun certificat médical. Ailleurs, elles sont également tenues de donner à leur employeur un préavis de leur intention de prendre un congé de maternité. La période pour le dépôt du préavis va du moment où la grossesse est connue (en Allemagne) à 1 semaine avant le départ en congé (en Belgique). Si les femmes ne respectent pas cette obligation de préavis, elles peuvent perdre leur droit au congé de maternité. Cest ainsi quen Irlande la date du congé de maternité doit être communiquée dès que possible, mais pas plus tard que 4 semaines avant le début du congé. Une salariée perd son droit à un congé de maternité si elle ne satisfait pas à cette obligation. Au Canada (système fédéral), lobligation de préavis est abandonnée lorsquil existe une raison valable pour que le préavis ne soit pas signifié; au niveau des provinces, la période de préavis va de 4 mois à 2 semaines. Si la période de préavis nest pas respectée, une femme a toujours droit à son congé de maternité dans le Manitoba; elle a droit à un congé plus court (habituellement 6 semaines, contre 17 à 18) dans la plupart des autres provinces. Dans dautres pays, la loi ne précise pas les conséquences de labsence de préavis.
Pour la plupart des femmes, il nest pas possible de renoncer à un revenu au cours de leur congé de maternité; si elles devaient le faire, beaucoup nutiliseraient pas lintégralité de leur congé. Etant donné que la naissance denfants en bonne santé est bénéfique à tout le pays, il nest pas équitable que les employeurs supportent le coût total des absences de leurs salariées. Depuis 1919, les normes de lOIT stipulent que, pendant leur congé de maternité, les femmes doivent recevoir une allocation et que celle-ci doit leur être versée sur des fonds publics ou par un système dassurances. La convention no 103 exige que les cotisations dues sous un régime dassurances sociales obligatoire soient basées sur le nombre total dhommes et de femmes employés par les entreprises concernées, sans distinction de sexe. Si, dans quelques pays, lallocation de maternité ne représente quun faible pourcentage du salaire, le niveau de deux tiers souhaité par la convention no 103 est atteint dans plusieurs pays, et dépassé dans nombre dautres. Dans plus de la moitié des pays dont la législation a été examinée, lallocation de maternité représente 100% du salaire assuré ou du salaire complet.
De nombreuses lois de sécurité sociale prévoient expressément une allocation de maternité; cest ainsi reconnaître la maternité comme un risque à part entière. Dautres prévoient que, pendant son congé de maternité, la femme aura droit à des prestations dassurance maladie ou dassurance chômage. Il nest pas équitable de traiter la maternité comme une maladie ou le congé comme une période de chômage. En effet, souvent, de telles allocations ne sont versées que pendant une certaine période; les femmes qui en bénéficient au titre de la maternité peuvent alors ne plus avoir assez de droits pour couvrir les périodes ultérieures de vraie maladie ou de vrai chômage. Cest pourquoi, lorsque le projet de directive du Conseil européen de 1992 a été élaboré, la proposition de versement dune allocation maladie pendant le congé de maternité a été violemment combattue; les opposants objectaient quen termes dégalité de traitement entre les hommes et les femmes la maternité devait être reconnue comme ouvrant par elle-même droit à une allocation. Dans un esprit de compromis, lallocation de maternité a finalement été définie comme garantissant un revenu au moins égal à celui que la salariée concernée recevrait en cas de maladie.
