Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont une des principales causes de maladie professionnelle, dans les pays développés comme dans les pays en développement. Ils affectent la qualité de vie de pratiquement tout le monde au cours de lexistence. Leur coût annuel est élevé: dans les pays nordiques, par exemple, on estime quils représentent entre 2,7 et 5,2% du produit national brut (Hansen, 1993; Hansen et Jensen, 1993). Trente pour cent environ des maladies musculo-squelettiques seraient dorigine professionnelle. Cest dire combien il est important de les prévenir. Il convient pour cela de bien comprendre le système musculo-squelettique sain, ses affections et les facteurs de risque.
La plupart des maladies musculo-squelettiques provoquent soit une douleur locale, soit une douleur associée à une diminution de la mobilité qui peut aller jusquà empêcher quelquun daccomplir normalement ses tâches au travail ou celles de la vie de tous les jours. Même si elles ne sont pas directement causées par le travail, toutes les maladies musculo-squelettiques ou presque sont liées au travail, lactivité physique pouvant provoquer des symptômes ou les aggraver. Dans la plupart des cas de maladie musculo-squelettique, il nest pas possible de mettre en évidence un facteur causal unique. Les cas qui ont pour seule origine une lésion accidentelle sont des exceptions; le plus souvent, ils sont dus à plusieurs facteurs. Pour bien des maladies musculo-squelettiques, la charge mécanique au travail ou pendant les loisirs est un facteur étiologique important. Une surcharge, quelle soit soudaine, répétitive ou soutenue, peut léser différents tissus du système musculo-squelettique. Dun autre côté, un niveau dactivité trop faible peut entraîner une détérioration des muscles, des tendons, des ligaments, du cartilage et même de los. Pour conserver tous ces tissus en bon état, il convient donc de faire une utilisation judicieuse du système musculo-squelettique.
Le système musculo-squelettique est composé pour lessentiel de tissus semblables à ceux que lon retrouve dans les différentes parties du corps et qui sont à lorigine de tout un éventail de maladies. Les muscles sont les sites douloureux les plus fréquents de lappareil locomoteur. Dans la région lombaire, ce sont les disques intervertébraux. Dans le cou et les membres supérieurs, les problèmes tendineux et nerveux sont plus habituels, alors que dans les membres inférieurs, larthrose est de loin la pathologie la plus fréquente.
Afin de comprendre ces différences corporelles, il convient dacquérir les bases de lanatomie et de la physiologie du système musculo-squelettique et de se familiariser avec la biologie moléculaire des différents tissus, leur source de nutrition et les facteurs pouvant affecter leur fonctionnement. Les propriétés biomécaniques de ces tissus sont également fondamentales. Il faut connaître à la fois la physiologie de leur fonction normale et leur physiopathologie qui correspond à leur dysfonctionnement. Dans les premiers articles du présent chapitre, nous étudions les disques intervertébraux, los, les articulations, les tendons, les muscles et les nerfs. Dans les articles suivants, nous décrivons les troubles musculo-squelettiques en fonction des régions anatomiques, ainsi que les symptômes et les signes des maladies les plus importantes en précisant leur fréquence dun pays à lautre ou dun groupe à lautre. Nous dressons un bilan des facteurs de risque liés au travailleur lui-même et au travail à la lumière des travaux épidémiologiques effectués sur le sujet. Pour beaucoup daffections, il existe en effet des données tout à fait convaincantes sur les facteurs de risque dorigine professionnelle, mais, pour le moment, les informations dont on dispose sur une relation causale entre ces facteurs de risque et les affections qui en découlent sont limitées. De telles données sont pourtant nécessaires si lon veut établir des règles de conception du milieu de travail.
En dépit de ce manque de connaissances quantitatives, des orientations pour la prévention peuvent être proposées. Lapproche primaire consiste à réviser la conception du travail lui-même, afin doptimiser la charge et de ladapter aux capacités physiques et psychiques des travailleurs. Elle a aussi pour objet dencourager les travailleurs à se maintenir en forme grâce à des exercices physiques réguliers.
Les maladies musculo-squelettiques décrites dans le présent chapitre nont pas toutes une relation causale avec le travail. Il est néanmoins important que les responsables de la sécurité et de la santé au travail soient informés de leur existence et quils sachent que la charge de travail joue un rôle dans leur survenue. Adapter le travail aux capacités du travailleur laidera à mieux travailler et ce, en toute sécurité.
Lactivité physique développe le volume des muscles et leur capacité et peut de ce fait accroître la force musculaire et la capacité de travail. Selon son type, lactivité induit des adaptations biochimiques et morphologiques variées dans les muscles. En général, un tissu doit rester actif pour survivre, linactivité celle du tissu musculaire en particulier conduisant à latrophie. La médecine du sport et des études scientifiques ont montré que lexercice produit, selon sa nature, des modifications musculaires très spécifiques. Ainsi, la musculation qui soumet les muscles à des forces très importantes fait augmenter le nombre de filaments contractiles (myofibrilles) et le volume du réticulum sarcoplasmique (voir figure 6.1). Lexercice de forte intensité accroît lactivité enzymatique musculaire et lintensité du travail musculaire est en étroite corrélation avec les fractions des enzymes glycolytiques et oxydatives. De plus, lexercice musculaire intense et prolongé augmente la densité des capillaires sanguins.
Parfois, trop dexercice peut provoquer des courbatures musculaires et nous avons tous eu loccasion den avoir après avoir sollicité nos muscles au-delà de leurs capacités. Quand un muscle est sursollicité, un processus de détérioration sinstalle, suivi dune phase de réparation. Si le temps laissé à la récupération après une sollicitation excessive ou prolongée est suffisant, la capacité du tissu musculaire augmente. Si ce nest pas le cas, une fatigue sinstalle, associée à une baisse de la performance musculaire. Une telle sollicitation peut causer des modifications dégénératives chroniques au niveau des muscles.
Dautres aspects interviennent dans lusage, bon ou mauvais, qui est fait des muscles: le type de contrôle moteur nécessaire pour des tâches de travail différentes, lintensité de la force musculaire, sa vitesse de développement, le type de contraction, ainsi que la durée et la précision de la tâche musculaire à accomplir (Sjøgaard et coll., 1995). Les fibres musculaires individuelles sont sollicitées et certains types de sollicitation peuvent imposer une charge très élevée aux unités motrices individuelles, même lorsque la charge globale au niveau du muscle est faible. Une sollicitation importante dune unité motrice particulière causera forcément de la fatigue qui pourra être suivie de douleurs et de lésions musculaires; ces douleurs peuvent facilement être mises en relation avec la fatigue causée par une vascularisation musculaire insuffisante, ainsi que par des changements biochimiques secondaires à cette mobilisation excessive (Edwards, 1988). Des pressions tissulaires élevées peuvent également perturber la circulation sanguine musculaire, réduisant du même coup laccès des éléments chimiques essentiels aux muscles et limitant la possibilité pour le sang déliminer les déchets. Une crise énergétique peut alors survenir dans les muscles. Lexercice peut provoquer une accumulation de calcium et la formation de radicaux libres, qui peuvent aussi promouvoir des processus dégénératifs tels que laltération de la membrane musculaire et du métabolisme normal (renouvellement de lénergie mitochondriale) (voir figure 6.2). Ces processus peuvent finalement aboutir à des changements dégénératifs dans le tissu musculaire lui-même. Des fibres présentant des caractéristiques dégénératives nettes ont été retrouvées de façon plus fréquente dans des biopsies musculaires provenant de patients souffrant de douleurs musculaires chroniques dorigine professionnelle (myalgies) que chez des témoins. Précisons que ces fibres musculaires dégénérées sont «des fibres musculaires lentes» reliées à des nerfs lents. Ce sont ces nerfs qui sont habituellement sollicités pour les efforts de faible intensité, mais non pas pour des tâches nécessitant une force importante. La perception de la fatigue et de la douleur peut jouer un rôle important dans la prévention de la lésion musculaire. Des mécanismes protecteurs imposent aux muscles une phase de relaxation et de récupération pour reprendre de la force (Sjøgaard, 1990). Si cette information provenant des tissus périphériques est ignorée, la fatigue et la douleur peuvent se chroniciser.
Lors de sollicitations excessives fréquentes, différentes substances chimiques dorigine cellulaire peuvent non seulement causer des douleurs, mais également augmenter la réponse des récepteurs musculaires à dautres stimuli et, de ce fait, abaisser le seuil dactivation (Mense, 1993). Avec le temps, les nerfs qui acheminent les signaux des muscles au cerveau (nerfs sensitifs afférents) peuvent être plus sensibles. Cest ainsi quils répondront par une excitation plus forte à une dose donnée de substances nociceptives. Lorsque le seuil dactivation est réduit, des expositions plus courtes peuvent induire des réponses plus importantes. Fait intéressant, les cellules qui, normalement, servent de récepteurs de la douleur (récepteurs) dans des tissus sains sont silencieuses, mais ces nerfs nociceptifs peuvent aussi développer une activité douloureuse permanente qui peut persister même lorsque la cause de cette douleur a disparu. Cet effet peut expliquer des états douloureux chroniques qui perdurent après guérison de la lésion initiale. Quand la douleur persiste après la guérison, les changements morphologiques survenant initialement dans les tissus mous peuvent être difficiles à identifier, même si la cause primaire ou initiale de la douleur est située dans ces tissus périphériques. Ainsi, il peut savérer impossible de trouver la vraie «cause» de la douleur.
En milieu de travail, les facteurs de risque des affections musculaires sont la répétition, la force, la charge statique, la posture, la précision, lastreinte visuelle et les vibrations. Des cycles inadaptés de travail et de repos peuvent constituer un facteur de risque potentiel de troubles musculo-squelettiques. Cest ce qui se produit lorsque lon ne prévoit pas des périodes de récupération assez longues pour assurer un repos physiologique avant la reprise du travail. Des facteurs environnementaux, socioculturels et personnels peuvent également jouer un rôle. Les troubles musculo-squelettiques sont multifactoriels et il est en général difficile didentifier des relations de cause à effet directes. Il nen reste pas moins important détablir dans quelle mesure des facteurs liés à lactivité professionnelle peuvent être à lorigine de ces affections. En effet, seule lélimination ou la diminution de lexposition pourra aider à les prévenir si un lien de causalité est retenu. Bien entendu, on mettra en uvre différentes stratégies de prévention selon le type de poste. En cas dactivité de forte intensité, on cherchera à réduire lintensité du travail ou la force nécessaire à sa réalisation, alors que, dans le cas dune activité répétitive et monotone, il est plus important dintroduire de la diversité dans les tâches. Au total, lobjectif principal est ladaptation optimale du poste en fonction du type dexposition.
La douleur musculaire dorigine professionnelle intéresse le plus souvent le cou, lépaule, lavant-bras et la région lombaire. Bien quil sagisse dune cause importante dabsentéisme, il existe une grande confusion dans la classification des douleurs et létablissement des critères diagnostiques. Les termes couramment employés appartiennent à trois catégories (voir figure 6.3).
Quand la douleur est présumée dorigine professionnelle, elle peut être classée dans les catégories suivantes:
On voit bien dans cette catégorie daffections de la région cervicale et des membres supérieurs que leur étiologie comprend des charges mécaniques externes pouvant survenir sur le lieu de travail. A côté des affections touchant le tissu musculaire lui-même, elle inclut celles dautres tissus mous du système musculo-squelettique. Il faut noter que les critères diagnostiques ne permettent pas toujours didentifier la localisation précise de laffection par rapport à lun de ces tissus. En fait, il est probable que les changements morphologiques de la jonction musculo-tendineuse sont liés à la perception de la douleur musculaire, ce qui plaide en faveur de lemploi du terme «fibromyalgie» pour désigner les affections musculaires localisées (voir figure 6.3).
Malheureusement, on emploie des termes différents pour décrire des pathologies identiques. Ces dernières années, la communauté scientifique internationale a déployé bien des efforts pour établir une classification et des critères diagnostiques des affections musculo-squelettiques. On établit une distinction entre les douleurs généralisées, locales ou régionales (Yunus, 1993). Le syndrome fibromyalgique, qui est une pathologie caractérisée par des douleurs généralisées, nest pas considéré comme étant dorigine professionnelle. Les affections comportant une douleur localisée sont pour leur part probablement associées à des tâches spécifiques. Le syndrome douloureux myofascial, la contracture cervicale et le syndrome de la coiffe des rotateurs sont des affections douloureuses localisées qui peuvent être considérées comme étant liées au travail.
On appelle «déformation élastique» la déformation qui survient lorsquune force sexerce puis quelle cesse. On appelle «déformation visqueuse» la déformation qui se produit après que la force sest exercée ou une fois quelle a cessé. Cest parce que les tissus de lorganisme offrent à la fois des propriétés élastiques et visqueuses quils sont appelés «visco-élastiques». Si le temps de récupération entre deux efforts successifs nest pas suffisamment long pour une force et une durée données, la récupération nest pas complète et le tendon est étiré davantage à chaque effort successif. Goldstein et coll. (1987) ont trouvé que, lorsque les tendons fléchisseurs des doigts étaient soumis à des charges physiologiques pendant huit secondes avec deux secondes de repos, lallongement visqueux accumulé après 500 cycles était équivalent à lallongement élastique. Quand les tendons étaient soumis à deux secondes de travail suivies de huit secondes de repos, lallongement visqueux accumulé après 500 cycles était négligeable. Le temps de récupération «critique» pour un cycle travail-repos donné na pas encore été déterminé.
On peut dire des tendons quil sagit de structures composites avec des faisceaux parallèles de fibres collagènes disposés dans une matrice gélatineuse faite de mucopolysaccharides. Les forces de traction sexerçant sur les extrémités du tendon provoquent un déroulement des circonvolutions, ainsi quun étirement des brins de collagène. Une charge additionnelle peut causer un allongement supplémentaire des brins déjà étirés. Par conséquent, en sallongeant le tendon senraidit. Des forces de compression perpendiculaires à laxe longitudinal du tendon forcent les brins de collagène à se rapprocher, ce qui provoque un aplatissement du tendon. Des forces de cisaillement appliquées sur le côté du tendon provoquent un déplacement des brins de collagène les plus proches de la surface par rapport à ceux situés plus profondément, ce qui donne au tendon, latéralement, un aspect oblique.
Les forces sont transmises par les tendons pour maintenir un équilibre statique et dynamique pour les besoins dun travail spécifique. En se contractant, les muscles font tourner les articulations dans une direction, alors que le poids du corps et celui des outils de travail les font tourner dans lautre. Il nest pas possible de savoir quelles sont les forces en jeu en raison de la multitude des tendons et des muscles qui agissent sur chaque structure articulaire; toutefois, on peut prouver que les forces musculaires agissant sur les tendons sont bien plus grandes que le poids ou les forces de réaction des outils de travail.
Les forces exercées par les muscles en contraction sont appelées forces extensibles parce quelles étirent le tendon. La notion de force extensible peut être illustrée par la traction sur les extrémités dun élastique. Les tendons sont également soumis à des forces de compression, de cisaillement et à des pressions liquidiennes. La figure 6.4 illustre le propos dans le cas des tendons fléchisseurs des doigts au niveau du poignet.
Leffort des doigts pour saisir ou manipuler les outils de travail nécessite la contraction des muscles de lavant-bras et de la main. En se contractant, les muscles tirent sur les extrémités de leurs tendons respectifs, qui passent par le centre ou la circonférence du poignet. Si le poignet nest pas tenu dans une position telle que les tendons sont parfaitement alignés, ils appuient sur les structures adjacentes. Les tendons fléchisseurs des doigts exercent une pression sur les os et les ligaments à lintérieur du canal carpien. Ces tendons font saillie sous la peau tout près de la paume lors dun mouvement de pince forcée avec le poignet fléchi. De même, les tendons extenseurs et abducteurs font saillie sur le dos et le côté du poignet, quand celui-ci est étendu avec les doigts en extension forcée.
Les forces de friction et de cisaillement sont dues à des efforts dynamiques dans lesquels les tendons frottent contre les surfaces anatomiques adjacentes. Ces forces agissent sur la surface du tendon et parallèlement à cette surface. Les forces de friction sont perçues en appuyant et en glissant la main sur une surface plane. Le glissement des tendons au-dessus dune surface anatomique adjacente est analogue à celui dune courroie autour dune poulie.
La pression liquidienne est en rapport avec les efforts ou les positions qui déplacent les liquides en dehors des espaces situés autour des tendons. Des études de la pression du canal carpien montrent que le contact du poignet avec des surfaces externes et dans certaines positions produisent des pressions suffisamment élevées pour gêner la circulation et menacer la vitalité tissulaire (Lundborg, 1988).
La contraction dun muscle produit un étirement immédiat de son tendon. Les tendons sont attachés aux muscles. Si leffort est maintenu, le tendon continue à sétirer. Le relâchement du muscle entraîne une récupération rapide du tendon suivie dune récupération ralentie. Si létirement initial ne dépasse pas certaines limites, le tendon retrouve la longueur quil avait avant la mise en charge (Fung, 1972).
La force des tendons soppose à la fragilité et à la complexité des mécanismes physiologiques sous-jacents par lesquels ils sont nourris et réparés. La matrice tendineuse est un entremêlement de cellules vivantes, de vaisseaux sanguins et de terminaisons nerveuses. Ces dernières fournissent des informations au système nerveux central pour assurer le contrôle moteur et prévenir une surcharge aiguë. Les vaisseaux sanguins jouent un rôle important dans la nutrition de certaines parties du tendon. Les zones qui sont avasculaires sont tributaires de la diffusion de fluides sécrétés par les cellules synoviales des gaines externes des tendons (Gelberman et coll., 1987). Le liquide synovial a également un rôle de lubrification. Les gaines se trouvent dans des endroits où les tendons sont en contact avec des surfaces anatomiques adjacentes.
Une déformation élastique ou visqueuse excessive dun tendon peut endommager ces tissus et nuire à la guérison. Certains auteurs ont émis lhypothèse que la déformation peut empêcher voire arrêter la circulation dans les tendons ou leur nutrition (Hagberg, 1982; Viikari-Juntura, 1984; Armstrong et coll., 1993). Sans une circulation sanguine adéquate, la vitalité cellulaire est menacée et la capacité de réparation des tendons est compromise. La déformation tendineuse conduit à des microdéchirures qui contribueront à la détérioration cellulaire et à linflammation. Si au contraire la circulation se fait normalement et si les tendons disposent du temps dont ils ont besoin pour récupérer, les tissus lésés pourront guérir (Gelberman et coll., 1987; Daniel et Breidenbach, 1982; Leadbetter, 1989).
Certains auteurs ont montré que les affections tendineuses sont prévisibles (Armstrong et coll., 1993). Premièrement, elles apparaissent dans des parties du corps soumises à de fortes contraintes (au niveau du sus-épineux, du biceps, du fléchisseur extrinsèque des doigts ou des muscles extenseurs). Deuxièmement, il existe une association entre lintensité du travail et la prévalence des affections tendineuses. Cette association a également été mise en évidence chez les athlètes, amateurs comme professionnels (Leadbetter, 1989). Les facteurs communs, présents à la fois chez les travailleurs et chez les athlètes, sont les efforts répétés et la surcharge des unités musculo-tendineuses.
A condition de ne pas dépasser certaines limites, les lésions produites par les charges mécaniques parviennent à guérir. Le processus de guérison comprend trois étapes: linflammation, la prolifération et le remodelage (Gelberman et coll., 1987; Daniel et Breidenbach, 1982). Létape inflammatoire qui dure plusieurs jours est caractérisée par linfiltration de cellules polymorphes et par la présence de bourgeons capillaires et dexsudats. Létape suivante, longue de plusieurs semaines, voit la prolifération de fibroblastes et de fibres collagènes orientées au hasard entre la zone blessée et les tissus adjacents. La phase de remodelage sétale sur plusieurs mois. Elle est caractérisée par lalignement des fibres collagènes selon les lignes de charge. Si les tissus sont lésés à nouveau avant la guérison complète, la récupération peut être retardée et la situation peut saggraver (Leadbetter, 1989). Normalement, la guérison conduit à une consolidation du tissu et à son adaptation à la contrainte mécanique.
Les effets des charges répétitives sont apparents au niveau de lavant-bras, dans les tendons fléchisseurs des doigts quand ils sont en contact avec les parois internes du canal carpien (Louis, 1992; Armstrong et coll., 1984). On a montré quil se produisait un épaississement progressif du tissu synovial entre les bords du canal carpien et le centre, où les contraintes sur les tendons sont les plus grandes. Lépaississement du tendon saccompagne dune hyperplasie synoviale et dune prolifération de tissu conjonctif. Lépaississement de la gaine du tendon est un facteur souvent évoqué pour expliquer la compression du nerf médian à lintérieur du canal carpien. On peut dire que lépaississement des tissus synoviaux représente une adaptation des tendons au traumatisme mécanique. Si cet épaississement navait pas pour effet secondaire de comprimer le nerf médian dans le syndrome du canal carpien, on pourrait considérer quil sagit dune évolution favorable.
Tant que lon na pas pu établir de charge maximale sans effet nocif sur les tendons, les employeurs devraient surveiller les travailleurs pour voir sils présentent des signes ou des symptômes daffection tendineuse, afin daménager leur poste pour prévenir de nouvelles lésions. Les postes de travail devraient être étudiés pour mettre en évidence les facteurs de risque manifestes chaque fois quun problème du membre supérieur est décelé ou soupçonné. Ils devraient également faire lobjet dune inspection aussi souvent que lon apporte des changements au travail habituel, aux procédures ou aux équipements, pour réduire le plus possible les facteurs de risque.
Los et le cartilage font partie des tissus conjonctifs spécialisés qui forment le système squelettique. Los est un tissu vivant qui se renouvelle continuellement. La dureté de los est tout à fait adaptée à sa fonction de support mécanique et lélasticité du cartilage à celle des mouvements des articulations. Los et le cartilage sont tous deux composés de cellules spécialisées qui produisent et régulent une matrice extracellulaire. La matrice contient de grandes quantités de collagène, de protéoglycanes et de protéines non collagéniques. Des substances minérales sont également présentes dans la matrice osseuse.
La partie externe de los, appelée corticale, est faite dos compact. La partie interne, plus spongieuse (os trabéculaire), contient la moelle osseuse formatrice des cellules sanguines (tissu hématopoïétique). Les parties interne et externe de los ont des vitesses de remodelage métabolique différentes, ce qui a des conséquences importantes pour lapparition de lostéoporose à un stade plus avancé de la vie. Los trabéculaire se renouvelle plus rapidement que los compact; cest pourquoi lostéoporose apparaît en premier lieu dans les corps vertébraux composés en grande partie dos trabéculaire.
