La première cause de cancer formellement établie était un cancérogène professionnel (Checkoway, Pearce et Crawford-Brown, 1989). Percival Pott (1775) a identifié la suie comme cause de cancer du scrotum chez les ramoneurs londoniens et a décrit les conditions de travail très dures des enfants qui devaient grimper à lintérieur détroites cheminées encore brûlantes. Malgré ces indications, les rapports selon lesquels il fallait éviter les incendies de cheminée ont été employés pour ralentir la législation réglementant le travail des enfants dans cette industrie jusquen 1840 (Waldron, 1983). Un modèle expérimental de la cancérogenèse de la suie a été établi pour la première fois dans les années vingt (Decoufle, 1982), cent cinquante ans après la première observation épidémiologique.
Par la suite, un certain nombre dautres causes professionnelles de cancer ont été identifiées grâce à des études épidémiologiques (bien que le lien avec le cancer ait le plus souvent été noté dabord par des médecins du travail ou par les travailleurs eux-mêmes). Il sagit, entre autres, de larsenic, de lamiante, du benzène, du cadmium, du chrome, du nickel et du chlorure de vinyle. Lidentification de ces cancérogènes professionnels est très importante en termes de santé publique, car elle rend possible la prévention grâce à la réglementation et à lamélioration des pratiques dhygiène industrielle (Pearce et Matos, 1994). Dans la plupart des cas, il sagit dexpositions qui accroissent considérablement le risque relatif dun ou de plusieurs types particuliers de cancer. Il est possible que dautres cancérogènes professionnels restent inaperçus, soit quils ne provoquent quune faible augmentation du risque, soit quils naient tout simplement pas été étudiés (Doll et Peto, 1981). Certains faits dimportance clé figurent au tableau 2.1.
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Les causes professionnelles de cancer ont fait lobjet de multiples études épidémiologiques par le passé. Le nombre de cancers imputables aux expositions professionnelles demeure cependant très controversé, les estimations allant de 4 à 40% (Higginson, 1969; Higginson et Muir, 1976; Wynder et Gori, 1977; Higginson et Muir, 1979; Doll et Peto, 1981; Hogan et Hoel, 1981; Vineis et Simonato, 1991; Aitio et Kauppinen, 1991). Le risque de cancer «attribuable» est le nombre total de cancers survenant dans une population donnée qui ne seraient pas apparus si les effets associés aux expositions professionnelles en cause avaient été absents. Ce risque «attribuable» peut se calculer pour la population exposée ou pour une population plus large. Le tableau 2.2 récapitule les estimations existantes. Cest lapplication universelle de la Classification internationale des maladies (CIM) qui rend ce type de présentation possible (voir encadré).
Etude |
Population |
Proportion et localisation du cancer |
Observations |
Higginson, 1969 |
non spécifiée |
1% cancer buccal |
Pas de présentation détaillée des niveaux d’exposition ou d’autres hypothèses |
Higginson et Muir, 1976 |
non spécifiée |
1-3% de tous les cancers |
Pas de présentation détaillée des hypothèses |
Wynder et Gori, 1977 |
non spécifiée |
4% de tous les cancers |
Basées sur une seule proportion pour le cancer de la vessie et deux communications personnelles |
Higginson et Muir, 1979 |
West Midland, |
6% de tous les cancers |
Basées sur 10% de cancers du poumon non liés au tabac, le mésothéliome, le cancer de la vessie (30%), et la leucémie chez les femmes (30%) |
Doll et Peto, 1981 |
Etats-Unis, début 1980 |
4% (de 2 à 8%) de tous les cancers |
Basées sur toutes les localisations de cancer étudiées; signalées comme estimation «provisoire» |
Hogan et Hoel, 1981 |
Etats-Unis |
3% (de 1,4 à 4%) de tous les cancers |
Risque associé à l’exposition professionnelle à l’amiante |
Vineis et Simonato, 1991 |
diverses |
1 à 5% des cancers du poumon |
Calculs réalisés sur la base des données d’études cas-témoins. Le pourcentage concernant le cancer du poumon ne considère que l’exposition à l’amiante. Dans une étude où un grand nombre de sujets étaient exposés aux rayonnements ionisants, la proportion estimée était de 40%. Les estimations de proportions dans certaines études sur le cancer de la vessie allaient de 0 à 3% |
Les maladies humaines sont classées selon la Classification internationale des maladies (CIM), un système qui a débuté en 1893 et qui est régulièrement mis à jour en coordination avec lOrganisation mondiale de la santé. La CIM est utilisée dans presque tous les pays pour la rédaction des certificats de décès, lenregistrement des cas de cancer et les diagnostics de sortie dhôpital. La dixième révision (CIM-10), qui a été approuvée en 1989 (Organisation mondiale de la santé, 1993), diffère considérablement des trois précédentes qui étaient semblables les unes aux autres et qui étaient utilisées depuis les années cinquante. Il est donc probable que la neuvième révision (CIM-9, Organisation mondiale de la santé, 1979), ou même des versions antérieures, sont et seront encore utilisées dans de nombreux pays pendant les années à venir. |
La grande variabilité qui caractérise les estimations découle des différences entre les ensembles de données utilisés et les postulats appliqués. La plupart des estimations publiées portant sur le pourcentage des cancers imputés à des facteurs de risque professionnels se fondent sur des postulats assez simplifiés. En outre, bien que le cancer soit une maladie relativement moins fréquente dans les pays en développement en raison dune pyramide des âges plus jeune (Pisani et Parkin, 1994), la proportion des cancers professionnels peut être plus importante dans les pays en développement du fait des expositions relativement élevées que lon y rencontre (Kogevinas, Boffetta et Pearce, 1994).
Les estimations les plus largement acceptées des cancers professionnels sont celles qui ont été présentées dans un rapport détaillé sur les causes du cancer dans la population aux Etats-Unis en 1980 (Doll et Peto, 1981). Doll et Peto concluaient alors quenviron 4% des décès par cancer peuvent être provoqués par des cancérogènes à lintérieur de «limites acceptables» (encore plausibles selon toutes les indications dont nous disposons) de 2 à 8%. Ces estimations étant des proportions, elles dépendent de la part que jouent dans le cancer les causes autres que les expositions professionnelles. Par exemple, cette proportion serait plus élevée dans une population de non-fumeurs sur la vie entière (les Adventistes du Septième Jour, par exemple) et plus faible dans une population où 90% des personnes fumeraient. De même, les estimations ne sappliquent pas uniformément aux deux sexes et aux différentes classes sociales. En outre, si on ne considère pas la totalité de la population (à laquelle les estimations sappliquent), mais les tranches de la population adulte dans lesquelles se trouve presque exclusivement lexposition aux cancérogènes professionnels (travailleurs manuels des mines, de lagriculture et de lindustrie qui représentaient, en gros, 31 millions de personnes à la fin des années quatre-vingt, sur une population totale de 158 millions de personnes âgées de plus de vingt ans), la proportion de 4% de la population globale passe à environ 20% chez les personnes exposées.
Vineis et Simonato (1991) ont publié des estimations du nombre de cas de cancers du poumon et de la vessie dorigine professionnelle. Ces estimations ont été tirées de lanalyse détaillée détudes cas-témoins et montrent que, dans certaines populations situées dans des régions industrielles, la proportion de cancers du poumon et de la vessie provoqués par des expositions professionnelles peut atteindre 40% (ces estimations dépendant non seulement des expositions prédominantes localement, mais aussi, dans une certaine mesure, de la méthode permettant de définir et dévaluer lexposition).
Les études des cancers professionnels sont compliquées parce quil nexiste pas de cancérogène «complet»; cest-à-dire que les expositions professionnelles augmentent le risque de développer un cancer, mais ce développement futur dun cancer nest en aucun cas certain. En outre, il peut se passer vingt à trente ans (et au minimum cinq ans) entre une exposition professionnelle et la survenue effective dun cancer; il peut aussi se passer encore plusieurs années avant que ce cancer soit décelable au plan clinique et que le décès survienne (Moolgavkar et coll., 1993). Cette situation, qui sapplique aussi aux cancérogènes non professionnels, est conforme aux théories actuelles sur les causes du cancer.
Plusieurs modèles mathématiques du processus causal du cancer ont été avancés (par exemple, Armitage et Doll, 1961), mais le modèle le plus simple et le plus conforme aux connaissances actuelles en matière de biologie est celui de Moolgavkar (1978). Il suppose que des cellules germinales saines mutent parfois (initiation); si une exposition particulière facilite la prolifération de cellules intermédiaires (promotion), il devient alors plus que probable quune cellule au moins subira une mutation, voire davantage, produisant un cancer malin (progression) (Ennever, 1993).
Ainsi, les expositions professionnelles peuvent accroître le risque de cancer soit en provoquant des mutations dans lADN, soit par divers mécanismes «épigénétiques» de promotion (qui ne passent pas par des lésions de lADN), y compris une prolifération cellulaire accrue. La plupart des cancérogènes professionnels découverts à ce jour sont des mutagènes et semblent donc être des initiateurs du cancer. Cela explique la longue période de «latence» nécessaire pour que surviennent dautres mutations; bien souvent, ces nouvelles mutations nont jamais lieu et le cancer ne se développe donc pas.
Ces dernières années, on sest de plus en plus intéressé aux expositions professionnelles à des agents (benzène, arsenic, herbicides phénoxyacides) qui ne semblent pas être des mutagènes, mais qui peuvent agir comme des promoteurs. La promotion peut survenir relativement tard au cours du processus cancérogène et la période de latence pour les promoteurs peut donc être plus courte que pour les initiateurs. Il faut toutefois rappeler que les données épidémiologiques sur la promotion cancéreuse restent encore aujourdhui très limitées (Frumkin et Levy, 1988).
Une des préoccupations majeures de ces dernières décennies a été le transfert dindustries dangereuses vers des pays en développement (Jeyaratnam, 1994). Ces transferts ont eu lieu en partie en raison de la réglementation rigoureuse des cancérogènes et du coût croissant de la main-duvre dans les pays industriels, et en partie en raison des bas salaires, du chômage et de la poussée de lindustrialisation dans les pays en développement. Par exemple, le Canada exporte à présent près de la moitié de son amiante vers les pays en développement et un certain nombre dindustries dont lactivité est basée sur lamiante ont été délocalisées vers des pays en développement comme le Brésil, la République de Corée, lInde, lIndonésie et le Pakistan (Jeyaratnam, 1994). Ces problèmes se compliquent encore par lampleur du secteur informel, le grand nombre de travailleurs qui nont que peu de soutien de la part des syndicats ou dautres organisations de travailleurs, le statut précaire des travailleurs, labsence de protection légale et/ou la médiocre application des mesures de protection, la faiblesse croissante du contrôle national sur les ressources et limpact de la dette du tiers monde et des programmes dajustement structurel qui lui sont associés (Pearce et coll., 1994).
Par conséquent, on ne peut pas dire que le problème des cancers professionnels ait reculé ces dernières années puisque, dans de nombreux cas, lexposition a simplement été transférée des pays industriels aux pays en développement. Parfois, lexposition professionnelle totale a en fait augmenté. Néanmoins, lhistoire récente de la prévention des cancers professionnels dans les pays industriels a montré quil est possible de remplacer les composés cancérogènes dans les procédés industriels par des substituts, sans pour autant conduire lindustrie à la ruine; des succès semblables seraient envisageables dans les pays en développement si des dispositifs adéquats de réglementation et de contrôle des cancérogènes étaient mis en place.
Swerdlow (1990) a présenté une série de possibilités permettant de prévenir lexposition aux causes professionnelles du cancer. La forme la plus efficace de prévention consiste à éviter lutilisation de cancérogènes connus sur le lieu de travail. Cela a rarement été possible dans les pays industriels, la plupart des cancérogènes professionnels ayant été mis en évidence par des études épidémiologiques de populations déjà exposées dans le cadre professionnel. Toutefois, et du moins en théorie, les pays en développement pourraient mettre à profit lexpérience des pays industriels et empêcher lintroduction de produits chimiques et de procédés de production dont il a été démontré quils étaient dangereux pour la santé des travailleurs.
