La connaissance du système nerveux en général et celle du cerveau et du comportement humain en particulier sont impérieusement nécessaires à tous ceux qui se consacrent à la réalisation dun milieu de travail exempt de risques daccident et datteinte à la santé. Les conditions de travail et dambiance qui ont une incidence directe sur les fonctions cérébrales influent aussi sur le psychisme comme sur le comportement. Pour quil soit possible de jauger les informations dont on dispose, de prendre des décisions et de réagir de façon cohérente et raisonnée à ce que lon perçoit du monde extérieur, il importe que le système nerveux fonctionne harmonieusement et que le comportement ne soit pas perturbé par des circonstances dangereuses des risques daccident, par exemple la chute possible dune échelle mal conçue ou encore par lexposition à des produits chimiques neurotoxiques en concentration dangereuse.
Latteinte du système nerveux peut provoquer des altérations des fonctions sensorielles (perte de la vision, de louïe, de lodorat), réduire la faculté de contrôler les mouvements et les fonctions corporelles, voire entamer la capacité du cerveau de traiter ou de stocker linformation. Laltération du fonctionnement du système nerveux risque en outre dentraîner des perturbations du comportement ou du psychisme. Bien souvent, une lésion physique ou organique du cerveau provoque des altérations de lhumeur et de la personnalité. Les progrès de la connaissance permettent de mieux comprendre les mécanismes du dysfonctionnement du système nerveux. Des substances neurotoxiques peuvent traverser la barrière naturelle du cerveau et perturber directement lexercice de ses fonctions complexes. Bien que certaines dentre elles aient une affinité tout à fait particulière pour certains secteurs du système nerveux, les effets de la plupart des substances neurotoxiques sont diffus, sattaquant aux processus cellulaires impliqués dans le transport membranaire, aux réactions chimiques intracellulaires, à la libération de substances sécrétoires, etc.
Latteinte de lun ou lautre des éléments constitutifs du système nerveux peut prendre des formes diverses; il peut sagir:
Le cheminement insidieux et protéiforme de nombre datteintes du système nerveux exige des spécialistes de la santé au travail quils adoptent des points de vue différents mais complémentaires, selon quil sagit de létude, de la compréhension perceptive ou du traitement de ces atteintes. Grâce à des moyens très sensibles de mesure du dysfonctionnement, il est possible, chez des groupes de travailleurs exposés durant leur activité, de déceler des altérations précoces. Si lon détecte un dysfonctionnement du système nerveux dès lapparition de ses premiers symptômes, il est possible dadopter des mesures préventives. Aux stades ultérieurs, une bonne maîtrise chimique simpose, de même que le recours au diagnostic différentiel pour un traitement et une prise en charge adaptés des travailleurs atteints.
Bien que les substances chimiques soient en général examinées séparément, il faut se souvenir que dans bien des lieux de travail, on utilise des mélanges de produits chimiques potentiellement neurotoxiques et que lon expose ainsi le personnel à ce que lon peut appeler un «cocktail» dangereux. Dans des opérations qui relèvent de limprimerie, de la peinture ou du nettoyage et qui sont conduites dans des locaux mal ventilés ou dans des laboratoires, voire lors de lapplication de pesticides, de travaux de microélectronique et dans maints autres secteurs, les travailleurs sont exposés à des mélanges de substances chimiques. Certes, on peut disposer dinformations sur chacun des composants de ces mélanges, mais il faut tenir compte de la nocivité composite et du cumul possible ou même de leur action synergique sur le système nerveux. Dans certains cas dexposition multiple, chacun des composants chimiques peut être présent en quantité infinitésimale, même inférieure au seuil de détection auquel se réfèrent les techniques dévaluation de lexposition, mais la concentration du mélange considéré dans sa totalité peut être très élevée.
Le lecteur doit être averti des trois difficultés majeures inhérentes à lexamen des faits qui touchent au système nerveux et qui entrent dans le cadre de la présente Encyclopédie.
En premier lieu, la connaissance des maladies professionnelles qui affectent le système nerveux et le comportement humain a considérablement évolué à mesure que de nouvelles approches de la conception du rapport entre le cerveau et le comportement se sont succédé. A lintérêt majeur qua suscité la caractérisation des altérations morphologiques manifestes que produit un traumatisme mécanique infligé au système nerveux en particulier, mais non pas exclusivement, au cerveau a succédé un intérêt pour labsorption par le système nerveux dagents neurotoxiques, puis pour létude des mécanismes intracellulaires de la pathologie du système nerveux; enfin, la recherche concernant le fondement moléculaire de ces processus pathologiques a commencé à progresser. Aujourdhui, ces approches coexistent et contribuent ensemble à la collecte dinformations permettant dévaluer les conditions de travail qui affectent le cerveau, le psychisme et le comportement.
En second lieu, les informations quont recueillies les chercheurs en neurologie sont proprement stupéfiantes. La troisième édition de louvrage intitulé Principles of Neural Sciences quont rédigé Kandel, Schwartz et Kessel, paru en 1991 lune des études les plus remarquables en ce domaine pèse 3,5 kg et compte plus de 1 000 pages.
En troisième lieu, il est extrêmement difficile de faire le point des connaissances quant à lorganisation fonctionnelle du système nerveux à laquelle il est fait référence dans tous les secteurs de la sécurité et de la santé au travail. Il y a encore vingt-cinq ans, il pouvait arriver que les théories sur lesquelles sappuyaient les spécialistes de la détection, de la surveillance, de la prévention et du traitement clinique dun travailleur qui avait absorbé un agent neurotoxique ne concordent pas avec les théories applicables, chez les travailleurs, aux traumatismes du cerveau, ainsi quaux manifestations comportementales dune atteinte cérébrale de faible intensité. Les altérations du comportement que lon imputait à lobstruction de certaines voies spécifiques du cerveau quempruntaient les substances chimiques relevaient de la compétence du seul neurotoxicologue. Quil sagisse de latteinte structurelle du tissu dans certaines zones particulières du cerveau ou des structures nerveuses plus éloignées mais reliées à la zone atteinte, cétait là des explications invoquées par les neurologues. Ce nest que depuis quelques années que ces vues antagonistes ont commencé à converger.
Cela dit, le présent chapitre traite de questions qui sont de nature à faciliter la compréhension du système nerveux et de linfluence que les conditions qui règnent dans le milieu de travail exercent sur le fonctionnement de ce système.
Linfluence du système nerveux sur le bien-être de lorganisme étant déterminante, nombre de risques dépourvus de tout caractère chimique peuvent de la même manière retentir sur son fonctionnement normal. Plusieurs chapitres de lEncyclopédie consacrés aux différents risques traitent de ces questions: les lésions traumatiques de la tête, dans le chapitre no 14 («Les premiers secours et les services médicaux durgence»); les effets causés par le travail à la chaleur, dans le chapitre no 42 («La chaleur et le froid»); les accidents de décompression, dans le chapitre no 36 («Laugmentation de la pression barométrique»); les vibrations transmises au système main-bras et les mouvements répétitifs, qui sont des facteurs de risques observés dans les neuropathies périphériques, sont abordés respectivement dans les chapitres nos 50 («Les vibrations») et 6 («Le système musculo-squelettique»).
Le présent chapitre sachève par un panorama de questions spécifiques auquel succède un exposé des perspectives davenir qui souvrent à la recherche.
Les cellules nerveuses sont les unités fonctionnelles du système nerveux, qui compterait quelque dix milliards de ces cellules, appelées neurones ou cellules gliales, ces dernières étant présentes en plus grand nombre que les neurones.
La figure 7.1 est une représentation graphique idéalisée du neurone avec les trois principaux éléments structurels qui le composent, à savoir le corps de la cellule, les dendrites et laxone dextrémité.
Les dendrites sont des prolongements finement ramifiés qui apparaissent à proximité du corps cellulaire du neurone. Ils reçoivent des influx excitateurs ou inhibiteurs émis par des médiateurs chimiques dénommés neurotransmetteurs. Le cytoplasme est la matière du corps cellulaire qui renferme les organites y compris le noyau cellulaire et dautres inclusions (voir figure 7.2). Le noyau contient la chromatine de la cellule, qui en est le matériel génétique.
Par comparaison au noyau dautres cellules vivantes, celui de la cellule nerveuse est atypique en ce que, en dépit du fait quil renferme le matériel génétique, à savoir lacide désoxyribonucléique (ADN), ce dernier nintervient pas dans le processus de division cellulaire; autrement dit, arrivées à maturité, les cellules nerveuses ne se divisent pas (les neurones de la muqueuse du nez épithélium nasal font exception à cette règle). Le noyau est riche en acide ribonucléique (ARN) nécessaire à la synthèse des protéines. Trois variétés de protéines ont été identifiées: les protéines cytosoliques qui constituent les éléments fibrillaires de la cellule nerveuse, les protéines mitochondriales qui sécrètent lénergie aux fins de lactivité cellulaire et les protéines qui entrent dans la composition des membranes et des produits de sécrétion. On considère aujourdhui que les neurones sont des cellules sécrétoires modifiées. Le processus souvre sur la formation de granules sécrétoires qui sont stockés dans des vésicules synaptiques pour être par la suite libérés en tant que substances neurotransmettrices porteuses des messages chimiques échangés entre les cellules nerveuses.
Les éléments fibrillaires ou neurofibrilles qui constituent le squelette du neurone participent à sa fonction trophique, agissant comme des vecteurs de transmission. Le transfert peut être antérograde (allant du corps cellulaire à lextrémité de laxone) et rétrograde (de lextrémité de laxone au corps cellulaire). On distingue trois formes déléments fibrillaires, soit de la plus épaisse à la plus mince: les microtubules, les neurofilaments et les microfilaments.
Contrairement aux neurones, les cellules gliales ne sont pas, par elles-mêmes, porteuses de messages électriques. Il existe deux variétés de ces cellules: les macroglies et les microglies. Le terme macroglie sapplique à trois catégories de cellules au moins: les astrocytes, les oligodendrocytes et les cellules épendymales. Les microglies agissent avant tout comme des phagocytes qui éliminent les déchets à la suite dune atteinte neurale ou dune infection.
Les cellules gliales possèdent aussi des caractéristiques microscopiques et ultramicroscopiques particulières. Elles constituent le tissu de soutien physique des neurones, mais on commence à comprendre un certain nombre de leurs propriétés physiologiques. Les cellules gliales fournissent aux neurones des apports nutritifs, ce qui constitue lune des principales interactions entre neurones et cellules gliales. En outre, les glies éliminent les fragments de neurones morts et, ce qui importe plus encore, contribuent au processus de transmission chimique de linformation. Contrairement aux neurones, elles peuvent se diviser et, partant, se reproduire. Les tumeurs du système nerveux, par exemple, résultent dune reproduction anormale des glies.
Ce que lobservation macroscopique du tissu nerveux fait apparaître comme une «substance grise» et une «substance blanche» relève de lexamen microscopique et biochimique. Au microscope, la substance grise se compose des corps cellulaires qui sapparentent aux neurones, tandis que la substance blanche est le lieu où se trouvent les fibres neurales ou axones. La «blancheur» est imputable à une gaine composée dune substance lipidique dénommée myéline qui recouvre les fibres. La myéline des nerfs périphériques provient de la membrane de la cellule de Schwann qui senroule autour de laxone. Dans le système nerveux central, la myéline des fibres est fournie par les membranes des oligodendrocytes, qui sont une variété de glies. En général, les oligodendrocytes «myélinisent» plusieurs axones, alors que la cellule de Schwann nest associée quà un seul axone. Une discontinuité de la gaine de myéline que lon appelle les nodes de Ranvier existe entre les cellules de Schwann continues ou les oligodendrocytes. On admet que dans litinéraire moteur central le plus long, ce ne sont pas moins de 2 000 cellules de Schwann qui composent la couverture de myéline. De par sa fonction, qui est de favoriser la propagation du potentiel daction, la myéline est peut-être une cible spécifique des agents neurotoxiques. Une classification morphologique des substances neurotoxiques désigne sous le nom de myélinopathies les altérations neuropathologiques caractéristiques provoquées par la myéline.
Au nombre des fonctions normales du neurone figurent la synthèse des protéines, le transfert des axones, la production et la conduite du potentiel daction, la transmission synaptique, ainsi que la formation et lentretien de la myéline. Certaines des fonctions trophiques élémentaires du neurone ont été décrites au XIXe siècle déjà par le fractionnement des axones (axotomie). Au nombre des processus découverts, lun des plus importants a été la dégénérescence wallérienne du nom de Waller, le physiologiste anglais qui, le premier, la décrite.
La dégénérescence wallérienne fournit une excellente occasion de se représenter les altérations bien connues des organites que provoquent les atteintes traumatiques ou toxiques. Par parenthèse, les termes dont on use pour désigner la dégénérescence wallérienne que produit laxotomie traumatique sont les mêmes que ceux qui sappliquent aux altérations imputables à des agents neurotoxiques. Sur le plan cellulaire, les altérations neuropathologiques résultant dune atteinte toxique du tissu neural sont manifestement plus complexes que les altérations produites par un traumatisme. Ce nest que récemment que lon a pu observer les altérations des neurones soumis à laction dagents neurotoxiques.
Vingt-quatre heures après que lon a sectionné laxone, la conséquence la plus perceptible est un gonflement de lune et lautre face du traumatisme mécanique. Ce phénomène sexplique par laccumulation de fluides et déléments membraneux de chaque côté du site de la lésion. Ces altérations ne diffèrent pas de celles que lon observe sur une route à deux voies inondée par la pluie et où des véhicules se trouvent immobilisés de chaque côté de la zone inondée. Dans cette comparaison, les véhicules immobilisés représentent le gonflement. La régénération des axones myélinisés cest-à-dire enduits de myéline se produit au bout de quelques jours. Des ramifications poussent à partir du tronçon proximal, à raison de 1 à 3 mm par jour. Si les conditions sont favorables, elles atteignent le tronçon distal (le plus éloigné du corps cellulaire). Lorsque la reconstitution nerveuse est achevée cest-à-dire lorsque la jonction des deux tronçons sest accomplie les caractéristiques fondamentales dune transmission normale se trouvent rétablies. Le corps cellulaire du neurone lésé subit de profonds changements de structure qui affectent la synthèse protéique et la transmission axonale.
Si lon tient la neurobiologie moléculaire pour une discipline toute jeune, la neurobiologie des processus neurotoxiques est encore plus jeune; elle est, pour tout dire, dans sa prime enfance. Il est vrai que le fondement moléculaire de laction de maints neurotoxiques et agents pharmacologiques est aujourdhui bien compris. Toutefois, à quelques exceptions près et non des moindres (par exemple le plomb, le méthylmercure, lacrylamide), le fondement moléculaire de la toxicité de la grande majorité des agents environnementaux et neurotoxiques reste inconnu. Cest la raison pour laquelle, plutôt que de décrire la neurobiologie moléculaire dune catégorie particulière dagents neurotoxiques présents sur les lieux de travail et dans lenvironnement, nous ne pouvons que nous référer aux stratégies et aux exemples comparativement nombreux puisés dans la neuropharmacologie classique et dans la préparation des médicaments modernes.
Un neurotransmetteur est une substance qui, lorsquelle est libérée des terminaisons des axones par lintervention du potentiel daction, modifie momentanément lénergie électrique lorsquune autre fibre nerveuse se trouve stimulée. Les neurotransmetteurs stimulent ou, au contraire, inhibent les neurones voisins ou des organes effecteurs tels que les muscles ou les glandes. Les neurotransmetteurs connus font actuellement lobjet détudes approfondies et lon en découvre sans cesse de nouveaux. On comprend aujourdhui que certains troubles neurologiques ou psychiatriques sont causés par des modifications chimiques dans la neurotransmission par exemple, la myasthénie grave, la maladie de Parkinson, certaines formes de troubles affectifs, tels que la dépression, la dissociation prononcée des fonctions psychiques, comme la schizophrénie, et la maladie dAlzheimer. Bien que dexcellents articles aient été publiés isolément sur leffet que plusieurs agents neurotoxiques, présents dans lenvironnement et sur les lieux de travail, produisent sur la neurotransmission, les connaissances acquises sont ténues comparées à ce que lon sait des maladies neuropsychiatriques. Il est indispensable de comprendre en quoi les médicaments affectent la neurotransmission afin den étudier les propriétés pharmacologiques. La préparation des médicaments et la recherche sur la neurotransmission sont donc intimement liées. Feldman et Quenzer (1984) ont fait le point de lévolution des conceptions quant à laction des médicaments.
Les effets des agents neurotoxiques sur la neurotransmission se caractérisent par le secteur du système nerveux où ils sexercent, par leurs récepteurs chimiques, par leur durée et par leurs modalités: ils peuvent favoriser, bloquer ou inhiber la neurotransmission; les agents neurotoxiques peuvent ou non modifier la terminaison nerveuse et les neurotransmetteurs peuvent ou non cesser dexercer leur action pharmacologique.
Lune des difficultés auxquelles se heurtent les neuroscientifiques tient au fait quils doivent établir un lien entre les mécanismes connus qui agissent sur le neurone à léchelle moléculaire et des faits qui surviennent au niveau cellulaire et qui, dès lors, peuvent expliquer le mécanisme des modifications neuropsychologiques normales et aussi pathologiques qui se produisent, ainsi que lexposait la remarque ci-après quaujourdhui encore lon ne saurait sérieusement contester: «Donner une explication de laction dun médicament est possible souvent sur le plan moléculaire, parfois sur le plan cellulaire, mais pour ce qui est du plan du comportement, notre ignorance est abyssale» (Cooper, Bloom et Roth, 1986).