Los du crâne et certains autres sites sont formés directement (ossification intramembraneuse), sans passer par une phase intermédiaire cartilagineuse. Les os longs des membres se développent à partir dun cartilage lors dun processus appelé ossification endochondrale. Cest ce processus qui conduit à la croissance normale des os longs, à la consolidation des fractures et, au cours de la vie adulte, à une néoformation osseuse dans une articulation devenue arthrosique.
Lostéoblaste est lune des cellules osseuses responsables de la synthèse des principaux composants de la matrice osseuse: le collagène de type I et les protéoglycanes. Les ostéoblastes synthétisent également les protéines non collagéniques de los. Certaines de ces protéines peuvent être mesurées dans le sérum pour déterminer la vitesse du remodelage osseux.
Lautre cellule osseuse, appelée ostéoclaste, est responsable de la résorption osseuse. Dans des circonstances normales, le tissu osseux ancien est résorbé, tandis quun nouveau tissu osseux se forme. Los est résorbé grâce à la production denzymes qui dissolvent les protéines. Le renouvellement osseux est appelé remodelage; il est normalement équilibré et les processus de résorption et de formation sont coordonnés. Le remodelage est influencé par des hormones circulantes et par des facteurs de croissance locaux.
Les articulations mobiles (diarthroses) sont formées de deux pièces osseuses adaptées lune à lautre. Les surfaces articulaires sont destinées à supporter une charge pondérale et à permettre lexécution dun certain nombre de mouvements. Larticulation se situe à lintérieur dune capsule fibreuse dont la surface intérieure est une membrane synoviale qui sécrète le liquide synovial. La surface articulaire est composée de cartilage hyalin, au-dessous duquel se trouve los sous-chondral. A lintérieur de larticulation, des ligaments, des tendons, et des structures fibro-cartilagineuses (les ménisques dans certaines articulations telles que le genou) lui confèrent sa stabilité et permettent une adaptation très fine entre les surfaces articulaires. Les cellules spécialisées de ces composants articulaires synthétisent et maintiennent les macromolécules matricielles qui, par leurs interactions, assurent la force extensible des ligaments et des tendons; elles synthétisent et maintiennent aussi les tissus de connexion lâches qui sont les supports des vaisseaux sanguins et des éléments cellulaires de la membrane synoviale, le liquide synovial visqueux, lélasticité des cartilages hyalins et la rigidité de los sous-chondral. Ces composants articulaires sont interdépendants et leurs relations sont rapportées dans le tableau 6.1.
Eléments constitutifs |
Structure |
Fonction |
Ligaments et tendons |
Dense, fibreux, tissu conjonctif |
Prévient l’extension extrême des articulations, assure stabilité et force |
Membrane synoviale |
Aréolaire, vasculaire et cellulaire |
Sécrète le liquide synovial, dissout (phagocyte) les particules présentes dans le liquide synovial |
Liquide synovial |
Liquide visqueux |
Fournit les éléments nutritifs au cartilage de l’articulation, lubrifie le cartilage pendant le mouvement articulaire |
Cartilage |
Cartilage hyalin ferme |
Constitue la surface articulaire, supporte le poids, répond de façon élastique à la compression |
Cartilage basal |
Cartilage calcifié |
Sépare le cartilage articulaire de l’os sous-jacent |
Os sous-chondral |
Os dur avec espaces médullaires |
Assure un appui à la surface articulaire; la cavité médullaire fournit des éléments nutritifs à la partie basale du cartilage et assure la production de cellules pouvant former de l’os nouveau |
Source: Hamerman et Taylor, 1993.
Lostéopénie est un terme général qui désigne une diminution de la substance osseuse détectée par rayons X. Souvent asymptomatique dans les formes précoces, elle peut finir par dégénérer en une fragilité osseuse. La plupart des états pathologiques cités ci-dessous induisent une ostéopénie, selon des mécanismes dapparition qui diffèrent. Par exemple, un excès dhormone parathyroïdienne augmente la résorption osseuse, alors que la carence en calcium et en phosphate, qui peut avoir des causes multiples et qui est souvent due à un manque de vitamine D, provoque une minéralisation insuffisante. Avec lâge sinstalle un déséquilibre entre formation et résorption osseuses. Chez la femme, aux alentours de lâge de la ménopause, la résorption prédomine souvent: cest lostéoporose de type I. Plus tard, la résorption domine à nouveau et conduit à lostéoporose de type II. Lostéoporose de type I comporte une perte osseuse vertébrale et se manifeste par des tassements vertébraux, alors que la fracture de hanche est lélément prédominant de lostéoporose de type II.
Larthrose est la principale affection chronique de certaines articulations mobiles et son incidence augmente avec lâge. A 80 ans, presque toutes les personnes présentent un élargissement des articulations des doigts (nodosités dHeberden). Les conséquences cliniques sont habituellement très limitées. Les articulations portantes principales qui sont sujettes à larthrose sont la hanche, le genou, le pied et les facettes articulaires du rachis. Lépaule, bien quelle ne soit pas portante, peut également présenter un certain nombre de modifications arthrosiques, dont la rupture de la coiffe des rotateurs, la subluxation de la tête humérale et lépanchement articulaire riche en enzymes protéolytiques tableau clinique souvent appelé «épaule de Milwaukee» qui peut être associé à des douleurs et à une limitation importante de la mobilité. La modification principale de larthrose est une dégradation du cartilage, mais la formation dos excédentaire, appelée ostéophyte, est habituellement constatée sur les radiographies.
Les disques intervertébraux représentent environ un tiers des structures du rachis. Comme ils ne sont pas seulement responsables de la souplesse de la colonne vertébrale, mais quils transmettent également la charge, leur comportement mécanique a une grande influence sur la mécanique du rachis dans son ensemble. Une grande partie des douleurs lombaires est associée au disque soit directement en raison dune hernie discale, soit indirectement à cause de la dégénérescence discale qui soumet dautres structures rachidiennes à des contraintes anormales. Dans cet article, nous aborderons la structure et la composition du disque en relation avec sa fonction mécanique et nous traiterons des modifications pathologiques du disque.
Le rachis humain se compose de vingt-quatre disques intervertébraux intercalés entre les corps vertébraux. Ensemble, ils constituent la structure antérieure (frontale) du rachis, alors que les facettes articulaires, ainsi que les apophyses transverses et épineuses forment les éléments postérieurs. La taille des disques augmente depuis le haut jusquau bas du rachis, avec approximativement 45 mm en dimension antéro-postérieure, 64 mm de large et 11 mm dépaisseur dans la région lombaire.
Le disque qui est composé dun tissu ressemblant au cartilage comporte trois régions différentes (voir figure 6.5). La région interne (noyau pulpeux ou nucleus pulposus) est une masse gélatineuse, en particulier chez les personnes jeunes. Lextérieur du disque (anneau fibreux ou annulus fibrosus) est ferme et sous tension. Les fibres de lanneau sont entrecroisées de façon à résister à des forces de flexion et de torsion importantes. Avec lavancée en âge, le noyau perd une partie de son eau, devient plus ferme et la distinction entre les deux régions est moins nette quà un stade moins avancé de la vie. Le disque est séparé de los par une fine couche de cartilage hyalin, la troisième partie. Chez ladulte, le cartilage basal et le disque lui-même nont habituellement pas leurs vaisseaux sanguins propres, mais comptent sur les apports sanguins des tissus adjacents, tels que les ligaments et les corps vertébraux, pour assurer leurs besoins en éléments nutritifs et lélimination des déchets. Seule la partie extérieure du disque est innervée.
Le disque, comme les autres cartilages, contient principalement une matrice de fibres collagènes enrobée dans un gel de protéoglycanes et deau. Le collagène et leau représentent 90 à 95% de la masse tissulaire totale, bien que les proportions varient avec la localisation à lintérieur du disque, avec lâge et avec létat de dégénérescence. Des cellules dispersées à travers la matrice assurent la synthèse et le maintien de ces différents composants (voir figure 6.6). Pour un bilan de la biochimie du disque intervertébral, on pourra consulter louvrage de Urban et Roberts, 1994.
Les protéoglycanes: le protéoglycane le plus important du disque, laggrécane, est une grosse molécule composée dune protéine centrale sur laquelle sont accrochés de nombreux glycosaminoglycanes (chaînes répétitives de disaccharides) (voir figure 6.7). Ces chaînes latérales ont une haute densité de charges négatives qui leur permettent dattirer les molécules deau (hydrophiles). Cette propriété, que lon appelle pression de gonflement, revêt une grande importance pour le fonctionnement du disque.
Des agrégats importants de protéoglycanes peuvent se former quand des molécules individuelles se fixent sur une chaîne dun autre composé chimique, lacide hyaluronique. La taille des aggrécanes varie (avec des poids moléculaires allant de 300 000 à 7 millions de daltons) en fonction du nombre de molécules qui participent à lagrégat. Dautres types plus petits de protéoglycanes ont récemment été également trouvés dans le disque et le cartilage basal: la décorine, le biglycane, la fibromoduline et le lumicane par exemple. Leur fonction est en général inconnue, mais la fibromoduline et la décorine pourraient être impliquées dans la régulation de la formation de la trame collagénique.
Leau: constituant principal du disque, leau représente 65 à 90% du volume tissulaire, selon lâge et la région du disque. Il existe une corrélation entre la quantité de protéoglycanes et la teneur en eau de la matrice. La quantité deau change également en fonction de la charge qui sexerce sur le disque; cest pourquoi la teneur en eau varie entre la nuit et le jour, la charge étant très différente pendant le sommeil. Leau est importante et pour le fonctionnement mécanique du disque et pour le transport des substances dissoutes à lintérieur de la matrice.
Le collagène: le collagène est la principale protéine de structure de lorganisme; il comporte une famille dau moins dix-sept protéines différentes. Tous les collagènes ont des zones hélicoïdales et sont stabilisés par une série de ponts à lintérieur et entre les molécules qui leur confèrent une importante résistance aux contraintes mécaniques et aux dégradations enzymatiques. La longueur et la forme des différents types de molécules de collagène et la proportion des zones hélicoïdales varient. Le disque est composé de plusieurs types de collagènes avec, dans la partie extérieure de lannulus, une prédominance de collagène de type I et, dans le noyau et le cartilage basal, une prédominance de type II. Les deux types forment des fibrilles qui constituent la trame de la structure du disque. Les fibrilles du noyau sont beaucoup plus fines (»0,05 µm de diamètre) que celles de lannulus (0,1 à 0,2 µm de diamètre). Les cellules du disque sont souvent entourées par une capsule composée dautres types de collagènes comme le collagène de type VI.
Les cellules: comparés à dautres tissus, les disques intervertébraux ont une très faible densité cellulaire. Bien que cette densité soit faible, lactivité permanente des cellules est vitale pour la santé du disque, car elles produisent des macromolécules qui, tout au long de la vie, remplacent celles qui sont détruites et disparaissent au fil du temps.
Le disque a surtout une fonction mécanique. Il transmet la charge le long du rachis et lui permet de se courber et de se tourner. Les charges qui sexercent sur le disque proviennent du poids corporel et de lactivité musculaire et se modifient avec la position du corps (voir figure 6.8). Au cours des activités quotidiennes, le disque est soumis à des charges complexes. Lextension ou la flexion du rachis produisent sur le disque des forces de tension et de compression dont lintensité, en raison des différences de poids corporel et de géométrie, augmente au fur et à mesure que lon descend le long du rachis. La rotation de la colonne génère des forces de cisaillement.
Les disques sont soumis à une pression variant en fonction de la position du corps: de 0,1 à 0,2 MPa environ au repos, et de 1,5 à 2,5 MPa au cours des mouvements de flexion ou de levage. Cette pression est essentiellement liée à la pression hydraulique au niveau du noyau et de la partie interne de lanneau dans un disque normal. Quand la charge sur le disque augmente, la pression se répartit uniformément à travers la lame basale et dans tout le disque.
Lorsquil est en charge, le disque se déforme et perd de sa hauteur. La lame basale et le débord de lanneau discal sont soumis à une pression croissante et, de ce fait, la pression sur le noyau sélève. Le degré de déformation du disque dépend de la vitesse de la mise en charge. Le disque peut se déformer de façon considérable, se comprimant ou sexpansant de 30 à 60% au cours de la flexion ou de lextension du rachis. Les distances entre les apophyses épineuses adjacentes peuvent augmenter de plus de 300%. Si la charge cesse, en quelques secondes, le disque reprend rapidement sa taille initiale, mais si elle est maintenue, le disque continue à perdre de sa hauteur. Cet «affaissement» résulte de la poursuite de la déformation des structures discales, mais aussi de la perte hydrique, puisque le disque perd ses liquides du fait de laugmentation de la pression. Au cours des activités quotidiennes, le disque perd progressivement entre 10 et 25% de ses liquides quand il est soumis à de fortes pressions et il les regagne lors du repos en position couchée. Cette perte deau peut conduire à une diminution de stature de 1 à 2 cm entre le matin et le soir chez les travailleurs diurnes.
Au fur et à mesure que la composition du disque se modifie avec lâge ou la dégénérescence, sa réaction aux charges mécaniques change également. Du fait de la perte des protéoglycanes et donc de la teneur en eau, le noyau ne peut plus réagir aussi efficacement. Ce changement se traduit par une répartition non uniforme des contraintes sur la lame basale et sur les fibres de lanneau et, en cas de dégénérescence sévère, les fibres internes peuvent faire saillie à lintérieur quand le disque est en charge, ce qui peut alors causer des contraintes anormales sur dautres structures discales pouvant aller jusquà leur rupture. La vitesse daffaissement est également augmentée dans les disques dégénérés qui, ainsi, perdent de la hauteur plus vite que des disques normaux soumis à la même charge. Létroitesse de lespace discal affecte dautres structures rachidiennes telles que les muscles et les ligaments et conduit, en particulier, à une augmentation de la pression sur les facettes articulaires, responsable des changements dégénératifs au niveau des disques anormaux.
La fonction discale dépend du maintien de léquilibre entre la pression de leau dans le disque et sa pression de gonflement. La pression de gonflement est fonction de la concentration en ions attirés à lintérieur du disque par les protéoglycanes chargés négativement et dépend ainsi directement de la concentration en protéoglycanes. Si la charge sur le disque augmente, la pression de leau sélève et perturbe cet équilibre. Laugmentation de la concentration en protéoglycanes, ainsi que celle de la pression osmotique du disque compensent la fuite des liquides à lextérieur du disque. Un tel mouvement liquidien se poursuit jusquà ce quun nouvel équilibre soit atteint ou que la charge sur le disque cesse.
Les protéoglycanes exercent un rôle sur les mouvements liquidiens également par dautres biais. Du fait de leur haute concentration dans les tissus, les espaces entre les chaînes sont très fins (0,003 à 0,004 µm). A travers des pores aussi petits, les courants liquidiens sont très lents, et quand bien même la différence de pression est importante, la vitesse à laquelle les liquides disparaissent et donc la vitesse daplatissement du disque, est lente elle aussi. Cependant, puisque les disques dégénérés ont des concentrations de protéoglycanes plus basses, les liquides peuvent circuler plus vite à travers la matrice. Cela pourrait expliquer que les disques dégénérés perdent de la hauteur plus rapidement que les disques normaux. La charge et la concentration élevée en protéoglycanes contrôlent lentrée et les mouvements des autres substances dissoutes à lintérieur du disque. Des petites molécules déléments nutritifs telles que le glucose et loxygène peuvent facilement entrer dans le disque et se répartir dans la matrice. Les substances chimiques chargées positivement et les ions tels que le Na+ou Ca2+ (le sodium ou le calcium) se trouvent en concentration plus élevée dans le disque chargé négativement que dans les liquides interstitiels environnants. Les grosses molécules, telles que lalbumine sérique ou les immunoglobulines, sont trop volumineuses pour pénétrer dans le disque et sont présentes uniquement en concentrations très faibles. Les protéoglycanes peuvent également avoir des répercussions sur lactivité et le métabolisme cellulaires. Les petits protéoglycanes tels que le biglycane peuvent lier des facteurs de croissance et dautres médiateurs de lactivité cellulaire, les relarguant quand la matrice est dégradée.
Leau est la principale composante du disque et la rigidité du tissu est assurée grâce aux propriétés hydrophiles des protéoglycanes. Lors dune perte en eau, le disque devient plus flasque et déformable, au fur et à mesure que la trame collagénique se relâche. Cependant, dès que le disque a perdu une proportion importante de son eau, ses propriétés mécaniques changent du tout au tout, le tissu se comportant davantage comme un solide que comme une structure composée soumise à une charge. Leau fournit également le milieu grâce auquel les éléments nutritifs et les déchets sont échangés entre le disque et le sang environnant.
La trame collagénique, qui peut supporter des charges détirement élevées, fournit une structure au disque et permet son ancrage aux corps vertébraux voisins. Cette trame est gonflée par leau retenue par les protéoglycanes; la trame retient alors les protéoglycanes et les empêche de séchapper du tissu. Ces trois composés ainsi réunis forment une structure qui est capable de supporter des charges de compression élevées.
Lorganisation des fibres collagènes fournit au disque sa flexibilité. Les fibres sont disposées en couche dorientation alternée, avec une angulation telle que celles de chaque couche sorientent en direction des corps vertébraux voisins. Le tissage hautement spécialisé assure aux disques des angulations extrêmes, permettant ainsi la flexion du rachis, même si les fibres collagènes elles-mêmes ne peuvent sétirer que denviron 3%.
Les cellules du disque produisent de grosses molécules, ainsi que des enzymes qui peuvent détruire les composants matriciels. Dans un disque sain, les vitesses de production et de destruction de la matrice sont équilibrées. Si cet équilibre est rompu, la composition du disque change. Pendant la croissance, les vitesses de synthèse des molécules nouvelles ou de remplacement sont plus élevées que les vitesses de dégradation et les matériaux matriciels saccumulent autour des cellules. Avec lâge et la dégénérescence, le processus sinverse. Normalement, les protéoglycanes sont renouvelés tous les deux ans environ, le collagène bien moins souvent. Si léquilibre est perturbé ou si lactivité cellulaire baisse, la teneur de la matrice en protéoglycanes finit par diminuer, ce qui affecte les propriétés mécaniques du disque.
Les cellules du disque répondent également aux changements de contrainte mécanique. La mise en charge affecte le métabolisme discal, bien que les mécanismes nen soient pas clairement établis. Actuellement, il est impossible de dire que tel type de sollicitation mécanique favorise un équilibre stable, alors que tel autre encourage la dégradation de la matrice par rapport à sa synthèse.
Le disque reçoit des éléments nutritifs tels que loxygène et le glucose à partir du sang des tissus adjacents; ceux-ci doivent diffuser à travers la matrice jusquaux cellules situées au centre du disque. Les cellules peuvent être distantes de 7 à 8 mm du vaisseau sanguin le plus proche. Des gradients très importants se développent. A linterface entre le disque et le corps vertébral, la concentration en oxygène se situe aux alentours de 50%, alors quau centre du disque elle est inférieure à 1%. Le métabolisme du disque se fait, pour lessentiel, en condition anaérobie. Quand loxygène tombe au-dessous de 5%, le disque augmente sa production de lactate qui est un déchet métabolique. La concentration en lactate dans le centre du noyau peut être six à huit fois plus élevée que celle du sang ou du milieu interstitiel (voir figure 6.9.)
On explique souvent la dégénérescence discale par la baisse de lapport déléments nutritifs. La perméabilité de la plaque basale du disque diminue avec lâge, ce qui peut entraver lacheminement des éléments nutritifs au disque et entraîner une accumulation de déchets tels que le lactate. Dans les disques où lapport déléments nutritifs est réduit, les concentrations doxygène dans le centre du disque peuvent descendre à des niveaux très bas. Le métabolisme en anaérobie augmente et la production de lactate et lacidité peut alors tomber à cet endroit à un pH de 6,4. A des valeurs de pH et à des pressions doxygène aussi basses, la vitesse de synthèse matricielle est réduite, aboutissant à une chute de la teneur en protéoglycanes. De plus, les cellules elles-mêmes peuvent ne pas survivre à des expositions prolongées à un pH acide. Un pourcentage élevé de mort cellulaire a été relevé dans les disques humains.
La dégénérescence du disque conduit à une perte en protéoglycanes et à une modification de sa structure, avec une désorganisation de la trame collagénique et une pénétration de vaisseaux sanguins. Il est possible que certains de ces changements puissent être réversibles puisquil a été montré que le disque possédait certaines capacités de réparation.
La scoliose: la scoliose est une déviation latérale du rachis dans laquelle et les disques intervertébraux et les corps vertébraux sont soumis à angulation. Elle est habituellement associée à une torsion ou à une rotation du rachis. Etant donné la façon dont les côtes sont attachées aux vertèbres, il se produit une «bosse costale», visible quand les individus atteints se penchent en avant. La scoliose peut être due à un défaut congénital du rachis tel quune hémivertèbre en coin, ou peut apparaître secondairement à une affection telle quune dystrophie neuromusculaire. Cependant, dans la majorité des cas, la cause est inconnue et cest pourquoi on parle de scoliose idiopathique. La scoliose est rarement douloureuse et le traitement est proposé principalement pour éviter laggravation de la déformation latérale du rachis (pour de plus amples précisions sur le traitement clinique de cette pathologie et des autres atteintes rachidiennes, voir Tidswell, 1992).
Le spondylolisthésis: le spondylolisthésis est un glissement horizontal vers lavant dune vertèbre par rapport à une autre. Il peut provenir dune fracture du pont osseux reliant la partie frontale à la partie postérieure de la vertèbre. De toute évidence, le disque intervertébral situé entre ces deux vertèbres est étiré et soumis à des charges anormales. La matrice du disque et, à un moindre degré, les disques adjacents, présentent des changements dans leur composition qui sont typiques dune dégénérescence perte deau et de protéoglycanes. Cette anomalie est diagnostiquée par radiographie.
La rupture et la saillie discale: la rupture de lanneau postérieur du disque est assez courante chez les adultes jeunes ou dâge moyen physiquement actifs. Le diagnostic ne peut pas être fait par rayons X en dehors de la réalisation dune discographie au cours de laquelle un produit de contraste est injecté au centre du disque. Une déchirure peut alors être mise en évidence par le cheminement du liquide de discographie. Parfois, des fragments isolés ou séquestrés de matériel discal peuvent passer à travers la fissure à lintérieur du canal rachidien. Lirritation ou la pression exercée sur le nerf sciatique sont responsables de douleurs intenses et de paresthésie (sciatique) dans les membres inférieurs.