Ensuite, la meilleure démarche pour éviter lexposition à des cancérogènes reconnus consiste à les soustraire au contact une fois leur cancérogénicité démontrée, voire seulement présumée. On prendra pour exemples la fermeture, au Royaume-Uni, des usines fabriquant la 2-naphtylamine et la benzidine, deux cancérogènes de la vessie (anonyme, 1965); labandon de la production britannique de gaz par carbonisation du charbon; la fermeture des fabriques japonaises et britanniques de gaz moutarde après la fin de la seconde guerre mondiale (Swerdlow, 1990) et lélimination progressive de lemploi du benzène dans lindustrie de la chaussure à Istanbul (Aksoy, 1985).
Toutefois, dans de nombreux cas, lélimination totale du cancérogène (sans avoir à supprimer lindustrie elle-même) nest pas possible (inexistence ou indisponibilité des produits de substitution) ou nest pas considérée comme politiquement ou économiquement acceptable. Les niveaux dexposition doivent donc être réduits par des modifications des procédés de production et par des pratiques dhygiène industrielle. Par exemple, lexposition à des cancérogènes reconnus comme lamiante, le nickel, larsenic, le benzène, les pesticides et les rayonnements ionisants a été progressivement réduite dans les pays industriels ces dernières années (Pearce et Matos, 1994).
Une démarche voisine consiste à réduire, voire à éliminer les activités qui comportent les expositions les plus fortes. Cest ainsi que, après quune loi eut été votée en 1840 au Royaume-Uni et au pays de Galles, qui interdisait denvoyer les ramoneurs à lintérieur des conduits de cheminée, le nombre de cas de cancer du scrotum a diminué (Waldron, 1983). Lexposition elle-même peut être réduite au minimum grâce à lemploi déquipements de protection, tels que des masques et des vêtements, ou à limposition de mesures dhygiène industrielle plus strictes.
Une stratégie globale efficace en matière de lutte et de prévention contre lexposition aux cancérogènes professionnels combine généralement plusieurs approches. Un exemple réussi est lexpérience dun registre du cancer finlandais dont les objectifs sont de développer la sensibilisation aux cancérogènes, dévaluer lexposition dans différents lieux de travail et de stimuler les mesures de prévention (Kerva et Partanen, 1981). Ce registre contient des informations sur les lieux de travail et sur les travailleurs exposés et tous les employeurs ont lobligation de tenir des dossiers à jour et de fournir des renseignements au registre. Ce système semble avoir au moins partiellement réussi à réduire les expositions cancérogènes sur le lieu de travail (Ahlo, Kauppinen et Sundquist, 1988).
La lutte contre les cancérogènes professionnels sappuie sur lexamen critique des enquêtes scientifiques portant à la fois sur lhumain et sur des systèmes expérimentaux. Il existe plusieurs programmes détude dans différents pays dont le but est de lutter contre les expositions qui peuvent être cancérogènes pour lhumain. Les critères utilisés dans ces différents programmes ne sont pas toujours cohérents entre eux, ce qui donne parfois lieu à des différences dans le contrôle des agents dans divers pays. Par exemple, la 4,4-méthylènebis(2-chloroaniline) (MOCA) a été classée comme cancérogène professionnel au Danemark en 1976 et aux Pays-Bas en 1988, mais ce nest quen 1992 que la mention «présumée cancérogène pour lhumain» a été proposée par lAmerican Conference of Governmental Industrial Hygienists aux Etats-Unis.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), à Lyon (France), a établi, dans le cadre de son programme de monographies, un ensemble de critères permettant dévaluer les indications de la cancérogénicité dagents particuliers. Ce programme constitue lune des initiatives les plus complètes qui aient été entreprises pour passer systématiquement en revue et de façon cohérente les données sur le cancer; il jouit dun grand crédit auprès de la communauté scientifique et sert de référence à cet article. Il a aussi un impact considérable sur les activités de lutte contre les cancers professionnels, aux niveaux national et international. Les critères dévaluation sont décrits au tableau 2.3. Les agents, les mélanges et les circonstances dexposition sont évalués dans le cadre du programme de monographies du CIRC si on dispose dindications dune exposition humaine et de données sur la cancérogénicité (soit chez lhumain, soit chez lanimal de laboratoire). Les groupes de classification du CIRC sont décrits au tableau 2.4.
1. Les indications d’une induction du cancer chez l’humain, qui jouent à l’évidence un rôle important dans l’identification des cancérogènes humains, sont prises en considération. Trois types d’études épidémiologiques contribuent à l’évaluation de la cancérogénicité chez l’humain: les études de cohorte, les études cas-témoins et les études de corrélation (ou écologiques). Peuvent également être examinées les séries cliniques de cas. Les indications qui présentent un intérêt pour la cancérogénicité provenant d’études sur l’humain sont classées selon l’une des catégories suivantes:
2. Les études dans lesquelles des animaux de laboratoire (essentiellement des rongeurs) sont exposés de façon chronique à des cancérogènes potentiels et examinés aux fins de détection des indices de cancer sont passées en revue, et le degré des indications de cancérogénicité est alors classé en catégories semblables à celles qui sont employées dans le cas des données humaines. 3. Les données particulièrement pertinentes portant sur les effets biologiques chez l’humain et chez l’animal de laboratoire sont passées en revue. Il peut s’agir de considérations d’ordre toxicologique, cinétique ou métabolique ou d’indications de liaisons à l’ADN, de la persistance de lésions de l’ADN ou de lésions génétiques chez les humains exposés. Les données toxicologiques, comme celles portant sur la cytotoxicité et la régénération, la liaison aux récepteurs et les effets sur l’activité hormonale et immunologique, ainsi que les données sur les rapports structure-activité sont employées lorsqu’elles sont considérées comme ayant un rapport avec le mécanisme de l’action cancérogène éventuelle de l’agent. 4. Toutes les indications réunies sont alors considérées dans leur ensemble, de façon à aboutir à une évaluation globale de la cancérogénicité pour l’humain d’un agent, d’un mélange ou d’une circonstance d’exposition (voir tableau 2.4). |
L’agent, le mélange ou la circonstance d’exposition sont décrits selon la formulation d’une des catégories suivantes: |
|
Groupe 1 |
L’agent (le mélange) est cancérogène pour l’humain. Les circonstances d’exposition entraînent des expositions qui sont cancérogènes pour l’humain. |
Groupe 2A |
L’agent (le mélange) est probablement cancérogène pour l’humain. Les circonstances d’exposition entraînent des expositions qui sont probablement cancérogènes pour l’humain. |
Groupe 2B |
L’agent (le mélange) est peut-être cancérogène pour l’humain. Les circonstances d’exposition entraînent des expositions qui sont peut-être cancérogènes pour l’humain. |
Groupe 3 |
L’agent (le mélange ou les circonstances d’exposition) est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’humain. |
Groupe 4 |
L’agent (le mélange ou les circonstances d’exposition) n’est probablement pas cancérogène pour l’homme. |
A lheure actuelle, on compte 22 produits chimiques, groupes de produits chimiques ou mélanges, pour lesquels lexposition est principalement professionnelle, sans compter les pesticides et les médicaments, qui sont reconnus comme cancérogènes pour lhumain (voir tableau 2.5). Si certains agents, comme lamiante, le benzène et les métaux lourds sont à lheure actuelle largement utilisés dans de nombreux pays, dautres ne présentent plus quun intérêt historique, comme le gaz moutarde ou la 2-Naphtylamine.
Exposition2 |
Organe(s) cible(s) |
Branche d’activité/utilisation principale |
Amiante (1332-21-4) |
Poumon, plèvre, péritoine |
Isolation, matériaux de filtrage, textiles |
4-Aminobiphényle (92-67-1) |
Vessie |
Fabrication de caoutchouc |
Arsenic (7440-38-2) |
Poumon, peau |
Verre, métaux, pesticides |
Benzène (71-43-2) |
Leucocytes |
Solvant, carburants |
Benzidine (92-87-5) |
Vessie |
Fabrication de teintures/pigments, agent employé en laboratoire |
Béryllium (7440-41-7) |
Poumon |
Industrie aérospatiale/métaux |
Bis(chlorométhyl)éther (542-88-11) |
Poumon |
Intermédiaire chimique/dérivé |
Brais de houille (65996-93-2) |
Peau, poumon, vessie |
Matériaux de construction, électrodes |
Cadmium (7440-43-9) |
Poumon |
Fabrication de teintures/pigments |
Chlorométhylméthyléther (107-30-2) |
Poumon |
Intermédiaire chimique/dérivé |
Chrome hexavalent (CrVI), |
Fosse nasale, poumon |
Placage de métaux, fabrication de teintures/pigments |
Gaz moutarde (moutarde soufrée) |
Pharynx, poumon |
Gaz de guerre |
Goudrons de houille (8007-45-2) |
Peau, poumon |
Carburants |
Huiles minérales, peu ou non raffinées |
Peau |
Lubrifiants |
Huiles de schiste (68308-34-9) |
Peau |
Lubrifiants, carburants |
Nickel, composés de |
Fosse nasale, poumon |
Métallurgie, alliages, catalyseurs |
2-Naphthylamine (91-59-8) |
Vessie |
Fabrication de teintures/pigments |
Oxyde d’éthylène (75-21-8) |
Leucocytes |
Intermédiaire chimique, stérilisant |
Poussière de bois |
Fosse nasale |
Industrie du bois |
Talc contenant des fibres asbestiformes |
Poumon |
Papier, peintures |
Suies |
Peau, poumon |
Pigments |
Vinyle, chlorure de (75-01-4) |
Foie, poumon, vaisseaux sanguins |
Plastiques, monomère |
1 Evalués dans le cadre du programme de monographies du CIRC, vol. 1 à 63 (1972-1995) (sauf pesticides et médicaments).
2 Les numéros de registre du Chemical Abstracts Registry figurent entre parenthèses.
3 Cette évaluation s'applique à l'ensemble du groupe de produits chimiques, mais pas nécessairement à tous les produits pris individuellement dans ce groupe.
Vingt autres agents sont classés comme probablement cancérogènes (groupe 2A); ils sont énumérés au tableau 2.6 et comprennent des substances que lon trouve aujourdhui couramment dans de nombreux pays, comme la silice cristalline, le formaldéhyde et le 1,3-butadiène. Un grand nombre dagents sont classés comme pouvant être cancérogènes pour lhumain (groupe 2B, tableau 2.7), tels que lacétaldéhyde, le dichlorométhane et les composés inorganiques du plomb. En ce qui concerne la majorité de ces produits chimiques, les indications de cancérogénicité éventuelle proviennent détudes sur des animaux de laboratoire.