Pour comprendre les manifestations neuropsychologiques marquantes des maladies dorigine neurotoxique, la raison dêtre du recours à des techniques appropriées pour évaluer les fonctions du système nerveux et les mécanismes pharmacologiques de laction neurotoxique, il est indispensable de bien connaître les composantes du système nerveux. Dun point de vue fonctionnel, il est possible de subdiviser le système nerveux en deux grands compartiments: le système nerveux somatique, qui transmet linformation sensorielle (toucher, température, douleur et position des membres même lorsque le sujet garde les yeux fermés) à partir des segments corporels et comporte les voies neurales qui innervent et commandent les mouvements des muscles du squelette, par exemple ceux des bras et des doigts, des jambes et des orteils; et le système nerveux viscéral, qui commande les organes internes, lesquels normalement ne se trouvent pas sous linfluence des vaisseaux sanguins, et commande aussi la mydriase et la myosis (dilatation et constriction des pupilles de lil, etc.).
Dun point de vue anatomique, il faut considérer quatre grandes composantes qui sont le système nerveux central, le système nerveux périphérique, qui comprend les nerfs crâniens, le système nerveux autonome et le système neuroendocrinien.
Ce système comprend le cerveau et la moelle épinière (voir figure 7.3). Le cerveau, logé dans la boîte crânienne, est protégé par les méninges. Il se divise en trois parties principales qui sont, dans lordre ascendant, cest-à-dire à partir de la région caudale jusquà la région cervicale du système nerveux, le cerveau postérieur ou rhombencéphale, le cerveau médian ou mésencéphale et le cerveau antérieur ou prosencéphale.
Les trois parties principales du cerveau postérieur sont le bulbe rachidien ou moelle oblongue, le pont de Varole et le cervelet (voir figure 7.4).
Le bulbe rachidien comprend les structures nerveuses qui commandent le rythme cardiaque et la respiration. Il arrive que ces structures soient la cible dagents neurotoxiques et de préparations pharmaceutiques pouvant entraîner la mort. Situé entre le bulbe rachidien et le mésencéphale, le pont de Varole est constitué de fibres très nombreuses qui en traversent la face antérieure en direction des hémisphères du cervelet et se caractérise par sa surface striée. Il reçoit des informations sensorielles et émet des messages moteurs indispensables à la coordination motrice. Entre autres fonctions, il assure lexécution de mouvements précis. Cette programmation exige une parfaite synchronisation des informations sensorielles et des réponses motrices. Le cervelet est souvent la cible dagents neurotoxiques nombreux par exemple les boissons alcoolisées, divers solvants industriels, le plomb qui altèrent les réponses motrices.
Le mésencéphale est une partie étroite du cerveau qui relie le cerveau postérieur au cerveau antérieur. Ses structures sont laqueduc de Sylvius ou aqueduc du cerveau, le toit, les pédoncules cérébraux, la substance grise et le noyau rouge. Laqueduc de Sylvius est un chenal qui unit le troisième ventricule au quatrième et qui consiste en cavités cérébrales dont le contenu est liquide; cest par cet orifice que sécoule le liquide cérébrospinal.
Cette portion du cerveau se subdivise en diencéphale ou cerveau intermédiaire et cerebrum. Le diencéphale comprend deux parties principales qui sont le thalamus et lhypothalamus. «Thalamus» signifie «chambre interne». Les thalamus sont constitués de groupes de neurones appelés noyaux qui exercent cinq fonctions principales:
Situé sous le thalamus comme son nom lindique, lhypothalamus constitue la base du troisième ventricule cérébral, point de référence important pour la représentation du cerveau. Structure neurale complexe et minuscule, lhypothalamus commande maintes manifestations du comportement telles que les pulsions biologiques fondamentales, la motivation et lémotion. Il est le lien entre le système nerveux et le système neuroendocrinien sur lequel nous reviendrons plus loin. Lhypophyse (ou glande pituitaire) est reliée par des neurones aux noyaux de lhypothalamus. Les cellules nerveuses de celui-ci assument, comme on le sait, de nombreuses fonctions neurosécrétoires. Lhypothalamus est en liaison avec nombre dautres régions majeures du cerveau, notamment le rhinencéphale cortex primitif du cerveau jadis associé à la fonction olfactive et le système limbique, qui comprend lhippocampe.
Le cortex est la partie la plus étendue du cerveau qui comprend deux hémisphères reliés par une masse de substance blanche appelée corps calleux. Le cortex cérébral constitue la couche superficielle de chaque hémisphère. Les profondes scissures du cortex la scissure centrale (scissure de Rolando) et les scissures latérales servent de référence pour délimiter les zones anatomiques du cerveau. Le lobe frontal est situé en avant de la scissure centrale. Le lobe pariétal commence derrière cette scissure et sétend jusquau lobe occipital qui occupe la partie postérieure du cerveau. Le lobe temporal commence loin à lintérieur du pli de la scissure latérale jusquà atteindre la face ventrale des hémisphères cérébraux. Le cerveau compte encore deux éléments importants qui sont les noyaux striés et le système limbique.
Agglomérations de cellules nerveuses logées dans la région centrale du cerveau, les noyaux striés contiennent les principaux centres du système moteur extrapyramidal (le système pyramidal, quant à lui, intervient dans la motricité volontaire). Maints agents neurotoxiques (le manganèse, par exemple) affectent sélectivement le système extrapyramidal. Dimportantes découvertes quant au rôle que jouent ces noyaux dans plusieurs maladies qui se caractérisent par la dégénérescence nerveuse (maladie de Parkinson, chorée de Huntington, par exemple) ont été faites durant les deux décennies écoulées.
Le système limbique se compose de structures nerveuses qui se ramifient dans plusieurs directions, établissant des connexions avec de nombreuses régions archaïques du cerveau, en particulier avec lhypothalamus. Il participe à la commande de lexpression émotionnelle. Il semble que lhippocampe soit une structure où la mémoire intervient sous des formes multiples.
La moelle épinière est une structure blanchâtre contenue dans le canal rachidien. Elle se divise en quatre tronçons: cervical, thoracique, lombaire et sacro-coccygien. Les deux éléments les plus aisément reconnaissables en sont la substance grise, qui recèle les corps cellulaires des neurones, et la substance blanche, qui contient les axones myélinisés des neurones. La région ventrale de la substance grise de la moelle épinière est riche en cellules nerveuses qui régulent la fonction motrice; la région médiane de la portion thoracique de la moelle épinière est le siège de fonctions autonomes. La portion dorsale reçoit des informations sensorielles des nerfs rachidiens.
Ce système se compose des neurones qui se situent en dehors du système nerveux central. Le terme périphérique rend compte de la répartition anatomique du système, mais, du point de vue fonctionnel, il est artificiel. Les corps cellulaires des fibres motrices périphériques, par exemple, se trouvent inclus dans le système nerveux central. En neurotoxicologie expérimentale, clinique ou épidémiologique, lexpression système nerveux périphérique (SNP) se rapporte à un système dune vulnérabilité sélective à latteinte des agents toxiques et capable de se régénérer.
Les racines ventrales et dorsales livrent passage aux nerfs périphériques qui pénètrent dans la moelle épinière sur toute sa longueur et en ressortent. Les vertèbres adjacentes sont percées dorifices qui permettent aux fibres des racines qui constituent les nerfs rachidiens de sortir du canal du rachis. On compte 31 paires de nerfs rachidiens, qui tiennent leur nom de la fraction de la colonne vertébrale à laquelle ils sont associés, soit 8 paires cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 1 coccygienne. Un métamère est un segment de lorganisme innervé par un nerf rachidien (voir figure 7.5).
De lexamen minutieux des fonctions motrices et sensorielles des métamères, le neurologue peut inférer le lieu où se situent les lésions.
Le terme générique de tronc cérébral recouvre la région du système nerveux qui comprend le bulbe rachidien ou moelle oblongue, le pont de Varole et le mésencéphale. Le tronc cérébral prolonge le cordon médullaire vers le haut et en avant (dans la région ventrale). Cest dans cette zone que les nerfs crâniens pénètrent et ressortent. Il existe 12 paires de nerfs crâniens. Le tableau 7.1 indique la dénomination et la principale fonction de chacune de ces paires et la figure 7.6 précise les points darrivée et de sortie dans le cerveau de certains nerfs crâniens.
Nerf |
Conduction des influx |
Fonctions |
|
I. |
Olfactif |
Du nez au cerveau |
Odorat |
II. |
Optique |
De l’il au cerveau |
Vision |
III. |
Moteur oculaire commun |
Du cerveau aux muscles oculaires |
Mouvements de l’il |
IV. |
Pathétique |
Du cerveau aux muscles externes de l’il |
Mouvements de l’il |
V. |
Trijumeau |
De la peau et des muqueuses de la tête et des dents au cerveau; également du cerveau aux muscles masticateurs |
Sensibilité de la face, du cuir chevelu et des dents; mouvements de mastication |
VI. |
Moteur oculaire externe |
Du cerveau aux muscles externes de l’il |
Rotation externe de l’il |
VII. |
Facial |
Des papilles gustatives de la langue au cerveau; du cerveau aux muscles de la face |
Goût; contraction des muscles de l’expression faciale |
VIII. |
Auditif |
De l’oreille au cerveau |
Audition; sens de l’équilibre |
IX. |
Glosso-pharyngien |
Du pharynx et des papilles gustatives de la langue au cerveau; également du cerveau aux muscles du pharynx et aux glandes salivaires |
Sensibilité du pharynx, goût, mouvements de déglutition, sécrétion de salive |
X. |
Pneumogastrique |
Du pharynx, du larynx et des organes des cavités thoracique et abdominale au cerveau; également du cerveau aux muscles du pharynx et aux organes des cavités thoracique et abdominale |
Sensibilité du pharynx, du larynx et des organes des cavités thoracique et abdominale; déglutition, voix, ralentissement du rythme cardiaque, accélération du péristaltisme |
XI. |
Spinal |
Du cerveau à certains muscles de l’épaule et de la nuque |
Mouvements de l’épaule; rotations de la tête |
XII. |
Hypoglosse |
Du cerveau aux muscles de la langue |
Mouvements de la langue |
Sous cette appellation, on désigne la partie du système nerveux qui commande lactivité des composantes viscérales de lorganisme humain. Il est dit «autonome» parce quil remplit ses fonctions automatiquement, ce qui sous-entend que lon ne peut aisément le commander à volonté. Du point de vue anatomique, le système autonome compte deux composantes principales: le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Les nerfs sympathiques qui commandent lactivité viscérale proviennent des parties thoraciques et lombaires du cordon médullaire, tandis que les nerfs parasympathiques émanent du tronc cérébral et du tronçon sacré du cordon médullaire.
Du point de vue physiologique, il nest pas possible de recourir à une appellation générique simple qui sapplique à la façon dont les systèmes nerveux sympathique et parasympathique commandent différents organes du corps. Le plus souvent, les viscères sont innervés par lun et lautre systèmes, leffet de lun étant opposé à celui de lautre dans un régime de contrôles et déquilibrages. Cest ainsi que le cur se trouve innervé par des nerfs sympathiques dont lexcitation produit une accélération du rythme, et par des nerfs parasympathiques dont lexcitation ralentit le rythme. Chacun des systèmes peut stimuler ou inhiber les organes quil innerve. Dans dautres cas, les organes sont commandés de façon prédominante ou exclusivement par lun ou lautre système. Lune des fonctions vitales du système nerveux autonome est dassurer le maintien de lhoméostasie (stabilité de léquilibre) et ladaptation de lorganisme à lenvironnement, lhoméostasie étant létat déquilibre des fonctions du corps obtenu par des moyens actifs; la régulation de la température du corps, celle de la teneur en eau et celle de la teneur en électrolytes sont autant de processus homéostatiques.
Du point de vue pharmacologique, il nexiste pas un seul neurotransmetteur qui soit associé aux fonctions sympathiques ou parasympathiques, comme on la cru dans le passé. Il a fallu abandonner lancienne conception selon laquelle lacétylcholine était le transmetteur prédominant du système autonome, lorsquon a découvert des catégories nouvelles de neurotransmetteurs et de neuromodulateurs (par exemple la dopamine, la sérotonine, les purines et divers neuropeptides).
Les neurologues ont réhabilité récemment le point de vue comportemental du système nerveux autonome. Ce système entre en jeu dans la réaction instinctive du choix entre lutter et fuir, à laquelle, encore aujourdhui, les humains sont confrontés et qui fonde toujours, pour une très large part, les réactions physiologiques quengendre le stress. Des interactions entre système nerveux et fonctions immunologiques sont possibles par lintermédiaire du système nerveux autonome. Les émotions issues de ce système peuvent sexprimer par le canal des muscles squelettiques.
A lexception du cur, les muscles des viscères sont des muscles lisses. Quant au cur, ses muscles présentent les caractéristiques tant des muscles squelettiques que des muscles lisses. Comme les muscles squelettiques, les muscles lisses contiennent les deux protéines que sont lactine et, en moindre proportion, la myosine. Contrairement aux muscles squelettiques, ils ne présentent pas lorganisation régulière des sarcolemmes, unités contractiles de la fibre musculaire. Le cur est unique en ce que même après avoir été séparé de ses innervations, il est capable de développer une activité myogène et peut se contracter et se relâcher par lui-même pendant plusieurs heures.
Le couplage neuromusculaire dans les muscles lisses diffère de celui qui sopère dans les muscles squelettiques. Dans ces derniers, la jonction neuromusculaire est le lien entre le nerf et les fibres musculaires. Dans les muscles lisses, il ny a pas de jonction neuromusculaire: les terminaisons nerveuses pénètrent dans le muscle et se ramifient dans tous les sens. Les phénomènes électriques à lintérieur du muscle lisse sont, par conséquent, beaucoup plus lents que dans les muscles squelettiques. Enfin, le muscle lisse présente, caractéristique unique, des contractions spontanées, comparables à celles de lintestin. Pour une large part, le système nerveux autonome règle lactivité spontanée du muscle lisse.
La régulation de lactivité des muscles lisses, du cur, des ganglions de lappareil digestif, des glandes sudoripares, des surrénales et dautres glandes endocrines constitue le rôle essentiel du système nerveux autonome. Ce système possède un élément central lhypothalamus, situé à la base du cerveau où se trouvent intégrées maintes fonctions neurovégétatives. Détail capital, les composants centraux du système nerveux autonome interviennent directement dans la régulation des activités biologiques (régulation de la température, sensation de faim et de soif, pulsion sexuelle, miction, défécation, etc.), de la motivation, des émotions et, pour une large part, dans les fonctions psychologiques telles que lhumeur, laffectivité et les sentiments.
Les glandes sont les organes du système endocrinien. On les qualifie dendocrines parce que leurs messages chimiques sont transmis à lintérieur de lorganisme, directement dans la circulation sanguine (au contraire des glandes exocrines telles que les glandes sudoripares, dont les sécrétions apparaissent à la surface externe du corps). Le système endocrinien exerce une surveillance lente, mais prolongée, des organes et des tissus par lintermédiaire de messagers chimiques, les hormones, qui sont les principaux organes régulateurs du métabolisme corporel. Toutefois, en raison des liens intimes qui unissent les systèmes nerveux central, périphérique et autonome, le système neuroendocrinien expression qui englobe ces liens complexes est aujourdhui conçu comme un puissant modificateur de la structure et du fonctionnement de lorganisme humain et de son comportement.
Les hormones ont été définies comme étant des messages chimiques libérés par des cellules dans le courant sanguin pour y exercer leur action sur des cellules cibles situées à une certaine distance. Récemment encore, on faisait une distinction entre hormones et neurotransmetteurs. Ces derniers sont des messagers chimiques libérés des neurones et déposés sur une synapse entre les terminaisons nerveuses et un autre neurone ou un effecteur (muscle ou glande). Toutefois, depuis que lon a découvert que des neurotransmetteurs classiques comme la dopamine peuvent aussi se comporter comme des hormones, la différence entre neurotransmetteurs et hormones est aujourdhui de moins en moins claire. Ainsi donc, si lon sen tient à des considérations uniquement anatomiques, les hormones dérivées des cellules nerveuses peuvent être dénommées neurohormones. Dun point de vue fonctionnel, on peut concevoir le système nerveux comme un système véritablement neurosécréteur.
Lhypothalamus commande les fonctions endocrines grâce à un lien avec lhypophyse (ou glande pituitaire), minuscule glande située à la base du cerveau. Jusquau milieu des années cinquante, les glandes endocrines passaient pour constituer un système distinct commandé par lhypophyse, souvent dénommée «glande maîtresse». A cette époque, on avançait une hypothèse neurovasculaire selon laquelle le rôle fonctionnel des facteurs hypothalamo-hypophysaires consistait dans la commande de la fonction endocrinienne. Dans cette optique, lhypothalamus endocrinien fournit la dernière voie neuroendocrinienne commune dans la commande du système endocrinien. Il est aujourdhui fermement établi que le système endocrinien est lui-même réglé par le système nerveux central et aussi par les apports endocriniens. Cest dire que le terme neuroendocrinologie convient aujourdhui pour désigner la discipline qui étudie les rôles intégrés réciproques du système nerveux et du système endocrinien dans la commande des processus physiologiques.