La maladie discale dégénérative: cest un terme employé pour désigner un groupe de patients à la pathologie mal définie qui souffrent de douleurs lombaires et présentent parfois des modifications de leur image radiologique telles quune diminution de hauteur du disque et, éventuellement, la formation dostéophytes en bordure des corps vertébraux. Il pourrait sagir du stade terminal de certaines situations pathologiques, par exemple dune déchirure de lanneau discal non traitée.
La sténose rachidienne: le rétrécissement du canal qui survient dans les sténoses rachidiennes est responsable dune compression mécanique des racines nerveuses et dune limitation de leur apport sanguin. Ce rétrécissement peut conduire à des symptômes tels quune faiblesse motrice, une altération des réflexes ostéotendineux, des douleurs ou une perte de sensibilité (paresthésie), mais il peut aussi parfois ne se manifester par aucun symptôme. Le rétrécissement du canal peut, quant à lui, être causé par divers facteurs tels quune protrusion du disque intervertébral à lintérieur de lespace canalaire, par une néoformation osseuse au niveau des facettes articulaires (hypertrophie des apophyses articulaires) ou par des lésions arthrosiques avec inflammation des autres tissus mous.
Linterprétation des techniques dimagerie récentes en relation avec la pathologie discale na pas été complètement établie. En résonance magnétique nucléaire (RMN), par exemple, les disques dégénérés donnent un signal anormal alors que ce nest pas le cas pour un disque «normal». Cependant, la corrélation entre un disque daspect «dégénéré» en RMN et les symptômes cliniques est faible, avec 45% de disques dégénérés en RMN qui sont asymptomatiques et 37% des patients avec des douleurs lombaires présentant une RMN rachidienne normale.
La charge sur les disques dépend de la posture. Daprès les mesures intradiscales, les pressions qui sexercent sur la colonne sont cinq fois plus grandes en posture assise quau repos en position couchée (voir figure 6.8). Si en plus le sujet lève une charge, surtout à distance du corps, la pression intradiscale peut augmenter de façon considérable. Il peut alors se produire une rupture du disque qui, dans dautres circonstances, aurait pu rester intact.
Daprès Brinckmann et Pope (1990) qui ont établi une synthèse des études épidémiologiques sur cette question, le levage ou le port répétés de charges lourdes ou lexécution de tâches en position fléchie ou en hyperextension représentent un facteur de risque pour les troubles lombaires. De même, certains sports, tels que lhaltérophilie, peuvent être associés à une incidence plus élevée de douleurs lombaires que la natation, par exemple. Le mécanisme qui intervient nest pas clair, bien que les différentes circonstances de charge soient en rapport.
La nutrition du disque est très précaire, une réduction même minime du flux des éléments nutritifs pouvant compromettre le métabolisme normal des cellules discales. Le tabagisme peut être responsable dune telle réduction à cause de son effet sur le système circulatoire à lextérieur du disque intervertébral. Le transport des éléments nutritifs tels que loxygène, le glucose ou le sulfate à lintérieur du disque diminue de façon significative dans les vingt à trente minutes après quune personne a fumé, ce qui peut expliquer lincidence plus élevée des lombalgies chez les fumeurs que chez les non-fumeurs (Rydevik et Holm, 1992).
Des études épidémiologiques ont montré que lincidence des douleurs lombaires augmentait chez les individus exposés à des vibrations de forte intensité. Le rachis peut être endommagé à des fréquences naturelles de résonance, particulièrement entre 5 et 10 Hz. Or, de nombreux véhicules produisent des vibrations dans cette gamme de fréquences. Les études analysées par Brinckmann et Pope (1990) ont mis en évidence une relation entre de telles vibrations et lincidence des lombalgies. Ayant pu montrer que les vibrations affectaient les petits vaisseaux sanguins dans dautres tissus, on peut supposer que cest le même mécanisme qui agit sur le rachis.
La lombalgie est une affection courante dans les populations en âge de travailler. Environ 80% des gens présentent une lombalgie à un moment ou à un autre de leur vie. Dans toutes les catégories professionnelles, la lombalgie est lune des causes les plus importantes dincapacité de travail de courte ou de longue durée. En fonction de son étiologie, la lombalgie peut être classée en six groupes: mécanique, infectieuse (par exemple, tuberculose), inflammatoire (par exemple, spondylarthrite ankylosante), métabolique (par exemple, ostéoporose), néoplasique (par exemple, cancer) et viscérale (douleur causée par des maladies dorganes internes).
Chez la plupart des personnes, la lombalgie a une origine mécanique dont lentorse lombosacrée, les maladies discales dégénératives, les spondylolisthésis, le rétrécissement du canal lombaire et les fractures. Nous naborderons ici que la lombalgie dorigine mécanique. Ce type de lombalgie, que lon appelle aussi lombalgie régionale, peut donner lieu à une douleur lombaire localisée ou irradiant dans une jambe ou dans les deux (sciatique). Les lombalgies mécaniques ont la caractéristique dapparaître épisodiquement et davoir, dans la plupart des cas, une évolution spontanée favorable. Environ la moitié des cas de lombalgie aiguë régresse en deux semaines et 90% en deux mois. On estime quenviron un cas sur dix devient chronique et cest ce groupe de patients lombalgiques qui est responsable de laugmentation importante des coûts dus aux troubles lombaires.
Du fait de la station debout, la structure de la partie inférieure du rachis humain diffère anatomiquement de celle de la plupart des autres vertébrés. La station debout augmente les forces mécaniques sur les structures du rachis lombosacré. Normalement, le rachis lombaire se compose de cinq vertèbres. Le sacrum est rigide et le coccyx na pas de fonction connue chez lêtre humain, comme le montre la figure 6.10.
Les vertèbres sont liées entre elles par des disques intervertébraux situés entre les corps vertébraux, au moyen de ligaments et de muscles. Ce sont ces tissus dattachement mous qui confèrent au rachis sa souplesse. Deux vertèbres adjacentes forment une unité fonctionnelle, comme lillustre la figure 6.11. Les corps vertébraux et les disques sont les éléments portants du rachis. Les parties postérieures des vertèbres forment larc postérieur qui protège les structures nerveuses dans le canal rachidien. Les arcs postérieurs sont attachés les uns aux autres par des articulations apophysaires (articulations zygapophysaires) qui déterminent la direction du mouvement. Les arcs postérieurs sont également reliés par de nombreux ligaments qui conditionnent lamplitude des mouvements du rachis. Les muscles qui étirent le tronc vers larrière (les extenseurs) sont attachés aux arcs postérieurs. Dimportants sites dattachement sont représentés par trois processus osseux (deux latéralement et une apophyse épineuse) sur chaque arc postérieur vertébral.
Le cordon médullaire se termine au niveau des premières vertèbres lombaires (L1-L2). Le canal lombaire contient les extensions de la moelle, appelées queue de cheval, qui est composée des racines nerveuses rachidiennes. Les racines nerveuses sortent du canal rachidien par paires à travers les trous de conjugaison (foramens). Une collatérale innerve les tissus du dos à partir de chaque racine nerveuse rachidienne. Il y a des terminaisons nerveuses qui transmettent les sensations douloureuses (extrémités nociceptives) dans les muscles, les ligaments et les articulations. Dans un disque intervertébral sain, de telles extrémités ne sont pas retrouvées, à lexception de la partie la plus externe de lannulus. Cependant, le disque est considéré comme la plus importante source de lombalgies. Les ruptures de lanneau sont connues pour être douloureuses. Comme séquelle de la dégénérescence du disque, une hernie de la partie interne semi-gélatineuse du disque intervertébral, le noyau, peut se produire à lintérieur du canal rachidien et conduire à une compression ou à une inflammation le long du nerf rachidien avec des symptômes et des signes de sciatique (voir figure 6.12).
Les muscles assurent la stabilité et la mobilité du dos. Les muscles du dos redressent le tronc (extension) et les muscles abdominaux lui permettent de se pencher en avant (flexion). La fatigue due à des charges soutenues ou répétées, une brutale hypersollicitation des muscles ou des ligaments peuvent être responsables dune douleur lombaire, bien que lorigine exacte dune telle douleur soit difficile à localiser. Tout le monde nest pas daccord quant au rôle des lésions des tissus mous dans les affections lombaires.
Les estimations de prévalence de la lombalgie varient en fonction des définitions utilisées dans les études. Les taux de prévalence des syndromes lombalgiques dans lensemble de la population finlandaise de plus de 30 ans sont donnés dans le tableau 6.2. Trois personnes sur quatre présentent une lombalgie (et une sur trois, une sciatalgie) au cours de leur vie. Chaque mois, une personne sur cinq souffre de lombalgie ou de sciatalgie et, à nimporte quel moment, une personne sur six présente un syndrome lombalgique cliniquement confirmé. La sciatique ou la hernie discale intervertébrale sont moins fréquentes et touchent 4% de la population. Environ la moitié de ceux qui ont un syndrome lombalgique présentent des déficiences fonctionnelles qui sont sévères dans 5% des cas. La sciatique est plus fréquente chez lhomme que chez la femme, mais les autres affections lombaires sont réparties également entre les deux sexes. La lombalgie est relativement inhabituelle avant lâge de 20 ans, mais sa prévalence augmente régulièrement jusquà lâge de 65 ans, après quoi elle diminue.
Hommes + |
Femmes + |
|
Prévalence de la lombalgie au cours de l’existence |
76,3 |
73,3 |
Prévalence de la sciatalgie au cours de l’existence |
34,6 |
38,8 |
Prévalence sur cinq années de sciatalgie ayant causé un repos au lit d’au moins deux semaines |
17,3 |
19,4 |
Prévalence de lombalgie ou de sciatalgie d’une durée d’un mois |
19,4 |
23,3 |
Prévalence ponctuelle cliniquement vérifiée de: |
||
Syndrome douloureux lombaire |
17,5 |
16,3 |
Sciatique ou hernie discale* |
5,1 |
3,7 |
+ rapportée à l’âge.
* p <0,005.
Source: d’après Heliövaara et coll., 1993.
La prévalence des changements dégénératifs du rachis lombaire augmente avec lâge. Environ la moitié des hommes de 35 à 44 ans et neuf hommes sur dix de 65 ans et plus présentent des signes radiographiques de dégénérescence discale du rachis lombaire. Des signes de dégénérescence discale sévère sont relevés dans 5 à 38% de ces cas, respectivement. Les modifications dégénératives sont un peu plus fréquentes chez lhomme que chez la femme. Les individus qui présentent des modifications dégénératives du rachis lombaire ont plus souvent des lombalgies que ceux qui nen présentent pas, mais les modifications dégénératives sont également courantes chez des personnes qui nont aucun symptôme. En imagerie par résonance magnétique (RMN), la dégénérescence discale est retrouvée chez 6% de femmes asymptomatiques de 20 ans ou moins, et chez 79% de celles âgées de 60 ans et plus.
En général, la lombalgie est plus courante chez les travailleurs manuels. Aux Etats-Unis, ce sont les manutentionnaires, les aides-soignants et les chauffeurs de camions qui ont les taux les plus élevés daccidents du dos ouvrant droit à réparation.
Des études épidémiologiques ont confirmé que la lombalgie, la sciatique, la hernie discale intervertébrale et les modifications dégénératives du rachis lombaire étaient associées au travail physique lourd. Malgré cela, on ne sait pas bien quelles sont les limites admissibles pour la charge physique du dos.
La lombalgie est liée au levage ou au transport fréquents dobjets lourds ou encore à des efforts, également fréquents, de traction ou de poussée. Les forces dextension élevées sappliquent aux muscles et aux ligaments et celles de fortes compressions aux os et aux surfaces articulaires. Ces forces sont à lorigine de lésions mécaniques des corps vertébraux, des disques intervertébraux, des ligaments et des parties postérieures des vertèbres. Ces lésions peuvent être causées par des surcharges brutales ou par une fatigue due à une mise en charge répétée. Les microtraumatismes répétés qui surviennent, même sans que lon sen aperçoive, sont généralement considérés comme étant la cause principale de la dégénérescence du rachis lombaire.
La lombalgie est aussi associée à des mouvements fréquents ou prolongés de torsion ou de flexion antérieure ou à des positions du tronc autres que neutres. La mobilité est nécessaire à la nutrition du disque intervertébral et les positions statiques peuvent gêner cet apport nutritif. Dans les autres tissus mous, la fatigue peut apparaître. La posture assise de façon prolongée dans une position fixe (chez la couturière à la machine ou chez le conducteur de véhicules à moteur) augmente aussi le risque de lombalgie.
On a constaté que la conduite prolongée dun véhicule à moteur augmentait le risque de lombalgie, de sciatique ou de hernie discale. Les conducteurs sont en effet exposés à des vibrations transmises à lensemble du corps, qui ont un effet délétère sur la nutrition discale. Les soubresauts liés aux chaussées défoncées, la contrainte posturale et la manutention effectuée par les chauffeurs professionnels peuvent également contribuer à ce risque.
Le traumatisme direct causé par un accident tel quune chute ou une glissade est une cause évidente de lésion du dos. Il est prouvé que non seulement les lésions aiguës mais aussi les lésions traumatiques du dos contribuent de façon notoire au développement des syndromes lombalgiques chroniques.
La lombalgie est associée à différents facteurs psychosociaux professionnels: travail monotone ou sous pression, absence de soutien de lentourage, collègues ou supérieurs. Les facteurs psychosociaux jouent un rôle reconnu dans le déclenchement de la lombalgie, ainsi que dans sa guérison, mais tout le monde ne saccorde pas quant à leur importance étiologique précise.
La taille et la surcharge pondérale: les preuves dune relation entre, dune part, la lombalgie et, dautre part, la taille et lexcès de poids sont contradictoires. Dans le cas de la relation entre la sciatique ou la hernie discale et la taille, les arguments sont assez convaincants. Les personnes de grande taille peuvent avoir un désavantage nutritionnel en raison dun volume discal plus important et elles peuvent aussi avoir des problèmes à cause de la conception ergonomique de leur poste de travail.
Laptitude physique: les études sur la relation entre laptitude physique et la lombalgie ont donné des résultats qui ne sont pas cohérents. La lombalgie est plus courante chez les sujets qui ont une force inférieure à celle que leur travail requiert. Certaines de ces études ont montré que la capacité aérobie limitée ne constitue pas une valeur prédictive de futures lombalgies ou de déclarations daccidents. Les sujets les moins en forme peuvent présenter un risque global augmenté de lésions du dos, mais les gens les plus en forme peuvent avoir les lésions les plus onéreuses. Dans une étude, il a été montré quune bonne endurance musculaire du dos prévenait le premier épisode de lombalgie.
La mobilité du rachis lombaire varie considérablement dun individu à lautre. Les personnes présentant une lombalgie aiguë ou chronique ont une mobilité réduite, mais dans les études prospectives, la mobilité nest pas prédictive de lincidence de la lombalgie.
Le tabagisme: plusieurs études ont montré que la consommation de tabac est associée à une augmentation du risque de lombalgie et de hernie discale. Le tabagisme semble également augmenter la dégénérescence discale et, dans des études expérimentales, on a montré quil nuisait à la nutrition du disque.
Les facteurs structuraux: les anomalies congénitales des vertèbres, de même quune différence de longueur des membres inférieurs, peuvent être à lorigine dune charge anormale sur le rachis. Ces facteurs ne sont toutefois pas considérés comme très importants dans létiologie des lombalgies. Un canal lombaire étroit prédispose à la compression des racines nerveuses et à la survenue de sciatiques.
Les facteurs psychologiques: la lombalgie chronique est associée à des facteurs psychologiques (par exemple, la dépression), sans que les personnes souffrant de lombalgies chroniques aient forcément toutes des problèmes psychologiques. Différentes méthodes ont été utilisées pour différencier la lombalgie causée par des facteurs psychologiques, de la lombalgie causée par des facteurs physiques, mais leurs résultats manquent de cohérence. Les symptômes de stress mental sont plus courants chez les lombalgiques que chez les individus asymptomatiques, et la tension psychique semble même prédire lincidence de la lombalgie.
Les connaissances que les études épidémiologiques ont permis daccumuler sur les facteurs de risque sont surtout qualitatives et ne fournissent donc de ce fait que des règles générales pour établir des programmes de prévention. Il existe trois démarches principales pour prévenir les affections lombalgiques liées au travail: la conception ergonomique des postes, lenseignement, la formation et enfin la sélection des travailleurs.
On considère souvent que la manière la plus efficace de prévenir les affections lombaires professionnelles est dassurer une conception ergonomique des postes de travail. Une telle démarche devrait porter sur les paramètres mentionnés au tableau 6.3.
Paramètre |
Exemple |
1. Charge |
Poids et taille des objets manipulés |
2. Conception des objets |
Forme, localisation et taille des poignées |
3. Technique de levage |
Distance entre le centre de gravité de l’objet et le travailleur, mouvements de torsion |
4. Conception du poste de travail |
Caractéristiques spatiales de la tâche: transport à distance, amplitude des mouvements, obstacles (escaliers, par exemple) |
5. Conception des tâches |
Fréquence et durée |
6. Aspects psychologiques |
Satisfaction professionnelle, autonomie et contrôle, attentes |
7. Environnement |
Température, humidité, bruit, tractions du pied, vibrations transmises à l’ensemble du corps |
8. Organisation du travail |
Travail en équipe, mesures incitatoires, travail posté, rotation des postes, travail cadencé, sécurité au travail |
Source: d’après Halpern, 1992.
La plupart des interventions ergonomiques cherchent à modifier la charge, la conception des objets manipulés, les techniques de levage, laménagement des postes et le contenu des tâches. Lefficacité de ces mesures sur le plan de la prévention des lombalgies ou de la maîtrise des coûts médicaux na pas été clairement établie. La meilleure solution serait peut-être de réduire les charges les plus importantes. Une des approches préconisées est dadapter la tâche à la capacité physique du plus grand nombre (Waters et coll., 1993). Dans le cas des tâches statiques, on peut réintroduire une certaine mobilité en restructurant le poste de travail soit par une alternance des tâches, soit par leur diversification.
Il faut apprendre aux travailleurs à travailler sans risque. De nombreuses actions déducation et de formation aux techniques de levage ont été organisées, sans que leurs résultats soient toujours très convaincants. On saccorde en général pour dire quil est bon de garder la charge près du corps et déviter les secousses et les torsions, mais lavis des experts divergent quant aux avantages que présente le levage à laide des jambes ou du dos.
Si lon constate un écart entre lastreinte musculaire dun travail et la force des travailleurs et sil nest pas possible dadapter le poste, on pourra leur proposer un programme de remise en forme.
Pour prévenir lincapacité due à la lombalgie ou à sa chronicisation, lécole du dos a prouvé son efficacité dans les cas subaigus, et la remise en forme générale dans les cas subchroniques.
La formation doit aussi être étendue aux cadres et peut prendre des formes diverses: interventions précoces, traitement conservateur initial, suivi des patients, affectation à un poste de travail adapté et application des règles de sécurité. La participation active de lencadrement peut réduire de façon sensible les cas dincapacité de longue durée, ainsi que la fréquence des accidents.
Le personnel médical devrait être formé aux avantages des interventions précoces, des traitements conservateurs, du suivi des patients et être au courant des techniques de placement. Le rapport du groupe de travail québécois sur les aspects cliniques des affections vertébrales chez les travailleurs, ainsi que dautres directives de pratique clinique donnent de bonnes règles pour un traitement approprié (Spitzer et coll., 1987; AHCPR, 1994).
En général, la sélection des travailleurs avant lembauche ne constitue pas une bonne mesure de prévention des lombalgies liées au travail. En effet, aucun des paramètres suivants: antécédents de problème lombaire, radiographies du rachis lombaire, appréciation de la force et de la forme en général, ne possède une sensibilité et une spécificité suffisamment bonnes pour permettre didentifier les personnes présentant un risque accru de trouble lombalgique. Lemploi de ces techniques lors des examens dembauche peut au contraire conduire à une discrimination non justifiée de certains groupes de travailleurs. Le dépistage avant lembauche peut toutefois se révéler utile pour des catégories professionnelles spéciales (comme les pompiers ou les policiers).
Bien souvent, il nest pas possible détablir lorigine exacte de la lombalgie doù les problèmes que pose la classification des affections lombaires. Cette classification est fondée pour lessentiel sur les caractéristiques des symptômes confirmés par lexamen clinique ou par les résultats de limagerie. A la base, lexamen clinique permet de poser le diagnostic chez les patients qui souffrent dune sciatique causée par une compression ou une inflammation dune racine nerveuse rachidienne. Comme pour beaucoup dautres manifestations cliniques, telles que le syndrome facettaire, la fibrosite, les spasmes musculaires, le syndrome compartimental lombaire ou le syndrome sacro-iliaque, lexamen clinique a prouvé son manque de fiabilité.
Pour tenter de pallier cette confusion, le groupe québécois susmentionné a effectué une étude critique exhaustive des travaux publiés sur le sujet à la suite de quoi il a préconisé demployer la classification des patients lombalgiques mentionnée dans le tableau 6.4.
1. |
Douleur |
2. |
Douleur avec irradiation proximale dans le membre inférieur |
3. |
Douleur avec irradiation distale aux membres inférieurs |
4. |
Douleur avec irradiation dans le membre inférieur et signes neurologiques |
5. |
Compression présumée d’une racine nerveuse rachidienne sur une radiographie simple (par exemple, instabilité rachidienne ou fracture) |
6. |
Compression d’une racine nerveuse rachidienne confirmée par: |
7. |
Sténose rachidienne |
8. |
Statut postchirurgical, de une à six semaines après l’intervention |
9. |
Statut postchirurgical, plus de six semaines après l’intervention |
9.1. |
Asymptomatique |
9.2. |
Symptomatique |
10. |
Syndrome douloureux chronique |
11. |
Autres diagnostics |
Pour les catégories de 1 à 4, il existe une classification complémentaire basée sur les critères suivants:
a) durée des symptômes (< sept jours; de sept jours à sept semaines; > sept semaines);
b) statut professionnel (actif; sans activité, par exemple, absent du travail; sans emploi ou inactif).
Source: Spitzer et coll., 1987.
Pour chaque catégorie, on trouve dans ce document des recommandations thérapeutiques basées sur cette synthèse bibliographique.
Le terme spondylolyse décrit un défaut dans larc vertébral postérieur (partie interarticulaire ou isthme), le terme spondylolisthésis signifiant déplacement vers lavant du corps vertébral par rapport à la vertèbre sous-jacente. Lanomalie survient le plus fréquemment au niveau de la cinquième vertèbre lombaire.