Exposition2 |
Organe(s) cible(s) |
Branche d’activité/utilisation principale |
Acrylonitrile (107-13-1) |
Poumon, prostate, système lymphatique |
Plastiques, caoutchouc, textiles, monomère |
Benzidine, colorants à base de |
|
Papier, cuir, teintures textiles |
Biphényles polychlorés (1336-36-3) |
Foie, voies biliaires, leucocytes, système lymphatique |
Composants électriques |
Bromure de vinyle (593-60-2) |
|
Plastiques, textiles, monomère |
1,3-Butadiène (106-99-0) |
Leucocytes, système lymphatique |
Plastiques, caoutchouc, monomère |
p-Chloro-o-toluidine [95-69-2] et ses sels d’acides forts |
Vessie |
Fabrication de teintures/pigments, textiles |
Chlorure de diméthylcarbamoyle |
|
Intermédiaire chimique |
Créosotes (8001-58-9) |
Peau |
Conservation du bois |
Dibromure d’éthylène (106-93-4) |
|
Intermédiaire chimique, fumigant, carburants |
Epichlorhydrine (106-89-8) |
|
Plastiques/résines monomères |
Fluorure de vinyle (75-02-5) |
|
Intermédiaire chimique |
Formaldéhyde (50-0-0) |
Rhinopharynx |
Plastiques, textiles, agent employé en laboratoire |
4,4’-Méthylènebis(2-chloro-aniline) (MOCA) (101-14-4) |
Vessie |
Fabrication de caoutchouc |
Oxyde-7,8 de styrène (96-09-3) |
|
Plastiques, intermédiaire chimique |
Phosphate de tris-2,3- dibromopropyle (126-72-7) |
|
Plastiques, textiles, retardant |
Silice cristalline (14808-60-7) |
Poumon |
Taille de pierres, exploitation minière, verre, papier |
Sulfate de diéthyle (64-67-5) |
|
Intermédiaire chimique |
Sulfate de diméthyle (77-78-1) |
|
Intermédiaire chimique |
Tétrachloroéthylène (127-18-4) |
sophage, système lymphatique |
Solvant, nettoyage à sec |
Trichloroéthylène (79-01-6) |
Foie, système lymphatique |
Solvant, nettoyage à sec, métaux |
1 Evalués dans le cadre du programme de monographies du CIRC, vol. 1 à 63 (1972-1995) (sauf pesticides et médicaments).
2 Les numéros de registre du Chemical Abstracts Registry figurent entre parenthèses.
Exposition2 |
Branche d’activité/utilisation principale |
Acétaldéhyde (75-07-0) |
Fabrication de matières plastiques, arômes |
Acétamide (60-35-5) |
Solvant, intermédiaire chimique |
Acétate de vinyle (108-05-4) |
Intermédiaire chimique |
Acide chlorendique (115-28-6) |
Retardant |
Acide nitrilotriacétique (139-13-9) et ses sels |
Agent chélateur, détergent |
Acrylamide (79-06-1) |
Plastiques, agent de jointoiement |
Acrylate d’éthyle (140-88-5) |
Plastiques, adhésifs, monomère |
o-Aminoazotoluène (97-56-3) |
Teintures/pigments, textiles |
p-Aminoazotoluène (60-09-3) |
Fabrication de teintures/pigments |
o-Anisidine (90-04-0) |
Fabrication de teintures/pigments |
Auramine (492-80-8) |
Teintures/pigments |
Bitumes (8052-42-4), extraits de, raffinés à la vapeur et raffinés à l’air |
Matériaux de construction |
Bleu direct CI-15 (2429-74-5) |
Teintures/pigments, textiles, papier |
Bleu dispersé 1 (2475-45-8) |
Teintures/pigments, colorants capillaires |
Bleu HC 1 (2784-94-3) |
Colorants capillaires |
Bleu trypan (72-57-1) |
Teintures/pigments |
Bromodichlorométhane (75-27-4) |
Intermédiaire chimique |
beta-Butyrolactone (3068-88-0) |
Intermédiaire chimique |
Carbone, extraits de noir de |
Encres d’imprimerie |
Carburant diesel marin |
Carburants |
p-Chloraniline (106-47-8) |
Fabrication de teintures/pigments |
Chloroforme (67-66-3) |
Solvant |
4-Chloro-o-phénylènediamine (95-83-9) |
Teintures/pigments, colorants capillaires |
Cobalt (7440-48-4) et composés de cobalt |
Verre, peintures, alliages |
p-Crésidine (120-71-8) |
Fabrication de teintures/pigments |
N,N’-Diacétylbenzidine (613-35-4) |
Fabrication de teintures/pigments |
2,4-Diaminoanisole (615-05-4) |
Fabrication de teintures/pigments, colorants capillaires |
4,4-Diaminodiphényléther (101-80-4) |
Fabrication de matières plastiques |
2,4-Diaminotoluène (95-80-7) |
Fabrication de teintures/pigments, colorants capillaires |
p-Dichlorobenzène (106-46-7) |
Intermédiaire chimique |
3,3-Dichlorobenzidine (91-94-1) |
Fabrication de teintures/pigments |
3,3’-Dichloro-4,4’-diaminodiphényléther |
Non utilisé |
1,2-Dichloroéthane (107-06-2) |
Solvant, carburants |
Dichlorométhane (75-09-2) |
Solvant |
Diépoxybutane (1464-53-5) |
Plastiques/résines |
1,2-Diéthylhydrazine (1615-80-1) |
Réactif de laboratoire |
Diglycidylirésorcinoléther (101-90-6) |
Plastiques/résines |
3,3-Diméthoxybenzidine (o-Dianisidine) |
Fabrication de teintures/pigments |
p-Diméthylaminoazobenzène (60-11-7) |
Teintures/pigments |
2,6-Diméthylaniline (2,6-Xylidine) (87-62-7) |
Intermédiaire chimique |
3,3-Diméthylbenzidine-o-toluidine(119-93-7) |
Fabrication de teintures/pigments |
Diméthylformamide (68-12-2) |
Solvant |
1,1-Diméthylhydrazine (57-14-7) |
Carburant de fusée |
1,2-Diméthylhydrazine (540-73-8) |
Produit de recherche |
1,4-Dioxane (123-91-1) |
Solvant |
Essence |
Carburants |
Ethylènethiourée (96-45-7) |
Caoutchouc |
Fibres céramiques |
Plastiques, textiles, aérospatiale |
Fuel résiduel (lourd) |
Carburants |
Furanne (110-00-9) |
Intermédiaire chimique |
Glycidaldéhyde (765-34-4) |
Textile, fabrication du cuir |
Hexaméthylphosphoramide (680-31-9) |
Solvant, plastiques |
Hydrazine (302-01-2) |
Carburant de fusée, intermédiaire chimique |
Laine de laitier |
Isolation |
Laine de roche |
Isolation |
Laine de verre |
Isolation |
2-Méthylaziridine (75-55-8) |
Teintures, papier, fabrication de matières plastiques |
4,4’-Méthylènebis(2-méthylaniline) (838-88-0) |
Fabrication de teintures/pigments |
4,4-Méthylènedianiline (101-77-9) |
Plastiques/résines, fabrication de teintures/pigments |
Méthylmercure (composés de) |
Fabrication de pesticides |
2-Méthyl-1-nitroanthraquinone (129-15-7) (pureté non connue) |
Fabrication de teintures/pigments |
Nickel, métal (7440-02-0) |
Catalyseur |
5-Nitroacénaphthène (602-87-9) |
Fabrication de teintures/pigments |
2-Nitropropane (79-46-9) |
Solvant |
N-Nitrosodiéthanolamine (1116-54-7) |
Liquides de découpage, impureté |
Orangé huileux SS (2646-17-5) |
Teintures/pigments |
Oxyde de propylène (75-56-9) |
Intermédiaire chimique |
Paraffines chlorées dont la longueur moyenne de la chaîne carbonée est de C12 et le taux moyen de chloration de 60% environ |
Retardant |
Phénylglycidyléther (122-60-1) |
Plastiques/adhésifs/résines |
Phtalate de di(2-éthylhexyle) (117-81-7) |
Plastiques, textiles |
Plomb (7439-92-1) et dérivés inorganiques du plomb |
Peintures, carburants |
Polybromobiphényles (Firemaster BP-6) |
Retardant |
Ponceau MX (3761-53-3) |
Teintures/pigments, textiles |
Ponceau 3R (3564-09-8) |
Teintures/pigments, textiles |
1,3-Propane sultone (1120-71-4) |
Fabrication de teintures/pigments |
beta-Propiolactone (57-57-8) |
Intermédiaire chimique, fabrication |
Rouge acide CI-114 (6459-94-5) |
Teintures/pigments, textiles, cuir |
Rouge basique CI-9 (569-61-9) |
Teintures/pigments, encres |
Styrène (100-42-5) |
Plastiques |
Sulfate de diisopropyle (29973-10-6) |
Polluant |
2,3,7,8-Tétrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD) (1746-01-6) |
Polluant |
Tétrachlorure de carbone (56-23-5) |
Solvant |
Thioacétamide (62-55-5) |
Fabrication de textiles, de papier, de cuir, de caoutchouc |
4,4’-Thiodianiline (139-65-1) |
Fabrication de teintures/pigments |
beta-Toluènes chlorés |
Fabrication de teintures/pigments, intermédiaire chimique |
o-Toluidine (95-53-4) |
Fabrication de teintures/pigments |
Trioxyde d’antimoine (1309-64-4 |
Retardant, verre, pigments |
Vapeurs de soudure |
Métallurgie |
Violet de benzyle (1694-09-3) |
Teintures/pigments |
1 Evalués dans le cadre du programme de monographies du CIRC, vol. 1 à 63 (1972-1995) (sauf pesticides et médicaments).
2 Les numéros de registre du Chemical Abstracts Registry figurent entre parenthèses.
Des expositions professionnelles peuvent aussi avoir lieu au cours de la fabrication et de lutilisation de certains pesticides et médicaments. Le tableau 2.8 présente une évaluation de la cancérogénicité des pesticides; deux dentre eux, le captafol et le dibromure déthylène, sont classés comme probablement cancérogènes pour lhumain, et vingt autres, au nombre desquels le DDT, latrazine et les chlorophénols, sont classés comme pouvant être cancérogènes pour lhumain.
Groupe |
Pesticide1 |
2A Probablement cancérogènes pour l’humain |
Captafol (2425-06-1) |
2B Peut-être cancérogènes pour l’humain |
Amitrole (61-82-5) |
1 Les numéros de registre du Chemical Abstracts Registry figurent entre parenthèses.
Plusieurs médicaments sont des cancérogènes pour lhumain (voir tableau 2.9): il sagit principalement dagents alcoylants et dhormones; douze autres médicaments, y compris le chloramphénicol, le cisplatine et la phénacétine, sont classés comme pro-bablement cancérogènes pour lhumain (groupe 2A). Les expositions professionnelles à ces cancérogènes reconnus ou présumés, utilisés principalement en chimiothérapie, peuvent survenir dans les pharmacies et au cours de leur administration par le personnel infirmier.
Médicament1 |
Organe(s) cible(s)2 |
GROUPE 1 Cancérogènes pour l’humain |
|
Azathioprine (446-86-6) |
Système lymphatique, système hépato-biliaire, peau |
Chlorambucil (305-03-3) |
Leucocytes |
1-(2-Chloroéthyl)-3-(4-méthylcyclohexyl)-1-nitrosourée (Méthyl CCNU) (13909-09-6) |
Leucocytes |
N,N-Bis(2-chloroéthyl)-beta-naphtylamine (Chlornaphazine) (494-03-1) |
Vessie |
Ciclosporine (79217-60-0) |
Système lymphatique, peau |
Contraceptifs oraux en association |
Foie |
Contraceptifs oraux séquentiels |
Utérus |
Cyclophosphamide (50-18-0) (6055-19-2) |
Leucocytes, vessie |
Diéthylstilboestrol (56-53-1) |
Col utérin, vagin, sein |
Diméthanesulfonate de 1,4-butanediol (Myleran) (55-98-1) |
Leucocytes |
Mélanges analgésiques contenant de la phénacétine |
Rein, vessie |
Melphalan (148-82-3) |
Leucocytes |
8-Méthoxypsoralène (Méthoxsalène) |
Peau |
MOPP (traitement associé utilisant moutarde azotée, vincristine, procarbazine et prednisone) et autres chimiothérapies associées utilisant des agents alkylants |
Leucémie |
strogènes non stéroïdiens |
Col utérin, vagin, sein |
strogènes stéroïdiens |
Utérus |
strogénothérapie de substitution |
Utérus |
Thiotépa (52-24-4) |
Leucocytes |
Tréosulfan (299-75-2) |
Leucocytes |
GROUPE 2A Probablement cancérogènes pour l’humain |
|
Adriamycine (23214-92-8) |
|
Azacitidine (320-67-2) |
|
Bischloroéthyl-nitrosourée (BCNU) |
(Leucocytes) |
Chloramphénicol (56-75-7) |
(Leucocytes) |
Chlorhydrate de procarbazine (366-70-1) |
|
1-(2-Chloroéthyl)-3-cyclohexyl-1-nitrosourée (CCNU) (13010-47-4) |
|
Chlorozotocine (54749-90-5) |
|
Cisplatine (15663-27-1) |
|
5-Méthoxypsoralène (484-20-8) |
|
Moutarde azotée (51-75-2) |
(Peau) |
Phénacétine (62-44-2) |
(Rein, vessie) |
Stéroïdes androgéniques (anabolisants) |
(Foie) |
1 Les numéros de registre du Chemical Abstracts Registry figurent entre parenthèses.
2 Les organes cibles présumés figurent entre parenthèses.
Plusieurs agents environnementaux, présumés ou connus pour être à lorigine du cancer chez lhumain, sont énumérés au tableau 2.10; bien que lexposition à ces agents ne soit pas principalement professionnelle, certains groupes dindividus y sont exposés de par leur travail: on peut citer, par exemple, les mineurs duranium exposés aux produits de décomposition du radon; les travailleurs en milieu hospitalier exposés au virus de lhépatite B; les personnes travaillant dans les industries alimentaires exposées aux aflatoxines contenues dans des aliments contaminés; les personnes travaillant à lair libre exposées au rayonnement ultraviolet ou aux gaz déchappement de moteurs diesel; et les employés de bars et de restaurants exposés à la fumée de tabac.