Les connaissances en matière de neuroendocrinologie allant progressant, les divisions des premiers jours sestompent. Lhypothalamus qui se situe au-dessus de lhypophyse et qui lui est relié est le trait dunion entre le système nerveux et le système endocrinien et nombre de ses cellules nerveuses sacquittent de fonctions de sécrétion. Il est également rattaché à dautres régions majeures du cerveau, notamment au rhinencéphale cortex primitif, originellement associé à lolfaction et au système limbique, lui-même associé aux émotions. Cest dans lhypothalamus que sont produites les hormones libérées par la posthypophyse. Cest aussi lhypothalamus qui produit les substances appelées hormones libératrices et hormones inhibitrices. Celles-ci agissent sur ladénohypophyse, lincitant à stimuler ou à inhiber la production dhormones antéhypophysaires qui agissent sur des glandes situées en dautres points de lorganisme (thyroïde, cortex surrénal, ovaires, testicules, et dautres encore).
Par neurotoxicité, on entend la capacité dinduire des effets néfastes dans le système nerveux central, les nerfs périphériques ou les organes sensoriels. Un agent chimique est tenu pour neurotoxique sil est capable dinduire un état persistant de dysfonction nerveuse ou une altération de la structure chimique ou physique du système nerveux.
La neurotoxicité se manifeste en général par des symptômes et des effets persistants qui dépendent de la nature de lagent chimique, de la dose absorbée, de la durée dexposition et des particularités du sujet exposé. Selon la représentation qui en est donnée au tableau 7.2, la gravité des effets constatés, de même que les signes de neurotoxicité augmentent, passant du niveau 1 au niveau 6. Lexposition à un agent chimique neurotoxique de courte durée ou à dose faible peut donner lieu à des symptômes subjectifs tels que céphalées et vertiges, mais leffet est le plus souvent réversible. Si la dose saccroît, des altérations neurologiques peuvent apparaître et, finalement, des altérations irréversibles se produisent. Le degré danomalie qui doit être atteint pour quil soit possible dinvoquer la neurotoxicité dun agent chimique est sujet à controverse. Si lon sen tient à la définition, on admet lexistence dun état persistant de dysfonction nerveuse ou dune altération de la chimie ou de la structure du système nerveux si une observation sérieusement documentée permet dinvoquer des effets persistants de niveau 3, 4, 5 ou 6 dans le tableau 7.2, qui se réfèrent au degré de fiabilité des divers signes de neurotoxicité observés. Parmi les substances neurotoxiques, on peut citer des éléments naturels, tels que le plomb, le mercure et le manganèse; des composés biologiques, comme la tétrodotoxine (libérée par le poisson-globe très apprécié des Japonais) et lacide domoïque (provenant de moules contaminées); des composés de synthèse, notamment de nombreux pesticides, solvants industriels et monomères.
Niveau |
Groupement |
Explication/exemples |
6 |
Altérations morphologiques |
Les altérations morphologiques comprennent la mort de la cellule et l’axonopathie, de même que des altérations morphologiques subcellulaires. |
5 |
Altérations neurologiques |
Les altérations neurologiques regroupent les anomalies constatées sur certains sujets lors d’examens neurologiques. |
4 |
Altérations physiologiques/ comportementales |
Les altérations physiologiques/comportementales comprennent les constatations expérimentales sur des collectivités animales ou humaines, par exemple des altérations des potentiels évoqués et de l’EEG ou des altérations révélées par les tests psychologiques et comportementaux. |
3 |
Altérations biochimiques |
Les altérations biochimiques comprennent les modifications des paramètres biochimiques pertinents (par exemple, niveau du transmetteur, teneur en protéine GFA («glial fibrillary acidic protein») ou activités enzymatiques). |
21 |
Symptômes subjectifs irréversibles |
Symptômes subjectifs. Aucune anomalie constatée à l’examen neurologique ou psychologique, ni à aucun autre examen médical. |
11 |
Symptômes subjectifs réversibles |
Symptômes subjectifs. Aucune anomalie constatée à l’examen neurologique ou psychologique, ni à aucun autre examen médical. |
1 Sujets humains.
Source: d’après Simonsen et coll., 1994.
Aux Etats-Unis, on compte chaque année de 50 000 à 100 000 produits chimiques vendus dans le commerce et de 1 000 à 1 600 produits chimiques nouveaux soumis à lapprobation des autorités. On estime que plus de 750 produits chimiques et plusieurs catégories ou familles de composés chimiques sont soupçonnés dêtre neurotoxiques (ODonoghue, 1985), mais les caractéristiques neurotoxiques de la majorité des agents chimiques nont jamais été soumises à enquête. La plupart des agents chimiques neurotoxiques connus à ce jour ont été identifiés par des comptes rendus détude de cas ou à loccasion daccidents.
Bien que les agents chimiques neurotoxiques soient souvent produits à des fins particulières dutilisation, les utilisateurs exposés sont fort divers: utilisation à domicile, dans lagriculture, dans lindustrie, consommation deau potable polluée, etc. Il convient, par conséquent, dexaminer avec circonspection les théories préconçues et figées relatives à ceux des composés neurotoxiques que lon peut sattendre à trouver associés à telle ou telle profession et de ne voir dans les indications ci-après que des exemples possibles qui attirent lattention sur quelques-uns des agents chimiques neurotoxiques les plus courants (Arlien-Søborg, 1992; ODonoghue, 1985; Spencer et Schaumburg, 1980; OMS, 1979).
En règle générale, le système nerveux réagit de façon plutôt stéréotypée à lexposition aux substances neurotoxiques (voir figure 7.7).
La polyneuropathie est causée par une altération de la fonction des nerfs moteurs et sensoriels qui se traduit par une faiblesse des muscles, parésie en général beaucoup plus marquée aux extrémités supérieures et inférieures (mains et pieds). Une paresthésie (fourmillement et engourdissement des doigts et des orteils) peut se déclarer avant ou en même temps, pouvant provoquer une gêne dans la marche ou une déficience de la coordination fine des mains et des doigts. Les métaux lourds, les solvants et les pesticides, entre autres produits chimiques, peuvent provoquer une telle incapacité quand bien même le mécanisme toxique de ces composés peut être tout à fait différent.
Lencéphalopathie est causée par une déficience diffuse du cerveau et peut provoquer divers symptômes: fatigue; déficit de la faculté dapprendre, de la mémoire et de la concentration; anxiété, dépression, irritabilité accrue et instabilité émotionnelle. Ce peuvent être les signes précoces dune dégénérescence diffuse du cerveau, voire dune forme chronique dencéphalopathie toxique de caractère professionnel. Bien souvent, les premiers stades de la maladie se caractérisent par des migraines plus fréquentes, des étourdissements, un sommeil perturbé, une réduction de lactivité sexuelle, tous symptômes qui saggravent lorsque se prolonge lexposition à des doses faibles dagents chimiques divers tels que des solvants, des métaux lourds ou du sulfure dhydrogène, mais que lon a aussi observés dans plusieurs cas de déficience mentale sans lien avec le travail. Il arrive que lon observe des symptômes neurologiques plus spécifiques (par exemple, parkinsonisme accompagné de tremblements, rigidité musculaire avec ralentissement des mouvements, ou symptômes cérébelleux tels que des tremblements et un déficit de la coordination des mouvements des mains et de la démarche). On observe de tels tableaux cliniques à la suite dune exposition à certains agents chimiques particuliers comme le manganèse ou la MPTP (1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6- tétrahydropyridine), dans le premier cas, et le toluène ou le mercure, dans le second.
De très nombreux produits chimiques de structure tout à fait différente et qui, à la température ambiante, se présentent sous forme gazeuse, se sont révélés neurotoxiques (voir tableau 7.3). Certains dentre eux sont extrêmement toxiques, même en très faibles doses et ont dailleurs été utilisés comme gaz de combat (le phosgène et le cyanure); dautres requièrent une exposition prolongée à dose forte pour produire des symptômes (dioxyde de carbone, par exemple). Il est des gaz que lon utilise pour lanesthésie générale, comme loxyde nitreux, dautres qui sont largement répandus dans lindustrie ou qui entrent dans la composition de produits de désinfection comme le formaldéhyde. Les premiers peuvent induire des altérations irréversibles dans le système nerveux à la suite dune exposition répétée à dose faible, les seconds ne provoquant, semble-t-il, que des symptômes aigus. Lexposition dans des locaux exigus, mal ventilés, est particulièrement dangereuse. Certains de ces gaz sont inodores et, partant, très dangereux, comme le monoxyde de carbone. Ainsi quindiqué au tableau 7.3, certains gaz entrent dans la composition de produits industriels, cependant que dautres proviennent dune combustion incomplète ou complète; cest le cas du CO et du CO2, respectivement. Telle est la situation dans les mines, les aciéries, les centrales électriques et dans dautres industries, mais aussi parfois dans des habitations mal ventilées. Pour y parer, il est indispensable de faire cesser lexposition grâce à un apport dair pur ou doxygène et, dans les cas graves, en recourant à la ventilation artificielle.
Produit chimique |
Source d’exposition (exemples) |
Branches d’activité (exemples d’exposition) |
Effets1 |
Dioxyde de carbone (CO2) |
Soudage; fermentation; fabrication, stockage et utilisation de la neige carbonique |
Métallurgie; mines; brasseries |
M: dilate les vaisseaux |
Monoxyde de carbone (CO) |
Réparation de voitures; soudage; fonte de métaux; conducteurs de véhicules; sapeurs-pompiers |
Métallurgie; mines; transports; centrales électriques |
M: privation d’oxygène |
Sulfure d’hydrogène (H2S) |
Fumigation en serre; fumier; pêche; déchargement de poisson; travail en égouts |
Agriculture; pêche; travail en égouts |
M: blocage du métabolisme de l’oxydation |
Cyanure (HCN) |
Soudage électrique; traitement galvanique des surfaces au nickel, au cuivre ou à l’argent; fumigation des navires, des habitations et des sols dans les serres |
Métallurgie; industrie chimique; pépinières; mines; usines à gaz |
M: blocage des enzymes respiratoires |
Oxyde nitreux (N2O) |
Anesthésie générale durant une opération; narcose légère nécessaire pour les soins dentaires et les accouchements |
Hôpitaux (anesthésie); dentistes; sages-femmes |
M: altération aiguë de la membrane de la cellule nerveuse; dégénérescence des cellules nerveuses après une exposition prolongée |
1M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.
Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.
Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.
Ataxie: diminution de la coordination motrice.
En règle générale, la toxicité des métaux va croissant à mesure que la masse atomique augmente, le plomb et le mercure étant particulièrement toxiques. Dans la nature, les métaux se trouvent le plus souvent en faible concentration, mais dans certaines industries, on les utilise en grandes quantités (voir tableau 7.4), ce qui peut comporter pour le personnel un risque professionnel grave. En outre, les eaux usées en contiennent des quantités considérables, ce qui peut entraîner un risque de pollution de lenvironnement pour les personnes qui résident à proximité des usines, mais aussi à plus grande distance. Il arrive souvent que des métaux (ou encore, par exemple, des composés organiques du mercure) soient intégrés dans la chaîne alimentaire et saccumulent dans lorganisme des poissons, des oiseaux et dautres animaux, exposant ainsi les consommateurs à un risque dintoxication. La toxicité et la manière dont lorganisme réagit à la présence de métaux peuvent dépendre de leur structure chimique. On peut absorber des métaux purs par inhalation ou à travers la peau en contact avec des vapeurs (de mercure, par exemple) ou des particules fines (de plomb), ou encore par voie orale (plomb). Les composés inorganiques du mercure (par exemple, HgCl2) sont surtout absorbés par la bouche, tandis que les composés organiques des métaux (le tétraéthylplomb, par exemple) le sont principalement par inhalation ou par contact cutané. Le degré dintoxication de lorganisme peut, jusquà un certain point, être révélé par le taux de métal dans le sang ou dans lurine. Cest là le fondement des dosages biologiques de surveillance. Quant au traitement, il convient de se souvenir que le plomb en particulier est évacué très lentement par lorganisme où il sest déposé. Normalement, le taux de plomb dans le squelette se trouve réduit de 50% au bout de dix ans. Lélimination peut être accélérée par le recours aux chélateurs: le BAL (dimercaptopropanol), lEDTA calcique ou la pénicilline.
Produit chimique |
Source d’exposition (exemples) |
Branches d’activité (exemples d’exposition) |
Effets1 |
Plomb |
Fusion; brasage; meulage; réparation; émaillage; plastifiants |
Métallurgie; mines; usines d’accumulateurs; réparation de voitures; chantiers navals; industrie du verre; céramique; matières plastiques |
M: altération du métabolisme de l’oxydation des cellules nerveuses et des cellules gliales |
Mercure élémentaire |
Electrolyse; instruments électriques (gyroscopes, manomètres, thermomètres, batteries, ampoules électriques, tubes, etc.); amalgames pour obturation dentaire |
Usines de chlore et de soude caustique; mines; électronique; dentisterie; production de polymères; industrie du papier et de la pâte à papier |
M: altération à de multiples niveaux dans les cellules nerveuses |
Chlorure mercureux Hg2Cl2 |
|
Laboratoires |
A: toxicité aiguë faible, effets toxiques chroniques |
Sublimé corrosif HgCl2 |
Désinfection |
Hôpitaux; cliniques; laboratoires |
M: dégénérescence rénale tubulaire et glomérulaire aiguë. Très toxique, même à faibles doses orales, létal dès 30 mg/kg de poids |
Manganèse |
Fusion (alliage d’acier); oxycoupage; soudage de l’acier; batteries sèches |
Extraction du manganèse; production d’acier et d’aluminium; métallurgie; production de batteries; industrie chimique; briqueteries |
M: inconnus, altération possible de la dopamine et de la catécholamine dans les noyaux striés au centre du cerveau |
Aluminium |
Métallurgie; meulage; polissage |
Métallurgie |
M: aucun effet connu |
M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.
Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.
Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.
Il sagit dune catégorie nombreuse, hétérogène, de substances réactives utilisées pour la synthèse chimique et pour la production de polymères, de résines et de matières plastiques. Parmi les monomères, on compte des composés aromatiques polyhalogénés tels que le p-chlorobenzène et le 1,2,4-trichlorobenzène, des solvants organiques insaturés comme le styrène et le vinyltoluène, lacrylamide et les composés qui lui sont associés, les phénols, le epsilon-caprolactame et le gamma-aminobutyrolactame. Certains des monomères neurotoxiques abondamment utilisés et leur action sur le système nerveux sont énumérés au tableau 7.5. Lexposition professionnelle à des monomères neurotoxiques peut survenir dans des établissements industriels où lon fabrique, transporte et utilise des produits chimiques et des produits plastiques. A la faveur de la manutention de polymères qui renferment des monomères résiduels, au cours du moulage des coques de bateau, de même que dans les cliniques dentaires, lexposition à des monomères neurotoxiques est importante. Lors dune telle exposition, labsorption peut se faire par inhalation (sil sagit de sulfure de carbone ou de styrène) ou par contact cutané (sil sagit dacrylamide, par exemple). Les monomères constituant un groupement hétérogène de substances chimiques, plusieurs mécanismes daction toxique sont possibles. Cette particularité se traduit par des différences entre les symptômes (voir tableau 7.5).
Produit chimique |
Source d’exposition (exemples) |
Branches d’activité (exemples d’exposition) |
Effets1 |
Acrylamide |
Travailleurs exposés au monomère |
Production de polymères; opérations de creusement de tunnels et de forage |
M: altération de la transmission par les axones |
Acrylonitrile |
Accidents dans les laboratoires et les industries; fumigationdes habitations |
Production de polymères et de caoutchouc; synthèse de produits chimiques |
A: hyperexcitabilité; salivation; vomissements; cyanose; ataxie; difficultés respiratoires |
Sulfure de carbone |
Production de caoutchouc et de rayonne |
Industries du caoutchouc et de la rayonne |
M: probabilité d’altération de la transmission par les axones et de l’activité enzymatique |
Styrène |
Production de matières plastiques renforcées à la fibre de verre; fabrication et transport de monomères; utilisation de résines et de revêtements à base de styrène |
Industrie chimique; production de fibres de verre; industrie des polymères |
M: aucun effet connu |
Vinyltoluène |
Production de résines; composés insecticides |
Industrie des produits chimiques et des polymères |
C: polyneuropathie; diminution de la vitesse de conduction des nerfs moteurs |
1M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.
Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.
Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.
Ataxie: diminution de la coordination motrice.