Le spondylolisthésis peut être causé par des anomalies congénitales, par une fracture de fatigue ou par une fracture aiguë, par une instabilité entre deux vertèbres adjacentes due à une dégénérescence ou par une maladie infectieuse ou néoplasique.
La prévalence de la spondylolyse et du spondylolisthésis est comprise entre 3 et 7%, mais elle est beaucoup plus élevée dans certains groupes ethniques (Lapons, 13%; Esquimaux de lAlaska, 25 à 45%; Aïnous au Japon, 41%), ce qui semble indiquer lexistence dune prédisposition génétique. La spondylolyse est aussi courante chez les lombalgiques que chez les sujets sans lombalgie, mais les personnes avec un spondylolisthésis sont susceptibles de lombalgies à répétition.
Un spondylolisthésis traumatique aigu peut être consécutif à un accident du travail. La prévalence est augmentée chez les athlètes de certaines disciplines sportives telles que le football américain, la gymnastique, le lancer de javelot, le judo et lhaltérophilie. Il nexiste toutefois pas de donnée prouvant que lactivité physique au travail puisse causer une spondylolyse ou un spondylolisthésis.
Le syndrome pyramidal est une cause controversée et inhabituelle de sciatique caractérisée par des symptômes et des signes de compression nerveuse du nerf sciatique dans la région du muscle pyramidal lors de son passage à travers la grande échancrure sciatique. On ne dispose daucune donnée épidémiologique sur la prévalence de ce syndrome. Les connaissances que lon en a actuellement sont basées sur des études concernant des cas cliniques et des séries de cas. Les symptômes sont aggravés par une flexion ou une abduction prolongées de la hanche ou par la rotation interne. Récemment, lélargissement du muscle pyramidal a été confirmé dans quelques cas de syndrome pyramidal par scanner et imagerie par résonance magnétique. Le syndrome peut résulter dune lésion du muscle pyramidal.
Les symptômes et les signes les plus courants qui apparaissent dans la partie supérieure du dos et du rachis sont la douleur, la tension, la faiblesse, la raideur ou la déformation. La douleur est nettement plus fréquente dans la région lombaire et dans la colonne cervicale que dans la partie supérieure du tronc (région dorsale). A côté des symptômes locaux, les affections thoraciques peuvent être responsables de douleurs qui irradient vers la région lombaire et les membres inférieurs, ou vers la région cervico-scapulaire et les épaules, ou vers la cage thoracique et labdomen.
Les causes des dorsalgies sont multifactorielles et souvent obscures. Dans de nombreux cas, les symptômes ont pour origine une sollicitation excessive, une élongation ou des microdéchirures des tissus mous. Toutefois, il existe également de nombreuses affections spécifiques qui peuvent entraîner des douleurs dorsales telles quune scoliose sévère (bossu) ou une cyphose détiologie diverse, une maladie de Scheuermann (ostéochondrite du rachis dorsal, parfois douloureuse chez les adolescents, mais rarement chez ladulte), et dautres déformations qui peuvent être secondaires à un traumatisme ou à certaines maladies neurologiques ou musculaires. Linfection de la colonne (spondylite) est souvent localisée dans la région thoracique. Plusieurs types de microbes tels que la tuberculose peuvent être responsables de spondylite. Des dorsalgies peuvent apparaître lors de maladie rhumatismale, en particulier dans la spondylarthrite ankylosante et dans les formes sévères dostéoporose. Beaucoup dautres maladies intrarachidiennes, intrathoraciques et intra-abdominales, telles que des tumeurs, peuvent aussi provoquer des symptômes postérieurs. Il est généralement banal que la douleur soit ressentie au niveau de la colonne dorsale (douleur référée). Les métastases squelettiques de cancers provenant dautres localisations sont souvent situées au niveau du rachis dorsal; cest le cas en particulier pour les métastases des cancers du sein, du rein, du poumon et de la thyroïde. Il est extrêmement rare quun disque dorsal se rompe, lincidence étant de 0,25 à 0,5% de lensemble des ruptures discales intervertébrales.
Examen: à lexamen, il faut toujours garder à lesprit beaucoup daffections intra- ou extrarachidiennes responsables de symptômes dans la partie postérieure du thorax. Chez le patient plus âgé, les symptômes postérieurs proviennent le plus souvent de tumeurs primitives ou de métastases. Il est par conséquent très important de procéder à un interrogatoire approfondi et à un examen clinique soigneux pour établir létiologie de la maladie. Lexamen clinique devrait inclure des procédures ordinaires telles que linspection, la palpation, lévaluation de la force musculaire, de la mobilité articulaire, létat neurologique, etc. Dans les cas où les symptômes et signes sont sévères et prolongés et quand une maladie spécifique est suspectée du fait de radiographies évocatrices, dautres tests radiographiques tels que la RMN, le scanner, la scintigraphie et lélectromyographie peuvent aider à poser le diagnostic étiologique et à localiser le processus pathologique. De nos jours, la RMN est habituellement la méthode radiologique de choix en cas de douleurs thoraciques.
En vieillissant, tous les adultes souffrent de modifications dégénératives rachidiennes. La plupart des personnes ne présentent pas de symptômes en relation avec ces changements, qui sont souvent décelés alors que lon recherche dautres maladies, et ne sont habituellement daucune importance clinique. Les modifications dégénératives de la région thoracique saccompagnent rarement de symptômes locaux et irradiés tels que douleurs, tensions, raideurs et signes neurologiques.
Le rétrécissement du canal rachidien, ou sténose rachidienne, peut être à lorigine dune compression des tissus vasculaires et neurologiques responsable de douleurs locales ou irradiées et de déficit neurologique. Un prolapsus dun disque dorsal provoque rarement des symptômes. Dans bien des cas, le prolapsus discal ne cause aucun symptôme et cest par hasard quon le décèle radiologiquement.
Les principaux signes daffections dégénératives du rachis dorsal sont des tensions locales, des spasmes musculaires ou des faiblesses et, localement, une diminution de la mobilité. Dans quelques cas, on peut déceler des troubles neurologiques des parésies musculaires, des déficits des réflexes ou de la sensibilité soit localement, soit à distance dans les tissus touchés.
Le pronostic dun prolapsus discal dorsal est habituellement bon. Les symptômes diminuent en quelques semaines, tout comme dans les régions lombaire et cervicale.
Examen: il est essentiel de procéder à un examen soigneux, en particulier chez les personnes âgées en cas de douleurs sévères et prolongées ou de parésies. A côté de linterrogatoire détaillé, un examen clinique sérieux devrait être réalisé, comprenant linspection, la palpation, lanalyse de la mobilité, de la force musculaire et de létat neurologique. Parmi les examens radiologiques, la radiographie simple, le scanner et surtout la RMN sont utiles dans lévaluation du diagnostic étiologique et dans la localisation des modifications pathologiques du rachis. Lélectroneuromyogramme et limagerie isotopique peuvent contribuer au diagnostic. Pour le diagnostic différentiel, les tests de laboratoire peuvent être précieux. Dans un prolapsus discal rachidien pur et dans les modifications dégénératives, les examens de laboratoire nindiquent aucune anomalie spécifique.
La douleur et linconfort au niveau de la colonne cervicale font partie des symptômes les plus couramment associés au travail. Ils surviennent dans le travail manuel lourd comme dans le travail sédentaire assis, et les symptômes persistent souvent pendant de longues périodes voire, dans certains cas, toute la vie. Les affections du cou sont donc difficiles à guérir une fois quelles sont installées et on devrait pour cette raison accorder beaucoup plus dimportance à la prévention primaire. Si les affections de la colonne cervicale sont si courantes chez les travailleurs, cest principalement pour trois raisons:
La partie musculo-squelettique de la colonne cervicale comporte sept corps vertébraux, six disques intervertébraux (composés de cartilage), des ligaments pour maintenir ces structures et les attacher au crâne et au rachis thoracique et, enfin, des muscles entourant la colonne. Alors que chaque articulation de la colonne cervicale a une mobilité très limitée, le cou peut être fléchi, redressé, tourné et incliné avec une amplitude de mouvements relativement large (voir tableau 6.5). Lorsquon se trouve dans une position debout normale et que lon regarde droit devant, le centre de gravité de la tête et du cou est en fait situé en avant du centre de gravité corporel et il nécessite pour cette raison dêtre équilibré par les muscles dorsaux situés derrière les corps vertébraux. Quand la tête est penchée en avant, il faut davantage de force musculaire pour léquilibrer, et quand cette position est maintenue pendant une période prolongée, une fatigue musculaire importante peut apparaître. En plus de la fatigue musculaire, les mouvements de flexion et dinclinaison de la tête conduisent à une augmentation de la compression des disques intervertébraux, qui peut accélérer les processus dégénératifs.
|
Amplitude normale1 |
Amplitude admissible2 lors de la conduite prolongée de véhicule |
Flexion latérale |
45 |
– |
Rotation |
60 |
0 à 15 |
Flexion |
45 |
0 à 25 |
Extension |
–45 |
0 à –5 |
1 American Academy of Orthopaedic Surgeons, 1988.
2 Hansson, 1987.
Les muscles entourant le cou interviennent au cours du travail des bras pour stabiliser le système épaules-bras. Le trapèze et plusieurs autres muscles proviennent du rachis cervical et sétendent vers le bas ou vers lextérieur pour sinsérer sur lépaule. Ces muscles sont souvent le siège de dysfonctionnements et daffections, en particulier lors de tâches comportant un travail statique ou répétitif dans lequel les bras sont levés et la vision fixe.
Les structures qui stabilisent le cou sont très robustes, puisquelles servent à protéger le tissu nerveux à lintérieur du canal rachidien et les racines nerveuses émergeant des ouvertures intervertébrales assumant linnervation du cou, de lextrémité céphalique et de la partie supérieure du thorax. Les disques intervertébraux, les parties adjacentes des corps vertébraux et les facettes articulaires des trous de conjugaison sont souvent le site de modifications dégénératives qui peuvent exercer une compression sur les nerfs et rétrécir leur zone de passage (voir figure 6.13).
Comme nous lavons mentionné dans lintroduction, les symptômes tels que la souffrance, la douleur et la gêne au niveau de la colonne cervicale sont très courants. Selon la méthode dinvestigation et les critères employés, les taux de prévalence des affections de la colonne cervicale varient. Les enquêtes par correspondance ou les entrevues axées sur les affections musculo-squelettiques donnent habituellement une fréquence du symptôme plus élevée quune investigation minutieuse à laquelle on associe un examen clinique. Ainsi, les comparaisons entre groupes ne peuvent être faites que si lon a employé les mêmes techniques de recherche. La figure 6.14 indique la prévalence des symptômes de troubles cervicaux sur une année dans un échantillon représentatif de la population islandaise ayant répondu à une enquête par correspondanc faite grâce au questionnaire nordique standard pour lanalyse des affections musculo-squelettiques (Kuorinka et coll., 1987). Les troubles de la colonne cervicale (souffrance, douleur et gêne) étaient les troisièmes plus fréquents (38% en moyenne sur lensemble de léchantillon), après ceux de lépaule (43%) et les lombalgies (56%). Les affections de la colonne cervicale étaient plus courantes chez les femmes que chez les hommes, et lon constatait une augmentation de leur prévalence à partir de 25-30 ans, puis une stabilisation, avec à nouveau une légère diminution aux alentours de 50 à 55 ans. Dans un échantillon représentatif de 200 hommes et femmes originaires de Stockholm âgés de 16 à 65 ans, la prévalence annuelle se situait aux alentours de 30% chez les hommes et de 60% chez les femmes. Un antécédent de douleur récente de la colonne cervicale ayant duré au moins un mois était retrouvé chez environ 22% dun échantillon de la population de Göteborg (Suède); comme précédemment mentionné, ce siège de la douleur arrivait en troisième position des symptômes les plus courants après lépaule et le rachis lombaire.
Les affections de la colonne cervicale sont beaucoup plus fréquentes dans certaines catégories professionnelles. Les services suédois de santé au travail ont procédé à la collecte de données dans plusieurs professions en employant le questionnaire nordique (Kuorinka et coll., 1987). Ils ont constaté que le risque de troubles au niveau de la colonne cervicale (souffrance, douleur et gêne) était beaucoup plus élevé chez les travailleurs sur terminal à écran de visualisation (TEV), les opérateurs de machines à coudre, les couturières et les monteurs de composants électroniques, avec une prévalence sur une période de douze mois supérieure à 60%. Ils ont aussi noté que plus dun tiers des sujets qui déclarent souffrir de troubles estiment aussi que ceux-ci ont des répercussions sur leur vie professionnelle soit parce quils sont contraints de prendre des jours darrêt de travail, soit parce quils sont obligés de changer de travail ou de demander un aménagement de leur poste.
Les études épidémiologiques des affections de la colonne cervicale et des épaules ont été revues et regroupées par type dexposition (travail répétitif ou travail bras levés). Les affections des tissus mous du cou telles que des tensions cervicales et dautres myalgies peuvent être très sensiblement augmentées dans un certain nombre de tâches professionnelles comme la saisie de données, la dactylographie, la fabrication de ciseaux, le montage de lampes et lenroulage de films ou de pellicules.
Les affections dégénératives des disques intervertébraux du cou sont plus courantes chez les mineurs de charbon, les dentistes et les travailleurs de la filière viande (Hagberg et Wegman, 1987).
La flexion, lextension, linflexion latérale et la torsion prolongées du cou peuvent causer une fatigue musculaire et conduire à des lésions musculaires chroniques ainsi quà des modifications dégénératives du rachis cervical. Lactivité musculaire nécessaire pour contrebalancer le poids de la tête dans la flexion antérieure du cou augmente en fonction de langle de flexion (voir figure 6.15). La fatigue et la douleur sont courantes dans la flexion cervicale en cas de travail prolongé. Quand la tête est penchée en avant en limite extrême de mobilité, la charge principale est transférée des muscles aux ligaments et aux capsules articulaires entourant le rachis cervical. On a calculé que si la colonne cervicale est entièrement fléchie en position maximale, le couple de torsions exercé par la tête et le cou sur le disque entre le corps de la septième vertèbre cervicale et de la première vertèbre thoracique est augmenté par un facteur de 3,6. De telles positions conduisent à lapparition de douleurs en à peine une quinzaine de minutes et, habituellement, il faut reprendre une posture normale dans un intervalle de quinze à soixante minutes du fait de lintensité de la douleur. Les postures dans lesquelles le cou est penché en avant pendant des périodes prolongées plusieurs heures par exemple ne sont pas rares lors des travaux dassemblage ou de montage dans lindustrie, dans le travail sur terminal à écran de visualisation et dans les tâches demballage et de contrôle, où les postes sont mal conçus. De telles postures sont souvent le résultat dun compromis entre la nécessité deffectuer un travail avec les mains, sans lever les bras, et celle dassurer simultanément un contrôle visuel. Pour une étude des mécanismes qui conduisent de la fatigue musculaire à la lésion, se reporter à larticle précédent intitulé «Les muscles».
Lextension du cou pendant des périodes prolongées, comme dans le cas dun travail avec les bras levés dans le bâtiment, peut être très éprouvante pour les muscles antérieurs du rachis cervical. En particulier, le couple de torsions inclinant la tête vers larrière est souvent important si en plus le travailleur doit porter un équipement de protection lourd, un casque par exemple.
Les mouvements répétés des mains augmentent le besoin de stabilisation du cou et de la région des épaules et accroissent, de ce fait, le risque de plaintes cervicales. Ce besoin de stabilisation est dautant plus grand si lon impose au travailleur des cadences ou une grande précision de mouvements, ou encore sil doit déployer une grande force avec les mains. Les mouvements répétés de la tête sont moins fréquents. Les va-et-vient rapides et répétés dun objet à lautre se font en général grâce aux mouvements des yeux sauf si la distance entre les objets est relativement importante, comme cest le cas par exemple aux postes de travail informatisés de grande taille.
Les vibrations locales au niveau des mains, auxquelles on est exposé lorsquon se sert de perceuses ou dautres machines vibrantes portatives, se propagent le long des bras, mais la fraction qui atteint la région du cou et des épaules est négligeable. Cependant, la tenue dun appareil vibrant peut obliger à des contractions au niveau des muscles proximaux de la région cervicale et des épaules, pour stabiliser la main et la machine, et peut, de ce fait, être responsable dune fatigue cervicale. Les mécanismes et la prévalence de telles plaintes induites par les vibrations ne sont pas bien connus.
Lorganisation du travail désigne ici la répartition des tâches dans le temps et entre les travailleurs, ainsi que leur durée, de même que la répartition et la durée des temps de pause et des périodes de repos. La durée du travail et des périodes de repos a un impact considérable sur la fatigue tissulaire et la récupération. Il existe peu de travaux qui étudient précisément les répercussions que lorganisation du travail peut avoir sur les affections de la colonne cervicale. Dans une vaste étude épidémiologique faite en Suède, on a constaté que le travail pendant plus de quatre heures par jour sur TEV était associé à des taux élevés de symptômes de la colonne cervicale (Aronsson, Bergkvist et Almers, 1992). Ces résultats ont été par la suite confirmés par dautres études.
Des corrélations ont été mises en évidence dans plusieurs études entre les facteurs psychologiques et sociaux dans lentreprise et les affections de la région de la colonne cervicale. Ces facteurs étaient en particulier la perception de contrainte psychologique, une autonomie insuffisante dans le travail, de mauvaises relations avec le personnel dencadrement et les collègues de travail, ainsi que limposition de cadences ou dune grande précision. Dans des études transversales, ces facteurs ont été associés à un risque accru (jusquà deux fois plus élevé) de troubles cervicaux. Ce phénomène serait dû à une augmentation de la tension des trapèzes et des autres muscles entourant le cou, qui ferait partie dune réaction générale au «stress». Puisque les études longitudinales avec un bon appariement de témoins sont rares, le caractère causal ou aggravant de ces facteurs demeure encore incertain. En outre, les postes où le travail seffectue dans des postures inconfortables prolongées se trouvent bien souvent dans des entreprises où les conditions psychologiques et sociales sont mauvaises.
Nous avons parlé de la façon dont les caractéristiques individuelles telles que lâge, le sexe, la force musculaire, lendurance, laptitude physique, la stature, la personnalité, lintelligence, les loisirs ou le mode de vie (activité physique, tabac, alcool, régime alimentaire), et les antécédents de troubles musculo-squelettiques pouvaient modifier les réactions à des situations physiques ou psychosociales. Le rôle de lâge en tant que facteur de risque est traité ci-dessus et illustré à la figure 6.14.
Les femmes déclarent habituellement une prévalence plus élevée de symptômes de la colonne cervicale que les hommes. Lexplication la plus vraisemblable est quelles sont davantage exposées à des facteurs de risque à la fois physiques et psychosociaux que les hommes, en particulier dans le travail sur TEV, le montage de petits composants ou la couture à la machine.
Les études des groupes musculaires autres que ceux du cou ne montrent pas de façon cohérente quune force statique basse entraîne nécessairement un risque élevé de troubles et on ne dispose daucune donnée concernant les muscles du cou. Lors dune étude effectuée sur une population de Stockholm prise au hasard, une faible endurance à lextension du cou était légèrement corrélée au développement ultérieur daffections de la colonne cervicale (Schüldt et coll., 1993). Des résultats similaires ont été signalés pour les affections lombaires.
Dans une étude longitudinale faite en Suède, le type de personnalité était un facteur de risque pour le développement des affections cervico-scapulaires (Hägg, Suurküla et Kilbom, 1990). Les salariés ayant une personnalité de type A (cest-à-dire ceux qui sont ambitieux et vifs) développaient plus de problèmes sérieux que les autres sans que ces associations soient pour autant en relation avec la productivité individuelle.
On sait peu de choses de lassociation entre dautres caractéristiques personnelles et les troubles cervicaux.
Le poste de travail devrait être conçu de façon que la tête ne reste pas penchée, relevée ou tournée sans bouger pendant des périodes dépassant celles admises pour la conduite prolongée de véhicules (voir tableau 6.5). Les mouvements compris dans les limites normales de mobilité sont acceptables, de même que des mouvements occasionnels extrêmes. Des études expérimentales ont montré que la charge des muscles du cou était moins forte lorsque le tronc est légèrement penché en arrière, plutôt que parfaitement droit, et que cette posture est également préférable à celle du tronc penché en avant (Schüldt, 1988).
Laménagement du poste de travail et limplantation des équipements doivent être effectués avec beaucoup de soin et doivent être le résultat dun bon compromis entre le besoin dune position optimale de la tête et de lensemble bras-épaules. Habituellement, loutil de travail est placé légèrement au-dessous du niveau du coude, ce qui peut toutefois provoquer une tension importante sur les muscles du cou (par exemple lors de travaux de montage). Une adaptation individuelle du poste de travail savère donc nécessaire.
Lastreinte visuelle fait augmenter la tension des muscles du cou doù limportance à accorder à léclairage, aux contrastes, à la lisibilité des informations sur écran et sur papier. Pour le travail sur écran, la distance dobservation devrait idéalement se situer aux alentours de 45 à 50 cm, et langle de vision entre 10 et 20°. La vision du travailleur devrait être optimalisée grâce à des verres correcteurs.
Les personnes qui effectuent des travaux imposant des charges statiques au niveau du cou (assemblage, saisie de données) devraient avoir droit à des pauses fréquentes pour leur permettre de récupérer de leur fatigue. Certaines entreprises réglementent le travail sur écran et le limitent à quatre heures par jour avec des pauses denviron dix minutes toutes les heures. Comme nous lavons déjà expliqué, les données scientifiques ayant servi à établir de telles recommandations pour limiter lastreinte cervicale sont relativement peu nombreuses.
La localisation la plus courante des cervicalgies et des autres myalgies est la partie supérieure du muscle trapèze, mais il arrive aussi souvent que dautres muscles dorigine cervicale soient touchés simultanément. Les symptômes sont la raideur de la colonne cervicale et des douleurs au travail et au repos. Le sujet ressent fréquemment une fatigue musculaire excessive même sil ne travaille que pendant de courtes périodes et, encore, pas de façon intense. Les muscles sont sensibles et des points douloureux peuvent souvent être trouvés à la palpation. La cervicalgie est courante dans les métiers comportant des charges statiques prolongées sur le cou et les épaules. Lexamen microscopique des tissus a mis en évidence des modifications morphologiques des muscles dont les mécanismes ne sont toutefois pas encore bien compris; ils sont probablement dus à la fois à la circulation sanguine et à la régulation nerveuse.