Agent/exposition |
Organe(s) cible(s)2 |
Degré d’intensité des indices de cancérogénicité3 |
Polluants atmosphériques |
||
Erionite |
Poumon, plèvre |
1 |
Amiante |
Poumon, plèvre |
1 |
Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)4 |
(Poumon, vessie) |
P |
Polluants hydriques |
||
Arsenic |
Peau |
1 |
Sous-produits de chloration |
(Vessie) |
P |
Nitrate et nitrite |
(sophage, estomac) |
P |
Rayonnements |
||
Radon et ses produits de filiation |
Poumon |
1 |
Radium, thorium |
Os |
N |
Autres irradiations aux rayons X |
Leucocytes, sein, thyroïde, autres |
N |
Rayonnement solaire |
Peau |
1 |
Rayonnement ultraviolet A |
(Peau) |
2A |
Rayonnement ultraviolet B |
(Peau) |
2A |
Rayonnement ultraviolet C |
(Peau) |
2A |
Lampes et tables à bronzer (utilisation) |
(Peau) |
2A |
Champs électromagnétiques |
(Leucocytes) |
P |
Agents biologiques |
||
Infection chronique par le virus de l’hépatite B |
Foie |
1 |
Infection chronique par le virus de l’hépatite C |
Foie |
1 |
Infection par Helicobacter pylori |
Estomac |
1 |
Infestation par Opistorchis viverrini |
Voies biliaires |
1 |
Infestation par Chlonorchis sinensis |
(Foie) |
2A |
Virus du papillome humain de types 16 et 18 |
Col utérin |
1 |
Virus du papillome humain de types 31 et 33 |
(Col utérin) |
2A |
Types de virus du papillome humain autres que le 16, le 18, le 31 et le 33 |
(Col utérin) |
2B |
Infestation par Schistosoma hæmatobium |
Vessie |
1 |
Infestation par Schistosoma japonicum |
(Foie, côlon) |
2B |
Tabac, alcool et autres substances apparentées |
||
Boissons alcooliques |
Bouche, pharynx, sophage, foie, larynx |
1 |
Fumée de tabac |
Lèvre, bouche, pharynx, sophage, pancréas, larynx, poumon, rein, vessie, (autres) |
1 |
Produits du tabac non fumé |
Bouche |
1 |
Mastication de bétel avec tabac |
Bouche |
1 |
Facteurs alimentaires |
|
|
Aflatoxines |
Foie |
1 |
Aflatoxine M1 |
(Foie) |
2B |
Ochratoxine A |
(Rein) |
2B |
Toxines dérivées du Fusarium moniliforme |
(sophage) |
2B |
Poisson salé (façon chinoise) |
Rhinopharynx |
1 |
Légumes au vinaigre (condiment asiatique traditionnel) |
(sophage, estomac) |
2B |
Fougère arborescente |
(sophage) |
2B |
Safrol |
|
2B |
Café |
(Vessie) |
2B |
Acide caféique |
|
2B |
Maté bouillant |
(sophage) |
2A |
Fruits et légumes frais (protecteurs) |
Bouche, sophage, estomac, côlon, rectum, larynx, poumon (autres) |
N |
Graisse |
(Côlon, sein, endomètre) |
P |
Fibres (protectrices) |
(Côlon, rectum) |
P |
Nitrate et nitrite |
(sophage, estomac) |
P |
Sel |
(Estomac) |
P |
Vitamine A, beta-carotène (protecteurs) |
(Bouche, sophage, poumon, autres) |
P |
Vitamine C (protectrice) |
(sophage, estomac) |
P |
IQ (Amino-2 méthyl-3 imidazo[4,5-f]quinoléine) |
(Estomac, côlon, rectum) |
2A |
MeIQ (Amino-2 diméthyl-3,4 imidazo[4,5-f] quinoléine) |
|
2B |
MeIQx (Amino-2 diméthyl-3,8 imidazo[4,5-b] quinoxaline) |
|
2B |
PhIP (Amino-2 méthyl-1 phényl-6 imidazo[4,5-b]pyridine) |
|
2B |
Vie reproductive et comportement sexuel |
||
Age tardif à la première grossesse |
Sein |
N |
Faible parité |
Sein, ovaire, corps de l’utérus |
N |
Age précoce au premier rapport |
Col utérin |
N |
Nombre de partenaires sexuels |
Col utérin |
N |
1 Les agents et expositions, de même que les médicaments rencontrés principalement sur le lieu de travail sont exclus.
2 Les organes cibles présumés figurent entre parenthèses.
3 Evaluation du programme de monographies du CIRC signalée le cas échéant (1: cancérogène pour l’humain; 2A: probablement cancérogène pour l’humain; 2B: peut-être cancérogène pour l’humain); dans les autres cas, N: cancérogène notoire; P: cancérogène présumé.
4 L’exposition humaine aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) survient dans les mélanges, comme les gaz d’échappement de moteurs, les vapeurs de combustion et les suies. Plusieurs mélanges et certains HAP particuliers ont fait l’objet d’une évaluation du CIRC.
Le programme des monographies du CIRC a couvert la plupart des causes reconnues ou présumées de cancer dans ses évaluations; il reste toutefois certains groupes importants dagents qui nont pas été évalués par le CIRC, à savoir les rayonnements ionisants et les champs électromagnétiques.
Les connaissances actuelles sur les rapports entre les expositions professionnelles et le cancer sont loin dêtre complètes; en fait, seuls 22 agents sont reconnus comme des cancérogènes professionnels (voir tableau 2.5) et, pour de nombreux autres cancérogènes expérimentaux, il nexiste pas dindications définitives tirées de létude de travailleurs exposés. Bien souvent, on dispose de nombreux indices de risques accrus associés à des branches dactivité ou des professions particulières, mais aucun agent particulier ne peut être identifié comme facteur étiologique. On trouvera aux tableaux 2.11 et 2.12 la liste des branches dactivité et des professions associées à des risques cancérogènes excessifs, ainsi que les localisations des cancers correspondants et l(les) agent(s) responsable(s) connu(s) ou présumé(s).
Branche d’activité (code de la CITI) |
Profession/type d’activité |
Localisation/type du cancer |
Agent causal connu ou présumé |
Agriculture, sylviculture et pêche (1) |
Viticulteurs utilisant des insecticides à l’arsenic |
Poumon, peau |
Composés arsenicaux |
|
Pêcheurs |
Peau, lèvres |
Rayonnement ultraviolet |
Industries extractives (2) |
Extraction d’arsenic |
Poumon, peau |
Composés arsenicaux |
|
Extraction de minerai de fer (hématite) |
Poumon |
Produits de décomposition du radon |
|
Extraction d’amiante |
Poumon, mésothéliome pleural et péritonéal |
Amiante |
|
Extraction d’uranium |
Poumon |
Produits de décomposition du radon |
|
Extraction et bocardage du talc |
Poumon |
Talc contenant des fibres asbestiformes |
Industrie chimique (35) |
Travailleurs de la production et utilisateurs de bis(chlorométhyl)éther (BCME) et de chlorométhylméthyléther (CMME) |
Poumon (microcytome) |
BCME, CMME |
|
Production de chlorure de vinyle |
Angiosarcome hépatique |
Chlorure de vinyle monomère |
|
Fabrication d’isopropanol (procédé à l’acide fort) |
Fosse nasale |
Non identifié |
|
Production de chromate et pigments |
Poumon, fosse nasale |
Composés du chrome VI |
Fabricants et utilisateurs de teintures |
Vessie |
Benzidine, 2-naphthylamine, 4-aminobiphényle |
|
|
Fabrication d’auramine |
Vessie |
Auramine et autres amines aromatiques utilisées au cours de la fabrication |
Production de p-chloro-o-toluidine |
Vessie |
p-chloro-o-toluidine et ses sels d’acides forts |
|
Industrie du cuir (324) |
Fabrication de chaussures et de bottes |
Fosse nasale, leucémie |
Poussière de cuir, benzène |
Bois et ouvrages en bois (33) |
Ebénistes et menuisiers en meubles |
Fosse nasale |
Poussière de bois |
Production de pesticides et d’herbicides (3512) |
Production et conditionnement d’insecticides arsenicaux |
Poumon |
Composés arsenicaux |
Industrie du caoutchouc (355) |
Fabrication de caoutchouc |
Leucémie, vessie |
Benzène |
|
Calandrage, vulcanisation de pneus, fabrication de pneus |
Leucémie |
Benzène |
|
Broyeurs, mélangeurs |
Vessie |
Amines aromatiques |
|
Production de latex synthétique, vulcanisation de pneus, conducteurs de calandres, régénération du caoutchouc, fabricants de câbles |
Vessie |
Amines aromatiques |
|
Production de feuilles de caoutchouc |
Leucémie |
Benzène |
Production d’amiante (3699) |
Production de matériaux d’isolation (tuyaux et conduites, plaques d’amiante, textiles, vêtements, masques, produits amiantés) |
Poumon, mésothéliome pleural et péritonéal |
Amiante |
Métaux (37) |
Production d’aluminium |
Poumon, vessie |
Hydrocarbures aromatiques polycycliques, goudron |
|
Fonderie de cuivre |
Poumon |
Composés arsenicaux |
|
Production de chromate, placage de chrome |
Poumon, fosse nasale |
Composés du chromeVI |
|
Métallurgie, aciérie |
Poumon |
Non identifié |
|
Raffinage de nickel |
Fosse nasale, poumon |
Composés du nickel |
|
Opérations de décapage |
Larynx, poumon |
Brouillards d’acides minéraux forts contenant de l’acide sulfurique |
|
Production et raffinage de cadmium; fabrication de piles et batteries nickel-cadmium; fabrication de pigment cadmium; production d’alliages du cadmium; placage par électrolyse; fondeurs de zinc; brasage et composition du poly(chlorure de vinyle) |
Poumon |
Cadmium et composés du cadmium |
|
Raffinage et usinage du béryllium; fabrication de produits contenant du béryllium |
Poumon |
Béryllium et composés du béryllium |
Construction navale, construction de véhicules automobiles et de matériel ferroviaire (385) |
Travailleurs des chantiers navals et de la production de véhicules automobiles et de matériel ferroviaire |
Poumon, mésothéliome pleural et péritonéal |
Amiante |
Gaz (4) |
Travailleurs des cokeries |
Poumon |
Benzo(a)pyrène |
|
Travailleurs du gaz |
Poumon, vessie, scrotum |
Produits de la carbonisation du charbon, 2-naphthylamine |
|
Personnel travaillant sur les cornues à gaz |
Vessie |
Amines aromatiques |
Bâtiment et travaux publics (5) |
Isolateurs et calorifugeurs de tuyaux et conduites |
Poumon, mésothéliome pleural et péritonéal |
Amiante |
|
Couvreurs, travailleurs de l’asphalte |
Poumon |
Hydrocarbures aromatiques polycycliques |
Autres |
Personnel médical (9331) |
Peau, leucémie |
Rayonnements ionisants |
|
Peintres (construction, industrie automobile et autres utilisateurs) |
Poumon |
Non identifié |
Branche d’activité (code de la CITI) |
Profession//type d’activité |
Localisation/type du cancer |
Agent causal connu ou présumé |
Agriculture, sylviculture et pêche (1) |
Exploitants et travailleurs agricoles |
Système lymphatique et hématopoïétique (leucémie, lymphome) |
Non identifié |
|
Epandage d’herbicides |
Lymphomes malins, sarcomes des tissus mous |
Herbicides chlorophénoxylés, chlorophénols (vraisemblablement contaminés par des dibenzodioxines polychlorées) |
|
Epandage d’insecticides |
Poumon, lymphome |
Insecticides non arsenicaux |
Industries extractives (2) |
Extraction de zinc-plomb |
Poumon |
Produits de filiation du radon |
|
Charbon |
Estomac |
Poussière de charbon |
Extraction de métaux |
Poumon |
Silice cristalline |
|
|
Extraction d’amiante |
Tractus gastro-intestinal |
Amiante |
Industrie alimentaire (3111) |
Bouchers et travailleurs de la viande |
Poumon |
Virus, HAP1 |
Industrie des boissons (3131) |
Brasseurs de bière |
Voies aéro-digestives supérieures |
Consommation d’alcool |
Industrie textile (321) |
Teinturiers |
Vessie |
Teintures |
|
Tisserands |
Vessie, sinus nasal, bouche |
Poussières de fibres et de fils |
Industrie du cuir (323) |
Tanneurs, peaussiers et mégissiers |
Vessie, pancréas, poumon |
Poussière de cuir, autres produits chimiques, chrome |
|