Lexpression solvants organiques sapplique communément à un vaste groupe de plus de 200 composés chimiques lipophiles capables de dissoudre les graisses, les huiles, les résines, le caoutchouc, lasphalte, les filaments cellulosiques et les matières plastiques. Le plus souvent liquides à la température ambiante, ils sévaporent facilement, leur point débullition se situant au-dessous de 200 à 250 °C. Ils sont absorbés principalement par les poumons, mais certains dentre eux peuvent aussi pénétrer à travers la peau. Leur caractère lipophile explique quils se répartissent dans les organes riches en graisse. On comprend dès lors les concentrations élevées que lon observe dans les graisses de lorganisme, dans la moelle épinière, dans le foie et le cerveau, qui peuvent aussi se comporter comme des réservoirs de solvants. Le coefficient de partage entre loctanol et leau peut indiquer sil faut sattendre à de fortes concentrations dans le cerveau. On ne sait encore rien du mécanisme de la toxicité, mais lon envisage plusieurs possibilités: blocage denzymes importantes dans la dégradation métabolique du glucose et, partant, réduction de lénergie disponible pour lactivité des neurones; diminution de la production dénergie dans les mitochondries; altération des membranes neuronales aboutissant à une déficience de la fonction des canaux ioniques; ralentissement du flux axonal. Le chlorure de méthylène se métabolise en CO2, ce qui bloque le transfert doxygène dans le sang. Un grand nombre de travailleurs appartenant à des professions très variées sont exposés chaque jour, ou du moins fréquemment (voir tableau 7.6). Dans certains pays, la consommation de solvants organiques a diminué dans plusieurs métiers à la suite de mesures dhygiène renforcées ou après substitution (peinture dhabitations, industrie graphique, métallurgie), tandis que dans dautres professions, le régime de lexposition a changé, mais la quantité totale de solvants organiques utilisés est restée la même. Par exemple, le trichloroéthylène a été remplacé par le 1,1,1-trichloroéthane et le Fréon. Sur maints lieux de travail, les solvants posent toujours un problème dhygiène de première importance. Le personnel court un risque particulièrement grave lorsquil y est exposé dans des locaux exigus, mal ventilés et soumis à des températures élevées qui accélèrent lévaporation. Le travail physique accroît labsorption des solvants par les poumons. Dans plusieurs pays, notamment dans les pays nordiques, des prestations de réparation sont versées aux travailleurs atteints dencéphalopathie chronique contractée à la suite dune exposition prolongée à de faibles doses de solvants toxiques.
Produit chimique |
Source d’exposition (exemples) |
Branches d’activité (exemples d’exposition) |
Effets1 |
Hydrocarbures chlorés: |
Dégraissage; galvanoplastie; peinture; imprimerie; nettoyage; anesthésie générale et légère |
Métallurgie; industrie des arts graphiques; industrie électronique; nettoyage à sec; anesthésie |
M: aucun effet connu |
Chlorure de méthylène |
Extraction, y compris extraction de caféine; décapant pour peintures |
Industrie alimentaire; peinture; industrie des arts graphiques |
M: métabolisme -> CO |
Chlorure de méthyle |
Production et réparation de réfrigérateurs |
Production de réfrigérateurs; industrie du caoutchouc; industrie des matières plastiques |
M: aucun effet connu |
Toluène |
Imprimerie; nettoyage; dégraissage; galvanoplastie; peinture; peinture au pistolet |
Industrie des arts graphiques; industrie électronique |
M: aucun effet connu |
Xylène |
Imprimerie; synthèse de l’anhydride phtalique; peinture; procédures des laboratoires d’histologie |
Industrie des arts graphiques; industrie des matières plastiques; laboratoires d’histologie |
M: aucun effet connu |
Styrène |
Polymérisation; moulage |
Industrie des matières plastiques; production de fibres de verre |
M: aucun effet connu |
Hexacarbones: n-hexane; méthylbutylcétone; méthyléthylcétone |
Collage; imprimerie; plastification; peinture; extraction |
Industrie du cuir et de la chaussure; industrie des arts graphiques; peinture; laboratoires |
M: altération de la transmission par les axones |
Divers solvants: |
Production et réparation de réfrigérateurs; nettoyage à sec; dégraissage |
Production de réfrigérateurs; métallurgie; industrie électronique; nettoyage à sec |
M: aucun effet connu |
Diéthyléther; halothane |
Anesthésies générales (personnel infirmier, médecins) |
Hôpitaux; cliniques |
M: aucun effet connu |
Sulfure de carbone |
Voir monomères |
Voir monomères |
Voir monomères (tableau 7.5) |
Mélanges: white spirit et diluant |
Peinture; dégraissage; nettoyage; imprimerie; imprégnation; traitement de surface |
Métallurgie; industrie des arts graphiques; industrie du bois; peinture |
M: aucun effet connu |
1 M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.
Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.
Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.
Le terme pesticides est un terme générique qui sapplique à tous les produits chimiques utilisés pour exterminer des catégories de plantes ou danimaux qui représentent un risque pour la santé humaine ou qui sont susceptibles de causer des pertes économiques. Il englobe les insecticides, les fongicides, les rodenticides, les produits de fumigation et les herbicides. Chaque année, on utilise dans le monde pour les besoins de lagriculture quelque 2 265 000 tonnes de pesticides dans la composition desquels entrent plus de 600 ingrédients actifs. Les pesticides à base de composés organophosphorés, de carbamates et de composés organochlorés, ainsi que les herbicides pyréthroïdes et chlorophénoxy et les composés organométalliques utilisés comme herbicides, ont tous des propriétés neurotoxiques (voir tableau 7.7). Parmi les nombreux produits chimiques dont on se sert comme rodenticides, certains (la strychnine, le phosphure de zinc et le thallium, par exemple) sont également neurotoxiques. Lexposition professionnelle aux pesticides neurotoxiques sévit surtout dans lagriculture où lon utilise des pesticides et où lon manutentionne des récoltes traitées, mais le personnel qui applique les pesticides, celui qui est chargé de leur préparation et de leur fabrication, les routiers et les cheminots, tout comme le personnel des serres et des pépinières, ainsi que les travailleurs forestiers, courent eux aussi un risque dexposition aux pesticides neurotoxiques. Les enfants, qui constituent une fraction non négligeable de la main-duvre agricole, sont dautant plus vulnérables que leur système nerveux na pas achevé son développement. Les effets aigus des pesticides ont été en général convenablement décrits et lon observe souvent des effets de longue durée à la suite dune exposition répétée ou dune exposition unique à dose élevée (voir tableau 7.7), mais lon nest guère renseigné sur les conséquences dune exposition subclinique répétée.
Produit chimique |
Source d’exposition (exemples) |
Branches d’activité |
Effets1 |
Composés organo-phosphorés: |
Manutention; traitement des récoltes; travaux sur récoltes traitées; dockers |
Agriculture; foresterie; substances chimiques; horticulture |
M: inhibition de l’acétylcholinestérase |
Carbamates: Aldicarb; Carbaryl; Carbofuran; Propoxur |
|
|
M: neurotoxicité tardive; axonopathie2 |
Organochlorés: Aldrin; Dieldrin; DDT; Endrin; Heptachlor; Lindane; Methoxychlor; Mirex; Toxaphène |
Voir ci-dessus |
Voir ci-dessus |
A: excitabilité; appréhension; vertiges; céphalée; confusion; perted’équilibre; faiblesse; ataxie; tremblements; convulsions; coma |
Pyréthroïdes |
Voir ci-dessus |
Voir ci-dessus |
M: altérations du mouvement des ions sodium à travers la membrane des cellules nerveuses |
2,4-D |
Herbicide |
Agriculture |
C: polyneuropathie |
Hydroxyde de triéthylétain |
Traitement de surface; manipulation du bois traité |
Bois et produits du bois |
A: céphalée; faiblesse; paralysie; troubles visuels |
Bromure de méthyle |
Fumigation |
Serres; insecticides; fabrication de réfrigérateurs |
M: aucun effet connu |
1 M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.
2 Principalement phosphates ou phosphonates.
Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.
Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.
Ataxie: diminution de la coordination motrice.
Plusieurs autres produits chimiques, qui nentrent pas dans les catégories que nous venons dexaminer, sont également neurotoxiques. Les uns sont utilisés comme pesticides, mais nombreux sont également ceux qui servent dans diverses opérations industrielles. Il arrive que lon soit très bien documenté quant aux effets neurotoxiques aigus et chroniques de quelques-uns de ces produits; dautres ont des effets aigus bien connus, mais lon sait peu de chose sur leurs effets chroniques. Le tableau 7.8 présente plusieurs exemples de tels produits, de leurs applications et de leurs effets.
Produit chimique |
Source d’exposition (exemples) |
Branches d’activité |
Effets1 |
Acide borique |
Soudage; flux de soudage; conservation |
Métal; verre |
A: délire; convulsions |
Disulfiram |
Produits pharmaceutiques |
Caoutchouc |
C: fatigue; neuropathie périphérique; somnolence |
Hexachlorophène |
Savons antibactériens |
Industrie chimique |
C: dème du système nerveux central; lésions des nerfspériphériques |
Hydrazine |
Agents réducteurs |
Industrie chimique; armée |
A: excitation; perte de l’appétit; tremblements; convulsions |
Phénol/Crésol |
Antiseptiques |
Matières plastiques; résines; produits chimiques; hôpitaux; laboratoires |
M: dénaturation des protéines et des enzymes |
Pyridine |
Dénaturation de l’éthanol |
Industrie chimique; textile |
A: dépression du système nerveux central; dépression psychique; fatigue; perte de l’appétit |
Tétraéthylplomb |
Additif de l’essence |
Industrie chimique; transports |
C: irritabilité; faiblesse; tremblements; difficultés visuelles |
Arsine |
Batteries; insecticides; fusion |
Fonderies; travail du verre; céramique; fabrication de papier |
M: altération de la fonction enzymatique |
Lithium |
Additifs du pétrole; produits pharmaceutiques |
Pétrochimie |
A/C: perte de l’appétit; tintements dans les oreilles; vision floue;tremblements; ataxie |
Sélénium |
Fusion; production de redresseurs; vulcanisation; huiles de coupe; antioxydants |
Electronique; travail du verre; métallurgie; industrie du caoutchouc |
A: délire; anosmie |
Thallium |
Rodenticides |
Industrie du verre; produits du verre |
A: perte de l’appétit; fatigue; somnolence; goût métallique; engourdissement; ataxie |
Tellure |
Fusion; production de caoutchouc; catalyse |
Métallurgie; industrie chimique; caoutchouc; électronique |
A: céphalée; somnolence; neuropathie |
Vanadium |
Fusion |
Mines; production d’acier; industrie chimique |
A: perte de l’appétit; tintements dans les oreilles; somnolence; tremblements |
1 M: mécanisme; A: effets aigus; C: effets chroniques.
Neuropathie: dysfonction des fibres des nerfs périphériques moteurs et sensoriels.
Encéphalopathie: dysfonction cérébrale causée par l’altération généralisée du cerveau.
Ataxie: diminution de la coordination motrice.
Ce que lon sait aujourdhui des conséquences à court et à long terme de lexposition aux substances neurotoxiques provient détudes expérimentales sur lanimal et dexamens cliniques pratiqués sur des êtres humains, détudes épidémiologiques reposant sur lobservation de travailleurs en activité et à la retraite ou de travailleurs malades, détudes et de rapports concernant des examens cliniques, et aussi dobservations faites à la suite de catastrophes de grande ampleur, telles que celle de Bhopal causée par une fuite de méthylisocyanate et celle de Minamata, qui a provoqué des intoxications par le méthylmercure.
Lexposition aux substances neurotoxiques peut produire des effets immédiats, cest-à-dire aigus, ou des effets à long terme, autrement dit chroniques, voire les deux sortes deffets. Dans lun et lautre cas, les effets peuvent être réversibles et disparaître à la longue, après que lexposition aura été réduite ou quil y aura été mis fin. Il arrive aussi que latteinte soit permanente et irréversible. La gravité de laltération aiguë ou chronique du système nerveux dépend de lexposition, cest-à-dire de la valeur quantitative de la dose absorbée et de la durée de lexposition. A linstar de lalcool et des drogues dites douces, nombre de substances neurotoxiques peuvent dans un premier temps provoquer une sensation de bien-être ou une euphorie ou une accélération des fonctions motrices; parallèlement à laugmentation de la dose, en quantité ou en durée dexposition, les mêmes neurotoxines auront pour effet de déprimer le système nerveux. De fait, la narcose, cest-à-dire un état de stupeur ou dinsensibilité, est provoquée par un grand nombre de substances neurotoxiques qui altèrent le psychisme et dépriment le système nerveux central.
Les effets aigus reflètent la réaction immédiate à une substance chimique. La gravité des symptômes et des troubles qui sensuivent dépend de la quantité de substance qui a atteint le système nerveux. Si lexposition est minime, les effets aigus sont modérés et peu durables, disparaissant lorsque cesse lexposition. Les céphalées, la fatigue, les étourdissements, la difficulté de se concentrer, la sensation débriété, leuphorie, lirritabilité, les vertiges et le ralentissement des réflexes sont autant de symptômes qui accompagnent lexposition aux substances chimiques neurotoxiques. Bien que ces symptômes soient réversibles, si lexposition se répète jour après jour, ils ne tardent pas à réapparaître. En outre, comme la substance neurotoxique nest pas immédiatement éliminée par lorganisme, les symptômes peuvent persister après le travail. Ceux dont les travailleurs se plaignent à un poste donné sont une bonne indication de linterférence dune substance chimique avec le système nerveux et devraient être interprétés comme un signal dalarme qui dénonce une surexposition possible appelant des mesures préventives en vue de réduire lexposition.
Sil sagit de circonstances où lexposition a été très forte, par exemple sil sest produit des écoulements accidentels, des fuites, des explosions ou dautres accidents, les symptômes et autres signes deviennent alarmants (céphalées graves, confusion mentale, nausées, vertiges, incoordination, vision troublée, perte de conscience); si lintensité de lexposition est assez forte, les effets peuvent être durables et même conduire au coma et à la mort.
Les troubles aigus causés par les pesticides sont fréquents chez les travailleurs agricoles dans les pays producteurs de denrées alimentaires, où lon utilise de grandes quantités de substances toxiques, par exemple des insecticides, des fongicides, des nématicides ou des herbicides. Les composés organophosphorés, les carbamates, les organochlorés, le pyrèthre, la pyréthrine, le paraquat et le diquat comptent parmi les catégories de pesticides les plus répandues, mais il existe des milliers de formules de pesticides contenant quelques centaines dingrédients actifs distincts. Certains pesticides, le manèbe par exemple, contiennent du manganèse, tandis que dautres se trouvent dissous dans des solvants organiques. Outre les symptômes cités plus haut, lintoxication aiguë par les organophosphorés et les carbamates peut saccompagner dhypersécrétion salivaire, dincontinence, de convulsions, de myoclonie, de diarrhée, de troubles visuels, ainsi que de difficultés respiratoires et dune accélération du rythme cardiaque. Ces manifestations sont causées par un excès du neurotransmetteur acétylcholine qui se produit lorsque ces substances attaquent le ferment hydrolysant quest la cholinestérase. Le taux sanguin de cette dernière diminue proportionnellement au degré de lintoxication aiguë par les organophosphorés ou les carbamates.
Avec certaines substances telles que les pesticides organophosphorés et le monoxyde de carbone, lexposition aiguë à une forte dose peut produire une altération tardive de certaines parties du système nerveux. Dans le premier cas, des engourdissements et des bourdonnements doreilles, une faiblesse et un déséquilibre peuvent survenir quelques semaines après lexposition; dans le second, une atteinte neurologique tardive peut se déclarer avec des symptômes de confusion mentale, dataxie, dincoordination motrice et de parésie. Des épisodes récurrents dintoxication aiguë par de fortes concentrations de monoxyde de carbone se sont trouvés associés avec la maladie de Parkinson apparue à un âge avancé. Il se peut que lexposition à de fortes doses de substances chimiques neurotoxiques aille de pair avec un risque accru de dégénérescence du système nerveux à la vieillesse.
Dans nombre de pays où les risques liés aux substances chimiques neurotoxiques ont été reconnus, les autorités en sont venues à abaisser le niveau autorisé dexposition; toutefois, en ce qui concerne la plupart des produits chimiques, le niveau dexposition auquel aucun symptôme de nocivité ne peut se manifester durant une exposition prolongée nest toujours pas connu. Lexposition répétée à des niveaux qui sinscrivent dans une gamme allant de faible à modéré durant plusieurs mois, voire plusieurs années, risque daltérer les fonctions du système nerveux de façon insidieuse et progressive. Linterférence persistante avec les processus moléculaires et cellulaires soumet les fonctions neurophysiologiques et psychologiques à des altérations lentes qui, durant leurs premières manifestations, peuvent passer inaperçues, car il existe dans les circuits du système nerveux des réserves considérables et les atteintes peuvent fort bien se trouver compensées au début par un nouvel apprentissage.
Ainsi donc, latteinte initiale du système nerveux ne saccompagne pas nécessairement de troubles fonctionnels et peut se trouver réversible. Toutefois, à mesure que lexposition se prolonge, des signes et des symptômes, souvent en eux-mêmes dépourvus de spécificité, font leur apparition, incitant le sujet à solliciter lassistance dun médecin. Enfin, latteinte peut saggraver à tel point quun syndrome clinique patent, en général irréversible, sétablit.
La figure 7.8 présente schématiquement le processus continu de détérioration de la santé quinduit lexposition aux neurotoxiques. La progression du dysfonctionnement neurotoxique dépend autant de la durée que de lordre de grandeur de lexposition, cest-à-dire de la dose absorbée, et peut subir linfluence dautres facteurs relevant du lieu de travail, de létat de santé et de la sensibilité de chacun, de même que du mode de vie, en particulier de la consommation dalcool et de lexposition aux substances neurotoxiques utilisées durant les loisirs, telles que les colles dont on se sert pour le montage de pièces de mobilier ou encore pour lassemblage de maquettes en matière plastique, les peintures et leurs décapants.