Dans presque 80 des cas, lallocation est payée par le système de sécurité sociale national et, dans plus de 40, elle est à la charge de lemployeur. Dans une quinzaine de pays, la charge du financement de lallocation de maternité est partagée entre la sécurité sociale et lemployeur. Lorsque le montant de lallocation est financé conjointement par la sécurité sociale et lemployeur, on demande à chacun den payer la moitié (au Costa Rica), mais on trouve dautres répartitions (au Honduras, deux tiers par la sécurité sociale et un tiers par lemployeur). Un autre type de contribution peut être demandé aux employeurs: lorsque le montant de lallocation versée par la sécurité sociale est basé sur un revenu statutaire soumis à cotisations et représente un faible pourcentage du plein salaire de la femme, la loi exige parfois que lemployeur paie la différence entre le salaire de la femme et lallocation de maternité versée par le fonds de sécurité sociale (au Burkina Faso). De nombreuses conventions collectives, ainsi que des contrats de travail individuels, prévoient un versement supplémentaire et volontaire de lemployeur. Lorsque les fonds manquent, la participation des employeurs au financement de lallocation de maternité peut être une solution réaliste.
En conformité avec la recommandation no 95, de nombreux pays ont pris certaines mesures pour protéger la santé des femmes enceintes et de leur enfant, en cherchant à réduire la fatigue par un réaménagement du temps de travail, ou en les protégeant des travaux dangereux ou insalubres.
Dans quelques pays (les Pays-Bas ou le Panama), la loi fait obligation à lemployeur dorganiser le travail de façon quil ne nuise pas à lissue de la grossesse. Cette approche, conforme aux pratiques modernes de sécurité et de santé au travail, permet de répondre aux besoins de chaque femme grâce à des mesures préventives adéquates; elle est donc très satisfaisante. Beaucoup plus généralement, la protection est recherchée au moyen dune interdiction ou dune restriction des tâches pouvant nuire à la santé de la mère ou à celle de lenfant. Une telle interdiction peut être formulée en termes généraux ou sappliquer à un certain type de tâches dangereuses. Cependant, au Mexique, linterdiction demployer des femmes pour des tâches dangereuses ou insalubres ne sapplique pas si, selon lavis des autorités compétentes, des mesures de protection pour la santé satisfaisantes ont été prises; elle ne sapplique pas non plus aux femmes occupant un poste de direction ni à celles ayant un diplôme universitaire ou technique, ou ayant la connaissance et lexpérience nécessaires pour effectuer le travail.
Dans de nombreux pays, la loi exige que les femmes enceintes et les femmes qui allaitent naient pas à accomplir de tâches «au-dessus de leurs forces», «impliquant des risques», «dangereuses pour leur santé ou celle de leur enfant» ou «nécessitant un effort physique ne convenant pas à leur état». Lapplication dune interdiction si générale peut toutefois poser des problèmes: comment, et par qui, devra-t-il être décidé quune tâche est au-dessus des forces de quelquun? Par lemployée concernée, lemployeur, linspecteur du travail, le médecin du travail, le médecin de famille? Des différences dappréciation peuvent conduire à la mise à lécart dune femme qui pourrait en fait accomplir un travail donné, tandis quune autre continue à faire un travail trop dur pour elle.
Dautres pays ont établi la liste, parfois très détaillée, des travaux interdits aux femmes enceintes et aux mères qui allaitent (lAllemagne ou lAutriche). Le transport de charges est fréquemment réglementé. La législation de certains pays interdit expressément lexposition à certains produits chimiques (comme le benzène), aux agents biologiques, au plomb et aux rayonnements. Le travail souterrain est interdit au Japon pendant la grossesse et lannée suivant laccouchement. En Allemagne, le travail à la pièce est interdit, comme aussi le travail à la chaîne lorsque la cadence est prédéterminée. Dans quelques pays, il est interdit dobliger les femmes enceintes à travailler hors de leur lieu habituel de résidence (par exemple, après le quatrième mois, au Ghana). En Autriche, il est interdit de fumer dans les endroits où des femmes enceintes travaillent.