Fabrication et réparation de chaussures et de bottes |
Sinus nasal, estomac, vessie |
Non identifié |
Bois et ouvrages en bois (33), industrie du papier et de la pâte à papier (341) |
Bûcherons et travailleurs des scieries |
Fosse nasale, lymphome hodgkinien, peau |
Poussières de bois, chlorophénols, |
|
Travailleurs des fabriques de papier et de pâte à papier |
Tissu lymphopoïétique, poumon |
Non identifié |
|
Charpentiers, menuisiers |
Fosse nasale, lymphome hodgkinien |
Poussière de bois, solvants |
|
Travailleurs du bois, non spécifiés |
Lymphomes |
Non identifié |
|
Production de contreplaqué et de panneaux de particules |
Rhinopharynx, sinus nasal |
Formaldéhyde |
Imprimerie (342) |
Travailleurs des rotatives, relieurs, travailleurs des presses d’imprimerie, des salles de machines et autres |
Système lymphocytaire et hématopoïétique, cavité buccale, poumon, rein |
Huile en brouillard, solvants |
Industrie chimique (35) |
Production de 1,3-butadiène |
Système lymphocytaire et hématopoïétique |
1,3-Butadiène |
|
Production d’acrylonitrile |
Poumon, côlon |
Acrylonitrile |
|
Production de chlorure de vinylidène |
Poumon |
Chlorure de vinylidène (exposition combinée à l’acrylonitrile) |
Fabrication de l’alcool isopropylique (procédé à l’acide fort) |
Larynx |
Non identifié |
|
|
Production de polychloroprène |
Poumon |
Chloroprène |
|
Production de sulfate de diméthyle |
Poumon |
Sulfate de diméthyle |
|
Production d’épichlorhydrine |
Poumon, système lymphatique et hématopoïétique (leucémie) |
Epichlorhydrine |
|
Production d’oxyde d’éthylène |
Système lymphatique et hématopoïétique (leucémie), estomac |
Oxyde d’éthylène |
|
Production de dibromure d’éthylène |
Système digestif |
Dibromure d’éthylène |
|
Production de formaldéhyde |
Rhinopharynx, sinus nasal |
Formaldéhyde |
|
Utilisation de retardants et de plastifiants |
Peau (mélanome) |
PCB3 |
Production de chlorure de benzoyle |
Poumon |
Chlorure de benzoyle |
|
Production d’herbicides (3512) |
Production d’herbicides chlorophénoxylés |
Sarcome des tissus mous |
Herbicides chlorophénoxylés, chlorophénols (contaminés par des dibenzodioxines polychlorées) |
Pétrole (353) |
Raffinage du pétrole |
Peau, leucémie, encéphale |
Benzène, HAP, huiles minérales peu ou non raffinées |
Caoutchouc (355) |
Différentes professions de la production de caoutchouc |
Lymphome, myélome multiple, estomac, encéphale, poumon |
Benzène, MOCA2, autres non identifiés |
Production de caoutchouc au styrène-butadiène |
Système lymphatique et hématopoïétique |
1,3-Butadiène |
|
Céramique, verre et briques réfractaires (36) |
Travailleurs de la céramique et des grès |
Poumon |
Silice cristalline |
|
Travailleurs du verre (verrerie d’art, verre creux et verre moulé) |
Poumon |
Arsenic et autres oxydes métalliques, silice, HAP |
Production d’amiante (3699) |
Production de matériaux d’isolation (tuyaux et conduites, plaques d’amiante, textiles, vêtements, masques, produits amiantés) |
Larynx, tractus gastro-intestinal |
Amiante |
Métaux (37, 38) |
Fonderie de plomb |
Voies respiratoires et digestives |
Composés de plomb |
|
Production et raffinage de cadmium; fabrication de piles et batteries nickel-cadmium; fabrication de pigment cadmium; production d’alliages du cadmium; placage par électrolyse; fonderie de zinc; brasage et composition du poly(chlorure de vinyle) |
Prostate |
Cadmium et composés du cadmium |
|
Métallurgie du fer et de l’acier |
Poumon |
Silice cristalline |
Construction navale (384) |
Travailleurs des chantiers navals |
Larynx, système digestif |
Amiante |
Construction de véhicules automobiles (3843, 9513) |
Mécaniciens, soudeurs, etc. |
Poumon |
HAP, vapeurs de soudure, gaz d’échappement de moteurs |
Electricité (4101, 9512) |
Production, distribution, réparation |
Leucémie, tumeurs de l’encéphale |
Champs magnétiques de très basse fréquence |
|
|
Foie, voies biliaires |
BPC3 |
Construction (5) |
Isolateurs et calorifugeurs de tuyaux et conduites |
Larynx, tractus gastro-intestinal |
Amiante |
|
Couvreurs, travailleurs de l’asphalte |
Bouche, pharynx, larynx, sophage, estomac |
HAP, goudron et brai de houille |
Transport (7) |
Cheminots, pompistes, chauffeurs d’autobus et de poids lourds, conducteurs d’engins |
Poumon, vessie |
Gaz d’échappement de moteurs diesel |
|
|
Leucémie |
Champs magnétiques de très basse fréquence |
Autres |
Pompistes (6200) |
Leucémie et lymphome |
Benzène |
|
Chimistes et autres travailleurs de laboratoire (9331) |
Leucémie et lymphome, pancréas |
Non identifié (virus, produits chimiques) |
|
Embaumeurs, personnel médical (9331 |
Sinus nasal, rhinopharynx |
Formaldéhyde |
|
Travailleurs de santé (9331) |
Foie |
Virus de l’hépatite B |
|
Blanchisseurs et teinturiers (9520) |
Poumon, sophage, vessie |
Tri-et tétrachloroéthylène et tétrachlorure de carbone |
|
Coiffeurs (9591) |
Vessie, leucémie et lymphome |
Teintures capillaires, amines aromatiques |
|
Peintres de cadrans au radium |
Sein |
Radon |
1 HAP = Hydrocarbures aromatiques polycycliques.
2 MOCA = 4,4’-Méthylènebis(2-chloroaniline).
3 BPC = Biphényles polychlorés.
Le tableau 2.11 présente les branches dactivité, les professions et les expositions dans lesquelles on estime que le risque cancérogène est établi, et le tableau 2.12 indique les procédés industriels, les professions et les expositions pour lesquels un risque excessif a été signalé, mais pour lesquels les indications nont pas été jugées suffisantes ou définitives. On trouvera également au tableau 2.12 un certain nombre de professions et de branches dactivité figurant déjà au tableau 2.11 et pour lesquelles on dispose dindications suggérant une association à des cancers autres que ceux mentionnés au tableau 2.11, mais qui ne sont pas probantes. Par exemple, lindustrie de production de lamiante figure au tableau 2.11, en ce qui concerne le cancer du poumon et le mésothéliome pleural et péritonéal, et elle figure aussi au tableau 2.12, en ce qui concerne les tumeurs gastro-intestinales. Un certain nombre de branches dactivité et de professions énumérées aux tableaux 2.11 et 2.12 ont également été évaluées au titre du programme de monographies du CIRC. Par exemple, «lexposition professionnelle à des brouillards dacides minéraux forts contenant de lacide sulfurique» a été classée dans le groupe 1 (cancérogène pour lhumain).
La tâche consistant à établir et à interpréter ces listes dagents physiques ou chimiques cancérogènes et à les associer à des professions ou à des branches dactivité particulières est compliquée par un certain nombre de facteurs: 1) les informations concernant les procédés industriels et les expositions sont souvent de médiocre qualité et ne permettent pas de procéder à une évaluation complète de limportance des agents cancérogènes spécifiques dans différentes professions ou branches dactivité; 2) les expositions à des cancérogènes bien connus, comme le chlorure de vinyle et le benzène, ont lieu à des intensités différentes dans des situations professionnelles différentes; 3) lexposition varie dans le temps dans une situation professionnelle donnée soit parce que des agents cancérogènes reconnus comme tels sont remplacés par dautres agents, soit (le plus fréquemment) en raison de lintroduction de nouveaux procédés ou matériaux industriels; 4) toute liste dexpositions professionnelles ne peut faire référence quà un nombre relativement limité dexpositions chimiques ayant fait lobjet détudes sur la présence dun risque cancérogène.
Toutes les questions soulevées plus haut mettent en lumière la limite la plus importante de toute classification de ce type et, notamment, sa généralisation à toutes les régions du monde: la présence dun cancérogène dans une situation professionnelle nimplique pas forcément que les travailleurs y sont exposés et, à linverse, labsence de cancérogènes identifiés comme tels ne peut exclure la présence de causes encore non élucidées de cancer.
Un problème qui touche particulièrement les pays en développement est le fait que la plupart des activités industrielles sont fragmentées et se déroulent dans des lieux de travail isolés. Ces petites industries sont souvent caractérisées par des installations anciennes, des bâtiments en mauvais état, une main-duvre dune formation et dun niveau dinstruction limités et des employeurs aux ressources insuffisantes. Les vêtements de protection, les respirateurs, les gants et autres équipements de sécurité sont rarement disponibles ou utilisés.
Les petites entreprises sont en général géographiquement disséminées et souvent inaccessibles pour les équipes dinspection des organismes chargés de contrôler lapplication des règlements de sécurité et de santé.
Le cancer est une maladie fréquente dans tous les pays. La probabilité quune personne soit atteinte dun cancer à lâge de 70 ans, compte tenu de la survie jusquà cet âge, varie entre 10 et 40% pour les deux sexes. En moyenne, dans les pays développés, une personne sur cinq décédera dun cancer. Cette proportion est denviron une personne sur quinze dans les pays en développement. Dans cet article, les cancers environnementaux sont définis comme des cancers causés (ou prévenus) par des facteurs non génétiques, y compris les comportements humains, les habitudes, le mode de vie et des facteurs extérieurs sur lesquels les individus nont aucun contrôle. Une définition plus restrictive des cancers environnementaux est parfois employée, qui ne comprend que les effets de facteurs comme la pollution de lair et de leau et les déchets industriels.
Les variations entre différentes régions des taux dincidence de types particuliers de cancers peuvent être beaucoup plus grandes que pour le cancer dans son ensemble. Les variations connues de lincidence des cancers les plus fréquents sont résumées au tableau 2.13. Cest ainsi que lincidence du carcinome du rhinopharynx, par exemple, est cinq cents fois plus grande en Asie du Sud-Est quen Europe. Cette large amplitude de la fréquence des différents cancers a conduit à la conclusion que la majeure partie des cancers humains est imputable à des facteurs environnementaux. Il a été avancé notamment que le taux le plus faible que lon observe dans une population constitue le taux minimum, et peut-être spontané, de la maladie en labsence de facteurs causals. Ainsi, la différence entre le taux dincidence dun cancer dans une population donnée et le taux minimum observé pour nimporte quelle population constitue une estimation du taux de cancer imputable à des facteurs environnementaux dans la population donnée. A partir de là, on a estimé de façon très approximative que 80 à 90% de tous les cancers humains sont provoqués par des facteurs environnementaux (CIRC, 1990).