Pour déterminer les maladies causées par les neurotoxiques chez les travailleurs et pour surveiller latteinte précoce du système nerveux chez les actifs, on use de stratégies différentes. Le diagnostic clinique sappuie sur tout un ensemble de signes et de symptômes, et aussi sur lanamnèse et sur les antécédents dexposition de chaque individu; toute étiologie étrangère à lexposition aux neurotoxines doit être systématiquement écartée. Pour suivre lévolution des cas de dysfonctionnement précoce chez les travailleurs en activité, il importe de pouvoir se référer à un tableau de la situation dans un groupe donné. Le plus souvent, les observations recueillies sur la dysfonction dans le groupe sapparenteront au tableau clinique établi pour la maladie. Cest un peu comme si, pour dresser le tableau de ce qui se passe dans le système nerveux, on rassemblait dabord les observations sur les altérations discrètes constatées précocement. Le profil de la réaction précoce observée sur une collectivité fournit une indication quant à la spécificité et au type daction de la substance ou du mélange neurotoxique en cause. Sur les lieux de travail où lon peut craindre une exposition à des substances neurotoxiques, la surveillance de la santé exercée parmi des groupes de travailleurs peut se révéler particulièrement utile aux fins de la prévention et des mesures à prendre sur les lieux de travail pour parer à la propagation dune maladie grave (voir figure 7.9). Des observations faites sur les lieux de travail dans le monde entier ont permis de rassembler des informations précieuses sur les manifestations précoces de dysfonctionnement du système nerveux dans des collectivités de travailleurs exposés.
Un travailleur non exposé à une substance neurotoxique ne présentera jamais de troubles de la santé d'origine neurotoxique causés par cette substance. Une exposition zéro équivaut à une protection totale contre les effets neurotoxiques. Il s'agit là du principe de base de la prévention primaire.
TESTS DE TOXICITÉ Les nouvelles substances chimiques introduites dans le milieu de travail devraient toujours avoir été soumises au préalable à des tests de neurotoxicité. En l’absence de tels tests avant la mise sur le marché, les travailleurs peuvent en effet être exposés à des composés susceptibles d’avoir des effets sanitaires graves. L’utilisation professionnelle de la méthyl-n-butylcétone aux Etats-Unis est l’exemple classique des dangers possibles de l’utilisation, sur le lieu de travail, de substances neurotoxiques n’ayant pas été testées au préalable (Spencer et Schaumberg, 1980).
MOYENS DE PRÉVENTION TECHNIQUE Les moyens de prévention technique (systèmes de ventilation, installations de production en circuit fermé) constituent le meilleur moyen de ne pas exposer les travailleurs à des concentrations dépassant les valeurs limites d’exposition admissibles. Le confinement des procédés chimiques, qui évite le dégagement de substances toxiques dans l’environnement du lieu de travail, est la solution idéale. Si un tel confinement d’avère impossible, les systèmes de ventilation par aspiration localisée (qui captent les polluants à la source et les empêchent de se disséminer dans l’air que respirent les travailleurs) sont utiles s’ils sont bien conçus et bien entretenus, et s’ils fonctionnent correctement.
ÉQUIPEMENT DE PROTECTION INDIVIDUELLE S’il n’est pas possible de recourir à des moyens de prévention technique pour réduire l’exposition des travailleurs à des substances neurotoxiques, on devra mettre des équipements de protection individuelle à leur disposition. Comme les substances neurotoxiques à usage professionnel sont nombreuses et comme les voies d’exposition diffèrent selon le lieu de travail et les conditions de travail, le type d’équipement de protection individuelle doit être choisi avec soin. Le plomb, par exemple, peut être toxique par voie inhalatoire (lorsque les travailleurs inhalent de la poussière qui en contient) ou par ingestion (lorsqu’ils l’absorbent avec des aliments ou de l’eau). C’est pourquoi l’équipement de protection individuelle doit prémunir contre ces deux types de risque. Il pourra s’agir dans un cas d’un dispositif de protection respiratoire, dans l’autre, du respect de mesures d’hygiène individuelle. L’absorption par la peau intacte est une autre voie importante d’exposition à de nombreuses substances neurotoxiques (comme les solvants industriels). Des gants imperméables, des blouses et tout équipement approprié doivent être mis à la disposition du personnel pour prévenir la pénétration par voie cutanée. Cette mesure devrait d’ajouter aux mesures de prévention technique ou aux dispositifs de protection respiratoire. Il importe de bien adapter, grâce à une planification adéquate, l’équipement de protection individuelle au type de travail exécuté.
MESURES ORGANISATIONNELLES DE PRÉVENTION On entend par mesures organisationnelles de prévention l’ensemble des mesures prises par la direction d’une entreprise pour réduire les risques sur le lieu de travail grâce à la planification, à la formation et à la rotation du personnel, à des changements dans les procédés de production, au remplacement des produits nocifs par d’autres qui le seraient moins (Urie, 1992) ainsi qu’à la stricte observation de la réglementation en vigueur.
DROIT DES TRAVAILLEURS À L’INFORMATION L’employeur a l’obligation d’auurer aux travailleurs un lieu de travail ou une expérience professionnelle leur permettant de préserver leur santé; les travailleurs, pour leur part, doivent respecter les consignes sur leur lieu de travail. Ils doivent savoir quelles mesures prendre pour se protéger. Autrement dit, ils ont le droit d’être informés du pouvoir neurotoxique des substances qu’ils peuvent prendre.
SURVEILLANCE DE LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS Les travailleurs devraient, si les conditions le permettent, être examinés régulièrement par des médecins du travail ou par d’autres médecins spécialistes. Lorsque les travailleurs sont appelés à utiliser des susbstances neurotoxiques ou travaillent à des postes où de telles substances sont présentes, le médecins devraient être informés des effets de ces produits. Par exemple, une exposition à de faibles concentrations de nombreux solvant organiques provoquera des symptômes de fatigue, des céphalées, des troubles du sommeil ou de la mémoire. En cas d’exposition à des doses élévées de plomb, les signes du saturnisme sont la main tombante et la détérioration des nerfs périphériques. En cas de signes et symptômes d’intoxication par une substance neurotoxique, le travailleur devrait être soustrait à l’exposition à cette substance et des efforts devraient être faits pour en réduire les concentrations sur le lieu de travail. |
Le changement dhumeur est presque toujours le premier symptôme de laltération initiale du fonctionnement du système nerveux. Lirritabilité, leuphorie, les sautes dhumeur soudaines, un excès de fatigue, des sentiments dhostilité, lanxiété, la dépression et la tension sont quelques-uns des états psychiques le plus fréquemment liés à lexposition aux substances neurotoxiques. On observe également des problèmes de mémoire, la difficulté de se concentrer, des céphalées, la vision brouillée, une sensation débriété, des vertiges, de la lenteur, des fourmillements dans les mains et dans les pieds, la perte de la libido, etc. Bien quau début ces symptômes ne soient pas assez marqués pour interférer avec le travail, ils nen traduisent pas moins un déficit de bien-être et entament la capacité de jouir pleinement des relations familiales et sociales. Souvent, en raison même de labsence de spécificité de ces symptômes, les travailleurs, les employeurs et les professionnels de la santé au travail sont enclins à les ignorer et à rechercher dautres causes que lexposition sur le lieu de travail. De fait, ces symptômes peuvent fort bien aggraver une situation personnelle déjà difficile.
Sur les lieux de travail où sont utilisées des substances neurotoxiques, les travailleurs, les employeurs et les membres du personnel de la sécurité et de la santé au travail devraient se tenir particulièrement au courant de la symptomatologie de lintoxication précoce, qui est un indice de la vulnérabilité du système nerveux à lexposition. Des questionnaires sur les symptômes, dont le tableau 7.9 fournit un exemple, ont été mis au point pour servir à létude et à la surveillance des lieux de travail où sont utilisées des substances neurotoxiques.
Symptômes présentés au cours du mois écoulé |
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1. |
Vous êtes-vous fatigué plus facilement que prévu pour le type de travail que vous effectuez? |
2. |
Avez-vous eu une impression d’étourdissements ou de vertiges? |
3. |
Avez-vous eu des difficultés à vous concentrer? |
4. |
Avez-vous présenté une confusion ou une désorientation? |
5. |
Avez-vous eu des problèmes de mémoire? |
6. |
Les membres de votre famille ont-ils remarqué que vous aviez des problèmes de mémoire? |
7. |
Avez-vous dû prendre des notes pour ne pas oublier les choses? |
8. |
Avez-vous trouvé difficile de comprendre le sens des journaux? |
9. |
Vous êtes-vous senti irritable? |
10. |
Vous êtes-vous senti déprimé? |
11. |
Avez-vous eu des palpitations cardiaques même sans faire d’efforts particuliers? |
12. |
Avez-vous souffert d’une crise psychomotrice? |
13. |
Avez-vous dormi plus souvent que vous n’en avez l’habitude? |
14. |
Avez-vous eu des difficultés d’endormissement? |
15. |
Avez-vous été gêné par une perte de coordination ou d’équilibre? |
16. |
Avez-vous senti une diminution de la force musculaire dans les jambes ou les pieds? |
17. |
Avez-vous senti une diminution de la force musculaire dans les bras ou les mains? |
18. |
Avez-vous eu des difficultés pour bouger les doigts ou saisir des objets? |
19. |
Avez-vous eu un engourdissement des mains et des fourmillements dans les doigts pendant plus d’une journée? |
20. |
Avez-vous eu un engourdissement des mains et des fourmillements dans les orteils pendant plus d’une journée? |
21. |
Avez-vous eu des maux de tête au moins une fois par semaine? |
22. |
Avez-vous eu des difficultés pour rentrer chez vous en voiture après le travail pour cause de vertiges et de fatigue? |
23. |
Vous êtes-vous senti en état d’euphorie causé par des produits chimiques utilisés sur le lieu de travail? |
24. |
Avez-vous constaté une moins bonne tolérance à l’alcool? |
Source: d’après Johnson, 1987.
A mesure que lexposition aux substances neurotoxiques se prolonge, on peut observer des changements dans les fonctions motrices, sensorielles et cognitives des travailleurs exposés, qui ne présentent par ailleurs aucune manifestation clinique danomalie. Le système nerveux étant un mécanisme complexe dont plusieurs zones sont vulnérables à certaines substances chimiques particulières, cependant que dautres sont sensibles à laction dun grand nombre dagents toxiques , maintes fonctions du système nerveux peuvent être affectées par un même agent toxique ou par un mélange de neurotoxines. Le temps de réaction, la coordination entre la vue et louïe, la mémoire immédiate, la mémoire visuelle et la mémoire auditive, lattention et la vigilance, la dextérité manuelle, le vocabulaire, la réorientation de lattention, la force de préhension, la vitesse motrice, la fermeté des mains, lhumeur, la perception visuelle des couleurs, la perception vibrotactile, louïe et lodorat sont quelques-unes des nombreuses fonctions dont on a vu quelles peuvent être altérées par diverses substances neurotoxiques.
De la comparaison entre la performance de travailleurs exposés et celle de travailleurs non exposés, compte tenu du degré dexposition, il a été possible de tirer des informations précieuses sur le type de déficit précoce que cette exposition peut provoquer. Anger (1990) propose un excellent condensé des résultats auxquels ont abouti les recherches conduites jusquen 1989 aux postes de travail mêmes sur le comportement du système nerveux. Le tableau 7.10, établi sur la base de cet article, cite des exemples des déficits neurofonctionnels régulièrement constatés sur des groupes de travailleurs actifs exposés à quelques-unes des substances neurotoxiques les plus courantes.
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Solvants organiques mixtes |
Sulfure de carbone |
Styrène |
Organo-phosphorés |
Plomb |
Mercure |
Acquisition |
+ |
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+ |
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Affectivité |
+ |
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+ |
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+ |
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Catégorisation |
+ |
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Codage |
+ |
+ |
+ |
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Vision des couleurs |
+ |
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+ |
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Versatilité conceptuelle |
+ |
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Tendance à la distraction |
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+ |
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Intelligence |
+ |
+ |
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+ |
+ |
+ |
Mémoire |
+ |
+ |
+ |
+ |
+ |
+ |
Coordination motrice |
+ |
+ |
+ |
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+ |
+ |
Vitesse motrice |
+ |
+ |
+ |
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+ |
+ |
Sensibilité au contraste visuel proximal |
+ |
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Seuil de perception des odeurs |
+ |
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Identification des odeurs |
+ |
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+ |
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Personnalité |
+ |
+ |
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+ |
Relations spatiales |
+ |
+ |
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+ |
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Seuil vibrotactile |
+ |
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+ |
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+ |
Vigilance |
+ |
+ |
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+ |
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Champ visuel |
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+ |
+ |
Vocabulaire |
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+ |
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Source: d’après Anger, 1990.
Bien quà ce stade de la transition entre bonne santé et maladie, le déficit observé ne se situe pas dans la fourchette de lanomalie clinique, des atteintes à la santé peuvent néanmoins résulter de ces changements. Par exemple, sils sont devenus moins vigilants et sils ont perdu une partie de leurs réflexes, les travailleurs courent un plus grand risque daccident. Lodorat est mis à contribution pour détecter les fuites et la saturation dun masque (rupture de la cartouche), de même que la perte dodorat, aiguë ou chronique, rend le travailleur moins apte à prendre conscience dune situation potentiellement dangereuse. Les changements dhumeur interfèrent parfois avec les relations personnelles au travail, dans la vie sociale comme au foyer. Ces premières étapes de la détérioration du système nerveux quil est possible dobserver sur des groupes de travailleurs exposés que lon compare à dautres non exposés, ou à partir du degré de lexposition quils subissent reflètent un bien-être amoindri et annoncent peut-être le risque de voir se poser à lavenir des problèmes neurologiques plus alarmants.
Ce nest pas daujourdhui que lon impute des troubles neuropsychiatriques à lexposition aux substances neurotoxiques. Les descriptions cliniques vont des troubles affectifs, notamment lanxiété et la dépression, aux manifestations de comportement psychotique et aux hallucinations. Lexposition aiguë à de fortes doses de métaux lourds, de solvants organiques ou de pesticides peut provoquer le délire. La «démence manganique» a été observée sur des sujets exposés depuis longtemps au manganèse et le syndrome bien connu du «chapelier fou» est une intoxication par le mercure. Lencéphalopathie toxique de type 2a qui se caractérise par une altération persistante de la personnalité impliquant la fatigue, linstabilité émotionnelle, ainsi que des changements dans la maîtrise des impulsions, lhumeur et la motivation en général a été associée à lexposition aux solvants organiques. De plus en plus de bilans cliniques et détudes démographiques démontrent que, loin de satténuer avec le temps, les troubles de la personnalité perdurent bien après que lexposition a cessé, alors que lon observe une amélioration dans le cas dautres formes datteinte.
Durant la transition entre bonne santé et maladie, les variations de lhumeur, lirritabilité et lexcès de fatigue sont souvent les tout premiers indices dune surexposition à des substances neurotoxiques. Bien que les études conduites sur les lieux de travail fassent régulièrement état de symptômes neuropsychiatriques, il est rare que lon considère que ces symptômes posent un problème de santé mentale ayant des répercussions sur le bien-être psychique et social. Par exemple, laltération de létat de santé mentale retentit sur le comportement, rendant difficiles les relations personnelles et provoquant des conflits familiaux, ce qui peut aggraver létat mental de lindividu. Sur les lieux de travail des entreprises qui ont mis sur pied des programmes destinés à aider leurs salariés aux prises avec des problèmes personnels, lignorance des effets possibles sur la santé mentale de lexposition aux substances neurotoxiques peut conduire à des traitements qui agissent sur les effets et non pas sur les causes. Il est intéressant de relever que parmi les nombreux cas rapportés d«hystérie collective» ou de maladie psychogène, les industries où se sont déclarées des «hystéries collectives» ou des maladies psychogènes et les industries où le personnel est exposé à des substances neurotoxiques sont surreprésentées. Il est possible que ces substances, qui pour une large part nont pas été mesurées, aient contribué aux symptômes rapportés.
Les manifestations de lexposition aux neurotoxiques sur la santé mentale peuvent sapparenter à celles que provoquent les stresseurs psychosociaux liés à une mauvaise organisation du travail, de même que les réactions psychologiques aux accidents, les situations génératrices de stress aigu, les intoxications graves, que lon appelle troubles du stress post-traumatique (dont il est question dans le chapitre no 5 («La santé mentale») de la présente Encyclopédie). Il importe de bien connaître la relation entre les problèmes de santé mentale et les conditions de travail pour pouvoir mettre en uvre les mesures de prévention et de traitement qui simposent.
Il convient de tenir compte dun certain nombre de facteurs lorsquon évalue le dysfonctionnement du système nerveux des travailleurs en activité. En premier lieu, plusieurs des fonctions neuropsychologiques et neurophysiologiques soumises à lexamen régressent avec lâge, certaines subissant linfluence de la culture du sujet ou du niveau de léducation quil a reçue. Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte lorsquon considère la relation entre lexposition et les altérations subies par le système nerveux. Pour ce faire, on peut comparer des groupes de statut socio-démographique analogue ou recourir aux méthodes statistiques dajustement. Il importe cependant déviter certains écueils. Par exemple, lancienneté des travailleurs âgés peut être plus longue, et on a suggéré que certaines substances neurotoxiques ont la propriété daccélérer le vieillissement. Sur les lieux de travail, la ségrégation peut confiner les travailleurs peu instruits, les femmes et les membres de minorités dans des postes très exposés. En second lieu, la consommation dalcool, de tabac et de drogues, qui tous contiennent certaines substances neurotoxiques, peut aussi influer sur les symptômes et sur le rendement. Il importe de bien connaître le milieu de travail pour identifier les différents facteurs qui contribuent au dysfonctionnement du système nerveux et mettre en uvre des mesures de prévention.