Cette douleur aiguë et cette raideur de la colonne cervicale peuvent résulter dune torsion brutale de la tête avec extension du bras opposé mais, parfois, aucun événement déclenchant ne peut être identifié. On pense que le torticolis aigu est causé par la tension et la rupture partielle des ligaments de la colonne cervicale. Habituellement, la douleur et la raideur sapaisent après une semaine de repos, avec un support externe (collier cervical), ainsi quavec des traitements myorésolutifs.
La dégénérescence du rachis cervical frappe les disques qui perdent une partie de leur résistance même pour des contraintes légères. La hernie du disque avec expulsion de son contenu, ou son bombement, peut endommager le tissu nerveux et les vaisseaux sanguins latéraux et postérieurs du disque. Lune des affections aiguës dégénératives du disque est la compression des racines nerveuses sétendant depuis la moelle épinière et se distribuant à la colonne cervicale, aux bras et à la partie supérieure du thorax. En fonction de la localisation de la compression (disque entre la deuxième et la troisième vertèbre cervicale, entre la troisième et la quatrième, etc.), des symptômes aigus sensitifs et moteurs peuvent survenir dans les régions alimentées par ces nerfs. En cas de symptômes aigus de la colonne cervicale et des bras, on effectue un examen neurologique soigneux de façon à identifier le niveau du prolapsus discal éventuel, ainsi que des examens radiographiques, généralement complétés par un scanner ou une résonance magnétique nucléaire.
La dégénérescence du rachis cervical comprend le pincement discal, la formation dos excédentaire (également appelée ostéophyte) sétendant depuis les bords de la vertèbre cervicale, et lépaississement des ligaments, comme dans une affection aiguë. Quand les ostéophytes sétendent jusquaux foramens, ils peuvent comprimer les racines nerveuses. Le terme de spondylarthrose (ou spondylose) est employé pour désigner les changements radiologiques de la colonne cervicale parfois associés à des symptômes locaux chroniques. Ces changements radiologiques peuvent être très avancés sans symptôme sérieux et vice versa. Les symptômes sont le plus souvent une souffrance et une douleur de la colonne cervicale, sétendant parfois à la tête et à la région de lépaule, ainsi quune mobilité réduite. Chaque fois que les racines nerveuses sont comprimées, le diagnostic retenu est celui de syndrome cervical. Le syndrome cervical se caractérise par une souffrance et une douleur cervicales associées à une diminution de la mobilité et à des symptômes sensitifs et moteurs du côté de la racine nerveuse comprimée. Les symptômes tels quune diminution de la sensibilité au toucher, un engourdissement, des fourmillements et une force réduite sont fréquents dans la main et le bras. Ces symptômes sont donc semblables à ceux qui apparaissent en cas de hernie discale aiguë, mais ils sinstallent généralement de manière progressive et leur intensité peut fluctuer en fonction de la charge externe. La spondylose cervicale comme le syndrome cervical sont courants dans la population, notamment chez les personnes âgées. Le risque de cervicarthrose est élevé dans les professions où les charges biomécaniques sur la colonne cervicale sont élevées et soutenues comme les mineurs, les dentistes et les travailleurs de la filière viande.
Dans les accidents automobiles avec choc par larrière, la tête (si elle nest pas arrêtée par un appui-tête) est violemment projetée vers larrière. Dans les accidents moins graves, les muscles peuvent subir des ruptures qui restent partielles alors que lors daccidents graves, ceux de la partie antérieure du rachis cervical de même que les ligaments et les racines nerveuses peuvent être très endommagés. Dans les cas les plus sérieux, les vertèbres cervicales sont disloquées. Les syndromes du «coup du lapin» nécessitent un examen et un traitement soigneux puisque des symptômes tels que des céphalées peuvent sinstaller de façon durable si la lésion nest pas bien soignée.
Les affections de la région scapulaire sont des pathologies courantes dans la population en général comme dans la population active. Près dun tiers des femmes et un quart des hommes déclarent ressentir des douleurs dans la colonne cervicale et les épaules chaque jour, ou un jour sur deux. On estime que la prévalence des tendinites de lépaule dans la population est denviron 2%. Aux Etats-Unis, la prévalence des tendinites de lépaule atteint 8% chez les travailleurs des deux sexes exposés à des mouvements hautement répétitifs ou nécessitant une force manuelle importante, contre environ 1% chez ceux qui ne sont pas exposés à telles contraintes.
Les os de lépaule comprennent la clavicule, lomoplate et larticulation gléno-humérale (voir figure 6.16). La clavicule est rattachée au corps par larticulation sterno-claviculaire, et à lomoplate par larticulation acromio-claviculaire. Larticulation sterno-claviculaire est le seul lien entre le membre supérieur et le reste du corps. Lomoplate nest pas reliée directement au tronc et lépaule dépend donc de muscles pour son attachement au tronc. Le membre supérieur est relié à lomoplate par larticulation gléno-humérale.
Lépaule sert de plate-forme au membre supérieur et à certains de ses muscles. Larticulation gléno-humérale a une amplitude de mouvements plus grande que le membre inférieur au niveau de la hanche, par exemple, mais cette souplesse a été développée au prix de la stabilité. Alors que les ligaments de la hanche sont très solides, ceux de larticulation gléno-humérale sont peu nombreux et faibles. Pour compenser cette faiblesse relative, cette articulation est entourée par les muscles de lépaule appelés coiffe des rotateurs.
Le bras représente environ 5% du poids corporel total et son centre de gravité se situe à peu près à mi-chemin entre larticulation gléno-humérale et le poignet. Quand le bras est levé ou écarté du corps ou fléchi (abduction ou flexion), il se crée un levier dans lequel la distance par rapport au centre de gravité saccroît et qui fait augmenter la force de cisaillement et le couple de torsion liés à la charge sur larticulation gléno-humérale. La vitesse à laquelle le couple de torsion augmente nest cependant pas simplement et directement proportionnelle à langle de fléchissement du bras, parce que la fonction mathématique qui décrit les forces biomécaniques nest pas linéaire, mais est au contraire une fonction sinusoïdale de langle dabduction. Le couple de torsion ne décroît que de 10% environ si langle de flexion ou dabduction diminue de 90 à 60°. Cependant, si langle passe de 60 à 30°, le couple de torsion est réduit, quant à lui, jusquà 50%.
La force de flexion de larticulation gléno-humérale est denviron 40 à 50 Nm chez les femmes et 80 à 100 Nm chez les hommes. Quand le bras est tendu à lhorizontale (90° de flexion antérieure) et quaucune charge externe ne sexerce sur le bras cest-à-dire lorsque le sujet ne tient pas dobjet ou ne se sert pas de son bras pour déployer une force , la charge statique est encore, chez les femmes, denviron 15 à 20% de la capacité volontaire maximale (CVM) et denviron 10 à 15% de la CVM chez les hommes. Si lon tient un objet de 1 kg dans la main avec un bras tendu, la charge correspondante dans lépaule serait denviron 80% de la CVM pour les femmes (voir figure 6.17).
Les muscles les plus importants pour labduction écartement latéral du bras par rapport au reste du corps sont le deltoïde, les muscles de la coiffe des rotateurs et le long chef du biceps. Les muscles les plus importants pour la flexion antérieure élévation du bras à distance du corps en direction de lavant sont la partie antérieure du deltoïde, les muscles de la coiffe des rotateurs, le muscle coraco-brachial, ainsi que le court chef du biceps brachial. La rotation interne est assurée par le grand pectoral, le muscle sous-scapulaire, la partie antérieure du deltoïde et par le grand dorsal. La rotation externe seffectue grâce au chef postérieur du deltoïde, au sous-épineux et aux muscles grand et petit ronds.
Les muscles de la coiffe des rotateurs participent à tous les mouvements de larticulation gléno-humérale, soit à tous les mouvements du bras. Ces muscles partent de lomoplate et leurs tendons sont disposés autour de lhumérus en forme de coiffe, doù leur nom. Les quatre muscles de la coiffe des rotateurs sont le sus-épineux, le sous-épineux, le petit rond et le muscle sous-scapulaire. Ils jouent le rôle de ligaments dans larticulation gléno-humérale et maintiennent la tête humérale contre lomoplate. Une rupture de la coiffe des rotateurs (du tendon du sus-épineux, par exemple) entraîne une réduction de la force dabduction, en particulier dans les positions où le bras est écarté du corps. Lorsque le muscle deltoïde nest plus fonctionnel, sa force dabduction peut être réduite de moitié quel que soit langle dabduction du bras.
Chaque fois quil y a flexion antérieure ou abduction du bras, il se produit une mise en charge du système. Beaucoup de mouvements seront responsables dune force de cisaillement, voire dun couple de torsion. Comme le bras est relié à lomoplate par larticulation gléno-humérale, toute charge qui sexerce sur larticulation se répercute sur lomoplate. La charge de larticulation gléno-humérale, mesurée en pourcentage de la CVM, est presque directement proportionnelle à la charge sexerçant sur le muscle qui fixe lomoplate à sa place, le chef supérieur du trapèze.
Les tendinites et les ténosynovites sont des inflammations, respectivement dun tendon et de la membrane synoviale dune enveloppe tendineuse. Les tendons des muscles de la coiffe des rotateurs (sus-épineux, sous-épineux, sous-scapulaire et muscle petit rond) et du long chef du biceps brachial sont le siège habituel de linflammation de lépaule. En ces points, les mouvements des tendons sont des mouvements de grande amplitude. Comme les tendons passent par larticulation de lépaule et sous la structure osseuse locale (arche coraco-acromiale), il leur arrive dêtre coincés pendant lélévation du bras et dêtre ainsi le siège dune inflammation. Ces affections sont parfois appelées syndrome du défilé thoracique. Linflammation du tendon peut faire partie dune maladie inflammatoire générale, comme la polyarthrite rhumatoïde, mais peut également être causée par une inflammation locale qui résulte dune irritation et dune friction mécaniques.
Larthrose des articulations de lépaule et de lacromio-claviculaire est une modification dégénérative du cartilage et de los dans les articulations.
Il existe une prévalence élevée des tendinites de lépaule chez les soudeurs et les tôliers: 18% et 16% respectivement. Dans une étude qui compare ces deux catégories professionnelles à des employés de bureau de sexe masculin, les soudeurs et les tôliers ont de 11 à 13 fois plus de risque de souffrir de cette affection, comme lindique le rapport de cotes (Odds Ratio ou OR). Un OR semblable de 11 a été trouvé dans une étude cas-témoins réalisée chez des travailleurs de sexe masculin de lindustrie, qui effectuaient un travail manuel faisant appel à lépaule ou à sa région. Les monteurs automobiles qui souffraient de douleurs aiguës de lépaule et de tendinite étaient amenés à lever les bras plus fréquemment et pendant plus longtemps que les travailleurs qui navaient pas de telles contraintes dans leur travail.
Des études menées sur des travailleurs de lindustrie aux Etats-Unis ont montré une prévalence de 7,8% de tendinite de lépaule et de maladie dégénérative articulaire (épaule) provenant de troubles dus à des traumatismes cumulés (CTD) chez des sujets devant accomplir des tâches de force ou des mouvements répétés, ou les deux, avec le poignet et les mains. Dans une étude, des étudiantes à qui on avait demandé de faire des flexions répétées de lépaule ont développé des tendinites scapulaires réversibles. La pathologie apparaissait quand la fréquence de flexion, au cours dune heure, était de plus de quinze flexions vers lavant par minute avec un angle de flexion compris entre 0 et 90°. Les repasseurs, les plieurs et les couturiers présentaient environ deux fois plus de tendinites de lépaule que les tricoteurs. Chez les lanceurs professionnels de base-ball, environ 10% avaient déjà eu une tendinite de lépaule. Une enquête conduite dans des clubs de natation canadiens a montré que 15% des nageurs déclaraient souffrir dune incapacité importante de lépaule, résultant le plus souvent dun syndrome du défilé thoracique. Une corrélation a été en particulier mise en évidence avec la nage papillon et la nage libre. La tendinite du biceps brachial a été trouvée chez 11% des 84 meilleurs joueurs de tennis du monde.
Une autre étude a montré que larthrose de larticulation de lépaule était plus courante chez les dentistes que chez les exploitants agricoles, sans que lon nait pu identifier précisément le facteur ergonomique responsable. Un risque augmenté darthrose acromio-claviculaire a été signalé chez des travailleurs du bâtiment. On a suggéré que le levage et lutilisation doutils lourds provoquant des vibrations du système main-bras étaient à lorigine de ce type darthrose.
La dégénérescence tendineuse est souvent le facteur prédisposant au développement dune tendinite de lépaule. Une telle dégénérescence peut être due à une anomalie circulatoire dans le tendon responsable dune atteinte métabolique ou encore à une contrainte mécanique. La mort cellulaire à lintérieur du tendon, avec production de débris et dépôts de calcium in situ, peut être la forme initiale de la dégénérescence. Les tendons du sus-épineux, du biceps brachial (long chef) et la partie supérieure du muscle sous-épineux ont une zone dépourvue de vaisseaux sanguins (avascularisation), et cest dans cette zone que les signes de dégénérescence, incluant la mort cellulaire, les dépôts calciques et les ruptures microscopiques sont surtout localisés. Quand la circulation sanguine est anormale en raison soit dune compression, soit dune charge statique sur les tendons de lépaule, le métabolisme corporel normal ne peut se faire de façon optimale et la dégénérescence peut saccélérer.
La compression des tendons se produit lorsque le bras est levé. Comme le montre la figure 6.18, le syndrome du défilé thoracique est souvent le résultat du passage forcé des tendons à travers le défilé osseux de lépaule. La compression des tendons de la coiffe des rotateurs (en particulier celui du sus-épineux) provient du fait que lespace entre la tête humérale et le rétrécissement lié à larche coraco-acromiale est étroit. Les personnes qui souffrent dune incapacité de longue durée due à une bursite chronique ou à une rupture complète ou partielle des tendons de la coiffe des rotateurs ou du biceps brachial présentent habituellement également un syndrome du défilé thoracique.
La circulation du sang dans le tendon dépend également de la contraction musculaire. Dans le tendon, la circulation est inversement proportionnelle à la contraction. A de très hauts niveaux de contraction, la circulation peut cesser complètement. Des études récentes ont montré que la pression intramusculaire dans le muscle sus-épineux peut dépasser 30 mm Hg à 30° de flexion antérieure ou dabduction de larticulation de lépaule (voir figure 6.19). Or, cest à ce niveau de pression que survient une insuffisance de la circulation sanguine. Comme le principal vaisseau sanguin qui alimente le tendon du sus-épineux passe à travers le muscle sus-épineux, il est probable que la circulation du tendon peut même être perturbée à 30° de flexion antérieure ou dabduction de larticulation de lépaule.
Vu ces effets biomécaniques, il nest donc pas surprenant de trouver un risque élevé de lésions tendineuses de lépaule chez les personnes appelées à exécuter des travaux qui nécessitent des contractions statiques du muscle sus-épineux ou des flexions antérieures répétitives de lépaule, ou des abductions. Les soudeurs, les chaudronniers-tôliers et les couturiers font partie des catégories professionnelles dans ce cas. Les monteurs à la chaîne dans lindustrie automobile, les peintres en bâtiment, les menuisiers et les athlètes tels que les nageurs sont eux aussi appelés à effectuer des mouvements répétés de larticulation de lépaule.
Dans le tendon dégénéré, leffort peut déclencher une réponse inflammatoire au niveau des débris de cellules mortes, causant une tendinite active. Une infection (virale ou urogénitale) ou une inflammation systémique peuvent aussi prédisposer à une réactivation dune tendinite de lépaule. Une autre hypothèse est quune infection, qui stimule le système immunitaire, augmente le risque de réponse aux corps étrangers que deviennent les structures dégénérées du tendon.
La pathogenèse de larthrose nest pas connue. Une arthrose primaire (idiopathique) est le diagnostic le plus courant en labsence de facteurs étiologiques tels quune fracture antérieure. En présence de ces facteurs, on parle darthrose secondaire. Il existe des dissensions entre ceux qui estiment que larthrose (primaire) est une affection métabolique ou génétique et ceux qui considèrent quelle peut aussi être due à des traumatismes mécaniques cumulés. Les microfractures dues à des impacts soudains ou à des charges répétées peuvent être un mécanisme pathogénique conduisant à une arthrose.
Dans cet article, nous étudions la prise en charge autre que médicale des affections de lépaule. Une modification de la conception du poste ou des tâches peut savérer nécessaire si lon estime que la tendinite est due à une charge locale élevée au niveau de lépaule. Des antécédents de tendinite de lépaule peuvent être responsables, dans un travail répétitif avec les bras levés, dune récidive. La charge sur larticulation arthrosique devrait être réduite au minimum en optimisant la conception ergonomique du travail.
La prévention des troubles musculo-squelettiques de lépaule dorigine professionnelle peut être obtenue en améliorant les gestes et les postures de travail, les mouvements, la manutention, lorganisation du travail, ainsi quen supprimant les facteurs de risque physiques comme les vibrations transmises au système main-bras ou à lensemble du corps. On peut pour cela utiliser avantageusement lergonomie participative en lassociant à une démarche macroergonomique.
Lépicondylite est une affection douloureuse localisée au coude où se trouvent les attaches ostéo-musculaires qui permettent au poignet et aux doigts de bouger. Quand cette douleur apparaît à la face externe, on lappelle «tennis elbow», ou coude du joueur de tennis (épicondylite latérale). Si elle se manifeste sur le bord interne du coude, elle est appelée «golfers elbow», ou coude du golfeur (épicondylite médiane). Le «tennis elbow» est une maladie assez courante dans la population et certaines études ont fait état dune fréquence élevée dans quelques professions comportant des tâches manuelles intensives (voir tableau 6.6); lépicondylite latérale se rencontre plus fréquemment que lépicondylite médiane.
Populations étudiées |
Fréquence pour 100 années-personnes |
Références |
5 000 travailleurs exerçant divers métiers |
1,5 |
Manz et Rausch, 1965 |
15 000 sujets d’une population standard |
<1,0 |
Allander, 1974 |
7 600 travailleurs exerçant divers métiers |
0,6 |
Kivi, 1983 |
102 découpeurs de viande (hommes) |
6,4 |
Kurppa et coll., 1991 |
107 préparatrices de saucisses |
11,3 |
Kurppa et coll., 1991 |
118 emballeuses |
7,0 |
Kurppa et coll., 1991 |
141 hommes occupant des postes sans astreinte importante |
0,9 |
Kurppa et coll., 1991 |
197 femmes occupant des postes sans astreinte importante |
1,1 |
Kurppa et coll., 1991 |
On pense que lépicondylite est provoquée par une utilisation répétée et intense du poignet et des doigts; des études cas-témoins ont pourtant donné des résultats contradictoires quant au rôle de ce type de tâches dans le développement de cette affection. Lépicondylite peut également être causée par un traumatisme et la proportion des cas survenant après un traumatisme varie de 0 à 26% selon les études. Lépicondylite survient en général chez des sujets de 40 ans et plus, rarement avant lâge de 30 ans. Les autres facteurs de risque individuel sont mal connus. On entend souvent dire quelle est provoquée par une déchirure à linsertion des muscles. Lépicondylite est douloureuse, en particulier lors des efforts de la main et du poignet, et elle peut être extrêmement douloureuse lors de la préhension avec le coude en extension.
Les points de vue divergent quant à la pathogenèse de lépicondylite. Elle dure habituellement de quelques semaines à quelques mois, et est généralement suivie dune récupération complète. Chez les travailleurs exécutant des tâches manuelles intensives, la durée des arrêts de travail dus à lépicondylite se situe habituellement aux alentours de deux semaines.
La bursite olécrânienne est une inflammation dun sac rempli de liquide à la face dorsale du coude (bourse olécrânienne). Elle peut être causée par des traumatismes mécaniques répétés (bursite traumatique ou de létudiant), être due à une infection ou encore associée à la goutte. Elle se manifeste par un gonflement local et une sensation dondulation à la palpation résultant de laccumulation de liquide dans la bourse. En cas délévation de la température de la peau, un processus infectieux (bursite septique) est évoqué.
Larthrose, ou maladie dégénérative qui résulte dune dégradation du cartilage du coude, est rarement observée chez les sujets de moins de 60 ans. Néanmoins, un excès de prévalence de cette pathologie a été constaté dans certains groupes professionnels se servant beaucoup de machines portatives ou effectuant des travaux manuels lourds, tels que les mineurs de charbon et les ouvriers chargés de la construction des routes. Certaines études sérieuses ont toutefois aussi rapporté labsence de risque excessif dans ces mêmes professions. Larthrose du coude a également été associée aux vibrations, mais on pense quelle nest pas spécifique aux vibrations.
Les symptômes incluent une douleur locale, en premier lieu pendant le mouvement et également plus tard au repos, ainsi quune limitation de lamplitude des mouvements. En présence de corps étrangers dans larticulation, un blocage articulaire peut se produire. Il est particulièrement invalidant de ne plus pouvoir mettre larticulation en extension complète. Les anomalies vues sur les radiographies comprennent des excroissances osseuses aux endroits où les ligaments et les tendons sinsèrent sur los. Parfois, des fragments dorigine cartilagineuse ou osseuse peuvent être observés. Les lésions du cartilage articulaire peuvent conduire à une destruction du tissu osseux sous-jacent et à une déformation des surfaces articulaires.
Pour prévenir et traiter larthrose du coude, il convient doptimiser les conditions de travail en améliorant la conception des outils et des méthodes afin de diminuer les charges mécaniques imposées au membre supérieur et de réduire le plus possible lexposition aux vibrations. La thérapie de mobilisation active et passive peut être utilisée dans le but de limiter le plus possible lamplitude des mouvements.
Au poignet et à la main, les tendons sont entourés par des enveloppes tendineuses, qui sont des structures tubulaires contenant un liquide assurant à la fois leur lubrification et leur protection. Linflammation de lenveloppe tendineuse est appelée ténosynovite, celle du site où le muscle sinsère sur le tendon étant appelée péritendinite. La ténosynovite du poignet est localisée dans la zone de lenveloppe tendineuse, au niveau du poignet, et celle de la péritendinite, au-dessus de la zone de lenveloppe tendineuse, dans lavant-bras. La tendinite dinsertion est une inflammation du tendon à lendroit où il sinsère sur los (voir figure 6.20).