Cancer (code de la CIM-9) |
Zones d’incidence élevée |
TC2 |
Zones de faible incidence |
TC2 |
Amplitude de la variation |
Cavité buccale (143-5) |
France, Bas-Rhin |
2 |
Singapour (Malais) |
0,02 |
80 |
Rhinopharynx (147) |
Hong-kong |
3 |
Pologne, Varsovie (ruraux) |
0,01 |
300 |
sophage (150) |
France, Calvados |
3 |
Israël (Juifs nés en Israël) |
0,02 |
160 |
Estomac (151) |
Japon, Yamagata |
11 |
Etats-Unis, Los Angeles (Philippins) |
0,3 |
30 |
Côlon (153) |
Etats-Unis, Hawaii (Japonais) |
5 |
Inde, Madras |
0,2 |
30 |
Rectum (154) |
Etats-Unis, Los Angeles (Japonais) |
3 |
Koweït (non-Koweïtiens) |
0,1 |
20 |
Foie (155) |
Thaïlande, Khon Khaen |
11 |
Paraguay, Asunción |
0,1 |
110 |
Pancréas (157) |
Etats-Unis, comté d’Alameda (Californie) (Noirs) |
2 |
Inde, Ahmedabad |
0,1 |
20 |
Poumon (162) |
Nouvelle-Zélande (Maoris) |
16 |
Mali, Bamako |
0,5 |
30 |
Mélanome cutané (172) |
Australie, Territoire de la capitale fédérale |
3 |
Etats-Unis, Bay Area (Californie) (Noirs) |
0,01 |
300 |
Autres cancers cutanés (173) |
Australie, Tasmanie |
25 |
Espagne, Pays basque |
0,05 |
500 |
Sein (174) |
Etats-Unis, Hawaii (Hawaiiens) |
12 |
Chine, Qidong |
1,0 |
10 |
Col utérin (180) |
Pérou, Trujillo |
6 |
Etats-Unis, Hawaii (Chinois) |
0,3 |
20 |
Corps utérin (182) |
Etats-Unis, comté d’Alameda (Californie) (Blancs) |
3 |
Chine, Qidong |
0,05 |
60 |
Ovaire (183) |
Islande |
2 |
Mali, Bamako |
0,09 |
20 |
Prostate (185) |
Etats-Unis, Atlanta (Noirs) |
12 |
Chine, Qidong |
0,09 |
140 |
Vessie (188) |
Italie, Florence |
4 |
Inde, Madras |
0,2 |
20 |
Rein (189) |
France, Bas-Rhin |
2 |
Chine, Qidong |
0,08 |
20 |
1 Données provenant de registre du cancer collaborant avec le CIRC, 1992. Seules sont indiquées dans les zones d’incidence de cancer dont les taux cumulés sont supérieurs ou égaux à 2%. Ces taux concernent les hommes, sauf pour les cancers du sein, du col et du corps utérins et de l’ovaire.
2 Taux cumulés en % entre 0 et 74 and d’âge.
Source : Parkin et coll., 1992.
Il existe, bien sûr, dautres explications pour les variations géographiques de lincidence du cancer. Le sous-enregistrement du cancer dans certaines populations peut exagérer lamplitude de la variation, mais ne saurait expliquer des différences de lordre de celles illustrées au tableau 2.13. Les facteurs génétiques peuvent aussi savérer importants. On a cependant observé que lorsque des populations migrent dans un pays avec un taux dincidence de cancer différent de celui de leur pays dorigine, elles acquièrent souvent un taux de cancer intermédiaire entre le taux de leur pays dorigine et celui du pays daccueil. Cela donne à penser quun changement denvironnement, sans changement génétique, a modifié le taux dincidence. Par exemple, lorsque des Japonais émigrent aux Etats-Unis, leurs taux de cancers du côlon et du sein, faibles au Japon, augmentent, tandis que leur taux de cancer de lestomac, élevé au Japon, diminue, et ces trois taux tendent à se rapprocher très étroitement des taux existant aux Etats-Unis. Ces changements peuvent attendre la première génération postimmigration pour se faire sentir, mais ils interviennent quand même en labsence de changements génétiques. Pour certains cancers, lémigration nengendre pas de changements. Par exemple, les Chinois du Sud conservent leur taux élevé de cancer du rhinopharynx quel que soit lendroit où ils vivent, ce qui semble indiquer que, dans ce cas, des facteurs génétiques, ou certaines coutumes ou habitudes culturelles peu modifiées par la migration, sont responsables de la maladie.
Lobservation des tendances temporelles fournit aussi des indications sur le rôle des facteurs environnementaux dans lincidence du cancer chez lhumain. Le changement le plus notable et le plus spectaculaire que lon ait observé est laugmentation des taux de cancer du poumon chez les hommes comme chez les femmes, parallèlement à la consommation de tabac, mais survenant vingt à trente ans après le début de cette consommation, constatation faite dans de nombreuses parties du monde; plus récemment, dans quelques pays comme les Etats-Unis, certaines constatations semblent indiquer une baisse des taux de cancers bronchiques, faisant suite à une réduction de la consommation de tabac. En revanche, ce que lon comprend moins, ce sont les baisses marquées de lincidence de cancers, comme ceux de lestomac, de lsophage et du col utérin, observées parallèlement au développement économique de nombreux pays. Il serait toutefois difficile dexpliquer ces diminutions autrement que par une réduction de lexposition à des facteurs causals dans lenvironnement ou, peut-être, par une augmentation de lexposition à des facteurs protecteurs, environnementaux eux aussi.
Limportance des facteurs environnementaux comme causes du cancer humain a été démontrée en outre par des études épidémiologiques établissant un rapport de cause à effet entre certains agents et certains cancers. Les principaux agents identifiés à ce jour sont énumérés au tableau 2.10. Ce tableau nindique pas les médicaments pour lesquels un lien de cause à effet a été démontré (comme le diéthylstilboetrol et plusieurs agents alcoylants) ou est présumé (comme le cyclophosphamide) (voir aussi tableau 2.9). Pour ces agents, il faut mettre en balance le risque de cancer et les avantages du traitement. De même, le tableau 2.10 ne mentionne pas les agents auxquels on sexpose principalement en milieu professionnel, comme le chrome, le nickel et les amines aromatiques. Pour une analyse détaillée de ces agents, voir le précédent article «Les cancérogènes professionnels». Limportance relative des agents énumérés au tableau 2.10 varie grandement, selon la puissance de lagent et le nombre de personnes concernées. Le programme de monographies du CIRC comporte une évaluation des indications de cancérogénicité de plusieurs agents environnementaux (CIRC, 1995) (voir à nouveau «Les cancérogènes professionnels» au sujet du programme de monographies du CIRC); le tableau 2.10 se base essentiellement sur les évaluations du programme de monographies du CIRC. Les agents les plus importants de la liste du tableau 2.10 sont ceux auxquels une partie substantielle de la population est exposée à des quantités relativement grandes. Il sagit notamment des agents suivants: rayonnement ultraviolet (solaire); fumée de tabac; consommation dalcool; mastication de bétel; virus de lhépatite B, de lhépatite C et du papillome humain; aflatoxines; et, dune façon moins certaine, les graisses alimentaires, les fibres alimentaires, les carences en vitamines A et C, une première grossesse tardive et lamiante.
On a tenté de calculer la responsabilité relative de ces facteurs dans les 80 à 90% des cancers que lon peut imputer à des facteurs environnementaux. La répartition varie évidemment dune population à une autre suivant les différences dans lexposition et, peut-être, dans la prédisposition génétique à différents cancers. Dans de nombreux pays industriels, il est cependant probable que le tabagisme et les facteurs alimentaires sont, chacun, responsables denviron un tiers des cancers dorigine environnementale (Doll et Peto, 1981); par contre, dans les pays en développement, il est probable que les agents biologiques jouent un plus grand rôle et le tabac un rôle relativement faible (quoique en hausse, à la suite de la récente augmentation de la consommation de tabac dans ces populations).
Un autre aspect à prendre en considération est la présence dinteractions entre cancérogènes. Ainsi, par exemple, dans le cas du tabac et de lalcool par rapport au cancer de lsophage, il a été établi quune consommation accrue dalcool multiplie le taux de cancer produit par une consommation de tabac donnée. Lalcool lui-même peut faciliter le transport des cancérogènes du tabac, ou dautres substances, à lintérieur de cellules ou de tissus qui y sont sensibles. On peut également observer cette interaction multiplicatrice entre des cancérogènes initiateurs, comme entre le radon et ses produits de décomposition et la fumée de tabac chez les mineurs duranium. Certains agents environnementaux peuvent agir par la promotion de cancers initiés par un autre agent il sagit du mécanisme le plus probable de leffet supposé de la graisse alimentaire sur le développement du cancer du sein (probablement par une production accrue dhormones stimulant le sein). Linverse peut également arriver, par exemple dans le cas de la vitamine A qui a probablement un effet antipromoteur sur le cancer du poumon et peut-être sur dautres cancers provoqués par le tabac. Des interactions semblables peuvent également avoir lieu entre des facteurs environnementaux et des facteurs constitutionnels. En particulier, le polymorphisme génétique de certaines enzymes intervenant dans le métabolisme dagents cancérogènes ou dans la réparation de lADN entre probablement pour une bonne part dans la sensibilité individuelle aux effets des cancérogènes environnementaux.
Limportance des interactions entre cancérogènes, du point de vue de la lutte contre le cancer, tient à ce que lélimination de lexposition à lun des deux (ou plusieurs) facteurs dont linteraction est cancérogène peut aboutir à une réduction plus grande de lincidence du cancer que ce que lon pourrait prédire en ne considérant que leffet de lagent agissant seul. Ainsi, par exemple, la suppression des cigarettes peut éliminer presque entièrement les taux excessifs de cancers du poumon chez les travailleurs de lamiante (mais les taux de mésothéliome ne seraient pas affectés).
La constatation que les facteurs environnementaux sont respon-sables dun pourcentage important des cancers humains a permis de fonder la prévention primaire du cancer sur une modification de lexposition aux facteurs identifiés. Cette modification peut comporter lélimination dun cancérogène majeur; la réduction, comme mentionné plus haut, de lexposition à lun des cancérogènes agissant ensemble; laugmentation de lexposition à des agents protecteurs; ou une combinaison de ces approches. Si une partie de ces interventions peut se faire par la régulation de lenvironnement à léchelle de la communauté concernée, par exemple au moyen de la législation sur lenvironnement, limportance apparente des facteurs liés au mode de vie donne à penser quune large part de la prévention primaire demeurera du ressort de la responsabilité individuelle. Les gouvernements peuvent, bien sûr, créer un climat dans lequel il sera plus facile aux individus de prendre la bonne décision.
Les expositions professionnelles ne représentent quune faible proportion du nombre total des cancers dans lensemble de la population. Il a été estimé que 4% de tous les cancers peuvent être imputés aux expositions professionnelles, daprès des chiffres en provenance des Etats-Unis, avec une fourchette dincertitude de 2 à 8%. Cela signifie que même une prévention totale des cancers liés aux expositions professionnelles ne se traduirait que par une réduction marginale des taux de cancer au niveau national.
Cependant, pour diverses raisons, cela ne doit pas décourager les efforts déployés pour prévenir les cancers dorigine professionnelle. Premièrement, cette estimation de 4% est un chiffre moyen pour la population entière, incluant des personnes non exposées. Parmi les personnes effectivement exposées à des cancérogènes professionnels, la proportion des tumeurs imputables à lexposition professionnelle est beaucoup plus élevée. Deuxièmement, les expositions professionnelles sont des dangers évitables auxquels les individus sexposent de façon involontaire. Un individu ne devrait pas être obligé daccepter de courir un risque de cancer supérieur à la normale, quelle que soit sa profession, et spécialement si la cause est connue. Troisièmement, les cancers dorigine professionnelle peuvent être prévenus par la réglementation, ce qui nest pas le cas pour les cancers liés à des facteurs relevant du mode de vie.