Les syndromes neurotoxiques que lon doit aux substances qui nuisent au tissu nerveux figurent parmi les dix premières affections professionnelles recensées aux Etats-Unis. Les effets neurotoxiques sont à la base des critères qui servent à fixer les limites dexposition de 40% des agents déclarés dangereux par lInstitut national des Etats-Unis pour la sécurité et la santé au travail (United States National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)).
Un neurotoxique est une substance capable de perturber la fonction normale du tissu nerveux, en causant une détérioration cellulaire irréversible ou en provoquant la mort des cellules. Selon ses caractéristiques propres, un neurotoxique donné attaquera des sites particuliers ou des éléments cellulaires spécifiques du système nerveux. Ces composés, qui sont non polaires, ont une plus grande liposolubilité et, partant, un plus large accès au tissu nerveux que les substances chimiques très polaires et moins liposolubles. Le type et la taille des cellules, ainsi que les divers systèmes neurotransmetteurs affectés dans différentes régions du cerveau, les mécanismes protecteurs détoxifiants innés, de même que lintégrité des membranes cellulaires et des organites intracellulaires, ont tous une influence sur les réactions aux substances neurotoxiques.
Les neurones (le neurone est lunité cellulaire fonctionnelle du système nerveux) se caractérisent par une vitesse de métabolisme élevée et sont le plus exposés aux atteintes neurotoxiques, avant les oligodendrocytes, les astrocytes, les microglies et les cellules de lendothélium capillaire. Les altérations structurelles de la membrane cellulaire réduisent lexcitabilité et entravent la transmission des impulsions. Laction toxique modifie la forme des protéines, la teneur en fluides et la capacité déchange ionique des membranes, ce qui provoque le gonflement des neurones et des astrocytes, ainsi quune détérioration des cellules délicates qui enveloppent les capillaires sanguins. Linterruption des mécanismes neurotransmetteurs bloque laccès aux récepteurs postsynaptiques, produit de faux effets de neurotransmission et altère la synthèse, le stockage, la libération, la reprise ou linactivation enzymatique des neurotransmetteurs naturels. Les manifestations cliniques de la neurotoxicité sont, par conséquent, déterminées par plusieurs facteurs différents: les caractéristiques physiques du neurotoxique, la dose dexposition à cet agent, la vulnérabilité des cellules cibles, laptitude de lorganisme à métaboliser et à excréter le toxique, ainsi que les moyens de récupération des structures et des mécanismes affectés. Le tableau 7.11 énumère plusieurs sources dexposition à des substances chimiques et les syndromes de neurotoxicité qui sy rattachent.
Neurotoxique |
Sources d’exposition |
Diagnostic clinique |
Siège de la pathologie1 |
Métaux |
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Arsenic |
Pesticides; pigments; peinture antiparasite; galvanoplastie; fruits de mer; fonderies; semi-conducteurs |
Aigu: encéphalopathie |
Inconnu a) |
Plomb |
Brasage; grenaille de plomb; whisky clandestin; insecticides; carrosserie automobile; fabrication d’accumulateurs; fonderies; fusion en métallurgie; peinture à base de plomb; tuyauteries en plomb |
Aigu: encéphalopathie |
Vaisseaux sanguins a) |
Manganèse |
Industries du fer et de l’acier; opérations de soudage; opérations de finition des métaux; engrais; fabrication de pièces d’artifice et d’allumettes; fabrication de piles sèches |
Aigu: encéphalopathie |
Inconnu a) |
Mercure |
Instruments scientifiques; matériel électrique; amalgames; galvanoplastie; photographie; fabrication de feutre |
Aigu: céphalée; nausées; début de tremblements |
Inconnu a) |
Etain |
Fabrication de boîtes de conserve; brasage; composants électroniques; plastiques à base de polyvinyle; fongicides |
Aigu: défaillances de la mémoire; crises psychomotrices; désorientation |
Neurones du système limbique a) et c) |
Solvants |
|||
Sulfure de carbone |
Fabrication de rayonne; conservateurs; textiles; colle pour caoutchouc; vernis; galvanoplastie |
Aigu: encéphalopathie |
Inconnu a) |
n-Hexane; méthylbutylcétone |
Peintures; laques; vernis; composés pour nettoyage des métaux; encres à séchage rapide; décapants pour peintures; colles; adhésifs |
Aigu: narcose |
Inconnu a) |
Perchloroéthylène |
Décapants pour peintures; agents de dégraissage; agents d’extraction; nettoyage à sec; industrie textile |
Aigu: narcose |
Inconnu a) |
Toluène |
Solvants pour caoutchouc; agents de nettoyage; colles; fabrication de benzène; essence; carburéacteurs; peintures et diluants; laques |
Aigu: narcose |
Inconnu a) |
Trichloroéthylène |
Agents de dégraissage; industrie de la peinture; vernis; détachants; procédé de décaféinisation, nettoyage à sec; solvants pour caoutchouc |
Aigu: narcose |
Inconnu a) |
Insecticides |
|||
Organophosphorés |
Agriculture; fabrication et application |
Aigu: intoxication cholinergique |
Acétylcholinestérase a) |
Carbamates |
Agriculture; fabrication et application; poudres antipuces |
Aigu: intoxication cholinergique |
Acétylcholinestérase a) |
1 a): effets aigus; c): effets chroniques.
Source: d’après Feldman, 1990, avec autorisation de l’éditeur.
Pour établir le diagnostic dun syndrome de neurotoxicité et pour le différencier des maladies nerveuses dont létiologie nest pas neurotoxique, il importe de bien comprendre la pathogenèse des symptômes neurologiques ainsi que des autres signes et symptômes observés, dêtre conscient du fait que certaines substances peuvent affecter le tissu nerveux, dêtre documenté sur lexposition, davoir la preuve de la présence dune neurotoxine ou de ses métabolites dans les tissus dune personne affectée et détablir la relation temporelle précise entre lexposition et lapparition des symptômes, ainsi que de la régression de ceux-ci après que lexposition a cessé.
Après lapparition des symptômes, il est rare en général que lon dispose de la preuve quune substance neurotoxique a atteint un niveau de dose intoxicante. A moins que le milieu fasse lobjet dun contrôle régulier, il faut nécessairement rester très vigilant pour dépister les cas datteinte neurotoxicologique. Lidentification des symptômes quil est possible de rapporter au système nerveux central ou au système nerveux périphérique, ou encore à lun et à lautre système, peut aider le clinicien à incriminer certaines substances qui ont une prédilection plus marquée pour une partie ou une autre du système nerveux. Les convulsions, la faiblesse, les tremblements ou tressaillements, lanorexie (entraînant la perte de poids), les troubles de léquilibre, la dépression du système nerveux central, la narcose (état de stupeur ou dinconscience), les troubles de la vision, la perturbation du sommeil, lataxie (incapacité de coordonner les mouvements musculaires volontaires), la fatigue et les troubles tactiles sont autant de symptômes communément évoqués après une exposition à certaines substances chimiques. Innombrables sont les symptômes qui constituent les syndromes liés à lexposition aux neurotoxiques.
Des troubles comportant des manifestations à prédominance comportementale, qui vont de la psychose aiguë à la dépression et à lapathie chronique, ont été observés chez certains travailleurs. Il est impérieusement nécessaire de faire la différence entre la défaillance de mémoire associée à dautres maladies neurologiques, par exemple la maladie dAlzheimer, lartériosclérose ou une tumeur du cerveau, et des déficits cognitifs liés à lexposition toxique à des solvants organiques, à des métaux ou à des insecticides. Les troubles passagers de la conscience ou les crises dépilepsie avec ou sans troubles moteurs associés doivent être identifiés par le diagnostic en tant que manifestations primaires distinctes des troubles similaires de la conscience liés à des effets neurotoxiques. Les syndromes subjectifs et comportementaux dintoxication tels que la céphalée, le vertige, la fatigue et laltération de la personnalité revêtent la forme dune encéphalopathie bénigne saccompagnant dune sensation de griserie et peuvent évoquer une exposition au monoxyde de carbone, au dioxyde de carbone, au plomb, au zinc, aux nitrates ou à des mélanges de solvants organiques. Il faut recourir à des tests neuropsychologiques normalisés afin de confirmer les constatations de déficit cognitif chez des sujets supposés atteints dencéphalopathie toxique, quil importe de ne pas confondre avec les syndromes de démence associés à dautres pathologies. Les tests spécifiques appliqués dans les batteries diagnostiques de tests doivent comporter un grand nombre de tests des fonctions cognitives qui permettront de prédire le comportement et la vie quotidienne du sujet, et aussi des tests qui se sont préalablement révélés sensibles aux effets de neurotoxiques connus. Ces batteries normalisées devront comporter des tests qui auront été validés chez des sujets chez qui latteinte cérébrale présente des formes particulières et chez qui lon a constaté des déficits structuraux, afin que lon puisse distinguer clairement ces états pathologiques des effets neurotoxiques. En outre, les tests devront comporter des mesures de contrôle interne permettant de déceler linfluence de la motivation, de lhypocondrie, de la dépression et des difficultés dapprentissage; le langage dont on usera devra tenir compte du contexte culturel et du niveau dinstruction des sujets.
Chez les sujets exposés aux substances toxiques, on observe une progression entre les formes bénignes et les formes graves des atteintes du système nerveux central:
Les travailleurs longtemps exposés à des solvants peuvent présenter des troubles permanents de la fonction du système nerveux central. Du fait que lon se trouve en présence dune abondance de symptômes subjectifs céphalée, fatigue, mémoire défaillante, anorexie, douleurs thoraciques diffuses , il est souvent difficile de confirmer cet état individuellement. Une étude épidémiologique dans laquelle des peintres en bâtiment exposés aux solvants étaient comparés à des travailleurs non exposés de lindustrie a montré, par exemple, que les peintres soumis à des tests psychologiques dévaluation de la capacité intellectuelle et de la coordination psychomotrice obtenaient des résultats moyens nettement inférieurs à ceux des témoins. De même, leurs performances lors des tests de mémoire et de temps de réaction étaient nettement inférieures aux prévisions. Des différences entre des travailleurs exposés aux carburéacteurs pendant plusieurs années et des travailleurs non exposés étaient également perceptibles lors de tests exigeant une attention soutenue et une grande rapidité motrice sensorielle. Des dégradations de la performance psychologique et des altérations de la personnalité ont été signalées aussi chez des peintres en carrosserie automobile. Il sagissait notamment de la mémoire visuelle et verbale, dune moindre réactivité aux émotions et de résultats médiocres obtenus lors de tests dintelligence verbale.
On a décrit récemment un syndrome neurotoxique controversé, le syndrome dintolérance aux produits chimiques, observé sur des sujets présentant une gamme étendue de symptômes qui affectent des systèmes organiques multiples dès lors quils sont exposés à divers produits chimiques présents sur leur lieu de travail ou dans lenvironnement, même à faible dose. Les perturbations de lhumeur se caractérisent par la dépression, la sensation de fatigue, lirritabilité et la difficulté de se concentrer. Les symptômes resurgissent dès que le sujet se retrouve exposé à des stimuli prévisibles, déclenchés par des agents chimiques appartenant à diverses classes structurelles et toxicologiques et reçus à des doses très inférieures à celles qui provoquent des réactions indésirables parmi la population. Plusieurs des symptômes de ce syndrome se manifestent chez des individus qui ne sont affectés que dune forme bénigne daltération de lhumeur, de céphalées, de fatigue, dirritabilité et de prédisposition à loubli lorsquils se trouvent dans un bâtiment mal ventilé où se dégagent des substances volatiles provenant de matériaux de construction et de revêtements de sol synthétiques. Les symptômes disparaissent après que les travailleurs ont évacué les lieux.
La conscience peut être perturbée lorsque le cerveau vient à manquer doxygène par exemple, en présence de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone, de méthane ou dagents qui bloquent la respiration tissulaire, comme lacide cyanhydrique ou dautres agents qui provoquent une imprégnation massive des nerfs, notamment certains solvants. La perte de conscience peut être précédée de convulsions chez les travailleurs exposés à des substances anticholinestérasiques comme les insecticides organophosphorés. Des attaques peuvent aussi se produire chez des sujets atteints dencéphalopathie causée par le plomb associée à un dème cérébral. Les manifestations de toxicité aiguë qui suivent lintoxication par les organophosphorés comportent des symptômes datteinte du système neurovégétatif qui précèdent lapparition détourdissements, de céphalées, de vision trouble, de myosis, de douleurs thoraciques, daccroissement des sécrétions bronchiques et dattaques. Ces manifestations parasympathiques sexpliquent par laction inhibitrice de ces substances toxiques sur lactivité de la cholinestérase.
Un ralentissement des mouvements, une hypertonie musculaire marquée et des anomalies posturales ont été observés chez des travailleurs exposés au manganèse, au sulfure de carbone et à laction toxique dun sous-produit de la mépéridine, la 1-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine (MPTP). Il arrive que les sujets atteints semblent avoir contracté la maladie de Parkinson. Le parkinsonisme secondaire à lexposition aux substances toxiques a les caractéristiques dautres troubles nerveux tels que la chorée et lathétose. Le tremblement typique avec mouvement démiettement («pill-rolling» tremor) napparaît pas dans ces cas qui, généralement, réagissent mal au traitement par la lévodopa. La dyskinésie (dégradation de laptitude au mouvement volontaire) peut être un symptôme commun de lintoxication par le bromométhane. On constate parfois des mouvements spasmodiques des doigts, de la face, des muscles péribuccaux et du cou, ainsi que des spasmes des extrémités. Le tremblement est habituel après lintoxication par le mercure. Il est plus marqué et saccompagne dataxie (incoordination de laction musculaire) à la suite de linhalation de toluène.
Lopsoclonie est une agitation anormale des yeux dans tous les sens, souvent observée dans lencéphalite du tronc cérébral, mais qui peut aussi apparaître après une exposition au chlordécone. Lanomalie consiste en accès irréguliers de mouvements brusques, involontaires et rapides des deux yeux simultanément, de manière coordonnée, qui peuvent être multidirectionnels chez les sujets gravement atteints.
Les travailleurs se plaignent souvent de maux de tête à la suite dune exposition à diverses vapeurs métalliques, vapeurs de zinc notamment et vapeurs de solvants, céphalées qui peuvent sexpliquer par la vasodilatation (élargissement des vaisseaux sanguins), et aussi par ldème du cerveau. La douleur apparaît souvent en pareil cas, de même que dans les intoxications par le monoxyde de carbone, dans lhypoxie (par la raréfaction de loxygène) ou lexposition au dioxyde de carbone. Si le syndrome des bâtiments malsains saccompagne de maux de tête, on estime que la cause en est lexcès de dioxyde de carbone présent dans des locaux insuffisamment ventilés.
Les fibres des nerfs périphériques qui exercent des fonctions motrices prennent naissance dans les neurones moteurs de la corne antérieure de la moelle épinière. Les axones moteurs sétendent vers la périphérie jusquaux muscles quils innervent. Le corps cellulaire dune fibre de nerf sensitif se trouve dans le ganglion de la racine postérieure ou dans la substance grise postérieure de la moelle épinière. Après réception des informations en provenance de la périphérie, détectées par les récepteurs distaux, les impulsions nerveuses parviennent, par conduction centripète, aux corps des cellules nerveuses où se fait la connexion avec les voies de la moelle épinière qui transmettent les informations au tronc cérébral et aux hémisphères cérébraux. Certaines fibres sensitives sont reliées directement à des fibres motrices à lintérieur de la moelle épinière, constituant ainsi la base de lactivité réflexe et des réponses motrices rapides aux sensations nocives. Ces interactions sensitivo-motrices existent dans toutes les parties du corps; les nerfs crâniens sont les équivalents des nerfs périphériques prenant naissance dans les neurones du tronc cérébral et non pas de la moelle épinière. Les fibres des nerfs sensitifs et des nerfs moteurs suivent des parcours communs en faisceaux et sont dénommés nerfs périphériques.
On distingue plusieurs modes daction toxique visant les fibres des nerfs périphériques: certaines substances toxiques affectent sélectivement les axones (axonopathies), dautres provoquent un déficit sensitivo-moteur distal, dautres encore attaquent en priorité la gaine de myéline et les cellules de Schwann. Les axonopathies sont manifestes aux stades précoces dans les membres inférieurs où les axones sont les plus longs et les plus éloignés du corps de la cellule nerveuse. Une démyélinisation se produit au hasard dans les segments situés entre les étranglements de Ranvier. Si la dégradation axonale est suffisamment sévère, une démyélinisation secondaire survient; aussi longtemps que les axones restent intacts, la régénération des cellules de Schwann et la remyélinisation demeurent possibles. Un tableau fréquemment observé dans les neuropathies dorigine toxique est laxonopathie distale suivie dune démyélinisation segmentaire secondaire. La déperdition de myéline réduit la vitesse de conduction des impulsions nerveuses. Cest alors que sétablissent de façon intermittente des fourmillements et un engourdissement graduels qui évoluent jusquà la perte de sensibilité, des accès de paresthésie et la faiblesse musculaire, tous symptômes imputables à la détérioration des fibres motrices et sensitives. La neuropathie périphérique se caractérise alors par la régression ou la disparition des réflexes tendineux et par des tableaux anatomiquement concordants de déficit sensoriel, plus marqué dans les membres inférieurs que dans les membres supérieurs.