Dans un certain nombre de pays (lAllemagne, lAngola, la Bulgarie, Haïti), lemployeur doit muter la salariée à un poste qui lui convient. Cette dernière conserve souvent son salaire antérieur, même si celui du poste auquel elle est affectée est inférieur. En République démocratique populaire lao, la femme conserve son ancien salaire pendant trois mois, puis elle est payée au taux correspondant au travail quelle accomplit en fait. Dans la Fédération de Russie, on doit fournir à une femme qui ne peut plus accomplir son travail un poste qui lui convient; elle conserve son salaire tant quun nouveau poste na pas été trouvé. Dans certains cas (Roumanie), la différence entre les deux salaires est payée par la sécurité sociale, un arrangement qui est préférable étant donné que le coût de la protection de la maternité ne devrait pas, dans la mesure du possible, être à la charge de lemployeur.
On peut également écarter la femme dun poste dun travail qui nest pas dangereux en soi, mais quun médecin a jugé nocif pour létat de santé de cette femme (en France). Dans dautres pays, un changement de poste est possible à la demande de la salariée concernée (au Canada ou en Suisse). Lorsque la loi permet à lemployeur de préconiser un changement, en cas de désaccord entre lemployeur et la travailleuse, un médecin du travail devra déterminer sil y a une raison médicale à ce changement et si lemployée est apte à assumer le travail quon lui propose.
Certains pays précisent que le changement de poste est temporaire et que la salariée doit retrouver son ancien poste lorsquelle rentre de son congé de maternité ou après une certaine période précisée (en France). Lorsquun changement de poste nest pas possible, certains pays stipulent que lemployée doit bénéficier dun congé de maladie (aux Seychelles) ou, comme cela a été mentionné précédemment, que le congé de maternité doit débuter plus tôt (en Islande).
Les pays sont de plus en plus nombreux à prendre des mesures afin de sassurer que les femmes ne souffrent pas de discrimination en raison de leur grossesse. Leur but est de sassurer que les femmes enceintes puissent postuler à un emploi et soient traitées en cours demploi sur la même base que les hommes et que les autres femmes et, en particulier, quelles ne soient pas rétrogradées, quelles ne perdent pas leur ancienneté ou quelles ne soient pas écartées des promotions en raison de leur grossesse. Il est aujourdhui de plus en plus fréquent que la législation nationale interdise la discrimination sexuelle. Une telle interdiction pourrait être interprétée par les tribunaux comme une interdiction de discrimination pour cause de grossesse et la, en fait, été dans de nombreux cas. La Cour européenne de Justice a suivi cette approche. Dans un jugement de 1989, elle a statué quun employeur qui licencie ou refuse dembaucher une femme parce quelle est enceinte viole la directive 76/207/CEE sur légalité de traitement. Ce jugement a été important, car il a clarifié lexistence de discrimination sexuelle lorsque des décisions relatives à lemploi sont prises sur la base de la grossesse, même si la loi ne cite pas expressément la grossesse comme facteur en fonction duquel la discrimination est interdite. Dans les litiges à propos dégalité entre les sexes, on a coutume de comparer le traitement accordé à une femme avec celui que lon accorderait dans le même cas à un homme. La Cour a statué quune telle comparaison nest pas justifiée sagissant dune femme enceinte, puisque la grossesse ne concerne que les femmes. Lorsquun traitement défavorable est appliqué à une femme en raison de sa grossesse, il y a, par définition, discrimination sexuelle. Cette décision corrobore le point de vue de la Commission dexperts de lOIT sur lapplication des conventions et des recommandations relatif à la portée de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, qui souligne la nature discriminatoire des distinctions basées sur la grossesse, laccouchement ou létat de santé qui en résulte (BIT, 1988).
Dans un certain nombre de pays (lAustralie, les Etats-Unis, lItalie, le Venezuela), toute discrimination basée sur la grossesse est explicitement interdite. Dautres pays définissent la discrimination sexuelle de façon à inclure la discrimination basée sur la grossesse ou labsence pour congé de maternité (la Finlande). Aux Etats-Unis, la protection est encore renforcée par le fait que la grossesse est traitée comme une maladie: dans les entreprises de plus de 15 salariés, toute discrimination est interdite envers les femmes enceintes, les accouchées et les femmes souffrant de maladies liées à leur état; les politiques ou pratiques adoptées à légard de la grossesse et de problèmes connexes doivent être appliquées dans les mêmes termes et dans les mêmes conditions que pour les autres maladies.