La prévention des cancers dorigine professionnelle passe par deux étapes au moins: tout dabord, lidentification dun composé ou dun environnement professionnel particuliers comme étant cancérogènes; ensuite, limposition de contrôles réglementaires appropriés. Les principes et lapplication pratique des contrôles réglementaires des risques cancérogènes présumés ou connus dans le milieu de travail varient considérablement, non seulement selon les régions du monde, développées ou non, mais aussi entre pays de développement socio-économique comparable.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) procède à la compilation et à lévaluation systématiques des données épidémiologiques et expérimentales sur les cancérogènes reconnus ou présumés. Ces évaluations sont ensuite présentées dans une série de monographies qui servent de base pour déventuelles décisions quant aux réglementations nationales régissant la production et lemploi de composés cancérogènes (voir «Les cancérogènes professionnels» ci-dessus).
Lhistoire des cancers professionnels remonte au moins à 1775, année où Percival Pott publia son rapport désormais classique sur le cancer du scrotum chez les ramoneurs londoniens, liant exposition à la suie et incidence du cancer. Cette découverte eut un impact immédiat; en loccurrence, les ramoneurs dun certain nombre de pays eurent le droit de prendre un bain à la fin de leur journée de travail. Des études contemporaines indiquent que les cancers du scrotum et de la peau sont aujourdhui maîtrisés, même si les ramoneurs demeurent à risque accru pour plusieurs autres cancers.
Dans les années mille huit cent quatre-vingt-dix, une série de cas de cancers de la vessie ont été signalés dans une fabrique allemande de teinture par un chirurgien dun hôpital voisin. Les composés responsables ont ultérieurement été identifiés comme étant des amines aromatiques, qui figurent aujourdhui sur les listes de substances cancérogènes dans la plupart des pays. Parmi dautres exemples plus récents, on peut noter le cancer de la peau chez les peintres de cadrans dhorloges employant du radium; le cancer du nez et des sinus chez les travailleurs du bois, provoqué par linhalation des poussières de bois; et la «maladie des muletiers» chez les travailleurs de lindustrie du coton, cest-à-dire le cancer du scrotum provoqué par lexposition aux brouillards dhuiles minérales. La leucémie induite par exposition au benzène dans lindustrie de fabrication et de réparation des chaussures est un danger qui a été réduit après lidentification de cancérogènes sur le lieu de travail.
Sagissant du lien établi entre lexposition à lamiante et le cancer, cet historique illustre une situation où il y a eu un retard considérable entre lidentification du risque et les mesures de réglementation. Les résultats épidémiologiques indiquant une association entre lexposition à lamiante et un risque accru de cancer du poumon saccumulaient déjà dans les années trente. Des indications plus convaincantes sont apparues vers 1955, mais ce nest que vers le milieu des années soixante-dix que des mesures ont commencé à être prises en vue dune réglementation.
Lidentification des dangers associés au chlorure de vinyle est un exemple différent, où des mesures de réglementation ont rapidement été prises à la suite de lidentification du cancérogène. Dans les années soixante, la plupart des pays avaient adopté une valeur limite dexposition au chlorure de vinyle de 500 parties par million (ppm). En 1974, les premières informations faisant état dune fréquence accrue du cancer hépatique rare appelé angiosarcome chez les travailleurs exposés au chlorure de vinyle ont été suivies peu après détudes concordantes sur des animaux de laboratoire. Après que le chlorure de vinyle eut été identifié comme cancérogène, des mesures de réglementation furent prises pour abaisser rapidement la limite dexposition au niveau actuel de 1 à 5 ppm.
Les méthodes employées dans les exemples décrits plus haut vont de lobservation par des médecins perspicaces de séries de cas de maladie à des études épidémiologiques plus formelles, cest-à-dire à la recherche du taux de maladie (cancer) chez lhumain. Les résultats des études épidémiologiques sont particulièrement importants pour lévaluation des risques pour lhumain. Un inconvénient majeur de telles études est quune longue période, le plus souvent au moins quinze ans, est nécessaire pour être en mesure de démontrer et dévaluer les effets de lexposition à un cancérogène potentiel. Cela est insatisfaisant pour des fins de surveillance et dautres méthodes doivent être appliquées pour obtenir une évaluation plus rapide des substances nouvellement introduites. A cet effet, depuis le début du siècle, on utilise les études de cancérogénicité chez lanimal. Lextrapolation des résultats de lanimal à lhumain introduit toutefois un degré considérable dincertitude. Ces méthodes ont en outre, elles aussi, des limites liées au nombre important danimaux quil faut suivre sur plusieurs années.
Le besoin de disposer de méthodes donnant des résultats plus rapides a été en partie comblé en 1971, grâce au test dAmes (test de mutagénicité à court terme). Ce test utilise des bactéries pour mesurer lactivité mutagène dune substance donnée (sa capacité à provoquer des mutations irréparables dans le matériel génétique cellulaire, lADN). Une des difficultés de linterprétation de ce test bactérien réside dans le fait que les substances qui provoquent le cancer chez lhumain ne sont pas toutes mutagènes et que lon ne considère pas tous les mutagènes bactériens comme présentant un risque de cancer chez lhumain. Il nen demeure pas moins que la découverte quune substance est mutagène est le plus souvent considérée comme une indication quelle pourrait être cancérogène pour lhumain.
De nouvelles méthodes ont été mises au point en génétique et en biologie moléculaire ces quinze dernières années dans le but de déceler des risques de cancer pour lhumain. Cette discipline est dénommée «épidémiologie moléculaire». On y étudie les événements génétiques et moléculaires pour clarifier le processus de formation cancéreuse et élaborer ainsi des méthodes de détection précoce du cancer, ou des indications dun risque accru de cancer. Ces méthodes comprennent lanalyse des lésions subies par le matériel génétique et la formation de liens chimiques (des adduits) entre les polluants et le matériel génétique. La présence daberrations chromosomiques est un indicateur clair deffets sur le matériel génétique qui peuvent être associés au développement can- céreux. Il reste toutefois à établir le rôle que jouent les découvertes faites en épidémiologie moléculaire dans lévaluation du risque de cancer pour lhumain; des recherches sont en cours pour déterminer plus nettement la façon précise dont il faut interpréter les résultats de ces analyses.
Les stratégies de prévention des cancers dorigine professionnelle sont différentes de celles que lon applique aux cancers liés aux modes de vie ou aux expositions environnementales. Dans le domaine professionnel, la principale stratégie de lutte anticancéreuse consiste à réduire ou à éliminer totalement lexposition aux agents cancérogènes. Les méthodes fondées sur la détection précoce grâce aux programmes de dépistage, comme ceux que lon applique au cancer du col utérin ou à celui du sein, nont quune importance très limitée en médecine du travail.
Pour surveiller la fréquence du cancer dans différentes professions, on peut utiliser les données des registres de population portant sur les taux de cancer et les différentes professions. Plusieurs méthodes ont été employées pour obtenir ce type dinformations, selon les registres disponibles. Les limites et les pos- sibilités dépendent en grande partie de la qualité des informations des registres. Les informations sur le taux de maladie (la fréquence du cancer) sobtiennent le plus souvent dans les registres locaux ou nationaux du cancer (voir ci-dessous), ou à partir des certificats de décès, tandis que les informations concernant la composition par âge et la taille des groupes professionnels sont tirées des registres de population.
Lexemple classique de ce type dinformations est la publication régulière, au Royaume-Uni, des Decennial Supplements on Occupational Mortality depuis la fin du XIXe siècle. Ces publications utilisent les informations mentionnées sur les certificats de décès concernant les causes du décès et la profession, ainsi que les données de recensement sur la fréquence des professions dans la population totale pour calculer les taux de décès par cause spécifique dans différentes professions. Ce type de statistiques est un outil utile pour surveiller la fréquence du cancer dans les professions associées à un risque connu, mais leur utilité pour détecter des risques jusque-là inconnus est limitée. Ce genre dapproche peut aussi pâtir de difficultés liées aux différences systématiques dans le codage des professions employé sur les certificats de décès et dans les données de recensement.
Lutilisation de numéros didentification personnelle dans les pays nordiques a permis de relier les données de recensement sur les professions aux données denregistrement du cancer et de calculer directement les taux de cancer dans différentes professions. En Suède, un lien permanent entre les recensements de 1960 et de 1970 et les chiffres dincidence du cancer dans les années qui ont suivi a été mis à la disposition des chercheurs et a été utilisé dans un grand nombre détudes. Le registre suédois cancer-environnement a été utilisé pour une enquête générale sur certains cancers tabulés par profession. Cette enquête a été lancée par une commission gouvernementale étudiant les dangers liés au milieu de travail. Des liens de même type entre bases de données ont été établis dans les autres pays nordiques.
Généralement, les statistiques basées sur des données de recensement et dincidence de cancer recueillies systématiquement présentent lavantage de fournir facilement des informations en grande quantité. Cette source dinformation fournit des données sur la fréquence du cancer en fonction de la profession seulement, et non des expositions particulières. Cela tempère considérablement les associations, puisque lexposition peut grandement varier entre individus exerçant la même profession. Les études épidémiologiques menées sur des cohortes (où on compare la survenue de cancers dans un groupe de travailleurs exposés à celle dun groupe de travailleurs non exposés, appariés pour lâge, le sexe et dautres facteurs) ou de type cas-témoins (ou on compare lexpérience dexposition dun groupe de personnes atteintes dun cancer à celle dun échantillon de la population générale) offrent de meilleures possibilités dobtenir des descriptions détaillées de lexposition et, donc, de meilleures possibilités détudier la cohérence et la concordance de données dobservation indiquant une augmentation du risque, en permettant dexaminer, par exemple, les données concernant les tendances exposition-réponse éventuelles.
La possibilité dobtenir des données dexposition plus précises et des notifications de cancer réunies systématiquement a fait lobjet dune étude cas-témoins prospective au Canada. Elle a été mise sur pied dans lagglomération de Montréal en 1979. Les antécédents professionnels de travailleurs de sexe masculin ont été recueillis, tandis quils étaient inscrits au registre du cancer local; ces antécédents ont ensuite été codés selon lexposition à différents produits chimiques par des hygiénistes du travail. Plus tard, on a pu calculer et publier les risques de cancer concernant un certain nombre de substances (Siemiatycki, 1991).
En conclusion, la production continue de données de surveillance fondées sur des informations enregistrées fournit un moyen efficace et relativement facile de surveiller la fréquence du cancer par profession. Si le principal objectif recherché est de surveiller des facteurs de risque connus, la possibilité didentification de risques nouveaux est, par contre, limitée. Ces études ne devraient pas servir à établir des conclusions concernant labsence de risque dans une profession, à moins de connaître précisément la proportion des individus fortement exposés. Il arrive très fréquemment que seul un pourcentage relativement faible des membres dune profession soit effectivement exposé; pour ces in- dividus, le produit en question peut représenter un risque substantiel, mais qui ne sera pas observable (cest-à-dire qui sera statistiquement dilué) lorsquon analysera le groupe professionnel dans son ensemble comme groupe unique.
Le dépistage des cancers professionnels dans des populations exposées aux fins de diagnostic précoce est rarement mis en uvre, mais a été testé dans des secteurs où lexposition sest avérée difficile à éliminer. Cest ainsi que lon sest beaucoup intéressé aux méthodes de détection précoce du cancer du poumon chez les personnes exposées à lamiante. Avec les expositions à lamiante, un risque accru persiste pendant longtemps, même après la cessation de lexposition. Aussi lévaluation constante de létat de santé des individus exposés est-elle justifiée. On utilise pour ce faire des radiographies thoraciques et lexamen cytologique des expectorations. Malheureusement, dans des conditions comparables de test, ni lune ni lautre de ces méthodes ne réduit la mortalité de façon importante, même si elles permettent de déceler plus tôt certains cas. Lune des raisons en est que le pronostic du cancer du poumon est peu affecté par un diagnostic précoce. Un autre problème vient du fait que les radiographies thoraciques elles-mêmes constituent un risque de cancer qui, sil demeure faible pour lindividu, peut se révéler important lorsquil est appliqué à un grand nombre de personnes (cest-à-dire à tous les individus soumis à un dépistage).
Le dépistage a aussi été proposé pour le cancer de la vessie dans certaines professions, comme dans lindustrie du caoutchouc. Des recherches sur les altérations cellulaires dans lurine des travailleurs, ainsi que sur sa mutagénicité, ont été signalées. Cependant, lutilité de suivre les altérations cytologiques aux fins de dépistage dans la population a été remise en question et lutilité des tests de mutagénicité demande une évaluation scientifique plus poussée, la valeur pronostique dune mutagénicité urinaire accrue nétant pas connue.