On a observé parfois des faiblesses motrices dans les extrémités distales, qui évoluent jusquà linstabilité de la démarche et linaptitude à saisir les objets. Les portions distales des membres sont plus sévèrement atteintes, mais dans les cas graves, laffaiblissement, voire latrophie des muscles proximaux peuvent sensuivre. Les groupes de muscles extenseurs sont touchés avant les fléchisseurs. Les symptômes peuvent parfois progresser pendant quelques semaines, même après que lexposition a cessé. Il arrive que la détérioration de la fonction nerveuse persiste plusieurs semaines après que le sujet a été soustrait à lexposition.
Selon le type de la neuropathie et sa gravité, un examen électrophysiologique des nerfs périphériques peut être utile pour rassembler un complément dinformations sur la fonction déficiente. On pourra observer une réduction de la vitesse de conduction, de moindres amplitudes des potentiels daction des nerfs sensitifs ou moteurs et même des temps de latence prolongés. La diminution des vitesses de conduction motrice ou sensitive accompagne en général une démyélinisation des fibres nerveuses. Si les valeurs de la vitesse de conduction restent normales en présence dune atrophie musculaire, il faut suspecter une neuropathie axonale. Des exceptions sont possibles sil se produit une déperdition progressive de fibres des nerfs moteurs ou sensitifs dans la neuropathie axonale, qui retentit sur la vitesse maximale de conduction, par suite de labandon des fibres nerveuses de plus grand diamètre dont la conduction est plus rapide. La régénération des fibres se produit aux premiers stades de la guérison, dans le cas des axonopathies caractérisées par le ralentissement de la conduction, en particulier dans les segments distaux. Lexamen électrophysiologique des sujets atteints de neuropathie toxique devrait comporter des mesures de la vitesse de conduction motrice et sensitive dans les membres supérieurs et inférieurs. Il importe daccorder une attention particulière aux caractéristiques de conduction avant tout sensitive du nerf sural de la jambe. Cette observation revêt un grand intérêt lorsque le nerf sural est ensuite utilisé à des fins de biopsie, car il permet détablir une corrélation anatomique entre lhistologie des fibres nerveuses effilées et les caractéristiques de conduction. Une étude électrophysiologique différentielle des capacités de conduction des segments proximaux par rapport aux segments distaux dun nerf est utile en ce quelle permet de déterminer une axonopathie distale dorigine toxique ou pour localiser un blocage neuropathique de la conduction, sans doute imputable à une démyélinisation.
Lorsquon suspecte une polyneuropathie neurotoxique, il importe den bien connaître la physiopathologie. Par exemple, chez des sujets qui présentent une neuropathie causée par le n-hexane et la méthylbutylcétone, les vitesses de conduction des nerfs moteurs sont réduites, mais, dans certains cas, les valeurs peuvent se maintenir dans une fourchette normale si seules les fibres dexcitation les plus rapides se trouvent stimulées et sont prises en considération dans le résultat de lévaluation. Etant donné que les solvants neurotoxiques à base dhexacarbone provoquent une dégénérescence axonale, des altérations secondaires affectent la myéline et expliquent la régression généralisée de la vitesse de conduction, bien que sa valeur se situe dans la plage normale ménagée par les fibres conductrices préservées.
Les techniques électrophysiologiques comprennent des tests spéciaux autres que les mesures de la vitesse directe de conduction ou les recherches portant sur lamplitude et la latence. Les potentiels somatosensitifs évoqués, les potentiels auditifs évoqués et les potentiels visuels évoqués sont autant de moyens détudier les caractéristiques des systèmes conducteurs sensitifs, et aussi certains nerfs crâniens spécifiques. On peut étudier les circuits afférents-efférents en recourant à des tests du clignotement réflexe qui suscitent des réponses du cinquième nerf crânien au septième muscle crânien innervé; les réflexes H font intervenir les voies des réflexes moteurs segmentaires. La stimulation par les vibrations sélectionne les fibres de gros calibre parmi les plus petites que lon observe. Il existe des techniques électroniques bien maîtrisées qui permettent de mesurer le seuil à partir duquel on pourra obtenir une réponse, puis de déterminer la vitesse de transmission de cette réponse ainsi que lamplitude de la contraction musculaire, ou lamplitude et la configuration dun potentiel daction sensitive évoqué. Tous les résultats physiologiques devront être évalués en fonction du tableau clinique, ce qui nécessite une bonne compréhension du processus physiopathologique sous-jacent.
Différencier un syndrome neurotoxique dune maladie neurologique primaire soumet le médecin du travail à un formidable défi. Rassembler une anamnèse cohérente, maintenir un degré élevé de suspicion et assurer à chacun des sujets comme aux collectivités dont il a la charge un suivi de qualité, tels sont à la fois son devoir et son réconfort. Le dépistage précoce de la maladie imputable aux agents toxiques là où ils se trouvent ou dune exposition particulière est impérieusement nécessaire, car un diagnostic éclairé permet de soustraire précocement un individu aux risques que lexposition à une substance toxique fait courir à sa santé et de prévenir une affection neurologique peut-être irréversible. En outre, le dépistage le plus précoce possible des atteintes dans un milieu particulier peut permettre dapporter des changements qui protégeront ceux qui se trouvent encore épargnés.
Les signes et symptômes neurologiques subcliniques sont observés depuis longtemps parmi les travailleurs actifs exposés aux neurotoxiques, mais ce nest que depuis le milieu des années soixante que les efforts de recherche se sont concentrés sur le développement de batteries de tests sensibles capables de déceler les changements discrets, difficilement perceptibles, qui sont présents aux stades précoces de lintoxication dans les fonctions perceptives, psychomotrices, cognitives, sensorielles et motrices, et qui les affectent.
La première batterie de tests neurocomportementaux destinée aux études sur les lieux de travail a été mise au point par Helena Hänninen, qui a fait uvre de pionnier dans lexamen des déficits comportementaux imputables à lexposition aux substances toxiques (batteries de tests Hänninen) (Hänninen et Lindstrom, 1979). Depuis lors, des efforts ont été déployés dans le monde entier pour créer et, dans certains cas, informatiser des batteries de tests comportementaux. Anger (1990) a décrit cinq de ces batteries mises au point en Australie, en Suède, en Grande-Bretagne, en Finlande et aux Etats-Unis, ainsi que deux batteries de dépistage des substances neurotoxiques en provenance des Etats-Unis, qui ont servi pour des études portant sur des travailleurs exposés aux neurotoxiques. En outre, le Neurobehavioral Evaluation System (NES) (Système informatisé dévaluation comportementale des neurotoxiques) et le Swedish Performance Evaluation System (SPES) (Système suédois dévaluation des performances) ont été largement utilisés partout dans le monde. Il existe également des batteries de tests conçues pour létude des fonctions sensorielles, notamment pour la mesure de la vision, du seuil de perception vibrotactile, de lodorat, de louïe et des mouvements de va-et-vient (Mergler, 1995). Des recherches concernant plusieurs agents neurotoxiques ont été conduites à laide de lune ou lautre de ces batteries, qui ont largement enrichi nos connaissances quant aux atteintes neurotoxiques précoces; il nen a pas moins été difficile de procéder à des comparaisons de recoupement, compte tenu du nombre de tests différents qui, sous des appellations similaires, peuvent être utilisés selon des protocoles différents eux aussi.
Dans lintention de normaliser les informations puisées dans les études consacrées aux substances neurotoxiques, un groupe de travail de lOrganisation mondiale de la santé (OMS) (Johnson, 1987) a proposé la notion de batterie «de base». Sappuyant sur les connaissances acquises à lépoque de la réunion (1985), le groupe de travail a sélectionné un certain nombre de tests afin de constituer la Neurobehavioral Core Test Battery (NCTB) (Batterie de tests neurocomportementaux de base), instrument relativement peu coûteux, actionné manuellement, qui a été utilisé avec succès dans plusieurs pays (Anger et coll., 1993). Les tests qui composent cette batterie ont été choisis pour incorporer plusieurs domaines spécifiques du système nerveux dont on savait depuis un certain temps déjà quils répondaient aux atteintes neurotoxiques. Une batterie de base plus récente, qui comporte des tests manuels et des tests informatisés, vient dêtre proposée par un groupe de travail de lAgence des Etats-Unis pour lenregistrement des substances toxiques et des maladies (United States Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR)) (Hutchinson et coll., 1992). Ces deux batteries sont présentées au tableau 7.12.
Batteries de tests neurocomportementaux de base |
Ordre des tests |
Agence pour l’enregistrement des substances toxiques et des maladies |
||
Domaine fonctionnel |
Test |
|
Domaine fonctionnel |
Test |
Sûreté motrice |
Viser (mouvement de visée en poursuite) |
1 |
Vision |
Acuité visuelle, sensibilité au contraste proximal |
Attention/vitesse de réponse |
Temps de réaction simple |
2 |
|
Vision des couleurs (test désaturé Lanthony D-15) |
Vitesse motrice perceptive |
Codage (WAIS-R) |
3 |
Somatosensitif |
Seuil de perception vibrotactile |
Dextérité manuelle |
Santa Ana (version d’Helsinki) |
4 |
Force motrice |
Dynamomètre (avec évaluation de la fatigue) |
Perception/visuelle/mémoire |
Rétention visuelle de Benton |
5 |
Coordination motrice |
Santa Ana |
Mémoire auditive |
Mémoire des chiffres (WAIS-R, WMS) |
6 |
Fonction intellectuelle supérieure |
Matrices progressives de Raven (révisées) |
Affect |
Profil des états d’humeur |
7 |
Coordination motrice |
Test de frappement des doigts (une main)1 |
|
|
8 |
Attention soutenue (cognitif), vitesse (moteur) |
Temps de réaction simple (étendu)1 |
|
|
9 |
Codage cognitif |
Chiffre symbole avec rappel retardé1 |
|
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10 |
Apprentissage et mémoire |
Apprentissage de chiffres en série1 |
|
|
11 |
Indice de niveau d’éducation |
Vocabulaire1 |
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12 |
Humeur |
Echelle de l’humeur1 |
1 Existe en version informatisée.
WAIS = Wechsler Adult Intelligence Scale (Echelle d’intelligence de Wechsler pour adultes).
WMS = Wechsler Memory Scale (Echelle clinique de mémoire de Wechsler).
Les auteurs des deux batteries de tests «de base» insistent sur le fait que, si ces batteries sont certes utiles pour la normalisation des résultats, elles ne pourvoient nullement à lévaluation détaillée des fonctions du système nerveux. Il conviendra duser de tests complémentaires différents selon le type dexposition; par exemple, une batterie de tests propres à évaluer le dysfonctionnement du système nerveux chez des travailleurs exposés au manganèse comprendra une forte proportion de tests des fonctions motrices, en particulier de ceux qui exigent des mouvements alternés rapides, tandis quun test destiné à des travailleurs exposés au méthylmercure comprendra des contrôles du champ visuel. Le choix des tests pour un lieu de travail quelconque doit être fait à partir de ce que lon sait communément de laction du toxique particulier, ou des toxiques auxquels des personnes sont exposées.
Des batteries de tests plus sophistiquées, mises en uvre et interprétées par des psychologues spécialement formés sont un élément critique de lévaluation clinique de lintoxication neurotoxique (Hart, 1988). Cette évaluation comprend des tests de laptitude intellectuelle, de lattention, de la concentration et de lorientation, de la mémoire, de la perception visuelle, des aptitudes constructives et motrices, du langage, des fonctions de conception et dexécution, du bien-être psychologique, ainsi quune évaluation dune simulation éventuelle. Le profil de la performance dun sujet est examiné à la lumière des éléments passés et présents de lanamnèse médicale et psychologique, et aussi des antécédents dexposition. Le diagnostic final se fonde sur une pléiade de déficits interprétés en corrélation avec le type dexposition considéré.
Les études concernant les effets des substances neurotoxiques comportent dordinaire des mesures des troubles affectifs ou de la personnalité, sous la forme de questionnaires relatifs aux symptômes, aux échelles de lhumeur ou aux indices de la personnalité. La NCTB décrite plus haut comporte le Profile of Mood States (POMS) (profil des états dhumeur), évaluation quantitative de lhumeur. Soixante-cinq adjectifs qualificatifs se rapportant aux variations de lhumeur dun sujet durant les huit derniers jours écoulés sont appliqués aux degrés de tension, de dépression, dhostilité, de vigueur, de fatigue et de confusion. La plupart des études comparatives de lexposition aux neurotoxiques sur le lieu de travail font état de différences entre sujets exposés et sujets non exposés. Une étude concernant des travailleurs exposés au styrène rapporte des relations dose-réponse entre le taux, mesuré après un poste de travail, dacide mandélique urinaire (lindicateur biologique du styrène) et les taux mesurés de tension, dhostilité, de fatigue et de confusion (Sassine et coll., 1996).
Des tests de plus longue durée et plus élaborés portant sur lhumeur et la personnalité, comme le Minnesota Multiphasic Personality Index (MMPI) (Indice multiphasique de la personnalité du Minnesota), qui rendent compte à la fois détats émotionnels et de caractéristiques de la personnalité, ont été appliqués dans un premier temps à lévaluation clinique, mais aussi par la suite à létude du lieu de travail. Cet indice permet en outre dévaluer lexagération des symptômes et les réponses inconsistantes. Dans une étude portant sur des travailleurs de la microélectronique qui avaient été exposés à des substances neurotoxiques, les résultats de lindice faisaient ressortir des niveaux cliniquement significatifs de dépression, danxiété, de préoccupations somatiques et de perturbation de la réflexion (Bowler et coll., 1991).
Lactivité électrique que produit la transmission de linformation le long des fibres nerveuses, ainsi quentre une cellule et une autre, peut être enregistrée et servir à déterminer ce qui se passe dans le système nerveux de personnes ayant subi une exposition toxique. Linterférence avec lactivité neuronale peut ralentir la transmission ou modifier le schéma électrique. Les enregistrements électrophysiologiques exigent des instruments précis et sont le plus souvent pratiqués en laboratoire ou en milieu hospitalier. Des initiatives ont toutefois été prises pour mettre au point un matériel plus léger et transportable, qui se prête mieux à lutilisation sur les lieux de travail.
Les mesures électrophysiologiques enregistrent la réponse globale dun grand nombre de fibres nerveuses ou dautres fibres; pour quune altération puisse être correctement enregistrée, elle doit avoir déjà pris une extension considérable. Ainsi donc, dans le cas de la plupart des substances neurotoxiques, les symptômes, de même que les altérations sensorielles, motrices et cognitives, peuvent en général être décelés parmi des groupes de travailleurs exposés avant quil soit possible dobserver des différences électrophysiologiques. Pour ce qui est de lexamen clinique des personnes chez qui lon suspecte des troubles neurotoxiques, les méthodes électrophysiologiques renseignent sur le type et létendue des atteintes du système nerveux. Seppäläinen (1988) a publié une récapitulation des techniques électrophysiologiques appliquées à la détection précoce des manifestations de neurotoxicité chez des êtres humains.
La vitesse de conduction des nerfs sensitifs, en direction du cerveau, et des nerfs moteurs, à partir du cerveau, se mesure par électroneurographie (ENG). On peut calculer la vitesse de conduction nerveuse en opérant des stimulations en différents points du corps et en les enregistrant en un autre point. Cette technique peut fournir des informations en ce qui concerne les grandes fibres myélinisées; sil se produit une démyélinisation, la vitesse de conduction diminue. Des vitesses de conduction réduites ont souvent été observées chez des travailleurs exposés au plomb, en labsence de symptômes neurologiques (Maizlish et Feo, 1994). Des vitesses réduites de conduction des nerfs périphériques ont aussi été associées à dautres neurotoxiques, par exemple au mercure, aux hexacarbones, au sulfure de carbone, au styrène, à la méthyl-n-butylcétone, à la méthyléthylcétone, ainsi quà certains mélanges de solvants. Lexposition au trichloroéthylène affecte le nerf trijumeau (un nerf facial). Toutefois, si la substance toxique agit dabord sur les fibres peu myélinisées ou dépourvues de myéline, les vitesses de conduction restent le plus souvent normales.
On recourt à lélectromyographie (EMG) pour mesurer lactivité électrique dans les muscles. Des anomalies électromyographiques ont été observées chez des travailleurs exposés à des substances telles que le n-hexane, le sulfure de carbone, la méthyl-n-butylcétone, le mercure et certains pesticides. Ces altérations saccompagnent souvent de modifications électroneurographiques et de symptômes de neuropathie périphérique.
Lélectroencéphalographie (EEG) permet de mettre en évidence les variations des ondes cérébrales. Chez des sujets intoxiqués par des solvants organiques, on a observé des anomalies locales et diffuses des ondes lentes. Certaines études rapportent des altérations de lélectroencéphalogramme imputables à lexposition prolongée à des pesticides à base de composés organophosphorés et de phosphure de zinc.
La méthode des potentiels exposés fournit un autre moyen dexaminer lactivité du système neveux en réaction à une stimulation sensorielle. On pose des électrodes enregistreuses sur lemplacement spécifique du cerveau qui répond aux stimuli particuliers et on enregistre le degré de latence et lamplitude du potentiel lent relié à lévénement. Des temps de latence accrus ou des valeurs maximales damplitude réduites, ou ces deux phénomènes à la fois, ont été observés, qui répondaient à des stimuli visuels, auditifs ou somatosensitifs dune gamme étendue de substances neurotoxiques.
Lélectrocardiographie permet denregistrer les variations de la conduction électrique du cur. Quoiquelle ne soit pas souvent utilisée dans les études portant sur des substances neurotoxiques, des variations des ondes électrocardiographiques ont été observées chez des sujets exposés au trichloroéthylène.