Dans plusieurs pays, la loi contient des dispositions qui illustrent des formes de discrimination basée sur la grossesse. Dans la Fédération de Russie, par exemple, un employeur ne peut refuser dembaucher une femme parce quelle est enceinte; si une femme enceinte nest pas embauchée, lemployeur doit préciser par écrit les raisons pour lesquelles il ne la pas recrutée. En France, il est illégal pour un employeur de prendre la grossesse en compte pour refuser demployer une femme, pour mettre fin à son contrat au cours dune période dessai ou pour lui imposer une mutation. Il est également illégal pour lemployeur de demander à une candidate si elle est enceinte, ou de chercher à le savoir. De la même manière, une femme nest pas obligée de dire quelle est enceinte lorsquelle postule pour un emploi ou lexerce, sauf lorsquelle demande à bénéficier de dispositions légales ou réglementaires relatives à la protection des femmes enceintes.
Une mutation imposée unilatéralement et arbitrairement à une femme enceinte constitue une discrimination. En Bolivie, comme dans dautres pays voisins, une femme est protégée contre une mutation non voulue au cours de sa grossesse et pendant lannée qui suit la naissance de son enfant.
Il peut savérer difficile de respecter à la fois le droit des femmes actives à la protection de leur santé au cours de la grossesse et leur droit à ne pas être victimes de discrimination. Au moment du recrutement, une candidate enceinte doit-elle révéler son état, en particulier si elle postule pour un emploi impliquant un travail interdit aux femmes enceintes? Dans un jugement de 1988, le Tribunal fédéral du travail dAllemagne a déclaré quune femme enceinte postulant pour un emploi impliquant uniquement un travail de nuit, que la législation allemande interdit aux femmes enceintes, doit informer son employeur potentiel de son état. Le jugement a été annulé par la Cour européenne de Justice comme contraire à la directive de la Communauté européenne de 1976 sur légalité de traitement. La Cour a estimé que la directive interdisait quun contrat soit tenu pour nul en raison de linterdiction statutaire du travail de nuit, ou que lemployeur refuse dy adhérer en raison dune erreur de sa part pour ce qui concerne une caractéristique personnelle essentielle de la femme au moment de la signature du contrat. Limpossibilité pour lemployée, en raison de sa grossesse, de faire le travail pour lequel elle a été embauchée était temporaire, puisque le contrat était à durée indéterminée. Il était par conséquent contraire à lobjectif de la directive de le tenir pour non valable ou nul en raison dune telle incapacité.
Beaucoup de femmes ont perdu leur emploi en raison de leur grossesse. De nos jours, même si létendue de la protection varie, la sécurité de lemploi est une composante significative des politiques de protection de la maternité.
Les normes internationales du travail de lOIT considèrent le problème de deux manières différentes. Les conventions no 3 (article 4) et no 103 (article 6) interdisent le licenciement au cours du congé de maternité et de toute prolongation de celui-ci, ou à un moment tel quun préavis de licenciement expirerait pendant le congé de maternité. Le licenciement pour des raisons qui pourraient être considérées comme légitimes nest pas permis au cours de cette période (BIT, 1965). Si une femme était licenciée avant de prendre son congé de maternité, le préavis devrait être suspendu pendant quelle est absente, et reprendre à son retour. La recommandation no 95 prévoit la protection de lemploi dune femme enceinte depuis la date à laquelle son employeur est informé de sa grossesse jusquau mois suivant son retour de congé de maternité. Les cas de faute grave de la part de la femme, la fermeture de lentreprise et lexpiration dun contrat à durée déterminée constituent toutefois des raisons légitimes de licenciement au cours de la période protégée. La convention (no 158) sur le licenciement, 1982 (article 5 d)-e)), ninterdit pas le licenciement, mais précise que la grossesse ou labsence pour congé de maternité ne constituent pas des raisons valables pour mettre fin à lemploi.