La terminologie des maladies du tendon et de ses structures adjacentes nest pas toujours très rigoureuse et le terme de «tendinite» a parfois été employé pour désigner toutes les affections douloureuses de la région de lavant-bras, du poignet ou de la main, quel que soit laspect clinique. En Amérique du Nord, lexpression diagnostique générique «cumulative trauma disorders (CTD)» traduite en français par «troubles dus à des traumatismes cumulés» regroupe toutes les affections des tissus mous des membres supérieurs considérées comme étant causées, précipitées ou aggravées par les efforts répétés de la main. En Australie et dans dautres pays, on parle de «repetitive strain injury (RSI)» (lésions dues à des efforts répétés) ou «overuse syndrome» (syndrome dhypersollicitation), tandis quau Japon le diagnostic de «occupational cervicobrachial disorder» (OCD) (trouble cervico-brachial dorigine professionnelle) recouvre toutes les affections des tissus mous du membre supérieur. Les deux derniers diagnostics incluent également les affections de lépaule et du cou.
La survenue dune ténosynovite ou dune péritendinite varie beaucoup en fonction du type de travail exercé. Des incidences élevées ont été signalées chez des travailleurs des industries manufacturières, comme les industries alimentaires, ou chez les bouchers, les préposés à lemballage ou au montage. Certaines études récentes montrent quil existe des taux dincidence élevés de ces pathologies, même dans des entreprises modernes (voir tableau 6.7). Les affections tendineuses sont plus courantes sur la face dorsale du poignet que sur la face antérieure. Les douleurs du membre supérieur et dautres symptômes sont courants également dans dautres types de tâches telles que le travail sur des claviers modernes. Les signes cliniques que les travailleurs sur clavier présentent évoquent, cependant, rarement une ténosynovite ou une péritendinite.
Populations étudiées |
Fréquence pour 100 années-personnes |
Références |
700 Moscovites emballeurs de thé |
40,5 |
Obolenskaja et Goljanitzki, 1927 |
12 000 travailleurs de l’industrie automobile |
0,3 |
Thompson et coll., 1951 |
7 600 travailleurs exerçant divers métiers |
0,4 |
Kivi, 1982 |
102 découpeurs de viande (hommes) |
12,5 |
Kurppa et coll., 1991 |
107 préparatrices de saucisses |
16,8 |
Kurppa et coll., 1991 |
118 emballeuses |
25,3 |
Kurppa et coll., 1991 |
141 hommes occupant des postes sans astreinte importante |
0,9 |
Kurppa et coll., 1991 |
197 femmes occupant des postes sans astreinte importante |
0,7 |
Kurppa et coll., 1991 |
Les mouvements de travail fréquents, répétés et nécessitant une grande force de la main sont des facteurs de risque puissants, notamment sils réunissent toutes ces caractéristiques à la fois (Silverstein, Fine et Armstrong, 1986). Pour linstant, il nexiste pas de valeurs consensuelles quant à la force et à la fréquence acceptables dans le cas de mouvements répétés (Hagberg et coll., 1995). Le fait de ne pas être habitué à un travail manuel intensif soit parce que lon est nouvellement embauché, soit parce que lon a été absent de son poste augmente le risque. Des positions infléchies ou penchées du poignet au travail, ainsi quune température ambiante basse pourraient également être considérées comme des facteurs de risque, bien que les arguments épidémiologiques directs à cet égard soient faibles. La ténosynovite et la péritendinite surviennent à tout âge. Il existe quelques études prouvant que les femmes y seraient davantage prédisposées que les hommes (Silverstein, Fine et Armstrong, 1986). Cependant, de telles études ont été difficiles à mener du fait que, dans bien des industries, les tâches des femmes sont très différentes de celles des hommes. La ténosynovite peut être due à une infection bactérienne et quelques maladies systémiques telles que la polyarthrite rhumatoïde et la goutte lui sont souvent associées. On connaît peu les facteurs de risque individuels.
Dans la ténosynovite, la zone de lenveloppe tendineuse est douloureuse, en particulier à ses extrémités. Les mouvements du tendon sont restreints ou bloqués et il y a une faiblesse à la préhension. Les symptômes sont souvent plus importants le matin et lhabileté fonctionnelle augmente après un peu dactivité. La zone de lenveloppe tendineuse est tendue à la palpation et des nodules tendineux peuvent être trouvés. La douleur augmente lorsquon plie le poignet. La zone de lenveloppe tendineuse peut également être gonflée et il arrive que lon constate des crépitements ou des craquements à la flexion en va-et-vient. Dans la péritendinite, un gonflement fusiforme typique est souvent visible sur le dos de lavant-bras.
La ténosynovite des tendons fléchisseurs à la face palmaire du poignet peut provoquer une compression du nerf médian à sa traversée du poignet, et être à lorigine dun syndrome du canal carpien.
A un stade aigu de la maladie, la pathologie est caractérisée par laccumulation de liquide et dune substance appelée fibrine dans lenveloppe tendineuse, en cas de ténosynovite, et à lextérieur de la gaine tendineuse et entre les cellules musculaires, dans la péritendinite. Plus tard, on note une croissance cellulaire (Moore, 1992).
Il convient de souligner que la ténosynovite et la péritendinite, cliniquement identifiables comme maladies professionnelles, ne sont trouvées que dans une toute petite proportion de cas de douleurs du poignet et de lavant-bras dans les populations dactifs. La plupart des travailleurs retiennent en premier lieu lattention médicale en raison dune sensibilité à la palpation comme seul symptôme clinique. Il est alors malaisé de dire si lon est en présence dune ténosynovite ou dune péritendinite.
Pour prévenir les ténosynovites et les péritendinites, il faut éviter les mouvements de travail fortement répétés et violents. A côté des méthodes de travail, les facteurs qui relèvent de lorganisation (intensité et cadence du travail, pauses et alternance des tâches) jouent aussi un rôle sur la charge imposée localement au membre supérieur, et la possibilité dintroduire une diversité dans les tâches en modifiant ces facteurs doit être également envisagée. Les travailleurs nouvellement embauchés et ceux qui reprennent le travail après une absence ou qui ont changé daffectation devraient pouvoir shabituer progressivement à leur travail sil est répétitif.
Pour les travailleurs de lindustrie accomplissant des tâches sollicitant beaucoup la main, la durée type darrêt de travail due à une ténosynovite ou à une péritendinine est dune dizaine de jours. Le pronostic de ces deux affections est habituellement bon et la plupart des travailleurs sont capables de reprendre leur activité professionnelle.
La ténosynovite de De Quervain est une ténosynovite sténosante (ou constrictive) des enveloppes tendineuses des muscles qui permettent lextension et labduction du pouce sur le bord externe du poignet. Cet état pathologique apparaît dès la petite enfance et à nimporte quel âge par la suite. Il pourrait être plus courant chez les femmes que chez les hommes. Les mouvements répétés et prolongés du poignet, ainsi quun brusque traumatisme pourraient être le facteur causal, mais aucune étude épidémiologique na été faite pour le confirmer.
Les symptômes comprennent une douleur locale du poignet et une faiblesse de préhension. La douleur peut parfois sétendre jusquau pouce ou remonter dans lavant-bras. On note une sensibilité et éventuellement un épaississement à la palpation de la zone constrictive. Parfois, un épaississement nodulaire peut être visible. Linclinaison du poignet du côté du petit doigt, avec le pouce fléchi dans la paume (test de Finkelstein) a la particularité dexacerber les symptômes. Dans certains cas, on observe un déclenchement ou un claquement lors des mouvements du pouce.
Les changements pathologiques comportent un épaississement des couches externes des enveloppes tendineuses. Le tendon peut être comprimé et présenter un élargissement au-delà du siège de la constriction.
Les enveloppes tendineuses des tendons fléchisseurs des doigts sont maintenues proches des axes articulaires par des bandes serrées appelées poulies. Ces poulies peuvent sépaissir et le tendon peut présenter des gonflements nodulaires au-delà de la poulie, provoquant une ténosynovite sténosante souvent accompagnée de blocage douloureux ou de ressaut des doigts. Les termes de doigt à ressaut ou de pouce à ressaut ont été utilisés pour désigner ces anomalies.
Les causes du doigt à ressaut sont très mal connues. Certains cas qui surviennent dans la petite enfance seraient congénitaux; dautres semblent apparaître après un traumatisme. Des chercheurs ont avancé lidée que le doigt à ressaut était causé par des mouvements répétés, mais aucune étude épidémiologique na été faite pour le vérifier.
Le diagnostic est basé sur un gonflement local, éventuellement un épaississement nodulaire, et sur la présence de claquement ou de bloquage. Ce trouble est souvent rencontré dans la paume au niveau des têtes des métacarpiens (jointure des doigts), mais peut également apparaître ailleurs à de multiples endroits.
La prévalence de larthrose visible radiographiquement au niveau du poignet et de la main est rare dans la population avant lâge de quarante ans, et est plus courante chez les hommes que chez les femmes (Kärkkäinen, 1985). Après cinquante ans, larthrose de la main est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Un travail manuel lourd, avec ou sans exposition à des vibrations de basse fréquence (inférieures à 40 Hz) a été associé, quoique de façon non cohérente, à une prévalence excessive de larthrose du poignet et de la main. Pour des vibrations de plus haute fréquence, aucun excès de pathologie articulaire na été signalé (Gemne et Saraste, 1987).
Larthrose de la première articulation entre la base du pouce et le poignet (articulation carpo-métacarpienne) est assez courante dans lensemble de la population et elle frappe davantage les femmes que les hommes. Larthrose est moins courante à la jointure des doigts (articulation métacarpo-phalangienne), à lexception de larticulation métacarpo-phalangienne du pouce. Létiologie de ces affections nest pas connue.
Les changements arthrosiques sont courants dans les articulations les plus proches du bout des doigts (articulations interphalangiennes distales des doigts), pour lesquels la prévalence rapportée à lâge des modifications radiologiquement visibles (de modérées à sévères) au niveau des différents doigts varie de 9 à 16% chez les hommes et de 13 à 22% chez les femmes dune population normale. Larthrose interphalangienne distale se présente à lexamen clinique par des excroissances nodulaires au niveau des articulations, appelées nodules dHeberden. Dans une étude de population réalisée en Suède sur des sujets des deux sexes âgés de 55 ans, des nodules dHeberden ont été trouvés chez 5% des hommes et 28% des femmes. La plupart des sujets présentaient des anomalies aux deux mains. La présence de nodules dHeberden était en corrélation avec un travail manuel lourd (Bergenudd, Lindgärde et Nilsson, 1989).
La charge articulaire associée à la manipulation doutils, les mouvements répétés de la main et du bras, éventuellement associés à des traumatismes mineurs, les charges exercées sur les surfaces articulaires dans des positions extrêmes et un travail statique sont considérés comme des facteurs étiologiques possibles de larthrose du poignet et de la main. Les vibrations de basse fréquence, bien que ninduisant pas spécifiquement larthrose, pourraient jouer un rôle dans sa survenue en raison des facteurs suivants: lésions au niveau du cartilage articulaire provenant des secousses des outils, charge supplémentaire imposée à larticulation pour la stabiliser, réflexe vibratoire tonique et préhension en force de la poignée de loutil à cause dune diminution de la sensibilité au toucher provoquée par les vibrations (Gemne et Saraste, 1987).
Les symptômes de larthrose comprennent la douleur liée au mouvement dans les phases initiales, puis plus tard également au repos. La limitation de la mobilité du poignet ne constitue pas une entrave importante aux activités professionnelles ou de la vie quotidienne, alors que larthrose des articulations des doigts peut empêcher de bien saisir les objets.
Pour éviter larthrose, il conviendrait de mettre au point des équipements pour limiter le plus possible le travail manuel lourd et réduire les vibrations produites par les outils vibrants.
Les muscles, nerfs et vaisseaux sanguins de lavant-bras et de la main sont situés dans des compartiments spécifiques limités par des os, des membranes et dautres tissus conjonctifs. Le syndrome compartimental correspond à un état pathologique dans lequel la pression intracompartimentale subit une augmentation constante et répétée telle que les structures compartimentales peuvent sen trouver lésées (Mubarak, 1981). Un tel état peut survenir après un traumatisme comme une fracture ou une blessure par écrasement du bras. Le syndrome compartimental, après un effort intense des muscles, est une maladie des extrémités inférieures bien connue. Des cas de syndrome compartimental professionnel de lavant-bras et de la main ont également été décrits, mais leur cause demeure inconnue. Ni les critères diagnostiques acceptés de tous, ni les indications pour le traitement nont été clairement définis. Habituellement, les travailleurs affectés ont exercé un travail manuel intensif, bien quaucune étude épidémiologique sur lassociation entre le travail et ce type de pathologie nait été publiée.
Les symptômes du syndrome compartimental comprennent des tensions aux limites aponévrotiques du compartiment, des douleurs lors de la contraction musculaire et, à un stade plus avancé, également une faiblesse musculaire au repos. A lexamen clinique, la surface compartimentale est tendue, douloureuse à létirement passif, avec diminution ou non de la sensibilité nerveuse. Des mesures des pressions intracompartimentales durant le repos et lactivité, et après lactivité, ont été pratiquées pour confirmer le diagnostic, mais les avis divergent quant aux valeurs normales.
La pression intracompartimentale saccroît quand le volume du contenu augmente dans cet espace rigide. Suivent ensuite une élévation de la pression sanguine veineuse et une baisse de la différence de la pression sanguine entre artères et veines, laquelle affecte alors lapport sanguin du muscle. Il sensuit une production énergétique en anaérobie et une détérioration musculaire.
La prévention du syndrome compartimental deffort consiste à supprimer lactivité responsable des symptômes ou à labaisser à un niveau qui peut être toléré.
Lartère cubitale peut subir des dommages et, de ce fait, se thromboser et socclure dans le canal de Guyon, sur le bord interne (cubital) de la paume. Des antécédents de traumatismes répétés sur le côté cubital de la paume (éminence hypothénar), tels quun martelage intensif ou lutilisation de léminence hypothénar comme un marteau, précèdent souvent la maladie (Jupiter et Kleinert, 1988).
Les symptômes comprennent la douleur, des crampes et une intolérance au froid du quatrième et du cinquième doigt. Des troubles neurologiques tels que douleurs, sensation dengourdissement et picotements peuvent également être signalés, mais la performance des muscles est habituellement normale. A lexamen clinique, on peut observer une froideur et une pâleur du quatrième et du cinquième doigt, ainsi que des changements trophiques de la peau. Le test dAllen est habituellement positif, indiquant quaprès compression de lartère radiale, la paume ne reçoit aucun afflux sanguin par lartère cubitale. Une masse douloureuse à la palpation peut être trouvée dans la région hypothénar.
La maladie de Dupuytren est une rétraction progressive de laponévrose palmaire (tissu conjonctif rassemblant les tendons fléchisseurs des doigts) de la main conduisant à une contracture permanente des doigts en position fléchie. Courante chez les personnes originaires dEurope du Nord, cette pathologie affecte environ 3% de lensemble de la population. La prévalence de la maladie est deux fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes et elle peut atteindre 20% chez les hommes âgés de plus de 60 ans. La maladie de Dupuytren est associée à lépilepsie, au diabète de type I, à la consommation dalcool et au tabagisme. Il existe des preuves de son association avec lexposition aux vibrations provenant doutils portatifs. La survenue de la maladie a été également associée à une lésion unique et à un travail manuel lourd. Un certain nombre détudes démontrent lexistence dune corrélation entre un travail manuel pénible et la maladie de Dupuytren, mais le rôle de la lésion unique comme facteur étiologique na pas été bien étudié (Liss et Stock, 1996).
Le changement fibreux apparaît en premier lieu sous la forme dun nodule. Plus tard, lépaississement et le raccourcissement de laponévrose prennent la forme de corde tendue attachant les doigts. Avec lévolution de la maladie, les doigts restent en flexion permanente. Le cinquième et le quatrième doigt sont habituellement touchés les premiers, mais les autres doigts peuvent lêtre également et peuvent porter des bourrelets articulaires sur leur face dorsale.
Les kystes sont des petits sacs mous remplis de liquide; ils constituent la majeure partie des tumeurs des tissus mous de la main et sont fréquents bien que leur prévalence exacte ne soit pas connue. Dans les populations ayant fait lobjet dun suivi clinique, les femmes présentent une prévalence plus élevée de kystes que les hommes, mais on les trouve chez lenfant comme chez ladulte. Tout le monde ne sentend pas sur létiologie des kystes. Certains estiment quils sont congénitaux, dautres quils sont le résultat de traumatismes aigus ou répétés. Les avis divergent aussi quant à leur mode de développement (Angelides, 1982).
Le siège le plus caractéristique du kyste est la zone externe de la face dorsale du poignet (kyste dorsoradial), où il se présente comme une formation molle clairement visible. Un kyste dorsal plus petit peut ne pas être visible en dehors dune flexion forcée du poignet. Le kyste antérieur du poignet (à la face palmaire du poignet) apparaît traditionnellement sur le bord externe du tendon du fléchisseur radial du poignet. Le troisième type de kyste est localisé sur la poulie de lenveloppe tendineuse du fléchisseur des doigts au niveau des articulations. Un kyste antérieur du poignet peut causer une compression du nerf médian au niveau du poignet, responsable dun syndrome du canal carpien. Dans de rares cas, un kyste peut se former dans le canal cubital (canal de Guyon), dans la partie interne de la paume, et être responsable dune compression du nerf cubital.
Les symptômes des kystes du poignet comportent une douleur locale typiquement perçue pendant les efforts et les flexions du poignet. Les kystes de la paume et des doigts sont habituellement douloureux lors de la préhension.
Les tremblements et autres mouvements incontrôlés peuvent perturber laccomplissement des tâches qui exigent une haute précision et une grande maîtrise des mains telles que lécriture, lassemblage de petites pièces ou la pratique dinstruments de musique. La forme classique de cette affection est la «crampe de lécrivain». Sa fréquence dapparition nest pas connue. Elle peut toucher les deux sexes et semble être courante au cours des troisième, quatrième et cinquième décennies de la vie.
Les causes de la crampe de lécrivain et des affections liées ne sont pas totalement comprises. Une prédisposition héréditaire a été avancée. On considère aujourdhui quil sagit dune forme de dystonie spécifique à la tâche. Les dystonies sont un groupe daffections caractérisées par des contractions musculaires involontaires prolongées, responsables de mouvements répétés et de torsions ou de positions anormales. Aucune preuve pathologique de maladie cérébrale na été trouvée chez les patients ayant une crampe de lécrivain. Les expériences électrophysiologiques ont révélé une activation anormalement prolongée des muscles impliqués dans lécriture et une activation excessive dautres muscles qui ne participent pas directement à cette tâche (Marsden et Sheehy, 1990).
Dans la crampe de lécrivain, un spasme musculaire, habituellement indolore, apparaît dès que le sujet commence à écrire ou très peu de temps après. Les doigts, le poignet et la main peuvent présenter des postures anormales, et le sujet sert souvent son crayon avec une force excessive. Lexamen neurologique peut être normal. Dans certains cas, une augmentation de la tension ou un tremblement du bras affecté peuvent être observés.
Certains des patients qui souffrent de cette affection apprennent à écrire avec la main non dominante, et un petit nombre dentre eux présentent par la suite le même type de symptômes dans lautre main. La guérison spontanée de la crampe de lécrivain est rare.
Larticulation de la hanche est une énarthrose entourée de ligaments, de muscles puissants et de bourses. Larticulation est portante; elle jouit dune très grande stabilité intrinsèque et peut effectuer de très nombreux types de mouvements. Chez les gens jeunes, la douleur de la hanche est habituellement localisée dans les muscles, les insertions tendineuses ou les bourses, alors que chez les sujets plus âgés, elle est le plus souvent due à larthrose.
Le genou, nous lavons dit, est une articulation portante qui permet de marcher, rester debout, se pencher, se baisser et saccroupir. Il est plutôt instable et son maintien est assuré par des ligaments et des muscles puissants comme le montre la figure 6.21. Le genou se compose de deux articulations: larticulation fémoro-tibiale et larticulation fémoro-patellaire. Sur le bord interne comme sur le bord externe, on trouve des ligaments puissants et, au centre de larticulation fémoro-tibiale, des ligaments croisés qui confèrent au genou sa stabilité et lui assurent son fonctionnement mécanique normal. Les ménisques sont des structures fibro-cartilagineuses de forme incurvée qui sétendent entre le fémur (condyles fémoraux) et le tibia (plateaux tibiaux). Larticulation du genou est à la fois stabilisée et renforcée par des muscles qui proviennent de larticulation de la hanche sus-jacente et de la diaphyse fémorale et qui sont insérés sur des structures osseuses au-dessous de larticulation du genou. Autour de larticulation du genou, on trouve une capsule synoviale et plusieurs bourses séreuses qui protègent larticulation.
Toutes ces structures sont facilement lésées au cours dun traumatisme ou dune hypersollicitation et le traitement médical des douleurs du genou est relativement fréquent. Larthrose du genou est une affection banale chez les personnes âgées qui est douloureuse et invalidante. Chez les gens plus jeunes, la bursite patellaire et les syndromes douloureux fémoro-patellaires, tels que la douloureuse tendinite de la patte doie, sont assez courants.
Larthrose est une affection articulaire dégénérative commune dans laquelle le cartilage est plus ou moins détruit et la structure de los sous-jacent atteinte. Parfois paucisymptomatique, elle est généralement responsable de douleurs, de modifications dans la capacité de travail et dune diminution de la qualité de vie. Les changements articulaires peuvent être vus sur une radiographie, et les arthrosiques consultent habituellement parce quils souffrent même au repos et ont une mobilité réduite. Dans les cas graves, larticulation peut devenir complètement raide, voire être détruite. La chirurgie de remplacement dune articulation détruite et la mise en place de prothèses sont aujourdhui bien au point.
Létude des causes darthrose de la hanche nest pas chose facile. Il est en général difficile de situer le début de laffection; le développement étant le plus souvent lent et insidieux, il peut passer inaperçu. Les paramètres diagnostiques peuvent être variables, allant de changements discrets sur les radiographies jusquà des troubles symptomatiques qui nécessitent la chirurgie. Bien sûr, les paramètres utilisés pour diagnostiquer cette affection peuvent varier en fonction des traditions selon les pays, quand ce nest pas entre cliniques dune même ville. Ces facteurs sont à lorigine de problèmes dinterprétation des études cliniques.
La recherche épidémiologique cherche à mettre en évidence des associations entre lexposition, comme la charge physique, et les conséquences, comme larthrose. Si lon conjugue lapport de lépidémiologie à dautres connaissances, on peut trouver des associations qui pourraient être considérées comme causales, mais létablissement de la relation de cause à effet est compliqué. Larthrose est une affection courante dans toutes les populations et qui frappe des personnes sans antécédents dexposition avérés, alors que des sujets soumis à une forte exposition bien connue pour être nocive en sont indemnes. Parmi les agents étiologiques non identifiés, il faut citer le lien entre exposition et affection, certains facteurs génétiques, ainsi que des facteurs de santé et de sélection.