Les enregistrements électro-oculographiques ont révélé des altérations des mouvements des yeux chez des travailleurs exposés au plomb.
Depuis quelques années, plusieurs techniques dimagerie cérébrale ont été mises au point. Les images obtenues par tomodensitométrie révèlent lanatomie du cerveau et de la moelle épinière. Elles ont été utilisées pour étudier latrophie cérébrale chez des travailleurs et des patients exposés aux solvants, mais les résultats ne sont guère probants. Avec limagerie par résonance magnétique, on peut examiner le système nerveux en utilisant un champ magnétique puissant. Cette méthode est particulièrement utile pour lexamen clinique en ce quelle permet décarter un diagnostic concurrent, par exemple celui des tumeurs du cerveau. La tomographie par émission de positrons, qui livre des images des processus biochimiques, a été utilisée avec succès pour létude des altérations que lintoxication par le manganèse inflige au cerveau. La tomodensitométrie par émission dun photon unique renseigne sur le métabolisme cérébral et se révélera peut-être comme un moyen de mieux comprendre de quelle façon les neurotoxiques agissent sur le cerveau. Toutes ces techniques sont extrêmement coûteuses et, partant, ne sont guère accessibles à tous les hôpitaux et à tous les laboratoires.
Le diagnostic des maladies neurotoxiques nest pas chose facile. Deux sortes derreurs guettent le praticien: ou bien lon na pas établi quun agent neurotoxique était à lorigine des symptômes neurologiques, ou bien les symptômes neurologiques (et surtout neurocomportementaux) ont été diagnostiqués à tort comme résultant dune exposition neurotoxique de caractère professionnel. Dans lun et lautre cas, lerreur peut être lourde de risque, le diagnostic précoce étant important sil sagit dune maladie neurotoxique et le meilleur traitement consistant à soustraire le sujet à lexposition prolongée et à surveiller létat de santé des autres travailleurs afin que lexposition au même risque leur soit épargnée. Dun autre côté, il peut arriver que, sur un lieu de travail, des inquiétudes infondées agitent le personnel parce quun travailleur se dit porteur de graves symptômes quil impute à lexposition à des substances chimiques, alors quen fait ou bien il se trompe, ou bien le risque nexiste pas réellement pour les autres travailleurs. Il existe en outre une raison pratique de pouvoir recourir à des procédures fiables de diagnostic, puisque dans maints pays le diagnostic et le traitement des maladies professionnelles, ainsi que le déficit de la capacité de travail et linvalidité imputables à ces maladies, sont couverts par lassurance; il sensuit que la réparation financière peut être contestée si les critères de diagnostic ne sont pas solides. Le tableau 7.13 présente un exemple darbre de décision pour lévaluation des affections neurologiques.
I. |
Evaluer l’exposition: |
II. |
Rassembler les symptômes: |
III. |
Signes et tests complémentaires: |
IV. |
Autres maladies exclues par le diagnostic différentiel |
Les syndromes de neurotoxicité aiguë se rencontrent surtout dans des circonstances accidentelles, des travailleurs se trouvant brièvement exposés à des doses très élevées dune substance chimique ou dun mélange de substances chimiques, en général par inhalation. Les vertiges, les malaises et parfois la perte de conscience consécutifs à la dépression du système nerveux central sont les symptômes les plus courants. Lorsque le sujet est soustrait à lexposition, les symptômes disparaissent assez rapidement, à moins que lexposition ait été intense au point de mettre la vie en danger, auquel cas le coma et la mort peuvent sensuivre. Dans de telles circonstances, la reconnaissance du risque doit absolument se faire sur le lieu de travail même et la victime doit être évacuée aussitôt et transportée à lair pur.
En règle générale, les symptômes datteinte neurotoxique apparaissent après une exposition brève ou de longue durée, et lexposition professionnelle se situe bien souvent à des niveaux relativement bas. En pareil cas, les symptômes aigus peuvent sêtre manifestés au travail, mais il nest pas nécessaire quils soient présents pour diagnostiquer une encéphalopathie toxique chronique ou une neuropathie toxique chronique. Quoi quil en soit, les sujets se plaignent fréquemment de maux de tête, détourdissements ou dirritation des muqueuses à la fin de la journée de travail, mais ces symptômes seffacent habituellement la nuit, durant les fins de semaine ou pendant les vacances. A cet égard, on peut se référer utilement à la liste de pointage reproduite plus haut au tableau 7.10.
Dans lhypothèse où le sujet a été exposé à des substances chimiques neurotoxiques, le diagnostic des maladies neurotoxiques commence par la recherche des symptômes. En 1985, un groupe de travail conjoint de lOrganisation mondiale de la santé (OMS) et du Nordic Council of Ministers (Conseil des ministres des pays nordiques) a étudié la question de lintoxication par les solvants organiques et établi une série de symptômes de base que lon observe dans la plupart des cas (OMS/Nordic Council of Ministers, 1985). Les symptômes de base sont la fatigabilité, lamnésie, la difficulté de se concentrer et la perte dinitiative. En général, ces symptômes se manifestent tout dabord après une modification fondamentale de la personnalité qui évolue progressivement et affecte lénergie, lintellect, lémotivité et la motivation. Parmi les autres symptômes de lencéphalopathie toxique chronique, il faut citer la dépression, la dysphorie, la labilité émotionnelle, les céphalées, lirritabilité, les troubles du sommeil et les vertiges. Si le système nerveux périphérique est lui aussi atteint, le sujet peut avoir à se plaindre détourdissements et parfois de faiblesse musculaire. Ces symptômes chroniques peuvent sétendre sur une année au moins après que lexposition proprement dite a cessé.
Lexamen clinique devrait comprendre des observations neurologiques, où lattention devrait se concentrer sur laltération des fonctions nerveuses supérieures, par exemple la mémoire, la cognition, le raisonnement et lémotion; sur laltération des fonctions du cervelet, qui se traduit par des tremblements, des troubles de la démarche, de la statique et de la coordination; enfin, sur les fonctions du système nerveux périphérique, en particulier par des tests de la sensibilité aux vibrations et dautres tests de contrôle des sensations. Des tests psychologiques peuvent fournir des mesures objectives des fonctions du système nerveux supérieur, notamment les fonctions psychomotrices, celle de la mémoire immédiate, du raisonnement verbal et non verbal, et de la perception. Aux fins du diagnostic individuel, les tests devraient comporter quelques épreuves qui renseignent sur le niveau intellectuel du sujet avant la maladie. La recherche des antécédents de performance scolaire, puis professionnelle, de même que des tests psychologiques que le sujet pourrait avoir subi antérieurement, par exemple à loccasion du conseil de révision préalable au service militaire, peuvent faciliter lévaluation du niveau normal de performance du sujet.
Des tests quantitatifs portant sur les modalités sensorielles, la sensibilité aux vibrations et la thermosensibilité permettent détudier le système nerveux périphérique. Les observations sur la vitesse de conduction nerveuse et lélectromyographie peuvent souvent révéler une neuropathie à un stade précoce. Il convient dans ces tests daccorder une attention toute particulière aux fonctions des nerfs sensitifs. Lamplitude du potentiel daction sensorielle décroît plus souvent que la vitesse de conduction des nerfs sensitifs dans les neuropathies axonales, et la plupart des neuropathies toxiques sont de nature axonale. Les études neuroradiologiques telles que la tomodensitométrie et limagerie par résonance magnétique ne signalent généralement rien de pertinent quant à lencéphalopathie toxique chronique, mais peuvent se révéler utiles pour le diagnostic différentiel.
Aux fins de ce diagnostic, précisément, dautres maladies neurologiques et psychiatriques doivent être prises en considération. La démence détiologie différente doit être écartée, de même que les symptômes de dépression et de stress causés par divers agents. Il peut être nécessaire de procéder à une consultation psychiatrique. Labus dalcool est un facteur qui prête à confusion, car il suscite des symptômes analogues à ceux que cause lexposition aux solvants et, par ailleurs, certains travaux publiés font état dune exposition aux solvants qui peut inciter le sujet à abuser des boissons alcooliques. Il importe également décarter certaines causes de neuropathies, en particulier les syndromes de provocation, le diabète et les affections rénales; la consommation dalcool est également une cause de neuropathie. La combinaison de lencéphalopathie et de la neuropathie est plus susceptible de se révéler dorigine toxique que chacune de ces pathologies prise séparément.
Avant darrêter la décision définitive, il importe dévaluer une nouvelle fois lexposition. Y a-t-il eu une exposition qualifiée, compte tenu de son niveau, de sa durée et de sa qualité? Les solvants sont plus susceptibles dinduire un syndrome psycho-organique ou une encéphalopathie toxique; le plus souvent, toutefois, les hexacarbones causent dabord une neuropathie. Le plomb et certains autres métaux provoquent des neuropathies, quoique limplication du système nerveux central puisse être décelée ultérieurement.
* D'après Axelson, 1996.
Les observations cliniques ont permis de rassembler assez tôt des connaissances sur les effets neurotoxiques dexpositions de caractère professionnel. Les effets constatés étaient plus ou moins aigus et se rapportaient à lexposition à des métaux tels que le plomb et le mercure, ou à des solvants comme le sulfure de carbone et le trichloroéthylène. Avec le temps, cependant, des effets plus chroniques et cliniquement moins affirmés dagents neurotoxiques ont pu être évalués par les méthodes modernes dexamen et par des études systématiques portant sur des collectivités plus nombreuses quauparavant. Il nen reste pas moins que linterprétation des constatations, par exemple des effets chroniques de lexposition aux solvants (Arlien-Søborg, 1992), prête à controverse et à débat.
Sil est toujours difficile dinterpréter les effets neurotoxiques chroniques, cela tient à la fois à la diversité et à limprécision des symptômes et des signes, et au problème corollaire que pose la définition dune entité pathologique pertinente qui se prête à des études épidémiologiques concluantes. Par exemple, dans le cas de lexposition aux solvants, les effets chroniques pourraient comprendre les problèmes de mémoire et de concentration, la fatigue, labolition de linitiative, une labilité affective, lirritabilité et parfois aussi des vertiges, des céphalées, une intolérance à lalcool et une régression de la libido. Les méthodes neurophysiologiques ont également révélé diverses perturbations fonctionnelles, difficiles elles aussi à condenser en une même entité pathologique.
De même, divers effets neurocomportementaux semblent devoir être imputés à dautres expositions professionnelles, telles que lexposition modérée au plomb ou le soudage accompagné dune exposition discrète à laluminium, au plomb ou au manganèse, ou encore lexposition à des pesticides. Là aussi, on se trouve en présence de signes neurophysiologiques ou neurologiques tels que la polyneuropathie, les tremblements et la perte déquilibre chez des sujets exposés aux composés organochlorés, aux composés organophosphorés et à dautres insecticides.
Etant donné les problèmes épidémiologiques que pose la définition dune entité pathologique parmi les nombreux types deffets neurocomportamentaux dont il a été question, il est également devenu naturel de prendre en considération certains troubles neuropsychiatriques plus ou moins bien définis sur le plan clinique et liés à des expositions de type professionnel.
Depuis les années soixante-dix, plusieurs études se sont concentrées tout particulièrement sur lexposition aux solvants et sur le syndrome psycho-organique, lorsquil est assez grave pour entraîner lincapacité. Plus récemment, la démence dAlzheimer, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique et les états apparentés ont retenu lattention des spécialistes de lépidémiologie professionnelle.
Pour ce qui concerne lexposition aux solvants et le syndrome psycho-organique (ou encéphalopathie toxique chronique en médecine clinique professionnelle, lorsque lexposition est prise en compte dans le diagnostic), le problème de la définition dune entité pathologique pertinente se posait et incitait en premier lieu à considérer en bloc les diagnostics dencéphalopathie, de démence et datrophie cérébrale, la névrose, la neurasthénie et la nervosité étant également incluses comme des manifestations non nécessairement distinctes dans la pratique médicale (Axelson, Hane et Hogstedt, 1976). Dernièrement, des entités pathologiques plus spécifiques, telles que la démence organique et latrophie cérébrale, ont aussi été associées à lexposition aux solvants (Cherry, Labrèche et McDonald, 1992). Les résultats nont cependant pas été tout à fait cohérents, car aucune fréquence excessive de «démence présénile» na été constatée à loccasion dune étude cas-témoins à grande échelle conduite aux Etats-Unis et qui portait sur 3 565 cas de troubles neuropsychiatriques divers comparés à 83 245 témoins hospitalisés (Brackbill, Maizlish et Fischbach, 1990). Toutefois, dans une comparaison portant sur des peintres en bâtiment et des maçons, on a enregistré un excédent de 45% environ de cas de troubles neuropsychiatriques suivis dincapacité chez les peintres de race blanche, à lexception des peintres au pistolet.
Il semble également que lexposition professionnelle joue un rôle dans les troubles plus caractérisés que le syndrome psycho-organique. Ainsi, en 1982, une relation entre la sclérose en plaques et lexposition aux solvants par des colles a été signalée pour la première fois dans lindustrie italienne de la chaussure (Amaducci et coll., 1982). Cette relation sest trouvée considérablement renforcée par des travaux publiés ultérieurement en Scandinavie (Flodin et coll., 1988; Landtblom et coll., 1993; Grönning et coll., 1993) et ailleurs, au point que treize études contenant des informations sur lexposition aux solvants ont pu être mentionnées dans une revue (Landtblom et coll., 1996). Dix de ces études étaient assez riches en données pour trouver place dans une méta-analyse dont il ressort que les personnes exposées aux solvants courent un risque deux fois plus grand que les personnes non exposées de développer la sclérose en plaques. Certaines études associent également la sclérose en plaques aux travaux radiologiques, au soudage et au travail avec les herbicides phénoxy (Flodin et coll., 1988; Landtblom et coll., 1993). La maladie de Parkinson semble plus fréquente dans les zones rurales (Goldsmith et coll., 1990) où elle frappe en particulier les jeunes (Tanner, 1989). Plus intéressante encore, une étude publiée à Calgary (Canada) révèle que le risque est triplé en cas dexposition à des herbicides (Semchuk, Love et Lee, 1992).
Tous les sujets qui se souvenaient dexpositions spécifiques ont rendu compte dune exposition aux herbicides phénoxy ou aux thiocarbamates. Lun deux sest souvenu de lexposition au paraquat, chimiquement apparenté à la N-méthyl-4-phényl-1,2,3,6-tétrahydropyridine (MPTP) et à laquelle on impute un syndrome de type parkinsonien. Toutefois, ce syndrome na pas été observé chez le personnel exposé au paraquat (Howard, 1979). Des études cas-témoins en provenance du Canada, de Chine, dEspagne et de Suède font état dune relation avec lexposition à des substances chimiques non désignées, utilisées dans lindustrie, à des pesticides et à des métaux, en particulier au manganèse, au fer et à laluminium (Zayed et coll., 1990).
Une étude publiée aux Etats-Unis rapporte un risque accru datteinte des neurones moteurs, qui cumule les symptômes de sclérose latérale amyotrophique, de paralysie bulbaire progressive et datrophie musculaire progressive, associés au soudage et au brasage (Armon et coll., 1991). Le soudage apparaît également comme un facteur de risque, tout comme les travaux électriques et le travail avec des produits dimprégnation, dans une étude suédoise (Gunnarsson et coll., 1992). Dans le cas dune prédisposition héréditaire à des pathologies de neurodégénérescence et de thyroïdisme, compliquée par lexposition aux solvants chez les sujets de sexe masculin, le risque atteint 15,6. Dautres études font également valoir que lexposition au plomb et aux solvants peut revêtir une certaine importance (Campbell, Williams et Barltrop, 1970; Hawkes, Cavanagh et Fox, 1989; Chio, Tribolo et Schiffer, 1989; Sienko et coll., 1990).
En ce qui concerne la maladie dAlzheimer, une méta-analyse groupant onze études cas-témoins (Graves et coll., 1991) ne rapporte aucun indice concluant de risque professionnel, mais, plus récemment, un risque accru que courraient les ouvriers a été signalé (Fratiglioni et coll., 1993). Une autre étude récente, qui incluait notamment des sujets très âgés, faisait valoir que lexposition aux solvants pouvait constituer un facteur de risque assez important (Kukull et coll., 1995). Lhypothèse récente selon laquelle la maladie dAlzheimer pourrait être rapportée à lexposition à des champs électromagnétiques était plus surprenante encore (Sobel et coll., 1995). Ces deux dernières études vont sans doute stimuler lintérêt porté à plusieurs investigations nouvelles conduites selon les protocoles indiqués.
Ainsi donc, compte tenu des perspectives qui souvrent aujourdhui à la neuro-épidémiologie, telles quelles viennent dêtre brièvement évoquées, il semble quil y ait de bonnes raisons dentreprendre de nouvelles études en relation avec le travail et portant sur des troubles neurologiques et neuropsychiatriques plus ou moins négligés jusquà présent. Il nest pas impossible que diverses expositions professionnelles contribuent à lapparition de ces troubles comme il arrive, nous lavons vu, dans le cas de nombreuses formes de cancer. En outre, de même que dans la recherche des causes du cancer, des éléments dinformation ouvrant des perspectives nouvelles quant aux causes profondes de quelques-uns parmi les troubles neurologiques les plus graves et quant aux mécanismes qui les déclenchent pourront nous être révélés par lépidémiologie professionnelle.