Au niveau de lUnion européenne, la directive de 1992 interdit le licenciement depuis le début de la grossesse jusquà la fin du congé de maternité, sauf dans des cas exceptionnels sans rapport avec létat de la salariée.
Le licenciement est habituellement régi par deux types de lois. Le licenciement avec préavis sapplique dans des cas comme la fermeture de lentreprise, le licenciement collectif et lorsque, pour différentes raisons, lemployé est incapable deffectuer le travail pour lequel il a été embauché ou si lemployeur nest pas satisfait de la façon dont le travail est accompli. Le licenciement sans préavis est utilisé pour mettre fin à lemploi dun travailleur coupable dune faute lourde ou de manquements graves, dont la législation donne en général une liste détaillée.
Lors de renvois avec préavis, des employeurs pourraient certes décider arbitrairement que la grossesse est incompatible avec les tâches de la salariée et la renvoyer en raison de sa grossesse. Ceux qui souhaitent échapper à leurs obligations envers les femmes enceintes, ou qui tout simplement naiment pas que des femmes enceintes fréquentent les lieux de travail, pourraient trouver un prétexte pour renvoyer les femmes pendant leur grossesse même si, au vu de lexistence des règles de non-discrimination, ils évitaient de les renvoyer sous prétexte de leur grossesse. Beaucoup de personnes saccordent à penser quil est légitime de protéger les travailleuses contre de telles décisions discriminatoires: linterdiction de renvoi avec préavis en raison dune grossesse et au cours de la grossesse, ou du congé de maternité, est souvent considérée comme une mesure déquité et elle est appliquée dans de nombreux pays.
La Commission dexperts de lOIT pour lapplication des conventions et des recommandations considère que la protection contre le renvoi nempêche pas un employeur de mettre fin à un contrat de travail sil a décelé une faute grave de la part dune salariée: lorsquil existe de telles raisons de renvoi, lemployeur doit prolonger la période légale de préavis de la durée nécessaire pour couvrir la période de protection prescrite par les conventions. Cest ce qui se passe en Belgique, par exemple, où un employeur ayant des raisons légales de renvoyer une femme ne peut pas le faire pendant son congé de maternité, mais peut fixer le préavis de façon à ce quil expire lorsque la femme rentrera de son congé.
La protection des femmes enceintes contre le licenciement en cas de fermeture de lentreprise, ou en cas de compression de personnel exigée par des raisons économiques, pose un problème similaire. Il est évidemment pesant pour une entreprise qui cesse son activité de continuer à payer le salaire dune personne qui ne travaille plus pour elle, même pendant une brève période. Toutefois, les perspectives dembauche sont souvent moins bonnes pour les femmes enceintes que pour les autres, ou pour les hommes, et les femmes enceintes ont particulièrement besoin de la sécurité morale et financière que constitue le fait de continuer à être employées. Lorsque les femmes ne risquent pas dêtre renvoyées pendant leur grossesse, elles peuvent attendre davoir accouché pour rechercher du travail. En fait, lorsque la législation prévoit lordre dans lequel différentes catégories de travailleurs doivent être licenciés ou renvoyés, les femmes enceintes sont parmi les personnes renvoyées en dernier, ou presque (Ethiopie).