Lâge: la survenue de larthrose augmente avec lâge. Des recherches radiologiques de larthrose de différentes articulations, en particulier de la hanche et du genou, ont montré que sa prévalence variait dune population à lautre. Ces variations pourraient être dues à des différences ethniques ou encore à des différences dans les techniques de recherche et les critères diagnostiques employés.
Les maladies congénitales, les maladies du développement et leur évolution: des modifications articulaires précoces telles que des malformations congénitales, des infections et dautres facteurs conduisent à une progression plus précoce et plus rapide de larthrose de la hanche. Les genoux cagneux (varus) et les jambes arquées (valgus), par exemple, répartissent de façon irrégulière les forces sur larticulation du genou et peuvent jouer de ce fait un rôle dans le développement de larthrose.
Lhérédité: les facteurs héréditaires sont présents dans larthrose. Ainsi, larthrose de la hanche est une maladie rare chez les Asiatiques, mais plus courante chez les Caucasiens. Larthrose de plus de trois articulations, appelée arthrose généralisée, a un caractère congénital, mais la filière héréditaire de larthrose du genou nest pas très bien connue.
Lexcès de poids: lexcès de poids semble favoriser larthrose du genou et de la hanche. Aux Etats-Unis, la relation entre la surcharge pondérale et larthrose du genou a été examinée dans de vastes études épidémiologiques portant sur lensemble de la population telles que lenquête nationale sur la santé et la nutrition (NHANES) et létude Framingham. Lassociation était la plus marquée chez les femmes, sans pour autant être totalement absente chez les hommes (Anderson et Felson, 1988; Felson et coll., 1988).
Les traumatismes: les accidents ou les causes de traumatismes ou daccidents, en particulier ceux qui compromettent la mécanique ou la circulation dans larticulation et les ligaments, peuvent conduire à une arthrose précoce.
Les différences liées au sexe et la prise dstrogènes: larthrose de la hanche et du genou semble être répartie également entre hommes et femmes. A partir dune étude sur des femmes ayant participé à létude Framingham susmentionnée, on a pu constater que la prise dstrogènes est associée à un effet protecteur modeste, mais non significatif, contre larthrose du genou (Hannan et coll., 1990).
Lors détudes expérimentales effectuées chez des singes, des lapins, des chiens et des moutons, on sest aperçu que les forces de compression qui sexercent sur une articulation, surtout si elle est maintenue dans une position extrême, avec ou sans déplacement simultané de charges, peuvent entraîner des modifications cartilagineuses et osseuses évoquant celles de larthrose chez lêtre humain.
Les activités sportives: la pratique dun sport peut augmenter la charge sur différentes articulations, ainsi que le risque de traumatisme. Dun autre côté, elle peut aussi développer une bonne fonction musculaire et une bonne coordination. Les données sur les effets préventifs ou nocifs de la pratique dun sport au niveau des articulations sont peu nombreuses. Celles qui sont tirées de travaux scientifiques sérieux sont très limitées et nous en évoquerons quelques-unes ici. Plusieurs études sur les joueurs de football ont montré que ceux-ci, quils soient professionnels ou amateurs, ont davantage darthrose de la hanche et du genou que la population masculine dans son ensemble. Par exemple, une étude suédoise comparant des hommes de 50 à 70 ans avec une arthrose sévère à des sujets masculins sains du même âge a montré que les arthrosiques avaient fait plus de sport pendant leur jeunesse. Lathlétisme, les sports de raquette et le football semblaient être les sports les plus nocifs (Vingård et coll., 1993). Mais lon trouve aussi dautres études qui nont pas montré de différence entre les athlètes et ceux qui ne font pas de sport. Toutefois, comme la plupart de ces études ont été menées auprès dathlètes encore actifs, on ne saurait en tirer des conclusions formelles.
Comme toutes les autres maladies, larthrose du genou et de la hanche a une étiologie complexe et multifactorielle. Des études bien réalisées ont montré que la charge physique sur larticulation lors dexpositions professionnelles contribue au développement dune arthrose prématurée.
La plupart des études épidémiologiques concernant la charge physique liée au travail sont des études transversales qui portent sur des groupes professionnels particuliers, sans tenir compte de lexposition individuelle. Ces problèmes méthodologiques sérieux rendent la généralisation de leurs résultats très difficile. Dans plusieurs de ces études, on a constaté que les exploitants agricoles étaient davantage atteints darthrose de la hanche que dautres groupes professionnels. Dans une étude suédoise, on a demandé à 15 000 exploitants agricoles, leurs épouses et les autres personnes travaillant dans la ferme de fournir leurs radiographies de larticulation de la hanche quand ils en avaient fait. Chez les 565 hommes et les 151 femmes dans ce cas, on a étudié cette articulation en utilisant les mêmes critères et en faisant appel au même expert que pour une étude de population effectuée en Suède en 1984. La distribution de larthrose de la hanche parmi les exploitants agricoles masculins et dans la population de Malmö est rapportée au tableau 6.8 (Axmacher et Lindberg, 1993).
|
Exploitants agricoles (hommes) |
Population masculine de Malmö |
||||
Groupes d’âge |
N |
Cas |
Prévalence |
N |
Cas |
Prévalence |
40–44 |
96 |
1 |
1,0% |
250 |
0 |
0,0% |
45–49 |
127 |
5 |
3,9% |
250 |
1 |
0,4% |
50–54 |
156 |
12 |
6,4% |
250 |
2 |
0,8% |
55–59 |
127 |
17 |
13,4% |
250 |
3 |
1,2% |
60–64 |
59 |
10 |
16,9% |
250 |
4 |
1,6% |
N = nombre d’hommes étudiés; cas = hommes avec une arthrose de la hanche.
Source: Axmacher et Lindberg,1993.
En plus des exploitants agricoles, les travailleurs du bâtiment, ceux des industries alimentaires (minotiers, bouchers et préparateurs en viande), les pompiers, les employés des postes, les travailleurs des chantiers navals et les danseurs professionnels de ballet présentaient tous un risque augmenté darthrose de la hanche. Précisons que la dénomination des postes ou lintitulé dune profession ne permettent pas à eux seuls de décrire de façon précise la charge sur larticulation un même type de travail pouvant comporter des charges différentes dun travailleur à lautre. Ce qui compte dans une étude, et quil faut rechercher, cest la pression exacte exercée sur une articulation donnée. Une étude suédoise sest employée à quantifier rétrospectivement la charge de travail physique à partir dinterrogatoires individuels (Vingård et coll., 1991). Les travailleurs soumis à des charges physiques élevées en raison du métier quils avaient exercé jusquà 49 ans présentaient un risque de plus du double de développer une arthrose de la hanche par rapport aux travailleurs faiblement exposés. Tant les expositions dynamiques comme le levage de charges lourdes que les expositions statiques telles que la position assise prolongée en torsion semblaient délétères pour larticulation.
Le risque darthrose du genou est accru chez les mineurs de charbon, les dockers, les travailleurs des chantiers navals, les poseurs de revêtement de sol, les travailleurs du bâtiment, les pompiers, les exploitants agricoles et le personnel de nettoyage. Une astreinte physique de modérée à lourde, la position «genoux fléchis» et les traumatismes font augmenter le risque.
Dans une autre étude anglaise de 1968, les dockers présentaient plus darthrose du genou que des fonctionnaires occupant des emplois sédentaires (Partridge et Duthie, 1968).
En Suède, Lindberg et Montgomery ont étudié des travailleurs dun chantier naval et les ont comparés à des employés de bureau et à des enseignants (Lindberg et Montgomery, 1987). Au total, 3,9% des travailleurs du chantier naval avaient une gonarthrose, contre 1,5% des employés de bureau et des enseignants.
En Finlande, Wickström a comparé des travailleurs affectés au ferraillage du béton à des peintres en bâtiment, mais na mis en évidence aucune différence dans les incapacités de travail liées aux lésions dégénératives des genoux (Wickström et coll., 1983). Dans une étude finlandaise plus tardive, on a comparé les troubles du genou chez les poseurs de revêtement de sol à ceux des peintres en bâtiment (Kivimäki, Riihimäki et Hänninen, 1992). La gonalgie, les accidents du genou et la fréquence des traitements pour les genoux de même que les ostéophytes rotuliens étaient plus courants parmi les poseurs de revêtement de sol que parmi les peintres. Daprès les auteurs de cette étude, le travail en position agenouillée augmente le risque daffections du genou et les changements observés sur les radiographies pourraient être un signe initial de dégénérescence de cette articulation.
Aux Etats-Unis, les facteurs associés à larthrose du genou dans la première enquête NHANES 1 susmentionnée ont été étudiés chez 5 193 hommes et femmes âgés de 35 à 74 ans, dont 315 étaient atteints dune arthrose du genou diagnostiquée par radiographie (Anderson, 1984). En recherchant la charge professionnelle, les auteurs ont défini les astreintes physiques et les charges dagenouillement à partir des dénominations des postes du Dictionary of Occupational Titles du ministère américain du Travail. Chez les hommes comme chez les femmes, de même que chez ceux dont le travail était décrit comme comportant de nombreuses positions agenouillées, le risque de développer une arthrose du genou était plus de deux fois supérieur à celui des autres travailleurs. Après ajustement en fonction de lâge et du poids dans lanalyse statistique, 32% des arthroses du genou apparaissant chez ces travailleurs étaient attribuables à leur profession.
Dans létude épidémiologique Framingham conduite aux Etats-Unis, des habitants de cette ville située à la périphérie de Boston ont été suivis pendant plus de quarante ans (Felson, 1990).
On a recherché la profession quils exerçaient de 1948 à 1951 et de 1958 à 1961, ainsi que les comptes rendus des radiographies quils auraient pu passer pour arthrose du genou entre 1983 et 1985. Pour chaque sujet, on a précisé le niveau dastreinte physique du poste et sil comportait la position agenouillée. On a constaté que le risque de développer une arthrose du genou était doublé chez ceux qui devaient beaucoup sagenouiller et dont le travail comportait une astreinte physique au moins moyenne.
Une étude californienne sest proposé dévaluer le rôle respectif de lactivité physique, de lobésité et des accidents du genou sur le développement dune gonarthrose sévère (Kohatsu et Schurman, 1990). Quarante-six personnes présentant une gonarthrose et 46 personnes saines de la même localité ont été retenues. Les personnes avec arthrose avaient deux à trois fois plus de chances davoir effectué des travaux de modérés à lourds et 3,5 fois plus de chances davoir été obèses à lâge de 20 ans. Ils étaient à peu près cinq fois plus susceptibles davoir eu une lésion au genou. Aucune différence na été constatée dans les activités de loisirs déclarées par les deux groupes.
En Suède, dans une étude de cohorte faite à partir dun registre (Vingärd et coll., 1991), on a retenu les sujets nés entre 1905 et 1945, vivant dans treize des vingt-quatre comtés du pays en 1980 qui occupaient les mêmes postes de travailleur manuel dans les recensements de 1960 et de 1970. Les activités de ces travailleurs manuels ont ensuite été classées selon quelles étaient associées à une charge élevée sur les extrémités inférieures (supérieure à la moyenne) ou faible (inférieure à la moyenne). Au cours des années 1981, 1982 et 1983, on a vérifié si les sujets de létude avaient consulté pour une arthrose du genou. Parmi les travailleurs de sexe masculin, les pompiers, les exploitants agricoles et les travailleurs du bâtiment avaient un risque relatif élevé de développer une arthrose du genou. Parmi les femmes, ce sont les préposées au nettoyage qui présentaient le plus grand risque.
La chondromalacie rotulienne est un cas spécial darthrose qui, souvent, débute chez un sujet jeune. Il sagit dune modification dégénérative du cartilage de la face postérieure de la rotule dont le principal symptôme est une douleur dans le genou, notamment lors de la flexion. Chez les sujets atteints, la rotule est très sensible à la percussion, notamment en cas de pression. Le traitement est la musculation du quadriceps et, dans les cas graves, la chirurgie. La relation avec lactivité professionnelle nest pas claire.
Dans le genou, il existe une bourse entre la peau et la rotule. Cette bourse, qui est un sac contenant du liquide, peut être soumise à des pressions mécaniques lors de lagenouillement et être alors le siège dune inflammation qui se manifeste par une douleur et un gonflement. Une quantité importante de fluide séreux peut en être aspirée. La bursite rotulienne est un trouble assez courant dans les métiers exigeant de travailler beaucoup en position agenouillée. Kivimäki (1992) a recherché les modifications des tissus mous situés à la partie antérieure du genou dans deux groupes professionnels en utilisant un ultrasonographe. Parmi les poseurs de revêtement de sol, 49% présentaient un épaississement de la bourse prérotulienne ou de la bourse sous-rotulienne superficielle contre 7% seulement chez les peintres en bâtiment.
La patte doie est formée par les tendons des muscles couturier, semi-membraneux et du droit interne à la face interne de larticulation du genou. Sous le point dinsertion de ces tendons, on trouve une bourse qui peut être sujette à linflammation. La douleur est augmentée par lextension forcée du genou.
La hanche est entourée de plusieurs bourses. La bourse trochantérienne se trouve entre le tendon du muscle grand fessier et la protubérance postéro-latérale du grand trochanter (côté opposé à la hanche). Une douleur dans cette région est habituellement appelée bursite trochantérienne, mais, parfois, il sagit dune vraie bursite. La douleur peut irradier vers la cuisse et simuler une sciatalgie.
Théoriquement, il est possible quune posture professionnelle particulière puisse être responsable de cette affection, mais il nexiste pas détudes scientifiques à ce sujet.
La méralgie paresthésique appartient aux troubles dus à une compression, celle du nerf fémoro-cutané latéral à lendroit où il apparaît entre les muscles et les fascias au-dessus du bord du pelvis (épine iliaque antéro-supérieure). Le sujet ressent une douleur le long de la face antérieure et latérale de la cuisse. Laffection peut être assez délicate à soigner. Différentes thérapies, depuis les antalgiques jusquà la chirurgie, ont été utilisées avec des succès divers. Comme il existe des expositions professionnelles qui causent une pression sur les nerfs, cette affection peut dès lors avoir une composante professionnelle. On dispose de rapports anecdotiques sur le sujet, mais non pas détudes épidémiologiques pour confirmer une éventuelle étiologie professionnelle.
En général, la douleur est le principal symptôme des affections de la jambe, de la cheville et du pied. Souvent, la douleur fait suite à un exercice et peut sen trouver aggravée. La faiblesse musculaire, un déficit neurologique, des problèmes dajustement des chaussures, une instabilité ou une raideur des articulations et des difficultés à marcher ou à courir sont des problèmes courants dans ces affections.
Ces troubles ont généralement une origine multifactorielle, mais ils sont le plus souvent liés à des facteurs biomécaniques, des infections ou des maladies systémiques. Les déformations du pied, du genou et de la jambe, des modifications des tissus mous ou de los, secondaires à un accident, une contrainte excessive telle quun usage répété, une instabilité ou une raideur et des chaussures inadaptées sont couramment à lorigine de ces symptômes. Des infections peuvent survenir dans les tissus mous ou osseux. Le diabète, les maladies rhumatismales, le psoriasis, la goutte et les troubles de la circulation sanguine conduisent souvent à de tels symptômes dans les membres inférieurs.
A côté de lanamnèse, il est toujours nécessaire de procéder à un bon examen clinique. Les déformations, les troubles fonctionnels, la circulation sanguine et létat neurologique devraient être soigneusement examinés. Lanalyse de la démarche peut être indiquée. Des radiographies standards, un scanner, une résonance magnétique nucléaire, une ultrasonographie, une électromyographie, une imagerie vasculaire et des tests sanguins peuvent contribuer au diagnostic pathologique et étiologique, ainsi quau traitement.
Les principes du traitement. Le traitement devrait toujours chercher à éliminer la cause. Sauf pour les traumatismes, le traitement principal est habituellement conservateur. La déformation sera, si possible, corrigée par des chaussures adaptées ou une orthèse. Un bon conseil ergonomique, incluant la correction dune mauvaise façon de marcher et de courir, est souvent bénéfique. La diminution dune charge excessive, la physiothérapie, les anti-inflammatoires et, dans de rares cas, une courte immobilisation peuvent être nécessaires. Il peut être indiqué de réaménager le poste.
La chirurgie peut également être recommandée dans certains traumatismes aigus, en particulier lors de symptômes persistants qui nont pas évolué favorablement avec le traitement conservateur, mais des conseils médicaux spécifiques sont nécessaires dans chaque cas.
Cette affection est généralement due à une hypersollicitation du tendon dAchille, tendon le plus résistant de lorganisme humain qui se trouve à lextrémité inférieure de la jambe à proximité de la cheville. Ce tendon est soumis à une mise en charge excessive essentiellement lors de la pratique sportive. Il en résulte une inflammation pathologique et des modifications dégénératives du tendon lui-même, ainsi que des tissus voisins, des bourses et de laponévrose tendineuse, pouvant aller, dans les cas sévères, jusquà une rupture complète. On connaît certains facteurs prédisposants parmi lesquels il faut citer des chaussures inadaptées, une désaxation ou des déformations du pied, une faiblesse ou une raideur des muscles du mollet ou encore la course sur des surfaces dures et accidentées et un entraînement intensif. La tendinite achilléenne survient occasionnellement dans quelques affections rhumatismales, après fracture de la jambe ou du pied, dans quelques maladies métaboliques et à la suite dune transplantation rénale.
La douleur et ldème de la région du tendon calcanéen, du tendon dAchille, sont des symptômes assez courants, notamment chez les sportifs. La douleur est localisée dans le tendon ou à son insertion sur le calcanéum.
Les hommes développent plus volontiers une tendinite achilléenne que les femmes. Les symptômes sont plus fréquents dans les sports récréatifs, en particulier la course et le saut, que chez les athlètes professionnels. Le tendon est sensible, souvent nodulaire, tuméfié, voire fibreux et peut présenter des microruptures. Lexamen clinique sera confirmé principalement par une résonance magnétique nucléaire (RMN) et une ultrasonographie (US). Ces deux examens sont préférables au scanner pour la mise en évidence des modifications des tissus mous et de leur localisation précise.
Des chaussures adaptées en cas de désaxation, des orthèses et des conseils concernant un entraînement biomécaniquement correct peuvent prévenir le développement dune tendinite achilléenne. Quand les symptômes sont déjà présents, un traitement conservateur est souvent efficace. Il associera labstention dun entraînement excessif, le port de chaussures bien adaptées au pied avec talonnette dabsorption des chocs, des séances de physiothérapie, la prise danti-inflammatoires, et enfin des assouplissements et des exercices de renforcement des muscles du mollet.
Une douleur derrière le talon, habituellement aggravée par la marche, est souvent causée par une bursite calcanéenne, qui est fréquemment associée à une tendinite achilléenne. Laffection peut se développer au niveau des deux talons et peut survenir à nimporte quel âge. Chez lenfant, la bursite calcanéenne se conjugue souvent à une exostose ou à une ostéochondrite du calcanéum.
Dans la plupart des cas, cette affection est due au port de chaussures mal adaptées au pied ayant un contrefort postérieur étroit et dur. Chez les athlètes, une charge excessive de la région du talon pendant la course peut provoquer une tendinite achilléenne et une bursite rétro-calcanéenne. Une déformation de la partie postérieure du pied est un facteur prédisposant. Habituellement, on ne retrouve pas dinfection.
Lors de lexamen, le talon est sensible et épaissi et la peau peut être rouge. On constate souvent une inflexion vers lintérieur de la partie postérieure du pied. Pour le diagnostic différentiel, les radiographies sont importantes et peuvent révéler des modifications du calcanéum (par exemple, maladie de Sever, fractures ostéochondrales, ostéophytes, tumeurs osseuses et ostéite). Dans la plupart des cas, lanamnèse et lexamen clinique seront confirmés par une RMN ou une US. Dans les cas chroniques, une bursographie rétrocalcanéenne peut fournir des informations complémentaires.
Les symptômes peuvent disparaître sans aucun traitement. Dans les cas modérés, un traitement conservateur est en principe suffisant. Le talon douloureux devrait être protégé par une bande de contention et par de bonnes chaussures avec un contrefort souple. Une orthèse corrigeant la mauvaise position de la partie postérieure du pied peut être indiquée. Une correction de la marche et de la course est souvent efficace.
Lexcision chirurgicale de la bourse et de la partie attenante du calcanéum est indiquée seulement quand le traitement conservateur a échoué.
La métatarsalgie est une douleur siégeant dans la partie antérieure du pied. Elle peut être due à un névrome sur le nerf plantaire des doigts, le névrome de Morton. La douleur irradie généralement dans le troisième et le quatrième orteil, rarement dans le deuxième et le troisième. Elle apparaît en position debout ou lors de la marche, à nimporte quel âge, mais plus fréquemment chez la femme dâge moyen et disparaît au repos.
Cette affection survient souvent chez des sujets qui ont un avant-pied plat et des callosités. La douleur qui laccompagne peut être due à la compression des têtes métatarsiennes entre elles et transversalement. Sur les radiographies, le névrome nest pas visible, mais dautres modifications (par exemple des déformations osseuses causant la métatarsalgie) le sont. La RMN peut révéler le névrome.
Un traitement conservateur associant le port de chaussures adaptées et de semelles pour soutenir la voûte plantaire est souvent efficace.
Le syndrome du canal tarsien se manifeste par une douleur du type brûlure, le long de la plante et dans tous les orteils, pouvant être due à la compression du nerf tibial postérieur à lintérieur du tunnel fibro-osseux sous le rétinaculum des fléchisseurs de la cheville. La compression de ce nerf peut avoir plusieurs causes, les plus courantes étant des irrégularités osseuses, des fractures de cheville ou des luxations, des ganglions ou des tumeurs ou encore un mauvais chaussant.
On peut constater une perte de sensibilité dans les régions innervées par les nerfs plantaires externes et internes, ainsi quune faiblesse et une paralysie des muscles du pied, en particulier les fléchisseurs des orteils, mais aussi un signe de Tinel positif et une sensibilité sur le trajet du nerf.
Le diagnostic peut être fait grâce à un examen clinique adapté, sur les plans fonctionnel, neurologique et vasculaire, ou encore par des tests électrophysiologiques.