Les jugements portés sur la valeur du dépistage dépendent aussi de lintensité de lexposition et, donc, de lampleur du risque de cancer prévu. Le dépistage pourrait être davantage justifié dans des petits groupes de population exposés à des niveaux élevés de cancérogènes que dans des groupes plus nombreux exposés à des niveaux plus faibles.
Pour résumer, on ne peut recommander aucune méthode particulière de dépistage des cancers professionnels sur la base des connaissances actuelles. Le développement de nouvelles techniques en épidémiologie moléculaire peut améliorer les perspectives de détection précoce du cancer, mais il faut réunir davantage dinformations avant de pouvoir tirer des conclusions dans ce domaine.
Tout au long de ce siècle, des registres du cancer ont été mis en place dans de nombreuses régions du monde. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) (1992) a rassemblé des données portant sur lincidence du cancer dans différentes régions du monde dans une série de publications intitulée Cancer Incidence in Five Continents. Le volume 6 de cette série présente 131 registres répartis dans 48 pays.
Deux caractéristiques principales déterminent lutilité potentielle dun registre du cancer: un périmètre dobservation bien défini (délimitant la zone géographique couverte) et la qualité et lexhaustivité des informations enregistrées. Nombre des registres établis il y a longtemps ne couvrent pas de zone géographique bien définie, mais sont limités au secteur desservi par un hôpital.
En matière de prévention des cancers professionnels, les registres présentent plusieurs avantages potentiels. Un registre complet, de couverture nationale et dont les informations recueillies sont de haute qualité, peut être un excellent moyen de surveiller lincidence du cancer dans la population. Cela nécessite laccès aux données démographiques pour calculer les taux de cancer standardisés pour lâge. Certains registres renferment aussi des informations sur la profession, ce qui facilite la surveillance des risques de cancer dans différentes professions.
Les registres peuvent également servir de source didentification des cas pour des études épidémiologiques de type cas-témoins ou de cohorte. Dans les études de cohorte, les données personnelles didentification de la cohorte sont couplées au registre pour obtenir des informations sur le type de cancer (comme dans les études couplées aux fichiers). Cela suppose lexistence dun système didentification fiable (comme les numéros personnels didentification dans les pays nordiques) et que les lois sur la confidentialité ninterdisent pas lutilisation du registre de cette façon. Dans les études cas-témoins, on peut utiliser le registre comme source de cas, bien que cette méthode ne soit pas exempte de difficultés. En premier lieu, les registres du cancer ne peuvent pas, pour des raisons méthodologiques, être tout à fait à jour quant aux cas récemment diagnostiqués. Le système de notification et les vérifications et corrections nécessaires des informations obtenues prennent un certain temps. Dans le cas des études cas-témoins prospectives ou concomitantes où il est souhaitable de contacter les individus eux-mêmes peu de temps après que le diagnostic de cancer a été établi, il est le plus souvent nécessaire de mettre au point un second mode didentification des cas, par exemple au moyen des dossiers hospitaliers. En deuxième lieu, les lois sur la confidentialité de certains pays interdisent lidentification de participants potentiels à létude et il faut alors les contacter personnellement.
Les registres sont aussi une excellente source permettant de calculer les taux de cancers dans la population générale afin de les comparer à ceux relevés dans les études de cohorte dans certaines professions ou branches dactivité.
Pour létude du cancer, les registres doncologie présentent plusieurs avantages par rapport aux registres de mortalité que lon trouve fréquemment dans de nombreux pays. La précision des diagnostics de cancer est souvent meilleure dans les registres du cancer que dans les registres de mortalité qui sappuient généralement sur les certificats de décès. Un autre avantage est que les registres du cancer renferment souvent des informations sur le type histologique de la tumeur, permettent létude de personnes vivant avec un cancer, sans se limiter aux personnes décédées. Enfin, et surtout, les registres contiennent des données de morbidité cancéreuse permettant létude de cancers qui ne sont pas rapidement mortels et/ou pas du tout mortels.
Il existe trois stratégies principales permettant de réduire les expositions professionnelles à des cancérogènes connus ou présumés: lélimination de la substance, la réduction de lexposition par la réduction des émissions ou par une meilleure ventilation et la protection individuelle des travailleurs.
On a longuement débattu du point de savoir sil existe un réel seuil dexposition cancérogène au-dessous duquel il ny a aucun risque. On suppose souvent que lon doit extrapoler le risque de façon linéaire en descendant jusquà un risque zéro à une exposition zéro. Si tel est bien le cas, aucune limite dexposition, si basse soit-elle, ne sera jamais sans aucun risque. Malgré cela, de nombreux pays ont défini des limites dexposition pour certaines substances cancérogènes, tandis que dautres nen ont fixé aucune.
Lélimination dun composé peut poser certains problèmes lors de sa substitution par dautres produits, dont la toxicité doit être inférieure à celle des substances quils remplacent.
Réduire lexposition à la source peut être relativement facile à accomplir en ce qui concerne les produits chimiques intermédiaires, par encapsulation et ventilation. Par exemple, lorsquon a découvert les propriétés cancérogènes du chlorure de vinyle, la limite dexposition a été divisée par cent et parfois au-delà dans certains pays. Bien que cette nouvelle norme ait été tout dabord considérée comme impossible à mettre en uvre par lindustrie, des techniques mises au point ultérieurement ont permis de la respecter. La réduction de lexposition à la source peut être difficile à appliquer à des substances utilisées dans des conditions moins contrôlées, ou qui se forment au cours du déroulement même du travail (par exemple, les gaz déchappement des moteurs). Le respect des limites dexposition demande une surveillance régulière des taux contenus dans lair ambiant respiré par les travailleurs.
Lorsquon ne peut contrôler lexposition ni par élimination, ni par réduction, il ne reste plus que lemploi déquipements de protection individuelle pour la minimiser. Ces équipements vont des masques à filtre aux casques à alimentation dair et aux vêtements de protection. Selon lexposition, on décidera de la protection appropriée. Toutefois, de nombreux équipements de protection individuelle entraînent un inconfort certain pour lutilisateur et les masques à filtre engendrent une résistance respiratoire qui peut être très importante dans les emplois exigeant un gros effort physique. Leffet protecteur des appareils respiratoires est généralement imprévisible et dépend de plusieurs facteurs, tels que la façon dont le masque est posé et adapté au visage de lutilisateur ou la fréquence de changement des filtres. Il faut considérer les vêtements de protection comme un pis-aller, à nutiliser que lorsque des formes plus efficaces de réduction de lexposition font défaut.
Il est frappant de constater le peu de recherches qui ont été entreprises pour évaluer limpact des programmes ou des stratégies de réduction des risques pour les travailleurs des expositions professionnelles connues pour être cancérogènes. A lexception peut-être de lamiante, peu dévaluations de ce genre ont été réalisées. Lélaboration de meilleures méthodes de lutte contre les cancers professionnels doit comporter une évaluation de la façon dont sont effectivement exploitées les connaissances actuelles.
Un meilleur contrôle des cancérogènes professionnels sur le lieu de travail exige le développement dun certain nombre de secteurs de la sécurité et de la santé au travail. Le processus didentification des risques constitue un préalable essentiel à la réduction des expositions aux cancérogènes sur le lieu de travail. A lavenir, lidentification des risques doit sattacher à résoudre certains problèmes méthodologiques. Des méthodes épidémiologiques plus affinées sont nécessaires si on veut déceler des risques plus faibles. Il faudra disposer de données dexposition plus précises à la fois sur la substance concernée et sur déventuelles expositions constituant autant de facteurs potentiels de confusion. Des méthodes plus précises qui permettent de déterminer la dose exacte de cancérogène ayant atteint lorgane cible spécifique augmenteront également la puissance des calculs exposition-réponse. Il nest pas rare, aujourdhui, demployer des substituts très grossiers de la mesure réelle de la dose reçue par lorgane cible, tels que le nombre dannées demploi dans la branche dactivité. Il est parfaitement clair que de telles estimations de dose sont grandement erronées lorsquelles sont substituées aux doses elles-mêmes. Lexistence dun rapport exposition-réponse est le plus souvent considérée comme une forte indication dun rapport étiologique. Or, linverse, cest-à-dire labsence de démonstration dun rapport exposition-réponse, ne constitue pas nécessairement lindication dune absence de risque, et dautant moins lorsquon utilise des mesures grossières de la dose reçue par lorgane cible. Si lon pouvait déterminer cette dose, les tendances réelles des rapports dose-réponse auraient dautant plus de poids comme indication dun rapport étiologique.
Lépidémiologie moléculaire est un domaine de recherche en pleine expansion. Les progrès dans ce domaine laissent espérer une meilleure compréhension des mécanismes de développement du cancer, et la possibilité dune détection précoce des effets cancérogènes conduira à la mise en place dun traitement également précoce. En outre, les indicateurs dune exposition cancérogène permettront une meilleure identification des risques nouveaux.
Lélaboration de méthodes de supervision et le contrôle réglementaire du milieu de travail sont aussi nécessaires que les méthodes didentification des risques. Les méthodes de contrôle réglementaire varient considérablement selon les pays et même parmi les pays occidentaux. Les systèmes de réglementation appliqués dans les différents pays dépendent en grande partie de facteurs sociopolitiques et de létat de la législation du travail. La réglementation des expositions toxiques est, à lévidence, une décision politique. Cependant, une étude objective des effets de différents types de systèmes réglementaires pourrait servir de guide aux politiques et autres décideurs.
Un certain nombre de questions de recherche spécifiques doivent aussi être traitées. Des méthodes permettant de décrire les effets escomptés du retrait dune substance cancérogène donnée, ou ceux de la réduction de lexposition à cette substance, doivent être élaborées (en dautres termes, il faut évaluer limpact des interventions). Le calcul de leffet préventif de la réduction du risque suscite certaines difficultés lorsquon étudie des substances qui interagissent entre elles (lamiante et le tabac, par exemple). Leffet préventif du retrait de lune des deux substances en interaction est relativement plus grand que le simple effet additif de ces deux substances.
Les conséquences de la théorie de la cancérogenèse pluriétapes sur leffet escompté du retrait dun cancérogène compliquent encore plus la situation. Cette théorie soutient que le développement du cancer est un processus faisant intervenir plusieurs événements cellulaires (étapes). Les substances cancérogènes peuvent agir à une étape précoce, ou tardive, ou aux deux. Par exemple, on pense que les rayonnements ionisants ont une action principalement précoce dans linduction de certains types de cancers, tandis que larsenic intervient principalement à des étapes tardives du développement du cancer du poumon. La fumée de tabac agit aux étapes précoces et tardives du processus cancérogène. Leffet du retrait dune substance intervenant à une étape précoce ne se traduirait que bien plus tard par une réduction du taux de cancer dans la population, alors que lélimination dun cancérogène daction tardive se traduirait par une réduction du taux de cancer au bout de quelques années seulement. Il sagit là dun point important à prendre en considération lorsquon procède à lévaluation des effets de programmes dintervention visant la réduction des risques cancérogènes.
Enfin, les effets de nouveaux facteurs de prévention ont récemment suscité beaucoup dintérêt. Ces dernières années, un grand nombre de rapports ont fait état de leffet préventif de la consommation de fruits et de légumes en ce qui concerne le cancer du poumon. Cet effet semble très constant et fort. Par exemple, il a été signalé que le risque de cancer du poumon chez les personnes consommant peu de fruits et de légumes était le double de celui des personnes qui en font une grande consommation. Ainsi, les futures études du cancer du poumon dorigine professionnelle auraient une précision et une validité plus grandes si on incluait dans lanalyse des informations concernant la consommation de fruits et de légumes.
En conclusion, améliorer la prévention des cancers professionnels passe, dune part, par de meilleures méthodes didentification des risques et, dautre part, par davantage de recherches sur les effets des contrôles réglementaires. En ce qui concerne lidentification des risques, les travaux épidémiologiques doivent sorienter vers une meilleure qualité des informations concernant lexposition et, dans le domaine expérimental, les résultats obtenus par les méthodes dépidémiologie moléculaire concernant les risques de cancer doivent être confirmés.