Allant plus loin que la protection de la santé et de lemploi des femmes enceintes et qui allaitent, de nombreux pays prévoient un congé de paternité (un congé de courte durée au moment ou vers le moment de la naissance). Dautres formes de congés sont liées aux besoins des enfants. Parmi celles-ci figurent le congé pour adoption, ou un congé pour élever les enfants. De nombreux pays prévoient ce type de congé, mais les approches sont différentes. Certains donnent du temps libre à la mère denfants en bas âge (congé maternel optionnel), tandis que dautres donnent un congé supplémentaire aux deux parents (congé parental déducation). Lidée que les deux parents doivent être disponibles pour prendre soin des jeunes enfants est également reflétée dans les systèmes intégrés de congé parental, qui offrent une longue période de congé aux deux parents.
Au cours des dernières décennies, les modifications de la vie familiale ont eu des conséquences spectaculaires sur la relation entre le travail et la grossesse, parmi lesquelles on peut citer:
Limpact des absences liées à la grossesse et la perte ou la diminution de productivité, aussi bien que les soucis pour la santé et le bien-être des mères et de leurs nouveau-nés ont conduit les employeurs à anticiper davantage face au problème de la grossesse et du travail. Lorsque ce sont eux qui paient en totalité ou en partie les primes dassurance santé, la perspective déviter le coût parfois énorme de grossesses compliquées et de problèmes néonatals est une motivation importante. Certaines réponses sont dictées par les lois et les réglementations officielles, telles que la mise en garde contre les risques potentiels liés à lenvironnement et à la profession ou la prescription de congés de maternité et dautres avantages. Dautres sont volontaires, telles que léducation prénatale et les programmes de soins, les formules de travail aménagées, comme les horaires flexibles et autres adaptations du temps de travail, la garde des personnes à charge, etc.
Il est de la première importance, pour la femme enceinte comme pour son employeur (même si elle ne travaille plus pendant sa grossesse), quelle ait accès à un programme professionnel de gestion de la grossesse conçu pour identifier, reconnaître et minimiser les risques pour la mère et son ftus, qui lui permette de conserver son poste sans souci. A chacune des visites prénatales prévues, le médecin, ou la sage-femme, doit évaluer les renseignements médicaux (antécédents de grossesse et autres antécédents médicaux, plaintes actuelles, examen physique et de laboratoire), recueillir des informations sur son emploi et son environnement professionnel et donner des conseils.
Il est important que les professionnels de la santé ne se contentent pas de la simple description du poste de travail de leur patiente, souvent inexacte et trompeuse. Les informations concernant lemploi doivent comprendre des précisions sur lactivité physique, lexposition à des produits chimiques et à dautres produits ainsi que le stress émotionnel, que la femme peut fournir elle-même. Dans certains cas, la contribution dun chef de service, souvent relayée par le service de sécurité ou le service de médecine du travail (sil y en a un) est nécessaire pour obtenir un tableau plus complet des activités dangereuses ou fatigantes et éventuellement lutter contre leur risque de nuisance. Ce type de démarche peut également servir à vérifier les allégations de certaines patientes qui trompent délibérément ou par inadvertance leur médecin: elles peuvent exagérer les risques ou, si elles estiment nécessaire de continuer à travailler, les minimiser.
Les recommandations concernant le travail durant la grossesse sont classées en trois catégories:
La femme peut continuer à travailler sans modification ni de ses activités ni du milieu de travail. Cela est vrai dans la plupart des cas. Après de longues délibérations, le groupe de travail sur linaptitude liée à la grossesse, comprenant des professionnels de lobstétrique, des médecins du travail et des infirmières, ainsi que des représentants des femmes, réunis par le Collège américain des obstétriciens et des gynécologues (American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG)) et lInstitut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)), a conclu que «toute femme normale, dont la grossesse se déroule sans complications et qui travaille dans des conditions ne présentant pas plus de risques que ceux rencontrés dans la vie normale de tous les jours, peut continuer à travailler sans interruption jusquà laccouchement et reprendre le travail plusieurs semaines après un accouchement sans complications» (Isenman et Warshaw, 1977).