Le syndrome compartimental survient lorsquune forte pression sexerce de façon prolongée sur un muscle, entravant ainsi de façon sensible la circulation sanguine dans les tissus. Lhyperpression intracompartimentale est habituellement due à un traumatisme (blessure par écrasement, fracture et luxation), mais peut aussi résulter dune hypersollicitation, de tumeurs ou dinfection. Un plâtre trop serré, de même que le diabète ou des affections des vaisseaux sanguins peuvent être à lorigine dun syndrome compartimental. Les premiers symptômes sont une tuméfaction sous tension, des douleurs et une diminution de la fonction qui ne régressent pas quand la jambe est levée, immobilisée ou traitée avec des médications courantes. Plus tard, des paresthésies, des engourdissements et des parésies apparaissent. Chez les individus dont la croissance nest pas terminée, le syndrome compartimental peut provoquer des perturbations à ce niveau, ainsi que des déformations dans la région touchée.
En cas de suspicion de ce syndrome, on effectuera un bon examen clinique dont une analyse de létat vasculaire, neurologique et musculaire, et un contrôle de la mobilité active et passive de larticulation. La mesure de la pression par cathétérisme direct des loges devrait être réalisée. La RMN, les recherches par Doppler et les ultrasons peuvent aider au diagnostic.
Parmi les nombreux symptômes du pied, la ténosynovite, avec sa douleur caractéristique dans la région de la cheville et de la voûte plantaire longitudinale, est assez courante. La synovite peut être causée par des déformations du pied, tel quun pied plat, une sollicitation excessive, des chaussures ne maintenant pas bien le pied, ou des séquelles de fracture ou autres blessures, des affections rhumatologiques, le diabète, le psoriasis et la goutte. Les synovites peuvent apparaître au niveau de nombreux tendons, mais elles touchent le plus souvent le tendon dAchille. Les tendinites sont rarement dorigine infectieuse. Le recueil des antécédents médicaux et un examen clinique sont essentiels au diagnostic de synovite qui se manifeste surtout par une douleur locale, une sensibilité et des mouvements douloureux. On effectuera des radiographies standards qui montrent les modifications osseuses et, plus spécialement, une RMN pour létude des modifications des tissus mous.
En complément, on pourra donner des conseils dordre ergonomique: port de chaussures adaptées, correction des habitudes de marche et de course et prévention des sollicitations excessives au travail. Une courte période de repos, dimmobilisation plâtrée et la prise danti-inflammatoires est souvent indiquée.
Lhallux valgus est une déviation extrême de la première articulation du gros orteil en direction de laxe médian du pied. Souvent associé à dautres affections du pied (varus du premier métatarsien, pied plat), lhallux valgus peut survenir à nimporte quel âge, et il est plus courant chez la femme que chez lhomme. Laffection est dans la plupart des cas à composante familiale et elle est souvent due au port de chaussures mal adaptées, notamment celles à talons hauts et à empeigne étroite et pointue.
Larticulation métatarsienne est saillante, la tête du premier métatarsien est élargie avec présence éventuelle dun durillon souvent inflammatoire au niveau de la bourse séreuse sur la zone médiane de cette articulation. Il nest pas rare que le gros orteil passe au-dessus du second. Les tissus mous de lorteil subissent souvent des altérations à cause de la déformation. Lamplitude dextension et de flexion de larticulation métatarso-phalangienne est habituellement normale, mais elle peut être enraidie du fait de larthrose (hallux rigidus). Dans la grande majorité des cas, lhallux valgus est responsable de difficultés de chaussage et de douleurs.
Le traitement devrait être personnalisé en fonction de lâge du patient, du degré de déformation et des symptômes. Chez les adolescents et en cas de symptômes modérés, un traitement conservateur est particulièrement recommandé associant chaussures adaptées, semelles et coussinets pour protéger les durillons.
La chirurgie est réservée en principe aux patients adultes ayant de graves problèmes pour se chausser et des douleurs importantes qui ne régressent pas en dépit dun traitement conservateur. Les traitements chirurgicaux nétant pas toujours couronnés de succès, les seuls facteurs esthétiques ne sauraient être une indication suffisante pour y recourir; les avis divergent beaucoup quant à lutilité des quelque 150 techniques chirurgicales existant pour traiter lhallux valgus.
Le patient souffrant de fasciite plantaire ressent une douleur sous le talon, en particulier après une marche ou une station debout prolongée. La douleur irradie fréquemment à la plante. La fasciite plantaire peut survenir à tout âge, mais elle est la plus fréquente chez les personnes dâge moyen, souvent obèses. Elle est également assez courante chez les personnes qui pratiquent un sport. Souvent, le pied présente une arche longitudinale aplatie.
On note une douleur localisée au-dessous du calcanéum, à linsertion de laponévrose plantaire. Toutes les aponévroses peuvent être sensibles. Sur les radiographies, on peut voir une épine osseuse au niveau du calcanéum chez environ 50% des patients, mais cette épine osseuse est également présente sur 10 à 15% des pieds asymptomatiques.
Les causes de fasciites plantaires ne sont pas toujours claires. Une infection, surtout la gonorrhée, larthrite rhumatoïde et la goutte, peuvent la provoquer, mais il est le plus souvent impossible de lassocier précisément à une maladie. Il arrive que les principales causes de la douleur soient une pression augmentée et une tension du fascia. Lépine calcanéenne peut résulter dune hypersollicitation de laponévrose plantaire; mais lhypersollicitation ne semble pas être la principale cause de la douleur calcanéenne, puisque de nombreux patients présentant ces symptômes nont pas dépine calcanéenne, alors que dautres, chez qui on retrouve cette épine, sont asymptomatiques.
La cause de la fibromyalgie nest pas connue. Chez certains patients, le développement des symptômes de la fibromyalgie est associé à un traumatisme et à une infection, mais on ne dispose pas de preuve formelle quant à lexistence dun événement déclenchant. Cependant, plusieurs facteurs sont connus pour en aggraver les symptômes: le froid, un climat humide, les troubles mentaux, les contraintes physiques ou psychiques, ainsi que linactivité physique ont été corrélés à la fibromyalgie (Wolfe, 1986).
La fibromyalgie se traduit surtout par une sensation de fatigue (asthénie) au lever. Elle se traduit aussi par des troubles du sommeil et une diminution du seuil de la douleur, que lon a pu mettre en relation avec un métabolisme anormal de la sérotonine (Goldberg, 1987).
Les symptômes de fibromyalgie sinstallent de façon insidieuse avec des douleurs diffuses et persistantes de lappareil locomoteur, une symptomatologie générale associant fatigue, raideur, tuméfaction subjective des doigts, sommeil non réparateur et douleurs musculaires après lexercice physique. Un tiers environ des patients présentent une série dautres symptômes: syndrome du côlon irritable, céphalées dorigine tensionnelle, syndrome prémenstruel, engourdissements et paresthésies des extrémités, sécheresse de la bouche et des yeux et vasoconstriction sanguine dans les doigts en cas dexposition au froid (phénomène de Raynaud).
Le patient fibromyalgique présente en principe de très nombreux symptômes qui, à lexception des points douloureux, nont pas de justification objective. La fibromyalgie évolue de façon chronique, la plupart des patients continuant à avoir des symptômes dintensité variable. La rémission complète est exceptionnelle. Dans la fibromyalgie primaire, aucune anomalie de laboratoire en rapport avec une arthrite inflammatoire nest mise en évidence. Les patients souffrant darthrite inflammatoire (telle que la polyarthrite rhumatoïde) peuvent également présenter des symptômes fibromyalgiques que lon désigne sous lappellation de fibromyalgie secondaire.
Il nexiste pas de test pour la fibromyalgie. Le médecin pose son diagnostic en établissant les antécédents du patient et en pratiquant un examen clinique des points douloureux (voir figure 6.22). La prévalence de la fibromyalgie dans lensemble de la population est de 0,5 à 1%. La plupart des patients (75 à 90%) sont des femmes âgées généralement de 25 à 45 ans; les enfants sont rarement touchés.
Le Collège américain de rhumatologie (American College of Rheumatology) a établi des critères pour la classification de la fibromyalgie (voir figure 6.23).
Dautres maladies avec des symptômes similaires doivent être exclues. Des douleurs diffuses doivent être présentes depuis au moins 3 mois. En outre, à la pression digitale de lexaminateur, une douleur doit être ressentie dans 11 des 18 sites douloureux figurant à la figure 6.22.
Environ 1% de la population adulte souffre de polyarthrite rhumatoïde. La maladie apparaît en général entre 30 et 50 ans, avec un risque 3 fois plus élevé chez la femme que chez lhomme. Sa prévalence augmente dans les groupes de sujets âgés.
La cause de la polyarthrite rhumatoïde reste inconnue. Il ne sagit pas dune maladie héréditaire, même si certains facteurs génétiques en font augmenter la survenue. Outre ces facteurs génétiques, certains facteurs environnementaux pourraient intervenir, de même que des infections virales ou bactériennes.
La polyarthrite rhumatoïde débute habituellement de façon progressive. Le patient commence par présenter une tuméfaction modérée des petites articulations des doigts et une sensibilité au niveau des pieds qui se manifestent toutes deux de façon symétrique. Si les articulations dune main sont touchées, il y a de fortes chances pour que les mêmes articulations de lautre main le soient aussi. Le principal symptôme est une raideur matinale des mains et des pieds. Le patient est souvent fatigué et peut avoir une fièvre modérée. Les éléments de laboratoire comportent des signes dinflammation (augmentation de la vitesse de sédimentation et de la protéine-C réactive) et, souvent, une anémie modérée. Environ 70% des patients ont un facteur rhumatoïde circulant (anticorps contre une immunoglobuline de la classe des IgG). Dans les cas précoces, lexamen radiologique des mains et des pieds est souvent normal, mais à un stade ultérieur, la plupart des patients développent des signes radiologiques de destruction articulaire (érosions). Le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde est basé sur un mélange de données cliniques, radiologiques et de laboratoire (voir figure 6.24). Les maladies qui, le plus souvent, posent un problème de diagnostic différentiel sont les maladies dégénératives des articulations des mains, les arthrites secondaires à des infections, les spondylarthropathies et des affections rares des tissus conjonctifs (Guidelines..., 1992).
La prévention passe par léducation du patient pour diminuer la charge dorigine professionnelle sur les articulations. Au chapitre de la prévention primaire, il faut citer lutilisation déquipements de conception ergonomique, le port de chaussures adaptées et le traitement des infections. Les règles de conduite pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde sont présentées au tableau 6.9.
1. |
Traitement de la douleur articulaire |
Anti-inflammatoires non stéroïdiens |
2. |
Traitement de l’inflammation articulaire (produits antirhumatismaux modifiant la maladie) |
Sels d’or intramusculaires |
3. |
Injections locales |
Glucocorticostéroïdes |
4. |
Chirurgie |
Chirurgie réparatrice précoce (synovectomie |
5. |
Réadaptation |
Ergothérapie |
Les spondylarthropathies comportent des entités cliniques caractéristiques telles que la spondylarthrite ankylosante et dautres formes darthrites associées au psoriasis, les maladies inflammatoires chroniques du tube digestif ou les infections bactériennes de lappareil urogénital ou intestinal (appelées arthrites réactives); ces maladies sont courantes. Dans les populations occidentales, la prévalence de la forme chronique la plus fréquente, la spondylarthrite ankylosante, varie entre 0,1 et 1,8% (Gran et Husby, 1993). On estime que sur 10 000 personnes, il apparaît tous les ans trois nouveaux cas darthrite transitoire, tels que les arthrites réactives, pour un cas de spondylarthrite ankylosante. La plupart des patients qui développent une spondylarthropathie sont des adultes âgés de 20 à 40 ans. Certaines études semblent témoigner dune augmentation des cas de spondylarthrite ankylosante (Calin et coll., 1988).
Les spondylarthropathies ont une forte composante génétique, puisquune majorité de patients ont un marqueur génétique hérité, le HLA-B27. La fréquence de ce marqueur est de 7 à 15% environ dans les populations occidentales; 90 à 100% des patients atteints de spondylarthrite ankylosante et 70 à 90% des patients présentant une arthrite réactive sont HLA-B27 positifs. Cependant, à léchelle de la population, la plupart des sujets HLA-B27 sont en bonne santé. De ce fait, on pense quil faut que des facteurs exogènes sajoutent à la prédisposition génétique pour que la maladie puisse se développer. Ces facteurs déclenchants sont notamment des infections bactériennes du tractus urogénital ou de lintestin (voir tableau 6.10), des lésions cutanées, ou des affections inflammatoires digestives chroniques. La preuve du rôle des infections est la plus directe dans les cas darthrite réactive. Comme les infections à salmonelles connaissent une augmentation, on peut sattendre à ce que les cas avec complications articulaires séquellaires augmentent eux aussi. Lagriculture et lélevage de volailles peuvent être source de telles infections. Ainsi, pour les infections à yersinia, les porcs sont porteurs des bactéries dans leurs parotides. Il a été avancé que labattage, suivi du stockage de la viande au froid, a pu contribuer à la dispersion des infections chez lhumain. Cependant, chez les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante, aucune infection préalable ne peut habituellement être retrouvée comme événement déclenchant. Des résultats récents ont néanmoins attiré lattention sur le fait que les patients porteurs de cette maladie ont souvent des inflammations asymptomatiques chroniques de lintestin qui pourraient servir de facteur déclenchant ou délément inflammatoire contribuant au caractère chronique de la maladie.
Foyers |
Bactéries |
Appareil respiratoire supérieur |
Chlamydia pneumoniae Streptocoque bêta-hémolytique (habituellement à l’origine des fièvres rhumatismales) |
Appareil gastro-intestinal |
Salmonella Shigella Yersinia enterocolitica Yersinia pseudotuberculosis Campylobacter jejuni |
Appareil uro-génital |
Chlamydia trachomatis Neisseria gonorrhæ |
Larthrite périphérique est asymétrique; elle atteint les grosses articulations et a une prédilection pour les extrémités inférieures. Les patients ont souvent également des douleurs inflammatoires lombaires, qui saggravent pendant la nuit et saméliorent grâce au mouvement, mais non pas grâce au repos. On note souvent une tendance à linflammation au niveau des insertions des tendons sur les os (enthésopathie), qui peut se manifester sous forme de douleurs dans la région du tendon dAchille sur le calcanéum ou sous le talon. En plus de linflammation dans les articulations et aux insertions tendineuses, les patients peuvent aussi avoir des symptômes inflammatoires des yeux (iritis ou conjonctivite), de la peau (psoriasis, lésions de la peau dans les paumes, à la plante ou des indurations des jambes) et, parfois, du cur.
On trouvera ci-dessous les critères diagnostiques de la spondylarthropathie (Dougados et coll., 1991).
Lombalgie inflammatoire
ou
Inflammation articulaire (synovite):
et
Les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante ont des lombalgies aggravées la nuit et des douleurs entre le rachis et le pelvis au niveau des articulations sacro-iliaques. Ils peuvent présenter une mobilité réduite du rachis avec des douleurs thoraciques. Un tiers dentre eux ont une arthrite périphérique et des enthésopathies. Le diagnostic de la spondylarthrite ankylosante repose sur la présence de modifications radiologiques des articulations sacro-iliaques; on observe une diminution de linterligne articulaire, ainsi que des excroissances osseuses. Ces modifications permettent de préciser le diagnostic de spondylarthropathie, mais ne sont nécessaires quen cas de spondylarthrite ankylosante.
La goutte est une affection métabolique qui est la cause la plus courante des arthrites inflammatoires chez lhumain. Sa prévalence chez ladulte varie de 0,2 à 0,3 et elle est de 1,5% chez ladulte de sexe masculin. La prévalence de la goutte augmente avec lâge et avec lélévation du niveau sérique de lacide urique.
Lhyperuricémie (concentration élevée dacide urique dans le sérum) est un facteur de risque. Les facteurs contributifs sont les maladies rénales chroniques qui conduisent à une insuffisance rénale, une hypertension artérielle, la prise de diurétiques, une forte consommation dalcool, lexposition au plomb et lobésité. Les crises de goutte sont déclenchées par lhypersaturation en acide urique du liquide articulaire; la précipitation des cristaux irrite larticulation avec le développement dune arthrite aiguë.
Lévolution spontanée de la goutte passe par différentes étapes, depuis lhyperuricémie asymptomatique jusquà larthrite goutteuse aiguë, puis par des périodes à nouveau asymptomatiques jusquà la goutte tophacée chronique (goutte nodulaire).
Larthrite goutteuse aiguë se manifeste souvent par une inflammation aiguë dune articulation, le plus souvent à la base du gros orteil. Larticulation est très sensible, gonflée et extrêmement douloureuse. Elle est souvent rouge. La crise aiguë peut samender spontanément en quelques jours. En labsence de traitement, des crises répétées peuvent survenir et, chez certains patients, elles se poursuivent (pendant les années suivantes), avec développement dune arthrite chronique. Chez ces patients, des dépôts uriques peuvent être observés dans les lobes des oreilles, aux coudes ou au niveau des tendons dAchille, où ils forment des masses palpables sous-cutanées non douloureuses (tophi).
Chez lenfant, les arthrites infectieuses se développent souvent chez les sujets en bonne santé, alors que chez ladulte, il existe souvent des facteurs prédisposants tels que le diabète, larthrite chronique, la prise de glucocorticoïdes et de traitements immunosuppresseurs, les injections dans larticulation ou les traumatismes de larticulation. Les patients ayant une prothèse sont également susceptibles de développer des infections dans les articulations opérées.
Les arthrites infectieuses sont le plus souvent dorigine bactérienne. Chez les patients immunodéprimés, on peut trouver des affections mycotiques. Bien que linfection bactérienne articulaire soit rare, il est très important de la diagnostiquer parce quelle peut détruire rapidement larticulation si elle nest pas traitée. Les microbes atteignent larticulation par la circulation sanguine (infection septique), par pénétration directe en cas de blessure ou pendant une injection articulaire, voire à partir dune infection focale de voisinage.
Dans un cas typique, le patient présente une inflammation articulaire aiguë, habituellement dans une seule articulation qui est douloureuse, chaude, rouge et sensible au mouvement. Il existe des symptômes généraux dinfection (fièvre, frissons) et des arguments de laboratoire objectivant une inflammation aiguë. Le liquide aspiré de larticulation est trouble et, à lexamen microscopique, il contient un grand nombre de leucocytes avec des colorations et des cultures de bactéries positives. Le patient peut présenter des signes dun autre foyer dinfection, telle quune pneumonie.
La masse osseuse augmente depuis lenfance jusquà ladolescence. Les femmes accumulent une densité osseuse inférieure de 15% à celle des hommes. La masse osseuse est à son pic entre 20 et 40 ans, après quoi elle diminue de façon constante. Lostéoporose est un état pathologique dans lequel la masse osseuse diminue et les os deviennent sujets aux fractures. Lostéoporose est une cause importante de morbidité chez les personnes âgées. Elle se manifeste le plus souvent par des fractures au niveau lombaire et de la hanche. A 70 ans, environ 40% des femmes ont eu de telles fractures.
Le pic de masse osseuse est déterminé par des facteurs génétiques. Chez la femme, la masse osseuse diminue après la ménopause. Chez lhomme, cette diminution est moins nette que chez la femme. Outre le manque dstrogènes, dautres facteurs exercent une influence sur la rapidité de la perte osseuse et le développement dune ostéoporose, notamment le manque dactivité physique, un faible apport en calcium dans lalimentation, le tabagisme, la consommation de café et un faible poids corporel. Lutilisation dun traitement cortisonique systémique est aussi associée à une augmentation du risque dostéoporose.
Lostéoporose peut être asymptomatique ou être très visible comme dans le cas de fracture osseuse, notamment au niveau de la hanche, des vertèbres (rachis) et du poignet. Les fractures de la hanche et du poignet résultent habituellement dune chute, mais les fractures vertébrales peuvent survenir de façon insidieuse après un traumatisme banal. Le patient présente des douleurs lombaires, une cyphose et une perte de taille.
Les tumeurs osseuses malignes primitives sont inhabituelles. Elles surviennent le plus souvent chez lenfant et ladulte jeune. Lostéosarcome est la tumeur osseuse maligne la plus fréquente. Elle est le plus souvent observée dans la deuxième décennie de la vie et, chez des adultes plus âgés, elle peut être secondaire à une maladie osseuse (maladie osseuse de Paget). Le sarcome dEwing se rencontre surtout chez lenfant qui présente des destructions du pelvis et des os longs. Les tumeurs malignes dorigine cartilagineuse (chondrosarcomes) peuvent apparaître au niveau dun grand nombre de cartilages. Chez ladulte, les lésions osseuses malignes sont souvent métastatiques (cest-à-dire que la maladie maligne primitive se situe ailleurs dans lorganisme).
Les tumeurs malignes primitives nont, pour la plupart, pas détiologie connue même si la maladie osseuse de Paget, lostéomyélite, lostéonécrose et les lésions postradiques ont pu être associées à une transformation maligne. Les métastases osseuses sont fréquentes dans les cancers primaires du sein, du poumon, de la prostate, du rein ou de la glande thyroïde.
Douleur, limitation des mouvements et tuméfaction sont présents chez les patients qui ont un ostéosarcome. En plus de la douleur osseuse, les patients atteints dun sarcome dEwing ont souvent des symptômes systémiques tels que fièvre, malaises et frissons. Les chondrosarcomes peuvent être à lorigine de symptômes qui varient en fonction du siège de la tumeur et de son type histologique.
Lostéomyélite est une infection osseuse qui est habituellement dorigine bactérienne, mais qui peut aussi être dorigine mycotique ou virale. Chez une personne par ailleurs en bonne santé, lostéomyélite est un événement rare, alors que chez les patients souffrant de maladies chroniques comme le diabète ou la polyarthrite rhumatoïde, une infection dans lorganisme peut diffuser par la circulation sanguine ou par un envahissement direct des os. Chez lenfant, cest la diaphyse des os longs qui est le site le plus souvent touché par linfection tandis que chez ladulte cest souvent le rachis. Un point localisé à partir duquel une infection peut diffuser par le débit sanguin ou par envahissement direct, un traumatisme pénétrant ou une lésion, une chirurgie orthopédique préalable (mise en place de prothèse) peuvent tous être compliqués dostéomyélite.
Une infection osseuse aiguë dun os long est associée à de la fièvre, des frissons et des douleurs osseuses. Une ostéomyélite rachidienne cause des symptômes plus vagues, avec des douleurs progressives et une fièvre à bas bruit. Les infections autour dune prothèse se révèlent par de la douleur et une gêne lors de la mobilisation de larticulation opérée.