La femme peut continuer à travailler, mais seulement avec certaines modifications du milieu de travail ou de ses activités. Ces aménagements peuvent être soit «souhaitables», soit «essentiels» (dans le dernier cas, la femme doit cesser de travailler sils ne peuvent pas être mis en place).
La femme ne doit pas travailler. Lorsque le médecin, ou la sage-femme, juge que tout travail nuira probablement à la santé de la mère ou à celle du ftus.
Les recommandations doivent non seulement décrire en détail les aménagements du travail nécessaires, mais aussi préciser la durée pendant laquelle ils doivent être maintenus ainsi que la date de lexamen médical suivant.
Les recommandations présentées ci-dessus sont entièrement basées sur des considérations ayant trait à la santé de la mère et de son ftus en rapport avec les exigences de lemploi. Elles ne prennent pas en compte la charge de travail représentée par les activités non professionnelles, comme les trajets, les tâches ménagères et les soins aux autres enfants et membres de la famille; ces activités sont parfois plus exigeantes que celles du travail. Lorsquun aménagement des activités est nécessaire, on doit se demander sil doit sappliquer au travail, à la maison ou aux deux.
De plus, des recommandations pour ou contre la poursuite du travail peuvent constituer la base dune série de considérations non médicales, par exemple le droit à une allocation, un congé maladie payé ou non, ou la garantie de retrouver son travail. Un problème important est de savoir si la femme doit être considérée comme inapte. Certains employeurs considèrent catégoriquement toutes les travailleuses enceintes comme inaptes au travail et sefforcent de les exclure de leur personnel, même si beaucoup dentre elles peuvent fort bien continuer à travailler. Dautres employeurs considèrent que toutes les salariées enceintes ont tendance à exagérer la moindre inaptitude au travail afin dobtenir tous les avantages possibles. Certains mettent même en cause la notion selon laquelle une grossesse, quelle soit ou non invalidante, est un sujet qui les concerne. Ainsi, linaptitude au travail est un concept complexe qui, même sil est fondamentalement basé sur des résultats médicaux, implique des considérations légales et sociales.
Dans de nombreuses juridictions, il est important de faire la distinction entre, dune part, linaptitude au travail liée à la grossesse et, dautre part, la grossesse en tant que période de la vie nécessitant des avantages et des dispenses particulières. Linaptitude au travail en raison dune grossesse peut être classée en trois catégories:
Arriver à équilibrer les responsabilités familiales et une activité professionnelle nest pas un défi nouveau pour les femmes. Ce qui est nouveau, cest que la société moderne prenne en compte la santé et le bien-être des mères et de leurs enfants, tout en plaçant les femmes devant un double défi: saccomplir personnellement par le travail et faire face aux pressions économiques liées au maintien dun niveau de vie acceptable. Laugmentation du nombre de parents célibataires et de couples mariés dont les deux membres doivent travailler montre que le problème travail/famille ne doit pas être ignoré. Beaucoup de femmes qui ont un emploi et qui commencent une grossesse sont tout simplement obligées de continuer à travailler.
A qui incombe la responsabilité de répondre à ces besoins? Certains affirment quil sagit dun problème purement personnel qui doit être résolu entièrement par lindividu ou la famille. Dautres, considérant quil relève de la responsabilité de la société, estiment que celle-ci doit édicter des lois et apporter une aide financière ou autre.
Quelle charge doit peser sur lemployeur? La réponse dépend dans une large mesure de la nature, du lieu et souvent de la taille de lentreprise. Lemployeur est guidé par deux sortes de considérations: celles imposées par les lois et règlements (et parfois par la nécessité de répondre aux exigences des travailleurs syndiqués), et celles dictées par sa responsabilité sociale et la nécessité pratique de maintenir une productivité optimale. En dernière analyse, il sagit daccorder une grande valeur aux ressources humaines et de reconnaître linterdépendance entre les responsabilités professionnelles et les obligations familiales, dune part, et leurs effets parfois opposés sur la santé et la productivité, dautre part.